jeudi, 21 mars 2013
HERGE CONNAISSEUR DE COSINUS
UN ELEPHANTIASIS DU SCROTUM, PARTICULIEREMENT SPECTACULAIRE
(même si on ne sait pas au juste ce qu'est un scrotum, on le devine ici)
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Ceux qui, le 15 novembre dernier, sont venus lire mon petit billet du jour, savent qu’Hergé, pour être, d’une certaine manière un génie, ne méconnaissait pas pour autant ses grands prédécesseurs, en particulier le nommé Georges Colomb (pour l’état civil), alias Christophe, en toute modestie, son nom de plume. Ce professeur de sciences savait écrire, mais il savait tout aussi bien dessiner. Et cela dans un esprit de 'pataphysicien chevronné avant l'heure et de cousin putatif d'Alphonse Allais et de l'Alfred Jarry de La Chandelle verte et de Faustroll (« Tout est dans Faustroll », disait le T. S. (Transcendant Satrape) Boris Vian).
Ces drôles de dons lui ont permis d’enfanter quatre albums qui sont autant d’enchantements. Christophe y fait évoluer des personnages aussi improbables qu’inoubliables, et qui ont noms Fenouillard, Camember, Plick et Plock et Cosinus.
On sait donc, depuis le 15 novembre 2012, que le capitaine Haddock en boule de neige, quand il dévale une pente des Andes (Le Temple du soleil) pour s’écraser contre un rocher miraculeusement placé, est un gag trouvé par Hergé dans Les Malices de Plick et Plock, y compris les pieds qui dépassent.
Mais il n’y a pas que Plick et Plock. Il est temps en effet d’en venir à celui qui nous intéresse : Zéphyrin Brioché, plus tard connu sous le nom de Docteur Cosinus, qui, quand il donnait ses cours à la célèbre Ecole des Tabacs et Télégraphes, « ne manquait jamais de prendre son mouchoir pour le torchon, et réciproquement ».
Quand il était entre copains, d’humeur batailleuse, il aimait le moment de la « multiplication des pains », multiplications « généralement suivies de divisions, M. Brioché père se faisant un devoir d’appliquer à son fils la règle des compensations proportionnelles », en se servant d’une simple cravache en état de marche.
Sortant de Polytechnique, Zéphyrin Brioché, dit Cosinus, est donc devenu d’une distraction proverbiale. En grand habit de soirée, devant accompagner au bal deux parentes, il est retardé par un problème intéressant qui se présente inopinément à lui, et les laisse partir : « Partez devant ! Vous ne serez pas au pont Neuf que je vous aurai déjà rattrapées ».
C’est ainsi que, s’étant escrimé sur son tableau noir et ayant souillé de craie son bel habit, il voit ses cousines revenir du bal à 4 heures du matin. Excédé, il s’exclame, dans un épais nuage de poussière de craie : « Dieu que les femmes sont entêtées ! Allez donc toujours, puisque je vous dis que vous ne serez pas au pont Neuf que je vous aurai déjà rattrapées ! ».
Mais je ne vais pas reconstituer l’existence du grand distrait que fut le savant Cosinus. C’était juste pour rappeler quelques traits de l’inventeur de (cf. à g.) l’illustre « Anémélectroreculpédalicoupeventombrosoparacloucycle ». Car il s’est mis dans l’idée de faire le tour du monde. C’est son « Idée fixe » (le titre exact de ses aventures). Il ne quittera guère les environs de Paris, comme bien l’on se doute, malgré des tentatives réitérées.
En vue de l’une d’elles, il veut se procurer un vélocipède, mais il s’y prend de telle manière qu’il tombe à plat-ventre, du fait du chien Sphéroïde, sur la piste où roule déjà Madame Belazor. On le croit mort. Le docteur Letuber s’occupe de lui, essayant d’abord de le regonfler à coups de pompe à vélo, puis de cataplasmes brûlants, puis d’hydrothérapie, puis d’électrothérapie, puis de sérothérapie, puis de chatouillothérapie, et même de la Belazorthérapie (voir ci-dessous) : peine perdue.
Pour « se donner une contenance », Letuber s’approche du tableau noir de Cosinus et « change un signe dans une équation ». Bingo !!! « Feu Cosinus bondit : "Mais môsieu ! Ma formule est fausse maintenant !" ». Ainsi vient d’être inventée la mathématicothérapie, « qui devait rendre si célèbre le docteur Letuber ». Ainsi Cosinus ressuscite-t-il. C’est exactement à ce point que je voulais en venir.
ON VOIT, DERRIERE LE BOIS DE LIT, SCHOLASTIQUE INONDER SON MOUCHOIR.
Car Hergé n’a pas seulement lu Christophe : il s’en est inspiré ici ou là. Cette résurrection de Cosinus ressemble de bien près à deux "résurrections" du capitaine Haddock. L’une à la fin de On a Marché sur la lune : allongé sur un brancard, le capitaine est mis sous masque à oxygène, mais donne les plus vives inquiétudes. Un médecin rappelle qu’il « fut un grand buveur de whisky ». Aussitôt, le capitaine se dresse sur son séant en arrachant le masque et réclamant la boisson dont il vient d’entendre le nom.
L’autre résurrection a lieu à la page 32 du Temple du soleil, juste avant l’épisode de la boule de neige. Enseveli par l’avalanche qu’il a déclenchée en éternuant, le capitaine est retrouvé (grâce à Milou) le visage déjà violacé par l’asphyxie. Tintin trouve une topette de whisky dans sa poche revolver, la débouche. Le capitaine frétille du nez à cette odeur, il se dresse, arrache le flacon et le vide dans un seul élan. Le voilà sur pied, comme si de rien n’était.
On dira qu’une erreur ajoutée dans une équation mathématique n’a rien à voir avec du whisky. Certes. Mais la résurrection de Cosinus ne vous semble-t-elle pas, malgré l'hétérogène des contextes et des motifs, cousine de celle du capitaine ?
Il y a fort à parier que l’idée de résurrection fut soufflée à Hergé par le Cosinus de Christophe.
Voilà ce que je dis, moi.
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lundi, 18 mars 2013
LE PETIT ZACHEE 2/2
MRS VIOLET, DONT UNE DES DEUX MOITIÉS FUT MONTÉE A L'ENVERS
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Je finissais la note précédente sur le portrait, par Hoffmann, de Zachée, surnommé Cinabre, le monstre indescriptible inventé par son génie. Notez que le personnage inimaginable imaginé par Hoffmann est le commentaire qu'il fallait pour commenter en quelque sorte la série de photos que je publie en en-tête de mes billets, depuis le 27 février, et qui a débuté avec l'extraordinaire et bien nommée extratête du Mexicain Pascual Pinon. Revenons à Zachée-Cinabre.
Le malheur qui explique cette conjonction catastrophique et caricaturale (hideur + méchanceté + vanité crevant de concert le plafond de l'imaginable) veut que la fée Rosabelverde (chanoinesse Rosenschön) soit passée sur la route où la vieille et pauvre Lise se lamentait sur son sort et la malédiction qui lui avait valu de donner le jour à un monstre.
UNE DES PREMIERES EDITIONS DE "KLEIN ZACHES"
(à droite, on voit les ailes de la fée et le peigne dont elle coiffe l'horrible créature)
La fée prend pitié et, pendant que la mère pique un opportun roupillon, cajole l’être invraisemblable en lui caressant la tête, le dotant soudain d’une magnifique chevelure blonde et bouclée. Le malheur, ensuite, veut évidemment que Zachée arrive dans la ville de Kerepes, où vivent tous les gens déjà cités.
Et c’est là qu’intervient le génie de Hoffmann, une idée proprement extraordinaire. L’amoureux Balthasar, invité à une soirée chez le maître Mosch Terpin, lit son poème qui « chantait les amours du Rossignol pour la Rose purpurine », transparent pour qui connaît ses sentiments pour Candida. Mais quelle n’est pas sa stupéfaction quand, à la fin de la lecture, toute l’assemblée se précipite autour du « jeune seigneur Cinabre » (qui n’est autre que le monstre Zachée) pour le féliciter et le remercier pour la beauté du poème et de sa prestation, au-delà de tout éloge.
Voici l'explication : Zachée, surnommé Cinabre, a reçu de sa fée protectrice le don de détourner sur sa personne et à son seul profit toute l’admiration et les louanges dont un autre individu s’est rendu digne, en quelque circonstance que ce soit. Littérairement, l'idée de Hoffmann ne souffre aucune concurrence, dépassant de très loin toutes les trouvailles des écrivains qui n'ont que du savoir-faire.
Hoffmann a inventé un personnage infiniment "plastique" en même temps qu'il lui permet d'attaquer bille en tête le grotesque et l'arbitraire des "valeurs" socialement reconnues, qu'il s'agisse de littérature, d'art, de politique, etc. Au surplus, Zachée détourne sur d'autres tous les actes ou gestes qui devraient normalement le rendre insupportable. Ainsi, quand Cinabre se vautre sur le sol en poussant des grognements ridicules, c’est Balthasar qu’on accuse de se livrer à une pantomime indigne et indécente.
Ayant fui dans la forêt voisine, de dépit et de colère, Balthasar voit passer son professeur de violon Vincenzo Sbiocca, qui lui déclare son écœurement : les habitants de Kerepes sont tous cinglés. Il vient de jouer le périlleux et difficile concerto de Viotti (compositeur bien réel, estimé de Hoffmann) devant une assemblée qui, dès son achèvement, a entouré le nain Cinabre pour porter aux nues son talent, son divin génie : « Quel jeu !... quelle tenue !... quelle expression !... quelle virtuosité !... ». Un charme puissant attire les applaudissements sur le gnome Cinabre pour mieux en dépouiller ceux qui les méritent.
C’est aussi ce qui arrive au référendaire Pulcher qui, sous le coup de la honte, fait le geste de se brûler la cervelle. Balthasar l’en empêche. L’autre lui raconte alors que, postulant à l’emploi de « secrétaire intime auprès du Ministre des Affaires étrangères », il se voit coiffé au poteau par l’infernal Cinabre qui, une fois de plus, reçoit impudemment toutes les louanges que méritait le bon Pulcher, qui, de son côté, est brutalement et définitivement congédié.
L’ascension politique et sociale de Cinabre est également brutale et fulgurante : il se retrouve promptement conseiller, puis ministre, mais aussi décoré du « grand cordon de l’ordre du Tigre moucheté de vert à vingt boutons », quasiment tout-puissant. Les « vingt boutons » ont été inventés par le tailleur royal pour faire tenir la décoration sur le corps horriblement compliqué du bonhomme (pour dire si Hoffmann a de la considération pour les décorations et les gens décorés). Bref, Cinabre est à son apogée.
LA FEE ROSABELVERDE COIFFANT SON PETIT "RADIS FENDU EN DEUX"
(quoique je trouve ce dernier presque trop présentable)
Heureusement, le puissant magicien Prosper Alpanus veille, et révèle à Balthasar le « talon d’Achille » de Cinabre : il suffira d’arracher au monstre les trois cheveux rouges qu’il dissimule au sommet de sa chevelure et de les jeter aussitôt dans le feu, pour que tous les sortilèges protecteurs soient dans l’instant abolis.
C’est exactement ce qui se produit :
« Mais, sans se soucier le moins du monde de ces cris, Balthasar tira de sa poche la lentille du docteur et à travers elle braque son regard sur la tête de Cinabre. (…)
– Main forte ! Main forte ! crie Balthasar.
A ce signal, Fabian et Pulcher saisissent le petit monstre et paralysent ses mouvements ; Balthasar saisit alors avec adresse et précaution les cheveux rouges, les arrache d’un seul coup, bondit vers la cheminée et les jette au feu où ils se consument en pétillant. Puis un coup assourdissant se fait entendre et tout le monde paraît sortir d’un rêve… ».
Aussitôt, la foule, à l’égard de Cinabre, retourne sa vénération en abomination, conspuant le « ministre » quand il se montre à sa fenêtre, et brûlant sans remords ce qu’elle adorait l’instant d’avant.
Son valet de chambre le cherche en vain, jusqu’au moment où il aperçoit ses maigres jambes émerger, inertes, du pot de chambre : le ministre, saisi par la terreur d’être lynché par la foule en délire, s’est précipité dans son propre vase d’aisance, pour mourir (Hoffmann ne le dit pas) étouffé dans ses propres excréments. Dûment lavé de toute souillure, il fait l’objet de quelques apitoiements officiels, puis est discrètement enseveli.
Sa mère, la vieille Lise, se voit attribuer l’exclusivité du commerce des oignons au palais princier. Balthasar épousera Candida. Tout est bien qui finit bien.
Klein Zaches genannt Zinnober (le titre allemand) assume sans complexe son statut de conte de fées, mais on aurait tort d’ignorer son côté terriblement ironique, voire caustique à l’égard de toutes les autorités politiques, administratives et scientifiques qui se parent de tout le lustre du sérieux et de la componction indispensables au respect que tous doivent à des fonctions socialement sacrées. Hoffmann n’aime pas les pontifiants.
En 1819, quand le conte est imprimé, Goethe est le grand notable des Lettres allemandes, et c’est peu de dire que Hoffmann ne le porte pas dans son cœur. Il faut imaginer la joie éprouvée par le conteur à égratigner la statue du grand homme, imbu de sa propre importance et prêchant dans ses œuvres la vertu, la Raison et la retenue.
Il faut imaginer la malignité qu’il met, pour contrer rationalisme et scientisme, à déployer diverses fantasmagories, tel l’attelage incroyable dans lequel se déplace Prosper Alpanus : il en rajoute à plaisir. Le char est une coquille ouverte de cristal, un grand scarabée agite ses ailes pour rafraîchir le mage, dont le pommeau de la canne a des pouvoirs étranges. Deux licornes blanches conduisent le véhicule. Bref, Goethe n’aime pas le merveilleux ? Eh bien on va lui en donner.
Il existe peu de littérature à ce point jouissive et jubilatoire, que ce soit au premier ou au 678 ème degré (selon l'échelle scientifique établie par Marcel Gotlib dans la Rubrique-à-brac, ici p. 53).
ON EST ICI, MÊME SI ÇA NE SE VOIT GUERE, DANS LE GAG DU GARS QUI SCIE LA BRANCHE SUR LAQUELLE IL EST ASSIS.
Une lecture réjouissante, donc, à quelque degré qu'on la situe.
Voilà ce que je dis, moi.
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dimanche, 17 mars 2013
LE PETIT ZACHEE 1/2
LES CELEBRES FRERES, GIOVANNI & GIACOMO TOCCI
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En fondant les éditions Phébus, Monsieur Jean-Pierre Sicre a fait oeuvre de bienfaiteur et de philanthrope. Son seul tort est d'avoir eu du mal avec les contraintes matérielles induites par la gestion des choses. C'est malheureux, parce que, après son explusion de sa propre maison, suite à quelques déboires, on a pu dire, avec le Sertorius de Corneille : « Rome n’est plus dans Rome ».
Monsieur Sicre eut l'immense mérite de republier un certain nombre d'oeuvres de Robert Margerit, dont je n'avais garde d'oublier Le Dieu nu ou Mont-Dragon. Et puis le monument que celui-ci éleva à la Révolution Française, 2000 et quelques pages qui donnent sa pleine et définitive justification expérimentale à l'expression "Roman historique".
Il y eut cependant, au-dessus de tout, la collection « Verso », dans laquelle, à côté d’Adalbert Stifter, Kleist et divers, brillent de mille feux les 14 volumes des Œuvres Complètes d’Ernst Theodor Amadeus Hoffmann. Hoffmann a imité Mozart, son idole : quoi, celui-ci avait remplacé son Gottlieb initial par un Amadeus ? Eh bien je vais, dit-il, mettre le même Amadeus en lieu et place de mon Wilhelm d'état-civil.
L'ILLUSTRATION DE COUVERTURE EST UN BEL AUTOPORTRAIT A L'HUILE DE HOFFMANN LUI-MÊME
Je ne chanterai jamais assez les somptueux bienfaits répandus par cette édition, qui m’a servi, le temps de la parution (plus de 4 ans, à quoi fut ajouté, en 1992, l’excellent livre de Pierre Péju, L’Ombre de soi-même, d’abord paru sous un titre plus banal à la Librairie Séguier), d’aliment littéraire presque exclusif.
On parle beaucoup du fantastique, à propos de Hoffmann, mais c’est un fantastique à portée de main. C’est un fantastique qui émane de l’esprit de celui qui y croit, et pas d’une instance extérieure ou supérieure. Certes, il fait à l’occasion intervenir fées et magiciens, farfadets et tours de passe-passe, mais là, c’est quand il s’amuse.
Ainsi, je viens de relire Le Petit Zachée, délicieux conte poétique. On y rencontre la fée vaguement sorcière Rosabelverde, déguisée en chanoinesse Rosenschön, anciennement Rosengrünschön (attention, il faut suivre) et le magicien Prosper Alpanus.
