jeudi, 13 novembre 2025
C'ÉTAIT UN 13 NOVEMBRE
Je me contenterai, pour dire que la soirée maudite de ce vendredi-là ne m'a pas quitté, de rétablir ici dans leur version primitive les mots que m'avait inspirés l'un des articles que le journal Le Monde avait publiés pour édifier une sorte de monument aux morts journalistique à toutes les victimes de la saloperie terroriste. Le journal avait envoyé ses journalistes recueillir nombre de témoignages poignants ou bouleversants. L'article qui m'avait retenu était signé Pascale Robert-Diard.
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TOMBEAU DE VALENTIN RIBET
Préambule : un "Tombeau" était, en poésie ou en musique, une œuvre dédiée à un grand homme disparu, une œuvre écrite en son honneur, une œuvre en forme d'éloge funèbre. Valentin Ribet aurait peut-être été un grand homme, si on lui en avait laissé le temps. A cause de son geste instinctif, on ne le saura pas. Je lui dédie ce tout petit billet.
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Valentin Ribet était un jeune avocat, brillant et doué. Il était sans doute promis à un superbe avenir. Il avait intégré un cabinet renommé. Il était peut-être un peu arrogant, vu ses facilités. Peut-être pas.
Mais voici ce qu’écrit Pascale Robert-Diard, dans Le Monde daté jeudi 26 novembre, pour le « Mémorial du 13 novembre » que le journal est en train d'édifier, jour après jour : « Vendredi 13 novembre, Valentin Ribet a quitté le cabinet plus tôt que d’habitude pour rejoindre le Bataclan, avec Eva, son amoureuse, avocate elle aussi. Quand les tirs ont commencé, il s’est couché sur elle pour la protéger. Elle lui doit la vie ».
Je ne sais pas comment la journaliste a obtenu l’information qu’elle rapporte ("pour la protéger"). C'est un récit. Peut-être est-ce Eva qui lui a dit ?
Je ne connais pas Eva. Est-elle un peu arrogante ? Est-elle courtoise et modeste ? Je n'en saurai jamais rien. Pour moi, elle aura eu la chance, non : le privilège de rencontrer un homme, un vrai, qui, au moment du danger de mort, n'a pas songé un instant à son propre sort. J'ignore tout de ce qu'on peut ressentir, quand on sait que la personne la plus chère à vos yeux est morte en voulant vous protéger : c'est au-delà de la raison. Depuis mon petit terrier de rongeur obscur, je dis juste : « Admirable ! Honneur à lui ! ». Eva peut être fière. Honneur à Valentin Ribet !
Que le nom de Valentin Ribet ne sorte pas de ma mémoire !
Voilà ce que je dis, moi.
Note : J'apprends dans Le Monde du 27 novembre que Valentin Ribet n'est pas le seul. Gilles Leclerc était lui aussi présent au concert des Eagles of death metal au Bataclan, le 13 novembre. Sa famille et ses proches ont dû attendre le lundi à 17 heures pour apprendre qu'il ne reviendrait plus jamais. Sa chérie à lui s'appelait Marianne. Pascal Galinier, auteur de la notice qui lui est consacrée, écrit : « Nul n'est étonné d'apprendre comment il aurait sauvé Marianne en se jetant sur elle, au Bataclan ». Honneur à Gilles Leclerc !
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Je signale le bel article trouvé ce 8 novembre, toujours dans Le Monde. Il est signé Raphaëlle Bacqué. Il raconte l'improbable rencontre de Charlotte et Sébastien, elle enceinte et suspendue à une fenêtre du Bataclan à dix mètres du sol, lui qui lui tend une main secourable et la hisse plus en "sécurité". La scène est filmée (6 minutes) par Daniel Psenny, journaliste au Monde, et vue aussitôt dans le monde entier. La journaliste parvient à faire toucher du doigt ce mur qu'est l'impossibilité, pour les victimes (directes ou indirectes), les intervenants et les témoins du carnage de tirer un trait définitif sur des événements d'une telle brutalité qu'ils ont fait basculer tant de destins.
08:37 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : 13 novembre, terrorisme, terroristes, salah abdesslam, journal le monde, pascale robert-diard, raphaëlle bacqué, daniel psenny, charlotte et sébastien, bataclan


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