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mardi, 14 juillet 2020

LES PERVERS PÉPÈRES DE L'HUMANITAIRE

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C'est entendu, tous les gens qui interviennent sur toutes sortes de terrains dangereux dans l'excellente et insoupçonnable intention de venir au secours de toutes sortes de populations en butte aux tracasseries de leurs dirigeants ou aux bisbilles plus ou moins militaires et destructrices que ceux-ci entretiennent à plaisir avec des adversaires plus ou moins agressifs, tous ces gens sont admirables. Ils sont indubitablement du côté du Bien (le Grand, vous savez, celui qui n'ambitionne que d'étendre son "Empire").

On peut néanmoins rester perplexe quand on observe les effets pervers provoqués par l'énorme machine humanitaire, qui essaie vaille que vaille, en comptant sur la générosité d'autres populations – plus favorisées par le destin, celles-ci, et qui regardent à la télé les informations affligeantes qui accourent de partout –, de se tenir à la hauteur des malheurs du monde et de dresser à la petite cuillère un barrage contre l'océan des calamités qui s'abattent sur des gens dont, non contents de ne rien avoir pour se défendre, le seul bien est la déveine de vivre sous des cieux par trop incléments.

La première observation à faire, depuis les ébauches inaugurales de structures humanitaires et autres futures "O.N.G." (M.S.F. est né, me semble-t-il, lors de la guerre du Biafra au début des années 1960, je laisse à part la Croix-Rouge), est précisément que plus ces organisations se sont développées, plus les malheurs du monde ont augmenté. Comment est-ce possible ?

Ce qui était au départ un louable élan de générosité et de solidarité est devenu, disons-le, une grosse industrie en parfait ordre de marche. Une composante à part entière d'une réalité de plus en plus complexe, de plus en plus dangereuse, de plus en plus invivable pour une part croissante de l'humanité. C'était en fait le piège diabolique tendu par le côté obscur de la force qui caractérise l'action humaine aux éclats de lumière altruistes spontanément exprimés dans l'abstrait par les humains, quand ils sont "éloignés du théâtre des opérations". 

Coluche a eu beau n'espérer que la dissolution de son association pour cause de disparition des problèmes, force est de constater que, quelques décennies plus tard, les "Restos du Cœur" n'ont jamais été aussi éloignés du jour futur de la dissolution, et qu'au contraire ils ne sont appelés qu'à croître et embellir à mesure que se déchaîne le chaos du monde qu'on croyait "organisé".

Certes non, l'action humanitaire n'est pas en elle-même la cause de l'aggravation des situations. Probablement non. Enfin disons ... pas directement. Sans vouloir taquiner les susceptibilités, j'invite quand même tous les bons cœurs et les belles âmes altruistes qui se mobilisent et investissent de leur temps ou de leur argent dans « l'action humanitaire » à réfléchir aux résonances d'une phrase que j'ai entendue le 2 juillet dernier, en conclusion (18h58') d'une émission "Le Temps du débat" (Emmanuel Laurentin, France Culture). Je ne connaissais pas Madame Monique Chemillier-Gendreau, mais on comprend très vite qu'elle a un jugement tout à fait sûr. Voici ce qu'elle déclare quand l'animateur lui demande de conclure :

« L'humanitaire, c'est le Service-après-Vente des marchands d'armes ».

Méditez bien cette phrase : elle va loin. Et retenez ce nom : Monique Chemillier-Gendreau. Cette phrase me semble porter une VÉRITÉ éblouissante. Ce qu'elle dit ? Que non seulement l'action humanitaire ne remédie à RIEN, mais qu'elle est au service des fous sanguinaires et autres fauteurs de guerre qui se disent qu'après leur passage, les larbins passeront avec la serpillière pour nettoyer le champ de bataille de toutes les saloperies qu'ils auront commises. L'humanitaire donne champ libre au cynisme des pouvoirs. L'action humanitaire n'est pas sans effet, et les grands méchants loups de la planète l'ont bien compris : ils délèguent à des sous-traitants le traitement des conséquences de leurs cruautés. N'est-ce pas un proverbe chinois qui dit : « Intervenir dans le réel modifie le réel » ?

A la limite, je dirais que les humanitaires sont complices des crimes auxquels ils proclament que leur action prétend remédier. Pourquoi ? Parce qu'ils ont opéré une sorte de division du travail entre les criminels professionnels et les sauveteurs professionnels : "à vous le boulot de mort, à nous les pansements". Naïveté congénitale, angélisme niais, aveuglement buté, optimisme fanatique, voilà ce que c'est, les vertus des humanitaires. A leur place, vous savez quoi ? Non seulement je ne ferais pas le fier, mais j'aurais honte et j'irais vite me cacher.

Et surtout, après cette trop longue invasion de peste émotionnelle et sentimentale, due pour l'essentiel à l'hyperinflation médiatique, je me remettrais à penser le monde politiquement, et non à partir de bêtes considérations affectives. Car l'hyperinflation de l'humanitaire à laquelle on assiste signifie une chose simple, une chose triste, une chose tragique : l'impuissance et la démission du politique dans la marche du monde. L'humanitaire est la négation du politique.

L'espace et le volume toujours plus considérables occupés sur tous les écrans par l'action humanitaire reflète en réalité l'affirmation unanime des Etats les plus puissants de la planète de la primauté absolue de leurs seuls intérêts sur toute autre considération : seules comptent leur richesse, leur puissance, leur domination. L'humanité est entrée – depuis déjà un certain temps (fin de la guerre froide ?) – dans une logique d'affrontement. Finie la coopération, terminées l'O.N.U, l'O.M.S., la F.A.O. et tutti quanti : juste quelques milliers de fonctionnaires internationaux grassement payés.

L'humanitaire peut courir longtemps derrière ce genre de divisions blindées en train de s'affronter pour la sécurisation (= l'accaparement) des ressources. Finalement, j'ai pitié des humanitaires et je suis effrayé du désespoir dont ils sont l'expression la plus spectaculaire.

Voilà ce que je dis, moi.

P.S. : Pas besoin, j'espère, d'en appeler aux Mânes de Gotlib pour expliquer le titre de ce billet. 

mercredi, 21 mars 2018

THERMOMÈTRE HUMANITAIRE

25 octobre 2016

Lettre ouverte à ceux qui pensent que ça va aller mieux.