Le moindre intérêt du conte n’est pas la férocité de Hoffmann pour quelques contemporains œuvrant dans la politique, l’administration ou la littérature, à commencer par Goethe. Parlant de l’héroïne : « En outre, Candida avait lu le Wilhelm Meister de Goethe, les poésies de Schiller, L’Anneau magique de Fouqué, et en avait oublié presque tout le contenu ». On pourrait être plus aimable. Il se trouve que je suis en train de lire Wilhelm Meister, et tout ça m’amuse passablement. J’en reparlerai à son heure, une fois le pavé (1000 pages) digéré.
Quant à Mosch Terpin, le père de la belle, professeur de sciences naturelles qui se donne des airs de savant, il est aussi dûment assaisonné : « Sa réputation fut définitivement établie quand il eut le bonheur, après s’être livré à un grand nombre d’expériences physiques, de découvrir que l’obscurité provenait essentiellement de l’absence de lumière ».
Ce gros bon sens, ce ton qui a l'air de ne pas y toucher, sont un régal absolu pour l'adepte que je suis du professeur Cosinus, ainsi que de son malheureux dentiste, Max (Hilaire), qui voulait « plomber la Dent du Midi avec le Plomb du Cantal », avant de vouloir mettre un râtelier aux Bouches du Rhône (je m’adresse aux connaisseurs de Christophe, autre bienfaiteur de l’humanité).
Alors, Le Petit Zachée ? Le titre exact : Le Petit Zachée surnommé Cinabre. Le cinabre est le sulfure naturel de mercure (de couleur rouge) d’où l’on tire ce métal. On comprendra plus loin la raison narrative de la couleur rouge.
Passons sur les détails : nous sommes dans un royaume où les « Lumières » ont été introduites sur décision souveraine du souverain, avec pour corollaire principal l’expulsion immédiate des fées, magiciens et sorciers (à l’exception des deux cités plus haut). Hoffmann réglant leur compte aux « Lumières » tant célébrées par Kant et Goethe, établies au détriment de la poésie, du merveilleux et de l'irrationnel en général, voilà encore un agrément du conte. Certains parleront d'humour, malheureusement le mot est devenu réducteur et pauvre.
Balthasar, étudiant du savant Mosch Terpin, est du côté du poétique et, disons le mot, s’emmerde assidûment à ses cours, pour la seule raison qu’il est fou amoureux de Candida, fille de celui-ci, mais affecté d’une timidité maladive. A dire vrai, Balthasar, l'étudiant jeune, beau et agréable, ne supporte pas le rationalisme à tout crin de Mosch Terpin, dont il pense qu'il confine à la bêtise, en quoi il n'a pas tort (voir ci-dessus).
LA FEE ROSABELVERDE AJOUTE A LA CHEVELURE DE ZACHEE TROIS CHEVEUX MAGIQUES
Il est temps d’introduire le personnage principal : Zachée en personne. J’avoue que sa description est, en soi, un morceau de bravoure :
« Ce qu’à première vue on aurait pu prendre en effet pour une souche de bois aux nodosités étranges n’était autre qu’un petit être contrefait, haut de moins d’un demi-mètre, qui, s’étant glissé hors de la botte en travers de laquelle il était couché, se vautrait maintenant sur l’herbe avec de sourds grognements. La tête de ce phénomène était enfoncée entre ses épaules ; le dos était marqué par une excroissance en forme de courge et, juste au-dessous de la poitrine, de petites jambes aussi minces que des baguettes de coudrier pendaient, de sorte que le gamin ressemblait à un radis fendu en deux ».
J'aime bien la courge, dans ce contexte, mais le radis fendu en deux n'est pas pour me déplaire. Ce portrait déjà gratiné ne serait pas complet si l’on n’ajoutait, dans le personnage de Cinabre (Zachée) une énorme méchanceté intrinsèque de tous les instants, jointe à une croyance infinie en sa supériorité.
La suite au prochain numéro.
Voilà ce que je dis, moi.
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lundi, 21 janvier 2013
ELIAS CANETTI ET LA GUERRE DE 14
Pensée du jour :
C'EST LE JOUR D'OUVRIR LE KIL DE ROUGE ET D'ENTAMER LE SAUCISSON (DE LYON)
« Un professeur, d’une façon générale, ne devrait épouser que ses meilleurs élèves. Après le bachot ; et non avant. Pour créer une émulation ».
ALEXANDRE VIALATTE
Je viens de lire un passage, à propos, encore et toujours, je n'y peux rien, de la guerre de 1914-1918, passage qu’il faut absolument que je partage séance tenante. Il se trouve que je suis plongé dans les Ecrits autobiographiques d’un monsieur qui a reçu le prix Nobel. L’auteur s’appelle ELIAS CANETTI. Le livre est publié à la « Pochothèque ».
En l’ouvrant, je m’attendais à trouver quelqu’un qui raconte sa vie du haut du piédestal où a été édifiée sa statue de son vivant, parce que je garde en mémoire ELIE WIESEL, autre prix Nobel (de la Paix), qui parle sur un ton qui me l’a rendu antipathique. Jusqu’au son de sa voix, son timbre et son élocution m’agacent dès que je l’entends. Le ton de quelqu’un qui s’écoute lui-même quand il parle, et qui s’adresse à lui-même des congratulations pour l’effet qu’il se produit. On dirait qu'il n'arrête pas de se prendre pour un "Prix Nobel".
Eh bien, ELIAS CANETTI, pas du tout ! Selon toute vraisemblance, ELIAS CANETTI ne s’appelle pas ELIE WIESEL, ce qui est heureux. Il faut se féliciter de ce hasard et remercier le sort qui, finalement, fait bien les choses. Et je pense que l'oeuvre écrite d'ELIAS CANETTI consiste davantage que celle d'ELIE WIESEL.
Je ne sais pas vous, mais moi, je ne supporte pas le ton de ce personnage qui se donne un tel air de sérieux quand il ouvre la bouche, puis qui parle sur le ton pontifiant de la componction propre au personnage de Tartufe dans la pièce de Molière, quand celui-ci se met à admonester et à faire la leçon autour de lui. ELIE WIESEL (ci-contre, avec sa façon de pencher la tête), a su intelligemment faire fructifier le petit capital offert par son statut de rescapé des camps de la mort. Je suis sûrement très injuste avec quelqu'un qui est devenu un icône unanimement célébrée.
J’ai lu La Nuit. C’est son témoignage sur ce qu’il a vécu en déportation. Le malheur veut que je l’aie lu après d’autres ouvrages sur le même sujet. A commencer, évidemment, par Si c’est un homme, de PRIMO LEVI, que j’ai reçu comme un coup à l’estomac. De lui, on connaît moins La Trêve. Eh bien on a tort. Toujours est-il que Si c’est un homme impose le respect. Alors que La Nuit me touche un peu, et m’agace davantage, sans que je sache bien pourquoi. Peut-être à cause de la façon - immodeste selon moi - d'apparaître dans les médias.
ELIE WIESEL, tout le monde lui doit le respect dû à ceux que le nazisme a voulu faire disparaître de la surface de la planète. Mais personne n’est obligé de se soumettre au magistère du haut duquel il distribue les bons et les mauvais points d’un humanisme révisé par l’Holocauste.
Parce que, sur les camps de la mort, j’ai aussi lu CHARLOTTE DELBO. Franchement, si j’avais un choix à faire, c’est devant le souvenir de cette femme admirable que je m’inclinerais, et devant les trois petits livres publiés aux éditions de Minuit sous le titre Auschwitz et après.
Quand on a refermé le dernier, même Si c’est un homme apparaît un peu « littéraire », c’est vous dire. Je ne peux lire cinq pages d’affilée sans être parcouru de secousses violentes. Il faut lire CHARLOTTE DELBO (1913-1985, collaboratrice de LOUIS JOUVET, avant et après la guerre), dont on fête le centenaire de la naissance.
Mais j’en reviens à ELIAS CANETTI, né dans une famille juive sépharade espagnole émigrée en Bulgarie. En fait, j’avais l’intention d’écrire la présente note en réaction à un passage de La Langue sauvée, lu ce matin et, comme d’habitude, je me suis laissé distraire en route.
ELIAS CANETTI EN 1919
La scène se passe à Zurich, en 1917. Les Français et les Allemands envoient en convalescence en Suisse des officiers plus ou moins gravement blessés, après les avoir échangés contre des prisonniers. Mme CANETTI et son fils marchent dans la rue, quand ils voient s’approcher un groupe d’officiers français, « dans leurs uniformes voyants ». Ils marchent lentement, calquant leur allure sur celle des plus lents. Beaucoup s’appuient sur des béquilles.
Soudain, un groupe d’officiers allemands, pareillement blessés et béquillants, avance à leur rencontre, tout le monde marche très lentement, se réglant sur les pas des moins valides. Le garçon s’affole et se demande ce qui va se passer. Il sait que la guerre fait rage, et que sa mère rejette passionnément jusqu’à l’idée que des hommes puissent s'entretuer pour des motifs incompréhensibles. Or, avec sa mère, il se trouve au milieu des deux groupes. Que va-t-il se passer ? Vont-ils en venir aux mains ?
Non, rien ne se passe, et l'adolescent reste stupéfait : « Ils n’étaient pas crispés de haine ou de colère comme je m’y attendais. Les hommes se regardaient tranquillement, amicalement, comme si de rien n’était ; certains se saluaient. Ils avançaient beaucoup plus lentement que les autres gens et le temps qu’ils mirent à se croiser me parut une éternité. L’un des Français se retourna, brandit sa béquille vers le ciel et s’écria : « Salut ! ». Un Allemand qui l’avait entendu l’imita ; il avait lui aussi une béquille qu’il remua au-dessus de sa tête, renvoyant à l’autre son salut en français ». Voilà. C’est tout. Cela aussi, c’est la guerre de 14.
Quand la scène se termine, le jeune ELIAS voit sa mère, face à la vitrine du magasin, qui tremble et qui pleure. Elle met du temps à se ressaisir, elle si soucieuse d'habitude de ne rien laisser paraître de ses états d’âme. C'est la seule occasion où le garçon verra sa mère verser des pleurs en public. La scène est racontée aux pages 198-199 du volume.
La grande hantise des chefs militaires des deux camps était de voir leurs hommes FRATERNISER avec l'ennemi. Tout simplement inacceptable. C’est la raison pour laquelle les unités stationnées par exemple au mont Linge (crêtes des Vosges) « tournaient » rapidement : comme les « ennemis » pouvaient quasiment se serrer la main, vu l’ahurissante proximité des deux tranchées, cigarettes et boîtes de conserves ne tardaient jamais à traverser la « ligne ». Très mauvais, dans un contexte belliqueux. Quand on a vu le visage d'un homme, quand on lui a serré la main, on n'a plus envie de lui tirer dessus.
LA FLEUR AU FUSIL
TROIS FRANÇAIS ONT FRATERNISÉ AVEC UN "BOCHE" : UN SCANDALE !
Je ne sais pas si l'excellent JACQUES TARDI (C’était la guerre des tranchées, Putain de guerre !, Varlot soldat, La Fleur au fusil, La Véritable histoire du soldat inconnu) connaît ce passage d’ELIAS CANETTI. Peut-être qu'il lui ferait plaisir autant qu'il m'a fait. J’imagine que ça ne calmerait pas sa rage, au moins égale à la mienne (voir mes notes dans la catégorie "monumorts"), devant l’indicible absurdité de la catastrophe qui a presque détruit l’Europe.
LA HONTE ! C'EST UN FRANÇAIS QUI PARLE !
Voilà ce que je dis, moi.
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dimanche, 20 janvier 2013
HISTOIRE POUR ENFANTS GRANDIS
Pensée du jour :
BRACELET DE BRAS (ivoire), GURUNSI, BURKINA FASO, GHANA
« Le vent se déchaîne et la neige tombe. La tour de Pise a oscillé. Un tourbillon a emporté la gare olympique de Grenoble. Au sommet du puy de Dôme, il a fallu chercher, avec des sondes, dans cinq mètres de neige, le chasse-neige qu'on avait laissé là le matin ».
ALEXANDRE VIALATTE
Aujourd’hui, pour me détendre un peu, comme les enfants sont couchés et que ce blog se débrouille depuis longtemps pour tenir à distance les jeunes en général et les mineurs en particulier, du fait du raffinement des hautes considérations qui s’y bousculent, j’ai décidé de raconter une histoire. D'un goût évidemment excellent et distingué, comme il se doit.
Une pas vraie, comme toutes les bonnes histoires.
Enfin, comme c’est quelqu’un d’autre qui la raconte, je vais tout de suite lui laisser la parole.
Enfin, quand je dis la parole, je devrais plutôt dire le crayon.
Et l’on voit de quel « crayon » il s’agit.
Mais on n'aura pas la possibilité de le féliciter de la haute qualité de son dessin et de la haute spiritualité de son inspiration : l’auteur, « souffrant d’une modestie quasiment maladive » (GEORGES BRASSENS, Les Trompettes de la renommée) est si modeste qu’il a tenu à rester anonyme.
C’est bien dommage : on aurait aimé le saluer pour le louer de la délicatesse de ses oeuves.
J’espère qu’on appréciera la virtuosité du coup de « crayon ».
J'ATTIRE L'ATTENTION (SI BESOIN) SUR L'ALACRITÉ DES DIALOGUES
Et j’espère qu’on goûtera à sa juste valeur l’exemple d’humanisme qui se dégage du scénario. L’art du découpage. Le sublime du message philosophique. Cela s'appelle du doux nom de Dirty comix, synonyme d'élégance morale, de raffinement intellectuel et de "délicatesse" esthétique.
Voilà ce que je dis, moi.
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samedi, 19 janvier 2013
ODE A ANDRE FRANQUIN
Pensée du jour :
MAHONGWE, GABON
« Les villes remontent à la plus haute antiquité. Il n'y a qu'à voir la rue Broca ».
ALEXANDRE VIALATTE
L’art de la bande dessinée ne consiste pas seulement à donner au lecteur l’impression d’être en face d’une réalité, mais d’y être transporté. Tout simplement : d’y être. L'impression de réel par l'expressivité du dessin. Un peu comme au cinéma (pas toujours, il faut bien dire). C’est d’ailleurs en cela qu’on peut dire que la bande dessinée est un art.
Regardez les BD japonaises, que dévorent au kilomètre les jeunes générations. Mangas, on appelle ça. Je veux bien qu’on appelle ça des produits, mais pas plus. C’est fabriqué comme l’œuf dur destiné aux cantines scolaires : à la chaîne, vous savez, ces tubes où le jaune est introduit en continu dans un habitacle de blanc, pour être, au bout, découpé en tranches où jaune et blanc sont uniformément répartis sur les tranches. En continu. Avec une armée de gens spécialisés, chacun dans son secteur : les décors, les personnages, les trames de gris ou de couleurs, etc.
D’accord, il y a un metteur en scène. Mais je comparerais ça à l’opposition traditionnelle littérature / cinéma. D’un côté la solitude du romancier. De l’autre, l’entreprise industrielle. En BD, c’est exactement pareil. A mes yeux, comme on dit au Japon : « Yapafoto »).
Personnellement, je suis resté fidèle à l’artisanat d’art et à quelques-uns de ses éminents représentants. Au premier rang, je ne citerai que des « grands anciens » : GIR (alias GIRAUD, alias MOEBIUS), JACQUES TARDI, HERMANN, BILAL, pour ne parler que de ceux qui créent encore.
Pour JEAN GIRAUD, je sais que j’ai tort, puisqu’il est mort très récemment (10 mars 2012), mais sa dernière série (Monsieur Blueberry) mérite qu’on rende hommage à son art du flash-back, à sa virtuosité dans la superposition des trames narratives et à la profondeur qui caractérise les personnages secondaires (alors que le dernier épisode de la prometteuse trilogie Marshall Blueberry a été carrément bâclé : visiblement, il voulait s’en débarrasser).
Et puis il y a FRANQUIN. J’avais un collègue qui portait aux nues les aventures de Chevalier Ardent, le guerrier de petite noblesse, amoureux de Gwendoline, la fille du grand roi Arthus qui le lui rendait bien, mais dont le papa avait pour elle d’autres ambitions matrimoniales que de la marier avec cet obscur nobliau.
C’est sûr, il y a dans Chevalier Ardent de nobles sentiments, un "besoin de grandeur" (titre d’un ouvrage curieux de CHARLES-FERDINAND RAMUZ, où l’auteur explique les raisons de son enracinement définitif dans son canton de Vaud, en Suisse). Mais l’héroïsme a déserté depuis lurette la bande dessinée, comme il l’avait fait bien avant dans les œuvres des romanciers.
Ce qui frappe, chez FRANQUIN, c’est donc la virtuosité bluffante de son trait, qui lui permet de donner à tout ce qu’il dessine un effet magistral, une expressivité qu’on ne trouve nulle part ailleurs. La faculté inouïe de donner une vraie forme identifiable à l’idée qui lui vient, dans le moindre détail. Prenez Monsieur De Mesmaeker, dont le portrait écumant de rage (sauf en une occasion, où il signe un contrat, mais c’est avec Gaston) parsème cette note.
