mercredi, 20 octobre 2021
LA FESSE CACHÉE DU "GRAND LYON"
Les "Communautés Urbaines", "Communautés d'Agglomération", "Communautés de Communes" et autres regroupements d'exécutifs municipaux ont fleuri sur le territoire national depuis une quarantaine d'années (évaluation au pifomètre, au doigt mouillé ou à tout autre critère de mesure scientifique). S'agissant de la première de ces appellations administrative, les crânes de poule qui ont pondu cet œuf-là n'avaient pas tenu compte d'un détail : l'acronyme résultant de la création de la Communauté Urbaine de Lyon. Car dans le cas de notre cité bien aimée, cela donnait un sigle (à lire verticalement ci-dessous) qui pouvait prêter à rire dans les rangs des gens mal intentionnés, comme le montre le petit bidouillage auquel je me suis livré sur une photo prise par Pierre Clavel.
Bien entendu, les édiles sont tous tombés d'accord pour que la Capitale des Gaules ne devienne jamais la risée de qui que ce soit, et ont astucieusement tourné la difficulté, la deuxième lettre de chacun des mots rendant toute confusion impossible (Co.Ur.Ly.), tout en rendant hommage à un volatile qu'on peut observer en Dombes, j'ai nommé le courlis.
Mais les mêmes édiles, constatant la persistance des esprits caustiques à se gausser de la transparence du masque ainsi posé sur l'académie (« Voir votre académie, Madame, et puis mourir ! » chante Tonton Georges), ont voulu aller plus loin et ont tout bonnement proposé l'expression "Grand Lyon", au risque de défriser toutes sortes de susceptibilités dans les localités périphériques. Pour mettre tout le monde d'accord et en finir avec les querelles clochemerlesques, il a fallu attendre la création des "Métropoles" au plan national. Avouez qu'en prononçant "Métropole de Lyon" avec l'intonation et la conviction adéquates, on en a tout de suite plein la bouche et la formule donne à celui qui l'articule des potentialités d'emblée plus majestueuses.
Je garde cependant une grande affection à l'énoncé d'origine (C.U.L.), ne serait-ce que parce qu'il rappelle avec force un sport spécifiquement lyonnais, je veux parler des boules. Attention, pas n'importe lesquelles. Il s'agit ici de "La Lyonnaise", autrement appelée "La Longue". Car ce jeu traditionnel comporte une clause à mes yeux réjouissante : quand une équipe ne marque aucun point dans une partie, elle se fait un devoir d'aller "baiser le cul de la Fanny".
Sculpture de Geneviève Böhmer pour les défunts terrains de boules du Clos-Jouve. Photo de Claude Essertel.
Le pudique Nizier du Puitspelu ignore la Fanny, et ne retient ("parlant par respect") que l'expression « baise le ... fond de la vieille ». Il prend un malin plaisir ensuite à justifier longuement le non-emploi du mot auquel tout le monde pense, et se demande avec un sourire en coin si la "bonne religieuse" euphémisait : « Je raccommode la fonlotte de M. le Fonré ». Cent vingt et quelques années après son irremplaçable Littré de la Grand-Côte, et en pleine tempête touchant l'Eglise catholique, cette phrase innocente passerait sans doute pour suspecte. Heureusement, il n'y a plus beaucoup de "M. le Fonré".
Voilà ce que je dis, moi.
11:07 Publié dans HUMOUR | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : humour, lyon, communauté urbaine de lyon, courly, cul, photographie, pierre clavel photographe, courlis, capitale des gaules, grand lyon, métropole de lyon, boulistes, la boule lyonnaise, boules la fanny, baiser le cul de la vieille, geneviève böhmer sculptrice, nizier du puitspelu, littré de la grand-côte, croix-rousse, croix-rousse clos jouve, église catholique
samedi, 13 janvier 2018
LACK MI "EN MARCHE"
Il existe à Strasbourg un lieu – cabaret, café, restaurant – qui ne ressemble à aucun autre. D'abord et principalement parce que c'est un lieu spécifiquement alsacien, dirigé depuis quelques décennies par un authentique Alsacien (il répétait sur tous les tons qu'il est « né-dans-le-val-de-Villé-la-plus-jolie-des-vallées », il a peut-être mis le refrain en veilleuse depuis le temps).