Pour avoir une idée de l'état de santé du monde, je propose de prendre sa température. Pour cela, pas de meilleur thermomètre que de constater la prolifération des lieux en état d'urgence humanitaire.

Quand il a fondé les « Restaurants du cœur », en 1985, cette structure reposant pour la plus grande part sur la générosité de la population et sur le bénévolat militant, Coluche rêvait du jour où ils seraient appelés à disparaître. Il pensait que ce jour-là, on n’aurait plus besoin de cette béquille conçue pour apporter à ceux qui n’ont presque rien de quoi manger.

Coluche rêvait en effet. Dans sa naïveté (!), il ne voyait pas (ou plutôt faisait semblant) que ce qui était en train de se mettre en place, c’était un système global, pour dire vite, ultralibéral et impitoyable, faisant du commerce des biens le nec plus ultra de la civilisation mondialisée, et de la dérégulation de tout ce qui pouvait l’entraver une nécessité absolue.

Résultat, trente ans après, le nombre des gens qui ont besoin des Restos du cœur a explosé. Plus fort encore : d’autres associations s’y sont mises, comme la Banque alimentaire, en plus de celles dont c’était déjà le « métier » (Secours populaire, Secours catholique, Emmaüs, etc.). La pauvreté en France n’a cessé de croître, pour atteindre en 2013, selon l’INSEE (vérifié sur le site), le nombre ahurissant de 8,6 millions. Et François Hollande nous déclare "les yeux dans les yeux" que « la France va mieux ». Pour s'assurer de la justesse du diagnostic du docteur Hollande, il suffit d'imaginer ce qui se passe le jour où les associations qui s'occupent des pauvres cessent de fonctionner. Pas besoin, j'espère, de faire un dessin.

Même chose dans tous les pays riches : l’anglais a inventé l’expression « working poors » pour désigner ces gens qui parfois ne gagnent pas de quoi payer un logement, et qui habitent dans leur voiture. Résultat, les urgences se multiplient, les intervenants (plus ou moins désintéressés) prolifèrent, les appels aux dons affluent de tous les horizons. Et il suffit de se promener sur le plateau de la Croix-Rousse pour constater que les mendiants de toutes sortes sont de plus en plus nombreux.

Il n’y a pas besoin de lire les 900 pages de Le Capital au 21ème siècle de Thomas Piketty (ce que je ne suis pas mécontent d'avoir pourtant fait) pour savoir que les inégalités entre les plus riches et les plus pauvres sont de plus en plus criantes, quoi qu’en disent les moyennes obtenues par le moyen des statistiques, qui voudraient nous convaincre que, globalement, « la pauvreté a reculé dans le monde ».

Voilà donc le thermomètre que je propose pour prendre la température de l’état du monde : regarder le nombre des associations humanitaires qui se sont fondées dans le monde, les effectifs des gens qui agissent en leur sein, la taille des populations au secours desquelles elles interviennent. Les humanitaires se démènent comme des diables en Grèce, à Lampedusa, à Calais, et ne savent plus où donner de la tête. Le bénévolat (ce travail gratuit dont Le Monde a souligné récemment qu'il est "créateur de valeur") est en plein essor. J'imagine le jour où un tiers de l'humanité viendra au secours d'un autre tiers, exclusivement composé de victimes d'un troisième tiers, celui des bourreaux. Belle répartition des rôles en perspective.

S’il fallait mesurer la bonne volonté des hommes sur terre, il n’y aurait apparemment aucun souci à se faire, il suffit de regarder le Téléthon, et les innombrables opérations à visée altruiste (par exemple "courir pour elles"). Trois références suffiront à le prouver : 2004 à Sumatra, 2010 à Haïti, 2015 au Népal. La bonne volonté des hommes sur terre est si grande que les canaux acheminant les secours se retrouvent engorgés et les secours eux-mêmes passablement désorganisés. Haïti, à cet égard, fait office de caricature, tant les ONG, les associations humanitaires, l’ONU et autres se sont marché mutuellement sur les pieds dans un désordre proche de l’anarchie.

Ce n’est donc pas un problème de bonne volonté, et l’altruisme a de beaux jours devant lui, quoi qu'on en pense. Mais s’il en est ainsi, il est permis de se demander comment on en est arrivé là.

Comment il se fait que les associations à visée humanitaire ont continué à pulluler et les grandes ONG humanitaires à croître comme des start-up, jusqu’à devenir des multinationales puissantes, opérant leur recrutement de cadres dirigeants dans les grandes écoles, et managées comme des entreprises entrées en concurrence, jusqu’à rendre quasi-automatique aujourd’hui le recours des journalistes à un vocabulaire devenu facile parce qu’il semble évident, mais qui ne l’est pas du tout (« humanitaire », « associations », « ONG »). Et jusqu’à rendre haïssable le vocable même d’ « humanitaire » par saturation.

Comment en est-on arrivé là ? Mais c’est juste que le monde, ignorant superbement les appels à la « fraternité » (ah qu'elle est belle, la campagne pour la « fraternité générale » lancée actuellement !), à la « solidarité », à l’interdiction de toute « discrimination », de tout « amalgame », de tout « racisme », de toute « xénophobie », en gros toutes les pommades verbales qu’on répand sur les plaies ouvertes dans l’espoir de bâillonner les souffrances, ce monde, qui a pour tort unique d'être le monde réel, persiste dans sa volonté de faire le mal et, contre toute raison, d'étendre, d'approfondir et d'accentuer ce mal.

Moralité : les incantations comminatoires à base de grands mots et de « nos valeurs » sont devenues des gadgets, des hochets puérils, totalement déconnectés de la réalité, ce qui est après tout le propre de l’incantation. Le pire, c’est que ceux qui, refusant de manier la pommade consolante, s’entêtent à mettre les vrais mots sur les choses, sont renvoyés d’office aux poubelles de l’histoire, notés d’infamie sous les appellations aussi aisées qu’indémontrées de « conservateurs », de « réacs », quand ce n’est pas de « fachos ».

Le compassionnel est devenu un aboiement d’adjudant. L’émotion est devenue un mode de gouvernement (de domestication) des masses. Plus le monde va mal, plus ceux qui disent qu’il va mal se muent en boucs émissaires, qu’une magie sémantique métamorphose sous nos yeux en « bourreaux » de « victimes » innocentes. Il faudrait pourtant voir les choses en face, et se demander pourquoi le monde a de plus en plus besoin de l'humanitaire.

