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mardi, 12 mars 2024

CHOSE VUE

Croix-Rousse. Un très vieil homme entre dans le magasin Orange avec son téléphone à la main. L'objet, d'après lui, est en panne, et il demande qu'on le répare. Le technicien s'empare de l'appareil, lui fait subir toutes sortes d'examens, branchements, mesures, etc. Il conclut que le téléphone est en parfait état de fonctionnement. Le vieux éclate alors en sanglots : « Alors pourquoi mes enfants ne m'appellent pas ? ».

mercredi, 06 mars 2024

CHOSE VUE

Plateau de la Croix-Rousse, une petite rue sombre. Je marche derrière une dame qui promène son chien. Elle a les cheveux très roux. Le chien est petit, a de longs poils et un museau fin. Tout d'un coup, il lève la patte, se soulage contre le mur mais, au moment de reposer la patte pour repartir, voilà qu'il se dresse sur les pattes de devant le cul en l'air, fait plusieurs pas dans cette posture, puis repose le tout et suit sa maîtresse. Amusé et curieux, je m'approche de celle-ci et l'interroge : « Je vous assure, monsieur, répond-elle, que personne ne lui a appris à faire ça. »

 

09:00 Publié dans HUMOUR | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lyon, croix-rousse, humour

mardi, 19 décembre 2023

UN AN DE FOOTBALL A LYON ...

... A LA UNE DU PROGRÈS.

Bon, je tiens à prévenir : je ne suis pas un vrai supporter. Et même pas un supporter du tout. Je goûte le football de très loin, mais il se trouve que je suis un Lyonnais natif (pour ne pas dire "de souche") qui a très longtemps vécu sur les pentes de la Croix-Rousse à l'époque sale gosse dont je garde de formidables souvenirs (dont deux ou trois cuisants). Du quai Lassagne au quai Saint-Vincent, l'Annonciade, la place Sathonay, les billards de la salle Rameau, la rue des Capucins, la place Croix-Paquet, la ficelle avec son truck, l'école Michel Servet, l'église Saint-Polycarpe, la montée de la Grand'Côte, la rue Pouteau, les traboules (non verrouillées à l'époque), enfin bref, tout le paysage.

Nous avions vue sur les levers de soleil sur le Rhône, entre le pont de Lattre de Tassigny (témoin à distance de son inauguration par De Gaulle) et le pont Morand (celui où des ahuris n'avaient pas encore eu l'idée de faire passer un métro). Né à Lyon de pas mal de générations de Lyonnais, j'entends donc au fond de moi tinter une petite corde ancrée dans une fibre enracinée dans un humus riche en musique de bistenclaque-pan (où "pan" représente le coup de battant sur le bois du métier), en andouillettes, en tabliers de sapeur, en quenelles Nantua, en poêlées de gras-double et en pots de Saint-Amour. 

Tout ça pour dire que, sans être adepte de cette sorte de rugby où il serait interdit de mettre la main au ballon (tiens, dites ça au Françoué qui soutient le bar de toutes ses forces), les noms de Di Nallo, Combin, Lacombe et quelques autres me sont familiers. Cela remonte à l'époque archéologique (et ringarde vue d'aujourd'hui) où les joueurs des équipes défendaient les couleurs de la ville dont ils étaient originaires. Impensable ! 

Ce n'est que beaucoup plus tard, lorsque les clubs furent devenus des grosses machines à suer du fric par tous les pores et que les meilleurs buteurs ou prodigieux numéro 10 furent en mesure de stocker dans leurs garages les Lamborghini "Diablo", les Ferrari F40 et les Maserati "Granturismo", qu'il y eut à Lyon des gens comme Sonny Anderson, les sept couronnements d'affilée de notre bon vieux Lugdunum et la gloire pour le président Aulas.

Bien que non supporter, je m'y connais un tout petit peu, et je n'aurai garde d'oublier le miraculeux "coup de pied arrêté" de Master Juninho, vous savez, celui qui conduisait la balle tout en haut de la cage à droite, hors de portée des gants du gardien, après une trajectoire tellement invraisemblable et un contournement si mirobolant du "mur" qu'il fallait se frotter les yeux pour y croire. Même moi, je n'en revenais pas, pour vous dire.

Je garde donc peut-être un vieux reste de chauvinisme, mais si léger qu'il me fait paraître les vrais supporters purs et durs comme des bizarreries. Cette fois, je me suis amusé à souder en une seule image la plupart des "unes" que le journal Le Progrès a consacrées à notre équipe locale. Il y en a ici trente-deux (cinq fois six plus deux), échelonnées sur toute l'année, été compris. Je trouve que ça commence à faire beaucoup, mais bon, ils ont peut-être des sous dans l'affaire.

Je me garde de commenter les heurs et malheurs qui ont conduit l'O.L. à la dernière place du championnat après la cession des parts de Jean-Michel Aulas à l'homme d'affaires américain John Textor. En plus de ça, j'ignore tout de ce qui se passe et se dit dans l'équipe, dans le cercle dirigeant, dans les coulisses, etc.  J'imagine que le changement de "staff", de "manadgeur" et de "direccheun tiime" a tant soit peu déstabilisé tout ce petit monde, et je ne me pose guère de questions à ce sujet. Il se trouve que les deux dernières journées (en plus gros, tout en bas) ont tourné à l'avantage de l'O.L. et remonté par là même le moral des vrais amateurs. Eh bien je vais vous dire : je suis bien content pour eux !

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jeudi, 02 novembre 2023

AVEC GRÉGORY DOUCET

AVEC GRÉGORY DOUCET, MAIRE DE LYON,

L'ÉCOLOGIE COMME

JEU DE SOCIÉTÉ.

Voici ce qu'on peut — presque — lire dans les colonnes du journal Le Progrès du 27 octobre 2023. Enfin, je veux dire qu'on a failli lire ça. Ou plutôt qu'on aurait pu lire ça.

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 Pour célébrer la pose de la millième "Borne à Compost", le Maire de Lyon a eu une idée formidable, capable de fédérer tout le monde autour de la grande cause de l'écologie. Il invite la population de la ville à participer à un immense et joyeux JEU DE 1.000 BORNES A COMPOST.

Pour motiver les habitants, le lot des gagnants consistera en un abonnement à un an de consommation de déchets alimentaires, qu'une benne spécialement conçue à cet effet viendra décharger, dans un but louable de fertilisation, dans le jardin potager des vainqueurs, au grand bonheur de ceux-ci, n'en doutons pas. Gageons que les bénéficiaires de cette montagne de déchets feront bien des envieux !

Il faut savoir qu'à Lyon, la Mairie a entrepris de collecter l'ensemble des dits déchets alimentaires pour les transformer en énergie positive et, dans ce but, de déposer des poubelles en plastique (modèle banal et connu) spécialement dissimulées pour cet usage dans une carcasse métallique encombrante et disgracieuse.

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Après la Croix-Rousse (à tout seigneur tout honneur, n'est-ce pas), l'initiative a été étendue à d'autres quartiers. C'est ainsi que la millième borne vient d'être placée par les services municipaux cours de la Liberté (3ème arrondissement). C'est là que l'idée de notre vieux jeu de société a germé, puis explosé dans l'esprit vigilant et imaginatif de notre maire. Ça va être la fête à Lyon !!! Tous à vos épluchures !!! Ça, c'est la France !!!

Vous avez aimé l'antique jeu de "1.000 bornes" ? Vous vous passionnerez pour le

« 1.000 BORNES A COMPOST » !!!
Longue vie à son inventeur, le maire de Lyon !!! Une invention qui restera dans l'histoire !

Après les "Voies lyonnaises", les piétonnisations, les vergers de rue et de quartier (dont un, à Croix-Paquet, dédié à la pionnière Rachel Carson, auteur en 1962 de Printemps silencieux), les toilettes publiques écolos et la chasse aux automobiles, les "bornes à compost" démontrent que, pour les édiles de notre cher Lugdunum, l'écologie ne reste pas seulement une théorie trop abstraite dont seuls quelques intellos sont à même de se gargariser, mais une vision tout ce qu'il y a de plus concret et vertueux de la vie quotidienne en société, telle que la proposent ces précurseurs du progrès moderne que sont les Amish, si chers au cœur de notre président Emmanuel Macron. Les petits esprits se rencontrent.

Ceux qui émettraient des doutes sur l'impact de telles initiatives sur la marche du monde (voir mon billet précédent) et n'en verraient que le côté "Ecologie punitive" à destination de ceux qui n'en peuvent mais, ne sont que des pisse-vinaigre, voilà tout !

***

Note: ci-joint le texte exact, quoique resculpté, du titre qui m'a donné l'idée de ce billet idiot : un titre qui, en quelque sorte, me tendait la perche.

