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lundi, 15 avril 2019

LES NUISANCES DE L'INTELLIGENCE

Un exemple frappant de l'effet délétère induit par l'usage intempestif des "sciences" humaines se trouve dans l'évolution de l'enseignement de l'histoire de France à l'école, au collège et au lycée. Les inventeurs de l'enseignement de l'Histoire de France, au XIX° siècle, avaient pour ambition de susciter dans la jeunesse l'émergence d'un véritable sentiment national : leur projet n'était pas "scientifique" mais clairement politique, inséparable d'une volonté patriotique.

Pour eux, l'enseignement, sans repousser la vérité historique établie scientifiquement, réservait l'étude de celle-ci aux âges de la maturité, où le citoyen devient capable d'un discernement autonome. Ils se disaient avec raison que le savoir établi sur des bases "scientifiques" n'est authentiquement accessible qu'à des esprits déjà formés : le gamin de 10 ans, de 15 ans aime bien qu'on lui raconte des histoires. La science viendra plus tard, se disait-on. Le savoir, dans les premiers temps, n'a besoin que de bons raconteurs d'histoires. Cette façon raisonnable de faire ajournait l'exercice des convictions (politiques, morales ou autres) à un temps où l'homme était jugé en état de juger en toute indépendance. En attendant, il fallait, pensait-on, fixer de la façon la plus solide des points de repère dans le temps (histoire chronologique) et dans l'espace (géographie).

L'école et le lycée étaient là pour faire de tous les enfants de futurs citoyens disposant d'un solide socle de références communes. Voilà le formidable moyen que les concepteurs de cette école républicaine avaient trouvé pour aboutir à l'unification des esprits dans la nation française. Leur projet était exactement le "Grand Récit National" dont toutes sortes de commentateurs médiatiques déplorent aujourd'hui la perte irrémédiable. Il s'agissait d'abord pour eux de fabriquer du commun.

Malheureusement, plus aucun historien un peu "lancé" ne veut entendre parler de "Roman National" : vous n'allez pas revenir à "nos ancêtres les Gaulois", quand même ! Aujourd'hui, tous les responsables politiques rêvent de fabriquer du commun. Le problème, c'est que chacun de ces responsables voudrait que la seule fabrique du commun qui soit unanimement reconnue soit celle dont il a donné la définition et les contours précis ("ralliez-vous à mon panache").

A cet égard, l'enseignement "à la carte" (l'uniformité des programme est une fantaisie, tant est grande la diversité des mises en œuvre), est le meilleur moyen de renvoyer chaque individu à du particulier. Or fabriquer du commun, ce n'est sûrement pas des scientifiques que cela peut venir : c'est une tâche essentielle du Politique. Or le Politique a externalisé depuis longtemps cette tâche nationale essentielle à l'Université (théoriquement plus incontestable, parce que plus "scientifique", tu parles), à ses débats, à ses bisbilles et à ses luttes d'influence intellectuelle sur l'air du temps (en même temps que sur les budgets de recherche : qui paie ?). Faire de la France une nation "scientifique", quelle effroyable blague !

Il a délégué inconsidérément ce qui dépendait exclusivement de l'autorité de l'Etat à des mouvements incontrôlables. Il faut le dire : le commun, il faut commencer par le vouloir intensément. Le commun, ça se fabrique, ça se désire, ça se construit, ça se cultive, ça s'entretient amoureusement comme la plante verte, ça se nourrit d'ingrédients précis (mettez Jeanne d'Arc, Vercingétorix, Napoléon, etc.). Introduire le débat, la contestation, le dissensus universitaire dans la fabrique du commun, c'est torpiller l'entreprise au départ. Tout finit par tirer à hue et à dia, comme on le constate tous les jours, et dernièrement avec la crise des gilets jaunes et le "Grand Débat National". Le politique a démissionné. Il ne faut pas chercher ailleurs les causes de l'état de délabrement actuel de la conscience nationale. Et ce ne sont pas les larmes de crocodiles versées par les politiciens (et autres) en la matière qui me convaincront du contraire.