La vraie fonction de l’humanitaire est, en fin de compte, de cacher aux foules la nature épouvantable du monde qui est en train d’advenir. C’est une sorte de division du travail : aux uns (Monsanto, Apple, E.I., Assad, Poutine, …) la Terreur et le Mal, aux autres (ONG, humanitaires, altruistes, tous les Pangloss, tous les "rassurants", tous les "consolants", …) les pansements sur les jambes de bois. Les infirmiers de la catastrophe prennent le plus grand soin à « ne jamais prendre parti ». Au prétexte que ça les disqualifierait auprès des belligérants, qui les accuseraient de travailler pour leur ennemi. Comme si on admonestait Satan parce qu'il fait le Mal, alors que c'est précisément ce pourquoi il existe : « C'est pas bien, mon petit, de faire le Mal. Allez, ça ira pour cette fois, mais ne recommence pas. ».

C’est-à-dire qu’ils se condamnent à ne jamais nommer les causes du Mal. Ils s’interdisent par principe toute analyse un peu politique. Ils ont la tête dans le guidon et le nez au ras des pâquerettes (ils ont un dos d'une souplesse à toute épreuve). Ils s'en tiennent au service d'urgence, de plus en plus saturé. Cette façon de faire a pour effet de s’en tenir au traitement de la conséquence (les souffrances), en ne se mêlant surtout jamais de la cause (la cruauté, la guerre). 

Le monde humanitaire est un hôpital. « Surtout ne nous mêlons pas de ça ! », geignent-ils sur les plateaux de télévision. Et d'en appeler au « crime de guerre » chaque fois qu'un hôpital est pris pour cible très intentionnelle par les bombardiers. Ils en sont ainsi réduits à l’imprécation incantatoire : « Comment peut-on être d’une telle cruauté ? ». Avec gémissements aigus et suppliques à Poutine (qui se marre bien, sous son masque d'impassibilité). Une variante sans doute des Suppliantes (Euripide). Aujourd'hui le beau rôle.

Les associations et ONG humanitaires, en s’interdisant d’intervenir sur autre chose que les malheurs, la souffrance des gens, se coupent les bras face à l’origine du Mal. Réduites à l’impuissance, réduites au traitement des urgences, elles assistent, comme nous tous, à la montée de la violence dans le monde. A cet égard, l’humanitaire constitue un thermomètre crucial. Un symptôme si vous voulez. Car pendant qu'on nous bombarde de cris d'alarme, les causes du malheur bombardent les populations. Et moi, qu'est-ce que j'y peux ?

C'est certain, la prospérité des organisations humanitaires est directement proportionnelle à celle des malheurs dans le monde. De quoi se demander si les situations seraient pires si les ONG et autres associations caritatives n'existaient pas. Car cette prospérité seule devrait, en soi, alerter les gens ordinaires. Qui devraient se dire qu'il y a de la dénégation du réel dans le réflexe humanitaire.

Faire appel à l'émotion, à l'empathie et aux bons sentiments, comme nous y invite l'humanitarisme à tout crin (« Mais on ne peut pas rester là à savoir ça et à ne rien faire ! Il faut faire quelque chose ! »), c'est nier la réalité bien concrète des intérêts et de la géopolitique.

C'est vouloir vider l'océan à la petite cuillère pour le vider dans le tonneau des Danaïdes.

Il faut redire ce que disait Coluche au début des Restos du cœur : c'est quand toutes les associations humanitaires seront devenues inutiles et amenées à disparaître que l'humanité pourra se dire sans risque d'erreur qu'elle « va mieux ». En attendant, il y a du mouron à se faire.

Voilà ce que je dis, moi.

mercredi, 07 février 2018

DOCTEUR, COMMENT VA LE MONDE ?

Des nouvelles de l’état du monde (18).

Le monde va-t-il bien ? Le monde va-t-il mal ? Le débat fait rage (un de plus, dira-t-on, voir au 2 février). Les uns ne voient, selon les autres, que le côté heureux des choses, sont heureux du monde dans lequel ils vivent et disent du mal de Michel Houellebecq. Les autres souffrent, selon les uns, d’une sinistrose chronique aiguë, trouvent inquiétant tout ce qui arrive et sont allergiques à Michel Serres, le « ravi de la crèche ».

Bien entendu, « les uns » et « les autres » se toisent, s’affrontent, s’invectivent et ne peuvent supporter de voir applaudir leurs adversaires. Pour « les uns », « les autres » sont d’insupportables pessimistes, tandis que l’optimisme des premiers apparaît aux seconds comme d’indéfendables béatitudes. « Les uns » détiennent des richesses actives de créativité, « les autres » possèdent la sagesse imperturbable de la lucidité. Peut-être une version modernissime de la concurrence entre les partisans de l'"action" et le adeptes de la "connaissance" (vieilles catégories de la philo en classe de terminale) ? Une nouvelle mouture du combat des Voraces contre les Coriaces ? Comment savoir qui a raison ?

Je crois que c’est assez simple. Comme dans la médecine, il s’agit de mesurer assez objectivement une température ou une pression artérielle : plus la température augmente, plus la pression monte, plus il faut s’inquiéter, c’est proportionnel. On est à l'affût de la moindre anomalie ; on guette l'AVC, l'infarctus, la rupture d'anévrisme ; on scrute les appels à l’aide, on entend les cris des lanceurs d’alertes. On a l’œil sur les signaux, on note leur fréquence et leur intensité. Dès lors, on a une idée approximative de l’amélioration ou de l’aggravation de l’état du malade. Je propose de limiter notre étude à quatre symptômes.

1 – Le symptôme humanitaire.

Tout le monde a l'air de trouver normal qu'il existe aujourd'hui des organisations qui se sont donné pour but de sauver les humains auxquels il arrive des malheurs. J'en déduis que tout le monde trouve normal qu'il arrive des malheurs. Il faut pourtant le dire bien fort : il n'est pas normal qu'il y ait de l'humanitaire. L'existence même des organisations humanitaires, et surtout leur omniprésence sur toutes sortes de terrains et dans tous les canaux médiatiques est un très mauvais signe.

L’idée est simple : plus vous avez d’intervenants humanitaires, d’associations de bénévoles, d’ONG plus ou moins puissantes engagés sur le terrain, plus ça veut dire qu'il y a urgence : le nombre des sauveteurs permet de mesurer le malheur. Mais la taille des camps de réfugiés répartis sur la surface du globe et l’importance des populations contraintes ou désireuses de quitter leurs terres pour des ailleurs moins sombres sont également de bons indicateurs.