La marque du grand dessinateur, c’est, entre autres, sa capacité à camper un personnage immédiatement reconnaissable (silhouette, détail vestimentaire, forme de la tête, etc.). Et ce, quels que soient son geste, son attitude, sa position dans l’image. Pour qu’il reste sans cesse lui-même, il faut l’imaginer en trois dimensions, mais aussi en dessiner de multiples études. On pense au Lucky Luke de MORRIS.
Monsieur de Mesmaeker est de ceux-là. Mais aussi, évidemment, Spirou (uniforme rouge du groom), Fantasio (tête ronde à huit cheveux absolument rebelles), Gaston (pull vert et silhouette incurvée en S), etc. Gaston est le plus grand ennemi de monsieur de Mesmaeker, l’empêcheur de signer en rond. Ce n’est pas qu’il lui veut du mal, bien au contraire.
Le génie de FRANQUIN est aussi d’avoir défini des forces antagonistes, résolument irréconciliables, comme source inépuisable de situations : Gaston et la vie de bureau, Gaston et l’ordre établi (Longtarin), Gaston et le monde des affaires, (...). Entre Gaston et Moiselle Jeanne, ce n’est évidemment pas de l’antagonisme. J’ai même eu sous les yeux une planche où FRANQUIN se lâchait, et où le garçon et la secrétaire folle de lui passent enfin à l’acte « dans les positions les plus pornographiques » (BRASSENS, Trompettes de la renommée). Pas dans Spirou, bien sûr.
Bref, ce n’est que de la bande dessinée ! Mais dans le genre, ANDRÉ FRANQUIN, on peut dire qu’il a du génie.
Voilà ce que je dis, moi.
PS : pour les amateurs, je joins un extrait de pastiche de Gaston par l'excellent ROGER BRUNEL, où les contrats avec De Mesmaeker se trouvent perforés par l'ardeur déployée par notre héros pour Moiselle Jeanne.
Ce n'est ni du français, ni du pataouète, mais s'il n'y a pas le sous-titrage, il y a au moins l'image. Ceci étant dit pour annoncer la note de demain. « Enfants voici les boeufs qui passent, cachez vos rouges tabliers ». Attention les yeux !
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vendredi, 18 janvier 2013
ODE AU GAFFOPHONE
Pensée du jour :
ASTANIHKYI, "COME SINGING", COMANCHE, PAR EDWARD S. CURTIS
(je salue le dernier Indien à apparaître dans cette série de photos)
« Le kangourou date de la plus haute antiquité. Scientifiquement, il se compose, comme l’Auvergnat, de la tête, du tronc et des membres ».
ALEXANDRE VIALATTE
Résumé : nous avions laissé Gaston Lagaffe au moment où il vient d’inventer le bien nommé GAFFOPHONE.
Cet extraordinaire instrument mérite qu’on lui consacre quelques instants. Pour le créer, FRANQUIN s’est inspiré d’une harpe africaine exposée en Belgique. Quant à l’entourage de Gaston, il peut s’attendre aux pires catastrophes, dès l’instant où passe, dans son esprit le démon qu’on appelle une IDÉE.
Le gaffophone sort en droite ligne de ce genre d’instant privilégié. En s’inspirant d’un instrument africain, qu’il a néanmoins « perfectionné » (« au secours », disent déjà les voisins), il arrive à créer, sans amplification électrique : « Une vibration du tonnerre avec une résonance maximum ». Autant dire qu’il n’y a pas besoin d’attendre le deuxième essai pour obtenir un coup de maître concluant, dépassant même les espérances. Disons que FRANQUIN a fait inventer par Gaston un « instrument de destruction massive ».
Peut-être même a-t-il regretté qu'il n'existât pas dans la réalité, car Spirou lança, auprès de ses lecteurs, un concours de fabrication concrète d’instruments. Résultat : un Néerlandais envoya au journal, par le train, un engin de 125 kilos. Ce ne fut pas le seul. Pour dire son incroyable audience, mais aussi l’incroyable popularité acquise rapidement par le personnage tout à fait génial d’ANDRÉ FRANQUIN, à qui il arrive de faire du gaffophone une arme antimilitariste : il n’aime guère l’armée, semble-t-il.
Mais tout arrive, y compris l’inimaginable : le gaffophone peut rendre service. D’accord, c’est tout à fait involontaire de la part de Gaston, mais le résultat est là, rapide, soigné, gratuit : le client est ravi, et l’ouvrier récalcitrant n’y comprend rien. Gaston est passé pas loin.
MIEUX QUE LES ARTIFICIERS SUR LES GRANDES BARRES DE LA DUCHÈRE
La règle est tout de même, en général, le gros dégât, sinon ça ne vaudrait pas le coup. Qu’il sévisse au journal ou à la campagne, les effets sont garantis : si le son fait fuir les taupes chez le voisin, comme s’en réjouit le paysan, il ne limite pas ses effets aux taupes.
Il est évident que le personnel de bureau fait tout pour se débarrasser de l’instrument, mais rien à faire. Que Lebrac introduise des termites à l’intérieur, c’est tout l’immeuble qui menace de s’effondrer, bouffé par les bestioles qui n’ont pas voulu du bois musical.
L'EXPRESSIVITÉ DU TRAIT ABSOLUMENT VIRTUOSE DE FRANQUIN EST EVIDEMMENT UN DES FACTEURS ESSENTIELS DE L'EFFET PRODUIT
Que Fantasio fasse venir des déménageurs pour obliger Gaston à débarrasser l'immeuble Spirou, quitte à faire un cadeau au musée de l’homme, c’est d’abord susciter la curiosité amusée de ceux-ci, qui voudraient bien savoir ce que c’est, c’est ensuite faire prendre au camion de très gros risques, comme il aurait dû s’y attendre. Voici ce qui lui arrive, au camion.
Quand arrive la 600ème planche, je veux dire la 600ème gaffe, toute l’équipe décide de fêter la rondeur du nombre atteint. MAIS Gaston ne s’en offusque qu’un court instant. ET décide de participer à sa façon à la fête, et de lui donner un certain « retentissement ». Pour l’occasion, avec ses complices Bertrand et Jules-de-chez-Smith-en-face, il décide d’électrifier les instruments de leur orchestre. Gaston, qu’on se le dise, n’est jamais à court de ressources.
Je réserve pour la fin la planche 467, qui démontre, d’une certaine manière, le caractère intouchable du gaffophone, j’allais dire sa valeur SACRÉE. Et si Fantasio m’avait demandé mon avis, je lui aurais volontiers dit, comme EDITH PIAF disant à Manuel de ne pas y aller (N’y va pas, Manuel) : « N’y va pas, Fantasio ! ».
Et une fois la démonstration faite, j’aurais ajouté : « Je te l’avais bien dit, de pas y aller ! ».
ADMIREZ L'ART DU MONTAGE DES DIALOGUES.
L'ART DE L'ELLIPSE AUSSI.
Je compte ANDRÉ FRANQUIN parmi les bienfaiteurs de l’humanité, pour avoir inventé un personnage aussi inassimilable que celui qu’avait imaginé HERMAN MELVILLE en écrivant Bartleby (vous savez : « I would prefer not to »). Mais comme son versant ensoleillé, un versant éminemment jovial, positif et sociable. Exactement le contraire de ce personnage sombre, négatif et suicidaire.
Voilà ce que je dis, moi.
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mercredi, 16 janvier 2013
ELOGE D'HENRI BERGSON 2
Pensée du jour :
PAWNEE, par EDWARD S. CURTIS
« Quand un auteur est ennuyeux, c’est pour longtemps ».
ALEXANDRE VIALATTE
Alors, vous me direz, qu’est-ce qui me restera de cette lecture studieuse, et parfois, je peux l’avouer, laborieuse ? D’abord que BERGSON n’aime pas ZÉNON D’ELÉE, mais alors vraiment pas. Enfin, pas la personne, même pas le philosophe (480-420 avant JC). Juste ses paradoxes. Un certain PAUL VALÉRY les a popularisés dans un poème célèbre. Enfin, quand je dis popularisé … Le poème ? C’est Le Cimetière marin, pour vous dire. C’est moins populaire que le dernier « slam » du déplorable ABD AL MALIK, j’en conviens. La strophe se situe vers la fin.
« Zénon ! Cruel Zénon ! Zénon d’Elée !
M’as-tu percé de cette flèche ailée
Qui vibre, vole, et qui ne vole pas !
Le son m’enfante et la flèche me tue !
Ah ! le soleil … Quelle ombre de tortue
Pour l’âme, Achille immobile à grands pas ! »
Je résume : la flèche n’atteint jamais quoi que ce soit, puisqu’elle franchit la moitié de la distance qui la sépare de son but, puis la moitié de la moitié, puis le quart, etc. En sorte qu’il reste toujours un chouïa à franchir. Je crois qu’en math, on appelle ça une « asymptote », sauf que là c’est quasiment en ligne droite. Sauf que la flèche, elle atteint quand même son but, malgré ZÉNON. Comme Achille, à qui il arrive le même tracas, face à la tortue qui avance à côté de lui : il arrive quand même avant elle. Malgré ZÉNON.
C'ÉTAIT L'ÉDITION DU CENTENAIRE (1959)
Bref, pour BERGSON, ZÉNON se paie de mots. Il déplace toute la réalité dans un pur jeu de langage, du coup, il peut en faire ce qu’il veut, de la réalité. Car ce qui préoccupe HENRI BERGSON, c’est l’authenticité du rapport de la philosophie avec la vie. Mais attention : avec la vie en train de vivre, au moment où elle surgit. Enfin, plus précisément, au moment précis où le curseur du temps est posé sur le point nommé « présent ». Elle est là, son obsession.
Comment la philosophie peut-elle rendre compte du temps en train de passer ? De garder le processus de l’écoulement sans en faire une chose ? Et me revient sa définition du comique, dans Le Rire (1900) : « Du mécanique plaqué sur du vivant ». La même obsession. C’est ce qu’il « reproche » à la science, qui ne peut, sous son microscope et dans ses éprouvettes, observer que des choses, jamais des processus. Oui, comment penser le vivant sans en faire une chose morte ?
Ce que j’admire, dans la philosophie d’HENRI BERGSON ? Très simple : sa préoccupation centrale de ne pas chosifier ce qui respire, ce qui circule, ce qui éprouve. De ne pas immobiliser ce qui bouge, simplement pour le mettre sous un microscope. Finalement, d’après lui, qu’est-ce qui est humain dans l’humain ?
Deux choses : la conscience (c'est son terme) et le cœur qui bat (il ne le dit pas comme ça). Sachant que pour lui, la conscience, c’est quoi ? Si j’ai bien compris, c’est une échelle. L’instinct qui pousse l’abeille et la fourmi à former société constitue un état (rudimentaire) de conscience. L’instinct qui pousse l’humanité sur la voie de l’intelligence, c’est-à-dire, pour BERGSON, de la science. La conscience n’est pas un monopole humain, ni le cœur qui bat.
Ce qui est drôle (attention : façon de parler), c’est qu’il va au plus profond, par exemple, du fonctionnement de l’œil, du protozoaire à l’homme. Il ne laisse rien passer, entre dans les moindres détails pour différencier les corps élémentaires et les organismes complexes, dans les moyens qu’ils ont développés pour percevoir leur environnement.
Avec cette conclusion (je crois) : un organe comme l’œil humain peut s’être développé d’une façon monstrueusement complexe, que la science peut découper en autant de segments qu’elle voudra (jusqu’à l’infini) pour en reconstituer le fonctionnement, rien ne saurait expliquer l’immédiateté de la fonction de voir, qui va droit au but. L’organe pourra être aussi compliqué qu’il veut : pas la fonction.
Si vous voulez, je comparerai son idée avec le gamin qui veut savoir ce qu'il y a dans le réveil (je parle des anciens réveils, les purement mécaniques) : il va le dévisser, le réduire en d'innombrables pièces détachées, mais ce qui est clair alors, c'est que le réveil ne donnera plus l'heure.
D'où sa "haine" de ZÉNON D'ÉLÉE, le décomposeur en chef et, au fond, précurseur de la science. Il ne faut pas confondre, dit BERGSON, comme semble le faire ZÉNON, l'accomplissement de la trajectoire par la flèche qui atteint son but et la représentation que l'observateur en dessine sur le papier, sous la forme d'une ligne qu'il pourra dès lors diviser, s'il veut, en une infinité de morceaux qu'il scrutera sous toute les coutures. Dans la réalité, la ligne n'existe pas.
Dit autrement, à propos de l'oeil humain, les milliards d’opérations effectuées par la nature, depuis les temps originaires (quelques millions d’années), pour arriver à l’organe de la vision qui est le nôtre, construisent une complexité de nature infinie, mais aboutissent à une opération d’une simplicité miraculeuse, qui s’appelle VOIR, aussitôt que l’homme ouvre l’œil. Je pense aux réflexions du personnage de Zénon (tiens donc !), dans L’œuvre au noir, de MARGUERITE YOURCENAR, sur la fonction de « cuisson » dévolue au système digestif humain.
Je reviendrai prochainement à HENRI BERGSON, mais pas tout de suite.
Voilà ce que je dis, moi.
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lundi, 14 janvier 2013
ODE A GASTON
Pensée du jour :
« Nous n’avons plus le sens du pompeux. Sans quoi, comme je le faisais remarquer si justement dans ma dernière chronique, nous ferions de notre sous-préfet, tels les Mossi de la Haute-Volta, le héros d’un grand psychodrame destiné, tous les vendredis, à l’empêcher de partir pour la guerre, et qui se jouerait devant la sous-préfecture. Rien ne serait plus majestueux. Mais nous n’avons plus le sens de la cérémonie ».
ALEXANDRE VIALATTE
Un des plus beaux héros de bande dessinée qui furent un jour inventés est, à n’en pas douter, l’énorme, l’immense, le démesuré GASTON LAGAFFE. Un personnage créé par ANDRÉ FRANQUIN, qui, après une entrée quasi-clandestine, illumina progressivement la revue Spirou de son aura au rayonnement éblouissant, à partir du 28 février 1957.
Je ne vais pas refaire après tant d’autres l’éloge de Gaston Lagaffe. On ne peut plus dire du bien de Gaston Lagaffe. Je le dis clairement : il est désormais impossible d’ajouter quelque fétu que ce soit à la meule, que dis-je, à la montagne des hommages. Le fétu serait perdu comme l’aiguille dans la botte de foin.
Je ne viens pas au secours d’une ambulance. Je viens ici déposer mon gravier au pied du monument, comme j’ai vu les mots hâtifs tracés sur des bouts de papier lestés d’un petit caillou couronnant en majesté la belle tombe, toujours pieusement et nombreusement visitée, du poète espagnol ANTONIO MACHADO à Collioure.
Gaston, on me dira ce qu’on voudra, au bout de trois planches, il me dilate déjà les viscères, au bout de cinq (j’aime les nombres impairs), je suis plié en deux (zut, c'est un nombre pair). Au bout de sept, je n’en peux plus, je demande grâce. La première vertu zygomatique de Gaston est dans l'ingéniosité qu'il met en oeuvre pour aboutir à la SIESTE. La deuxième vertu de Gaston est dans la GAFFE, bien évidemment. La troisième vertu de Gaston est l’INVENTION, si possible improbable. Les vertus 2 et 3 découlent souvent l’une de l’autre.
Qu’on se le dise : le rêve de tout homme honnête avec lui-même est dans l’inaction consécutive à la décision de faire une bonne sieste. La sieste, en plus d'être une soustraction aux activités du monde, est un désordre. Gaston y est comme un poisson dans l’eau.
Et comme un grain de sable dans la machine productive, qu’il fasse un reportage au zoo ou qu’il fasse rissoler on ne sait pas bien quoi (peut-être des sardines à la confiture de fraise) au fond d’une caverne creusée au cœur des archives de Spirou, en compagnie de son transistor, de son chat et de sa mouette rieuse, dans l’harmonie parfaitement régressive d’un ventre maternel d’un nouveau genre.
Le grain de sable agit en général seul, car c’est son seul esprit qui prend l’initiative des catastrophes, mais FRANQUIN ne rechigne pas à l’assortir de divers complices. Je viens d’en citer deux, mais il y a aussi Jules-de-chez-Smith-en-face et Bertrand qui viennent prêter leur savoir-faire en la matière. A eux cinq, ils représentent à peu près la puissance de feu du porte-avions Enterprise, fleuron de l’US Navy.
Autour de notre grain de sable explosif, une pléiade de personnages dansent une sarabande endiablée. D’abord ceux qui se définissent comme « hors-Spirou », au premier rang desquels l’agent Longtarin (sujet principal : une voiture improbable, jaune et noire) et M. de Mesmaeker (sujet principal : des « contrats » qui resteront à jamais jamais signés). Les avanies que leur fait subir Gaston (jamais dans une mauvaise intention, notez-le) ne se comptent plus.