La déliquescence actuelle du sentiment national dans la jeunesse française (au sens large) résulte clairement de l'intrusion des "scientifiques" dans les programmes scolaires. Des dégâts analogues ont été commis dans l'enseignement des mathématiques à une époque (les "mathématiques modernes") ou du français, au moment du "boum" des recherches universitaires en linguistique, inspirées par les travaux de Ferdinand de Saussure (Ruwet, Jakobson, Troubetzkoï, Hjelmslev, Martinet, Ullmann, et j'en ai encore plein en réserve, ayant un peu fréquenté la chose). 

En imposant, d'une part, aux enseignants d'inclure dans leur enseignement les dernières avancées des recherches universitaires, et d'autre part en focalisant l'attention de tous ses acteurs sur les méthodes pédagogiques plutôt que sur les contenus, le système scolaire français s'est débarrassé de ses missions primordiales : apprendre aux enfants à lire, écrire et compter, leur inculquer des rudiments d'éléments concernant leurs origines et ce qui ressemble à un sentiment d'appartenance à une communauté nationale, etc. La Commission Nationale des Programmes est devenue un champ de bataille.

Avant de parler de restaurer le "socle commun", il aurait fallu commencer par ne pas le détruire, en ne cessant d'ébranler la structure de l'édifice éducatif par la folie de réformes successives, innombrables et contradictoires. Aujourd'hui, plus aucune voix et plus aucune autorité ne détient la Vérité sur l'Education Nationale, qui est devenue un espace d'affrontement pour tous les conflits qui secouent la société dans son ensemble. Plus personne, en dehors d'exceptions héroïques, ne sait ce que veut dire "former l'esprit des enfants". 

Il ne faut pas s'étonner de la pulvérisation de la population en une multitude de tribus qui fonctionnent en circuit fermé et ne communiquent plus avec les autres. Il ne faut pas s'étonner que la seule survivance de ce qui fut une société est aujourd'hui une entité purement administrative et de plus en plus désincarnée.

Bon, on me dira que je suis injuste et caricatural et que je véhicule des stéréotypes qui font se hérisser l'épiderme des spécialistes. Ce n'est peut-être pas complètement faux. Mais j'aimerais bien qu'on arrête d'exonérer, sous prétexte qu'il s'agit de "recherche scientifique", les sciences humaines de tout effet social. Pour preuve, n'est-ce pas une grande sociologue (Irène Théry) qui a présidé la commission mise en place par François Hollande pour l'instauration du mariage homosexuel ?

On ne peut pas contester le fait que, en l'occurrence, la sociologue en question ne s'est pas contentée de mener des recherches "scientifiques", mais s'est comportée en véritable acteur social, et même en militante fervente, et que la sociologie a été utilisée par les promoteurs de ce "mariage" comme une arme de destruction d'un état des choses, ouvrant une forme larvée de guerre civile. Alors, neutres, les "sciences" humaines ? Mon œil.

Pierre Bourdieu, Michel Foucault, Irène Théry (et ils sont loin d'être les seuls) : autant de preuves que les spécialistes des "sciences" humaines sont aussi et surtout des militants de causes, et que leur projet ne se contente plus de décrire la réalité, mais bel et bien de transformer la société conformément à des convictions particulières, et en faveur de groupes particuliers. Autant de gens qui tendent tous leurs efforts à fonder leur foi particulière dans une vérité particulière sur un socle de "rationalisation" (défroques méthodologiques exigées par l'Université, seule théoriquement habilitée à valider un "savoir") qui transforme cette croyance en savoir irréfutable, capable de s'imposer ensuite comme une Vérité universelle. Du moins dans les pays occidentaux.

La vérité de la situation, en réalité, est pire que ce que dénoncent les pessimistes. L'époque actuelle se caractérise par la disparition du politique comme mode de guidage des sociétés modernes, au profit des autres autorités en la matière, qui sont l'économie et les idéologies, ces dernières déguisées en "sciences humaines". La vérité de l'époque, c'est que les gens ne peuvent plus ce qu'ils veulent et que, de toutes les manières possibles, ils sont dépossédés de leur propre vie.