Prenez la Birmanie, charmant pays exotique bourré de bouddhisme et de bouddhistes qu’on nous présente en général comme des modèles de tolérance et de pacifisme. Résultat : 650.000 réfugiés dans des camps au Bangla Desh voisin. L’aimable junte birmane, incitée par une grande humaniste qui a eu le prix Nobel de la paix, leur promet qu’ils peuvent rentrer chez eux, à condition qu’ils puissent prouver leur identité et leur lieu d’habitation, étant entendu que les éléments de preuve et les lieux ont été soigneusement détruits au préalable, par le fer et par le feu.

Prenez le Yemen, charmant pays bourré d’islams divers et de corruptions variées qui s’opposent militairement, qu’on présentait il n’y a pas si longtemps comme un paradis pour touristes (il est vrai que certains étaient invités à prolonger leur séjour jusqu’à paiement d’une rançon). L’ambiance éminemment fraternelle qui règne aujourd’hui dans le pays a ouvert la porte à une société principalement fondée sur le choléra et, dans un avenir très proche, sur la famine.

Prenez le Kasaï, province congolaise, où se commettent allègrement découpages à la machette de fœtus extraits du ventre de leur mère, plantages d’objets tranchants ou contondants dans le vagin des femmes, dévorations et autres cruautés. On avait lu les mêmes choses en 2012 (cf. 30 novembre), quand le naïf docteur Mukwege (« l'homme qui répare les femmes ») avait installé une maternité dans le nord-Kivu, autre province congolaise, qui était très vite devenue, par la force des événements, un atelier de réparation des femmes torturées et violées. Il y a depuis 1999 des casques bleus de l’ONU en mission (MONUC, puis MONUSCO) quasi-humanitaire en RDC (17.000 actuellement). En pure perte : il y a trop d’appétits voraces sur ces terres et trop de coltan (ou d'or, ou de niobium, ou d'étain, ...) en dessous pour que la paix puisse régner. Il y a même des casques bleus qui paient cette paix-là de leur vie.

Prenez les camps ouverts au Tchad pour les plus de 200.000 réfugiés définitifs du Darfour (trois provinces à l’ouest du Soudan). Prenez les camps de Dadaab au nord du Kenya, où s’entassent 500.000 réfugiés définitifs venus de Somalie pour échapper à la guerre. Prenez les 2.000.000 de Palestiniens installés au Liban ou en Jordanie avec le statut de réfugiés définitifs. Prenez les îles de Nauru et Manu, qui servent au gouvernement australien de poubelles à migrants. Prenez la Turquie, la Syrie, l'Irak, l'Afghanistan, mais aussi la Jordanie, le Liban, la Libye, le Sinaï, le Sahel, la Somalie, … Prenez … Prenez … Prenez ...

Prenez, en France à présent, face à la foule de ceux qui n’ont pas assez d’argent pour manger tous les jours, se démener les foules caritatives et humanitaires du genre Banque alimentaire, Secours Populaire, Secours catholique et autres associations. Prenez les Restos du cœur, dont Coluche espérait, en les fondant, les voir disparaître un jour, et qui n’ont cessé de croître et embellir avec le temps, passant de 8,5 millions de repas distribués en 1985-1986, année de fondation, à 136 millions en 2016-2017.

J’hésite presque à parler de Calais, où les Anglais laissent la France, avec un flegme imperturbable, patauger dans l’innommable merdier qu’ils ont réussi à lui refiler (accords du Touquet, 2003, Chirac-Sarkozy), déclenchant au passage une petite guerre civile où s’affrontent les troupes humanitaires françaises et les troupes françaises du ministre de l’intérieur, pendant que s’affrontent à coups de feu passeurs érythréens et afghans. La France porte injustement le fardeau de ce merdier (ne pas confondre avec le "fardier de Cugnot") légué par l'Angleterre.

Je note que ce ne sont pas les bonnes volontés qui manquent pour intervenir sur le terrain, que ce soit en Europe (Grèce, Italie, Espagne, France), en Afrique, au Proche-Orient : plus le nombre des gens qui ont besoin qu’on leur porte secours augmente, plus la générosité populaire se manifeste (du moins on le souhaite). Plus s'allongent les colonnes de réfugiés, malheureux, démunis, misérables, SDF dans le monde, plus prospèrent les rangs des troupes humanitaires. Aussi est-ce moins cette générosité qui m’inquiète que les situations et événements qui l’ont rendue à ce point nécessaire : l'humanitaire n'est qu'un effet induit des situations et événements. Quel est le degré maximum d'urgence humanitaire que l'humanité est capable de supporter ?

Alors, docteur, comment va le malade ? Votre diagnostic sur le symptôme humanitaire ?

A suivre prochainement : les symptômes 2-planétaire, 3-inégalitaire, 4-mercenaire.

lundi, 30 mars 2015

IL N’Y A PAS DE "SCIENCE ÉCONOMIQUE"

2/2

Je parlais de l'infirmité des pompeusement nommées « Sciences Humaines », qui ne portent le nom de sciences que par abus de langage. L'expression porte probablement le stigmate de son origine : le scientisme, cette croyance absolue dans le pouvoir de la science de résoudre tous les problèmes de l'humanité, imprégna jusqu'au coeur la moindre fibre de la seconde moitié du 19ème siècle.

Flaubert l'a personnifié sous les traits du pharmacien Homais, dont il a fait le masque de la bêtise satisfaite, la bêtise de « celui qui sait ». Parlant de je ne sais plus qui, Clémenceau disait joliment : « Il sait tout, mais rien d'autre ». Flaubert a tout compris : Bouvard et Pécuchet, me semble-t-il, ayant fait le tour du savoir encyclopédique, reviennent humblement pour finir à la tâche que s'assignaient les moines copistes du moyen âge.  

Les « sciences molles » (le Collège de 'Pataphysique les appelle plus justement les « Sciences Inexactes », par opposition aux « Sciences Exactes », dites dures qui, elles, s'efforcent à l'exactitude) se sont empressées de se ranger sous cette bannière, qui leur conférait une dignité dont elles n'auraient jamais osé rêver sur leurs seuls mérites. 

Sans pouvoir toutefois effacer le stigmate que constitue l'adjectif qualificatif "humaines" : quand on est obligé d'ajouter l'adjectif, c'est que son absence porterait à confusion. Quand on entre dans une « Faculté des Sciences », aucun doute sur les disciplines qu'on y enseigne, d'où l'absence d'adjectif. 