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lundi, 23 octobre 2023

L'ANDOUILLETTE LYONNAISE

On en apprend de belles dans la P.Q.R. (Presse Quotidienne Régionale). Voilà-t-il pas que le journal Le Progrès se met à publier des photos indécentes. Bon on dira que c'est pour la bonne cause, que c'est pour illustrer un article du plus grand sérieux, que c'est pour faire figurer un grand fabricant d'andouillette dans le livre des Records, que ci, que ça. Il n'empêche. Jugez plutôt.

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Cela ne vous choque pas ? Alors zieutez plutôt la photo ci-dessous.

2023 10 21 BOBOSSE PLUS LONGUE ANDOUILLETTE.jpg

Moi, dont tout le monde est obligé de reconnaître l'esprit sourcilleux, vigilant et rigoureux dès qu'il s'agit de protéger la jeunesse face à la dépravation des mœurs telle que toute personne normale la déplore de nos jours, j'ai tout de suite bondi d'indignation vertueuse.  Et puis j'ai pensé par devers moi à un maître en la matière. Je veux parler de Maître Alcofribas Nasier, plus connu sous son pseudonyme anagrammatique de François Rabelais (je galèje).

On trouve en effet dans le Pantagruel — c'est même au chaptire I — la préfiguration de cette andouillette de tous les records. Je préviens tout de suite les parents : ce passage n'a jamais figuré dans le trop célèbre manuel de messieurs Lagarde et Michard, parce que ces auteurs très responsables et respectables de manuels scolaires veillaient particulièrement à ce que rien de vulgaire ou de scandaleux ne vînt traumatiser les jeunes esprits ou leur suggérer des idées réservées aux adultes.

Aux parents soucieux de la santé morale de leur progéniture de voir.

***

« Les autres enflaient en longueur par le membre qu’on nomme le laboureur de nature : en sorte qu’ils l’avaient merveilleusement long, gras gros, vigoureux, dressé à la mode antique, si bien qu’ils s’en servaient de ceinture, le redoublant à cinq ou six fois par le corps. Et s’il advenait qu’il fût bien à point et qu’il eût vent en poupe, à les voir vous eussiez dit que c’étaient hommes d’armes qui eussent leur lance en arrêt pour jouter à la quintaine. Et de ceux-ci est perdue la race, comme disent les femmes. Car elles se lamentent continuellement, qu’il n’en est plus de ces gros etc. Vous savez le reste de la chanson. [Allez, la suite du passage, juste pour l’élévation de la pensée !] D’autres croissaient en matière de couilles si énormément, que les trois emplissaient bien un muids [274 litres]. De ceux-ci sont descendues les couilles de Lorraine, qui n’habitent jamais en la braguette, mais tombent au fond des chausses. »

Rabelais s'exclame quelque part ailleurs : « Vous ne l'avez pas telle, paillards de plat pays ! » On se demande de quoi il parle.

Rabelais, Pantagruel, chapitre I. Traduction libre, mais aussi "respectueuse" de l’original que la "P…" de Jean-Paul Sartre (on n'est pas venu ici pour se gêner).

***

Message aux parents qui se gendarmeraient : « Ah ben vous étiez prévenus ! Vous allez pas vous plaindre ! »

***

Note : Il faut quand même que je précise qu'à mes yeux, il existe une andouillette et une seule : la Beaujolaise, dans laquelle on trouve, à la base et exclusivement, des lanières de fraise de veau (certains esprits ... disons ... "raffinés" recherchent la précision - qui va de soi pour les connaisseurs : « ... tirée à la ficelle »), auxquelles le fabricant ajoute les acquis de son savoir-faire en matière d'aromates et d'agréments gustatifs. Ma préférée pèse à peu près 200 grammes ou un peu plus (mais Vauraz descend rarement en dessous de 400).

Sur le marché de la Croix-Rousse, je conseille pour cela le stand où opère encore le vieux père Fabregeon (Fabrejon ?), dernier vrai tripier du coin, auquel se sont adjoints les Bouissoux. On y trouve quelques merveilles comme les cervelles d'agneaux, la tétine de vache, la salade de museau de bœuf (quoique la découpe en soit beaucoup moins fine qu'avant), la terrine de foie, et des tas d'autres plaisances, délectations et succulences.

dimanche, 02 avril 2023

POÉSIE D'UN LIEU VIDE

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Photographie prise le 1er avril, l'objectif touchant la baie vitrée, jamais nettoyée durant tout le temps de l'occupation des lieux.

dimanche, 01 mai 2022

C'EST LE PREMIER MAI, PARAÎT-IL

UN PEU D'HISTOIRE A DESTINATION DES DÉFILEURS DU 1er MAI. LFP4 SINE.jpg

Dessin de couverture pour une revue inclassable de 1978. On voit ici comment Siné voyait les choses à l'époque, année d'élections législatives, si je ne me trompe pas : la gauche était majoritaire en nombre de suffrages, mais minoritaire en sièges de députés. Le scrutin majoritaire à deux tours avait fait son œuvre, mais aussi et peut-être surtout le redécoupage à la petite scie des circonscriptions par le ministre de l'Intérieur de l'époque (Pasqua ??).

Quoi qu'il en soit et avec le recul, c'est le travailleur qui est le dindon de la farce, comme l'accession de François Mitterrand à la présidence en administrera la preuve de façon éclatante. Et ce n'est pas ce qui s'est produit ensuite (Jospin 1997-2002, parti la queue entre les jambes) qui peut faire dire le contraire, malgré toutes les rodomontades de Jean-Luc Mélenchon aujourd'hui.

Quant aux partis dits "de gauche", à force de trahisons, de louvoiements, de revirements et de compromissions, ils n'ont plus ni adresse, ni numéro de téléphone, ni fichier d'adhérents, ni même de militants. Ah si ! pardon ! Tous les samedis matins sur la place de la Croix-Rousse, juste devant la pharmacie qui fait l'angle, on peut voir quatre ou cinq "camarades" qui ont l'air inoffensifs, mais assez convaincus pour s'efforcer de fourguer L'Humanité-Dimanche aux nombreux passants.

La différence avec 1978 (et 1981), c'est qu'on a eu largement le temps d'enterrer l'espoir de changer quoi que ce soit au monde comme il va mal. Et quarante-six ans après, ce ne sont pas les sommations lancées par l'olibrius Mélenchon aux groupuscules autrefois arrogants et sûrs de leur force, aujourd'hui exsangues (P.S., P.C., R.G.), qui ont quelque chance que ce soit de le ressusciter.

Dites-moi que je me trompe.

mercredi, 26 janvier 2022

MAMIES A LA CROIX-ROUSSE

Célébration des mamies.

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Photos prises dans les années 1960 à la Croix-Rousse par Georges Vermard.

samedi, 22 janvier 2022

CROIX-ROUSSE A VUE D'OISEAU

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Eglise Saint Bruno des Chartreux, le dôme.

mercredi, 27 octobre 2021

MON PASSAGE MERMET

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Pendant qu'Emmanuel Macron n'en finit pas de manquer à sa parole, s'agissant du sort qu'il réserve à l'hôpital public (voir le journal Le Monde daté 26 octobre et l'article sur le massacre de l'hôpital Pitié-Salpêtrière), jetons un œil sur un petit coin de Croix-Rousse.

***

Parmi les rampes que je préférais quand j'étais minot : valait mieux pas se planter, c'est raide.

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1 - Photo de Didier Nicole, 1999.

BERLION11 MERMET.jpg 

2 - Dessin de Berlion pour un épisode de Sales Mioches, une chouette BD sur scénario de Corbeyran, qui parcourt la Croix-Rousse dans tous les sens.

MERMET 2018 1.JPG 

3 - Photo de F.C. prise au cours d'une bambane en 2018 : comme un gouffre noir.

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4 - Dessin de Kraehn pour un épisode de Gil Saint-André, où le passage Mermet s'éclaircit soudain, peut-être pour mettre en évidence la mini-jupe de la dame qui monte qui monte.. 

***

Le passage Mermet n'a pas la renommée de son voisin, le passage Thiaffait, situé de l'autre côté de l'église Saint-Polycarpe. D'abord, il est nettement plus étroit et sombre, se terminant sous une voûte basse à son arrivée rue René-Leynaud.

