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mardi, 25 avril 2017

CHRONIQUES DE PAUL JORION

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Mais si Paul Jorion ne tient pas le discours aveugle que je dénonçais hier, il n'en reste pas moins, à sa façon, un optimiste indécrottable, car il ne se résigne pas à subir, et demeure, envers et contre tout, comme on dit, une "force de proposition". Il pense en effet qu’on peut encore inverser un cours des choses qui, selon moi, a bien des aspects irrémédiables.

C'est cet optimiste qui ne cesse pourtant de répéter, dans ses interventions, que les gens qui font le système économique actuel n'accepteront de faire quelque chose pour sauver la planète qu'à la seule condition que ça leur rapportera quelque chose. Contre cet aveuglement, Jorion croit aux vertus de l'action individuelle et de l'action de groupe. Bien lui en fasse : pourquoi pas, après tout ? Je crois que c'est se faire bien des illusions sur le pouvoir de l'individu "acteur", dont se gargarisent bien des sociologues de l'école "moderne".

Il suffit pour s'en rendre compte d'examiner les propositions de Paul Jorion, dans le dernier chapitre (Que faire ?), qui sont les suivantes : 1 – Faire du respect de l’environnement une donnée économique. 2 – Restaurer la régulation. 3 – Rétablir une authentique science économique. 4 – Faire de l’Etat providence une fin en soi. 5 – Casser la machine à concentrer la richesse. 5 – Envisager autrement la question du travail et de l’emploi. 6 – Donner tout son rôle à l’opinion publique. 7 – Faire du socialisme (non stalinien) un objectif à atteindre.

Autant dire un programme révolutionnaire, qui prend carrément de front les tenants du système qui, de leur côté, ont tous les moyens en main pour s'y opposer. L’environnement ? En plus du réchauffement climatique, comptons sur la déforestation, l’acidification des océans, l’empoisonnement des hommes par toutes sortes de substances chimiques mutagènes, etc. La régulation ? Pour vaincre toutes les résistances, on verra dans 50 ou 100 ans. La science économique ? Il faudrait commencer par déboulonner les doctrines libérales qui font autorité dans l’Université et dans tous les « think tanks » possibles et imaginables (appelons ça la "pensée dominante", voire la "pensée unique"). L’Etat providence ? Qui aujourd’hui, à part Jorion et quelques autres "économistes atterrés", ne tire pas dessus à boulets rouges ? Interdire la concentration de la richesse ? Je crois que les « versements d’intérêts », les « dividendes » et les « bonus extravagants » (p. 223) ont encore de très beaux jours devant eux. 

Bref, on dira que je ne vois que les obstacles, que je suis défaitiste, et tout ça. Soit, mais qu’on me montre, par exemple, les progrès accomplis en Europe pour lutter contre la concurrence salariale ou fiscale entre les pays qui la composent, ou contre la généralisation de l'emploi du glyphosate ou des néonicotinoïdes dans l'agriculture. L’Irlande avec son impôt dérisoire sur les sociétés, le Luxembourg avec ses « rescrits fiscaux », la Bulgarie avec ses travailleurs détachés « low cost », on n’en finirait pas d’énumérer les maux de l'ultralibéralisme économique qui déferlent sur le continent, et qui font de chacun des pays un rival, voire un adversaire de tous les autres. Quel beau modèle d'"Union", en vérité !

La raison du pessimisme qui me fait trouver chimérique le dernier chapitre du livre de Paul Jorion tient peut-être à un tempérament, mais elle tient aussi à quelques lectures (Jacques Ellul, Günther Anders - qui assume les yeux ouverts le renoncement à tout espoir, entre autres). J'avais eu la même impression en lisant La Richesse cachée des nations, de Gabriel Zucman : diagnostic impeccable sur le mal et sur ses causes, propositions et solutions totalement irréalistes. C'est le cas de tous ceux qui, dans le troisième temps de leur raisonnement (vous savez : constat / causes / solutions), commencent à balancer par paquets entiers les "il faut", "on doit" et autres formules comminatoires et vaines. Il y a là du Don Quichotte. Car la raison de mon pessimisme tient encore au regard que je porte sur le rapport des forces en présence et à la conception que je me suis faite, à tort ou à raison, de la notion de système. 

