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mardi, 07 mai 2013

UN MICHEL AUDIARD DE LA BD

 

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AH, LE BRAVE PANDORE ! ON LE TROUVE DANS LES CARGOS DU CREPUSCULE.

(A propos de pandores : "Moi je bichais, car je les adore Sous la forme de macchabées", c'est de ?)

C’est bien connu, pour faire une bonne chanson, le plus important, c’est l’adéquation entre, d’une part, ce que raconte le texte et, d’autre part, la musique qui l'enrobe. Dit autrement, il faut que le propos épouse intimement les moyens mis en œuvre pour le transmettre. 

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UN "BOBBY" COMME ON N'EN FAIT PLUS, FACE A UN VRAI BANDIT

(Admirons le contre-jour bien londonien de Maurice Tillieux.)

Tout le monde le sait : il n’existe pas de recette pour cela. Ça tient plutôt du bricolage alchimique. Inutile de dire que ça ne se rencontre pas tous les jours. C’est l’exception. On peut même dire que ça tient du miracle.

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GIL JOURDAN, LIBELLULE ET L'HÔTELIER STUPEFAIT

Par exemple, Georges Brassens était capable d’attendre des années avant d’être pleinement satisfait. Au point qu’Antoine Pol, l’auteur du texte de la belle chanson Les Passantes, lui demanda en vain de la lui faire entendre, et mourut (en 1971) sans la connaître, juste parce qu’elle n’était pas encore tout à fait au point aux yeux du musicien. Brassens en conçut du remords, paraît-il.

 

Au cinéma, c’est pareil. Prenez Les Tontons flingueurs. On peut se demander pourquoi il y a encore aujourd’hui plein de gens qui connaissent les dialogues par cœur, et qui vous sortent au débotté : « La bave du crapaud n’empêche pas la caravane de passer » ou : « Quand le lion est mort, les chacals se disputent l’empire ». Ça veut juste dire que Les Tontons flingueurs en sont un, de miracle. 

 

Dans la Bande Dessinée, c’est le même tabac. J’ai parlé de Silence, de Didier Comès, un OVNI. La BD, c’est un peu comme le cinéma : ce qui compte, c’est l’ensemble. Une bonne histoire, un beau trait, des dialogues pour faire mousser, et c’est dans la poche. 

 

Et parfois, dans ces réussites de la BD, émerge – comme un pic au-dessus de la mer de nuages – LA réplique. Celle qui fait mouche. Qu’on se le dise, il n’y a pas que Michel Audiard dans la vie, avec son inépuisable : « Les cons, ça ose tout, etc. ».

 

CELEBRATION 3.jpgJe voudrais ici offrir une de ces célébrations (ci-contre) dont l’éditeur Robert Morel s’était fait le héros, le héraut et le champion, une célébration autour de quelques vignettes mémorables qui méritent, pour cette raison, de passer à la postérité, agrandies, encadrées dans du doré mouluré, suspendues au mur du salon en vue de contemplations béates au long des soiréesCELEBRATION RM.jpg d’hiver, pour la satisfaction de l’âme et l’hygiène de l’esprit.

 

Je donnerai ici un coup de chapeau à Maurice Tillieux, le virtuose de l’accident de voiture, dont le crayon a engendré Gil Jourdan. Gil Jourdan en soi est totalement inintéressant, c’est le détective privé impavide, le chevalier sans peur et sans reproche, au brushing et au nœud papillon aussi impeccables après qu’avant la bagarre.

 

Il serait d’une fadeur insondable, si Tillieux n’avait eu l’idée de lui adjoindre Libellule, le cambrioleur (par ailleurs spécialiste du « calembour bon ») qui ouvre un coffre-fort rien qu’en le regardant ou en soufflant dessus, et surtout l’inspecteur Crouton, l’inénarrable policier à la moustache improbable. 

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FRANCHEMENT, EST-CE QUE ÇA NE VAUT PAS LE MEILLEUR AUDIARD ?

Dans le premier épisode, Libellule s’évade, Crouton a coffré Libellule, mais Jourdan le fait évader pour ouvrir le coffre d’un gros trafiquant. Crouton se lance à sa poursuite, mais au détour d’un chantier, il atterrit dans un fût de goudron, ce qui nécessitera une vingtaine de kilos de beurre pour nettoyer le costume, et lui attirera le mépris de la hiérarchie. Cela pour mettre en appétit.