Plus en retrait, les talents de Gaston s’exercent aux dépens de l’armée, dont les scrogneugneus sont toujours présentés de façon à ce que les dégâts qu'il leur occasionne apparaissent comme une manifestation de la justice immanente. Mais on voit aussi son ingéniosité à l’œuvre quand il va à la campagne ou à la plage (pauvres lapins, quand même !).
Quant à l’équipe de Spirou, qui constitue le centre des principales victimes des bonnes intentions de Gaston, on s’intéressera en priorité à Fantasio, Prunelle, Lebrac, Bertje, Monsieur Boulier, quelques autres, plus intermittents (la femme de ménage aux prises avec la mallette antivol imaginée par notre héros). Je situe à part Moiselle Jeanne, qui en pince méchamment pour notre anarchiste à tout faire. Le champ d’épandage des gaffes semble, sous le crayon d’ANDRÉ FRANQUIN, extensible à l’infini.
L’invention, chez Gaston Lagaffe, est permanente, tous azimuts et portée à incandescence. Au premier plan de la photo des créations catastrophiques de notre garçon de bureau préféré, j’ai tendance à placer un instrument de musique, encore qu’on ne sache pas très bien, au sujet de ce qui sort du dit instrument, s’il s’agit de musique ou d’un tremblement de terre. Les amateurs ont déjà reconnu le GAFFOPHONE.
Un instrument naturel qui fait des dégâts démesurés par rapport à ses capacités physiques. Gaston a inventé le seul instrument exponentiel au monde. Mais le personnage lui-même est exponentiel. Il s'appelle GASTON LAGAFFE.
Voilà ce que je dis, moi.
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dimanche, 13 janvier 2013
VERS L'ANDROGYNIE TRIOMPHANTE !
Pensée du jour :
GUERRIER CHEYENNE, par EDWARD S. CURTIS
« Avant de revenir à la littérature, aux pièces, aux films dont l’homme a si inextricablement encombré le mois de janvier qu’une chatte n’y retrouverait pas ses petits, il sied peut-être de le considérer encore un peu à l’état pur, tel qu’il sortit de la main de Dieu. L’homme le voit venir avec tant de joie qu’il tombe pour l’accueillir dans mille extravagances. Il se répand en gestes arbitraires. Roseau pensant, il se conduit au premier de l’an comme un roseau qui ne penserait pas ».
ALEXANDRE VIALATTE
Résumé : les homosexuels vont pouvoir se marier. La messe est donc dite. Je finissais sur diverses considérations touchant la bague au doigt et sur l'histoire, racontée par RABELAIS, puis reprise par LA FONTAINE, de Hans Carvel, qui n'a d'autre solution, pour s'assurer de la fidélité de sa femme, que de faire du sexe de celle-ci un anneau permanent. Le Ciel en soit loué, nous ne vivons plus dans l'ère préhistorique de l'hétérosexualité monopolistique et triomphante.
OÙ SE PORTE LA MAIN DE HANS CARVEL, POUSSEE PAR LE DIABLE ?
Car ces temps obscurantistes seront très bientôt balayés. Pour le plus grand bénéfice de la société, nous dit-on. « La France est rance, la France est en retard », nous serine la propagande homosexuelle à longueur de médias, enjoignant à l’ensemble de la population, qui n’en peut mais, d’enfourcher ce nouveau dada de la modernité. « Regardez, même la très catholique Espagne s’y est mise », entend-on.
Hier matin, dans l'émission Répliques, d'ALAIN FINKIELKRAUT, il faut avoir entendu le ton méprisant d'évidence péremptoire de madame IRÈNE THÉRY, qui ne cessait de couper la parole à ses deux interlocuteurs, sur le mode : « Mais voyons, vous n'y êtes pas, a-t-on idée ? » sans doute du haut de l'autorité de la science qu'elle professe (la sociologie, si j'ai bien compris).
C’est donc l’ÉGALITÉ républicaine qui se trouve aujourd’hui convoquée devant le tribunal parlementaire. Passons sur la nouvelle confiscation de valeur que constitue cet abus de langage. Passons sur le fait que les personnes concernées représentent une minorité de la « communauté » homosexuelle (puisque communauté il y a, paraît-il). Je connais un certain nombre d'homos à qui la simple idée de "se marier" apparaît tout à fait farfelue, pour ne pas dire ridicule.
Passons aussi sur l'incroyable chamboulement symbolique qu’impose (il n’y a pas d’autre mot) cette infime minorité à la totalité d’une population de 64 millions d’individus. Si c'est une loi de clientèle qui doit être votée, pourquoi ne le dit-on pas ? Car ce qui est sûr, ici, c'est que c'est une offre légale générale qui se propose de satisfaire une demande sociétale particulière. C'est bien l'ordre des choses symboliques pour tous qui change, au bénéfice de quelques-uns. Et c'est aux Etats-Unis que nous devons l'importation en France de l'idée de loi minoritaire, instaurant ainsi une sorte de privilège réservé.
Et la volonté générale s'incline devant le désir particulier. La nouvelle gagne à être connue : le Parlement est désormais un supermarché où les lobbies peuvent venir faire leurs emplettes. Pour y faire voter ce que les juristes appellent des « lois spécifiques », peut-être ? Des lois « ad hoc » ? Remarquez, je me suis laissé dire que c'est à peu près ainsi que fonctionne la machine administrative de la Communauté Européenne, où les lobbies du chimique, de l'agroalimentaire, du biotechnologique se bousculent entre les rayons avec leurs chariots.
Attardons-nous seulement sur l’idée que le mariage homosexuel constitue une avancée, un PROGRÈS. Il me semble que le simple fait de le présenter ainsi éclaire la scène d’un jour particulier. Car il repose sur l’idée implicite que l’homosexualité, dès qu'elle est traitée à égalité avec l’hétérosexualité, acquiert la même valeur, la même dignité que celle-ci, ce qui reste à démontrer.
Que les deux sexes soient égaux en droits et en dignité, comment ne pas en être d'accord ? Mais cela autorise-t-il à décréter les différentes sexualités (ou pratiques sexuelles) elles-mêmes égales en droits et en dignité ? Qui, s'il est de bonne foi, ne reconnaîtrait pas ici un abus de langage, un coup de force sémantique, bref, un MENSONGE ?
Dit autrement : la sexualité de la personne érigée en marqueur incontestable de sa dignité. L'identité de la personne se définirait par sa sexualité ? Je vois là quelque chose d'un peu hallucinant tout de même. Assez obscène, même. C'est peut-être inactuel, voire toute à fait virtuel, mais je vivais sur l'idée (toute archaïque peut-être) que la façon dont je prends mon pied ne regarde que moi.
Formulé autrement, je dirais que la lessive « homo » exige d'être placée juste à côté de la lessive « hétéro », dans la vitrine du magasin et sur le rayon du supermarché. « Quoi ! Tu connais pas le nouvel homo ! », aurait glapi COLUCHE. Les deux lessives sont affichées au même prix. Et ça ne vous semble pas louche ?
Soit dit en passant, une pléiade d'autres sexualités, d'autres orientations et pratiques sexuelles attendent à la porte de la loi une reconnaissance pleine et entière. Je ne vais pas énumérer : où finit le goût personnel ? Où commence la perversion ? Les lobbies n'ont pas fini de faire la queue aux caisses du supermarché parlementaire.
Tout ça parce que le « client » est roi et qu’il doit avoir le choix. Dès l’enfance (je pense au projet de diffusion, sous couvert d'éducation à la tolérance, d’un film sur ce thème dans les écoles primaires), l’individu doit pouvoir se dire qu’il a le choix entre deux voies égales, et que c’est à lui de décider.
Alors qu’il faudrait savoir : l’homosexualité, qu’est-ce que c’est ? Résulte-t-elle d’un choix ? Est-elle la résultante d’une éducation ? D'une structure psychologique ? Une anomalie ? Une déviation ? Un destin ? Une fatalité ? Est-ce qu’on est (ou naît) homosexuel ? Est-ce qu'on le devient ? Est-ce qu’on le décide ? Il faudrait savoir. Des partisans du mariage gay pensent qu'on est homo.
Et je n'ouvre pas un nouveau front du côté des psys, parce que ça ferait beaucoup trop long. Certains (CHRISTOPHER LASCH, peut-être, mais il n'était pas psy, mais il faut impérativement avoir lu son livre La Culture du narcissisme) diraient sans doute que la loi sur le mariage homosexuel constitue l'irruption du narcissisme au coeur de nos institutions. Alors ?
Alors je crois que c’est exactement dans le fait de présenter l’homosexualité comme découlant d’un choix que se situe la PROPAGANDE. Autrement dit le MENSONGE. Il faut dire que le lobby (le "réseau", si vous préférez) fait le forcing depuis des lustres. Un forcing insidieux, peut-être, mais qui touche au but. Mon ami R. voit ici l'action des francs-maçons contre ce qu'il reste chez nous de chrétienté. Peut-être. Ce qui est sûr, c'est que la loi instaurant le mariage homo sera une loi votée sous influence.
L'entreprise qui trouve son aboutissement légal aujourd'hui vise, sous prétexte de déculpabiliser les franges marginales (ben oui, quoi, qu'on le veuille ou non) de la population qui se sentent attirées par le même sexe (ce qu'il ne me viendrait pas à l'esprit de vouloir interdire, évidemment, ni même contester), à installer en tête de gondole, à égalité de sens, de droit et de dignité, la lessive « homo » juste à côté de la lessive « hétéro » sur les rayons du supermarché qu'est devenue l'existence dans la société de consommation. Comme une alternative, quoi. Elle est là, la confiscation de l'idée d'égalité républicaine.
Et au bout du bout du raisonnement, qu’est-ce qu’on trouve ? L’idée que l’homosexualité constitue un progrès décisif par rapport à l’hétérosexualité. Examinez l’évolution de la question depuis les années 1970, vous y trouverez la recette pour qu’un dogme particulier finisse pas s’instaurer en vérité universelle, comme une avancée vers des lendemains qui chantent.
Le processus ne se restreint pas à la France. De même que le député doit transposer en droit français les directives européennes, de même, aujourd'hui, il se soumet à telle ou telle directive mondiale. Il y avait autrefois (paraît-il) une vingtaine de boîtes gay à San Francisco, elles sont (paraît-il) plus de 20.000 aujourd'hui. Qui fut premier, l'oeuf ou la poule ? L'offre ou la demande ? Curieuse évolution du sens de l'expression « société de consommation ». Le mariage homo marque le triomphe de l'idée de consommation comme seule boussole de l'existence humaine.
S’il en est ainsi, il est temps d’abolir les frontières entre les sexes. L'affaire suit son cours. Des différences faisons table rase, aurait dit EUGENE POTTIER, auteur de L’Internationale. Applaudissons à l’homosexualisation du monde ! Vive le « genre », aussi varié, divers et bigarré qu’il soit ! Longue vie à l’androgynie qui s’annonce à grands sons de trompette, comme avenir de l’humanité enfin rénovée ! L’horizon se dégage ! Pas trop tôt ! On en avait soupé, de la différence des sexes !
Ce qui change, dans l'histoire ? Oh, pas grand-chose. Juste ce qu'on appelait, dans des temps désomais révolus, obsolètes et archéologiques, le SENS DE LA VIE. Pardonnez ma ringardise, mon passéisme et mes gros sabots.
Voilà ce que je dis, moi.
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samedi, 12 janvier 2013
VIVE L'ANDROGYNIE UNIVERSELLE !
Pensée du jour :
CAVALIERS CHEYENNE, par EDWARD S. CURTIS
« Endeuillé par l’anniversaire de la mort du bon roi Dagobert, qui ne savait pas mettre sa culotte (c’était le début de la civilisation, l’homme hésitait encore devant ce vêtement nouveau), le mois de janvier vient de s’écouler, dramatisé par le passage du loup et par les exigences fiscales. Le mois de janvier rappelle à l’homme combien le progrès est chose ancienne ».
ALEXANDRE VIALATTE
Justement, le progrès, on va en parler. Car c’est plié : le mariage homosexuel – habilement maquillé en « mariage pour tous » (ce qui ne veut pas dire que tout le monde devra obligatoirement se marier sous peine d’amende, ouf) – sera inscrit dans le Code Civil. La majorité « socialiste » (je pouffe !) votera pour. Je ne vois pas ce qui pourrait empêcher la chose. La manifestation de dimanche 13 n’y changera strictement rien.
Les résistances au projet de loi sont reléguées au rang de vieilleries, mises au grenier, mises au compte d’un passéisme ringard, d’un conservatisme vieillot, d’un immobilisme paléontologique. Bref, à jeter d’urgence aux poubelles de l’Histoire. Le slogan frénétique de tout ce qui est « moderne » est, depuis déjà quelque temps : « BOUGEZ ! ». C’était déjà ce que célébrait (à sa façon) un « esprit libre » comme PHILIPPE MURAY.
Je ne sais plus quel conseiller de HOLLANDE déclare qu'il ne faut pas confondre "république stable" et "république immobile". Et j'ai entendu CHANTAL JOUANNO (du parti de BORLOO et favorable au mariage) déclarer qu'elle ne voudrait en aucun cas pouvoir être taxée de "ringardise". C'est le terme employé. Ce sont autant d'aveux de capitulation devant le nouveau "politiquement correct". Eh oui, que faire devant L'AIR DU TEMPS ? Devant ce que les médias (poussés par derrière par des lobbies influents) s'efforcent de faire apparaître comme la nouvelle idéologie dominante ?
J’ai déjà évoqué la parenté entre le débat actuel et la tentative avortée de FRANÇOIS MITTERRAND et ALAIN SAVARY de priver l’enseignement privé de tout apport d’argent public. C’était en 1984. Eh oui, bientôt 30 ans. Un million de catholiques dans les rues pour défendre la « liberté », qu’ils disaient. C’était déjà un bel exemple de CONFISCATION d’une de nos trois valeurs républicaines. Un joli tour de passe-passe. Disons aussi un joli montage de PROPAGANDE (cf. EDWARD BERNAYS). Une propagande abondamment relayée par toutes sortes d'"autorités" intellectuelles (sociologues, philosophes, etc.).
Le même tour de passe-passe est en train de se produire. Cette fois, c’est la deuxième de nos valeurs républicaines qui s’y colle. C’est au nom de l’ « ÉGALITÉ » qu’on va instaurer pour les homosexuels le droit de venir devant monsieur le maire et de se passer légalement la bague au doigt.
Remarquez, je dis ça, mais l’argot célèbre depuis longtemps ce qu’il appelle la « bagouze » : « A première vue, si j’étais un peu plus marle, un peu plus expérimenté de l’existence, je l’aurais flairé craquousette de la bagouse, chochotte probable ». C’est de l’ALPHONSE BOUDARD dans le texte. Les homosexuels mâles n’ont en effet pas attendu la loi pour se la passer, la bagouse.
Bon, d’accord, ce n’est pas au doigt qu'ils se la passent, « bagouse » voulant dire « anus » (à ce titre, l'anus est, avec la bouche, le seul orifice "transgenre", car seul l'insecte appelé "éphémère" est dépourvu de bouche, d'anus et de tout ce qu'il y a entre les deux, ce qui amoindrit tant soit peu ses perspectives d'orgasme).
Mais RABELAIS déjà parlait de l’ « anneau d'Hans Carvel». L’anneau magique (entrevu en rêve) servait à Hans Carvel à s’assurer que nul autre que lui ne puisse visiter l’orifice féminin de sa jeune et ardente épouse. Et s’éveillant au matin, il se rendait compte qu'il avait dormi en glissant un doigt dans le dit orifice. Mais bon, Hans Carvel vivait aux temps antédiluviens de l’hétérosexualité régnante. Intolérable aujourd'hui. Inacceptable. Inenvisageable.
« Je te donne cestuy anneau [c'est le diable qui parle]; tant que tu l'auras au doigt, ta femme ne sera d'autrui charnellement connue sans ton su et consentement.
Le diable disparut. Hans Carvel, tout joyeux, s'éveilla et trouva qu'il avait le doigt au "comment a nom ?" de sa femme ». La périphrase interrogative entre guillemets se déchiffre aisément en prenant juste la première et les deux dernières lettres. C'est beau, la littérature.
Voilà ce que je dis, moi.
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vendredi, 11 janvier 2013
"REPUBLIQUE IRREPROCHABLE", VOUS DITES ?
Pensée du jour :
SIOUX OGLALA, par EDWARD S. CURTIS
« Les enfants n'avaient autrefois que des souvenirs mérovingiens ».