En particulier, je me dis qu’un système (défini comme réseau serré d'interactions, de relations étroites et d’interdépendances multiples) a le plus grand mal à se critiquer lui-même, et encore plus à se corriger lui-même. Il suffit de voir la façon dont le système capitaliste a proprement digéré toutes les critiques qui lui ont été faites depuis ses origines, et annihilé tous les efforts faits, de l'intérieur comme de l'extérieur, pour l'inciter ou le contraindre à changer. La plasticité de ce système semble sans limite : il s'adapte à tout, il avale tous ses contradicteurs, tous ses opposants, et même tous ses ennemis. Il s'est sans cesse renforcé des attaques de ses adversaires, et a jusqu'ici fait son miel de tous les pollens destructeurs envoyés contre lui comme des missiles.

Pour prendre un exemple minuscule qui illustre la chose à merveille, je pense à la micro-controverse qui eut lieu (en 1996) entre Pierre Bourdieu et le journaliste Daniel Schneidermann, qui l’avait invité à son émission télé Arrêt sur image. On peut dire que la télévision est une sorte de quintessence de la "société spectaculaire-marchande". A ce titre, l’émission ayant bien frustré le sociologue, il écrivit pour Le Monde diplomatique un article intitulé "Peut-on critiquer la télévision à la télévision ?", dans lequel il développait une argumentation serrée et pertinente. La réplique du journaliste, dans le numéro suivant, avait été assez basse pour s’en prendre à la personne même de Bourdieu, allant même jusqu'à insinuer, si je me souviens bien, que le sociologue est habité par le fantasme suggéré par la deuxième syllabe de son nom. 

Conclusion : la télévision est un système, lui-même puissant instrument entre les mains du capitalisme, et en tant que tel, elle n’a rien à craindre de qui que ce soit pour continuer à exister. Elle digère tout, puisqu'elle transforme tout ce qui passe par elle en pur spectacle. Accepter d'aller sur un un plateau de télé, c'est devenir par le fait même un rouage du système. C'est apporter sa caution à son organisation (jusqu'à Poutou gardant le sourire pendant que Ruquier et son équipe se foutent de sa gueule ; on peut préférer Dupont-Aignan, n'acceptant l'invitation de telle chaîne que pour pouvoir, tel Maurice Clavel en son temps ("Messieurs les censeurs, bonsoir !"), faire son éclat en quittant le plateau brutalement, mais pour quel bénéfice réel ?).

Tiens, à propos de spectacle, je pense aussi à Guy Debord qui, après avoir voulu détruire en la mettant à nu la dite « société spectaculaire-marchande » dans ses œuvres, à commencer par La Société du spectacle, son maître livre, a laissé des archives que l’Etat français à intégrées sans aucun mal à ses collections institutionnelles au titre de « trésor national ». Ces paradoxes ne sont qu’apparents : tout ce qui fait système est invulnérable aux initiatives individuelles les plus « antisystèmes », et celui-ci se montre en mesure d'augmenter ses propres forces en faisant siennes jusqu'à la substance et à la dynamique de ses plus féroces opposants. 

Cela ne m’empêche pas de saluer bien bas la combativité de Paul Jorion. Je ne sais plus qui (Albert Jacquard ?) a dit : « On ne peut pas changer le monde, mais le peu qu’on peut faire, le tout petit peu qu’on peut faire, il faut le faire ». C’est avoir la foi chevillée au corps. Et j’avoue que je n’aimerais pas voir le jour où Paul Jorion baissera les bras.

Cet homme éclaire le chemin.

Voilà ce que je dis, moi.

jeudi, 11 juin 2015

À LA DÉRIVE

Le plus insupportable, le plus grotesque, le plus abject (ad libitum), dans le spectacle insipide et néanmoins pornographique que nous offrent sans aucune pudeur, jour après jour, les coquelets et poulettes de la basse-cour politicienne qui constituent, nous dit-on, la « classe politique » française, c’est que, dans un camp comme dans l’autre, on a passé à la trappe la nation française. 