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Et puis son escalier a quelque chose de monolithique : quelques volées de marches coupées en ligne droite par une rampe métallique étroite, vernissée à force de glissades des pantalons des garnements du quartier. Alors que pour accéder à la grande cour de Thiaffait, la rue Burdeau offre des solutions variées comportant des diverticules fermés ou non par des grilles, donnant parfois accès à des habitations. Il y en a même une, obstinément close, qui semble conduire dans je ne sais quels tréfonds secrets de l'église. Quelle église ? Mais Saint-Polycarpe, bien sûr !

mercredi, 20 octobre 2021

LA FESSE CACHÉE DU "GRAND LYON"

Les "Communautés Urbaines", "Communautés d'Agglomération", "Communautés de Communes" et autres regroupements d'exécutifs municipaux ont fleuri sur le territoire national depuis une quarantaine d'années (évaluation au pifomètre, au doigt mouillé ou à tout autre critère de mesure scientifique). S'agissant de la première de ces appellations administrative, les crânes de poule qui ont pondu cet œuf-là n'avaient pas tenu compte d'un détail : l'acronyme résultant de la création de la Communauté Urbaine de Lyon. Car dans le cas de notre cité bien aimée, cela donnait un sigle (à lire verticalement ci-dessous) qui pouvait prêter à rire dans les rangs des gens mal intentionnés, comme le montre le petit bidouillage auquel je me suis livré sur une photo prise par Pierre Clavel.

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Bien entendu, les édiles sont tous tombés d'accord pour que la Capitale des Gaules ne devienne jamais la risée de qui que ce soit, et ont astucieusement tourné la difficulté, la deuxième lettre de chacun des mots rendant toute confusion impossible (Co.Ur.Ly.), tout en rendant hommage à un volatile qu'on peut observer en Dombes, j'ai nommé le courlis.

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Mais les mêmes édiles, constatant la persistance des esprits caustiques à se gausser de la transparence du masque ainsi posé sur l'académie (« Voir votre académie, Madame, et puis mourir ! » chante Tonton Georges), ont voulu aller plus loin et ont tout bonnement proposé l'expression "Grand Lyon", au risque de défriser toutes sortes de susceptibilités dans les localités périphériques. Pour mettre tout le monde d'accord et en finir avec les querelles clochemerlesques, il a fallu attendre la création des "Métropoles" au plan national. Avouez qu'en prononçant "Métropole de Lyon" avec l'intonation et la conviction adéquates, on en a tout de suite plein la bouche et la formule donne à celui qui l'articule des potentialités d'emblée plus majestueuses.

Je garde cependant une grande affection à l'énoncé d'origine (C.U.L.), ne serait-ce que parce qu'il rappelle avec force un sport spécifiquement lyonnais, je veux parler des boules. Attention, pas n'importe lesquelles. Il s'agit ici de "La Lyonnaise", autrement appelée "La Longue". Car ce jeu traditionnel comporte une clause à mes yeux réjouissante : quand une équipe ne marque aucun point dans une partie, elle se fait un devoir d'aller "baiser le cul de la Fanny".

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Sculpture de Geneviève Böhmer pour les défunts terrains de boules du Clos-Jouve. Photo de Claude Essertel.

Le pudique Nizier du Puitspelu ignore la Fanny, et ne retient ("parlant par respect") que l'expression « baise le ... fond de la vieille ». Il prend un malin plaisir ensuite à justifier longuement le non-emploi du mot auquel tout le monde pense, et se demande avec un sourire en coin si la "bonne religieuse" euphémisait : « Je raccommode la fonlotte de M. le Fonré ». Cent vingt et quelques années après son irremplaçable Littré de la Grand-Côte, et en pleine tempête touchant l'Eglise catholique, cette phrase innocente passerait sans doute pour suspecte. Heureusement, il n'y a plus beaucoup de "M. le Fonré".

Voilà ce que je dis, moi.

jeudi, 30 septembre 2021

TRIBULATIONS D'UN PORTAIL CROIX-ROUSSIEN

1 - Propriété d'une sans doute noble famille (Mazuyer).

1 BD CROIX ROUSSE N°80 ANCIEN PORTAIL LA TOURETTE.jpg

2 - Ecole Normale d'Institutrices (c'est fièrement inscrit sur le fronton).

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3 - Collège moderne (photo ©Largo43) : c'est aujourd'hui.

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4 - L'usage change, le portail reste, avec le blason d'origine (blason impossible à lire faute d'indications gravées des émaux et métaux revêtant le champ et les meubles de l'écu).

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On trouve ça au N°80 du boulevard de la Croix-Rousse.

Une petite recherche m'apprend la véritable figure du blason Mazuyer, que "SanglierT" (je n'y peux rien : c'est l'auteur) décrit ainsi : « D'azur au chevron d'or accompagné de deux étoiles d'argent en chef et d'un croissant de même en pointe ». C'est peut-être vrai, je n'en sais rien.

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Quoi qu'il en soit, si je voulais chipoter, je reformulerais ainsi : « D'azur au chevron d'or accompagné en chef de deux étoiles à cinq rais d'argent et en pointe d'un croissant ["montant" est facultatif] du même ». Le casque juché sur le chef de l'écu est peut-être d'un baron. Avec de bons yeux, on distinguera un pélican qui s'ouvre le flanc pour nourrir ses petits. Avec une loupe à fort grossissement, on lira la devise : « NON MIHI SUM NATUS » ("Je ne suis pas né pour moi-même"). On admettra que ça change tout, n'est-ce pas.

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Un peu d'histoire pour les amateurs (merci à Mme Catherine Guillot, Conservatrice du Patrimoine, auteur du texte qui suit).

Le Portail de la Tourette à Lyon : un témoignage des demeures champêtres de la Croix-Rousse. Intégré en 1888 à l’école normale d’institutrices, devenue successivement institut de formation des maîtres puis collège, le portail de la Tourette demeure un des ultimes témoignages des clos champêtres situés à la Croix-Rousse.

Ses origines

Les possesseurs successifs du tènement de la Tourette ont été identifiés par Irénée Morel de Voleine, dont la documentation a été enrichie par René Mazuyer dans les années 1930 et donnée aux archives départementales du Rhône en 1947. L’origine de la propriété, située sur le territoire de Maljulin, remonte au XIVe siècle ; celle du portail au 2e quart du XVIIe siècle à la suite de la vente en 1627 par Marguerite Dallier, veuve de Jacques Teste, de la propriété à Jehan Mazuyer. Outre la présence d’une demeure, le terrain est alors essentiellement couvert de vignes.

Arborant les armes des Mazuyer, le portail a dû être édifié peu de temps après son acquisition par cette famille. En effet, en 1628, Jehan Mazuyer a obligation de clore sa propriété de la Tourette, située près des remparts, et c’est sans doute à cette occasion que le portail est érigé. Contrairement à sa situation actuelle, l’édicule était placé entre deux corps de bâtiments. Le terrain demeure propriété de la famille (sous le nom de Parfait, puis de Favier) jusqu’en 1793 au moins, avant sa division en plusieurs lots. 

Un motif pour les artistes de la fin du XIXe siècle

En 1878, le portail attire l’attention d’un artiste soucieux du patrimoine lyonnais ancien, Charles Tournier, qui en réalise un dessin, puis une eau-forte en avril 1878, éditée par Mademoiselle Giraud à Lyon. Une annotation portée sur le dessin localise le portail au 1 rue de la Tourette. En 1883, cette gravure vient illustrer un article consacré au portail dans Lyon Revue du 30 septembre, signé J.J. Grisard. En 1885, Claude-Louis-Bon Morel de Voleine réalise des photographies du portail. Huit ans plus tard, Tournier reprend l’eau-forte dans la première livraison du Recueil d’archéologie lyonnaise, dessiné d’après nature, publié par série de cinq gravures à partir de 1891 ; l’imprimeur Wulliam édite également l’estampe séparément.

Le dessinateur diffuse ainsi une vision du portail antérieure à la construction de l’école normale d’institutrices (1884-1888) et en varie les éléments pittoresques : jeune femme et enfant, couple assis sur un banc sur le dessin, vide de tout personnage, ou, substitut du spectateur, couple de dos au seuil des lieux, sur les différents états de l’eau-forte. Dans ses représentations, il supprime la grille qui fermait le portail et invite à découvrir la propriété, sentiment frustrant pour le spectateur d’aujourd’hui puisqu’il n’existe pas de représentation précise figurée des jardins et de la demeure.

La photographie s’empare également du motif du portail avant son démantèlement : le fonds Sylvestre de la bibliothèque municipale et les fonds de photographies des archives municipales et départementales en témoignent. La végétation qui se multiplie sur les parties hautes confère une note romantique : le portail commence à disparaître sous la glycine.