Mais tout le monde a laissé faire, par pitié envers les « Sciences Humaines », ces cousines disgraciées, qu'on invite de temps en temps, le dimanche, parce qu'il faut bien se montrer un peu magnanime avec le pauvre monde. Ainsi l'habitude a été prise, et j'imagine que le 20ème siècle n'a jamais voulu, osé ou pu rétablir la vérité. Monsieur Homais est entré au Collège de France et à l'Académie Française. Il fait autorité. Alors même qu'il faudrait peut-être renommer les « Sciences Humaines » les Sciences Fausses.

Car le vice rédhibitoire dont souffrent les « Sciences Humaines », c’est précisément l’Homme, avec ses désirs, ses calculs, son hypocrisie et sa sincérité, ses manœuvres, ses intérêts particuliers, ses audaces et ses peurs, ses haines et ses amours, ses constructions comme ses destructions, bref, sa LIBERTÉ. C'est-à-dire ce dont sont démunies les forces aveugles et déterminées de la nature. 

Non, l’économie n’est définitivement pas une science. Je n’énonce pas une énormité obscène : écoutez pour vous en convaincre l’émission de Dominique Rousset, le samedi sur France Culture. Quel que soit le thème choisi (dans l’actualité), vous les entendez, au bout d’un temps plus ou moins long, se chamailler. Deux économistes ne seront jamais entièrement d'accord.

Je rêve de les voir un jour en venir aux mains et, pourquoi pas, s'entretuer, pour qu'on s'amuse un peu. Vous imaginez, un combat à la loyale, à l'épée, « sur le pré », entre John Maynard Keynes et Milton Friedman ? Mais ils ne sont pas assez fous pour cela : ils se disent qu'un tel spectacle tuerait la poule aux œufs d'or, le « métier ». Il faut rester "digne", et pour cela, courtois et bien élevé. Propre.

Leurs désaccords n'en sont pas moins irréductibles. Ceci pour une raison très simple : l'étiquette "économiste" dissimule en règle très générale une tout autre personne que celle qui se donne pour spécialiste de ceci, expert en cela, capable d'assener (si, si, sans accent, c'est légal !) à toute la population du public terrorisé les certitudes absolues qu'il a acquises dans le domaine dont il se déclare le maître.

Cette personne est celle du militant politique. Les théories sur lesquelles ces gens s'appuient sont l'exact reflet du système politique dans lequel ils rêvent de les appliquer. En gros, sur le ring où ils s'affrontent, ça donne John Maynard Keynes contre Milton Friedman. Traduction : l'intérêt général contre les intérêts privés. Marx contre le Capital, si vous préférez.

Un économiste neutre est aussi crédible que ma sœur en monstre du Loch Ness. Il n'y a pas d'économie a-politique, mais des modèles d'organisation sociale qui s'affrontent : où faut-il placer le point d'équilibre entre les intérêts particuliers et l'intérêt supérieur du corps social dans son entier ? A qui et à quoi donner la priorité ? L'entrepreneur ou la collectivité ? L'efficacité économique ou la justice sociale ? Quand commence l'accaparement de la richesse ? Comment une société décide-t-elle de la façon dont elle veut vivre ?

Soit dit en passant, la logique à l'oeuvre dans le système actuel, et qui tend à imposer sa volonté aux Etats, elle est limpide : mettez en face le chiffre toujours plus impressionnant des pauvres qui ont besoin des Restos du cœur ou des Banques alimentaires pour survivre et le chiffre toujours plus astronomique des fortunes amassées par le centile des plus riches de la planète. Cela vous donne une idée de la montée irrésistible de l'Injustice. Or on sait que l'injustice produit immanquablement, à plus ou moins long terme, la violence. 

Pas d'économiste objectif, donc : une théorie économique ne peut faire autrement que d'être au service de l'idée qu'on se fait de la société. Vous pouvez aisément vérifier. S’ils sont, en gros, d’accord sur le constat (il suffit de lire les journaux, les statistiques du chômage, les fermetures d’usines, …), dès qu’on aborde l’analyse des causes ou les propositions de solutions, rien ne va plus. Il m’est arrivé d’entendre des disputes homériques entre les quatre « scientifiques » invités par Dominique Rousset. J’ai fini par les abandonner à leur triste sort. Pas d'économie sans choix de société. D'où leurs disputes interminables.

Imagine-t-on se disputer ainsi deux physiciens évoquant l’existence du « boson de Higgs », dont le LHC du CERN a apporté la preuve (deux vrais spécialistes du climat évoquant le « réchauffement climatique » feront très bien l’affaire) ? Et tout le monde est d'accord pour traiter d'hurluberlu indépassable ce « scientifique » arabe (ou musulman, je ne sais plus, peut-être les deux) qui vient de décréter que la Terre est plate. Résumons : il y a des acquis irréfutables de la Science. Il n'y a pas de preuve définitive en économie.

Si l'économie était une science, un consensus finirait par s’établir entre « experts », exactement de la même manière que s’est établi le consensus des milliers de scientifiques du GIEC sur le climat, après la recension faite de l'intégralité de la littérature scientifique consacrée au sujet. Je compte pour rien les vociférations du gouverneur de Floride, Rick Scott, qui interdit aux fonctionnaires de son administration de prononcer l’expression « réchauffement climatique » (Le Monde, 24 mars), et autres élucubrations des « climatosceptiques ». 

A ce propos, on peut cliquer sur le lien avec l'article : je conseille vivement la vidéo - 2'07" - désopilante : il faut voir quelques sénateurs américains se payer une bonne tranche de rigolade aux dépens du gars interrogé, tout propre sur lui et souriant, tournant autour de la formule taboue, mais complètement emberlificoté dans le ridicule à cause de la consigne reçue de ne pas la prononcer. 

Malheureusement, si l'économie n'est pas une science, trop de gens riches et puissants ont intérêt à ce que tout le monde le croie quand même, malgré tous les démentis que leur inflige la réalité. Avec l'appui de quelles complicités les « Usurpateurs » (titre du dernier livre de Susan George sur le même sujet, voir ici même, 17 mars) ont-ils réussi à imposer dans les esprits l'expression "Prix Nobel d'économie", au mépris pur et simple des volontés testamentaires d'Alfred Nobel ? Le testament instaure cinq prix (Physique, Chimie, Médecine, Paix, Littérature), pas un de plus. C'est ce que Bernard Maris dénonce en p. 15 de Houellebecq économiste, livre polémique, c'est certain, mais tout à fait salutaire et nécessaire. 