Quoi ? Deux entreprises concurrentes se disputent férocement le marché : la France. Leurs programmes respectifs ? A quelques virgules près, c’est le même. Si ce n’est pas exactement le même, c’est le frangin, ou le voisin, ou le cousin. Une pincée de « social » d’un côté, une lichette de « libéral » de l’autre. En dehors de ça, c’est du pareil au même : on navigue à vue, en espérant que les vents soient favorables. On se laisse porter et on croise les doigts. Et puis on cause dans le poste. Beaucoup. Et on fait semblant de faire la guerre à l'autre camp.

En fait ces deux entreprises sont deux « familles », si vous voyez ce que je veux dire. Ce qui les différencie, c’est l’identité du « parrain », le « capo » qui tient les commandes, ainsi que celle des petits chefs et des hommes de main (qu'ils soient à son service ou qu'ils rêvent de prendre sa place). Sur l’essentiel, ils sont interchangeables.Et pour bien faire croire à la galerie qu’il y a deux familles opposées, ils vont jusqu’à faire semblant de se flinguer et de régler des comptes, mais seulement quand ils sont en public : ils jouent les irréconciliables, tout en étant d'accord pour perdre de vue l'intérêt du pays. 

Ils rejouent sans cesse les bonnes vieilles vendettas, mais dans le fond, ce sont larrons en foire. Et l’organisation soigneusement verrouillée des deux familles est la meilleure des garanties contre l’intrusion dans leur jeu de quilles d’un chien venu d’ailleurs (je pense par exemple au pathétique, quoique sympathique Dupont-Aignan ; il y avait aussi Larrouturou, mais où est-il passé ?). Le verrouillage tient en quelques mots : pour entrer dans la « carrière », il faut se mettre au service d’un « suzerain » à qui on « prête allégeance ». UMP et PS se sont entendus pour reconstituer la structure sociale qui porte le nom, dans les manuels d'histoire, de Féodalité.

Si le suzerain a la bonté de vous « adouber » comme « vassal », qu'il vous met « le pied à l'étrier », qu'il vous confie ou qu'il vous lègue un « fief », l’avenir est à vous : si vous savez bien manœuvrer, négocier et satisfaire avec constance vos clients électoraux, dans quarante ans, vous serez toujours en place, vous ferez partie des inamovibles et des incontournables (pour la prochaine présidentielle, ça ne vous semble pas incroyable qu'on parle d'Alain Juppé, entré en politique en 1976 (= 40 - 1), comme d'un candidat possible ?). 

En vérité, la vie politique en France est morte et enterrée. La dictature couplée des compétitions technologiques et économiques (la première déterminant la seconde), dans le monde globalisé, l’a fait disparaître corps et biens, au profit d’acteurs plus voraces les uns que les autres, qui n’ont à la bouche que les mots de performance, de rendement, de compétitivité, de réduction des coûts et autres assaisonnements euphémisants pour traduire le mot "guerre". 

Oui, la vérité, c’est que les élites politiques françaises sont intimement persuadées que c’est l’économie qui fait la société. C'est peut-être ça qu'ils apprennent à l'ENA. Mais c’est exactement le contraire. Appelez ça comme vous voulez, Etat, Nation, Société : quand ça existe vraiment, quand c’est vivant, le reste découle de soi-même, et c'est l'économie qui obéit à la politique, dominée par une force supérieure. On sait qu'on existe, on a conscience de faire partie d'un corps. C’est peut-être ça le plus inquiétant : c’est désormais l’économie qui est aux commandes et qui décide de tout. Et les politiques de tout bord (en ce moment les socialistes) se bousculent pour se mettre à genoux et faire des gâteries aux braguettes patronales. La France est aujourd'hui une entité dévitalisée. 

C'est l'économie qui fait croire aux naïfs que c'est elle qui détient les clés du salut. On voit les dégâts. Et on n'a pas fini de les constater. En réalité, l'économie, si elle est indispensable à la société, est malfaisante quand elle est seule aux commandes, pour la simple raison qu'elle est démunie de ce qui fait une société : appelez ça l'âme, l'esprit, la volonté commune, peu importe. L'économie, c'est comme l'argent : c'est un bon serviteur, mais un maître détestable.