Et les sciences humaines, mises à toutes les sauces et instrumentalisées par les puissants du jour, ont leur part de responsabilité dans le désastre. Il y a aujourd'hui, dans le champ des "sciences" humaines, une lutte féroce pour la conquête du pouvoir culturel. Et je crains fort que tout ce qui relève du particulier n'ait d'ores et déjà le dessus, que l'intérêt général ait été tué dans le combat, et que la victime principale de ce combat ne s'appelle le BIEN COMMUN.

Les sectes protestantes ont gagné.

Voilà ce que je dis, moi.

mardi, 17 janvier 2017

L’ARÊTE ET LE GOSIER 2

UNE GROSSE ARÊTE EN TRAVERS DU GOSIER

2/2

C’est cette double postulation de Jean-Claude Michéa (mais aussi Orwell, Christopher Lasch, ...) que Nicolas Truong, le journal Le Monde et autres contradicteurs n’ont pas envie de comprendre : d’une part, vers plus de justice sociale par la régulation de l’économie et une redistribution plus équitable des richesses (une étude d'Oxfam vient de montrer que huit individus possèdent aujourd'hui autant que la moitié pauvre de l'humanité), et d’autre part, vers des relations plus harmonieuses entre les individus par une modération consentie apportée à l'exercice de la liberté et à la réalisation de leurs désirs, et un renoncement à faire de chacun de ceux-ci un « droit ». Autrement dit : pour que le mot « société » veuille dire vraiment quelque chose de fort et de cohérent, il faut que tous ceux qui la composent (Etat, entreprise, groupes minoritaires divers, individus, …) admettent que soient posées des limites. Le grand mot est lâché : des limites. Pour le dire autrement : admettent qu'on équilibre la puissance excessive de leur moteur au moyen d'un limiteur de vitesse. En clair : admettent de devenir raisonnables. Ce n'est pas gagné.

Car c’est cela qui contrarie certaines croyances qui ont cours dans toutes sortes de milieux, du football et des hauts dirigeants d’entreprises, où il est convenu de ne pas être choqué des rémunérations extraterrestres (Zlatan Ibrahimovic payé 1.300.000 euros par mois au PSG, Carlos Ghosn, de Renault-Nissan-Mitsubishi, payé 15 millions d'euros en 2015, sans parler des "bonus" irrationnels empochés par les "traders" les plus "performants"), jusqu'aux milieux artistiques où, toutes disciplines confondues, la plus grande considération est réservée à ceux qui ont érigé en principe la transgression des principes, le franchissement des limites, et où l’on s’occupe avant tout de "faire bouger les lignes", de choquer, de heurter, de dépayser, de déranger, de bousculer, de mettre en question, au motif que, sinon, les gens s’assoupiraient dans leur confort intellectuel et culturel, dans la facilité caricaturale de leurs « stéréotypes » et de leurs « préjugés », et qu’il n’y a rien de pire que le « conservatisme » (Jan Fabre et son maniement préférentiel du sexe, de la violence et de la scatologie dans ses mises en scène et, plus généralement, le foutage de gueule en vigueur chez les "artistes-plasticiens" de maints cercles de l'art contemporain).

A noter que tous ces "révolutionnaires", "iconoclastes", "rebelles" et autres "subversifs" sont finalement de grands conservateurs : ils ne tiennent pas du tout à ce que l'ordre des choses change en quoi que ce soit. Ils ne veulent pas tuer la poule aux œufs d'or qui leur déverse l'argent du mécène ou du contribuable : leur seule ambition est de modifier à leur gré la seule couche mince de l'épiderme des choses, en même temps que la perception que les gens en ont, et d'exercer leur intimidation sur les gogos un peu masochistes qui, parce qu'ils ont payé leur place, sont tombés en leur pouvoir et applaudissent à la fin.

Les deux ultralibéralismes (l'économique et le sociétal), bien qu'on ait coutume de tracer entre eux une ligne de fracture bien artificielle entre "droite" et "gauche", sont en fait de faux adversaires et de vrais complices, car ils se rejoignent fraternellement. La variante économique, doctrine fanatique, ne voit pas d'objection à l’enrichissement illimité, et quel que soit le prix à payer de la part des humains et de la nature, et se propose de tout privatiser (pour le rentabiliser), des entreprises autrefois publiques et des autoroutes jusque, bientôt, aux rues de nos villes et à l’air que nous respirons.

