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lundi, 25 février 2019

TYROLIENNE HAINEUSE

Un trio de têtes pensantes professionnelles (Brice Teinturier, Aurélie Marcireau, Marc Weitzman) était interviewé ce matin (25 février 2019) sur France Culture par l'excellent Florian Delorme au sujet de la diffusion de sentiments de haine dans beaucoup de couches de la population française. Tout ce joli monde a tenu des propos sensés, pertinents et profonds, s'attardant doctement, en particulier, sur les racines de l'antisémitisme qu'on a vu déferler tout récemment sur la France. La haine est sûrement un motif de graves préoccupations. Mais ce n'est pas nouveau, comme le montre une vieille chanson des "Quatre barbus", qui n'ont pas que "La pince à linge" à leur répertoire, comme on le voit et peut l'entendre ci-dessous (3'49"). Il me semble que le texte est écrit par Pierre Dac.

 

Lorsque sans parti pris
On établit le bi-
-lan d'l'humani-
-té d'aujourd'hui

Eh bien limpide comme
Un clair de lune et lu-
-mineux comme un clerc de notaire
C'est pas d'sitôt qu'les hommes s'ront frères
Et qu'malheureusement au contraire

Nous vivons à présent
Sous le signe affligeant
De la haine et d'ses affluents

C'est triste et déprimant!

Y a de la haine partout
Y a d'la haine tout autour de nous
Surtout partout où
Tout se passe par en d'ssous

De mémoire de grincheux
Jamais dans les yeux
On n'vit tant d'regards haineux

Ah y en a t-y, y en a-t-y
De cette haine qui
Sous les esprits qui
Perdent le sens d'la fraterni-
-té et ainsi
Suit l'altruisme aussi

Hélas hélas l'altruisme est foutu
Et c'est couru
Y a pas plus d'altruiste
Que de beurre au r'bus

Y a plus que d'la haine
Si bien que dans l'pays
Bientôt tout le monde sera haï

L'haï l'haï l'haï ti
L'haï l'haï l'haï ho
L'haï l'haï l'haï ti
L'haï l'haï l'haï ti

Mais là où la chose se complique
Et d'vient tragique
C'est qu'la haine devient pour chacun
Une espèce de besoin
Que d'authentiques sagouins
Entretiennent de près comme de loin

Y a d'la haine de toutes les nuances
D'la haine standard ou d'circonstances
Y a d'la haine de mouton pour les haineux d'salon
Et de la grosse haine de confection

Mais de toutes les façons:

Y a trop de haine oui y a trop de haine
Et y a trop d'haineux
Ca tourne au scabreux
Et au scandaleux
Car certains haineux
En arrivent même entre eux
A s'traiter de tête d'haineux

C'est un cercle vicieux
Car quand un haineux
Hait un autre haineux
Celui qui hait est aussi
Par l'autre haï
De même que celui
Qui est haï haïssant
Celui dont il est haï
Chaque haï donc est
Un haï qui hait
Ce qui fait qu'en fin d'compte
On peut voir comm' ça
L'haï ici et l'haï là.

L'haï l'haï l'haï ti
L'haï l'haï l'haï ho
L'haï l'haï l'haï ti
L'haï l'haï l'haï ti

Et voilà c'est comme ça
Oh bien sûr y a pas
Non y a pas d'quoi
En signe de joie
Se passer les paupières à la crème de chester
Avec une tringle à rideau d'fer

Y n'reste plus qu'une seule chose à faire
C'est d'rassembler par toute la terre
Tous les hommes généreux
Qui d'un coeur valeureux
Haïssent la haine et les haineux

C'est ce qu'il y a de mieux!

Hardi donc allons-y
Roulez tambours
Et sonnez trom-
-pettes et hélicons
Sus à ceux qui suent
La haine par tous les pores
Et qui s'font un sport
D'haïr de plus en plus fort.

A bas la haine et les haineux
Ainsi qu'ceux
Qui hurlent avec eux
Assez de haine assez d'gens
Qui passent leur temps
A haïr bêtement

Si nous tenons bientôt nous
En viendrons sûrement à bout
La confiance alors
Mettra l'monde d'accord
Et l'on s'ra content d'voir alors
Les hommes d'à présent
Dev'nir de plus en plus con-
-fiants.

Haine par ci
Haine par là

Ah, y en a-t-y d'la haine
Ici-
-bas.

mardi, 16 août 2011

MERCI TONTON GEORGES (2)

Je ne vais pas me mettre à énumérer les chansons de GEORGES BRASSENS. Ce n’est pas que ça me déplairait, mais ça vous fatiguerait assez vite. Tiens, dans quelle chanson trouve-t-on : « Ainsi que deux bossus tous deux nous rigolâmes » ? Dites un peu pour voir. Cette formule (qu’on trouve dans « La fessée ») me fait rire. En gros, « les-chansons-de-brassens », je me suis vautré, que dis-je, immergé dedans longuement.

 

 

Chose curieuse, il a fallu mon premier séjour en Allemagne, dans la belle maison (« Probstei ») de Möckmühl de la comtesse VON MOLTKE, pour que je découvre « Grand-père », chanson dans laquelle il s’agit d’enterrer le pépé, mais « chez l’épicier, pas d’argent pas  d’épices ; chez la belle Suzon, pas d’argent, pas de cuisse ». Donc là, ils n’ont pas le premier sou pour le cercueil, puis pour la messe, puis pour le corbillard.