Car l’impuissance persistante des personnels politiques à redresser les comptes nationaux révèle deux choses : 1- Leur complicité et leur servilité objectives avec les principales forces économiques du pays ; 2- Leur renoncement, je ne dirai même pas à « se faire une certaine idée de la France » (reviens, Charlot !), mais carrément la veulerie de leur oubli de la France en tant que pays. 

La vision qu’il faut avoir de la France si l’on veut tenter de la faire exister un jour est, dans leur esprit, à l'heure actuelle, plus désertique et stérile que le Sahara. La feuille blanche. Droite et gauche partagent avec force ce vide existentiel. Là-dessus, les deux camps font semblant de s’affronter sur des idées incompatibles, alors qu’ils ne font que lutter pour les « places » (combien coûte le CSA, monsieur Olivier Schrameck ? Combien, la Cour des Comptes, monsieur Didier Migaud ? Combien coûtent, messieurs Sarkozy et Hollande, tous les sondages, tous les "observatoires", tous les machins mis en place pour recaser les infortunés de la carrière ou des aléas électoraux ?).

Et pour aggraver la chose, comme ils jurent leurs grands dieux, à la prochaine alternance, de faire table rase de tout ce qu’a pu faire l’autre pendant qu’il était au pouvoir, la France est réduite à faire du sur-place. C'est-à-dire à s'enfoncer, lentement et sûrement. Cet antagonisme factice aboutit de fait à la paralysie : faire et défaire, c’est toujours travailler, non ? 

Voilà l’état dans lequel je vois mon pays. 

Voilà ce que je dis, moi. 

vendredi, 30 mai 2014

ENFONCER LE CLOU

Le Front National est donc un Grand Diable qui effraie les bonnes gens. Et nous sommes bien d'accord : ce parti composé de jean-foutres incompétents et de gens possiblement dangereux dans des proportions que je ne connais pas (d'autant que certains cumulent : aucune loi n'interdit à un incompétent d'être en même temps dangereux), je ne souhaite à personne qu'il arrive un jour au pouvoir.

Il faut donc partir en guerre contre le Front National, c'est entendu, toutes les belles âmes nobles sont d'accord. La grandiloquence est de saison. Ce ne sont, dans tous les médias, qu'éditoriaux lyriques dressés comme des étendards et chroniques politiques analysant gravement le phénomène (Gérard Courtois, dernièrement, dans Le Monde). Jusqu'à des chanteurs (Biolay, Noah, ...) qui n'hésitent pas à engager leur popularité dans la lutte. Je n'hésite pas à applaudir. Quel cran ! Quel courage ! Si possible sous l'œil des caméras, parce qu'il ne faut rien perdre.

Je ne doute pas a priori de la sincérité de ce chœur quasi-unanime autour d'une cause présentée comme sacrée. Laissons-leur le bénéfice de la bonne foi. Mais je crois que ce chœur des pleureuses ressemble d'assez près à un  chœur de chèvres, et qu'il ne tombe que des petites boules noires et sphériques de leur bouche de derrière.

Tous ces gens bien intentionnés, en dressant un beau pilori pour y clouer ce parti d'extrême droite (est-ce bien sérieux ? Les gens ont-ils oublié ce que c'est, un vrai facho ?), évitent soigneusement de regarder en face le cœur du problème, comme s'ils voulaient vider à la petite cuillère la marée montante - dans on ne sait quel récipient virtuel.

Certains parlent de « cordon sanitaire », d'autres de « front républicain ». Ah les braves gens ! Ah oui, combattons le Front National. Par malheur, ils commettent l'erreur de confondre les moulins à vent avec des géants. Ils font comme les Dupondt dans Tintin au pays de l'or noir, ils prennent un mirage pour une réalité. Plus grave : plus ils crient au loup, plus ils lui donnent de la consistance, au mirage. Et plus celui-ci prend le chemin de devenir une réalité, sur laquelle les Dupondt s'écraseront le nez.

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Plus nos hommes politiques sont minables, plus Marine Le Pen devient quelqu'un. Car tous ces braves gens se trompent de cible, et leurs hurlements agissent comme un rideau de fumée : ils dissimulent la vérité sans modifier les choses en quoi que ce soit. Tous ces braves gens croient-ils sincèrement qu'un phénomène comme l'émergence du FN est dépourvu de causes ? En s'en prenant au FN, on s'attaque (on fait semblant ?) à l'effet, en prenant bien soin de laisser les causes parfaitement intactes et à l'abri de la vindicte populaire qui, pas dupe, ne trouve dès lors que cette issue pour s'exprimer.