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Crouton sera à plusieurs reprises le porte-parole de l’Esprit en personne. Dans le même épisode, par exemple, il doit s’embarquer pour l’Italie, pour surveiller un trafiquant de drogue, et voici ce que ça donne.

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Sur le « Volturno », il a bien du mal à se faire prendre au sérieux (c'est pour être gentil) : lancé dans sa poursuite, après avoir bousculé quelques passagers, il est confronté au « pacha », ce qui permet à Tillieux de livrer quelques pépites. 

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PERSONNELLEMENT, C'EST LA REPLIQUE DE LA DAME QUE JE PRÉFÈRE

Dans L’Enfer de Xique-Xique, il se propose de cambrioler la « Légation de Massacara », mais il « tombe » mal, comme on le voit.

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Mais Tillieux ne confie pas ses pépites au seul Crouton. Les militaires du Massacara ne sont pas oubliés dans la distribution des répliques, que ce soit lors du « procès » qui envoie les héros au bagne ou lorsque le capitaine, coupable d’une remarque désobligeante sur son président (à propos des gaz hilarants), s’y fait lui-même envoyer.

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IL FAUT DIRE QUE "LIBELLULE" (ALIAS DE GEORGES PAPIGNOLLES) A ABSORBÉ DU GAZ HILARANT, NORMALEMENT RÉSERVÉ AU PUBLIC ASSISTANT AUX DISCOURS DU PRESIDENT BIEN-AIMÉ

J’ai donné à la présente note la solide escorte de vignettes à retenir, tirées principalement de Libellule s’évade, Popaïne et vieux tableaux, La Voiture immergée et L’Enfer de Xique-Xique. Une mention spéciale, cependant, pour la réplique du gendarme des Cargos du crépuscule, proposée en ouverture.

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Faire du Michel Audiard, ça peut être jouissif, mais il ne faut pas oublier que Maurice Tillieux, en plus, fait les dessins. Alors franchement, Monsieur Tillieux, merci pour tout.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

mardi, 16 août 2011

MERCI TONTON GEORGES (2)

Je ne vais pas me mettre à énumérer les chansons de GEORGES BRASSENS. Ce n’est pas que ça me déplairait, mais ça vous fatiguerait assez vite. Tiens, dans quelle chanson trouve-t-on : « Ainsi que deux bossus tous deux nous rigolâmes » ? Dites un peu pour voir. Cette formule (qu’on trouve dans « La fessée ») me fait rire. En gros, « les-chansons-de-brassens », je me suis vautré, que dis-je, immergé dedans longuement.

 

 

Chose curieuse, il a fallu mon premier séjour en Allemagne, dans la belle maison (« Probstei ») de Möckmühl de la comtesse VON MOLTKE, pour que je découvre « Grand-père », chanson dans laquelle il s’agit d’enterrer le pépé, mais « chez l’épicier, pas d’argent pas  d’épices ; chez la belle Suzon, pas d’argent, pas de cuisse ». Donc là, ils n’ont pas le premier sou pour le cercueil, puis pour la messe, puis pour le corbillard.

 

 

Mais heureusement, grand-père se venge : « Or j’avais hérité de grand-père une paire de bottes pointues », grâce auxquelles il botte le train des salauds : « C’est depuis ce temps-là que le bon apôtre (…) a une fesse qui dit merde à l’autre ». Réjouissant. « Mon prince on a les dames du temps jadis qu’on peut. » Je dirai, par rapport à ce qu’on fait aujourd’hui : on a les rappeur qu’on peut. Il va de soi que CLARA (CLÄRLÄ pour les intimes) ne comprenait pas le moindre traître mot. Mais elle savait beaucoup d’autres choses.

 

 

Un fils de la maison, pour dire que le français n’avait de mystère pour personne dans la famille, avait dans sa chambre la collection à peu près complète du « Livre de poche », en plus de me flanquer de vraies raclées aux échecs.