La variante sociétale, quant à elle, tout aussi fanatique, fait de l’égalitarisme et de l'indifférenciation dogmatique un programme impérieux et, par exemple, de la revendication homosexuelle une stupéfiante revendication « de gauche », au motif qu’il faut « décloisonner », « abattre les frontières », et contester par exemple la légitimité de supposés « stéréotypes » (coucou les revoilà) : on renvoie dans les ténèbres de l’archaïsme le slogan « un papa, une maman », au même titre que la nécessité de points de repère stables et différenciés pour la construction du psychisme de l’enfant, nécessité présentée par les promoteurs du mariage homo comme purement "fantasmatique" (dixit Irène Théry, membre du Conseil Supérieur de la Famille, auteur d'un rapport sur le sujet avant la loi Taubira). Il faut vivre et bouger avec son temps, c'est la "doxa". Gare aux contrevenants !

"Droite" économique et "gauche" sociétale, qui refusent de se dire bonjour quand elles se croisent dans la rue, sont pourtant animées par le même moteur, résumé dans un slogan : « No Limit ». C'est ainsi qu'on pourrait interpréter l'instauration du mariage homosexuel, moins comme une victoire de cette "gauche" qui plastronne, que comme l'aboutissement tout à fait logique d'un système, autrement dit comme un triomphe de l'ultralibéralisme en matière de mœurs. Je livre cette divertissante réflexion à la gamberge des bien-pensants de la gauche morale et homophile et du staff de campagne de l'ultralibéral chrétien François Fillon.

Inutile de dire que, selon moi, les acteurs de ces deux options ultralibérales sont les seuls véritables extrémistes, qui véhiculent avec complaisance l’idée qu’ils sont les seuls défenseurs du « Progrès », les seuls à « aller de l’avant » (cf. Le Complexe d'Orphée, Climats, 2011, du même Jean-Claude Michéa, où l'auteur formule l'interdit auquel tous les autoproclamés « progressistes » doivent se conformer : "tu ne regarderas jamais en arrière", sous peine de), à lutter contre « tous les conservatismes », « tous les immobilismes », et qui se gargarisent à déconsidérer leurs contradicteurs sous la défroque honteuse de divers vocables chargés en eux-mêmes d’une puissante charge négative, vocables qui vont de « pessimistes congénitaux » à « fachos », en passant par « passéistes », « antiprogressistes », « nostalgiques », « dinosaures » ou « réactionnaires » (avec la variante « néoréacs »), tous destinés à disqualifier ceux à qui ils s’adressent. A ceux qui l'accusent d'être opposé à tout progrès, Michéa répond très justement que c'est faux : il n'est opposé qu'au dogme du « progressisme » échevelé dont se targuent les partisans de l'ultralibéralisme.

Les djihadistes (plus d'actualité que "khmers rouges") de l'ultralibéralisme, qu’ils soient de l’espèce « économique » ou de l’espèce « sociétale », sont les seuls, c’est entendu, à défendre leur idée particulière du « Progrès » mais un progrès réduit à sa seule dimension de « potentiel d’innovation » : technique pour la première, sociétale pour la seconde.

Tous deux s'entendent comme larrons en foire, malgré les bisbilles apparentes et les dénégations. Les uns travaillent activement à chasser l’homme de la maîtrise de ses outils et à créer des objets qui le dépassent et lui échappent, du genre voiture autonome, smartphone, maison connectée ou « humanité augmentée », juste au motif que, à leurs yeux, « il y a un marché pour ces produits », avec en perspective le sort mirobolant qu’ils réservent à l'humanité : devenir une simple prothèse de ses machines.

Les autres, fascinés par un discours qui se présente comme « indéfiniment progressiste et émancipateur », n’ont de cesse que d’ajouter, au nom (ou au prétexte) de la liberté, de nouvelles libertés et de nouveaux droits à ceux déjà reconnus aux individus. On voit mijoter en ce moment la Gestation Pour Autrui (GPA) et l’extension du droit de la filiation aux couples homosexuels. 