Voire indispensable. Et peut-être même utile. « Économiste sérieux » est un oxymore. La seule spécialité de l'économiste : l'enfumage. 

Voilà ce que je dis, moi.  

lundi, 09 février 2015

AUDINCOURT, MORNE PLAINE !

Du beau travail, vraiment. Audincourt, Audincourt, Audincourt, morne plaine ! La République a eu chaud aux fesses, paraît-il.

 

Depuis qu'il n'y a plus de Clergé, la France n'a plus que deux Ordres : la Noblesse (caste politique, caste économique, caste médiatique) et le Tiers-Etat. La répartition des forces est à peu près la même qu'en 1789 : 1 % / 99 %. La répartition des pouvoirs est à peu près la même qu'au doux temps de l'Afrique du Sud d'avant Nelson Mandela et Frederik de Klerk. 

 

Pour en finir avec l'angoisse du Front National, ce parti aussi pourri et plus incompétent que les autres, le premier article de la recette est économique et lumineux : rétablir la justice dans l'accès aux ressources, autrement dit dans la redistribution des richesses. Regardez où va la courbe de la population qui, pour simplement se nourrir, a recours aux Restos du Cœur, au Secours Populaire, aux Banques Alimentaires, et vous verrez que la France n'est pas sortie de l'auberge. Plus vous aurez de pauvres et de chômeurs en France, plus le Front National croîtra et embellira sur son fumier.

 

Pour en finir avec l'angoisse du Front National, le deuxième article est politique et encore plus simple : reconnaissance du vote blanc comme suffrage exprimé, interdiction totale du cumul des mandats, limitation à deux  mandats dans le temps, instauration de la proportionnelle. Quand le personnel politique qui gouverne la France cessera d'être sélectionné, comme dans n'importe quelle profession, pour « faire carrière dans la politique », et ressemblera à la population de la France, quand les bobines de ces gugusses changeront régulièrement, on commencera peut-être à voir le bout d'un de nos tunnels.

 

Pauvreté

+ Chômage

+ Personnel politique incompétent ou impuissant

+ Accaparement des pouvoirs par quelques castes

+ Turpitudes diverses des responsables 

= Front National.

 

Car en lui-même, le Front National, c'est une baudruche. Eliminez les raisons de son succès apparent : la baudruche éclate. Seulement voilà, les autres en face (le "Front Républicain") auraient honte d'avoir l'air de se déjuger. Et ils tiennent trop à l'os qu'ils tiennent entre leurs crocs.

 

Voilà ce que je dis, moi. 

 

vendredi, 17 mai 2013

RECAPITULONS 1

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***

 

Récapitulons :

 

UN : La « Société » est devenue une abstraction, dénuée à ce titre de toute consistance vivante. Les gens qui vivent quand même à sa base essaient vaille que vaille d’y remédier en se groupant par centres d’intérêt (collectionneurs de timbres, amicale bouliste des cheminots, etc.)  ou pour défendre des intérêts particuliers : malades du lupus érythémateux (AFL, vous pouvez vérifier mes sigles), peau noire (CRAN), sexe féminin (collectif la barbe, chiennes de garde ou, plus récentes, les ″femens″, etc.), sexe orienté homo (LGBT, Act Up, etc.), usagers des transports (AUT) ou de l’administration (ADUA), victimes des sectes (ADFI), et tutti quanti.

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On appelle ça des « Associations loi 1901 ». Si je me permets de juger préoccupante leur prolifération, c’est pour la raison discutable mais impérieuse qu’on peut y voir le signe d’une décomposition du « corps social » dans son ensemble, les gens se rassemblant justement pour défendre, qu’on le veuille ou non, des intérêts particuliers. Plus il y a d’associations, ai-je dit, moins il y a de société (dit autrement : d’ « intérêt général »). 

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On pourrait en dire autant des « Organisations Non Gouvernementales » (ONG). Chacun en pensera ce qu’il voudra, mais selon moi, quand c’est une association qui agit sur un terrain (Restos du cœur, Banque alimentaire, Médecins sans frontières, etc.), c’est qu’il y a substitution de l’action privée à l’action publique, provoquée par la démission de celle-ci.

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L'action privée des associations repose qui plus est sur le bénévolat. Mais des millions de bénévoles, cela suffit-il pour « recréer du lien social » ? Je dirais plutôt que le bénévolat est la preuve de la disparition du lien social. Les « hommes de bonne volonté » sont nombreux, mais l'adversaire est trop puissant. Et qu'on ne me parle pas de l'action militante. J'aimerais me tromper.

 

DEUX : Dissolution de tous les symboles fédérateurs qui permettraient aux Français de « faire société ». J’ai pris l’exemple de la nation française, dont on peut dire qu’elle n’existe plus que dans le rétroviseur de générations plus ou moins vieillissantes. Dans les faits, la nation s’évanouit dans les bras de l’incertaine Europe, dont les « directives » imprègnent d’ores et déjà 60 % des lois « françaises ». Au reste, ne suffit-il pas d’entendre certains (Nicolas Dupont-Aignan, Jean-Pierre Chevènement, et quelques autres) se faire traiter de « souverainistes », insulte méprisante dans la bouche de ceux qui prononcent le mot.

 

« Espèce de souverainiste ! ». Se déclarer ou être déclaré tel, c’est être catalogué partisan du passé, inscrit au fichier des grands nostalgiques, féroce et indécrottable adversaire du moderne et de l’indifférencié. C’est même pire : accepter de passer pour un facho, crispé sur l’improbable souvenir d’une « identité nationale » désormais périmée, et rangé parmi les épigones du Front National. Et ça, ba-caca, c'est horriblement vilain, les associations en ont décidé ainsi.

 

On pavoise encore pour la forme les mairies et autres édifices officiels, mais qu’est-ce qu’elle est devenue, la symbolique du drapeau ? Qu’est-ce qu’elle est devenue, la « patrie-des-droits-de-l’homme » ? Qu’est-ce qu’elle est devenue, la « fierté-d’être-Français » ?