Le village de Villé (67).
Le lieu, c'est La Choucrouterie, l'Alsacien s'appelle Roger Siffer. Il est recommandé de comprendre le dialecte de par là-bas, si l'on veut apprécier à sa juste valeur. Car l'un des derniers spectacles proposés perdrait beaucoup de son sel sans cela. Rien que le titre de ce spectacle est en effet une excellente illustration de l'humour alsacien, qui se distingue, comme on sait, par son exceptionnelle légèreté, sa subtilité sans égale et son parfait raffinement : « Lak mi "en marche" ».
Entendant la formule, l'alsacophone – bientôt rejoint par l'homme de goût, pour qui il a fallu traduire – éclate d'un rire complice et bon enfant, malgré la finesse de l'allusion. Son esprit affûté a compris qu'elle se réfère à la vie politique française telle qu'elle se présente depuis l'irruption du flamboyant Emmanuel Macron, tout en décalquant, moyennant une légère approximation due à l'accent de Strasbourg, n'en doutons pas, une expression dialectale que tout le monde connaît là-bas depuis qu'il sait ce que parler veut dire : "Lack mi am Arsch".
Mot à mot (le pudique Puitspelu du Littré de la Grand'Côte ajouterait "parlant par respect") : « Lèche-moi le cul ». L'alsacien est un idiome bourré d'images, et je connais des gens capables en le parlant de faire plier en deux un auditoire conséquent de gens sérieux, même si je ne comprends qu'un mot par phrase : le rire est contagieux, n'est-ce pas.
En oyant l'expression « Lack mi "En Marche" », votre pas se fait soudain plus allègre, cela vous donne tout de suite plus d'allant dans la démarche, et met un peu de piment dans l'assiette de l'innovation "disruptive" que constitue la "Révolution macronienne", en l'agrémentant de délicates fragrances et colorations irisées, voire moirées, du plus bel effet. Accessoirement, cela vous replace le bonhomme dont il est question à une altitude moins "jupitérienne".
Ce que ne savent peut-être pas les Alsaciens eux-mêmes, c'est qu'un certain Wolfgang Amadeus Mozart a composé un canon, intitulé cette fois "Leck mich im Arsch", c'est-à-dire "Lèche-moi dans le cul". L'homme de goût aussitôt se récrie horrifié : comment est-ce possible, oubliant un peu vite que Mozart ne détestait pas la scatologie, comme on peut s'en rendre compte dans sa correspondance. Je me souviens en particulier de quelques lettres gratinées, adressées à sa sœur par le jeune prodige.
vendredi, 26 juin 2015
L'ISLAM NE PEUT AIMER LA FRANCE
1/2
J’ai entendu récemment le philosophe Jacques Rancière proférer une belle connerie. Plus énorme que sa célébrité dans le milieu de son milieu. C’est à propos de l’islam (eh oui, encore !). Il disait en substance qu’il n’est pas du tout sûr que le « voile » (tchador, niqab, burka, etc.) ait une signification religieuse. Eh, tête de pomme, si toutes les filles et les femmes (sans parler de la façon dont les hommes en parlent) qui se baladent en cachant leurs cheveux, voire leur visage et leurs mains, te disent que c’est à cause de leur croyance religieuse qu’elles s’habillent ainsi, qu’est-ce que tu leur réponds, gros plouc ? Et ça se prétend philosophe … Il paraît même qu'il fait autorité. Un comble.
L’islam n’a pas fini d’emmerder la France, et plus généralement l’Europe, vieux continent catholique depuis 1500 ans (Clovis). Allez, disons « continent chrétien » pour ne pas vexer les protestants, bien qu'ils aient fait beaucoup de mal au continent. Les défenseurs opiniâtres des musulmans en France (Edwy Plenel, Emmanuel Todd, ...) devraient se souvenir que, historiquement, l'hostilité a toujours existé entre islam et chrétienté. Il y a là du révisionnisme. De l'aveuglement. Voire du négationnisme.
L’islam ottoman a bien tenté, mais en vain, de s’emparer de ce continent : il a laissé des traces de son passage dans quelques pays balkaniques, mais à part le petit orteil qu’il a gardé sur la rive européenne du Bosphore, il a été prié de décamper. Je dis tant mieux. Et je suis modéré : Chateaubriand, dans les Mémoires d'outre-tombe, implore l'armée du tsar de basculer les Turcs dans le Bosphore.