Alors maintenant, le titre du bouquin de Jean-Claude Michéa : Le Capital, notre ennemi ? Qu’en penser ? Eh bien au risque de passer pour présomptueux, voici ce que j’en pense. Cela tient en peu de mots : je pense que le capitalisme a définitivement gagné la partie, et que la citation de Rosa Luxemburg, que l’auteur à placée en exergue (« La lutte contre cet ordre est une nécessité pour la conservation de l’humanité »), est caduque depuis lurette. C’en est fait, l’humanité a perdu la guerre. Et certains ont beau faire les fiers (« On ne peut pas laisser faire ça ! Nous ne mourrons pas sans combattre ! »), la cause est entendue. Vous avez dit « défaitiste » ? A tort ou à raison, je dis « réaliste et lucide ». Mais ce n'est pas que je méprise pour autant les barouds d'honneur. Au contraire, j'encourage et quand quelqu'un dit : « Faut y aller ! », je dis : respect ! Chacun son truc.

On trouve sur le blog de Paul Jorion une vidéo où un journaliste de télé néo-zélandais dialogue avec Guy McPherson, professeur de biologie évolutive à l’université d’Arizona, que j’engage tout le monde à visionner, juste parce qu’elle décoiffe carrément, y compris, dans mon cas, les patinoires à mouches. Guy McPherson accorde (avec le sourire) à l’humanité un délai de survie de moins de dix ans. Il ne se fait pas de souci pour la planète, qui aura, après notre disparition, quelques millions d’années pour se régénérer. Inutile de dire que le journaliste (Paul), en s'agitant (il faut dire qu'il est un spectacle à lui tout seul), traduit l'incrédulité totale dans laquelle la population ordinaire est prête à accueillir ce genre de message (pour ceux qui comprennent l'anglais ; traduction en option sur le blog lui-même).


Que Guy McPherson, avec son air péremptoire et sûr de lui, bluffe, dise des conneries ou qu’il se trompe sur le délai, il a au moins raison sur un point : la fin du système est programmée. Mis en place d'abord par la civilisation européenne, et porté à son paroxysme par sa variante cancéreuse, matérialiste et conquérante, je veux parler de sa variante américaine, ce système aura entraîné dans son suicide (long comme un siècle sans pain) tout ce qui se sera laissé prendre à la glu de son mirage de bonheur matériel et de progrès technique. 

Et ça fait pas mal de monde. Moi compris. 

Ce n'est pas drôle du tout, je sais. 

Voilà ce que je dis, moi.

dimanche, 13 janvier 2013

VERS L'ANDROGYNIE TRIOMPHANTE !

Pensée du jour :

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GUERRIER CHEYENNE, par EDWARD S. CURTIS

« Avant de revenir à la littérature, aux pièces, aux films dont l’homme a si inextricablement encombré le mois de janvier qu’une chatte n’y retrouverait pas ses petits, il sied peut-être de le considérer encore un peu à l’état pur, tel qu’il sortit de la main de Dieu. L’homme le voit venir avec tant de joie qu’il tombe pour l’accueillir dans mille extravagances. Il se répand en gestes arbitraires. Roseau pensant, il se conduit au premier de l’an comme un roseau qui ne penserait pas ».

 

ALEXANDRE VIALATTE

 

Résumé : les homosexuels vont pouvoir se marier. La messe est donc dite. Je finissais sur diverses considérations touchant la bague au doigt et sur l'histoire, racontée par RABELAIS, puis reprise par LA FONTAINE, de Hans Carvel, qui n'a d'autre solution, pour s'assurer de la fidélité de sa femme, que de faire du sexe de celle-ci un anneau permanent. Le Ciel en soit loué, nous ne vivons plus dans l'ère préhistorique de l'hétérosexualité monopolistique et triomphante.

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OÙ SE PORTE LA MAIN DE HANS CARVEL, POUSSEE PAR LE DIABLE ?

Car ces temps obscurantistes seront très bientôt balayés. Pour le plus grand bénéfice de la société, nous dit-on. « La France est rance, la France est en retard », nous serine la propagande homosexuelle à longueur de médias, enjoignant à l’ensemble de la population, qui n’en peut mais, d’enfourcher ce nouveau dada de la modernité. « Regardez, même la très catholique Espagne s’y est mise », entend-on.