D’une disparition probable à une recréation

En 1852, la Croix-Rousse est rattachée à Lyon et les fortifications démantelées en 1865. A leur emplacement est aménagé le boulevard de la Croix-Rousse ; des édifices publics sont projetés afin de lui assurer un aspect monumental. En 1879, la formation des futures institutrices est assurée dans les locaux du clos de la Tourette. Dès 1880 est lancé le concours de l’école normale d’institutrices, concours remporté par l’architecte Philibert, dit Philippe, Geneste (1846-1938). L’école doit prendre place sur le même site, entraînant la démolition des bâtiments antérieurs.

Malgré la diffusion de l’image du portail, sa préservation, ainsi que celle d’autres vestiges de la demeure, ne semblent pas être prioritaires. Cependant, grâce à l’intervention de Morel de Voleine et de Félix Desvernay, le portail fait néanmoins l’objet de l’attention du Conseil général, qui décide finalement de le sauvegarder.

D’après Desvernay, le portail est en effet replacé en 1888 par Geneste comme portail de la nouvelle école, en y incluant au revers des vestiges provenant de la propriété, retrouvés en avril 1888 dans le jardin, sans doute à la suite des démolitions, par Desvernay lui-même. Des éléments, dont les plus anciens remonteraient au XVe siècle, sont ainsi intégrés au monument, créant une œuvre en partie nouvelle. La comparaison entre les photographies réalisées avant la démolition et après la reconstruction atteste de la fidélité de cette reconstitution quant à l’élévation antérieure du portail.

Après la « réinstallation » du portail boulevard de la Croix-Rousse, ses représentations continuent à se diffuser, que ce soit par la photographie ou la presse : en particulier, Le Progrès illustré du dimanche 7 avril 1901 montre, dans sa rubrique « Les rues de Lyon », trois images du portail (en élévation, les armoiries et l’assemblage du revers) par le dessinateur H. Girrane.

La reconnaissance patrimoniale du portail trouve son aboutissement en 1910, date à laquelle il est classé au titre des monuments historiques (arrêté du 22 janvier 1910). Sa représentation se répand alors sous la forme d’édition de cartes postales, notamment par la société S. Farges (S.F.) en 1913, et dans l’entre-deux-guerres.Le remontage du portail et la composition élaborée au revers par Devernay et Geneste en font une des rares reconstitutions-créations au sein du patrimoine lyonnais, dans l’esprit des antiquaires de la Renaissance et de l’Age baroque. Désormais implanté le long du boulevard de la Croix-Rousse, le portail demeure l’une des ultimes traces des clos champêtres de la Croix-Rousse non religieux et évoque les anciennes familles lyonnaises par les armoiries qu’il porte ; il est également révélateur d’une vision pittoresque du patrimoine, de l’action de sauvegarde des érudits lyonnais de la seconde moitié du XIXe siècle et d’un esprit de recréation, associant des éléments disparates provenant de l’ancienne demeure, tout en s’intégrant à la composition réalisée par Geneste pour l’école normale d’institutrices.

Le chantier de reconversion de l’institut de formation des maîtres en collège en cours depuis 2010 va permettre la restauration du portail, grâce aux échanges entre le Conseil général du Rhône et le service territorial de l’architecture et du patrimoine (STAP). 

Catherine Guillot – conservatrice du patrimoine à l’Inventaire général du patrimoine culturel, Région Rhône-Alpes.

mercredi, 22 septembre 2021

TONTON GEORGES, C'EST AUJOURD'HUI


Ne me demandez pas pourquoi, je n'en sais rien. Pour le comment, c'est plus facile : dans le placard de la grande chambre qui faisait l'angle au premier étage, celle juste contre le marronnier, traversée par le gros tuyau métallique qui allait se ficher dans le conduit de la cheminée, il y avait trois ou quatre disques 33 tours 25 cm (on ne disait pas encore vinyle). Yves Montand (Battling Joe, Les Grands boulevards, ...), peut-être Jacques Brel (?), et puis Georges Brassens. Vous savez, Les Amoureux des bancs publics.

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Celui-ci, il a passé et repassé sur l'électrophone de la Guilde du Disque, un machin tout gris, avec un "saphir", et puis un bras blanchâtre qui pesait une tonne. Je pouvais avoir sept ou huit ans. A force de passer et repasser, les oreilles ont fini par demander grâce : les sillons (le sillon en réalité) sont devenus de plus en plus aléatoires et criards. Mais le mal était fait : Brassens, je connaissais par cœur.

Et Houellebecq peut bien dire quelque part que Brassens l'emmerde, je n'y peux rien, j'ai grandi avec, et quand on me parle de tonton Georges, je perds tout esprit critique. Et cela n'a pas changé. Bon, c'est vrai, je vois les faiblesses, et même les défauts, mais je connais toujours par cœur beaucoup de chansons. Tenez, l'autre jour, devant la mairie de la Croix-Rousse, jour de "Grande Braderie", il y avait un homme armé d'une guitare qui chantait "Une Jolie Fleur dans une peau de vache", eh bien les paroles me sont venues comme si ça coulait de source, et j'ai chanté avec lui le reste de la chanson. Il a eu l'air content, il s'est senti sans doute moins seul.

C'était peut-être l'un des deux qui avaient déjà donné un récital Brassens à La Crèche, un soir du monde d'avant. "Le 22 septembre", ce n'est peut-être pas ma préférée, mais ça tombe aujourd'hui, alors je profite de l'occasion. Je ferai une réserve sur une des strophes, qui dit : « Que le brave Prévert et ses escargots veuillent / Bien se passer de moi pour enterrer les feuilles... », parce que A l'enterrement d'une feuille morte est un poème qui me semble vraiment trop niais, comme beaucoup de poèmes de monsieur Prévert, celui que Michel Houellebecq (encore lui) traite carrément de "con" dans une de ses Interventions (Flammarion). En quoi j'ai tendance à être assez d'accord.

Reste cette chanson automnale. Et puis toutes les autres : "Tonton Nestor", "Celui qui a mal tourné", "Mourir pour des idées", "Le Bistrot", au hasard de celles qui me viennent à l'instant. Et je me dis qu'en 2021, ça fait pile quarante ans que Georges Brassens a rendu son bulletin de naissance. Et c'est bientôt le temps des feuilles mortes.

Voilà ce que je dis, moi.

samedi, 18 septembre 2021

MANGER A L'HÔPITAL

De la cuisine au centre de restauration.

Cela s'appelait une cuisine. Jusque-là rien à dire. A la rigueur, on disait "les cuisines", quand la taille des lieux, des fourneaux, des gamelles et le nombre du personnel le réclamait. Mais pas toujours. Ci-dessous la cuisine de l'Hôpital de la Croix-Rousse il y a au moins un siècle et probablement davantage : l'éclairage au gaz, l'uniforme des cuisinières, aussi hygiénique voire prophylactique que l'entretien des lieux, la taille des casseroles, tout y est. Cette popote certainement concoctée avec amour (personne n'ose en douter : quand on est nonne, on ne laisse pas tomber son mégot ou son glaviot dans la marmite), on s'en lèche les babines.

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Je ne sais pas si vous avez été hospitalisé, mais je peux vous dire par expérience que je n'ai jamais aussi mal mangé que dans les quelques occasions où cela m'est arrivé. Côté hygiène et sécurité alimentaire, il n'y a rien à dire : le contrôle est impitoyable. Côté chiffres nutritifs, le cahier des charges est impeccablement rempli : diététiciens et nutritionnistes sont intraitables. Côté prix de revient, le service comptabilité de l'hôpital est absolument ravi : comprimer par tous les moyens le prix de journée, c'est peut-être là que le bât blesse. Côté gustatif, côté palais, côté plaisir, c'est zéro plus zéro égale zéro : là, on est dans le révoltant. Sodexho ou Elior, c'est kif-kif bourricot. Au point que je préférais laisser le plateau en l'état ou pas loin. En confidence, je peux même avouer qu'il m'est arrivé de perdre six kilos en dix jours. 

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Rationnellement irréprochable, mais humainement dévitalisé. Une image du monde que certains voudraient bien nous fabriquer. Mais est-ce que les personnes hospitalisées n'iraient pas mieux si elles mangeaient mieux ?

mercredi, 15 septembre 2021

NOUS SAVONS DÉTRUIRE CE QUI EST BEAU !

L'HOMMAGE D'UN INCONNU AU PLUS BEAU PONT DE LYON AVANT SA DESTRUCTION.

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Chapeau l'artiste !

Photo de René Dejean prise en 1983.

On aperçoit quelques éléments des préparatifs de la démolition et, avec de bons yeux, des bribes du prochain pont Winston Churchill, une espèce de modernité banale, aride et fonctionnelle, destinée à remplacer le vétéran magnifique aux formes généreuses, et à servir dans l'axe la toute nouvelle "Montée de la Boucle", tranchée inhabitée, profonde, excessive et violente qui, pour les Croix-Roussiens, a fait de Caluire une ville étrangère (j'exagère, heureusement). J'ai sévèrement coupé la belle diapositive de René Dejean pour mettre en évidence la performance du monsieur perché. Ci-dessous la version complète.