 

 

Il y a tellement peu à jeter dans le grenier de GEORGES BRASSENS que je m’en veux un peu de déplorer une petite anicroche, oh, presque rien, un fétu, une misère. C’est dans la troisième strophe de « Quatre-vingt-quinze pour cent », vous savez, cette chanson qui proclame que dans 95 % des cas, « la femme s’emmerde en baisant ». Qu’est-ce qui lui prend de faire la liaison ? Mystère. Si la femme, dans ses ébats amoureux, crie « pour simuler qu’elle monte aux nues », dit-il, « c’est à seule fin que son partenaire se croie un amant extraordinaire ». On lit bien « croie », c’est bien le subjonctif présent : la liaison est donc une faute. Peut-être est-elle volontaire ?

 

 

GEORGES BRASSENS s’est, entre autres, immergé dans la poésie française. Il en a mis en musique une flopée, en commençant par des poèmes de PAUL FORT, qui ne sont pas trop ma tasse de thé. Mais il a fait quelques absolus chefs d’œuvre, où la musique est tellement bien adaptée aux contours du texte qu’on peut dire qu’elle les épouse. Le problème, ensuite, c'est que le poème n'existe plus pour lui-même : la musique s'est emparée de lui, et ne le lâchera plus. Tiens, ça n'a rien à voir, mais essayez d'écouter le début de la 5ème symphonie de BEETHOVEN sans entendre « La pince à linge » par Les Quatre Barbus !

 

 

 Le premier est un poème d’ANTOINE POL : « Les passantes ». Je me rappelle ce séminaire de sémiotique, animé par le prétentieux BERNARD PARRET, qui se piquait de connaître l’opéra, et dont le discours s’était révélé d’une insondable vacuité, au grand dam de mon ami YVES J., musicien de profession. L’autre animateur, BRUNO GELAS, soutenait que dans l’opéra, le texte n’est pas fait pour être compris. Texto !

 

 

Il y avait là, aussi et surtout, une jeune femme qui avait aimanté le regard de tout ce qui était masculin dans la salle. Le plus drôle, c’est que nous avions été plusieurs, après coup, à  lui parler de cette chanson, dont PATRICE E. Je ne sais pas quelle pouvait être l’impression de cette femme, d’avoir été l’objet de cet hommage fasciné. « Alors, aux soirs de lassitude, Tout en peuplant sa solitude Des fantômes du souvenir, On pleure les lèvres absentes De toutes les belles passantes Que l’on n’a pas su retenir. » ANTOINE POL n’entendit jamais la chanson, parce que BRASSENS était tellement maniaque qu’il ne voulait la livrer que poussée à la perfection.

 

 

LAMARTINE est l’auteur, lui, du magnifique « Pensées des morts ».  ROGER BELLET, mon professeur, ne voyait dans toute sa poésie qu'une sorte de « jus sirupeux » (authentique). « C’est la saison où tout tombe Aux coups redoublés des vents ; Un vent qui vient de la tombe Moissonne aussi les vivants : Ils tombent alors par mille, Comme la plume inutile Que l’aigle abandonne aux airs, Lorsque des plumes nouvelles Viennent réchauffer ses ailes A l’approche des hivers. » Est-ce que ce n’est pas très beau ?

 

 

Et puis j’ai découvert, somme toute très récemment, une chanson que je ne connaissais pas, parce qu’elle ne figurait pas dans les vinyles  33 tours : « A mon frère revenant d’Italie ». Pour le texte, c’est ALFRED DE MUSSET. Un petit miracle de nostalgie ironique (ou d’ironie nostalgique). Un petit miracle aussi de mariage avec la musique : une introduction à la pointe de la guitare par JOEL FAVREAU, l’inébranlable contrebasse de PIERRE NICOLAS, et c’est parti.

 

 

« Ainsi mon cher, tu t’en reviens D’un pays dont je me souviens Comme d’un rêve, De ces beaux lieux où l’oranger Naquit pour nous dédommager Du péché d’Eve. » Et puis : « Ischia ! c’est là qu’on a des yeux, C’est là qu’un corsage amoureux Serre la hanche. Sur un bas rouge bien tiré Brille, sous le jupon doré, La mule blanche. » Je regrette beaucoup que ce ne soit pas la dernière chanson du disque, car « Le roi boiteux » casse l’ambiance.

 

 

Pour résumer, les chansons de GEORGES BRASSENS sont tellement gravées dans mon disque dur qu'elles ressortent parfois spontanément, comme par exemple au réveil, où je me récite "Le grand chêne" ou "Le vingt-deux septembre". Voilà.