 

 

Hier matin, dans l'émission Répliques, d'ALAIN FINKIELKRAUT, il faut avoir entendu le ton méprisant d'évidence péremptoire de madame IRÈNE THÉRY, qui ne cessait de couper la parole à ses deux interlocuteurs, sur le mode : « Mais voyons, vous n'y êtes pas, a-t-on idée ? » sans doute du haut de l'autorité de la science qu'elle professe (la sociologie, si j'ai bien compris).

 

 

C’est donc l’ÉGALITÉ républicaine qui se trouve aujourd’hui convoquée devant le tribunal parlementaire. Passons sur la nouvelle confiscation de valeur que constitue cet abus de langage. Passons sur le fait que les personnes concernées représentent une minorité de la « communauté » homosexuelle (puisque communauté il y a, paraît-il). Je connais un certain nombre d'homos à qui la simple idée de "se marier" apparaît tout à fait farfelue, pour ne pas dire ridicule.

 

 

Passons aussi sur l'incroyable chamboulement symbolique qu’impose (il n’y a pas d’autre mot) cette infime minorité à la totalité d’une population de 64 millions d’individus. Si c'est une loi de clientèle qui doit être votée, pourquoi ne le dit-on pas ? Car ce qui est sûr, ici, c'est que c'est une offre légale générale qui se propose de satisfaire une demande sociétale particulière. C'est bien l'ordre des choses symboliques pour tous qui change, au bénéfice de quelques-uns. Et c'est aux Etats-Unis que nous devons l'importation en France de l'idée de loi minoritaire, instaurant ainsi une sorte de privilège réservé.

 

 

 

Et la volonté générale s'incline devant le désir particulier. La nouvelle gagne à être connue : le Parlement est désormais un supermarché où les lobbies peuvent venir faire leurs emplettes. Pour y faire voter ce que les juristes appellent des « lois spécifiques », peut-être ? Des lois « ad hoc » ? Remarquez, je me suis laissé dire que c'est à peu près ainsi que fonctionne la machine administrative de la Communauté Européenne, où les lobbies du chimique, de l'agroalimentaire, du biotechnologique se bousculent entre les rayons avec leurs chariots.

 

 

Attardons-nous seulement sur l’idée que le mariage homosexuel constitue une avancée, un PROGRÈS. Il me semble que le simple fait de le présenter ainsi éclaire la scène d’un jour particulier. Car il repose sur l’idée implicite que l’homosexualité, dès qu'elle est traitée à égalité avec l’hétérosexualité, acquiert la même valeur, la même dignité que celle-ci, ce qui reste à démontrer.

 

 

Que les deux sexes soient égaux en droits et en dignité, comment ne pas en être d'accord ? Mais cela autorise-t-il à décréter les différentes sexualités (ou pratiques sexuelles) elles-mêmes égales en droits et en dignité ? Qui, s'il est de bonne foi, ne reconnaîtrait pas ici un abus de langage, un coup de force sémantique, bref, un MENSONGE ?

 

 

 

Dit autrement : la sexualité de la personne érigée en marqueur incontestable de sa dignité. L'identité de la personne se définirait par sa sexualité ? Je vois là quelque chose d'un peu hallucinant tout de même. Assez obscène, même. C'est peut-être inactuel, voire toute à fait virtuel, mais je vivais sur l'idée (toute archaïque peut-être) que la façon dont je prends mon pied ne regarde que moi.

 

 

 

Formulé autrement, je dirais que la lessive « homo » exige d'être placée juste à côté de la lessive « hétéro », dans la vitrine du magasin et sur le rayon du supermarché. « Quoi ! Tu connais pas le nouvel homo ! », aurait glapi COLUCHE. Les deux lessives sont affichées au même prix. Et ça ne vous semble pas louche ?

 

 

Soit dit en passant, une pléiade d'autres sexualités, d'autres orientations et pratiques sexuelles attendent à la porte de la loi une reconnaissance pleine et entière. Je ne vais pas énumérer : où finit le goût personnel ? Où commence la perversion ? Les lobbies n'ont pas fini de faire la queue aux caisses du supermarché parlementaire. 