ALEXANDRE VIALATTE
« République irréprochable », vous dites ? « Moi, président de la République, je n’aurai pas la prétention de nommer les présidents des chaînes de télévision publiques, je laisserai ça à des instances indépendantes ». J’ai bien entendu ? Vous vous souvenez, j’espère. Alors là je dis bravo tant que vous voulez. C’est sûr, j’applaudis le candidat qui a le courage de proclamer la pureté de ses intentions. En rupture avec les manières du président sortant.
Oui, j’applaudis à deux mains (j’ai essayé avec une seule, mais ça marche moins bien) cette déclaration du candidat FRANÇOIS HOLLANDE, face à un NICOLAS SARKOZY légèrement surpris, voire tétanisé. Malheureusement, la pureté des intentions s’est cassé le nez sur la sordidité de la réalité. Et je l’entends, le refrain de la réalité :
« Parole, parole, parole, parole, parole,
Encore des paroles que tu sèmes au vent ».
Tout le monde connaît ces mots que DALIDA réplique à ALAIN DELON en train de lui jouer la grande scène du « retour de flamme ».
Le chef de bureau qui nous gouverne, quittant les mots et la propagande pour affronter la réalité, voici ce qu'il dit : « Moi, président de la République, je nomme mon pote OLIVIER SCHRAMECK président du CSA ». OLIVIER SCHRAMECK ? Mais si, rappelez-vous, le grand copain de LIONEL JOSPIN, son directeur de cabinet (1988-1991) quand il est ministre de l’éducation, son directeur de cabinet (1997-2002) quand il est premier ministre. Un grand serviteur de l’Etat, donc, OLIVIER SCHRAMECK.
Cela méritait bien un sucre d’orge : « Qu’est-ce que tu dirais du CSA ? – Ben, à la rigueur et faute de mieux, tope là ». Je n’étais pas dans le bureau où s’est prise la décision, mais ça doit ressembler à ça. Et HOLLANDE a dû ajouter : « Les gens diront ce qu’ils voudront, faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais ». Comme dit le philosophe HENRI BERGSON : « Pour se faire une idée de la vérité, il faut se référer non aux mots qu’une personne prononce, mais à ses actes ». Qui ne serait pas d’accord ? La « République irréprochable » attendra, elle a déjà été tellement patiente.
Bon, on dira, pour être gentil : « Pour cette fois, ça va, circulez, mais n’y revenez pas. – Promis, papa ». Malheureusement, ce genre d’embrouilles (et d’arrangements avec ses propres serments prêtés la main sur le coeur) notre président élu semble en avoir rapidement fait un mode de vie ordinaire. Il le fait voler en escadrille, l'arrangement. FRANÇOIS HOLLANDE a dû pratiquer le tir en rafales, visiblement, il s’y connaît.
IL VOUS FAIT RIRE, VOUS ?
Secrétaire général de la présidence ? PIERRE-RENÉ LEMAS, ex-préfet. Directrice de cabinet du président HOLLANDE ? SYLVIE HUBAC, ex-conseillère d’Etat. Recteur de l’énorme académie de Versailles ? PIERRE-YVES DUWOYE, ex-directeur de cabinet de VINCENT PEILLON. Préfet de la très convoitée Région Aquitaine ? MICHEL DELPUECH, ex-préfet de la Région Picardie. Attendez la fin, ce n’est pas fini.
Ambassadeur en Afghanistan ? STANISLAS LEFEBVRE DE LABOULAYE. Administrateur provisoire de Sciences-Po ? JEAN GAEREMYNCK, conseiller d’Etat. Directeur de la Caisse des Dépôts et Consignations ? JEAN-PIERRE JOUYET (tiens, tiens, il a pas fricoté avec SARKOZY, celui-là ?). Chargé de remettre un rapport sur l’Epargne ? PIERRE DUQUESNE. Directeur de Veolia Transdev, n°1 européen des transports ? JEAN-MARC JANAILLAC. Plus que deux à caser : où va-t-il les mettre ?
Nous trouvons CLAUDE REVEL, qui a mené carrière « dans le conseil » (l’appellation est drôle, mais ça mène à tout à condition d’en sortir), chargée de rédiger un obscur rapport sur les efforts internationaux de la France pour se positionner « en matière de normes » (texto). Et la DRH du groupe La Poste, alors, alliez-vous me demander ? Voilà une question qu’elle est bonne. SYLVIE FRANÇOIS, elle s’appelle.
Alors vous allez dire : « Tout ça ne nous dit pas l’heure. Pourquoi cette énumération, blogueur compulsif ? S’il y a un lien entre tous ces gens, quel est-il ? ». Votre intuition a percé le mur de la devinette que j’avais concoctée. OUI, IL Y A UN LIEN. Il suffit de se souvenir par quelles écoles notre président hélas élu (rassurez-vous, je dirais le même hélas si ç’avait été l’autre). Sciences-Po ? HEC ? Vous n’y êtes pas.
PROMOTION "VOLTAIRE" DE L'ENA (1980)
HOLLANDE DOIT SE DIRE : "PUTAIN ! ENCORE TOUT CE MONDE A CASER !"
(mais je ne vois pas la planche d'appui pour le tir aux pipes, dommage)
Ceux qui ont dit « ENA » ont gagné (mon estime). Oui, tous ces gens sont des camarades de FRANÇOIS HOLLANDE au sein de la « Promotion Voltaire ». Et c’est GILLES MARCHANDON, autre ancien de la dite promotion, qui, dans l’association des anciens, s’occupe du service « carrières ». Retenez bien ce prénom et ce nom : monsieur PROMOTION VOLTAIRE est le meilleur ami de FRANÇOIS HOLLANDE. Qui le lui rend bien. Avec les intérêts.
Je remercie un « hebdomadaire satirique paraissant le mercredi », sans les informations duquel la population française se verrait interdire le moindre accès aux cuisines de la cantine où on les fait manger, et à la cabine de pilotage de l’avion où on les a embarqués.
QU'EST DEVENU LE SLOGAN IMMORTEL :
"LA LIBERTÉ DE LA PRESSE NE S'USE QUE SI L'ON NE S'EN SERT PAS" ?
(mais c'est vrai, qui se souvient des piles Wonder, qui ne s'usent que si l'on s'en sert ?)
Si vous tapez : « Moi président de la République », vous tombez sur un Youtube de 3’22 qui montre le candidat étalant la pureté de ses intentions. Je n’insère pas la séquence ici même, parce que je ne voudrais pas souiller ce blog, ni la pureté de ses intentions, dont je suis sûr que personne ne doute. Moi, président de cette République ? Vous rigolez ? La main sur le coeur, je le proclame : « NON MERCI ! ». Remarquez, je suis à l'abri : personne encore ne m'a demandé de me porter candidat.
Voilà ce que je dis, moi.
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jeudi, 10 janvier 2013
MAIS QUELLE ETAIT LA QUESTION ?
Pensée du jour :
AATSISTA MAKHAN, BLACKFOOT
« Un vent aigre balaie les rues. Le Soleil est entré dans le Bélier. Les enfants qui naissent sous ce signe feront bien d’éviter les tournois. L’astrologue les leur déconseille. C’est déjà le moment de fumer les vieux houblons et de planter la griffe d’asperge. Voire de semer la lupuline. Bientôt l’hirondelle va revenir ».
ALEXANDRE VIALATTE
Est-ce que le pou se pose la question : « Est-ce que j’existe ? » ? Non, il se contente d’exister. S’il a une tête, on ne sait pas vraiment ce qu’il a dedans. Il vit sa vie de « pou de la reine, pou de la reine, pou de la reine, le roi Ménélas » (JACQUES OFFENBACH). Y a-t-il des reines chez les poux ? Cela n’est pas prouvé, à l’heure ou nous parlons. Cela n’empêche nullement d’affirmer que l’insecte est un problème.
Je crois qu’on peut savoir gré à ANDRÉ FRANQUIN d’avoir résumé le problème dans une page de Gaston Lagaffe. Gaston, qui doit s’occuper d’un petit tout un après-midi, raconte à celui-ci l’histoire suivante : « Chez les papous, il y a les papous à poux et les papous pas à poux. Mais chez les poux, il y a les poux papas et les poux pas papas. Donc chez les papous, il y a les papous à poux papas et les papous à poux pas papas ». Tout comme ça.
On voit par là (merci pour la formule, monsieur VIALATTE) que la vie est une succession d’aiguillages, de subdivisions, de voies divergentes dont on se rend compte qu’on les a quittées quand on se trouve embarqués dans un bateau qu’on n’a finalement pas si librement choisi qu’on voudrait nous le faire croire.
Aiguillages ou pas, on est toujours sur ses rails. Pas vrai ?
En tout cas, voilà ce que je dis, moi.
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mardi, 08 janvier 2013
BONNE ANNEE, BORIS !
Pensée du jour :
SIOUX OGLALA, par EDWARD S. CURTIS
« Il y a quelque chose de choquant à voir les conditions de la célébrité. On ne saurait être célèbre à moins de sauver son pays ou de découvrir de quelle façon tournent les étoiles ; ou alors il faut tuer une famille britannique qui vient camper dans les asperges, y compris un enfant de dix ans ; ou même, comme Lacenaire, se faire guillotiner et être capable de manger un poêle à bois ; un poêle à bois à feu continu ; en briques vernies ; tout au moins la moitié. Bref, être un grand monsieur ou un grand dégoûtant. Ou alors un grand estomac. On voit par là que, faute de pays à sauver, ou si le ciel est couvert de nuages, si la famille est française comme tout le monde, si la guillotine marche mal ou si on ne digère pas la brique de poêle à bois, il n’y a pas moyen d’être célèbre ».
ALEXANDRE VIALATTE
Le boulanger chez qui j’achetais mon pain autrefois (une formidable « marguerite » avec mie et croûte idéalement proportionnées, il travaillait « sur boulenc ») s’appelait GRILLON. Un excellent boulanger, à l’étrange physique tout en nerfs et en hauteur. Quand il a déménagé à « la Table de Pierre » pour s’agrandir, il a été obligé d’embaucher un apprenti.
Et il m’a raconté l’histoire suivante : « La première semaine, impeccable, rien à dire. La deuxième semaine, il vient le mardi, le mercredi, et le reste de la semaine, personne. Pas de message, rien au téléphone. Le lundi suivant, il débarque à l’heure normale. Je lui demande ce qui arrive : "Oh ben j’ai pas eu le temps de venir travailler" ». Il avait l’air tout surpris, monsieur GRILLON.
Pas le temps de venir travailler. Voilà tout. Loin de moi l’idée de jeter l’opprobre, le bébé, le discrédit et la pierre (avec l'eau du bain, bien entendu) à la jeunesse tout entière. Je connais des informaticiens qui sont devenus métalliers, parce qu’ils avaient, je crois, envie de continuer à avoir envie de travailler. Mais il y a peut-être malgré tout un phénomène de génération.
Je n’en veux pour preuve que l’exemple de BORIS, qui a eu les honneurs des pages « arrondissements » du Progrès de Lyon. Le gars en question zone dans le 3ème ou le 7ème arrondissement, comme l’indique le journal. Je ne veux, avec l’exemple de BORIS, que marquer l’incompréhension qui est la mienne, devant des, disons, « comportements nouveaux » ou encore « mentalités nouvelles ». Pour rester gentil.
BORIS n’est pas méchant, qu’on se le dise. Il a juste deux chiennes. A les voir, Athena et Sheeva sont des chiennes gentilles. Il a bon caractère, BORIS, nom de Dieu. C’est vrai ça. Il ne veut de mal à personne, BORIS. A condition qu’on ne l’emmerde pas. A condition que les passants ne l’apostrophent pas méchamment : « Je n’aime pas être dévisagé et entendre de sales réflexions. Je me sens incompris. Parfois, je me fâche, bien que je sois quelqu’un de gentil ». Les passants ont intérêt à se le tenir pour dit.
Heureusement, cet homme de 34 ans est tombé sur un(e) journaliste compréhensif(ve) qui a consenti à noircir du papier pour dresser son « portrait ». Alors là, pour le coup, c’est du journalisme gentil. Je dirais même qu’on ne saurait être plus aimable, si l’on se fie au titre retenu.
C’est vrai qu’il en a subi, des épreuves, dans sa vie, BORIS : la DDASS « dès sa plus tendre enfance ». L’école ? « Je n’aimais pas l’école. » Pas de veine, hein ? Pas d’école. Pas de soutien familial. Pas de soutien matériel. Pas de qualification. Dans ces conditions, pas d’insertion dans la vie professionnelle : « J’ai décroché plusieurs jobs, souvent saisonniers, comme plongeur dans un restaurant, homme de ménage, employé chez un loueur de ski ».
Arrivé à Lyon à 26 ans, il n’arrive pas à trouver de boulot stable : « Il faut dire qu’il n’a pas de toit et qu’il est confronté à l’enfer de la rue », dit l’article. L’enfer de la rue, pas moins : « J’ai vu des amis mourir autour de moi, révèle-t-il. Ça forge le caractère. Les épreuves ne font plus peur ». Pour quelqu’un qui vit en enfer, je trouve pourtant qu’il a l’apparence de quelqu’un qui s’en sort pas trop mal.
Il touche le RSA, il regarde la télévision, et pour « arrondir », il fait la manche au coin de l’avenue Jean-Jaurès et du cours Gambetta. Entre 10 et 30 euros. Parce que le RSA ne suffit pas pour tout payer. Qu’y a-t-il dans ce "tout" ? Ce n’est pas dit. L'après-midi, assis sur son tabouret, il attend que ça tombe. L’aide publique d’un côté, la charité des passants « gentils » de l’autre. Un éducateur de rue « lui déniche un petit appartement dans l’arrondissement ». Que demande le peuple ?
Conclusion ? Voici comment il envisage l’avenir, BORIS : « J’aimerais trouver un bon travail, avoir une petite amie et un jour, pourquoi pas, fonder une famille … ». Un homme normal, quoi.
Alors je demande : QU’EST-CE QUI CLOCHE, dans ce tableau ? Qu’est-ce qu’elle dit, la chanson de JACQUES HIGELIN ? Ah oui :
« Poil dans la main,
payé à rien foutre,
regarder la poutre
dans l’œil du voisin ».
Voilà ce que je dis, moi.
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mercredi, 12 décembre 2012
GRAVIR LE MONT PEREC
Pensée du jour :
ERWIN BLUMENFELD
« Il n'est rien de plus charmant que les proverbes arabes, et même les proverbes tout court. On les trouve dans les agendas, entre une recette pour recourber les cils et la façon d'accommoder le riz cantonais. Ils parfument la vie de l'homme sensé. Ils font parler le crapaud, ils racontent la brebis, ils décrivent le rhinocéros. Ils rendent le lion sentencieux et la chèvre pédagogique. Il leur arrive de comparer le commerçant aisé à la fleur du jasmin, et l'homme sage à un vase de cuivre orné de riches ciselures par un habile artisan de Damas. On voit par là que nulle métaphore ne les effraie ».
ALEXANDRE VIALATTE
Résumé : je demandais juste : « Mais qu’est-ce que c’est, bon sang, un onzain hétérogrammatique ? ».
Très simple à expliquer : c’est un poème de onze vers dont chaque vers est composé de onze lettres. Ajoutons que ces onze lettres, à chaque vers, doivent être strictement les mêmes. Et si on met les lignes bout à bout, on est censé trouver une suite de mots, qui veuille autant que possible dire quelque chose.
VOIR TRADUCTION PLUS BAS
Appelons ça un poème, si vous êtes d’accord. On connaît le haïku, poème comportant exactement 17 syllabes. C’est du japonais. Eh bien GEORGES PEREC invente le poème de 121 lettres, pas une de plus : c’est ça le « onzain hétérogrammatique ».
C’est autrement fortiche que le sonnet, je peux vous le dire. Avec ses Cent mille milliards de poèmes, RAYMOND QUENEAU peut aller se rhabiller, même si PEREC dédie La Vie mode d’emploi « à la mémoire de Raymond Queneau ».
CENT MILLE MILLIARDS ? VRAIMENT ? C'EST DE LA PRESTIDIGITATION !
C'EST AUSSI UNE EXCELLENTE TROUVAILLE DE "COM".
Et pourquoi « ulcérations », alors ? Très simple à expliquer, là encore. Prenez les onze lettres les plus fréquentes du français écrit, vous obtenez la série suivante, dans l’ordre : E, S, A, R, T, I, N, U, L, O, C. Vous cherchez un bon moment s’il n’y a pas un moyen de faire quelque chose de cette liste, vous cogitez, et soudain, la lumière se fait : « Ulcérations », en prenant soin de mettre le mot au pluriel. C’est PEREC qui a trouvé ça.
Je dois dire, pour être tout à fait sincère, que la valeur littéraire des poèmes ainsi obtenus est très loin de sauter aux yeux, comme on peut le voir ci-dessous. C’est sûr que c’est une prouesse digne de Tristan terrassant le Morholt ou de David assommant Goliath. Un exploit.
TRADUCTION DU ONZAIN : QUI AURAIT ENVIE D'APPRENDRE ÇA PAR COEUR ?