PONT BOUCLE 1983 D FUNAMBULE RENE DEJEAN.jpg

Le monsieur ici perché a réalisé la promesse que se faisaient régulièrement une bande de lycéens d'autrefois ("Ouaaah ! t'es même pas cap. !") sans jamais oser la réaliser : franchir le pont sur les arches. La rouille qui a craquelé la peinture et rendu le métal croûteux  — on n'allait plus faire des frais d'entretien pour un machin bientôt détruit ! — a sans doute rendu plus aisée la bravade de l'aventurier, il n'en reste pas moins que le geste est joli.

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J'aime à penser que le livre ouvert par le monsieur qui fait semblant de le lire est au moins du genre de La Montée de l'insignifiance, de Cornélius Castoriadis (c'est un exemple). Même en faisant semblant, cela aurait eu de la gueule. Car on aura beau me traiter de passéiste nostalgique et me mettre sous le nez les nécessités de la circulation des automobiles (il faut voir l'actuelle montée de la Boucle aux heures de pointe !), rien ni personne ne pourra me convaincre que cette merveille de pont n'était pas le plus BEAU de Lyon. J'augure mal d'une civilisation qui tend avec obstination à réduire les hommes et les choses à leur misérable utilité, à leur pauvre fonction de rouages dans la Machine Société.

Voilà ce que je dis, moi.

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AU SUJET DU PHOTOGRAPHE RENÉ DEJEAN (1926-1999) : un article de Robert Luc.

René Dejean, graphiste, décorateur, enseignant, amoureux de Lyon, conteur de rues, auteur de Traboules de Lyon et de Balade à travers Lyon insolite fut aussi l'initiateur des randonnées pédestres citadines. Il a organisé - et collaboré - à de nombreuses expositions comme graphiste et affichiste.

Avant d'être un infatigable piéton de Lyon, René Dejean fut diplômé de l'École Nationale des Beaux Arts de Lyon et débuta sa carrière dans l'atelier de son père Marius, peintre et dessinateur en plein coeur de la Croix-Rousse. Très créatif, il multiplie les domaines de ses interventions.

Affiches, logos, plaquettes se succèdent. Grand sportif et voyageur, on le retrouve aussi bien sur les glaciers alpins que dans les dunes sahariennes. Mais, c'est un amoureux de Lyon, un amoureux exigeant. Un érudit des traboules qui publiera aux éditions Le Progrès" l'ouvrage qui deviendra la bible du promeneur "Traboules de Lyon". En 1978, il imagine un parcours à travers Lyon. Quatre heures trente de marche, dans le calme d'un dimanche matin à travers Lyon insolite au rythme d'une cinquantaine de rues, places, quais et ponts. Le parcours des "Cinquante" est né. Plus de 18000 personnes retrouvent le goût de la promenade citadine. Il vient d'ouvrir une voie qui est aujourd'hui poursuivie avec talent par des "gones" comme Jean-Luc Chavent.

En janvier 1999, René Dejean confie aux Éditions des Traboules un manuscrit achevé, ce Parcours des 50. Il désirait accompagner ce livre de dessins. Hélas, il disparut prématurément laissant les Lyonnais dans la peine. Son dernier livre sera sans aucun doute, comme celui des traboules, un ouvrage de référence. Clair, pratique, riche en anecdotes, brillamment illustré de photos de l'auteur, il permet seul ou à plusieurs de découvrir ou redécouvrir une ville merveilleuse.

"Et si l'on reparlait de René Dejean",, article de ROBERT LUC in Le Progrès, 5 novembre 2002.

***

Il faudrait que j'ajoute une note en souvenir de Robert Luc (1943-2017), lui-même journaliste, infatigable Lyonnais, co-fondateur de la galerie "Vrais Rêves", rue Dumenge, organisateur et animateur de mémorables "bambanes" sur le plateau et les pentes de la Croix-Rousse.

vendredi, 23 juillet 2021

LA FORMATION DES INSTITUTEURS

Nous voici au Clos-Jouve, à la Croix-Rousse de Lyon, juste devant l'Ecole Normale des Instituteurs de la rue Anselme. Les formateurs utilisent l'espace libre devant l'Ecole pour apprendre aux futurs instituteurs les gestes professionnels de base qui seront les leurs dans l'exercice de leur difficile métier.

1900 CLOS JOUVE L'EXERCICE CL JS TGB.jpg

Mille excuses : j'ai oublié de préciser que la photo appartient au fonds Sylvestre de la Bibliothèque Municipale de Lyon.

mardi, 20 juillet 2021

UNE AUTRE CROIX-ROUSSE ? (2)

Le projet présenté aujourd'hui est celui d'Edouard Guillon, ingénieur, assisté de Georges Trévoux, architecte. Quoique plus schématique ou moins abouti que celui du tandem Chalumeau-Garnier, il consiste toujours à raser purement et simplement tout ce qui empêche de joindre selon l'axe le plus direct et le plus large la place de la Comédie (on aperçoit la façade de l'Opéra à droite et un petit morceau de l'Hôtel de Ville à gauche) au presque sommet de la colline de la Croix-Rousse, je veux dire la place Bellevue, à l'extrémité en contrebas du boulevard de la Croix-Rousse côté Rhône.

Comme on le voit sur le détail de droite reproduit en plus grand plus bas, on ne lésine pas : on raie de la carte la montée Saint Sébastien, et vu l'emprise au sol de la "rue de la République prolongée", on démolit l'église Saint-Bernard, et on massacre sans doute l'église Saint-Polycarpe (si chère à mon cœur à cause des quatre-vingt-onze tuyaux en façade de l'orgue ; j'étais assis dans le chœur, je faisais face à l'instrument ; c'est juste après que j'ai quitté l'église, le père Voyant, le père Béal, les scouts et le catholicisme — anecdote authentique évidemment). 

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Et contrairement au projet précédent, Guillon-Trévoux, pour couronner l'œuvre, n'ont pas choisi de célébrer les morts innombrables de la guerre de 1914-1918, mais de glorifier la victoire militaire finale de la France sur l'ennemi prussien. On bombe le torse, et on est prêt pour la suivante. Avec le résultat qu'on sait.

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Ci-dessous un agrandissement du détail de droite : la "rue de la Crèche" (aujourd'hui Boussanges) en biais accrochée par un bout au boulevard de la Croix-Rousse, la place Bellevue et la descente vers la place de la Comédie, l'Opéra et la Mairie centrale. On voit sur ce plan que, si le projet était allé à son terme, la nouvelle portion de la "rue de la République" aurait été nettement plus large que celle que nous connaissons aujourd'hui dans la presqu'île. 

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Dans le fond, il n'y a guère lieu de se plaindre, en définitive, de ce que, des deux projets concurrents, qui bénéficièrent d'une exposition en 1919, aucun n'ait été retenu, que ce soit pour une raison financière ou autre. Je retiens que la "raison" l'a emporté. Nul doute que les percements qui eurent lieu autour de 1860 dans la presqu'île pour élargir les artères (rue Impériale-rue de la République ; rue de l'Impératrice-rue Edouard-Herriot ; etc.) et pour faire comme les Parisiens du baron Haussmann, font partie du paysage lyonnais depuis lurette.

Le Lyon d'avant n'existe pas, contrairement à ce qu'essaie de faire croire un groupe comme "Lyon historique et actuel". Je ne fais pas partie de ces nostalgiques qui ne cessent de gémir et de s'attendrir un peu niaisement à coups de « Mon dieu, que de souvenirs ! », et de remercier les "administrateurs", souverains maîtres, de leur offrir des images d'un passé qu'ils ont peut-être vécu. Non, je ne dis pas : « C'était mieux avant ». J'enrage simplement des dégâts irréparables que la "modernité" fait en toute bonne conscience et pour de basses raisons subir à tous les quartiers un peu anciens de nos villes.

Je me félicite quant à moi de ce que le quartier de la Croix-Rousse ait échappé aux projets de transformations radicales de quelques urbanistes fous. Les Brésiliens eux-mêmes ignorent sans doute quel sort un certain Le Corbusier réservait à leur cité mondialement célèbre : un long ruban autoroutier courant au sommet du long serpent immobilier où l'architecte fou avait prévu de loger l'intégralité de la population carioca. Et il existe des dessins du même qui montrent à quel sort funeste ont échappé les Parisiens .