Je cite pour mémoire quelques hostilités historiques : Poitiers, croisades, Lépante, siège de Vienne et autres pirateries barbaresques devenues des œuvres musicales, comme L’Enlèvement au sérail ou L’Italienne à Alger. L’histoire montre « à regonfle » (comme on disait à Lyon quand on y parlait « yonnais ») que la tradition européenne n’a que faire de l’islam. Il y a incompatibilité. Et qu'on ne me parle pas d'apprentissage de la laïcité : il faudrait encore quelques centaines d'années. Même pas sûr que ça suffirait.
L’islam qui a subsisté en Europe a mis du vin dans son Coran, comme on l’a vu lors de la guerre de Bosnie, où les musulmans du cru se foutaient allègrement de la gueule des brigadistes venus, au nom d'Allah, les soutenir contre la Serbie de Milosevic, et trinquaient au whisky pendant que les autres se prosternaient sur leurs tapis de prière cinq fois par jour.
Hergé était sûrement islamophobe.
Déjà qu'il était raciste (voir Tintin au Congo).
Alors y a-t-il un « islam de France » ? La réponse, absolument formelle, est « Non » ! Pas parce que la France refuse les musulmans, mais à cause de la façon même dont la religion musulmane est organisée. Car il faut que cela se sache : l’islam, par nature et dès l'origine, n’est pas organisé. Le CFCM (Conseil Français du culte musulman) est une aberration venue par ébullition intempestive dans l’un des "cinq cerveaux" de Nicolas Sarkozy (dixit Carla Bruni quand elle était "présidente").
L’islam, en réalité, a quelque chose à voir avec les groupuscules trotskistes. Il obéit aux lois de scissiparité et de la dialectique maoïste réunies : « Un se divise en deux ». Quand des trotskistes se retrouvaient à cinq, ils se remémoraient et se fredonnaient (en chantant faux) la chanson de Brassens : « Le pluriel ne vaut rien à l’homme et sitôt qu’on Est plus de quatre, on est une bande de cons ». Le destin du musulman, tout comme celui du trotskiste, est de mourir seul. La division cellulaire est la loi organique des groupuscules trotskiste et de l’islam.
J’exagère ? J'abuse ? Je galèje ? Bien sûr, mais il faut bien s’amuser. Plus sérieusement, au sujet de l’islam, lisez Gouverner au nom d’Allah, de Boualem Sansal (Gallimard, 2013). Vous trouverez une liste (sûrement incomplète) des courants, au nombre de quatre : 1 – Le sunnisme ; 2 – Le chiisme ; 3 – Le soufisme ; 4 – Le kharidjisme. Je ne suis même pas sûr qu’un autre connaisseur proposerait le même découpage. Faisons comme si.
Parce que là où ça se complique, c’est quand ça se subdivise. Rien que pour le sunnisme, il existe « quatre grands rites ». Il faut savoir que les « dignitaires de ces rites se vouent une inimitié fraternelle ». Sansal ajoute : « Ces rites sont : le malékisme, le hanafisme, le chafiisme, le hanbalisme, chaque rite s’étant lui-même scindé en plusieurs branches et rameaux ». N'en jetez plus. Ecoutons le président Mao : « Un se divise en deux ».
Chantons après lui : ainsi soit-il.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans RELIGIONS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jacques rancière, philosophe, philosophie, tchador, niqab, burka, religion, fanatisme, france, europe, baptême de clovis, catholique, catholicisme, edwy plenel, emmanuel todd, qui est charlie ?, empire ottoman, sublime porte, bosphore, turquie, chateaubriand, mémoires d'outre-tombe, bataille de poitiers, charles martel, bataille de lépante, croisades, l'enlèvement au sérail, l'italienne à alger, lyon, canut, nizier du puitspelu, littré de la grand-côte, laïcité, guerre de bosnie, serbie, milosevic, allah, islam, musulman, tintin, tintin au pays de l'or noir, dupont dupond, cfcm, conseil français du culte musulman, nicolas sarkozy, carla bruni, georges brassens, le pluriel brassens, boualem sansal, gouverner au nomd'allah
dimanche, 27 novembre 2011
UNE INTRANSIGEANCE FROMAGERE
Les traditions familiales, nous dit-on sur un ton éploré, se perdent. La famille occidentale, nous dit-on, échoue désormais à transmettre les vraies valeurs. Celle que je présente aujourd’hui est mentionnée en 1896 dans une sorte de Bible du Croix-Roussien. L’auteur, de son vrai nom, se nommait CLAIR TISSEUR, et se faisait appeler NIZIER DU PUITSPELU par ses amis de l’Académie du Gourguillon, de haute et insigne renommée.