(rendez-moi Baudelaire)
L’accomplissement d’une tâche surhumaine. Qui me fait penser à cette très belle réplique mise par GOSCINNY dans la bouche du commerçant auquel s’adresse Lucky Luke dans Des Barbelés sur la prairie : « Pour l’impossible, nous demandons un délai de quinze jours ». Mais pour un résultat capable de réjouir les capacités de calcul d’un ordinateur. Pendant ce temps, le poète patiente à la porte. Dans le froid glacial.
DESOLE : C'EST LA SEULE PLANCHE DONT JE DISPOSE
Franchement, c’est comme les virtuosités vocales des mélismes de CECILIA BARTOLI chantant VIVALDI : à l’arrivée, je me dis : « Tout ça pour ça ! ». Tout ça pour dire que l’oulipianisme de GEORGES PEREC me laisse un tout petit peu sceptique, même si je reconnais l’absolue supériorité du maître dans tout ce qui concerne les jeux avec les lettres (et avec les Lettres). Heureusement, le génie de PEREC remplit avantageusement les formes que son goût pour les contraintes d'écriture lui suggèrent jour après jour.
Car la sécheresse du pur formalisme n’est pas loin, comme si l’on essayait de mettre au point une machine capable de produire du vivant (BERGSON, au secours !). Et en même temps, une forme de préciosité héritée de Mademoiselle de SCUDERY. Mais le JEU ne fut pour GEORGES PEREC, en quelque sorte, que la voie d'accès à l'expression de son monde à lui par la littérature. PEREC a eu besoin du jeu (les contraintes oulipiennes) pour laisser libre cours au flux (appelons ça comme ça, par convention) créatif qui le traversait.
Ce n’est pas pour rien que PEREC (et il l'est peut-être encore, je ne me tiens pas au courant des avancées de la compétition, puisqu’il y a évidemment surenchère, et que celle-ci m’intéresse, je dois dire, tout à fait moyennement) le recordman de tout le système solaire pour ce qui est du PALINDROME.
Si vous consultez un des deux volumes « oulipo » de la collection « Idées / Gallimard » (La Littérature et Atlas, mais maintenant, pour les curieux, il y a la Bibliothèque oulipienne authentique), vous saurez. Je crois me souvenir que le palindrome de GEORGES PEREC est fait de 1247 mots.
Au fait, je n’ai pas dit ce que c’est, un palindrome. J’aurais dû. En musique, ça existe aussi, ce n’est pas monsieur PHILIPPE CATHÉ qui me contredira. OLIVIER MESSIAEN a inventé les « rythmes non rétrogradables », qui reposent exactement sur ce principe : on peut lire le texte en commençant par le début ou par la fin sans que l’ordre des signes écrits ait varié d’un iota (mais s'agissant de mots, le sens change évidemment, contrairement à ce que déclare le crétin qui a rédigé la notice wikipédia).
Le palindrome a bien sûr attiré l'attention de l'humain dès que celui-ci disposa de l'alphabet. ALFRED JARRY cite dans Messaline le très connu « ROMA / AMOR ». GUY DEBORD élabora l'extraordinaire « In girum imus nocte et consumimur igni » ("Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes consumés par le feu").
Je vous donne juste le début de l'exploit accompli par GEORGES PEREC : « Trace l’inégal palindrome. Neige. Bagatelle, dira Hercule. »,et la fin : « Ta gabegie ne mord ni la plage ni l’écart ». Vous pouvez vérifier dans un miroir (sans tenir compte des accents et autres signes adventices).
Là encore, admirons la prouesse, mais ne nous demandons pas trop violemment ce que tout ça peut signifier. En comparaison, GUY DEBORD n'a battu aucun record, mais il a trouvé une pépite en or massif (si c'est lui qui l'a trouvée, ce que j'avoue ne pas savoir, mais il n'y a pas de raisons d'en douter).
Voilà ce que je dis, moi.
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mardi, 11 décembre 2012
GEORGES PEREC LE JOUEUR
Pensée du jour :
EDWARD WESTON
« Il faut de temps en temps remettre les pendules à leur ... place ».
JOHNNY HALLIDAY (on ice & on the rocks, hic et nunc, et sursum corda, ad altare deo, mais ça reste surtout "on the rocks")
J’ai mentionné hier le nom de GEORGES PEREC. J’ai même évoqué le livre qui l’a fait connaître (Les Choses, Julliard, 1965), vous savez, cette « histoire des années 60 » qui commence par un chapitre au conditionnel, et dont l’épilogue est écrit au futur. Je suis allé jusqu’à exhiber sa trombine.
C'ETAIT AVANT BEN LADEN ET TOUTE SA CLIQUE
Tout ça pour dire que GEORGES PEREC est, je crois, un grand écrivain. Peut-être même, allons-y carrément, un auteur. Un vrai. On sait qu’on a affaire à un auteur quand on est face à un ensemble qu’on appelle une œuvre. Et l’œuvre est incontestable. Mais elle souffre, pour apparaître comme telle, d’un, disons, handicap.
DESSIN D'EMILIE SCHEFFER
Elle est hétérogène, je veux dire bigarrée, papillonnante, hétéroclite et disparate. Difficile à saisir dans son unité, si elle en a une. Certains soutiennent même l’idée que PEREC est moins un écrivain qu’un amateur d’énigmes cabalistiques quasiment indéchiffrables.
Pour donner un exemple de cette tare rédhibitoire, ils citent, entre autres, les 24 « portraits imaginaires » peints par l’artiste Hutting dans La Vie mode d’emploi (soit dit en passant, je me demande si ce n’est pas le seul livre qui porte, au dessous du titre, la mention « Romans », au pluriel) : prenons au hasard le n° 19. Voilà comment il est présenté : « L’acteur Archibald Moon hésite pour son prochain spectacle entre Joseph d’Arimathie ou Zarathoustra » (on trouve ça p. 354).
Passons sur l’approximation grammaticale que constitue le « ou » (on attendrait plutôt « et »), car elle est intentionnelle : elle nous révèle l’identité d’un personnage bien réel. Et pas n’importe qui, puisqu’il s’agit du grand ami de GEORGES PEREC. Il s’appelle HARRY MATHEWS, et a vécu à Lans-en-Vercors, aux côtés de MARIE CHAIX, auteur, entre autres, du très beau Les Lauriers du lac de Constance. On décrypte le nom du monsieur dans la séquence « Arimathie ou Z ». Fallait y penser !! Ce serait négligeable si cette chinoiserie cryptographique était un cas isolé.
HARRY MATHEWS EN 1984
Mais non ! Il fait passer dans cette moulinette les noms de tous les membres qui constituaient alors l’Ou.Li.Po. (Tham Douli portant… ; NOËL ARNAUD : Coppélia enseigne à Noé l’art nautique, …, etc.). Et s’il n’y avait que ça ! Mais non ! C’est tout le temps comme ça. Tenez, tout le monde a entendu parler du roman La Disparition (1969), n’est-ce pas ?
C'EST JUSTE LA PREMIERE PAGE
Je ne sais pas s’il est vrai, comme ça se raconte, que nul, parmi les « critiques » littéraires (autoproclamés) qui ont commenté le roman à parution, ne s’est aperçu du procédé (le « lipogramme » = "j'abandonne une lettre") mis en œuvre, mais si tel est bien le cas, ça veut dire au moins une chose : GEORGES PEREC est un maître.
Non seulement il use d’une ficelle qui, quand on la connaît, crève les yeux au point qu’on ne voit plus qu’elle, mais il arrive à la dissimuler aux yeux les mieux exercés et les plus perspicaces sous la trame d’un authentique roman romanesque pleinement réussi.
La Disparition raconte en effet, en environ 300 pages, l’histoire d’une disparition : celle, tout simplement, de la lettre E, la plus fréquente du français ! Cela a-t-il pu échapper à tout le monde ? Ça me paraît difficile, mais bon. Et pour faire bonne mesure, GEORGES PEREC s’offre le luxe d’un passage dépourvu non seulement de E, mais aussi de A. Vous pouvez essayer en famille, le soir : c’est un jeu de société comme un autre, après tout. Pas donné à tout le monde, quand même.
ICI, ON EST P. 296 : UN JEU D'ENFANT, COMME ON VOIT
Et le pompon, la cerise sur la crème fouettée du délectable « Forêt Noire », c’est, trois ans après (1972), l’exercice inverse : on trouve en effet dans Les Revenentes l’emploi exclusif de mots dépourvus de toute autre voyelle que E. Ce n’est pas sans diverses « acrobaties » ou « approximations » (y compris dans La Disparition, où PEREC tord le bras plus d’une fois à l’orthographe canonique ou à la syntaxe). Et ça peut laisser sceptique.
On peut le dire : pour PEREC, la littérature commence AU PIED DE LA LETTRE. Je crois que ce qui pourrait définir le mieux la démarche littéraire de GEORGES PEREC, c'est précisément qu'il prend la littérature AU PIED DE LA LETTRE pour pouvoir JOUER avec elle.
Et là, on peut le dire : c’est le virtuose. C’est le premier violon super-soliste. Même son ami HARRY MATHEWS le reconnaît avec simplicité : dans les exercices d’ « ulcérations », il n’arrive pas à sa cheville. En un tournemain, il vous torche, vite fait sur un coin de table, un onzain hétérogrammatique en se jouant des difficultés. MATHEWS, en comparaison, il tire la langue (c'est lui qui le dit). Mais vous me direz : « onzain hétérogrammatique », qu’ès aco ?
Ça vient, ne poussez pas.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photographie, edward weston, femme nue, corps féminin, beauté féminine, johnny hallyday, georges perec, les choses, julliard, littérature, humour, la vie mode d'emploi, harry mathews, marie chaix, oulipo, noël arnaud, la disparition, lipogramme, palindrome, les revenentes, les lauriers du lac de constance, au pied de la lettre
dimanche, 09 décembre 2012
L'HOMME QUI FIT FUMER LA FEMME
Pensée du jour :
QUAND UN AVEUGLE PREND DES PHOTOS, VOILA CE QUE CA DONNE
IL S'APPELLE EVGEN BAVCAR, IL EST NE EN SLOVENIE
(authentique, évidemment, et il sait visiblement ce que c'est, une femme nue !)
« Rien n'est plus étrange que la mer. Elle part, elle vient, repart, revient, elle se berce ; et elle fait des songes. Elle rêve des îles, des ports et des soleils couchants ; au sud, à l'horizon, elle rêve Alexandrie, mirage nacré, impalpable vapeur, jeu d'étincelles ; au nord, houleuse et couleur de hareng, elle rêve de grands clairs de lune, et les phares de la côte anglaise. Elle rêve les jonques et les lanternes vénitiennes, les éponges et les madrépores, elle rêve de tout, elle se nourrit de reflets et se nourrit de coquillages, des baleines mortes et des cadavres de marins ; elle enfante surtout les nuages, formes mouvantes commes les sculptures de Brancusi, qui s'entre-effacent et s'entre-engendrent à la façon des musiques de Mozart : la mer est un sculpteur abstrait ».
ALEXANDRE VIALATTE
Résumé de l’épisode précédent (d'avant-hier, en fait) : le petit EDWARD BERNAYS est devenu grand en écrivant Propaganda (1928), un livre de chevet pour GOEBBELS, HITLER, STALINE, et un « credo » pour tout publicitaire qui se respecte un peu.
SALE ENGEANCE : ÇA MEURT A 103 ANS !!!
Chargé de vendre la cigarette à toute la gent féminine (et pas « gente », qui est un adjectif qualificatif, comme l'ignorent les ignares), il « libère » la femme en établissant un lien entre la « Torch of Freedom » de la Statue de la Liberté et la cigarette allumée, que seront dès lors autorisées à arborer toutes les femmes américaines.
Soit dit en passant, on ne m'enlèvera pas de l'idée que le BOUT DE SEIN joue pour l'imaginaire des hommes un rôle assez voisin de celui du GLAND (selon la psychanalyse) pour l'imaginaire des femmes, et que l'incandescence du bout de la cigarette a quelque chose à voir avec le BOUT DE SEIN, dans l'imaginaire masculin. On nage en plein érotisme, comme on le voit, par exemple avec la photo de la pin-up à poils (de moustache) ci-dessous.
Oui, il faut préciser que la torche que la Liberté tient dans la main droite s’appelle en américain : « Torch of Freedom ». C’est comme ça que la cigarette allumée, délicatement tenue par deux doigts d’une exquise main féminine, devint à son tour la « Torche de la Liberté ». Et vive la métaphore ! Tout est dans la nomination, on vous dit.
Ben oui, il suffit de donner à la chose désagréable le nom adéquat pour faire passer sans douleur la dite chose : appelez donc votre plan de licenciements massifs « Plan de Sauvegarde de l’Emploi », et soudain vous verrez, tout change. On appelle ça la magie de l'EUPHEMISME. VICTOR KLEMPERER a longuement étudié ça sous le règne d’HITLER (dans LTI, la langue du 3ème Reich, une lecture indispensable).
GEORGE ORWELL, avec sa "novlangue" (dans 1984), a lui aussi bien cerné le problème ("l'esclavage, c'est la liberté"). C'est pourquoi on peut se demander si la théorie de SIGMUND FREUD n'a pas nourri indirectement le système hitlérien, à commencer par sa dimension de propagande ? Il y a de quoi se demander, non ? Mais pour revenir à la campagne publicitaire d'EDWARD BERNAYS, ça ne suffisait pas.
Pour que l’événement fasse date, pour que la campagne atteigne efficacement son objectif, il faut frapper les imaginations, il faut que toute la presse en parle, il faut que tout le pays en parle, il faut du spectaculaire et du scandaleux. Et c’est là que le savoir-faire d’EDWARD BERNAYS va faire merveille.
Chaque année, la ville de New York organise une « manifestation-spectacle ». « New York Easter Parade », ça s’appelle. Un événement annuel de portée nationale, qui a lieu depuis 1880. On va stipendier une cohorte d’accortes bougresses artistement vêtues, on va prévenir en douce les photographes et autres journalistes qu’il va se passer quelque chose et qu’ils doivent se tenir prêts.
NEW YORK EASTER PARADE 2012 !!!!! ÇA CONTINUE !!!!
Et le jour du « Easter Sunday » 1929, quand la troupe des jolies femmes sort des sacs à main une cigarette, que chacune la porte à ses lèvres pulpeuses et, comble du culot, en allume l’extrémité, tout est prêt, EDWARD BERNAYS peut dire que sa campagne est un succès et qu’il a mérité son gros chèque. Les images scandaleuses s’étalent en « une » des journaux, de l’Atlantique au Pacifique.
Les femmes peuvent désormais se proclamer « libérées » par la grâce d’une magistrale campagne de publicité. On est en 1929. L’industrie du tabac peut se frotter les mains. « La moitié du ciel » (les femmes, selon MAO TSE TOUNG) va faire pleuvoir les pépètes, pésètes et autres picaillons dans son porte-monnaie largement ouvert sur les profondeurs abyssales des comptes en banque des actionnaires enchantés. Le « marché », en un clic, a tout simplement doublé de surface.
Bon, alors, le lecteur va me dire maintenant : « Mais qu’est-ce qui te permet, blogueur excessif, de considérer EDWARD BERNAYS comme un quasi-génie ? ». Bonne question. Qu’est-ce qu’elle prouve, la campagne pro-tabac de 1929 ? Qu’est-ce qui fait de son auteur un révolutionnaire ? Tiens, juste un avant-goût : le premier paragraphe de Propaganda.
Au moins, on se dit qi'il ne prend pas de gants, EDWARD BERNAYS. Et ça n'est que le tout début de 110 pages qui décoiffent (je ne compte pas la préface). J'attire juste l'attention sur "gouvernement invisible".
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE, UNE EPOQUE FORMIDABLE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photographie, art, france, société, culture, alexandre vialatte, littérature, humour, edward bernays, propagande, publicité, public relations, goebbels, hitler, staline, communication, statue de la liberté, sigmund freud, victor klemperer, lti, new york, mao tse toung, grammaire, langue française, propaganda
samedi, 08 décembre 2012
LA PESTE DE LA FÊTE DES LUMIERES
Pensée du jour :
LA BEAUTE SELON CHRISTIAN VOGT
« Le désert engendre les dieux. "Jouez hautbois, résonnez musettes", c'est des sables de Palestine que nous viennent les chants des bergers ; c'est du ciel du désert qu'arrivent les anges en blanc qui sonnent dans des trompettes en or ; c'est sur les dunes de Jordanie ridées du vent, ourlées par lui, brodée comme un ouvrage de dames, que s'imptiment les pas des rois mages et que s'élève une odeur d'encens. Terre aride. On a dit que le soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face. Et le désert, c'est le soleil et la mort. Une autre dimension de la terre. Le pur espace des géomètres. Et c'est ce sol qui ne produit rien qui donne les dieux. L'esprit souffle sur lui. L'esprit désincarné ».