Qui a dit : « La guerre est une chose trop sérieuse pour être confiée à des militaires » ? Même chose pour l'aménagement d'une ville : ce que certains appellent l'urbanisme. A la Croix-Rousse, tout bien considéré, les urbanistes n'ont plus leur mot à dire. Ils ont été supplantés par les promoteurs immobiliers, qui se livrent une concurrence acharnée pour savoir qui sera le premier à s'occuper des "dents creuses" que comporte (encore pour combien de temps ?) le plateau de ma Croix-Rousse. Qui est le plus à craindre ? Qui est le plus nuisible ? L'urbaniste ou le promoteur ? Sachant que l'urbaniste a des idées, quand ce n'est pas une doctrine ou une idéologie, et que le promoteur en a une seule, d'idée : valoriser le terrain et rentabiliser l'investissement.

Et ce ne sont pas les allumés du bulbe qui affichent leurs T-shirts floqués "La Croix-Rousse n'est pas à vendre" qui changeront quoi que ce soit au processus. Mais si, Papy-Art, la Croix-Rousse est à vendre au plus offrant, comme tout le reste. Et ce ne sont pas ceux qui, paraît-il, "font de la résistance" qui arrêteront les troupes des envahisseurs : quelles armes ont-ils à opposer aux formes parfaitement légales dont ceux-ci habillent leurs appétits voraces ? 

Voilà ce que je dis, moi.

lundi, 19 juillet 2021

UNE AUTRE CROIX-ROUSSE ? (1)

Aujourd'hui le projet de Camille Chalumeau, ingénieur en chef de la ville de Lyon, avec la collaboration (mais je ne suis pas sûr) de l'architecte Tony Garnier. Vous êtes au-dessus de la place Bellevue, à l'extrémité du boulevard de la Croix-Rousse côté Rhône, et vous regardez vers le sud, la presqu'île et le confluent. La longue trouée rectiligne que vous avez en face de vous, c'est la rue de la République.

Mais oui, parfaitement : dans ce projet, la rue de la République escalade la "colline qui travaille" jusqu'à la place Bellevue. Un seul mot d'ordre : on rase tout ce qui dépasse, comme au joyeux temps du Second Empire. On dira : l'escalade n'est pas complète. Certes, on n'est pas au point culminant de la Croix-Rousse qui, comme chacun sait, se situe à l'intersection des rues Henry-Gorjus et Jérôme-Dulaar, non loin du parc Popy, mais le plus dur est fait. Et l'ingénieur a pensé que la pente n'était pas trop raide pour amener une ligne de tramway à proximité immédiate du plateau (sans faire le détour par le cours Général-Giraud).

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Est-ce que le monument ci-dessous est vraiment celui qui devait couronner le projet ci-dessus tout en haut de l'exaltante ascension ? Pas sûr. Surtout à cause des dates indiquées par la BML pour la réalisation des dessins : 1935 pour le projet de l'ingénieur Chalumeau, 1918 pour la proposition de Tony Garnier : un majestueux temple élevé à la mémoire des morts de 1914-1918. Pensez : des colonnes de quarante mètres de haut ! Un monument aux morts peut-être plus visible encore que la basilique de Fourvière flanquée de sa tour métallique. Dessins de Tony Garnier, photographiés par Jules Sylvestre autour de 1918.

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Voyez plutôt l'effet qu'on aurait observé depuis le pont Saint-Clair (alias Vaïsse). Le fort Saint-Laurent, qui occupe une partie de la pente, ne disparaît pas, mais presque.

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Voyez aussi de quelle façon le monument aux morts de 1914-1918 se serait imposé à la vue de chacun, vu de la rive gauche du Rhône. Dans presque tous les villages de France, le monument aux morts se trouve sur la place centrale, et personne ne peut l'ignorer. Alors imaginez : quelle dignité dans une telle situation rayonnante ! Quelle grande occasion perdue !

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Il faut donc regretter que le monument aux morts ait finalement été relégué dans l'île aux Cygnes du parc de la Tête d'Or, un endroit certes pas tout à fait invisible, mais qu'il faut avoir vraiment envie d'atteindre, après avoir traversé un tunnel humide, peu sympathique et pas toujours ouvert aux piétons. 

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Bon, n'exagérons rien : on n'est pas à Sainte-Hélène.

Personnellement, j'ai tendance à ne pas digérer que les édiles de la Ville aient renoncé, sans doute pour un problème de coût, à honorer de cette façon considérable et après tout normale les travailleurs, les hommes, les paysans, bref, les civils morts (sont-ils en définitive 10.600, 13.000 ou 16.000 ? Je finis par ne plus savoir.) sous l'uniforme militaire pour défendre la Patrie entre 1914 et 1918.

Et il faut remercier (attention : une fois n'est pas coutume !) l'ancien maire de Lyon Gérard Collomb d'avoir décidé de restituer intégralement les noms des morts en les faisant regraver, mais sur une pierre enfin assez sérieuse pour résister aux injures du temps (Comblanchien, je crois), à l'occasion du centenaire de la première boucherie industrielle de l'histoire humaine.

Autre chose : faut-il regretter que la rue de la République (rue Impériale à l'origine) ait renoncé à escalader la colline et se soit résignée à buter sur la place de la Comédie et le "bas des pentes" ?

Là, je suis catégorique : la Croix-Rousse, ça doit continuer à se mériter. Et le Croix-Roussien doit pouvoir encore et toujours proclamer fièrement, quand il va faire des courses dans la presqu'île : « Je descends à Lyon ».

Voilà ce que je dis, moi.

lundi, 19 avril 2021

LYON

Si vous connaissez Lyon, vous savez plus ou moins que la ville s'est appelée Lugdunum dans les autres fois et que, sur la colline de Fourvière, se trouvent des théâtres remontant à l'époque romaine. Mais qu'est-ce qu'il y avait avant ? Je veux dire avant la mise au jour de ces monuments légués par l'antiquité ? La réponse attend les curieux dans les trésors accumulés par la Bibliothèque Municipale de Lyon. On trouve en particulier une photo des lieux prise avant le début des fouilles impulsées par Edouard Herriot à partir de 1933.

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Vue générale des propriétés du "Syndicat des institutrices libres" et du "Couvent de N.D. de la Compassion", à l'emplacement du grand Théâtre, avant le 25 avril 1933, date du commencement des travaux de dégagement (légende BML).

Cette photo, quand je l'ai découverte sur un réseau social (Lyon historique et actuel), m'a plongé dans un abîme d'admiration et d'incrédulité. D'abord à cause de la qualité technique hors du commun du cliché. Quand je compare la "définition", le "piqué" de cette photographie avec ceux de la plupart des images produites aujourd'hui par wagons entiers, je m'interroge sur la notion de "progrès". Encore le format contraint de ce billet ne permet-il pas de s'en faire une idée juste.

Ensuite me vient la question de savoir comment, à partir de cette simple photographie des lieux, quelqu'un pourrait imaginer tout ce qui dort ici, tranquille et invisible, depuis vingt siècles. Vous le voyez, vous, le théâtre romain tel qu'il apparaîtra onze ans plus tard, en avril 1944 (ci-dessous, observez aussi le verger en fleur) ?

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Bon, je sais que les archéologues n'ont pas besoin de voir : ils savent par d'autres sources que tel bâtiment cité dans un texte doit se trouver à peu près à tel endroit (Chateaubriand prétend bien, dans son Itinéraire de Paris à Jérusalem, avoir retrouvé l'emplacement véritable de Sparte sur la base de ses lectures !). Il reste que moi, qui ne suis pas archéologue, je vois ici des prés portant dans une pente paisible des arbres fruitiers qui n'attendent que le moment de fructifier pour le plus grand plaisir des gens qui vivent en ces lieux.

Je subodore aussi qu'Edouard Herriot, en lançant cette énorme opération de dégagement (de déblaiement), n'était pas mécontent de donner un coup de pied dans la fourmilière de la "Colline qui prie" (opposée jadis à la "colline qui travaille", qui est la Croix-Rousse) : malgré toute la force de leur foi, c'est sans doute par la force de la loi que le syndicat des institutrices libres et le couvent de Notre Dame de la Compassion ont été expropriées.

Devant cette immense débauche d'énergie pour rendre au présent des œuvres du passé lointain de la ville, je me permets de garder une certaine distance. Car dans le cas qui nous occupe, il s'agit moins de faire apparaître que de rebâtir entièrement. Pour moi, le théâtre "romain" est pour une large part fictif. J'en veux pour preuve cette photo du chantier prise en janvier 1934 : voilà l'état des ruines telles qu'elles ont été déterrées.