Il est connu pour avoir beaucoup écrit à propos de notre bonne ville, de ses pentes et de son plateau. Mais la Bible dont je parlais, vénérée, constamment et fidèlement rééditée, s’intitule Le Littré de la Grand’Côte. C’est un dictionnaire de patois, si l’on veut, mais c’est aussi un trésor de mémoire vivante, et non un lexique sec de termes plus ou moins folkloriques qu’il est bon de prononcer dans les soirées « en ville » pour se faire mousser.
Pour vous dire, à l’article « canut », NIZIER se désole qu’en 1894, il n’y avait plus que 3.000 « métiers à la main », pour 60.000 en 1842. Vous entendez d’ici le raffut qu’il n’y a plus sur les pentes et sur le plateau de la « colline qui travaille ». Cette dernière expression est assez mal venue, parce que, mine de rien, il y a encore une bonne partie qui, manifestement, « prie », dans les environs de Saint-Bruno-des-Chartreux, dans la partie sud-ouest de notre colline.
Pour revenir à ce Littré-là, il faut dire que l’auteur n’hésite pas à intervenir en personne, parfois en gros sabots, dans son ouvrage, éminemment savant au demeurant : « Je connaissais une aimable demoiselle en âge d’être mariée. Le père voulait d’un commis de ronde. Comme bien s’accorde, la mère n’en voulait pas. Elle entendait d’un employé à la recette générale. « Je ne veux pas qu’Aspasie épouse un cul-de-plomb ! », s’écriait le père avec véhémence.
» Comme bien s’accorde, Aspasie écoutait à la porte. (…) On l’appela. Comme bien s’accorde encore, la mère l’avait emporté. Aux premiers mots, l’infortunée jeune fille tombe à genoux en sanglotant : « O maman… an… an !… je t’en supplie ! Pas un homme qui en ait un en plomb… omb…omb !... ». Je vous laisse deviner à quel article figure l’anecdote.
NIZIER aime bien les jeunes promises, apparemment. En témoigne l’anecdote suivante, qu’on trouve à l’article « navet » : « Une demoiselle de ma connaissance devait se marier [c’était peut-être la même]. Son prétendu était venu déjeuner à la campagne chez le futur beau-père. Or, parmi les plats se trouvaient des navets.
» Après déjeuner, on s’éparpille sur la terrasse. La jeune fille eut à monter au premier. En montant, elle se soulageait gaillardement en faisant à chaque marche : « Un navet : brrr ! Deux navets : brrr ! Trois navets : brrr ! ». Quand ce vint au quatrième navet, en tournant le palier, elle aperçoit le prétendu derrière elle. « Eh quoi, Monsieur, lui fit-elle, vous étiez là ! – Oui, Mademoiselle, depuis le premier navet !!! ».
Mais je ne vais pas vous débiter tout le Littré de la Grand’Côte. Il y a des éditions pas chères. Ce que je peux vous dire, c’est que c’est bourré de notations, d’images, d’histoires, de considérations parfois ironiques ou narquoises, qui lui font mériter le titre malicieux que NIZIER a donné à son ouvrage. J’étais parti sur la transmission des traditions familiales, c’est-à-dire sur une piste sacrée, n’est-ce pas.
Franchement, je ne sais pas si la recette du FROMAGE FORT fait toujours partie d’un patrimoine familial. Je me souviens en avoir mangé, étalé sur une tranche de pain, quand je n’étais pas très vieux. Je me souviens en particulier que c’est la première fois de ma vie que j’ai cru qu’on m’arrachait la gueule, tellement c’était fort. J’en ai goûté plus tard, qui était beaucoup plus … disons … courtois. Voici la recette, sans une coupure.