ALEXANDRE VIALATTE
J’interromps momentanément ma série sur EDWARD BERNAYS, mais c’est pour une bonne cause : il y a urgence. Demain soir, il sera trop tard !
Oui, ALERTE !!! Lyon est submergé depuis deux jours par des hordes (on parle de 2.000.000 sur quatre jours) de gens affairés qui, le nez dans un plan de la ville, cherchent avidement le lieu où se passe la "Fête des Lumières".
En tant que vieux Lyonnais dûment estampillé, je voudrais ouvrir leurs yeux et dénoncer l'imposture. Une partie de mon argent de contribuable s'évanouit dans des machines sophistiquées, qui projettent sur des façades illustres (Palais des Beaux Arts, Saint Nizier, ...) le produit lumineux, dégénéré et coûteux conçu dans l'esprit tordu de quelques "artistes" autoproclamés. Je m'insurge, je me gendarme et je crie au scandale.
Qu'on se le dise : Lyon est le lieu exclusif des
ILLUMINATIONS DU 8 DECEMBRE.
Et "illuminer" consiste essentiellement dans l'alignement, au soir de ce 8 décembre (et seulement ce soir-là), sur le rebord des fenêtres, de petits verres cannelés à l'intérieur desquels tremble la flamme d'un lumignon.
Il faut avoir vu danser, sur le rebord de sa propre fenêtre, les huit ou douze rais de lumière échappés de la modeste chose modestement posée, soumise aux aléas de la brise, de la bise, de la neige et de la pluie. Qu'on est heureux, en rentrant de la Brasserie Georges où l'on a fini la promenade du soir, en constatant que les modestes flammes ont résisté.
Je plains tous ceux qui, se promenant sur les quais du Rhône et de la Saône, n’ont jamais été pris dans l’incroyable magie de milliers de flammes vacillantes, que les cannelures de verres spécialement dédiés à cette occasion démultiplient. De vraies rampes lumineuses qui traversaient la ville de part en part, voilà ce que c'était, les « Illuminations ».
Pour savoir ce que sont les VRAIES, les AUTHENTIQUES « Illuminations » de Lyon le 8 décembre, j’en suis désolé pour les autres, il faut avoir été témoin du temps où la ville n’avait pas encore été transformée en gigantesque attrape-touriste, en colossal parc d’attraction à l’américaine, en monstrueux espace « spectaculaire-marchand » (GUY DEBORD), en gros mensonge infantile, technique et malfaisant.
Voilà ce que je dis, moi, à monsieur GERARD COLLOMB.
P.S. Voilà ce que ça doit donner, les vrais lampions du 8 décembre à Lyon (ceux-là sont particulièrement bien dotés : 14 rais de lumière, qu'il faut imaginer tout tremblants, dès le plus léger souffle d'air) :
Et rien d'autre.
Voilà tout.
09:00 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photographie, alexandre vialatte, littérature, humour, société, lyon, france, tourisme, 8 décembre, illuminations, fête des lumières, gérard collomb, femme, beauté
vendredi, 07 décembre 2012
LIBEREZ-VOUS, MESDAMES : FUMEZ !
Pensée du jour :
AUTRE IDEE DE LA BEAUTE SELON LUCIEN CLERGUE
« Je vous cèderais volontiers ma place, malheureusement, elle est occupée ! ».
GROUCHO MARX
Résumé de l’épisode précédent : les femmes doivent leur « libération », non pas aux « luttes » féministes, comme la rumeur s’en colporte encore aujourd’hui avec une veule complaisance, mais à EDWARD BERNAYS, dont elles ont obtenu – et de façon spectaculaire – l’autorisation de brandir en public un petit cylindre d’une substance végétale délicatement et finement découpée, et soigneusement enveloppée d’une feuille extrêmement fine de papier de riz, dont l’extrémité peut à volonté être portée à incandescence, une fois que l’autre extrémité a été sensuellement glissée entre les lèvres féminines.
EDWARD BERNAYS, donc, et personne d’autre. EDWARD BERNAYS, que le magazine Life, en son temps, a désigné comme l’une des personnes les plus influentes du 20ème siècle. EDWARD BERNAYS, injustement maintenu dans un obscur cagibi du purgatoire des célébrités.
JOSEPH GOEBBELS, INITIATEUR DE LA "PROPAGANDASTAFFEL"
A LA DEMANDE DE SON MENTOR
Il s’agit bien de lui, et les notes que ce blog lui consacre ne visent qu’à réparer une sorte d’injustice : oui, il est temps de rendre justice à un homme dont les travaux ont brillamment inspiré des communicants aussi renommés et efficaces que JOSEPH GOEBBELS, ADOLF HITLER et JOSEPH STALINE, qui avaient sur leur table de chevet le maître-ouvrage du maître : Propaganda ou comment manipuler l’opinion en démocratie (éditions Zones-La Découverte, 2007, 141 p., 12 euros, c’est quasiment donné, et ça fait tomber quelques peau de "soss" devant les yeux qui en avaient).
Si je reformule le sous-titre, ça donne quelque chose comme : « Comment faire adhérer sans contrainte les masses aux discours d'un homme au pouvoir, et jusqu'aux folies d'un dictateur ». En regardant bien, on constate que c'est le principe qui régit tous les gouvernements actuels.
UN AMI DE L'HUMANITE QU'ON NE PRESENTE PLUS
Je vous explique : comme sa mère s’appelle ANNA FREUD, sœur de SIGMUND, et que son père est le frère de MARTHA BERNAYS, qui se trouve être l’épouse du dit SIGMUND, il devient à sa naissance neveu au carré d’un certain SIGMUND FREUD, l’écrasant papa d’une grosse bête appelée « Inconscient » et de tout ce qui se trouve dedans quand on la dissèque. Il est d’ailleurs sympa avec son neveu, le grand FREUD : il lui dédicace un exemplaire de son Introduction à la psychanalyse. Et le neveu, il va y mettre le nez, et pas qu’un peu.
En 1929, le président du consortium des producteurs de tabac, futur gros client de son officine, lui dit : « Comme les femmes ne peuvent pas fumer en public, nous perdons la moitié d’un énorme marché. Pouvez-vous faire quelque chose ? ». EDWARD BERNAYS répond : « Laissez-moi y réfléchir ». Puis il demande : « M’autorisez-vous à chercher du côté de la psychanalyse ? – Mais œuf corse ! Ne vous gênez pas ». Rappelons qu'à l'époque, la femme qui fume sur un trottoir est traitée de pute, ni plus ni moins.
Ni une ni deux, il se précipite chez ABRAHAM A. BRILL, un des premiers grands psychanalystes des Etats-Unis, non pas pour s’étendre sur un quelconque divan, mais pour poser une question au savant : « Que représente la cigarette pour la femme ? ». La réponse fuse : « Le pénis ! ». C’est clair, net et précis. Autrement dit la berdouillette, le scoubidou, la merguez (ou chipolata, au point où on en est), le cigare à moustaches, la bistouquette. En trois mots comme en cent : la BITE, la PINE, le CHIBRE.
EDWARD BERNAYS ne se démonte pas pour autant, c’est un esprit pratique. Il a un gros client, et le client, surtout le gros, est roi. Alors il a l’idée du siècle : le symbole de l’Amérique, c’est le cadeau fait par la France à l’occasion de son centenaire (celui des Etats-Unis !). J’ai nommé le chef d’œuvre d’AUGUSTE BARTHOLDI. J’ai nommé la statue de La Liberté éclairant le monde (inaugurée en 1886).
Deuxième étape dans l’élaboration du message : la torche que tient la Liberté est incandescente, le bout de la cigarette allumée est incandescent. Il faudrait être stupide pour ne pas faire le rapprochement, avouez ! Qui plus est, la Liberté, qu’elle guide le peuple ou qu’elle éclaire le monde, c’est une Femme, regardez DELACROIX. Concluez vous-même : EDWARD BERNAYS a sa campagne de « public relations » en poche, c’est comme si c’était fait.
LÀ, ELLE GUIDE LE PEUPLE.
C'EST BIEN UNE FEMME, SELON TOUTE APPARENCE.
Voilà ce que je dis, moi.
P.S. DERNIERE MINUTE : nous apprenons une triste nouvelle :
Adressons donc nos très sincères condoléances à l'U.M.P., et surtout à son "président autoproclamé".
09:00 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE, UNE EPOQUE FORMIDABLE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : femme, féminisme, mlf, photographie, lucien clergue, beauté féminine, humour, groucho marx, edward bernays, communication, propagande, publicité, tabac, magazine life, goebbels, adolf hitler, joseph staline, propaganda, manipulation, sigmund freud, psychanalyse, sexe, cigarette, bartholdi, statue de la liberté, la liberté éclairant le monde, eugène delacroix, inconscient, anna freud, françois fillon, ump, jean-françois copé
jeudi, 06 décembre 2012
LIBEREZ-VOUS, MESDAMES !
Pensée du jour :
BOURGES
« Parmi d'autres calamités, les journaux annoncent les vacances. En grosses manchettes, avec des sous-titres effrayants : "Trains complets", "Les embouteillages", "Les villes étapes son engorgées". Cent mille [sic !] gendarmes sur les routes, vingt hélicoptères, six mille trains, quatre ou cinq millions de "vacanciers". C'est une page de Céline, un bilan de catastrophes, "et ce n'est pas encore le grand rush". L'homme fuit les HLM comme l'invasion allemande. Fatigué de faire sécher ses chaussettes au dixième, sur une ficelle, à une fenêtre de banlieue, il a formé le rêve osédant de les faire sécher au rez-de-chaussée, devant une tente inconfortable, dans un camp de cent mille Parisiens ».
ALEXANDRE VIALATTE
FEMMES "LIBEREES" PAR LA MUSIQUE "ALTERNATIVE" EN RUSSIE
A quoi voit-on qu’une femme est « libérée » ? A ce qu’elle conduit une voiture ? A ce qu’elle travaille ? A ce qu’elle a un compte en banque ? A ce qu'elle a jeté, selon la vieille injonction du MLF, son soutien-gorge aux orties ? A ce qu'elle s'habille en camionneur ou en métallo pour marquer son refus des stéréotypes de la femme-objet?
FEMME "LIBEREE" PAR L'ATHLETISME, LE PLEIN AIR ET L'AIR DU LARGE
A ce que la pilule anticonceptionnelle lui permet de faire l’amour aussi souvent qu’elle veut et avec qui elle veut, et à partir de là, de décréter : « Mon corps est à moi. Des enfants, si je veux, quand je veux », et d’imposer la loi de son « bon plaisir » ? A ce que c’est elle, désormais, qui tient la porte aux messieurs ? Vous n’y êtes pas. On voit qu’une femme est « libérée » à ce qu’elle FUME. Enfin, en disant ça, il faut remonter aux années 1930.
FEMME "LIBEREE" PAR LA CIGARETTE LUCKY STRIKE
C’est entendu : la femme est l’égale de l’homme. La femme est libre. Du moins aussi libre que l’homme. Il faudrait même peut-être dire : plus libre. La preuve irréfutable en est vestimentaire : le pantalon a conquis les femmes, alors que la robe a déserté les curés et que la jupe a été recalée chez les hommes. L’égalité homme-femme est un idéal, à la seule condition de rester à sens unique. Un beau hold-up sur la notion d’égalité, soit dit en passant. Mais foin de controverses : nous sommes ici pour célébrer.
Il est vrai qu'aujourd’hui, la lutte anti-tabac a tant soit peu modifié les aspects du problème. Car on n’a pas toujours voué le tabac aux gémonies. Et au contraire, il fut même assimilé à un instrument de « libération », comme je vais tâcher de le montrer. Et ça ne remonte pas au déluge, aux cavernes ou aux « âges farouches » (n'est-ce pas, Rahan ?). Cela remonte exactement à 1929. Et cette « conquête » de la liberté est due, certes, au mouvement de l’histoire, aux circonstances, aux évolutions de la société, mais aussi (et peut-être surtout) à un homme, et un seul (ou peu s’en faut).
Cet homme est celui qui a fait admettre à l’opinion publique américaine l’entrée en guerre des Etats-Unis en 1917. Celui qui a constaté, en accompagnant WOODROW WILSON à Paris en 1919, l’effet de sa campagne de « public relations » sur les Français, qui ont fait un triomphe ahurissant et inimaginable au président américain, et ont fêté en lui le « libérateur des démocraties européennes ». Même que lui, l’auteur de la campagne, en est resté sur le cul.
Cet homme s’est alors demandé comment gagner de l’argent pour assurer sa subsistance. Et cet homme s’est dit que, étant donné l’extraordinaire effet de la propagande qu’il avait contribué à mettre au point en temps de guerre, pourquoi ne pas en appliquer les principes en temps de paix ? Lumineux, non ?
Malheureusement, le mot « propagande » blessait les oreilles, les esprits, les âmes de tout démocrate confiant dans la puissance de la Raison. La raison sociale de la boutique que cet homme ouvrit fut en conséquence baptisée « council in public relations », « conseil en relations publiques ». Comme c’est bien dit. Ça vous a tout de suite une autre gueule, plus avenante, plus souriante, moins compromettante, n’est-ce pas ?
La publicité de l’époque était ridiculement arriérée. Rendez-vous compte que, pour vendre un produit, la firme qui le produisait se contentait d’en vanter l’utilité, la fonctionnalité, l’efficacité. Bref, dans cette publicité préhistorique, on se contentait de vanter l’exacte conformité d’un objet avec l’usage auquel il devait servir : le principal mérite de l’aspirateur est d’aspirer, celui de la casserole, de contenir la nourriture à cuire, etc. Tout ça est minable et bêtement primitif. « Attendez que je m’en mêle, et vous allez voir ce que vous allez voir ! », clame EDWARD BERNAYS.
LE "LIBERATEUR" DE LA FEMME, LE SEUL, L'UNIQUE
Effectivement, cet homme va changer le monde, rien de moins (et pas "rien moins", comme le croient certains qui veulent faire cultivé, et qui mettent un subjonctif imparfait dans la complétive qui suit un conditionnel présent, il ne faut jamais oublier la grammaire, disait ALEXANDRE VIALATTE).
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cathédrales, plan, dessins, alexandre vialatte, littérature, humour, libération de la femme, féminisme, égalité hommes-femmes, états-unis, woodrow wilson, president des états-unis, edward bernays, propagande, publicité, public relations, relations publiques
mercredi, 05 décembre 2012
NOUS SOUVENANT DES BELLES CHOSES ...
Pensée du jour :
NOTRE-DAME DE PARIS
« Noël arrive au bout de l’année comme une espèce de carillon. Il luit dans le noir comme une dorure. « La plus belle des couleurs, c’est le noir », selon un mot du Tintoret que Pourrat cite dans son Blé de Noël ; et il ajoute, par parenthèse, que « le noir est la couleur que préfèrent les vieilles races » : elles reçoivent la Vie en jaquette dans les salons du sous-préfet. (La pauvre ! elle en sort empaillée.) Quoi qu’il en soit, décembre est un mois noir, comme le nuage, comme le froid, comme le loup. La neige qui le souligne accentue ses ténèbres. Noël est sa dorure ».
ALEXANDRE VIALATTE
QUIS ?
QUID ?
UBI ?
CUR ?
QUOMODO ?
(UNE IDEE DE LA BEAUTE SELON LE GRAND LUCIEN CLERGUE !)
QUANDO ?
QUIBUS AUXILIIS ?
Alors voilà ! Le monde est trop beau, il paraît. Il paraît qu'il faut l'abîmer. Peut-être parce qu'on aura moins de mal à regretter sa disparition ? Et je ne parle pas de la nôtre. "J'veux mourir malheureux, Pour ne rien regretter", chantait DANIEL BALAVOINE, dans Le Chanteur. Quel pauvre nase, le con ! Est-ce qu'il a eu la chance de regarder le monde autour de lui, avant de tomber, dans et avec son hélicoptère (heureusement, c'était avec THIERRY SABINE, le malfaiteur né avec un pot d'échappement intégré, ça vous dit quelque chose, LE Paris-Dakar ? Il n'a pas contribué à l'enlaidissement du monde ?) ?
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans UNE EPOQUE FORMIDABLE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photographie, alexandre vialatte, littérature, humour, art, beauté, lucien clergue, membracidés, femme, nuages, sundgau, daniel balavoine, thierry sabine, paris-dakar, le chanteur
mardi, 04 décembre 2012
IL Y A VRAIMENT DE QUOI FONDRE !
Pensée du jour :
CHARTRES
« L’erreur judiciaire est à la mode. On fait les procès des procès. On juge les juges et les jurys. On se passionne, on vibre, on s’indigne. On se donne bonne conscience à peu de frais. Il y a plaisir à jouer les redresseurs de torts. La vérité, c’est que c’est très amusant. Le plus respectable bourgeois aime à voir rosser le commissaire, et les enfants, dès le plus jeune âge, adorent jouer au gendarme et au voleur ».