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Vous vous voyez, assis sur ce tas de cailloux, même avec un coussin, pour assister à une représentation de Lohengrin (quatre heures au bas mot) ? N'en déplaise aux mânes d'Amable Audin, ce grand archéologue, on est bien devant une entreprise de reconstruction complète. Cela dit, oui, j'avoue avoir passé là des soirées, et même des nuits mémorables, au cours desquelles je ne pensais guère aux Romains.

vendredi, 04 décembre 2020

MARCELLINE GASTON

Je ne sais pas où habitait exactement Marcelline Gaston, je veux dire dans quelle piaule à bon marché elle avait trouvé un abri. Quand je l'ai vue, à ma grande surprise, dans l'église Saint-Polycarpe, assister aux obsèques du cher docteur Maurice Denis, j'ai commencé à me demander si quelque âme généreuse ne lui avait pas trouvé une chambre dans le très sélect immeuble "Saint-Bernard", boulevard de la Croix-Rousse. Maurice et Annie Denis, catholiques fervents, possédaient là un bel appartement. J'avais d'ailleurs vu un jour Marcelline sortir de l'immeuble. Aurait-elle eu, sans cela, de quoi se loger ?

Le territoire de Marcelline n'était pas très étendu : la place de la Croix-Rousse en tout premier, avec des apparitions chez le boulanger Caclin (maintenant "Les Co'pains d'abord"), à l'angle de la rue d'Austerlitz et de la rue Belfort. On pouvait parfois apercevoir sa silhouette rue Aimé Boussange ou rue Victor Fort. En dehors des producteurs du marché du boulevard, dont certains la connaissaient fort bien, pour lui abandonner à vil prix quelques denrées, du moins à ce que j'ai cru comprendre, je ne l'ai jamais vue s'aventurer beaucoup plus loin.

Sa silhouette ? Indescriptible. Imaginez un arbre cassé en deux, le tronçon supérieur faisant un angle droit avec la partie verticale. Ajoutez qu'elle marchait d'un pas saccadé, tenant une béquille orthopédique dont elle dirigeait vers l'avant la partie réservée au coude, et tenait la poignée comme si ç'avait été une arme. Elle n'aimait pas qu'un marcheur audacieux ose la dépasser d'un pas plus rapide, et elle le faisait savoir. 

Tous les gens passant par ce coin de Croix-Rousse ont un jour croisé la route de Marcelline Gaston. Certains s'en souviennent peut-être pour avoir subi ses imprécations au moment de la côtoyer, que ce soit sur le trottoir ou faisant la queue dans un magasin, émettant à jet quasiment continu ses récriminations contre le monde ou contre ses semblables.

Je l'ai entendue enjoindre à une femme qui en est restée tout ébaubie de retourner chez elle pour quitter son pyjama et passer enfin une tenue correcte. Elle ne dédaignait pas l'insulte, et je ne doute pas qu'elle a froissé les oreilles ou l'amour-propre des passants qui ne fréquentaient le plateau qu'à l'occasion de son marché ou pour se procurer quelques macarons chez Bouillet. 

Cela dit, moi je sais que Marcelline Gaston n'était pas méchante. Ceux qui avaient compris et admis sa présence, à commencer par les commerçants chez qui elle se procurait le peu qu'elle mangeait, devinaient (plus qu'ils ne savaient) que son existence passée n'avait pas été de tout repos et qu'elle avait eu son gros lot d'épreuves. 

Chaque fois que je l'ai croisée, après un temps de surprise vaguement déconcertée, j'ai pris le parti de la saluer d'un : « Bonjour Madame » sonore. Du coup, elle m'avait "à la bonne". La preuve, c'est qu'elle n'hésitait pas, quand nous nous trouvions dans la même file d'attente, à me taxer d'une pièce ou deux. Comment refuser ? Je n'oublierai pas le regard presque sauvage qu'elle levait vers les personnes en qui elle reconnaissait non des méchants, mais au moins des vivants tolérables. 

Un jour que j'étais assis à la terrasse de La Crèche en train de lire mon journal en sirotant (avec modération) quelque boisson forte, elle me reconnut, s'approcha et me demanda : « Vous me payez un verre ? ». Là encore, comment refuser ? Elle s'assit, pendant que j'allais demander à Jean-Pierre un pastis pour la dame. Jean-Pierre ne dit rien.

Elle me raconta alors une partie de ses malheurs, en particulier ses séjours à l'hôpital, où les chirurgiens lui certifiaient que son problème de colonne vertébrale était absolument inopérable. « Sinon j'y passais », avait-elle ajouté. 

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Marcelline Gaston vient de mourir. J'en ai lu l'annonce dans Le Progrès. Elle avait trouvé pour finir refuge chez les Petites Sœurs des Pauvres. J'espère qu'elle est morte en paix avec le monde et avec elle-même. Qui peut bien se cacher derrière le "nous" qui a assuré les frais de cet avis de décès paru dans Le Progrès daté du 26 novembre 2020 ? J'aimerais bien le savoir.

jeudi, 04 juin 2020

LE DÉCONFINEMENT, C'EST DUR ...

... POUR CERTAINS.

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Photo prise le 14 avril.

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Photo prise le 6 mai, au même endroit. 

Plus besoin de photo. Maintenant la Brasserie des Ecoles a rouvert. Il y a pourtant quelqu'un qui avait trouvé une bonne place, bien abritée. Où est-il maintenant ?

jeudi, 21 mai 2020

LES AFFAIRES ONT REPRIS

L'action se passe rue Boussange (69004).

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Là, c'était avant, quand les lieux ne servaient à presque rien de franchement utile et à presque personne de vraiment important.

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Là, à 6000€ le m², ça va sûrement servir à quelques importants (état du chantier au 4 mai 2020).

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Là, on voit que le promoteur ne plaisante pas. Je passe sur l'édification des immeubles projetés. Presque toute la couleur verte de la photo Google est promise à disparition, mais ils vont peut-être garder le cèdre (la couleur ne trompe pas les connaisseurs).

J'attire juste votre attention, ci-dessus,  sur la bande de terre qui sépare le chantier des immeubles anciens, dont le côté "cour" est limité par un haut mur (visible au sud de la petite verrière). Une bande de terre qui, elle non plus, ne sert à rien ni à personne (je plaisante). En fait, c'est un creux, peut-être le fossé des anciens remparts qui protégeaient Lyon des ennemis venus du nord en général et de Caluire-et-Cuire en particulier (commune limitrophe). C'est là-dessus que je braque mon objectif.

Ci-dessous le mur qui sépare la bande de terre de la rue Boussange, mur caché - à droite - sur les photos Google. L'indispensable Café de la Crèche est voisin immédiat.

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La brosse métallique a déjà clarifié le terrain, et la disqueuse a déjà tracé les contours de ce qu'il faudra enlever.

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Voilà ce que ça donne, l'ancienne bande de terre qui ne servait à rien, quand la future porte des garages est ouverte. Il faut tenir le mur qui tient le mur de séparation. L'immeuble du fond arrive à son quatrième étage. Je pense aux habitants des immeubles anciens (à droite), qui voyaient quelque chose d'agréable de leurs fenêtres.

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Une couverture pour garder au chaud (pour boucher, aussi) : on ferme.

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Plus qu'à attendre que ça tienne. On est dans le dur de la réalité.

La Croix-Rousse ? En route vers la modernité moderne, on vous dit !

lundi, 18 mai 2020

PHOTOGRAPHIE

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Vue sur la salle du restaurant, avec rétro-éclairage de la rue Dumenge, à 18h25', le 17 mai 2020 (je vous dis tout, sauf le nom du restaurant, dont la carte est un peu tarabiscotée à mon goût).

samedi, 02 mai 2020

« JE VOUS L'AVAIS BIEN DIT, SKRONYONYO ! »

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La revue "Le Un" du mercredi 29 avril dernier : « Et maintenant on change quoi ? ». Mais on ne change rien, mon bon monsieur ! Qu'allez-vous imaginer ?

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Mais non, voyons, malgré le titre que j'ai trouvé, je n'ai nullement l'intention de faire la leçon à qui que ce soit. Je me permets juste de constater. Et de m'effrayer. Ce qui me terrasse dans cette crise dite « du coronavirus », c’est qu’on savait. On savait tout. On savait tout depuis très longtemps. On ne savait pas quand, on ne savait pas par où ça arriverait, mais on savait que ça arriverait. Depuis combien de décennies les lanceurs d’alerte font-ils retentir le tocsin ? Je suis sûr que des "collapsologues" comme Yves Cochet et Pablo Servigne jubileraient d'avoir eu raison si vite si l'actuel coup de Trafalgar mondial ne les laissait pas hébétés comme je l'ai été.