 

 

Mais heureusement, grand-père se venge : « Or j’avais hérité de grand-père une paire de bottes pointues », grâce auxquelles il botte le train des salauds : « C’est depuis ce temps-là que le bon apôtre (…) a une fesse qui dit merde à l’autre ». Réjouissant. « Mon prince on a les dames du temps jadis qu’on peut. » Je dirai, par rapport à ce qu’on fait aujourd’hui : on a les rappeur qu’on peut. Il va de soi que CLARA (CLÄRLÄ pour les intimes) ne comprenait pas le moindre traître mot. Mais elle savait beaucoup d’autres choses.

 

 

Un fils de la maison, pour dire que le français n’avait de mystère pour personne dans la famille, avait dans sa chambre la collection à peu près complète du « Livre de poche », en plus de me flanquer de vraies raclées aux échecs.

 

 

Il y a tellement peu à jeter dans le grenier de GEORGES BRASSENS que je m’en veux un peu de déplorer une petite anicroche, oh, presque rien, un fétu, une misère. C’est dans la troisième strophe de « Quatre-vingt-quinze pour cent », vous savez, cette chanson qui proclame que dans 95 % des cas, « la femme s’emmerde en baisant ». Qu’est-ce qui lui prend de faire la liaison ? Mystère. Si la femme, dans ses ébats amoureux, crie « pour simuler qu’elle monte aux nues », dit-il, « c’est à seule fin que son partenaire se croie un amant extraordinaire ». On lit bien « croie », c’est bien le subjonctif présent : la liaison est donc une faute. Peut-être est-elle volontaire ?

 

 

GEORGES BRASSENS s’est, entre autres, immergé dans la poésie française. Il en a mis en musique une flopée, en commençant par des poèmes de PAUL FORT, qui ne sont pas trop ma tasse de thé. Mais il a fait quelques absolus chefs d’œuvre, où la musique est tellement bien adaptée aux contours du texte qu’on peut dire qu’elle les épouse. Le problème, ensuite, c'est que le poème n'existe plus pour lui-même : la musique s'est emparée de lui, et ne le lâchera plus. Tiens, ça n'a rien à voir, mais essayez d'écouter le début de la 5ème symphonie de BEETHOVEN sans entendre « La pince à linge » par Les Quatre Barbus !

 

 

 Le premier est un poème d’ANTOINE POL : « Les passantes ». Je me rappelle ce séminaire de sémiotique, animé par le prétentieux BERNARD PARRET, qui se piquait de connaître l’opéra, et dont le discours s’était révélé d’une insondable vacuité, au grand dam de mon ami YVES J., musicien de profession. L’autre animateur, BRUNO GELAS, soutenait que dans l’opéra, le texte n’est pas fait pour être compris. Texto !

 

 

Il y avait là, aussi et surtout, une jeune femme qui avait aimanté le regard de tout ce qui était masculin dans la salle. Le plus drôle, c’est que nous avions été plusieurs, après coup, à  lui parler de cette chanson, dont PATRICE E. Je ne sais pas quelle pouvait être l’impression de cette femme, d’avoir été l’objet de cet hommage fasciné. « Alors, aux soirs de lassitude, Tout en peuplant sa solitude Des fantômes du souvenir, On pleure les lèvres absentes De toutes les belles passantes Que l’on n’a pas su retenir. » ANTOINE POL n’entendit jamais la chanson, parce que BRASSENS était tellement maniaque qu’il ne voulait la livrer que poussée à la perfection.

 

 

LAMARTINE est l’auteur, lui, du magnifique « Pensées des morts ».  ROGER BELLET, mon professeur, ne voyait dans toute sa poésie qu'une sorte de « jus sirupeux » (authentique). « C’est la saison où tout tombe Aux coups redoublés des vents ; Un vent qui vient de la tombe Moissonne aussi les vivants : Ils tombent alors par mille, Comme la plume inutile Que l’aigle abandonne aux airs, Lorsque des plumes nouvelles Viennent réchauffer ses ailes A l’approche des hivers. » Est-ce que ce n’est pas très beau ?

 

 

Et puis j’ai découvert, somme toute très récemment, une chanson que je ne connaissais pas, parce qu’elle ne figurait pas dans les vinyles  33 tours : « A mon frère revenant d’Italie ». Pour le texte, c’est ALFRED DE MUSSET. Un petit miracle de nostalgie ironique (ou d’ironie nostalgique). Un petit miracle aussi de mariage avec la musique : une introduction à la pointe de la guitare par JOEL FAVREAU, l’inébranlable contrebasse de PIERRE NICOLAS, et c’est parti.

 

 

« Ainsi mon cher, tu t’en reviens D’un pays dont je me souviens Comme d’un rêve, De ces beaux lieux où l’oranger Naquit pour nous dédommager Du péché d’Eve. » Et puis : « Ischia ! c’est là qu’on a des yeux, C’est là qu’un corsage amoureux Serre la hanche. Sur un bas rouge bien tiré Brille, sous le jupon doré, La mule blanche. » Je regrette beaucoup que ce ne soit pas la dernière chanson du disque, car « Le roi boiteux » casse l’ambiance.

 

 

Pour résumer, les chansons de GEORGES BRASSENS sont tellement gravées dans mon disque dur qu'elles ressortent parfois spontanément, comme par exemple au réveil, où je me récite "Le grand chêne" ou "Le vingt-deux septembre". Voilà.