vendredi, 18 janvier 2013
ODE AU GAFFOPHONE
Pensée du jour :
ASTANIHKYI, "COME SINGING", COMANCHE, PAR EDWARD S. CURTIS
(je salue le dernier Indien à apparaître dans cette série de photos)
« Le kangourou date de la plus haute antiquité. Scientifiquement, il se compose, comme l’Auvergnat, de la tête, du tronc et des membres ».
ALEXANDRE VIALATTE
Résumé : nous avions laissé Gaston Lagaffe au moment où il vient d’inventer le bien nommé GAFFOPHONE.
Cet extraordinaire instrument mérite qu’on lui consacre quelques instants. Pour le créer, FRANQUIN s’est inspiré d’une harpe africaine exposée en Belgique. Quant à l’entourage de Gaston, il peut s’attendre aux pires catastrophes, dès l’instant où passe, dans son esprit le démon qu’on appelle une IDÉE.
Le gaffophone sort en droite ligne de ce genre d’instant privilégié. En s’inspirant d’un instrument africain, qu’il a néanmoins « perfectionné » (« au secours », disent déjà les voisins), il arrive à créer, sans amplification électrique : « Une vibration du tonnerre avec une résonance maximum ». Autant dire qu’il n’y a pas besoin d’attendre le deuxième essai pour obtenir un coup de maître concluant, dépassant même les espérances. Disons que FRANQUIN a fait inventer par Gaston un « instrument de destruction massive ».
Peut-être même a-t-il regretté qu'il n'existât pas dans la réalité, car Spirou lança, auprès de ses lecteurs, un concours de fabrication concrète d’instruments. Résultat : un Néerlandais envoya au journal, par le train, un engin de 125 kilos. Ce ne fut pas le seul. Pour dire son incroyable audience, mais aussi l’incroyable popularité acquise rapidement par le personnage tout à fait génial d’ANDRÉ FRANQUIN, à qui il arrive de faire du gaffophone une arme antimilitariste : il n’aime guère l’armée, semble-t-il.
Mais tout arrive, y compris l’inimaginable : le gaffophone peut rendre service. D’accord, c’est tout à fait involontaire de la part de Gaston, mais le résultat est là, rapide, soigné, gratuit : le client est ravi, et l’ouvrier récalcitrant n’y comprend rien. Gaston est passé pas loin.
MIEUX QUE LES ARTIFICIERS SUR LES GRANDES BARRES DE LA DUCHÈRE
La règle est tout de même, en général, le gros dégât, sinon ça ne vaudrait pas le coup. Qu’il sévisse au journal ou à la campagne, les effets sont garantis : si le son fait fuir les taupes chez le voisin, comme s’en réjouit le paysan, il ne limite pas ses effets aux taupes.
Il est évident que le personnel de bureau fait tout pour se débarrasser de l’instrument, mais rien à faire. Que Lebrac introduise des termites à l’intérieur, c’est tout l’immeuble qui menace de s’effondrer, bouffé par les bestioles qui n’ont pas voulu du bois musical.
L'EXPRESSIVITÉ DU TRAIT ABSOLUMENT VIRTUOSE DE FRANQUIN EST EVIDEMMENT UN DES FACTEURS ESSENTIELS DE L'EFFET PRODUIT
Que Fantasio fasse venir des déménageurs pour obliger Gaston à débarrasser l'immeuble Spirou, quitte à faire un cadeau au musée de l’homme, c’est d’abord susciter la curiosité amusée de ceux-ci, qui voudraient bien savoir ce que c’est, c’est ensuite faire prendre au camion de très gros risques, comme il aurait dû s’y attendre. Voici ce qui lui arrive, au camion.
Quand arrive la 600ème planche, je veux dire la 600ème gaffe, toute l’équipe décide de fêter la rondeur du nombre atteint. MAIS Gaston ne s’en offusque qu’un court instant. ET décide de participer à sa façon à la fête, et de lui donner un certain « retentissement ». Pour l’occasion, avec ses complices Bertrand et Jules-de-chez-Smith-en-face, il décide d’électrifier les instruments de leur orchestre. Gaston, qu’on se le dise, n’est jamais à court de ressources.
Je réserve pour la fin la planche 467, qui démontre, d’une certaine manière, le caractère intouchable du gaffophone, j’allais dire sa valeur SACRÉE. Et si Fantasio m’avait demandé mon avis, je lui aurais volontiers dit, comme EDITH PIAF disant à Manuel de ne pas y aller (N’y va pas, Manuel) : « N’y va pas, Fantasio ! ».
Et une fois la démonstration faite, j’aurais ajouté : « Je te l’avais bien dit, de pas y aller ! ».
ADMIREZ L'ART DU MONTAGE DES DIALOGUES.
L'ART DE L'ELLIPSE AUSSI.
Je compte ANDRÉ FRANQUIN parmi les bienfaiteurs de l’humanité, pour avoir inventé un personnage aussi inassimilable que celui qu’avait imaginé HERMAN MELVILLE en écrivant Bartleby (vous savez : « I would prefer not to »). Mais comme son versant ensoleillé, un versant éminemment jovial, positif et sociable. Exactement le contraire de ce personnage sombre, négatif et suicidaire.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photographie, edward s. curtis, indiens d'amérique du nord, amérindiens, alexandre vialatte, littérature, chroniques de la montagne, humour, bande dessinée, andré franquin, gaston lagaffe, gaffophone, musique, fantaisie, antimilitariste, sacré, édith piaf, journal spirou, spirou et fantasio, herman melville, bartleby, i would prefer not to