Ces causes, moi qui ne suis pas politologue (il n'y a pas de sot métier, mais il y a des professions vraiment débiles !), j'en vois quelques-unes, mais la principale, je crois qu'elle crève les yeux. Au risque de me répéter, je ne la crois pas située ailleurs que dans l'infinie médiocrité, la bassesse intrinsèque des hommes politiques qui nous gouvernent ou qui prétendent le faire bientôt. Si le succès du FN comporte un enseignement, je le formulerai ainsi :

AU ROYAUME DES LILLIPUTIENS, LES NAINS SONT ROIS.

Je laisse deviner qui compose la troupe des Lilliputiens et qui est le nain (en l'occurrence, la F Naine). La caractéristique principale de toute cette population de soi-disant responsables est une impuissance générale à modeler le réel pour le bien de tous. Or le façonnage de la réalité humaine, collective, cela porte un nom : cela s'appelle la POLITIQUE. La France, pour ce qui est des idées politiques, est confrontée à un vide sidéral. C'est d'ailleurs une des raisons qui font le succès du FN : c'est juste que le contraste est saisissant, et que, du coup, il a l'air d'en avoir, des idées (mais s'il y avait une « pensée Front National », ça se saurait).

Les hommes politiques qui président aux destinées des deux grands « partis de gouvernement » ont soigneusement cadenassé un système dont ils ne sont que la partie émergée, et veillent comme des Cerbère à ce que nul talent véritable, cultivé dans un autre pot que celui dont ils sortent, n'acquière assez d'ampleur pour devenir un rival potentiel. Ce sont des arbres rabougris, poussés sur des terres pauvres en substances nutritives, qui craignent qu'un jour la vaste ramure d'un majestueux chêne pédonculé se dresse au-dessus d'eux pour leur faire de l'ombre.

Ces hommes ont mis la classe politique en coupe réglée. Des gens comme Dupont-Aignan ou Larrouturou, qui proposent des solutions originales (qui valent ce qu'elles valent, je n'en sais rien), n'ont aucune chance, sur ce terrain méticuleusement quadrillé, d'arriver à des responsabilités tant soit peu notables. Aucune chance de « jouer leur partition », faute d'avoir fait allégeance à qui de droit.

Hollande, Sarkozy et consort, en achetant les allégeances avec les talents, siphonnent l'eau du vivier politique français, et assèchent avec acharnement toute source qui risquerait de lui redonner vie. Avec le règne sans partage du PS et de l'UMP sur la vie politique française, l'émergence du Front National est la preuve qu'il n'y a plus de vie politique en France.

Et le FN peut impunément s'amuser à récupérer quelques slogans qui font la base de bon sens d'une démocratie bien conduite, que l' « UMPS », réfugié lâchement au fond de ses cuisines à touiller ses petites tambouilles, leur a abandonnés.

Dans ces conditions, il faut être singulièrement gonflé pour ériger, comme Manuel Valls l'a fait dernièrement, le Front National en menace pour la France. Si des hommes politiques dignes de ce nom existaient dans notre pays, le Front National resterait la petite crotte nauséabonde qu'il était à son origine.

Et je me rendrais au bureau de vote avec - enfin -  la certitude de servir à quelque chose (n'exagérons rien, un quarante et quelques millionième de voix), comme les 58 autres % qui ont boycotté les dernières élections, qu'ils aient agi par paresse, indifférence ou conviction.

Voilà ce que je dis, moi.

Note : Le lecteur de ce billet aura remarqué, et son goût peut-être été heurté par le caractère abondant et désordonné que j'y fais de la métaphore. Je le prie d'excuser ce moment de faiblesse. 