Où l'on constate que l'ennemi public n°1 de notre civilisation a trouvé sans hésiter le défaut de la cuirasse : plus elle ressemble au Colosse de Rhodes, plus le marbre de ses pieds se transforme en sable. On avait tout prévu, TOUT, sauf ... Depuis, tous les Grands Manitous de la planète se demandent comment on doit apprendre à se préparer pour prévoir l'imprévisible. Prévoir l'imprévisible ? Ah les sinistres comiques !!! Les guignols ! Le phénomène "gilets jaunes" était un sacré coup de semonce, monsieur Macron ! Descendez de votre perchoir, monsieur Macron ! Ouvrez les oreilles, monsieur Macron ! Prenez des décisions justes, monsieur Macron !

Ce dont je suis sûr, c’est que depuis l’ouverture du présent blog le 25 mars 2011, les billets publiés ici par votre serviteur n’ont pas cessé de pleuvoir concernant l’écologie, la protection de la biodiversité ou de l’environnement ; mais aussi la dénonciation de la logique ultralibérale, de la colonisation de toute la sphère économique par des malades et des aveugles lancés dans une course effrénée vers l’abîme, de l’empoisonnement des sols, de l’air, de l’eau et des hommes par une industrie chimique démesurée, de l’industrialisation à outrance des moyens de nourrir l’humanité, etc., etc., etc…

Ce qui me terrifie, c’est aussi qu’en un clin d’œil (disons du jour au lendemain) tous les pays industrialisés et l’ensemble de leurs populations ont pu abandonner leur criminelle insouciance pour renoncer brutalement et sans hésiter à tout ce qui n’était pas rigoureusement indispensable à la préservation de la vie. Brutalement convertis au survivalisme le plus caricatural (des stocks d'huile, de sucre et de PQ, mais la télé et les réseaux sociaux pour se "tenir au courant" : on sait jamais). On fait le dos rond en attendant que les choses se calment, mais il ne faudrait pas que ça tarde trop, les "jours meilleurs".

Alors je suis parti à la pêche dans les sables mouvants où se sont engloutis aussitôt écrits tous les billets que j'ai pondus sur le sujet depuis le début. Je n'ai pas eu à chercher bien profond. Je n'ai eu aucun mal à réunir quelques paragraphes où tentait de se dire une vérité explosive qui, depuis, nous a pété à la gueule : la façon dont l'humanité vit aujourd'hui nous entraîne collectivement vers la mort. Je n'ai pas voulu surcharger la barque. Et je n'ai pas sélectionné les plus significatifs.

Nous venons d'entendre de nombreux appels pressants à fonder un système économique mondial qui soit viable pour tous, moins inégalitaire et plus respectueux de l'environnement. Il était temps. Je rappellerai seulement qu'au cours de la crise financière de 2007-2009, nous avions déjà entendu vociférer tous les vertueux de la dernière heure convertis à la sagesse économique (Sarkozy ?) appelant à la régulation de la finance folle, et qu'on a hélas vu ce qu'il en est resté quand la fièvre est retombée. 

Je propose ici une petite piqûre de rappel, oh, presque rien, juste de quoi se souvenir que nous n'ignorons rien de l'enfer qui nous pend au nez et que nous fabriquons consciencieusement, jour après jour, de toutes pièces. Rassurez-vous, c'est à peine quelques pets de lapin sur une pente verglacée : c'est sans douleur. Autrement dit : c'est à pleurer.

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16 novembre 2017

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Célèbre "une" du journal Le Monde du 14 novembre 2017. Célèbre et déjà aux oubliettes.

7 février 2018.

Le monde va-t-il bien ? Le monde va-t-il mal ? Le débat fait rage (un de plus, dira-t-on, voir au 2 février). Les uns ne voient, selon les autres, que le côté heureux des choses, sont heureux du monde dans lequel ils vivent et disent pis que pendre de Michel Houellebecq. Les autres souffrent, selon les uns, d’une sinistrose chronique aiguë, trouvent inquiétant tout ce qui arrive et sont allergiques à Michel Serres, le « ravi de la crèche » qui s’émerveille du génie et de l’inventivité de l’espèce humaine. [Au vu des circonstances, qui a raison, à votre avis ?]

23 mars 2018

Ils [les écologistes] rassemblent donc informations et documents, mais c'est pour en faire quoi ? Ils ne savent pas toujours bien. On trouve une documentations copieuse, mais éparse en provenance des forêts qui disparaissent ; des glaces du grand nord qui fondent plus vite que leur ombre, menaçant de submersion tout ce qui vit à proximité du littoral ; des eaux de surface des océans qui s’acidifient et se peuplent de continents de plastique ; de l’air que nous respirons dans les villes, qui améliore sans cesse le rendement de la mortalité humaine prématurée ; des camps d'extermination des insectes ouverts en plein air par les tenants de l'agriculture industrielle et productiviste ... j’arrête l’énumération. 

24 mars 2018

A part ça, aucun voyageur du train fou qui nous emporte ne pourra dire que le signal d’alarme était en panne : les sentinelles font leur boulot et ne cessent d’actionner la sirène. Ce qui inquiète, c’est plutôt qu’il n’y a pire sourd que celui qui refuse d’entendre, et que le signal d’alarme donne massivement l’impression de pisser dans un violon des Danaïdes, ce qui est, on l'admettra, peu convenable. 

25 mars 2018

Quel avenir ce tableau sommaire des préoccupations écologiques laisse-t-il entrevoir pour la planète ? J’ai envie de dire que, s’il y a une indéniable prise de conscience au sein de la communauté scientifique et parmi un certain nombre de voix en mesure de résonner dans les médias (je n'ai pas dit : en mesure de faire bouger les choses), le rapport des forces en présence et la lenteur pesante de l'évolution des consciences (ne parlons pas des intérêts en jeu, qui font résolument barrage) laissent mal augurer de nos lendemains.  

4 septembre 2018 (en rapport avec la "une" du Monde reproduite ci-dessus).

Les cris d'alarme se suivent et se ressemblent. Parions qu’ils figureront un jour en bonne place dans la série "Ronds dans l'eau". Les appels ont une efficacité – on le constate tous les jours – de plus en plus nulle. Non, je le reconnais, je ne suis pas optimiste. Le pire, c'est que je crois que j'ai raison.

Il n'y a rien de plus urgent que de changer tout le système, mais rien ne sera fait : les USA quitteront les accords de Paris, Nicolas Hulot prendra acte de sa complète impuissance à influer sur le cours des choses et quittera spectaculairement le gouvernement d'Emmanuel Macron.

Il n'y a en effet rien de plus urgent. Je dirai même que c'est la seule et unique urgence qui devrait mobiliser toutes les énergies (renouvelables). C'est peut-être infiniment vrai, mais les chars d'assaut de la politique (lieu des rivalités de pouvoir) et de l'économie (lieu privilégié de l'exercice de la rapacité) – les vrais pouvoirs – ne s'en laisseront pas conter : « Les affaires sont les affaires ».

Sans compter que les populations qui bénéficient d'un mode de vie confortable (moi compris) refusent toute perspective de régression matérielle. Et que les populations qui n'en bénéficient pas encore ont la volonté farouche d'y parvenir à leur tour.»

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"Notre humanité délire." Tu l'as dit, bouffi ! Extrait de la une du "Un" ci-dessus.

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La crise du coronavirus me met en rage : on sait tout, on a maintenant la preuve que nos façons de procéder avec le monde qui nous entoure sont guidées par la folie, et on ne fera rien, sinon serrer encore la vis à ceux qui ont le moins de pouvoir.

Je dois avouer que je n'ai moi-même pas très envie de changer de mode de vie. Les gens, à la Croix-Rousse, se sont déjà remis à se répandre dans les rues comme aux plus beaux jours de l'insouciance. La population dans son ensemble ne voit pas comment on pourrait faire autrement qu'avant. Qui accepterait plus qu'hier de se voir imposer des limites à ses désirs ? Et toutes les forces existantes n'attendent que le moment de reprendre leur existence comme avant. Le monde entier attend de pouvoir retrouver une

VIE NORMALE.

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Au fond, je vais vous dire :

le présent blog ne sert strictement à rien.

Dit autrement : on ne convainc que les convaincus.

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« Plus de fric pour le service public ». Il y en a qui ne doutent de rien.

Les individus qui ne sont pas d'accord sont rigoureusement impuissants face au système dont ils ont perçu l'aberration fondatrice. 

La crise actuelle me renvoie à mon quasi-néant.

samedi, 25 avril 2020

RUE DUMENGE ...

... PENDANT LE CONFINEMENT.

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Je n'ai pas encore vu passer de renards ou de chevreuils, mais je ne désespère pas.