ALEXANDRE VIALATTE
Juste un aperçu de la Mer de Glace en 1903 :
BOURREE A CRAQUER, LA MER DE GLACE A MAREE HAUTE
Et puis en 2000 :
ON NE M'ÔTERA PAS DE L'IDEE QUE C'EST MAREE BASSE
(20 mètres en épaisseur depuis 1950, mais à l'école aussi, c'est marée basse)
Il y a plus convaincant (toujours la Mer de Glace) :
Et ça n'a l'air de rien, vu devant l'écran d'ordinateur, mais on peut en dire autant du glacier des Bossons,
EN 1892 (c'est écrit dessus), IL S'ETALE.
...
AUJOURD'HUI, SANS COMMENTAIRE.
... et de quelques autres.
ET EN UN AN !!! ILS SONT TROP FORTS, LES SUISSES !
Mais les Africains ne font pas mieux, comme le montre le Kilimandjaro :
EN 7 ANS
Et le Groenland ? Pourquoi ça ne serait pas pareil ?
EN 10 ANS
Allez, un dernier pour la route :
1318 METRES (en longueur) EN 70 ANS (1900-1970)
Moralité : plus le climat se réchauffe, plus il y a d'alpinistes. C'est mathématique.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans UNE EPOQUE FORMIDABLE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gothique, moyen âge, architecture, cathédrale de chartres, alexandre vialatte, littérature, humour, montagne, mer de glace, glaciers, fonte des glaces, climat, climatologie, réchauffement climatique, glacier des bossons, suisse, kilimandjaro, groenland
lundi, 03 décembre 2012
DES HÔTELS EN TRES HAUTE MONTAGNE
Pensée du jour :
"SURFACE" N°4
« Le printemps hésite ; à juste titre, car on ne sait pas encore s’il va faire chaud ou froid. Mais il viendra aux premiers beaux jours. Paris est gris autour du dôme des Invalides, et le soir la tour Eiffel darde ses yeux de ténia. L’homme rêve de s’occuper de choses importantes ».
ALEXANDRE VIALATTE
Je parlais il n’y a pas très longtemps des quelques moments que j’ai consacrés, pendant un temps, à des activités sportives en montagne. On appelle ça « alpinisme », il paraît. Mais déjà, l’été au cours duquel j’ai fait, en compagnie d’ALAIN et CHRISTIAN, l’ascension du Mont Blanc, nous trouvions qu’entre les deux principales voies d’accès (refuge du Goûter et refuge des Grands Mulets), la fréquentation de l’arête des Bosses « atteignait des sommets » (si je peux dire).
VU DU BREVENT
En 2005, on a dénombré entre 25.000 et 30.000 personnes sur le Mont Blanc. Certains envisagent même avec horreur (mais réalisme) un chiffre futur de 50.000 à 100.000. A ce compte, ce n’est plus de l’alpinisme, c’est les Champs-Elysées. Sans parler du danger pour les hommes que pourrait représenter cette véritable bousculade, parlons de l’état de la montagne.
A commencer par les abords du refuge du Goûter (je parle de l’ancien, pas de l’ « œuf d’inox » qui vient d’être achevé à quelque distance). Imaginez que la foule des marcheurs est composée de personnes qui mangent et qui boivent. Et que, fatalement, ces gens doivent expulser de leur corps les matières liquides et solides qui n’ont pas été assimilées.
ET JUSTE DERRIERE L'ANCIEN, QU'ON APERÇOIT AU FOND, IL Y A L'ANCÊTRE
Ajoutez à ces données numériques du problème le fait que la nuitée au refuge est facturée autour de 25 €, et que beaucoup d’amateurs, n’ayant pas les moyens, se contentent de monter avec leur tente. Et aux dernières nouvelles, fort peu de tentes sont équipées de latrines. Le résultat ? Il fut visible (et olfactivement intense, paraît-il) il y a quelques années, où les chutes de neige avaient été insuffisantes : la neige fondant, les abords du refuge étaient devenus un vrai champ d’épandage, sauf que ce n’était pas pour faire pousser des légumes.
L'ANCIEN (A DROITE), ET PUIS L'ANCÊTRE (LE SEUL !)
C’est ce moment que le Club Alpin Français choisit pour construire un nouveau refuge, avec une capacité d’accueil de 120 personnes. Révolutionnaire de forme et de conception, le nouveau refuge ! J’ai dit dans un billet précédent à quelles tristes circonstances il est lié, dans mon esprit. J’y pense, mais je n’y reviens pas.
ELISABETH CHAMBARD, dans la revue du Conseil Régional, présente la construction comme un « hôtel des sommets ». C’est affreux. Franchement, s’il en est ainsi, je crains le pire. Passe que le refuge Albert 1er soit depuis longtemps considéré comme un hôtel, du fait que télécabine (Charamillon) et télésiège (col de Balme) transforment la « montée en refuge » en promenade, en quelque sorte. Une « nuit en refuge » est une expérience éventuelle, pourquoi pas ?
BIONNASSAY : SUPERBE !
Mais le Goûter ? D’abord on est à 3.835 mètres. Ensuite, pas de remontée mécanique (si : le TMB vous monte à 2835, mais il vous reste 1.000 mètres à faire par vos propres moyens, et ce n’est pas du sentier, mais une ascension à part entière). C’est sûr, il est très beau, le nouveau Goûter : une architecture audacieuse, un porte-à-faux vertigineux, des perspectives uniques (l’extraordinaire arête et la magnifique aiguille de Bionnassay comme si vous y étiez !). Je dis bravo.
Mais quel est le but du Club Alpin Français ? Je vais vous dire mon opinion : il aurait voulu envoyer à tous les amateurs de Mont Blanc un message du genre : « Vous pouvez y aller », il ne s’y serait pas pris autrement. Je me rappelle un matin : nous avions pris le téléphérique de l’aiguille du Midi. Passant sous la paroi rocheuse pour faire l’arête des Cosmiques, nous avons vu quelques cordées qui patientaient au pied, attendant que la cordée précédente ait avancé pour démarrer.
VOUS LES VOYEZ, LES BONSHOMMES ?
Et cette paroi (la voie Contamine) est réservée à des varappeurs très expérimentés. Alors imaginez, sur un itinéraire où le minimum exigé n’est pas un gros bagage technique de grimpeur, mais une simple endurance à toute épreuve. Un bon entraînement préalable, et vous êtes candidat « naturel » au Mont Blanc.
En haute montagne, la difficulté technique élimine d’office tous les blagueurs et autres insuffisants. Si vous parlez de difficulté physique, vous élargissez automatiquement la clientèle potentielle. Ouvrez un hôtel au pied de la face sud de l’aiguille du Fou, vous mettrez rapidement la clé sous la porte : les gens capables d’arriver au sommet sont assez rares.
IL FAUDRAIT ÊTRE FOU POUR Y OUVRIR UN HÔTEL, NON ?
Mais construisez un « hôtel des sommets » au départ d’une « avenue des Champs-Elysées » : c’est l’affluence à Carrefour la dernière semaine avant Noël.
C'est ça qu'il veut, le Club Alpin Français ?
Voilà ce que je demande, moi.
dimanche, 02 décembre 2012
C'EST MOI LA SOCIETE PERE NOËL !
Pensée du jour :
"POURTRAIT" N°4
« Il semble, d'après les journaux, que l'hiver ait débuté par un froid assez vif. En Slovaquie on signale moins soixante. En Alsace le marc de prune gèle à mi-pente dans l'estomac du cantonnier. A paris il a fait moins quinze ; à Besançon, qui est cependant une ville beaucoup moins importante, on a obtenu mons vingt-huit ! Les Marseillais, pour se vanter, ont de la neige. Le loup ne trouve plus pour se nourrir que quelque vieillard attardé qui a un petit goût d'os sec et de pantalon de velours. C'est une misère épouvantable ».
ALEXANDRE VIALATTE
FRANCHEMENT, JE NE SAIS PAS A QUELLE BOISSON PENSAIT HADDON SUNDBLOM POUR DONNER CETTE MINE VERMEILLE A SON PERE NOËL EN 1931
Je ne sais pas depuis combien de temps les rayons de supermarchés sont bourrés à craquer de jouets et cadeaux à donner la nausée. Je ne sais pas vous mais, hors du fait qu’on s’en met plein la lampe avec des bonnes choses, moi, Noël, je redoute (à Roubaix). N’insistons pas.
Bon, c'est vrai, toute l'année, c'est la "Société® Père© Noël"™. C'est toute l'année : « Pour l'achat de deux cacaboudins, le troisième gratuit ; dans ce flacon, 25 % offerts ; madame monsieur, nous sommes heureux de vous annoncer que vous avez gagné un séjour aux Seychelles ». Vous avez noté au passage que c'est le séjour, pas le voyage. Mais ça vaut aussi pour le canapé, la montre ou la tablette numérique : « Venez vite chez nous découvrir votre cadeau». Le cadeau ? Un caleçon à ficelle aérodynamique !
Si, insistons juste pour dire que c’est à Noël que la société marchande surabonde, que le monde de la consommation exubère, que la folie matérielle qui nous possède se déchaîne. Et moi je vais vous dire, ces hommes et ces femmes chargés de paquets parfois volumineux enveloppés dans des papiers rutilants, ils me font l’effet, à la fois, de victimes et de bourreaux.
Des victimes de l’organisation consommante et consumante qui est celle du monde où nous vivons, mais des victimes aussi de l’enfant déifié, devant lequel le dit monde se prosterne, pour pouvoir mieux en tirer des profits sonnants. L’énorme chantage qui s’exerce sur les adultes engendreurs de chiarres, de morpions, de babouins, de polichinelles et autres merdeux, s’exerce comme un privilège aux approches de l’égout du 25 décembre.
J'AI COUPÉ LA PHRASE. IL FAUT COMPLÉTER : "(SE FA)IT ENTUBER".
(NOTEZ LES ROIS MAGES QUI FONT DU TRAPEZE A PRIX INCROYABLE)
Accessoirement, ils sont en même temps des bourreaux : quoi de plus humiliant, en effet, pour la personne qui reçoit, que de se voir offrir la chose dont elle rêvait depuis longtemps secrètement, ou au contraire une espèce de cacaboudin qu'elle s'empressera de vendre dès demain sur eBay ? Dans le premier cas, sa dette est inextinguible ; dans l'autre, elle se voit signifier en face le peu d'estime que lui voue le "généreux" donateur.
Moi, quand Noël approche, j’ai coutume de mettre sur la platine la Passion selon Saint-Jean. Demandez à H., elle vous confirmera. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être est-ce parce que, le jour de la naissance du Christ, notre époque a tendance à le recrucifier ? Reste que, plus Noël approche, plus j’ai tendance à penser à Pâques, à la Croix, à la lance, à la mort. Mais mon cas est forcément pathologique. D'autant plus que je ne suis pas croyant. Mais il est vrai qu'on a forcément des restes.
Ah c’est vrai, je mets aussi sur la platine, une fois pas an, La Pastorale des Santons de Provence, mais ce n’est pas pareil : c’est à cause d’YVAN AUDOUARD, qui y joue un ÂNE inimitable. J’aime bien l’AVEUGLE et le BERGER, peut-être parce que ce sont des solitaires ? Allez savoir.
Et le Père Noël en rouge vif ! Tout le monde fait mine d’oublier que le rouge de sa pelisse est exactement le même que celui de la publicité pour Coca-Cola, depuis que la firme a demandé à HADDON SUNDBLOM, en 1931, de dessiner un Père Noël buvant du Coca, pour que les gamins continuent à en boire pendant l’hiver. Et que le crétinisme du personnage donne un faux job de quelques heures à quelques désœuvrés qui ont d’ailleurs du mal à faire tenir leur barbe et leur tignasse blanches.
Non, une fois pour toutes, Noël est la plus grande fête de l’Occident chrétien, marchand et autrefois guerrier, parce que chacun est invité, durant quelques instants, à croire qu’il n’est pas seul sur cette Terre. Qu’il est aimé. Et à faire croire aux autres, éventuellement, qu’il les aime. Et que chacun s’accroche à ce « storytelling » comme à une bouée de sauvetage. Peut-être parce que renoncer à être aimé, c’est décidément trop dur ?
« C’est reposant, la tragédie, parce qu’on sait qu’il n’y a plus d’espoir, le sale espoir. » C’est dans l’Antigone de JEAN ANOUILH. Il y a du vrai, non ?
ALLEZ, N'AGGRAVONS PAS LE PATHETIQUE DE LA CHOSE
Alors : JOYEUX NOËL !!!!
Voilà ce que je dis, moi.
NB : les slogans et images dont j'ai illustré la présente note proviennent exclusivement des mignons catalogues de marques diverses que j'ai trouvés dans ma boîte aux lettres. Et j'en avais sûrement jeté quelques-uns auparavant (chinois).
09:06 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photographie, alexandre vialatte, littérature, humour, noël, père noël, coca-cola, publicité, cadeau, société marchande, fête, jean anouilh, antigone, société, haddon sunblom
samedi, 01 décembre 2012
MOI, SI J'ETAIS L'UMP
Pensée du jour :
"MUR" N°16
« Quoi de plus beau qu'une rose, un papillon, ou la règle des participes ? Plus on vieillit, plus on aime les fleurs et la grammaire ».
ALEXANDRE VIALATTE
Moi qui ne suis pas politicien (je m’en voudrais !), je suggère aux cadres et militants de l’UMP catastrophés par la haine que se vouent COPÉ et FILLON, haine qui risque de faire couler le bateau, de faire comme les « socialistes » : appeler ces ceux-là ELEPHANTS. Ça, c’est pour commencer.
Ensuite, je proposerais, si j’étais dans le zoo UMP (à Dieu ne plaise !), d’adopter, pour résoudre le problème, la solution qu’a trouvée la direction du Noorder Animal Park (tiens, c’est drôle, ça se trouve en HOLLANDE !) pour éviter à ses éléphants de s’entretuer.
Je vous explique : Htoo Khin Aye est morte. A 31 ans, elle était présidente de l’UMP locale, chez les douze éléphants de ce zoo situé dans la riante cité d’Emmen, aux Pays-Bas. Que s’est-il passé alors ? Eh bien, ça a été la bagarre. Et chez les éléphants, ça ne rigole pas, je vous jure. Deux femelles briguaient le siège présidentiel : Mingalar-oo, la fille légitime de la défunte, a d’abord pris le pouvoir.
PAUVRE GAMIN !!!!
Mais Htoo Yin Aye, la doyenne d'âge (pensez, 30 ans et toutes ses dents) ne l’entendait pas de cette oreille : elle les a agitées violemment. Elle a barri très fort. Et au Noorder Animal Park, où l’on n’avait jamais vu ça, ça a été la bousculade générale. Les douze membres de l’UMP éléphantesque locale en sont venus aux trompes, et ont été bien près de donner de la défense contre leurs congénères. La situation est devenue intenable, d’après WEBREN LANDMAN, la biologiste du Parc.
Eh bien vous savez ce qu’elle fait, la direction ? Elle DONNE les quatre dissidents à qui en voudra. Elle en FAIT CADEAU, de ses éléphants belliqueux. Alors je pose la question : pourquoi l’UMP française n’en ferait-elle pas autant ? Imaginez la petite annonce : « Parti politique d’opposition, très riche en adhérents, cède à qui en voudra, deux dirigeants méchants, GRATUITEMENT ». Je sens que ça va se bousculer au portillon.
Vous avez un peu de place dans un coin du salon ? Adoptez JEAN-FRANÇOIS COPÉ. Quelques granulés, une gamelle d’eau, une bonne litière : il n’en demande pas plus. Une sortie le matin, une sortie le soir pour les besoins. Apprenez-lui le caniveau, vous verrez qu’il sera très docile. Seule précaution : une bonne laisse et une muselière sont conseillées.
Vous avez une niche dans le jardin ? Votre Médor vient de claquer ? Adoptez FRANÇOIS FILLON. Là, plus de muselière : votre propriété est protégée efficacement contre toute tentative d’intrusion malveillante, et vos tableaux, tapis, bibelots précieux sont durablement en sécurité. Un peu d’affection, quelques caresses, quelques croquettes : il n’en demande pas plus.
Elle est pas belle, ma proposition ? Qu’enfin un homme politique devienne utile ! Qu’enfin, il serve à quelque chose ! L’avenir est à l’homme politique domestique. Adoptez un COPÉ !!! Adoptez un FILLON !!! Votre vie va changer !!!
Seul problème : je n'ai pas demandé à la SPA si les deux espèces ("espèces de ... !", évidemment) étaient dûment recueillies par eux, en cas de départ en vacances inopiné, ou si l'on se contentait de les faire piquer séance tenante, parce que trop encombrantes.
Voilà ce que je dis, moi.
09:56 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photographie, alexandre vialatte, littérature, humour, pensée, politique, politicien, ump, parti socialiste, jean-françois copé, françois fillon, éléphants, françois hollande, nicolas sarkozy, zoo, france, société, vie politique, parti politique, président