 

 

Tout ça parce que le « client » est roi et qu’il doit avoir le choix. Dès l’enfance (je pense au projet de diffusion, sous couvert d'éducation à la tolérance, d’un film sur ce thème dans les écoles primaires), l’individu doit pouvoir se dire qu’il a le choix entre deux voies égales, et que c’est à lui de décider.

 

 

Alors qu’il faudrait savoir : l’homosexualité, qu’est-ce que c’est ? Résulte-t-elle d’un choix ? Est-elle la résultante d’une éducation ? D'une structure psychologique ? Une anomalie ? Une déviation ? Un destin ? Une fatalité ? Est-ce qu’on est (ou naît) homosexuel ? Est-ce qu'on le devient ? Est-ce qu’on le décide ? Il faudrait savoir. Des partisans du mariage gay pensent qu'on est homo.

 

 

Et je n'ouvre pas un nouveau front du côté des psys, parce que ça ferait beaucoup trop long. Certains (CHRISTOPHER LASCH, peut-être, mais il n'était pas psy, mais il faut impérativement avoir lu son livre La Culture du narcissisme) diraient sans doute que la loi sur le mariage homosexuel constitue l'irruption du narcissisme au coeur de nos institutions. Alors ?

 

 

Alors je crois que c’est exactement dans le fait de présenter l’homosexualité comme découlant d’un choix que se situe la PROPAGANDE. Autrement dit le MENSONGE. Il faut dire que le lobby (le "réseau", si vous préférez) fait le forcing depuis des lustres. Un forcing insidieux, peut-être, mais qui touche au but. Mon ami R. voit ici l'action des francs-maçons contre ce qu'il reste chez nous de chrétienté. Peut-être. Ce qui est sûr, c'est que la loi instaurant le mariage homo sera une loi votée sous influence.

 

 

 

L'entreprise qui trouve son aboutissement légal aujourd'hui vise, sous prétexte de déculpabiliser les franges marginales (ben oui, quoi, qu'on le veuille ou non) de la population qui se sentent attirées par le même sexe (ce qu'il ne me viendrait pas à l'esprit de vouloir interdire, évidemment, ni même contester), à installer en tête de gondole, à égalité de sens, de droit et de dignité, la lessive « homo » juste à côté de la lessive « hétéro » sur les rayons du supermarché qu'est devenue l'existence dans la société de consommation. Comme une alternative, quoi. Elle est là, la confiscation de l'idée d'égalité républicaine.

 

 

Et au bout du bout du raisonnement, qu’est-ce qu’on trouve ? L’idée que l’homosexualité constitue un progrès décisif par rapport à l’hétérosexualité. Examinez l’évolution de la question depuis les années 1970, vous y trouverez la recette pour qu’un dogme particulier finisse pas s’instaurer en vérité universelle, comme une avancée vers des lendemains qui chantent.

 

 

 

Le processus ne se restreint pas à la France. De même que le député doit transposer en droit français les directives européennes, de même, aujourd'hui, il se soumet à telle ou telle directive mondiale. Il y avait autrefois (paraît-il) une vingtaine de boîtes gay à San Francisco, elles sont (paraît-il) plus de 20.000 aujourd'hui. Qui fut premier, l'oeuf ou la poule ? L'offre ou la demande ? Curieuse évolution du sens de l'expression « société de consommation ». Le mariage homo marque le triomphe de l'idée de consommation comme seule boussole de l'existence humaine.

 

 

S’il en est ainsi, il est temps d’abolir les frontières entre les sexes. L'affaire suit son cours. Des différences faisons table rase, aurait dit EUGENE POTTIER, auteur de L’Internationale. Applaudissons à l’homosexualisation du monde ! Vive le « genre », aussi varié, divers et bigarré qu’il soit ! Longue vie à l’androgynie qui s’annonce à grands sons de trompette, comme avenir de l’humanité enfin rénovée ! L’horizon se dégage ! Pas trop tôt ! On en avait soupé, de la différence des sexes !

 

 

 

Ce qui change, dans l'histoire ? Oh, pas grand-chose. Juste ce qu'on appelait, dans des temps désomais révolus, obsolètes et archéologiques, le SENS DE LA VIE. Pardonnez ma ringardise, mon passéisme et mes gros sabots.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.