 

Par là je ne veux pas dire qu’il faudrait être fier de ça. Je dis juste que s’il n’y a plus aucune raison d’en être fier, c’est que la chose a perdu son sens. Et que la France, après sa défaite définitive, a signé l’acte de capitulation sans condition par lequel elle se remet pieds et poings liés, entre les mains des modernes forces d’occupation. Et cette fois, les collabos ont pignon sur rue.

 

Comme symbole fédérateur, j’aurais tout aussi bien pu prendre l’exemple de la démocratie représentative, dans laquelle j’ai personnellement cessé de croire depuis déjà quelque temps. Mais je suis loin d’être le seul à m’abstenir d’aller voter aux élections, quelles qu’elles soient. Les journalistes sont satisfaits quand l’abstention ne dépasse pas 30 % : un tiers de déchet ne leur semble pas trop catastrophique, pour dire si le ver a déjà bien croqué dans le fruit.

 

TROIS : ... Ah non, je vois que ça fait trop long. Il faut donc que je procrastine. A demain.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

vendredi, 13 avril 2012

L'HUMANITAIRE, SIGNE DE POURRITURE

J’ai déjà, dans des notes pas trop vieilles, abordé le problème des associations humanitaires, dont certaines se font appeler Organisation Non Gouvernementales (O.N.G.), pour en dire un mal que je me suis efforcé de nourrir d’arguments divers. Mais parmi les arguments possibles, il en est un que j’avais oublié, ou plutôt dont je n’avais pas compris qu’il pouvait et devait constituer mon argument en dernier ressort.

 

 

Réfléchissons : créer une association, c’est facile, c’est pas cher et – au moins dans la plupart des cas – ça ne rapporte rien. Mais, en tout état de cause, cela relève de l’initiative PRIVÉE. Et quand je me suis penché  sur cette caractéristique, j’en ai été impressionné. C’est bête, je sais, mais je suis très long à la comprenette. Car en fin de compte, une association, c’est une entreprise privée. Sans but lucratif, en principe. UNE ASSOCIATION EST UNE ENTREPRISE PRIVÉE. Et c’est pas de ma faute, je vous assure.

 

 

L’initiative privée. Franchement, je n’ai rien contre, en soi. Mais je ne peux m’empêcher de m’interroger. Oui : comment se fait-ce ? Qu’est-ce qui fait que l’initiative individuelle et non rémunérée ait à ce point explosé ? Ait pris tant de place, au point d’occuper, en certaines occasions, les rues et places publiques, les plateaux de télévision, les sorties de supermarchés ?

 

 

Comment se fait-il qu’on ait vu sans sourciller se mettre en place et se pérenniser, croître et embellir les « Restos du cœur », les « Banques alimentaires », « Emmaüs » ? Cela fourmille d’actions généreuses, dans toutes les directions où va le vent. Et tout ça pour quoi ? Pour que triomphe le principe de l’ENTREPRISE PRIVÉE. La « charité » a vaincu la « justice ». Car les gens comme BILL GATES distribuent LEUR argent à LEUR gré. La « charité » est arbitraire. Si PIERRE BERGÉ a lancé et s’occupe du « sidaction », c’est qu’il en a décidé ainsi, et que personne ne saurait le convaincre de faire autre chose.

 

 

L’humanitaire, c’est ça. Et je ne peux m’empêcher de trouver du tragique dans cette situation. Car cela signifie qu’il n’y a plus grand-chose de BIEN à attendre de la puissance PUBLIQUE. Le mouvement actuel, qui voit la prolifération des initiatives généreuses engagées par les « associations » considérées comme des entreprises privées sans but lucratif, montre que ce qu’on a appelé l’ETAT est en train de mourir sous nos yeux.

 

 

L’incroyable pullulement des associations à visée caritative et/ou humanitaire signifie que le monde est en train de procéder à la plus grande PRIVATISATION qui ait jamais eu lieu. Le triomphe de l’humanitaire et du caritatif signe la disparition de ce qui s’est appelé « Etat », « puissance publique », « bien commun ». Et atteste de la PRIVATISATION du monde.

 

 

Quand LIONEL JOSPIN gouvernait la France, entre 1997 et 2002, on a assez dit qu’il avait privatisé davantage à lui tout seul, lui, l’homme « de gauche », qu’ALAIN JUPPÉ et EDOUARD BALLADUR réunis. DOMINIQUE DE VILLEPIN a bradé les autoroutes françaises à des entreprises privées.

 

 

L’Education Nationale est en train, inexorablement, de se dissoudre en tant que principal vecteur et promoteur de l’action publique, et l’on voit fleurir les entreprises privées d’enseignement. L’hôpital public, à qui l’on demande de fonctionner selon une logique d’entreprise, est en train de voir croître et embellir, en face de lui, les hôpitaux privés. Les compagnies de sécurité privées deviennent un élément indispensable de nos décors urbains et marchands.

 

 

Des Etats (Madagascar et d’autres) vendent (c’est ce que veut dire un bail de location à 99 ans) leurs terres agricoles à la Chine, l’Inde ou la Corée. Des économistes en sont venus à calculer le montant des services rendus par la Nature (forêts primaires, océans, bientôt peut-être l’air qu’on respire).

 

 

La logique de cet immense mouvement historique de PRIVATISATION du monde est claire : ce qui appartient à une personne privée rapporte plus qu’un bien collectif (voir, dans l’histoire britannique, l’affaire des « enclosures »). Et cette privatisation de TOUT au profit de quelques-uns, la floraison des entreprises humanitaires et caritatives n’en sont qu’un des signes multiples, mais un signe indubitable.

 

 

Parmi les candidats à la présidentielle, seul NICOLAS DUPONT-AIGNAN parle de ça, à travers sa proposition d’abroger la loi de 1973. Mine de rien, cette vieille loi est un des premiers signes de la PRIVATISATION qui gouverne le monde de plus en plus impitoyablement.

 

 

Que dit-elle, cette vieille loi ? Entre autres choses, elle interdit à l’Etat français d’emprunter de l’argent à la Banque de France, et l’oblige à emprunter aux banques privées. L’argument, à l’époque, était une rationalisation de la politique budgétaire de l’Etat.

 

 

Que dit-il, NICOLAS DUPONT-AIGNAN, en proposant d’abroger cette loi ? Que l’Etat français pourrait emprunter de l’argent à 0 %. Au lieu d’engraisser honteusement des banques sur le dos des contribuables. Et de courir à leur secours quand elles se sont elles-mêmes mises dans la panade à force de folie spéculative, et toujours aux dépens des contribuables. Mine de rien, il met le doigt sur l’origine du mal qui nous menace tous : la PRIVATISATION de tout. La confiscation de tout ce qui était collectif.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

jeudi, 22 mars 2012

QUE SERAIT LE MAL SANS L'HUMANITAIRE ?