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Fromage fort. C’est un fromage à l’état pâteux, de goût très monté. « J’ai teté jusqu’à trois ans de lait qu’était épais comme de fromage fort », me disait un jour un Hercule à la vogue de la Croix-Rousse. Ce fromage n’étant pas d’usance à la maison, je me suis adressé, pour en avoir la recette, à mon excellent ami CLAUDIUS PORTHOS, qu’à cause de sa stature, comparable à celle d’Ajax, et de ses muscles puissants, nous avons surnommé « le Rempart de la Croix-Rousse ». Je ne saurais mieux faire que de transcrire sa réponse ; elle est d’un homme congruent en la matière.
« Il y a fromage fort et fromage fort. Celui de la Bresse et du Dauphiné est assez primitif. On prend du fromage de vache qu’on a fait préalablement sécher entre deux linges sur la braise ; on le met dans un pot de terre, et on le broie en le mouillant avec du bouillon de porreau, plus ou moins assaisonné de beurre frais. On le recroît en ajoutant du fromage et du bouillon. C’est l’enfance de l’art. Voici le vrai fromage fort de la Croix-Rousse :
« On achète une livre ou deux de fromage bleu bien fait ; on enlève la croûte et on le met dans un pot de terre. Il faut vous dire qu’il est important de prendre du fromage gras, dépourvu de vesons, qu’à l’Académie française ils appellent des asticots. Non que l’asticot soit à dédaigner par lui-même, mais comme celui-ci périt nécessairement dans le fromage fort, étouffé par les vapeurs de la fermentation, il devient peu ragoûtant.
Ce n’est plus l’asticot aux tons d’ivoire, bien en chair, appétissant, qui gigaude sur l’assiette, et qu’on savoure avec délices, mais une espèce de pelure grisâtre : ce je ne sais quoi qui n’a plus de nom dans aucune langue, dont parle Bossuet. Le fromage bleu est alors arrosé de vin blanc sec et bien pitrogné avec une cuillère de bois.
Lorsque la pâte est à point, on râpe du fromage de chèvre bien sec avec une râpoire, et l’on ajoute au levain jusqu’à ce que le pot soit à peu près plein. On continue de mouiller avec le vin blanc… Le fromage fort est fait !
« On le recroît, à mesure que le pot se vide, toujours avec du fromage de chèvre râpé et du vin blanc sec. De temps en temps, lorsqu’on s’aperçoit qu’il devient moins gras, on verse dessus un bol de beurre frais qu’on a fait liquéfier au four.
« Première remarque importante : Ne jamais mouiller le fromage avec du bouillon, ce qui lui donne un goût d’aigre.
« Deuxième remarque importante : Brasser tous les jours le fromage avec une cuillère de bois.
« Un grand pot ainsi préparé et entretenu convenablement dure depuis l’automne jusqu’à l’été.
« Vous le voyez, un pot de fromage fort, bien réussi, vaut seul un long poème. Aussi une ménagère soucieuse n’oublie-t-elle jamais, au printemps, d’en conserver un petit pot pour l’hiver suivant. Elle remplit celui-là aux trois quarts, fait fondre une livre de beurre, et le verse presque froid sur le fromage. Elle descend ensuite le pot à la cave.
Cette couche épaisse de beurre fondu est placée là à seule fin d’empêcher l’air extérieur de petafiner le fromage fort. On entretient ainsi le ferment sacré avec une piété jalouse qui rappelle celle des prêtresses de l’antiquité conservant le feu sur l’hôtel [sic !!! dans l’édition originale, corrigée ensuite, mais ce genre de trouvaille, il faut conserver] de Vesta.
Je connais une famille à Fleurieu-sur-Saône, où le fromage fort est conservé depuis 1744. Lorsqu’une fille se marie, elle reçoit avec la couronne de fleurs d’oranger le pot précieux qu’elle transmet à ses enfants. Si, dans beaucoup de familles, le fromage fort ne remonte pas même à un siècle, il faut l’attribuer aux horreurs de 93, qui firent tout négliger. »
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Cette recette détaillée vous montre combien NIZIER DU PUITSPELU eut à cœur d’être précis et complet, quand l’importance de la situation se faisait sentir.
Voilà ce que je dis, moi.
09:04 Publié dans LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nizier du puitspelu, littré de la grand-côte, lyon, croix-rousse, clair tisseur, gourguillon, canut, fromage fort