 

vendredi, 17 mai 2013

RECAPITULONS 1

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***

 

Récapitulons :

 

UN : La « Société » est devenue une abstraction, dénuée à ce titre de toute consistance vivante. Les gens qui vivent quand même à sa base essaient vaille que vaille d’y remédier en se groupant par centres d’intérêt (collectionneurs de timbres, amicale bouliste des cheminots, etc.)  ou pour défendre des intérêts particuliers : malades du lupus érythémateux (AFL, vous pouvez vérifier mes sigles), peau noire (CRAN), sexe féminin (collectif la barbe, chiennes de garde ou, plus récentes, les ″femens″, etc.), sexe orienté homo (LGBT, Act Up, etc.), usagers des transports (AUT) ou de l’administration (ADUA), victimes des sectes (ADFI), et tutti quanti.

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On appelle ça des « Associations loi 1901 ». Si je me permets de juger préoccupante leur prolifération, c’est pour la raison discutable mais impérieuse qu’on peut y voir le signe d’une décomposition du « corps social » dans son ensemble, les gens se rassemblant justement pour défendre, qu’on le veuille ou non, des intérêts particuliers. Plus il y a d’associations, ai-je dit, moins il y a de société (dit autrement : d’ « intérêt général »). 

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On pourrait en dire autant des « Organisations Non Gouvernementales » (ONG). Chacun en pensera ce qu’il voudra, mais selon moi, quand c’est une association qui agit sur un terrain (Restos du cœur, Banque alimentaire, Médecins sans frontières, etc.), c’est qu’il y a substitution de l’action privée à l’action publique, provoquée par la démission de celle-ci.

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L'action privée des associations repose qui plus est sur le bénévolat. Mais des millions de bénévoles, cela suffit-il pour « recréer du lien social » ? Je dirais plutôt que le bénévolat est la preuve de la disparition du lien social. Les « hommes de bonne volonté » sont nombreux, mais l'adversaire est trop puissant. Et qu'on ne me parle pas de l'action militante. J'aimerais me tromper.

 

DEUX : Dissolution de tous les symboles fédérateurs qui permettraient aux Français de « faire société ». J’ai pris l’exemple de la nation française, dont on peut dire qu’elle n’existe plus que dans le rétroviseur de générations plus ou moins vieillissantes. Dans les faits, la nation s’évanouit dans les bras de l’incertaine Europe, dont les « directives » imprègnent d’ores et déjà 60 % des lois « françaises ». Au reste, ne suffit-il pas d’entendre certains (Nicolas Dupont-Aignan, Jean-Pierre Chevènement, et quelques autres) se faire traiter de « souverainistes », insulte méprisante dans la bouche de ceux qui prononcent le mot.

 

« Espèce de souverainiste ! ». Se déclarer ou être déclaré tel, c’est être catalogué partisan du passé, inscrit au fichier des grands nostalgiques, féroce et indécrottable adversaire du moderne et de l’indifférencié. C’est même pire : accepter de passer pour un facho, crispé sur l’improbable souvenir d’une « identité nationale » désormais périmée, et rangé parmi les épigones du Front National. Et ça, ba-caca, c'est horriblement vilain, les associations en ont décidé ainsi.

 

On pavoise encore pour la forme les mairies et autres édifices officiels, mais qu’est-ce qu’elle est devenue, la symbolique du drapeau ? Qu’est-ce qu’elle est devenue, la « patrie-des-droits-de-l’homme » ? Qu’est-ce qu’elle est devenue, la « fierté-d’être-Français » ?

 

Par là je ne veux pas dire qu’il faudrait être fier de ça. Je dis juste que s’il n’y a plus aucune raison d’en être fier, c’est que la chose a perdu son sens. Et que la France, après sa défaite définitive, a signé l’acte de capitulation sans condition par lequel elle se remet pieds et poings liés, entre les mains des modernes forces d’occupation. Et cette fois, les collabos ont pignon sur rue.

 

Comme symbole fédérateur, j’aurais tout aussi bien pu prendre l’exemple de la démocratie représentative, dans laquelle j’ai personnellement cessé de croire depuis déjà quelque temps. Mais je suis loin d’être le seul à m’abstenir d’aller voter aux élections, quelles qu’elles soient. Les journalistes sont satisfaits quand l’abstention ne dépasse pas 30 % : un tiers de déchet ne leur semble pas trop catastrophique, pour dire si le ver a déjà bien croqué dans le fruit.

 

TROIS : ... Ah non, je vois que ça fait trop long. Il faut donc que je procrastine. A demain.

 

Voilà ce que je dis, moi.