Allez, j’ai bien envie de choquer, de heurter de nouveau quelques âmes sensibles et de bonne foi, mais tant pis. Voilà, il faut que je le dise : si le bénévolat et l’aide humanitaire pullulent aujourd’hui comme de la vermine, ça veut dire que le pire est en train d’accroître son emprise sur l’humanité.

 

 

L’humanitaire, le généreux, l’altruiste et le bénévole, enfin tout ce qu’on regroupe souvent sous le terme générique « les associatifs », sont nés il y a moins d’un demi-siècle (je ne parle pas des « grands anciens », genre Croix-Rouge), et depuis un demi-siècle, ça s’est mis à proliférer, au point, aujourd’hui, d’occuper le devant de la scène.

 

 

La Syrie donne un assez bon exemple de la place exacte qu’occupe  l’humanitaire dans la réalité, tout à fait différente de la surface médiatique que les acteurs de la propagande humanitaire s’efforcent de lui donner.

 

 

On voit ici les grands principes venir s’échouer comme une vaguelette mourante sur la falaise de la réalité économique, politique et géopolitique, qui n’a jamais été mue par les sentiments, au grand dam de nos modernes croisés des droits de l’homme.

 

 

La gesticulation humanitaire est évidemment destinée aux caméras de télévision, autrement dit, à « l’opinion publique ». Ce n’est ni plus ni moins que de la propagande. On me dira que c’est pour la bonne cause. Ça reste à voir.

 

 

MICHEL COLUCCI, dit COLUCHE, affirmait que les « Restos du cœur » auraient gagné la partie le jour où ils disparaîtraient. Et il avait bien raison : cela aurait voulu dire que le problème à l’origine des « Restos du cœur » a tout simplement, lui aussi, disparu.

 

 

Or que voyons-nous, d’année en année ? La demande d’aide à la simple survie explose. Pas seulement pour le « droit au logement », pas seulement pour le « droit au travail ». Mais pour le droit de manger à sa faim. Non seulement le problème n’a pas disparu, mais il s’est aggravé, et il ne cesse de s’aggraver, comme poussé par une force maléfique irrésistible.  

 

 

On ne compte plus les quêtes pour la « banque alimentaire », les « sans abri » et autres associations à but caritatif. Dites, ça ne vous impressionne pas, que le caritatif explose comme jamais, que la bienfaisance mobilise en masses toujours plus compactes,  que le tsunami de la bonté referme sa mâchoire en acier humanitaire sur le malheur des gens ? Moi, je me permets de trouver ça louche.

 

 

Et j’ai fini par me poser une question incongrue, voire scandaleuse : « Est-ce que par hasard ce n’est pas à cause des « restos du cœur » que la situation devient pire de jour en jour ? ». Ou plutôt, est-ce que ce n'est pas parce qu'ils existent, et que certains malintentionnés savent qu'ils existent, que ça s'aggrave ? On pourrait appeler ça les « effets pervers de la bonne volonté ». 

 

 

La vraie question ?  « Il y a des margoulins prêts à tout, pour qui COLUCHE et ses semblables fonctionnent comme des PERMIS DE NUIRE, car ils voient qu'il y aura toujours, quels que soient leurs forfaits, « les gens de bonne volonté », « la société civile », « les associations » pour réparer les dégâts qu’entraînent leurs activités trop salopes pour être avouées ».

 

 

Est-ce que ce n’est pas à cause de l’existence d’un tissu associatif de plus en plus serré et préoccupé de la « solidarité » que des gangsters sont en train de se dire : « Tranquille, Mimile, on peut y aller à fond les manettes, ils n’ont encore rien vu ». COLUCHE, mais avant lui KOUCHNER & BRAUMAN (et avant eux HENRI DUNANT) ont inventé la petite cuillère du bon cœur à vider la marée montante de la haine et du mépris.

 

 

Car disons-le, l’humanitaire et le bénévole sont profondément bêtes par nature. Intrinsèquement bornés. Viscéralement obtus. Bon, quelqu’un a dit : « Heureux les pauvres d’esprit, car le royaume des cieux est à eux ». Ne soyons donc pas moins miséricordieux que la miséricorde.

 

 

Non, je n’insulte personne, je dis les choses comme elles sont. L’humanitaire et le bénévole sont exactement comme le cycliste dans l’ascension du Tourmalet : ils ont le nez dans le bitume juste devant la roue, et rien d’autre. Le paysage, connais pas. Le bitume, on appellera ça le « terrain ».

 

 

On appellera le paysage « compréhension de la situation », comme une carte, qui sert à comprendre un territoire. L’humanitaire, lui, a le nez dans le bitume, le terrain, il est celui qui se trouve ou se rend « sur-le-terrain ». Il sert à ça : ne pas comprendre. Il sert tout au plus à taper à l'émotion. L'humanitaire, c'est le tripal et le lacrymal.

 

 

A cet égard, l’humanitaire et le bénévole ne sont rien d’autre que les alibis du système en place. Ils sont les avatars modernes des Dames Patronnesses qui, autrefois, avaient « leurs pauvres », qu’elles visitaient et dont elles s’efforçaient, gentiment apitoyées, de « soulager le sort misérable ». Et qui permettaient au système de se conforter, aux inégalités criantes entre richissimes et misérables de perdurer.

 

 

Je manque peut-être d’esprit de tolérance, mais je n’ai pas l’intransigeance absolue et terrible de LEON BLOY. S’il arrivait à des humanitaires la même chose qu’aux aristocratiques dames patronnesses mortes dans l’incendie du Bazar de la Charité (130 morts), le 4 mai 1897, je n’irais certes pas jusqu’à écrire, comme le « mendiant ingrat » dans son Journal :

 

 

« J’espère, mon cher André, ne pas vous scandaliser en vous disant qu’à la lecture des premières nouvelles de cet événement épouvantable, j’ai eu la sensation nette et délicieuse d’un poids immense dont on aurait délivré mon cœur. Le petit nombre des victimes, il est vrai, limitait ma joie » (lettre du 9 mai).

 

 

 

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Il fallait oser. Mais c'est vrai que la charité, le caritatif et tout ce qui y ressemble, ne sont qu'un sinistre bazar.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre.