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dimanche, 17 juillet 2022

CHEZ LES COUPEURS DE TÊTES

… Faut vous dire, Monsieur
Que chez ces gens-là
On n'pense pas, Monsieur
On n'pense pas
On prie

Gérald Darmanin a bénéficié d'un non-lieu. Tant mieux pour lui. Ce n'est pas le cas d'Eric Coquerel, dont une meute de louves en chasse réclame la tête, à cause de son attitude générale envers les femmes et, paraît-il, sa sale manie de pratiquer une "drague lourdingue". Pour lui, ce n'est pas encore gagné : une "enquête préliminaire" a été ouverte à son encontre.

Faut vous dire, Monsieur
Que chez ces gens-là
On n'vit pas, Monsieur
On n'vit pas
On triche

C'est encore pire pour Caroline Cayeux, ministre dans le gouvernement Macron. Mais elle, son cas est hors-limite, elle a dépassé les bornes : elle a attaqué de front la "communauté" homosexuelle en affirmant que le mariage offert par François Hollande aux homosexuels allait contre la nature, puis en aggravant sa situation en parlant des homosexuels en disant "ces gens-là". L'expression a heurté un autre ministre qui, lui, avait fait son "coming out" sans que Caroline Cayeux ait été mise au courant. La grosse gaffe, quoi !

… Faut vous dire, Monsieur
Que chez ces gens-là
On n'cause pas, Monsieur
On n'cause pas
On compte

Il fut un temps où l'on faisait tomber les têtes pour moins que ça. Bien entendu, il n'en fallait pas plus pour que la "communauté" tout entière, avec le renfort de Jack Lang, se lève et réclame celle de la ministre. Son crime ? Homophobie. Tout ça parce qu'elle pense, cette attardée, qu'il existe une sexualité humaine normale, et qu'en dehors, il n'y a que des sexualités déviantes, contre-nature, à commencer par celle qui consiste à pratiquer avec des êtres de même sexe.

Parce que chez ces gens-là, Monsieur
On n's'en va pas
On s'en va pas, Monsieur
On s'en va pas

Notez qu'elle n'exige pas que l'on revienne au temps où l'on enfermait les invertis, ni qu'on s'inspire de certains pays musulmans où ceux-ci sont mis à mort. Mais le pire n'est peut-être pas qu'elle le pense, mais que, étant à un poste de responsabilité, elle ait osé le dire. Alors ça, ça ne se fait pas, Monsieur. 

Ce que je retiens de ces affaires, c'est que ça va devenir de plus en plus difficile de former des gouvernements. Il faudra des gens irréprochables, qui cochent toutes les cases de l'irréprochabilité dans tous les domaines de l'existence. Rien que ça, c'est entièrement nouveau. De véritables petits saints dûment estampillés, des ascètes de haut niveau, des athlètes de la morale, des champions de la nouvelle normalité régnante, des cracks impitoyables en matière de propreté. Des gens qui n'ont jamais commis aucune sortie de route politique, aucune infraction médiatique, aucun délit d'opinion (si, si, ça existe), aucun crime de mauvaise pensée qui risque de déplaire à toutes les sortes de chiens de garde et de fauteurs de haine qui rôdent autour de nous, à l'affût du moindre dérapage à l'égard des — prenez votre élan — L.G.B.T.Q.I.A.+ (non, ne me demandez pas). 

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Lu dans Le Progrès du 16 juillet 2022 : l'expression vise trois membres du gouvernement. Nous vivons quand même une époque formidable.

Moi, je trouve qu'il n'y a pas que la chaleur et la pollution qui rendent l'air irrespirable.

lundi, 05 avril 2021

LA PAROLE "LIBÉRÉE" ?

UNE SEULE INTERMINABLE PLAINTE.

*

... CHEZ LES FÉMINISTES 1.

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... ET CHEZ LES FÉMINISTES 2.

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... ET CHEZ ADÈLE HAENEL, VIRGINIE DESPENTES ET LES ACTRICES DE CINÉMA.

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... ET CHEZ LES ACTIVISTES MUSULMANS.

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... ET CHEZ LES FRANÇAIS A PEAU NOIRE.

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... ET CHEZ LES HOMOSEXUELS.

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QUEL CONCERT !

Nom de dieu, un vrai concert de perroquets qui nous hurlent dans les oreilles, dirait un observateur impartial !!! Mais qu'est-ce qu'ils ont tous à crier de la sorte ? Eh bien voilà.

Que ce soit pour appeler au secours ou pousser des cris de rage, ce n'est qu'une seule longue plainte : le grand chœur des récriminations d'un peuple de victimes qui ont toutes une souffrance à faire valoir, qui ont toutes quelque chose à reprocher à quelqu'un, qui ont toutes des droits imprescriptibles à faire enfin reconnaître, qui ont toutes à dénoncer les graves injustices qui leur sont faites par une autre partie de la population. Et qui, toutes, attendent réparation du préjudice. En faisant fermer leur gueule à tous ceux qui ne sont pas d'accord.

Un peuple totalement désuni, divisé en "communautés" de sexe, de couleur, de religion, de race, de "genre", de "territoires", de "préférences sexuelles", dont les revendications se font une concurrence féroce à coups d'intrusions sur les plateaux médiatiques ou auprès des instances étatiques, quand ce n'est pas devant les tribunaux. Ces forces qui tirent à hue et à dia, animées par la rancune et la frustration, produisent un climat de haine qui se diffuse dans les rapports sociaux. Et dire qu'on n'a jamais autant entendu parler de "résilience" ! Quel paradoxe ! 

Un peuple qui a perdu toute perspective de construction collective d'une collectivité aspirant au bonheur et à la prospérité du plus grand nombre. Un peuple définitivement fragmenté en groupes hostiles seulement préoccupés de la défense de leurs propres intérêts et soucieux de tirer à leur profit exclusif toute la couverture (médiatique, cela va de soi). Comment voulez-vous que, dans ces conditions, on ait des chances de se retrouver dans une seule France ? Une France indivisible ? 

Le séparatisme n'est plus une crainte à avoir, c'est un fait qu'il faut constater. Ce n'est plus un peuple : c'est bel et bien une collection de groupes et d'individus. C'est la mère Thatcher, vous savez, la "dame de fer", qui doit bien ricaner. Avec son vieux compère Reagan, c'est elle qui a gagné la guerre de civilisation. Le capitalisme peut dormir tranquille : la société telle qu'elle est organisée actuellement, n'est pas près de troubler son sommeil.

Oui, Jérôme Fourquet a bien raison, bien qu'il travaille dans l'entreprise de sondages IFOP, de parler d' « archipel français ». Comme dit un personnage de sniper dans la dernière partie de L'Oiseau bariolé de Jerzy Kosinski : « Les hommes sont comme les sommets des montagnes : ils se voient de loin, mais ils sont séparés par des précipices infranchissables » (citation de mémoire, très approximative, mais l'esprit est à peu près là).

J'ai envie de dire à la foule des gens qui se plaignent ou qui portent plainte (c'est la même chose en deux modes différents) :

« Garde toujours le souvenir des avanies subies, n'oublie rien ni personne, mais avant tout tiens-toi droit, cesse de te plaindre et garde en toute circonstance le souci de ta dignité, au lieu de passer ton énergie et ton temps à quémander, à te livrer ainsi à la mendicité, quand ce n'est pas à te comporter en roquet agressif et policier !  ».

De façon plus politique, il faut aussi se dire que plus un pays s'emberlificote dans les luttes intestines, moins il pense à sa place dans le reste du monde. A Lyon, vous imaginez Guignol et Gnafron se foutre sur la gueule ? Regardez comme le cornu-griffu ricane (image FB, B. Jaouen).

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samedi, 13 juin 2020

MAINTENANT J'AI PEUR DE LA POLICE

Post-post-scriptum (13 juin, voir mes billets des 10 et 11) :

Aujourd’hui, je peux dire que la police française me fait peur. Jusqu’à maintenant, je me disais, avec raison à ce que je croyais, que le pouvoir utilisait la police française comme une masse de manœuvre contre les éruptions volcaniques qui secouent le peuple quand il n’en peut plus ou que la marmite se met à bouillir, et qu’ayant usé et abusé de cette masse de manœuvre (mobilisations policières monstres, heures supplémentaires à l'infini et non payées, ...), il avait tellement poussé à bout les policiers qu'ils avaient manifesté sur les Champs-Elysées toutes sirènes hurlantes et gyrophares allumés.

Maintenant, ça a changé. Petit rappel des épisodes.

1 – Dans la foulée de la mort épouvantable de George Floyd à Minneapolis, une manif à Paris profite du rapport d’expertise qui innocente la gendarmerie de la mort d’Adama Traoré en 2016 pour rassembler 23.000 personnes (comptage policier) qui protestent contre, disent-elles, l’iniquité.

2 – Dans la foulée des manifestations qui se répandent dans le monde pour dénoncer le racisme institutionnel de la police américaine, on apprend, en France, que 8.000 policiers se retrouvent sur « facebook » pour échanger des propos très souvent racistes, sexistes et homophobes.

3 – Les manifestations françaises se mettent alors à dénoncer aussi bien le « délit de faciès » et les discriminations qui orientent les interpellations des policiers que la méthode d’immobilisation au sol des individus "récalcitrants" (conseil : faites attention au risque de "délit d'outrage et rébellion").

4 – Le sociologue Sébastian Roché (De la Police en démocratie, Grasset) rappelle sur les ondes de France Culture les innombrables études qui établissent la réalité d’innombrables faits de discrimination : « On  a maintenant depuis plus de dix ans un grand nombre d'enquêtes sur la manière dont la police travaille, sur les contrôles d'identité et sur le traitement des personnes pendant les contrôles et les sanctions à l'issue des contrôles. On a observé les comportements policiers avec une méthodologie très précise. (…) Et aujourd’hui, on a un énorme corpus de données qu'on n'avait pas il y a dix ans. Et toutes ces études montrent une chose simple : dans toutes les villes où on a fait les enquêtes, la police en France a des comportements discriminatoires. ». La question que je me pose : ont-ils des ordres de leurs chefs ? A priori, je réponds : probable ("politique du chiffre" oblige).

5 – Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, en concédant aux manifestants que s’il y a « suspicion » de racisme de la part de la police, cela mérite sanction. Cette petite concession suscite aussitôt les hurlements de colère du corps policier tout entier qui clame que « son » ministre le lâche et lui retire sa confiance. Castaner a commis le "crime" d'infraction à la sacro-sainte "omerta" qui lie tous les membres de la "famille" dont il est le "parrain". Ce refus violent de toute remise en question d'une composante majeure de la république par cette composante même est tout simplement scandaleux.

6 – Politisation du problème : j’entends à quelques rares reprises dans les médias que pas loin de 50% des policiers (Mélenchon prétend 75%) votent très habituellement Front National (maintenant Rassemblement National) aux élections présidentielle, législatives et municipales. Dans le même temps, Christian Jacob (Les Républicains) et Marine Le Pen (je ne parle pas du préfet Lallement) prennent publiquement la défense de la police en affirmant haut et fort que non, « la police n’est pas raciste » (ce qui est vrai si l'on s'en tient au statut du corps constitué, mais pas forcément si l'on fait une enquête sociologique sur l'orientation politique majoritaire des personnels).

7 – Pendant que le ministre de l'Intérieur bat sa coulpe, se convertit à la reptation ventrale et opère un savant "repli sur des positions préparées à l'avance" en espérant colmater les brèches, Marine Le Pen se démène comme un beau diable pour draguer les faveurs des policiers en allant sur le terrain visiter un commissariat et faire quelques selfies en compagnie de quelques uniformes.

***

Voilà les données du problème telles que j’ai cru pouvoir les rassembler en me fiant aux informations reçues. Les conclusions que j’en tire ne sont pas rassurantes du tout. Car je me permets de faire le lien avec l’éternisation sur le territoire français de la notion d’ « état d’urgence » : d’une part directement avec la déclaration et la prolongation de l’ « état d’urgence sanitaire » pendant des mois ; d’autre part indirectement il y a déjà quelque temps, lorsque Macron a obtenu de ses députés-godillots que soient insérées dans le droit commun certaines des mesures d’urgence que Hollande avait prises après les attentats terroristes de 2015. Or, qui dit "état d'urgence" dit restriction des libertés publiques telles que définies par la Constitution. Le pire, c'est que cet état de choses semble n'inquiéter que très peu de Français.

Tout ça mis bout à bout, je trouve que la situation devient fort inquiétante. Je n’oublie pas que Marine Le Pen figurait au 2ème tour de la dernière présidentielle, qu’elle aspire au pouvoir et que, peut-être, elle y accédera un jour. Je poursuis le scénario : supposons Marine Le Pen présidente de la République française. Elle dispose d’une police dont environ la moitié lui est politiquement acquise. Vous vous rendez compte ? Une tête de pont de l’extrême-droite en plein cœur des institutions de la république ? Une garde prétorienne composée de gens sur-armés, entraînés et dévoués ? C'est alors qu'on pourrait s'attendre au pire.

Conclusion : pour moi, les problèmes liés à l’exercice de la fonction de policier ont cessé d’être purement institutionnels, administratifs ou même moraux. Le problème est principalement politique. Les problèmes de racisme, de sexisme et d'homophobie en sont de simples corollaires : s'il y a du racisme dans la police, c'est seulement parce qu'il y a une proportion peut-être majoritaire de la police qui flirte avec l'extrême-droite. Cette seule idée me terrifie.

D'autant que je note par ailleurs une certaine convergence entre les décisions prises par le gouvernement et la majorité du président Macron (mesures d'état d'urgence maintenues dans le droit commun) et l’envie de pouvoir qui tenaille l’état-major du Rassemblement national de Marine Le Pen. Comme si l'actuel président préparait benoîtement la venue de la seconde.

Oui, vous allez peut-être me dire que j'ai tort de me monter ainsi la tête, mais je le dis : aujourd’hui, je suis résolument républicain, mais j’ai peur de la police.

Voilà ce que je dis, moi.

PS ajouté le 15 juin : j'apprends incidemment, comme au détour d'une phrase, que l'équivalent britannique de notre IGPN est composée exclusivement de membres non policiers. Macron pourrait s'en inspirer.

jeudi, 11 juin 2020

POLICE : 8.000 BREBIS GALEUSES ?

Post-scriptum à mon billet d’hier (11 juin) : Il fallait s’y attendre : les déclarations très modérées de M. Castaner, ministre de l’Intérieur, admettant que s’il y a du racisme dans la police il doit être sanctionné, ont immédiatement suscité une levée de boucliers dans les rangs de la police. Le chœur est unanime : « Nous sommes désavoués ! Au secours ! ».

Ah c’est sûr, faut pas les chatouiller. Le corps policier ne tolère pas la plus petite réserve, le plus léger accroc, le moindre écart au soutien entier et massif du pouvoir à tous les faits et gestes de ses personnels. Quoi, on ose leur demander d'être irréprochables ? De ne pas être racistes ? Quel culot, ce ministre ! Le corps policier est tout entier en colère. Pas touche ! C'est tout ou rien : « Love me or leave me ! ». Qu'on se le dise : le corps policier est un et indivisible. Attaquer un élément, c'est les critiquer tous.

Et bien sûr pas question de se désolidariser des collègues suspects de dérive raciste ou violente : la surface de la cuirasse ne tolère aucun défaut, le vernis doit rester absolument intact. Et bien sûr pas question d’un « mea culpa » qui donnerait raison aux ennemis déclarés de la police (suivez mon regard). Allez, circulez ! Je me dis que certains loulous ne demandaient pas d'autres encouragements pour alimenter leur haine des flics.

Il n'est pas né, le décideur politique qui osera changer quoi que ce soit aux petites habitudes de la gent policière à la française. Le pouvoir avait déjà renoncé, devant la menace, à toucher à son système de retraites. Il faudrait un Samson, un Héraklès, un « Jupiter » pour l'amener à « se réinventer » (n'est-ce pas, M. Macron ?), mais on n'en a plus en magasin : rupture de stock. Circulez, on vous dit ! 

On n'a pas plus le droit de critiquer la police sans se faire accuser d'atteinte à son moral qu'on n'a le droit de critiquer Israël sans se faire traiter d'antisémite. Et tant pis pour les gens ordinaires. On dirait que la police ne conçoit les relations avec ces derniers que sous l'angle du rapport de forces.

Voilà ce que je dis, moi.

***

Pour se faire une idée des raisons de se méfier de la police, il suffit d'écouter (ici, 9') Sébastian Roché, auteur de De la Police en démocratie (Grasset). On a pu l'entendre en direct le 12 juin sur l'antenne de France Culture, interrogé par Guillaume Erner. Il dit surtout que dans toutes les études fondées sur des observations précisément localisées (gares, entre autres), les discriminations à la couleur de peau sont abondamment documentées et tout à fait incontestables. Il n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.

mercredi, 10 juin 2020

POLICE : 8.000 BREBIS GALEUSES ?

Quelques questions que se pose un citoyen ordinaire.

1

Les journaux en sont pleins : le ver est dans le fruit policier. Les uns crient aux « violences policières » en brandissant la photo d’Adama Traoré. Les autres dénoncent, sur la base d’informations sur un « groupe facebook » plus ou moins secret, le racisme, le sexisme et l’homophobie qui règnent en douce dans les rangs de la police. Vous avez dit "violence", "racisme", "sexisme", "homophobie" ? C’est curieux, ces quatre accusations : ce sont les mêmes que les « modérés » lancent traditionnellement contre l’extrême-droite. Quand j'ai fait le rapprochement, je me suis dit : « Bon sang, mais c'est bien sûr ! ». Dis-moi ce qu'on te reproche, je te dirai qui tu es. Alors, police et extrême-droite dans le même sac ?

Qu’est-ce qui a fait élire Macron en 2017 ? Est-ce son charisme de jeune premier porté par un bagou de première classe ? Non : c’est le rejet viscéral du parti de Marine Le Pen, considéré en général comme raciste, sexiste et homophobe, et dont on pense qu’il tolère volontiers dans son voisinage des groupes peu connus pour leur pacifisme ou leur non-violence.

Donc ils seraient 8.000 membres des forces de l’ordre à se retrouver dans un « groupe facebook » dédié pour lâcher des insanités en toute confidence auprès des collègues. S’ils sont vraiment 8.000, on ne peut plus parler de « brebis galeuses » ou de problème conjoncturel lié à des individus isolés : le problème est bel et bien structurel. C’est le corps policier dans sa globalité qui est touché.

La vraie question à poser selon moi est donc celle-ci : la police française est-elle d’extrême-droite ? Ou du moins noyautée par l’extrême-droite ? Car se demander si la police française est raciste ou s’il y a des « violences policières », c’est répondre « non » à la question avant même de l'avoir posée.

C'est parler comme Marine Le Pen, le préfet Lallement et Christian Jacob, président du parti Les Républicains : "Non, la police n'est pas raciste !". Le seul fait que Marine Le Pen s'érige en défenseur de la police est en soi révélateur d'une certaine complicité. J'ai entendu – je ne sais pas si c'est vrai – que la dernière présidentielle a vu 50% des policiers voter pour Marine Le Pen. Si c'est vrai, c'est grave.

C’est aussi biaiser avec cette question autrement essentielle : dans quels milieux sociaux et politiques, sur quels critères la police recrute-t-elle ses membres ? De quelle idéologie sont porteurs les jeunes qui présentent leur candidature aux écoles de police ? Quelle idée se font-ils de l'ordre ? Des rapports sociaux en général ? J’attends les études sociologiques qui nous éclaireront sur ce point, mais il y a déjà de quoi nourrir quelques soupçons.

2

Une autre question qui se pose à propos de la police française est de savoir quel est le fond de la doctrine qui sert de base à la formation des futurs policiers. Je serais très curieux de découvrir le « référentiel » où sont détaillés les éléments qu’ils doivent ingurgiter avant d’être admis dans les rangs des forces de l’ordre. Même question à propos des cadres : à part le Code de Procédure Pénale dans ses moindres détails, que leur demande-t-on de savoir avant de les autoriser à distribuer ordres et consignes à leurs futurs subordonnés ?

Ce dont j’ai peur peut se formuler ainsi : quelle représentation des gens ordinaires diffuse-t-on parmi les gens en uniforme au cours de leur formation et après ? Quelle image se font-ils de « monsieur-tout-le-monde » ? J’ai bien peur que là aussi, quelque chose n’aille pas du tout. Je crains en effet que le fond de la doctrine construise l'image d'une population a priori inexistante ou hostile.

Par « inexistante », j’entends une des principales règles des bidasses de base au temps où tous les jeunes Français faisaient leur service militaire : surtout ne pas se faire remarquer, pas de vague, passer entre les gouttes. Quand tu commences à exister aux yeux de l’adjudant, c’est mauvais pour toi, voilà ce qu'il se disait, le bidasse. Si le citoyen ordinaire commence à exister aux yeux du policier, c’est que le citoyen pose problème, voire qu’il est potentiellement dangereux.

C’est ce que j’entends par vision « hostile » : je me demande si, dans le corps de la doctrine inculquée aux forces de l’ordre, la population n’est pas considérée comme un réservoir de menaces multiples. D’où, par exemple, le recours banal aux clés d’étranglement : j’ai entendu un syndicaliste de la police utiliser l’argument de Margaret Thatcher (TINA : There Is No Alternative) et affirmer qu’il n’y a pas d’alternative à cette « clé » pour maîtriser un individu potentiellement dangereux. La question est : est-ce que, dans leurs écoles, les futurs policiers apprennent à voir les citoyens ordinaires comme un danger potentiel permanent ? Cela n’explique-t-il pas, surtout si l’on tient compte de la droitisation globale des forces de police, le recours bien trop fréquent à la violence ?

3

Dernière question que je poserai ici mais sans y répondre, faute d’éléments d’analyse suffisants : quelle stratégie les décideurs politiques (gouvernement) et administratifs (préfets) adoptent-ils en matière de police ? Comment usent-ils de cet outil ? Rien qu’à voir la façon dont les manifestants contre la loi travail (El Khomri) ont été traités, puis les manifestants contre la réforme des retraites, puis les manifestants portant un gilet jaune, on se dit que la stratégie des décideurs est claire comme de l’eau de roche : répression, répression, répression. Les décideurs politiques et administratifs usent et abusent de l’argument d’autorité, sans doute parce qu’ils pètent de trouille à l’idée du schproum qui pourrait se produire s’ils ne réprimaient pas. C’est juste une hypothèse, bien sûr.

Conclusion.

Quoi qu’il en soit, il est sûr que notre police dysfonctionne gravement, et pas seulement du fait de quelques brebis galeuses, mais parce qu’elle est fondée en tant que système sur des conceptions erronées : la société ordinaire est vue en haut lieu comme un pays étranger, a priori hostile, contre la menace duquel il faut se prémunir (on se rappelle Macron inscrivant dans le droit commun des mesures d'urgence prises par Hollande à l'époque des attentats). Alors qu'il faudrait que la police puisse être dans la société comme une catégorie parmi d'autres.

D’une part, si je compare avec les polices allemande et anglaise, je conclus que la violence policière peut parfaitement n’être utilisée par les pouvoirs qu’en tout dernier recours, et non en premier réflexe. D’autre part, je me dis que Jospin avait tout compris quand il a fondé la « police de proximité », qui visait à insérer les policiers dans la vie quotidienne des citoyens ordinaires comme des poissons dans l’eau. Il a fallu qu’un misérable bousilleur du nom de Nicolas Sarkozy détruise cette trouvaille formidable, sous le prétexte qu’un policier, c’est seulement un bâton. Non, les policiers sont des citoyens ordinaires parmi les autres, et devraient se considérer comme tels.

Policiers, rendez-vous compte que votre vie professionnelle pourrait être infiniment plus tranquille et moins conflictuelle, si vous acceptiez, en citoyens ordinaires porteurs de loi, d’uniformes et d’armes, de côtoyer d’autres citoyens ordinaires en qui vous ne verriez pas, a priori, des dangers potentiels ou a priori hostiles. Débrouillez-vous pour être parmi les gens ordinaires comme des « poissons dans l’eau ». Vous avez un sacré chemin à faire pour vous faire aimer par la population, comme cela s’est produit après l’attentat de Charlie Hebdo et après le Bataclan. Vous savez que c’est possible. A vous de voir.

Voilà ce que je dis, moi.

mercredi, 15 janvier 2020

2020 : VIVE LA CENSURE !

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POUR LE DROIT DE HEURTER TOUTES LES SENSIBILITÉS

La même déconvenue a touché Keira Drake, auteur américain de romans pour adolescents. Sa faute à elle ? « Dans un monde futuriste, une jeune femme se retrouvait prise au piège au milieu d’une guerre entre deux peuples ». Quand des extraits sont publiés, la furie embrase Twitter : « Raciste ! ». La description des deux peuples, trop « stéréotypée », fait de l’un des Amérindiens et de l’autre des Japonais. Finie la « belle peau bronzée », finie la « peau brun rougeâtre » : la dame accepte que son livre soit réécrit sous l’œil d’un « sensitivity reader ». Capitulation en rase campagne : elle « présente ses plus plates excuses ».

Tout ça se passe en Amérique, dira-t-on. Soit, mais les éditeurs français ont déjà pris le pli. Sigolène Vinson a écrit un livre où elle décrit un petit garçon de 12 ans, en s’efforçant de donner une existence concrète et sensible à son personnage. Le manuscrit lui revient avec dans la marge ce commentaire de l’éditrice : « Erotisation du corps d’un enfant ». Par les temps qui courent, c’est plutôt dangereux. 

Résultat ? Sigolène Vinson s’arrache méthodiquement les cheveux, « parce que je n’arrive pas à me résoudre à ne lui donner que deux bras, deux jambes ». Ce qu’elle voudrait, c’est décrire « ses pieds », « sa nuque, son odeur de sel, de sueur surtout ». L'odeur corporelle. Ni une silhouette, ni un schéma, ni un stéréotype : une vraie personne qui vit et qui respire, quoi.

Alors que fait l’écrivain ? « Mais voilà, j’efface de mon roman toute trace d’un désir que je n’ai pas pour les petits garçons. Ma confiance sapée, je m’interroge sur mes autres personnages. Ai-je le droit d’en avoir un gros alors que je ne le suis pas ? Une mère alors que je ne connais rien du bonheur ou de la souffrance d’en être une ? Un vieux alors que je suis encore jeune, heureusement plus pour très longtemps ? Un Algérien alors que je ne suis que la petite fille d’un porteur de valise du FLN ? ». Elle est là, la censure ! La censure, c'est ce que dessine le même Foolz (?) (voir hier et ci-dessous).

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Sigolène Vinson cite dans son article Manon Fargetton, qui écrit pour les adultes et la jeunesse : « Comment refléter le réel dans sa complexité. J’ai une vraie  envie de diversité dans mes romans. J’ai envie que des lecteurs s’y retrouvent, et en même temps, j’ai toujours peur de voler l’espace d’une communauté ou d’une autre. Et s’imposer des quotas n’aurait aucun sens ».

Vous vous rendez compte : « voler l’espace d’une communauté » ! Jusqu’où ira cette dégringolade de la qualité des relations sociales et des conditions de la vie en collectivité ? Dans quelle misère vivons-nous, quand un auteur se sent coupable parce qu'il se dit, en écrivant sa littérature, qu'il est en train de "voler l'espace d'une communauté" ? Pour les quotas, je suis entièrement d'accord : c'est absurde en toute circonstances, élections comprises (vous savez, "parité" obligatoire, "visibilité" des minorités, etc.).

Quel monde, quand l’auteur d’un ouvrage d’imagination se demande s’il a le droit d’imaginer ? Quand les auteurs d’œuvres littéraires craignent par-dessus tout de déplaire à telle ou telle catégorie de la population à laquelle ils ont oublié de penser ? Quand tous les gens normaux commencent à faire dans leur tête la liste de tous les gens dont il faut se garder de heurter la sensibilité ? La liste de tous ceux qui ont l’épiderme tellement sensible qu’à la moindre allusion dont ils peuvent se froisser, ils voient leur petite personne envahie par une urticaire narcissique géante ? La liste de tous ceux qui trouvent ça si insupportable qu’ils crient à l’assassin et appellent Police-Secours ?

C’est cela que Riss, dans son éditorial, dénonce, même s’il met des guillemets, c’est cela qu’il n’ose plus proférer sans guillemets, même si ça le démange : « "couille molle, enculé, pédé, connasse, poufiasse, salope, trou du cul, pine d’huître, sac à foutre" ». Hélas, Riss lui-même semble se garder de heurter de front ces épidermes ultrasensibles qui le dégoûtent. Trop dangereux, se dit-il peut-être. Il n’a pas tort de se méfier : le Code Pénal veille, grâce à la surveillance méticuleuse des "associations" féministes et des "associations" homosexuelles.

Le vrai Charlie, le grand Charlie se foutait pas mal de « heurter les sensibilités ». Il les piétinait, les sensibilités, et joyeusement, et férocement. C'est notre époque qui a inventé ce geste ridicule censé mettre des guillemets à ce que la personne qui parle est en train de dire. Vous l'imaginez, Cavanna, vous l'imaginez, Choron, en train de plier vite fait deux doigts de chaque main pour atténuer la brutalité des mots qu'ils éructaient ?

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Ça, c'est quand Sadate a rendu visite à Begin (1977), et c'est en "une". « Raciste ! », « Antisémite ! ».

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"Le journal qui n'a pas peur des bombes. Les Corses sont des cons ! " Il fallait oser, parce que ça pétait à l'époque (1975) !

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Un tel dessin (Wolinski, 1978) serait-il seulement possible aujourd'hui ?

Elle est là, la liberté ! Le grand Charlie balayait d’un revers de la moustache de Cavanna les foutaises du genre : « La liberté des uns s’arrête où commence celle des autres ». Quelle ineptie et quelle sottise !! Mais pauvre pomme, répliquerait Cavanna, tu ne vois pas que les gens, dans la vraie vie, n’arrêtent pas de se frotter aux autres ? De se griffer l'épiderme ? De se frictionner le pelage ? De se piétiner les godasses du matin au soir ? D’empiéter sur l’espace des autres et de voir violer leur propre espace aérien par des missiles envoyés par autrui ? De se jauger ? De s'épier ? De se juger les uns les autres ? Le quotidien, si on sort un peu de chez soi, ce n'est que heurts, cognements, attractions, répulsions, intersections, transactions, rencontres. Ce n'est rien d'autre que la vie.

La liberté d’expression est en train d’étouffer sous le poids de la sottise abyssale d’un crétinisme jaloux de ses prérogatives mortifères : le droit de chacun à vivre dans sa bulle, dans le cocon de l' « identité » sacralisée qu'il s'est tissée, sans que quiconque ose formuler le moindre propos qui effleure sa sensibilité particulière à rebrousse-poil. Le droit de chacun à vivre en chien montant une garde féroce devant son petit lopin. A vivre dans un monde où il règne, obligeant les autres à se rogner les griffes. Un monde où ils mordent quand les autres ont été contraints de se limer les dents. "Incitation à la haine en raison de ..." vous confisquera la parole.

Cavanna et Choron ? Ils passaient beaucoup de temps à se voler dans les plumes, à s'invectiver, à s'injurier, et tout ça fraternellement. Pour ça qu'ils se proclamaient « BÊTES ET MÉCHANTS ». Ils ne concevaient pas leur propre vie lisse et fluide, mais bourrée de rudesses et d'aspérités. Et bourrée de vitupérations, d'éclats de rire et d'une intense joie de vivre. Vous les imaginez, Cavanna et Choron, en éteignoirs ? En rabat-joie ? En employés des pompes funèbres ? En chœur des pleureuses ?

Dans cette exigence de "ne pas être heurté dans sa sensibilité", j'entends comme un caprice d'esthète, une commination d'Ancien Régime : « Manants, passez au large ! Du respect pour mon auguste personne, mille diables ! ». Dans cette conception fliquée de la vie en société, je vois des gens dont la vie se déroule selon des parallèles qui ne se rencontrent que provisoirement ou par l'effet d'un "clinamen" (potassez votre Lucrèce). C'est ça, une société ? Peut-être, mais c'est une société éteinte : encéphalogramme plat.

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Dessin de Fournier, Charlie Hebdo n°2, 30 novembre 1970.

La liberté d’expression est en train de crever de cette folle exigence des individus d’être bien à l'abri des interpellations, épargnés par le tumulte du monde et par les avis non autorisés que les autres (tous les autres) portent sur eux, leurs opinions, leurs façons de faire et de vivre. Autrement dit d’être épargnés par la liberté d’expression des autres (tous les autres). Le projet secret de toutes ces petites communautés qui portent plainte à la moindre « atteinte à leur dignité », c’est d’abord et avant tout de faire taire les avis divergents. Plus personne n'accepte d'être jugé par ses semblables, mais tout le monde s'érige en juge de ses semblables : « J'ai tous les droits ». Comme dit André Marcueil quelque part dans Le Surmâle : « Il faut du bruit pour les faire taire ! ».

Et le Charlie Hebdo du 7 janvier 2020 a beau écrire en grosses lettres sur son plastron « Nouvelles censures … Nouvelles dictatures », ce n’est pas Charlie Hebdo qui sauvera la liberté d’expression. Tout simplement parce que Charlie Hebdo n’ose pas (n'a plus les moyens de ?) poser des noms précis sur ces « nouvelles dictatures ». Cela m’écorche la bouche de le dire, mais c’est Nicolas Sarkozy qui, quand il était président, fustigeait la « dictature des minorités ». C'était Sarkozy, mais c'est lui qui avait raison.

Il ne s'agit pas de revendiquer le "Droit au Blasphème". Qui, en dehors des musulmans, se soucie du blasphème ? Il faut proclamer bien haut le droit imprescriptible de chacun à heurter toutes les sensibilités, à commencer par celle des « associations tyranniques » et des « minorités nombrilistes » (tout le monde a compris dans quelle direction porter son regard, mais chut !). Il faut maintenant penser très sérieusement à rédiger une

DÉCLARATION DU DROIT DE HEURTER TOUTES LES SENSIBILITÉS.

Y compris celle des handicapés, des mongoliens, des pains de sucre, des présidents de la république, des pédés, des yaourts aux fruits, des ministres, des juifs, des huîtres de Cancale, des gonzesses, des musulmans, des curés, des mémés, des tickets de métro usagés, des pépés, des mourants, des immigrés, des poulets aux hormones, des noirs, des SDF, des victimes d'attentats, des affamés du tiers-monde, des blocs opératoires, des noyés de la Méditerranée ... et des ratons laveurs.

Car si je vous disais tout ce qui heurte MA sensibilité, on serait encore là à Noël. Mais ça, tout le monde s'en fout.

Voilà ce que je dis, moi.

Note : comme hier, je me refuse, par compassion, à dire quoi que ce soit du travail des dessinateurs de l'actuel Charlie Hebdo. Mais franchement, qu'est-ce que c'est laid !

mardi, 14 janvier 2020

2020 : VIVE LA CENSURE !

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Cinq ans après la tuerie de Charlie Hebdo et l'assassinat de Cabu, Wolinski, Maris et les autres, la revue rend hommage à l'équipe décimée. Daté 7 janvier 2020 pour le symbole (le mercredi, jour normal de parution, tombait un 8), le numéro est entièrement consacré aux nouvelles formes de censure ("Nouvelles censures... Nouvelles dictatures).

Vaste programme, me suis-je dit. Contrairement à mon habitude, j'ai acheté ce n°1433 : je voulais me faire une idée un peu précise de l'idée que la rédaction actuelle de l'hebdomadaire se fait de la défense de la liberté d'expression, qui formait l'ADN de ses membres fondateurs en 1970. Cavanna, Choron, Gébé, Cabu, Reiser : vous pouviez compter sur ceux-là pour la faire entrer en action, la liberté d'expression.  

Résultat des courses ? Eh bien on peut dire que les temps ont changé. L'équipe actuelle de Charlie Hebdo a la liberté d'expression en vénération, c'est sûr, mais c'est beaucoup moins un vrai et sincère choix d'existence qu'une statue en or devant laquelle il convient de se prosterner. Comme si la liberté d'expression était devenue un simple lieu de mémoire. Si je parle de "choix d'existence" c'est en pensant d'abord à Cavanna et Choron.

Oh, on ne peut pas dire que l'intention n'y est pas : « Hier, on disait merde à Dieu, à l'armée, à l'Eglise, à l'Etat. Aujourd'hui, il faut apprendre à dire merde aux associations tyranniques, aux minorités nombrilistes, aux blogueurs et blogueuses qui nous tapent sur les doigts comme des petits maîtres d'école quand au fond de la classe on ne les écoute pas et qu'on prononce des gros mots : " couille molle, enculé, pédé, connasse, poufiasse, salope, trou du cul, pine d'huître, sac à foutre". Ecrivez ces mots sur votre compte Twitter, et aussitôt 10000 petits Torquemada vous jetteront au bûcher. » Notez qu'il ne dit pas "dire merde", mais "apprendre à dire merde" : pas la même chose. Lâche-toi, Riss : à qui veux-tu dire merde ? Qui est-ce qui te tape sur les doigts quand tu dis "pédé" ? Quand tu dis "poufiasse" ?

Car c'est Riss qui s'épanche ainsi dans son "Edito". Il laisse pointer le bout de l'oreille de sa rage. Mais pourquoi faut-il que, quelques lignes plus haut, il ait commencé par chausser les pantoufles du "politiquement correct" le plus confortable ? Pourquoi faut-il qu'il enfourche le cheval de bois (cheval de retour) le plus convenu ? « Il y a trente ou quarante ans, on appelait ça le "politiquement correct", et cela consistait à combattre le racisme, la misogynie ou l'homophobie, ce qui en soi était plutôt logique et évident ». Drôle de pirouette, ou paradoxe mal assumé. Il faudrait préciser les noms exacts que recouvrent concrètement les étiquettes "associations tyranniques" ou "minorités nombrilistes" : est-ce qu'il ne viserait pas par hasard les fanatiques du féminisme, de la "cause" homosexuelle ou de la "cause" musulmane ? Misogynie et homophobie furent-ils un jour des combats "évidents" ?

Quoi qu'il en soit, il y a du mou dans la corde à nœuds. Que je sache, ni Reiser, ni Cabu, ni Cavanna, ni Choron n'ont jamais épargné les militantes féministes ou les militants homosexuels. C'est le militantisme, surtout inféodé à des "causes" et organisé comme à l'armée, qui leur sortait par les trous de nez. Riss avoue ici, bien qu'il s'en défende et que ça me fasse mal au cœur, que Charlie n'est plus dans Charlie. Je veux dire que l'esprit qui animait ceux qui ont fait Charlie (et Hara Kiri avant lui) n'est plus le cœur battant de son descendant.

Prenez le papier du petit Yannick Haenel : bon, ce qu'il dit à propos des USA et de leur obsession de sexe et de bondieuserie n'est pas faux, mais pourquoi faut-il qu'il se mette à la remorque de "la cause des femmes" et qu'il entonne ce refrain qui sert de vaseline passe-partout à quelques hommes en vue occupant certains "créneaux" (cf. Ivan Jablonka et la "nouvelle masculinité") ? « Le sexe est évidemment ce qui rend fou ce pays ; et avec lui la planète entière. Mais grâce à la libération de la parole féminine, qui est le grand événement de ce début de siècle, on se rend compte à quel point cette folie est criminelle : ce que dissimulait la censure (masculine), ce qu'elle continue à obscurcir par son mensonge (patriarcal), c'est l'existence du viol ».

Raisonnement et vocabulaire sont de la pure démagogie à base d'air du temps : se rend-il compte à quelle dictature potentielle risque de conduire le mouvement #metoo ? Et j'ignore jusqu'où Haenel est allé fouiller dans les dessous de la société française pour y trouver des traces de "patriarcat". Et puis vous imaginez, vous, Cavanna et Choron se joindre au chœur des tendances lourdes de leur temps ? Vous les voyez, Cavanna et Choron embrigadés ? Quel contresens ! Mais que vient faire ici le petit Yannick Haenel ?

L'avocat Richard Malka fait son boulot d'avocat, sans plus : il brasse. Je veux oublier ce que dit Denis Robert de cette personne peu recommandable dans son livre Mohicans. Je laisse de côté le papier de Luce Lapin, qui vient au secours de la cause du véganisme. Je rappellerai seulement à la dame que « toute chair est comme l’herbe » (Psaume 103) et que quand je mange de l’herbivore bien rouge et goûteux, je m’assimile forcément l’herbe qui l’a nourri. Je suis donc moi-même indirectement herbivore. Guillaume Erner, l'intellectuel, l’animateur, talentueux mais un tantinet "mainstream" des matins de France Culture, vasouille en déplorant que l’existence actuelle de la censure apporte la preuve par défaut de la défiance dans laquelle ses partisans actuels tiennent le langage et les pouvoirs de l’argumentation rationnelle (ce qu'il appelle "molle conviction").

Yann Diener et Fabrice Nicolino ("Nous voulons des coquelicots") dressent de brefs historiques, le premier de la façon dont les premiers traducteurs de l’œuvre de Freud ont lissé la pensée du maître en donnant de ses concepts des équivalents linguistiques castrateurs ; le second rappelle la puissance des lobbies dans la mise en doute de la vérité scientifique (tabac, amiante, réchauffement), Claude Allègre étant l’invraisemblable cerise sur le gâteau du climato-scepticisme. Le papier de Gérard Biard n'apprend pas grand-chose : je dirai qu'il ne se mouille pas trop et ne sort guère du tout-venant. Il est conforme au cahier des charges.

Bref, jusque-là, pas besoin de se relever la nuit pour aller acheter Charlie Hebdo spécial censure : au lieu de l’explosion annoncée en couverture, on a un pétard mouillé. Heureusement, Philippe Lançon me semble à la fois plus subtil et plus vrai quand, à propos de Gauguin, il s'inquiète de ce que les musées américains exposant ses œuvres les assortiront de cartels portant la mention « Pédophile ». L’emprise du « politiquement correct » aux Etats-Unis ne cesse de s’étendre et de tout contaminer.

Et encore plus heureusement, on trouve du beaucoup plus consistant dans le papier (« Littérature amputée au nom du "bien" ») de Laure Daussy, et dans l’intervention (« Et si le nouveau censeur c’était moi ») de Sigolène Vinson qui vient en quelque sorte l'illustrer. Sigolène Vinson ? Mais si, vous savez, cette fille stupéfiante qui, un certain 7 janvier, a réussi à "hypnotiser" Saïd Kouachi pour qu’il n’aperçoive pas son collègue Jean-Luc, le maquettiste, abrité sous une table. « On ne tue pas les femmes », avait crié l’assassin à son frère Chérif : trop tard pour Elsa Cayat (se reporter à l'article formidable de Marion van Renterghem dans Le Monde du 14 janvier 2015). Moi, en tout cas, je n'oublie pas le récit de cette scène d'une intensité à couper le souffle. 

L’article de Laure Daussy étudie les ravages du "politiquement correct" dans le domaine de la création littéraire. Biard a bien raison de rappeler ce qu’a d’insupportable l’interdiction de fait qui empêcha les représentations en Sorbonne des Suppliantes d’Eschyle au motif que les acteurs portaient une « black face » (un masque de cuivre qui les assimilait à des noirs). On ne peut plus montrer les souffrances d'un peuple dans un spectacle si ce n'est pas ce peuple lui-même qui conçoit et réalise le dit spectacle. Daussy montre que ce genre de censure s’est désormais introduit en amont du geste même de l’écriture des livres de fiction.

L’écrivain, dans ce nouveau monde, aura un ange gardien, dont le métier sera de relire tout ce qu’il aura écrit, pour en signaler en haut lieu ce qui risque d’attirer la rogne, la hargne et la haine des « réseaux sociaux », et pour que toute aspérité soit éliminée du texte avant sa publication. J'entends par "aspérité" toute idée risquant de heurter des sensibilités quelles qu'elles soient.

Ce métier existe déjà : ce sont les « sensitivity readers » (littéralement « lecteurs de sensibilité »), des gens qui sont à l'écoute de toutes les "communautés" qui constituent de nos jour une société.

Il s’agit pour l’éditeur du livre d’éviter toute critique morale et d'effacer toute assertion comportant des risques médiatiques ou judiciaires. Pour cela, il ne faut donner prise à aucun reproche éventuel. Je me suis laissé dire que certaines grosses maisons d'éditions font appel (depuis combien ?) à des spécialistes juridiques pour réécrire les épanchements d'écrivains pour éviter les procès.

Le but à atteindre est parfaitement clair. M. Kosoko Jackson, « qui se présente comme sensitivity reader noir et queer, tweetait en mai 2018 : "Les histoires sur le mouvement des droits civiques devraient être écrites par les Noirs, les histoires sur le droit de vote devraient être écrites par les femmes, les histoires sur l’épidémie de sida devraient être écrites par des gays, est-ce que c’est difficile à comprendre ?" ». En clair : seuls des noirs peuvent parler des noirs, même chose pour les femmes, les musulmans, les homosexuels, les handicapés, etc. Comme le dessine drôlement un nommé Foolz (?), en page 11 : dans cette logique délirante, seul Gabriel Matzneff serait habilité à parler de la pédophilie.

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Comment en est-on arrivé là ? Pour aller vite : la faute aux réseaux sociaux. Leur capacité de nuisance est terrifiante et absurde. Le dessinateur Antonio Moreira Antunes l’a appris à ses dépens : le New York Times a banni de ses pages tout dessin de presse depuis qu’il a représenté Donald Trump comme un aveugle portant la kippa et guidé par un chien à tête de Nétanyahou portant un collier à étoile de David. La faute aux réseaux sociaux, qui ont brandi l’accusation d’antisémitisme. Le grand journal américain a baissé la culotte devant cette arme de destruction massive. [Le contenu de ce paragraphe n'est pas pris dans l'article.]

Voilà ce que je dis, moi.

A suivre.

Note : je me refuse, par compassion, à dire quoi que ce soit du travail des dessinateurs de l'actuel Charlie Hebdo.

mardi, 30 mai 2017

IL EST INTERDIT DE NOMMER

Je devrais me raisonner, penser à autre chose, me détendre, me divertir comme tout le monde, mais je n'arrive pas à m'y faire. Il y en a assez de ces discours qui, sous prétexte qu'on milite, les uns contre le racisme ou la xénophobie, les autres pour la tolérance ou le "droit à la différence", d'autres encore contre le sexisme ou l'homophobie (j'arrête là l'énumération des "causes à défendre"), répandent entre les individus le venin du soupçon généralisé, en même temps qu'ils font régner une sorte à la fois dure et molle de terreur intellectuelle à l'encontre de ceux qui ont le très grand tort de ne pas croire dans cette nouvelle religion punitive, de ne pas se lancer dans le même combat ou de ne pas défendre la seule cause qui vaille : celle des policiers de la pensée. Il est interdit de commenter le comportement et les discours des "minorités".

Pendant que se poursuivent tranquillement, méthodiquement, les destructions de toutes sortes, sous les coups de l'industrie, de la chimie, de l'économie financiarisée, de la compétition technologique forcenée, de la robotisation, de la privatisation de tout (en ce moment, c'est Véolia qui met la main sur la plage "familiale" de La Baule), etc. ; les mêmes bonnes âmes, qui ont forcément tout compris, qui savent donc forcément poser les questions essentielles et les problèmes cruciaux, et qui tiennent le haut du pavé médiatique (autrement dit qui tiennent solidement la machine à mouliner la propagande et l'air du temps), braquent leurs regards, surtout pas sur les causes des malheurs du monde, mais sur leurs seuls effets dans la société, je veux dire l'adorable nombril sociétal du "vivre-ensemble" et des "valeurs qui sont les nôtres" : elles sont donc à l'affût des moindres pets de travers et des plus petites infractions au Dogme, pour sceller la bouche de leurs méchants adversaires.

Car il est bien entendu qu'ils sont les Bons, qu'ils se tiennent sur l'Axe du Bien, et que, comme disait George W. Bush en son temps : « Ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous ». Tous les autres ont interdiction de dire quoi que ce soit : ils sont l'Axe du Mal, contre lequel ils sont partis en croisade (mais, contrairement à celui provoqué par Bush, le chaos qu'ils installent est dans les esprits, ce qui n'est pas mieux), et tous les moyens sont bons pour les faire taire. Le Code Pénal fourmille d'ailleurs, aujourd'hui, de tels moyens ad hoc, grâce à l'action de longue haleine d'une foule de gens discrets et adroits auprès de ceux qui font les lois, qui pensent acheter ainsi leur réélection.

Beaucoup de ces gens "bien intentionnés", qui ont, à les en croire, le cœur sur la main, ressortent, à la moindre occasion, cette phrase d'Albert Camus : « Mal nommer les choses, c'est ajouter aux malheurs du monde ». Mais ce sont les mêmes grandes âmes qui s'empressent de poser les scellés des interdits sur les mots, et sous peine de correctionnelle, dès qu'il s'agit de leur sacré à eux. 

Ma mauvaise humeur (c'est un euphémisme !) est motivée cette fois par un nouvelle preuve qui vient d'être donnée qu'il est interdit de toucher à certains tabous : une pétition a obtenu 20.000 signatures en peu de temps, par toutes les personnes qui ont quelque chose à voir ou à faire dans le quartier de La Chapelle à Paris (18°). Origine de l'affaire : les femmes et les filles qui passent dans le quartier en ont eu ras-le-bol des commentaires, des insultes, voire des gestes dont elles sont l'objet. Ce sont bien sûr presque exclusivement des hommes qui peuplent la rue. Je devrais dire : qui y stationnent.

Pour quelle raison, ces commentaires, insultes, etc. ? La tenue vestimentaire de la gent féminine passant à portée du regard des mâles présents. Les seules femmes qui ne risquent rien sont évidemment les plus couvertes, et si possible de la tête aux pieds. Quant aux autres, inutile de dire que plus elles donnent à voir de leur surface de peau, plus elles doivent s'attendre au pire. L'une d'entre elles raconte même, par temps de forte chaleur, que, pour être tranquille, elle préfère passer là vêtue d'un vaste pull en laine. Cela se passe dans le nord-est de Paris, capitale de la France.

Qui sont ces hommes ? Chut, il est interdit de le dire : les sentinelles vous écoutent. Car il est interdit de "stigmatiser" toute une "communauté". Bon, on a compris quand même. Au fait, comment s'appelle-t-il, l'auteur du livre Les Territoires perdus de la république, au point que des gens très sérieux en sont venus à parler de véritable "sécession" de toute cette partie de la population ? Quelque chose en France semble s'être définitivement rompu. Mais ce quelque chose, il est interdit de le nommer. Disons-le malgré tout : la mentalité et la culture arabo-musulmanes sont profondément sexistes, homophobes (voir la Tchétchénie ces derniers temps) et antisémites.

On se souvient de la Saint-Sylvestre 2016 sur la place de la gare de Cologne. L'étonnant de l'affaire avait été que les premières à se scandaliser de ce qui s'était passé étaient, presque naturellement, les féministes, mais bientôt combattues par les antiracistes, qui voyaient dans cette dénonciation une intolérable atteinte aux droits de l'homme. Je n'aurais pas voulu être dans la peau et dans le dilemme de celles qui étaient à la fois féministes et antiracistes.

On se souvient aussi du désormais défunt "ABCD de l'égalité" promu par la Sinistre de l'Education, qui devait apprendre à tous les enfants que les garçons doivent respecter les filles et ne pas se sentir supérieurs. A tous indistinctement, y compris à ceux qui en sont déjà convaincus du fait de l'éducation reçue, et quelle que soit leur origine sociale et culturelle. Inutile d'ajouter à quelle partie spécifique de la population était censé s'adresser ce message. La Sinistre de l'Education en question, c'est celle qui fut capable de clore une interview en lançant au journaliste un « inch Allah » décomplexé. 

Ce tabou qui scelle les bouches (sous peine de) sème et signifie la mort de quelque chose. Quoi exactement ? Difficile de mettre des mots là-dessus. En tout cas, c'est quelque chose d'important, et même de vital pour la vie en collectivité. « Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde ». C'est bien vrai, Albert. Mais que dirais-tu, aujourd'hui, du refus de nommer les choses pour ce qu'elles sont ? Et de ceux qui interdisent de les appeler par leur nom ? 

jeudi, 02 mars 2017

COMBIEN DE MEHDI MEKLAT ?

Je ne m’étendrai pas sur l’histoire qui a suivi la révélation des messages clandestins diffusés sur Twitter par le bondyblogueur devenu malheureusement célèbre Mehdi Meklat. Je n’ai pas prêté attention (ni de près, ni de loin, ni du tout) aux péripéties qui ont accompagné, puis suivi la naissance et l'existence du Bondy blog (suscité par deux Suisses altruistes venus sur place lors des émeutes de 2005). Je veux juste poser une question, parce que je n’ai pas entendu qui que ce soit la poser dans les médias que je fréquente (côté touiteur-fessebouc-etc., je suis réseau zéro : je suis entré en réticence).

Certes, Mehdi Meklat est une figure qui a émergé précisément après les émeutes de 2005 grâce à un indéniable talent (paraît-il) dans le maniement du verbe, ce qui a, semble-t-il, décidé de sa vocation de "journaliste". Certes, grâce à lui et à son pote Badrou (Badroudine Saïd Abdallah), on a raconté que les « banlieues difficiles » avaient pris la parole, parce que ces deux jeunes donnaient enfin une voix à des gens qui en étaient privés depuis toujours.

Je n’éprouve pas la curiosité de découvrir le contenu des dizaines de milliers de messages que Mehdi Meklat a postés. Il paraîtrait, d’après ce que j’en ai appris, qu’on peut difficilement faire mieux en matière de haine antisémite, homophobe et misogyne. Aller y voir de plus près ne m’a pas effleuré l’esprit. Je laisse le monsieur à ses dérives et à ses repentirs, véridiques ou simulés.

Non, s’il est vrai que son entourage et pas mal de ses proches étaient parfaitement au courant de ce que Mehdi Meklat pouvait dire sous pseudonyme, la question que je me pose est la suivante : combien approuvaient les propos ? Dans la communauté qui gravitait autour du Bondy blog et de Mehdi Meklat, ces propos font-ils exception ? Ou au contraire, ne sont-il que le reflet d'opinions largement partagées ?

Car il me semble qu’en grattant un peu les croûtes de l’affaire, on a des chances de tomber de nouveau sur une drôle de plaie, un non-dit un peu purulent et malodorant, du genre qu’il faut soigneusement recouvrir quand on parle des « banlieues difficiles » ou des « jeunes issus de l’immigration ». Un tabou qu’il est interdit de dévoiler sous peine de passer pour un fauteur de guerre sociale, d’être accusé  d’ « incitation à la haine raciale », au motif que la « discrimination » ou la « stigmatisation de toute une communauté », à cause de quelques « brebis galeuses », eh bien c’est très vilain.

Il n’y a pas si longtemps, Georges Bensoussan, de confession juive, a pris une magnifique volée de bois vert, après son débat avec Tarek Oubrou, imam de Bordeaux estampillé "musulman modéré", sur l’antenne de France Culture (dans l’émission Répliques d’Alain Finkielkraut), parce qu’il y a déclaré : « Dans les familles arabes en France, tout le monde le sait mais personne ne veut le dire, l’antisémitisme, on le tète avec le lait de la mère ». Pour l’avoir dit, Bensoussan se retrouve en correctionnelle pour les motifs que je viens de citer : stigmatisation d’une communauté, incitation, etc. Eh oui, le droit français ne connaît que des individus : désigner un groupe entier, c’est s’exposer à une sanction de la loi.

Et pourtant, je continue à me demander si Mehdi Meklat ne serait pas, en définitive, qu’un symptôme. Le symptôme visible, du fait de sa notoriété particulière dans son milieu (et en dehors), d’un mal beaucoup plus général et banal, qui touche en réalité en beaucoup plus grand nombre qu’on ne le dit les gens qui constituent tout le terreau sur lequel il a poussé. Oui, autour du Bondy blog (et ailleurs),

combien de Mehdi Meklat ? 

Pourquoi n’aurait-on pas le droit de se demander, si antisémitisme il y a, dans quels secteurs de la société celui-ci s’est répandu ? Et si Mehdi Meklat n’est pas la partie émergée d’un iceberg ? Le genre d’iceberg qui fait dire à Benyamin Netanyahou que la France est un pays antisémite ? Mais je ne me sens pas concerné : qu’est-ce qui est vraiment et viscéralement antisémite, en France aujourd’hui, en dehors de quelques nostalgiques du Troisième Reich ?

Pour répondre à la question, je suggère de regarder du côté de Mehdi Meklat et de tous ses semblables plus ou moins avérés, et de se demander qui, en France, prenant fait et cause pour la cause palestinienne, met dans un seul sac la totalité du peuple d’Israël, comme s'il n'existait dans le pays aucune force qui soit favorable à la paix et à la formation d'un Etat palestinien autonome (mais comme on dit, faut pas rêver : la droite israélienne et les pro-colonisation se voient pousser des ailes depuis l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche : Netanyahou n'a pas fini de s'en prendre à l' "antisémitisme" en France).

S’il en est ainsi, d’abord, il faut que le Français normal se désolidarise de cette partie de la population. Ce que je fais ici. Mais par ailleurs, s’il en est ainsi, il est à craindre que Georges Bensoussan, en tenant les propos qui ont permis de l’envoyer au tribunal, est moins dans l’islamophobie que dans le vrai.

Nous vivons des temps difficiles.

Voilà ce que je dis, moi.

mercredi, 11 janvier 2017

LA GAUCHE COSMÉTIQUE 3

3/3 – Les nouveaux opprimés.

La gauche esthétique et cosmétique s'est introduite dans les consciences, et s'est reconvertie dans la "direction de conscience", vous savez, ce truc mis au point par l'Eglise catholique pour agir sur les individus, en particulier les femmes, par l'intermédiaire de leur confesseur. Le curé, chargé de la conscience des fidèles, était supposé conduire le troupeau de ses brebis dans la bonne direction en leur disant ce qu'il fallait ou non penser, en leur glissant dans l'oreille des « c'est très bien, mon fils » ou « ce n'est pas bien du tout, ma fille », et en leur donnant l'absolution, mais à condition qu'elles fissent pénitence, dissent leur acte de contrition, corrigeassent leurs mœurs et promissent de ne plus recommencer. La gauche cosmétique a adopté le principe mais, faute de curés, s'est tournée vers les juges, les tribunaux, le Code pénal. Il n'y eut plus d'encouragements, il n'est plus resté que le bâton.

Ayant délaissé l'essentiel au profit de l'accessoire et promu au premier rang de ses préoccupations l’attention portée aux relations entre les individus plutôt qu’aux archaïques, prosaïques et dépassés rapports de production, d’exploitation ou de domination de classe, on peut dire que la gauche cosmétique a inventé la moderne « police des mœurs », de la « police des mots », de la « police de la pensée », toutes au taquet pour surveiller comme du lait sur le feu la qualité du « vivre-ensemble », de la « solidarité », de la « tolérance », et prêtes à dénoncer la moindre infraction à ce code d’un nouveau genre sous l’appellation englobante et pratique de « discrimination » (voire pire). Si j'ose dire, "nous n'avons pas les mêmes valeurs" qu'auparavant.

Mieux : un peu comme dans l'ancienne RDA quadrillée par la Stasi, tout le monde s'est mis à surveiller et contrôler tout le monde, au nom de grilles de lectures corrigées, confectionnées par des sociologues, historiens, statisticiens, etc., mais aussi et surtout par de vigilants militants associatifs, activistes de toutes sortes de « causes », souvent influents car bien introduits tout près des lieux de décision. Les féministes se sont mises à guetter la moindre manifestation de machisme ou de sexisme, les juifs ont hurlé à l'antisémitisme, les homosexuels ont traqué le moindre signe d'homophobie, les musulmans se sont mis à l'affût de la moindre allusion islamophobe, les handicapés, obèses, noirs, nains, basanés, yeux bridés se sont mis à monter en épingle le moindre soupçon de discrimination (avec ses subdivisions "à l'embauche", "au logement", "au faciès", ...). Traqueur de "haine" est désormais un métier.

L'épiderme de chacune de ces « communautés » est devenu chatouilleux et d'une sensibilité d'écorché, et chacune n'a plus eu d'yeux que pour ses propres intérêts, klaxonnant dans les médias (très bien relayée par les journalistes) chaque fois qu'elle se sentait lésée, même si peu que ce soit : le « regard des autres » n'est pas encore un délit, mais ça ne saurait tarder (dans la cour de récré, les petites féministes de CE2 iront se plaindre : « Maîtresse, il m'a regardée ! »). 

Nul ne s'est inquiété de ce que pouvait devenir dans ces conditions le sentiment d'appartenance à la société française tout court. Les parties sont devenues plus importantes que le tout, enfin, pas toutes les parties, car il y a du favoritisme en la matière. Pendant ce temps, les puissants ont commencé à sourire, puis à ricaner, puis à rire grassement. En ce moment, ils se marrent à gorge déployée : tout le monde se dispute, tout le monde a oublié qu'ils existent et que c'est eux qui organisent le système et tirent profit des dissensions, ils peuvent dormir tranquilles.

Sous prétexte d'exiger le respect et le droit de ne pas être blessées dans leur être, les minorités, grâce à l'appui de la gauche morale, ont fini par devenir autant de pères fouettards, en se bâtissant sur l'obsession d'interdire à ceux qui ne sont pas d'accord le droit de dire qu'ils ne sont pas d'accord (cf. la citation rebattue de Voltaire : "je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais ..."), et de punir ceux qui osent le faire, au moyen d'autant de lois "ad hoc". Les minorités se plaignirent en se présentant comme des victimes. Leur lobbying intense fait qu'elles sont aujourd'hui habilitées à porter plainte. De la plainte à la plainte, il n'y a qu'une petite polysémie à franchir : les « victimes » (1) sont devenues de vraies parties civiles qui réclament justice, sans oublier les dommages-intérêts. Et pendant que toutes les piétailles se chamaillent, les puissants sont au spectacle : les débats "sociétaux" les arrangent. Ça les divertit, de voir les petits s'étriper. Et ça leur donne tout le temps de s'occuper de faire fructifier leurs affaires.

Cette gauche de langage adore créer légalement des délits verbaux pour punir ceux qui ne pensent pas comme elle et qui osent égratigner la susceptibilité de ses protégés. La droite n’est pas exempte de ce genre de dérive : si je me souviens bien, c’est elle qui a ajouté le « négationnisme » à la liste des délits passibles du tribunal, comme s'il était interdit ou impossible de raconter l'histoire ("détail" compris) autrement qu'elle s'est déroulée : franchement, on se demande, parce que, depuis que l'histoire existe, je ne suis pas sûr qu'un seul historien ait fait l'unanimité sur sa façon de la raconter. Cela n'a pas empêché le collège des censeurs modernes d'inscrire au Code pénal des infractions légales comme « sexisme », « homophobie », « islamophobie », « discrimination » « incitation à la haine » (« raciale » ou du fait de l’ « orientation sexuelle »).

Qu’on se le dise : la gauche, tel un chevalier blanc, se porte naturellement au secours des opprimés. Mais chose très étrange : elle a changé d’opprimés. Comme si l’oppression ancienne avait disparu (huit millions de pauvres, pourtant, cela devrait "interpeller"), ou qu’elle avait changé de visage. Autrefois, on luttait pour de meilleurs salaires et une redistribution plus équitable de la richesse produite. Autrefois, personne ne discutait la légitimité de la régulation de l’économie et des lois sur le travail.

Foin de ces vieilles lunes ! Vous pensez, maintenant on est cul et chemise avec les patrons. Alors aujourd’hui, des travailleurs désenchantés peuvent se battre pour que le Code du travail ne soit pas trop mis en pièces ou que leur usine ne soit pas fermée. Manuel Valls n'a-t-il pas lancé cette déclaration d’amour : « Entreprises, je vous aime ! » ? Les nouveaux opprimés (les minorités), ceux qui sont défendus devant les tribunaux par les avocats de cette gauche (lilliputienne à tout point de vue, mais supérieurement armée de lois), sont de l'espèce dont les puissants raffolent : celle qui ne risque pas de faire vaciller le socle de leur pouvoir, juste parce qu'aucun de ces malheureux ne songerait à faire de ces puissants la cible d'un procès, d'un débat ou même d'une simple interrogation.

La classe ouvrière et les exploités du capitalisme déchaîné peuvent aller se rhabiller et s’inscrire à Pôle emploi (fusion de l'Agence Nationale Pour l'Emploi, ex-ANPE, et de l'Assurance Chômage, ex-UNEDIC, résultat : huit millions de pauvres !). Place à la promotion des « droits des minorités » et du « vivre ensemble ». Au PS, on se fout éperdument de combattre pour de meilleures conditions de vie. Au PS, il n’y en a plus que pour le combat des juifs, des femmes, des immigrés, des homosexuels (n’oublions pas les bi-, les trans- et les inter-), des musulmans, des handicapés, etc. (catégories pas tout à fait ad libitum : il faut réussir l'examen de passage).

On parle à satiété de « retisser du lien social », de « refaire société », mais la vérité est qu’une société n'est pas une liste des minorités qui la composent : que fait-on de la masse des gens normaux, repérables au fait tout bête qu’ils ne sont protégés par aucun des signes particuliers dont ils pourraient se targuer pour se proclamer victimes ? Les militants des minorités, en luttant pour faire reconnaître la justesse de leur cause particulière, ignorent-ils l'effet dissolvant que la promotion de celle-ci a sur le ciment social ? L'effet d'exclusion que leur revendication (finalement identitaire) entraîne sur toutes les catégories qui ne sont pas celle pour laquelle ils militent ? Non, de ça, les minorités se foutent comme de l'an quarante. Leur cri de ralliement : nous d'abord ! Les autres s'il en reste !

Question annexe, quand les individus ne sont plus reliés aux individus qu'ils côtoient par des liens de nécessité (les anciennes sociétés rurales), quand l'interdépendance bien concrète qui les attachait les uns aux autres se fait très indirecte, ténue et, pour ainsi dire, abstraite (comme c'est le cas aujourd'hui dans nos sociétés trop complexes), que reste-t-il du sentiment d'appartenance ? Quand les "communautés", qui sont aussi, après tout, des composantes de la société, interviennent en tant que telles pour inspirer les lois, que reste-t-il de la société au sens fort ? Passons.

La vérité est que la « question des minorités » est en France un vulgaire produit d’importation, car si aux Etats-Unis elle est cruciale pour des raisons historiques, la France n’est pas logée à la même enseigne. Et des groupes de militants (« minorités agissantes ») se sont jetés sur le produit américain pour calquer sur ce modèle leur vision, leurs croyances, leurs réseaux, leur organisation, leur stratégie, leur comportement et leurs revendications, pour profiter de cette aubaine inespérée et finalement tirer la couverture à eux. Et ont fait en sorte que certaines parties du tout surpassent le tout en efficience et en pouvoir. C'est chose faite. La "société", au moins en tant que sentiment d'appartenance, est en lambeaux. Au moins en reste-t-il les structures administratives.

Les minorités ? La mise au point de leur discours et de leur argumentaire a été longue et laborieuse, mais a fini, avec l’aide de quelques « grands intellectuels » (des noms ! des noms !), par circonvenir les esprits des responsables de la gauche morale, qui ont alors inscrit ces « légitimes revendications » d’un nouveau genre sur leur programme électoral. C’est ainsi que le sociétal (forcément « progressiste et émancipateur ») a supplanté le social (les conquêtes sociales, "avantages acquis", "privilèges", ...), que le verbe a chassé le réel et que les représentations des choses ont détrôné les choses.

Plus personne de sérieux pour défendre « la France qui se lève tôt ». L'exploité se retrouve à poil (pensons à la désillusion des "chauffeurs Uber").

Enfin désencombrée de tous les laborieux, la gauche esthétique peut s’occuper du plus important : rester au pouvoir.

Plus pour longtemps j'espère, mais pour être remplacée par quoi ?

Voilà ce que je dis, moi.

(1) Il en est beaucoup d'authentiques, mais des victimes, on a parfois l'impression qu'il en tombe de partout. Le plus curieux dans cette promotion de la « victime » en icône des dégâts et des cruautés du monde contemporain, c'est qu'on entend venir, aussitôt après l'appellation, l'exigence, devenue presque "naturelle", d'un « dédommagement » sonnant et trébuchant. Ce quasi-corollaire véhiculé par l'air de notre temps ne laisse pas que de m'interroger gravement. 

mardi, 15 novembre 2016

DÉSOLÉ : ENCORE L’ISLAM 2/3

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Lettre grande ouverte à ceux qui gardent les yeux grands fermés (eyes wide shut).

2 – Des « phobies » comme s’il en pleuvait.

« Islamophobie », quel mot formidable ! Et que d'opportunités argumentatives il offre  à tous les militants musulmans qui ont besoin de réduire leurs adversaires au silence ! Et si possible de les traduire en justice ! On ne compte plus, en effet, les officines (ce que les journalistes rassemblent, d'un bel effort synthétique, dans la nébuleuse « les associations ») qui se sont constituées pour dénoncer inlassablement la moindre virgule, le moindre guillemet sur lesquels elles pourraient coller l’étiquette, infamante et terriblement efficace, d’une quelconque « phobie ».

Et je ne parle pas des vieilles « phobies » classiques, des « phobies » médicalement éprouvées, des « phobies » qui ont pignon sur rue, mais de la floraison de variantes de cette pathologie "mentale" hors de la sphère psychiatrique. J’ai par exemple appris récemment l'invention d'une nouvelle « phobie », avec la création d’une « brigade anti-négrophobie » en banlieue parisienne. "Brigade" dit assez bien le caractère militaire ou policier (au choix) de l'opération d'enfumage. Je rappelle en passant que "phobos" (φόβος), en grec ancien, ne veut pas dire "haine", mais "crainte".

Il n’y a pas de doute : il pleut des « phobies ». La « phobie » se porte à merveille. Et les immondes que les « associations » mettent au pilori avec au cou la pancarte portant le vocable accusateur (il s’invente tous les jours des composés de « phobie ») sont invités à aller soigner leur pathologie grave dans l’hôpital le plus proche. On a compris que l’hôpital en question s’appelle le Tribunal Correctionnel. C'est en filigrane la menace formulée à l'encontre de Gilles Kepel lors de la réunion avec l'équipe du Bondy-blog (voir hier). 

Christine Boutin (voir hier) vient d’en faire les frais, condamnée en appel pour avoir qualifié l’homosexualité d’ « abomination », et s’être ainsi rendue coupable d’ « homophobie » (officiellement, ça s’appelle « incitation à la haine en raison de l’orientation sexuelle »). De quel incroyable Code pénal la France s’est-elle peu à peu dotée, depuis, me semble-t-il, qu’un ministre (Gayssot ?) a été saisi de la lubie d’y inscrire le délit de « négationnisme ».

Et au départ, on doit cette rafale de pénalisations au délire d'un seul bonhomme (Faurisson : "les chambres à gaz n'ont pas existé"), dont l'élucubration s'est vue instrumentalisée par un boutiquier (Le Pen : "un détail de l'histoire"), à la demande expresse des « associations » juives, et à la joie d'une foule d'autres « associations », censées représenter des « minorités », qui piaffaient d'impatience en attendant de s'engouffrer dans la voie pénale pour légaliser l'interdiction de parole.

La porte s’ouvrait alors toute grande pour faire inscrire dans le Code les délits d’opinion, les délits de pensée, les délits de parole. Dans une démocratie pur jus, exemplaire et qui sert paraît-il de modèle à tant d'autres, on n'a pas le droit de dire le fond de sa pensée, tout au moins quand le goût de ce fond fait tousser ou tordre le nez les gendarmes de l'esprit. Tout cela sous la surveillance vigilante des caméras policières des « associations », légalement habilitées à « se porter parties civiles » (pour tirer quelques marrons du feu dans lequel elles ont jeté ces opinions, ces pensées, ces paroles qui les défrisent).

Sans être d’accord sur l'hyperbole lancée par Boutin, on peut s’étonner que la plainte d’un « collectif LGBT », vous savez, ce panier à provisions plein  de « minorités opprimées », ait pu être jugée recevable. Attention, en France, il n’est pas conseillé d’être minoritophobique ! On pourrait aussi s’étonner que quatre lettres (L, G, B, T) aient à bas bruit érigé ce qui était catalogué « déviances » en autant de « normes ».

De la déviance à la norme, le pas est étonnamment aisé à franchir. Dans notre bienheureuse modernité, les « déviants » se sont faits législateurs. George Orwell n'avait sans doute pas prévu que sa novlangue trouverait une telle application. On pourrait appeler cela "inversion de la charge de la preuve".

Les anciens délinquants, ont été nommés policiers. On dit aussi « brigades anti-phobiques » (voir plus haut). Tremblez, « stéréotypes , préjugés, réacs ». Encore bravo ! Il fallait le faire ! Remarquez que le bagnard Vidocq a bien fini directeur de la police ! Les victimes se sont retournées en bourreaux. A cœur vaillant rien d’impossible. Magie du vocabulaire, capable d’engendrer, en même temps qu'il en est l'expression, le vaste désordre du supermarché intellectuel et moral qu'est devenue notre société.

Les composés de « phobie » sont donc devenus des armes entre les mains de toutes sortes de groupes, groupuscules, clans et tribus qui s’autoproclament représentatifs de « minorités injustement persécutées » (je voudrais bien savoir combien d’adhérents à jour de cotisation compte, par exemple, le CRAN (conseil « représentatif » des associations noires de France), ce sigle si commodément pompé sur le CRIF des juifs, qui a au moins, à défaut d'une plus grande légitimité, le mérite de l'antériorité). Représentatif mon œil !!! L'abus de langage est admis comme monnaie courante.

Sous la férule des caméras policières des « associations », l’ordre verbal doit régner. Et le mot "phobie" doit être imprimé au fer rouge sur l'épaule de tous les islamophobes, arachnophobes, homophobes, agoraphobes, gynophobes, herpétophobes, hydrophobes, anglophobes, prêtrophobes, photophobes, francophobes, éreutophobes, ornithophobes (j'arrête là, quoique je pourrais ...) : à n'en pas douter, les galères des royautés modernes ont des rameurs jusqu'à la fin des temps. "A regonfle", comme on disait à Lyon.

Charmante société de la haine des autres, fondée sur une charte consistant en une liste d'interdits draconiens, fabriquée au nom de l'altruisme moral (tolérance). Quand on a compris que les appels solennels, les hymnes médiatiques à la fraternité, à la solidarité, au respect des différences, les incantations à l'altruisme érigé en impératif administratif ou en Vérité révélée, produisent la haine, on se prend à rêver de revenir à des choses à portée d'une humanité rationnelle et raisonnable, genre "Contrat social".

La novlangue a changé de camp : c'est la gauche du révisionnisme moral à toute berzingue qui tient la queue d'la poêle (« Merd' v'là l'hiver et ses dur'tés, / V'là l'moment de pus s'mett'à poil. / V'là qu'ceuss' qui tiennent la queue d'la poêle / Dans l'midi vont s'carapater», on aura reconnu, je pense, le début du plus connu des poèmes de Jehan Rictus). 

Ah ça ira, ça ira, ça ira, / Les boni-"menteurs" à la lanterne !

Voilà ce que je dis, moi.

lundi, 14 novembre 2016

DÉSOLÉ : ENCORE L’ISLAM 1/3

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Lettre grande ouverte à ceux qui gardent "les yeux grands fermés" (piqué à Stanley Kubrick, qui a réalisé sous le titre Eyes wide shut un très curieux film à partir de La Nouvelle rêvée d'Arthur Schnitzler).

1 – Les surprises de Gilles Kepel

Pour parler franchement, j’en ai un peu assez de parler des musulmans, du Coran, d’Allah, de Mahomet. J’ai autre chose à faire que de m’occuper de religion en général, et de l’islam en particulier. Les religions, à commencer par le catholicisme (dont je suis issu), il y a fort longtemps que je les ai abandonnées. Sans regret. Je n'ai guère de goût pour la spiritualité, pour le rituel de la messe, pour les homélies, pour les prières, pour les curés. La seule chose que j'aime dans l'Eglise, ce sont les églises. Romanes si possible : Orcival ; Saint Nectaire ; Saint Austremoine, à Issoire ; Saint Philibert à Tournus ; Vézelay ; Paray-le-Monial ... 

J’aspire quant à moi à respirer un air débarrassé des miasmes de l’encens, que ce soit dans ses variantes catholique, protestante, orthodoxe, juive, musulmane, bouddhiste, taoïste, shintoïste, animiste, mécaniste, tabagiste, bagagiste, pompiste, biologiste, motocycliste, royaliste, existentialiste, humoriste, alarmiste, séparatiste, je-m'en-foutiste, orthopédiste, dadaïste, maoïste, lampiste, harpiste, bouquiniste, récidiviste, anarchiste, conformiste, illusionniste (j'arrête là, mais je pourrais ...).

Je préfère quant à moi m’aérer les poumons quand l’air est animé, par exemple, de cet élan motorique, de cette puissante marche en avant qui habite et caractérise le choral de Leipzig BWV 656. Quand il est joué convenablement. Et pourquoi pas sur l'orgue Kern de la cathédrale de Bourges (concession au gothique).

Oui, j’en ai un peu assez des miasmes religieux qui empuantissent l'atmosphère. Seulement voilà, je lis, j’écoute, je regarde ce qui se passe alentour. Et voilà-t-il pas que ce matin (3 novembre), j’entends monsieur Gilles Kepel revenir sur la question du djihadisme en France. Kepel, je connaissais vaguement, principalement pour avoir lu en son temps La Revanche de Dieu (Seuil, 1991), qui se penchait sur ce qu’on a appelé « le retour du religieux ». Et pour l’avoir maintes fois entendu intervenir sur les antennes des médias. Comme on dit, Kepel est une « voix autorisée » pour parler de l’islam. 

Dans les débats autour du voile, de la burka, et de la présence grandissante de l’islam en France, je le rangeais parmi les tièdes, les défenseurs timides de la « laïcité à la française ». Pour tout dire, je trouvais qu’il manquait de nerf et de lucidité.

Ce matin donc, sur l’antenne france-culturelle, Gilles Kepel raconte qu’il est allé à Bondy (Seine-Saint-Denis, alias 9-3), pour participer à un débat avec les gens qui animent le « Bondy-blog », ce truc "génial" fondé en 2005 après les émeutes banlieusardes, avec l’aide, je crois, de deux journalistes suisses, pour « donner la parole » à la « jeunesse des quartiers ». Tout se passe bien dans un premier temps. Et puis, au cours du débat, il pense tomber de sa chaise quand il s’entend traiter d’ « islamophobe ». Voilà le grand mot lâché.

Islamophobe, ce grand connaisseur de l'islam, s’il en est, et des pays arabes de l’Atlantique à l’Irak, dont il a une longue pratique ! Je ne savais pas qu’on pouvait passer trente-cinq ans de sa vie à travailler sur un sujet qu’on déteste. Il n’en revient pas. C’est la sidération. Du coup, s’il a manqué de lucidité auparavant, les peaux de saucisson sont tombées de ses yeux. Il constate (enfin !) que le « Bondy-blog » s’est vu, progressivement, infiltré par des copains des Frères musulmans.

En fait, l’accusation d’islamophobie est devenue une étiquette commode dans la bouche des musulmans purs et durs à l'encontre de quiconque émet des idées qui leur déplaisent, qu’ils soient « frères », wahabites, salafistes, takfiristes, que sais-je encore. Une étiquette qui vise à disqualifier d'avance tout ce que pourra dire la personne. Il n’a sans doute pas tort : on a déjà vu ça avec, entre autres, Edgar Morin qui se fait traiter d'antisémite parce qu'il ose critiquer la politique d'Israël à l'égard des Palestiniens. Ou avec, dernièrement, Christine Boutin, qui se fait condamner en justice pour homophobie parce qu'elle a osé émettre l'opinion que « l'homosexualité est une abomination ». 

Les activistes musulmans ont vite compris tout le parti qu'ils pouvaient tirer de l'extraordinaire engouement de toutes sortes de groupuscules pour un mot qui fait des ravages dans les têtes et dans les "débats de société".

Le mot "phobie" fait rage.

Voilà ce que je dis, moi.

vendredi, 17 juin 2016

LONGTEMPS AVANT ORLANDO

LE MEURTRE, TRADITION FOLKLORIQUE AMÉRICAINE

L’Amérique est un fort beau pays, et les Américains sont de bien braves gens, comme le montrent très régulièrement les fusillades auxquelles ils se livrent, sans doute « pour se désennuyer un peu » (Tonton Georges, "Saturne"). On peut le vérifier en lisant dans Le Monde les statistiques établies par le site Shooting tracker ou l’organisation Gun Violence Archive. Cette dernière indique par exemple qu’en 2015, on dénombre 12.191 personnes tuées par balle au cours de 353 fusillades (une par jour ou peu s’en faut). En somme, pas de quoi s’inquiéter : dormez tranquilles, braves gens. Chers Américains : s'ils n'existaient pas, faudrait-il les inventer ? 

Le meurtrier d’Orlando, dont les médias soulignent, selon leur "orientation", les motivations terroristes, psychiatriques ou homophobes (mais on a du mal à comprendre ceux qui soutiennent cette dernière thèse, hormis le fait qu’elle leur permet de prendre la posture toujours hautement prisée et le statut quasi-sacré de la Victime - voir la longue plainte martyrologique - en fait un plaidoyer pro domo - de Jean Birnbaum dans Le Monde daté 17 juin 2016), comme tous les autres Américains, est venu d’ailleurs. Comme tous les autres Américains, il a pu acquérir une arme de guerre, grâce à la vigilance de la NRA, cette bienfaitrice de l’humanité qui monte une garde intraitable à l’entrée du deuxième amendement pour empêcher que des mains sacrilèges viennent bousiller le droit de porter des armes sur la voie publique. 

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Il suffit de se pencher sur l’histoire longue des Etats-Unis pour se rendre compte que le flingage philanthropique du prochain est une vieille tradition de cette nation d’une proverbiale piété chrétienne (quoique protestante). C’est ainsi que dans le numéro 376 du Journal des Voyages, daté du dimanche 21 septembre 1884, un certain Daniel Arnaud raconte la même manie des Américains de s’entretuer très chrétiennement. La scène se passe au « théâtre du Vaudeville » de San Antonio (Texas). Où l’on voit que les champions du progrès technique et de la prospérité matérielle à tout prix ne se lassent pas de ce passe-temps qui consiste à faire mourir autrui. 

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L’article dont l'image de « une » ci-dessus est le support et le motif est joliment et spirituellement intitulé « Les singularités américaines ». C’est vrai ça : quel peuple singulier ! Jugez plutôt : « Les Américains ont plus d’un côté original dans leur civilisation – qui est la civilisation anglo-saxonne avec une singulière exagération de la volonté individuelle. Ce qui les caractérise le mieux peut-être, c’est leur indiscipline sociale, se traduisant pas un manque absolu de déférence pour la justice, une excessive répugnance à avoir recours à sa protection et à s’abriter derrière ses décisions ». Pour l'exagération de la volonté individuelle, on serait assez d'accord, mais on se demande où l’auteur est allé chercher cette répugnance au juridique : les USA sont aujourd’hui le pays où le taux d’avocats par habitant constitue un record du monde, ce qui n'empêche nullement les armes de circuler et de faire entendre leurs aboiements. Passons. 

Il est vrai que Daniel Arnaud embraie sur l’histoire d’un Américain célèbre dont le nom propre a produit un nom commun : « C’est ainsi que, de l’autre côté de l’Atlantique, à l’exemple du juge irlandais Lynch, condamnant et exécutant de ses mains son fils coupable d’un meurtre, les populations ont pris l’habitude de se faire justice en dehors des tribunaux ».

Les sources de Daniel Arnaud sont discutées par de hautes autorités : au sujet de Lynch, qui a donné lynchage (après "Lynch's law", expression de 1782), l'encyclopédie en ligne indique « un certain Charles Lynch (1736-1796), "patriote" de l'Etat de Virginie », alors que le Robert historique explique que c'est le « Capitaine William Lynch (1742-1820) de Virginie, qui eut l'initiative de cette pratique ». Je n’ai pas cherché à en savoir davantage, même si je sais que le Journal des Voyages n'hésitait jamais devant une image un peu forte qui, à ses yeux, faisait plus « couleur locale » (et même "haute fantaisie", voir billet du 8 juin). 

Au Texas, qui est non seulement un Etat du Sud mais aussi un Etat de l’Ouest, les hommes de 1884 ne se séparent jamais de leur arme : « Les Yankees ne sauraient sortir de chez eux sans emporter dans leur poche un revolver chargé. Aussi dans la rue, dans un café, dans un théâtre, dès qu’une querelle s’envenime, des paroles on passe aux coups … de pistolet. Les passants recueillent quelques balles dans les pans de leurs habits ». Des habits en acier, sans doute. 

Le duel dont parle Daniel Arnauld n’est pas daté. La source, un journal américain, n’est pas nommée. Mais fi de ces vains détails ! Il suffit que l’essentiel soit préservé : Ben Thompson (quatre balles dans le buffet) et Ning Fisher (trois balles seulement : moralité, soit les deux visaient comme des pieds, soit les munitions manquaient de « puissance balistique ») se sont entretués alors qu’ils assistaient depuis les deuxièmes galeries au spectacle offert ce soir-là au théâtre du Vaudeville de San Antonio (Texas). Ben Thompson s’était illustré « le 18 décembre dernier », en assassinant Jack Harris, le propriétaire de la salle. Je note pourtant que personne ne lui en a interdit l’entrée le jour du duel fatal. 

Comment en est-on arrivé à ces extrémités ? Le récit est pour le moins elliptique sur les motifs de l’algarade : « Ils ont pris place dans la seconde galerie et, à peine assis, ils ont commencé à se quereller. Un autre spectateur, Joe Foster, a essayé de les apaiser et a reçu aussitôt une balle dans la jambe. Le premier coup de feu a été rapidement suivi de plusieurs autres, et la salle de spectacle fut bien vite évacuée avec précipitation, la plupart de ses occupants sautant sur le parquet et les autres s’élançant par les fenêtres dans la rue ». Un petit air de Bataclan, vous ne trouvez pas ?  

Je ne m’attarde pas sur le reste de l’article, où l’auteur évoque les bars (« sortes de boutiques de liquoristes installées à l’extérieur des grands hôtels américains », l'auteur ignorait tout du genre "western") et les « cafés chantants », où abondent les « tables de jeu », toutes circonstances si propices au langage de la poudre, surtout quand le bourreau alcool a fait son office. 

Omar Mateen, finalement, qu’il soit homophobe, mentalement dérangé, alcoolique (comme il semblerait), homosexuel (comme il semblerait) ou affilié à l’état islamique (je laisse les minuscules), est un digne héritier de cette magnifique tradition américaine qui fait de l’arme à feu un symbole absolu (il faudrait dire : "le fer de lance", voire "l'arme suprême") de la liberté individuelle. 

La définition américaine de la liberté individuelle a quelque chose d'effrayant.

Voilà ce que je dis, moi.

Note : in memoriam Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider, tués par un fou d'Allah, dans des conditions tellement terribles à voir que les propagandistes de l'état islamique ont supprimé de la vidéo faite par Larossi Abballa les images où apparaissait le petit garçon de trois ans. Une pensée pour lui, il en aura besoin.

mercredi, 29 avril 2015

L'ETAT FOUT LE CAMP ...

... MAIS LE POLICIER PROSPÈRE.

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Parlant des outils que certains (comme Alain Bauer, « criminologue », grand copain en maçonnerie de Manuel Valls (avec Stéphane Fouks), "ami" de Nicolas Sarkozy, accessoirement franc-maçon haut placé et propriétaire d’une société privée (tiens donc !) de conseil en sécurité) tentent de mettre en place, l'au-dessus de tout soupçon juriste Mireille Delmas-Marty écrit en effet : « Baptisées "sciences criminologiques", ces analyses de risque, soutenues par une industrie de la surveillance en pleine expansion où des cadres issus des écoles de commerce côtoient des retraités des armées et des services de police et de renseignement, permettraient de prédire le risque de récidive » (p. 47). Je retiens surtout que l’ "industrie de la surveillance" est "en pleine expansion" et que les commerciaux copinent sans problème avec policiers et militaires. 

Cette expansion est un signe des temps et éclaire d’un jour curieux le débat autour de la « loi renseignement », je trouve. Légaliser l’intrusion policière dans les vies privées par des instances étatiques, ça revient finalement à calquer « ce qui reste de l’Etat » sur la façon dont n’importe quelle entreprise commerciale (mettons Google ou Facebook) est organisée en vue d’une efficacité parfaite dans le ciblage du client potentiel.

Je vais même vous dire : ce n'est rien d'autre qu'un énorme sondage d'opinions généralisé, permanent et en temps réel. Un sondage d'opinion un peu spécial : on ne vous demande pas si vous voulez répondre à des questions. On a votre réponse avant que quiconque vous ait posé la question. C'est même vous qui l'avez fait spontanément.

Je sais, vous allez dire : « Tant que je n'ai rien à me reprocher ». Eh oui, je sais, vous avez déjà intériorisé l'Etat policier. Vous anticipez : vous concevez vos idées en fonction de ce qui risque de vous être reproché. Et tout ça démocratiquement. Bravo, nous construisons l'avenir radieux.

Je vais vous dire : les nouvelles méthodes commerciales et policières d'intrusion, de pistage et de traçage des trajectoires individuelles constituent l'absolu du marketing publicitaire appliqué à la gestion sécuritaire de la société. L’Etat-puissance-publique aligne son fonctionnement sur le management « à l’américaine » des entreprises privées : se retrouver « aux affaires », c’est être amené à se conformer à la « politique managériale » la plus efficace possible. 

Et les gestionnaires actuels de l’Etat français sont tout bonnement en train d’appliquer à la puissance publique ce qui se pratique dans les entreprises privées : les principes du « lean management », dont le but est de débarrasser l’entreprise de toute la graisse qui entrave et ralentit le processus productif, y compris les stations devant la machine à café (« lean » veut dire « maigre », cf. la RGPP, non-remplacement de fonctionnaires partant à la retraite, si chère à Sarkozy). T'échanges trois mots avec ton collègue du service voisin : tu fais perdre du fric à ton entreprise ! Simple comme bonjour. Soumettre l'Etat au plus sévère régime d'amaigrissement possible, tout en accroissant son efficacité policière. Fallait y penser.

Car le renseignement n’est qu’un aspect de la question. J’ai en effet tendance à mettre bout à bout plusieurs annonces récentes du même tonneau où l’anodin le dispute au correctionnel. Sur le modèle de la Belgique et du Luxembourg, on parle d’instaurer en France le vote obligatoire, en prenant soin de préciser qu’au grand-duché, l’infraction coûte 1.000 €. Vous serez citoyens, ou vous ne serez pas. On vous forcera à être des électeurs libres et responsables. C’est pas fini. 

Sur le modèle de la Suède, cette fois, on parle de faire une loi anti-fessée. On vous forcera à être des parents « immer korrect » (c’est-à-dire, comme ça se passe en Suède, sans cesse en train de négocier avec le gamin pour le persuader de se laisser éduquer parce que c'est pour son bien), sous peine de vous voir déchus de vos droits. 

Pour la loi prochainement destinée à criminaliser les paroles (déjà que) de ceux qu’on traite d’antisémites, d'islamophobes ou d'homophobes, on ne fera pas une loi « sur le modèle de », parce que le lobby est assez puissant en France pour agir en amont de toute déclaration d’allégeance à un modèle quelconque.

En France, le lobby anti-antisémite, antisexiste, anti-islamophobe, anti-homophobe est devenu une composante du pouvoir. Par exemple, studieux et obéissant, le président de la République Française défère à l'injonction, comminatoire et annuelle, d'avoir à se présenter, en tant qu'ultime élu de la dite République, au congrès du CRIJF ou dans une synagogue, si possible en couvrant son crâne d'une kippa (après les attentats de janvier) ! Je renonce à comprendre.

Notez que le vocabulaire se prête volontiers à tous les trafics : le mot « racisme » a une portée beaucoup plus générale qu’« antisémitisme ». C'est sans doute pour ça qu'il a été ajouté a posteriori pour donner l'acronyme LICRA, ligue qui, si je ne me trompe, a été fondée par un juif, et qui, au départ, ciblait exclusivement l’antisémitisme. Le R de "racisme" a permis d’embellir le présentoir dans la vitrine et d'élargir la clientèle, pour mieux vendre une idée déjà instrumentalisée. 

C’est sûr, Philippe Muray était dans le vrai, quand il dénonçait l’ « envie de pénal ». Tous les prétextes sont bons aux yeux des modéliseurs et spécialistes du formatage de l’humain, habités par l’obsession de fabriquer par décret une humanité exempte de tout Mal originel. De toute impureté biologique. De toute idéologie déviante. 

Il faut empêcher une fois pour toutes le Mal de nuire. Il suffit de décréter que le Mal est définitivement banni de notre « Empire du Bien » (Philippe Muray, bien sûr) pour éliminer les infâmes nuisibles qui osent voir dans ce « Bien » même le germe d’un nouveau Mal : tous ceux qui ne sont pas d’accord avec cette vision irénique et policière des choses, tous les méchants qu’on a rassemblés dans ce centre de rétention d’un nouveau genre qu’est l’étiquette « Nouveaux Réactionnaires ». Notez bien "irénique et policière". 

Le "Nouveau Réactionnaire", voilà l'ennemi, voilà le nuisible à éliminer du champ de vision. Je suis toujours étonné du nombre de gens qui se portent volontaires pour faire la police sur la voie publique de la pensée et des opinions. Toujours prêts à porter l'affaire devant la justice pour "incitation à la haine". Il faut faire taire les "Nouveaux Réactionnaires".

En commençant par les empêcher de s’exprimer. C’est la vision néo-conservatrice fanatique et fondamentaliste à la George W. Bush qu’on importe ainsi en France. A une grande différence près : privée de la complète liberté d’expression en vigueur aux USA. Appelons ça la double peine. Fait pas bon passer pour un réactionnaire, de nos jours. Alors que l' "incitation à la haine", elle ne vient pas de là où l'on pense.

Je signale que le mot "réactionnaire" désignait au départ tous ceux qui, après la Révolution, militaient pour rétablir la monarchie absolue, à l'exemple de Joseph de Maistre. Aujourd'hui, il désigne sous forme d'insulte tous ceux qui ne sont pas béats d'admiration devant le processus en cours, dont la seule ambition est d'instaurer un nouvel ordre moral.

« Ce qui reste de l'Etat » sera policier ou ne sera pas.

Voilà ce que je dis, moi. 

mercredi, 05 février 2014

HOLLANDE PIRE QUE SARKOZY ?

François Hollande, impuissant face à ses ennemis (enfin, c'est ce qu’il disait à propos, par exemple, de la « finance internationale », ricanons un peu), se résigne à agir sur des réalités qui ne sont pas hors de son bon vouloir : les lois. Puisqu’on ne peut changer les choses, par exemple cette absurdité logique et mathématique de « l'inversion de la courbe du chômage », raisonne-t-il, on va s'en prendre au vocabulaire : changeons les mots, changeons le sens des mots, réécrivons le dictionnaire où se trouvaient rassemblées les définitions de la société et du sens de la vie en commun.

 

En s’attaquant à ça, il a mis le feu. Et ça l'étonne ! Enfin non : il fait semblant d'être choqué. Il est vrai qu’avec ses débats sur « l’identité française », Sarkozy avait mis en place quelques éléments du brasier. Cela a en effet donné le mariage des homosexuels et l’interdiction du spectacle de Dieudonné. Que la droite de la droite ait profité de l’aubaine pour s’engouffrer dans cette brèche, rien de plus explicable. Mais il ne faut pas oublier qu’ils ne sont pas les seuls. Et qu'il y a des gens normaux qui pensent depuis le début beaucoup de mal du mariage homo (sans être homophobes) et de la censure de Dieudonné (sans être antisémites).

 

Il est vrai que s’il fallait que je me situe politiquement, je serais très embarrassé. Que voulez-vous, dans notre « démocratie par procuration », où l’on demande aux populations d’abdiquer leur volonté entre les mains de « représentants », eux-mêmes pris dans les filets de systèmes ou d’entreprises de pouvoir (des « partis politiques », qui ne sont plus rien d'autre que des machines à arriver au pouvoir) qui détiennent les clés qui ouvrent ou ferment les portes donnant sur les instances de décision, j’ai beau regarder à droite et à gauche, je ne vois personne qui défende une idée plus haute que la somme des officines en présence.

 

Ils baragouinent au sujet « des Françaises et des Français », mais aucun pour parler un peu noblement de « La France ». Ce qu’on appelait autrefois « le Sens de l’Etat ». Je ne fais pas exprès de ne pouvoir me reconnaître dans aucun des guignols qui aspirent au pouvoir ou qui l'exercent présentement. Je reviens à mes trois moutons. Voici le troisième.

 

La troisième et dernière affaire en date que je retiens est celle de l’ « ABCD de l’égalité garçon-fille », lancée par le pauvre franc-maçon Vincent Peillon, accessoirement ministre de l’Education. C’est sûr que la droite (« forte », « dure » ou « extrême », je m’en fous) a dévié la trajectoire de son but initial, en dénonçant ici la théorie du genre. Cela veut dire qu’un certain nombre de connards calculateurs ont loupé une occasion de se montrer républicains. Vous voulez savoir ce que j’en pense ? Eh bien tant pis, je vous le dirai quand même.

 

« L’égalité garçon-fille », vous n’avez pas deviné à qui c’est destiné ? A mon avis, c’est l’évidence : aux populations d’immigrés et descendants d’immigrés qui vivent dans des « quartiers sensibles », essentiellement musulmans, où les filles, quand elles ne sont pas victimes de « tournantes » dans des caves lugubres, préfèrent s’habiller dans des survêtements amples, dans lesquels leurs formes sont suffisamment dissimulées pour qu’aucun petit caïd de onze ans n’ait le culot de les qualifier de salopes et l'envie de leur sauter dessus à plusieurs pour les violer.

 

Sans parler bien sûr de la mini-jupe. Heureuses et libres, dans ce contexte préfigurant la société terroriste que les talibans vont bientôt imposer de nouveau en Afghanistan, doivent se sentir les filles qui ont choisi, hélas, de s’habiller de noir de la tête aux pieds (sans oublier les gants, j'espère). Dans ce contexte, mais dans ce contexte seulement, l’ABCD de l’égalité garçon-fille se comprend et doit être considérée comme une excellente idée. Je vous étonne, hein !

 

Malheureusement pour le gouvernement, pour une fois bien intentionné, cela ne peut en aucun cas être dit officiellement, sous peine d’être aussitôt l’objet d’une QPC, recours auprès du Conseil Constitutionnel comme Question Prioritaire de Constitutionnalité. Les (paraît-il) « Sages » de la République auraient immanquablement censuré, au motif du sacro-saint principe d’égalité qui, considéré et régnant comme un impératif absolu, a déjà commencé à tuer notre pays.

 

Le Cons. Cons. est censé veiller au strict respect (paraît-il, ça reste à voir) de l’universalité des lois. A noter que le problème est strictement le même que lors de l'adoption de la loi sur le voile islamique, où le législateur a été obligé de se déguiser du masque de l'universalité en interdisant à tout le monde (et à toi, et à moi, et à l'autre, etc.) de dissimuler son visage sur la voie publique. On se rappelle les glapissements que cette loi avait suscités.

 

Je m’explique : de même que nul ne peut s'en prendre à des croyances, de même il est rigoureusement impossible de demander aux gouvernants en général et à Vincent Peillon en particulier de dire que ce programme éducatif n'est en réalité destiné qu'aux Arabes et aux Noirs installés en France depuis plus ou moins longtemps.

 

Vous imaginez le schproum gigantesque que ça ferait, la gauche de gouvernement accusée de discrimination raciale ? Les « associations », tout ce qui existe d'antiraciste ou d'antifasciste, toutes les bonnes âmes altruistes des droits de l'homme auraient glapi à la « stigmatisation », péché très à la mode.

 

Vincent Peillon, en instaurant  l’ABCD, selon moi, a donc été obligé de prendre une mesure revêtue du sceau de l’universalité. Et c’est là que ça cloche, parce que si l’on sait dans certains territoires de France que les filles qui se maquillent se font traiter de putes, on sait aussi que ce n’est pas le cas partout ailleurs, et que l’égalité garçons-filles est la règle dans la plupart des lieux.

 

La stupidité paradoxale de ce programme éducatif saute ainsi aux yeux : établi pour une toute petite minorité de la population, bien ciblée sur des communautés imprégnées de la culture islamique traditionnelle, où le statut de la femme est assujetti à la loi masculine, il est obligé, pour éviter les foudres de la censure constitutionnelle, pour ne pas risquer d’être accusé de « stigmatiser » qui que ce soit, de prendre le masque de l’universalité et d'être mis en application absolument partout, au risque de prêcher (et de fatiguer à force de rabâchage) la grande masse des déjà convaincus. Au cas où je verrais juste, je ne m'en dirais pas moins qu'il y a quelque chose de pourri au royaume des borgnes, où ce sont les aveugles qui font la loi.

 

Ensuite, que des escrocs jettent la panique chez des parents d’élèves en mettant sur le tapis la théorie du « genre », je considère ça comme un épiphénomène, qu’il faut être au moins journaliste pour traiter comme un événement majeur. Les journalistes – pas tous – me font penser à ces girouettes que les courants de l’air du temps font tourner sur leur axe, successivement dans toutes les directions.

 

Disons à leur décharge que c’est dû à la féroce guerre commerciale à laquelle se livrent les différents supports médiatiques dans la collecte de la manne publicitaire, guerre qui les oblige à faire le plus de mousse possible pour attirer le consommateur, en espérant affoler les compteurs chargés de mesurer leurs audiences respectives.

 

Pendant ce temps, le lecteur, l’auditeur, le téléspectateur – l’ordinaire et l’à peu près raisonnable, le citoyen normal, pour résumer – se lamente en vain et se ronge les ongles, s'il lui en reste.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

mardi, 04 février 2014

HOLLANDE PIRE QUE SARKOZY ?

Quand on met le doigt dans les eaux turbulentes de l’actualité, on risque d’y mettre tout le reste et d’être emporté par le courant : eh oui, je ne suis ni sourd ni aveugle, j’écoute et je regarde. Je lis aussi quelques journaux, accessoirement. Mais je promets de tâcher de me consacrer rapidement à des sujets plus plaisants, plus gratifiants, qui n’ont rien à voir avec le puits sans fond de ce tonneau des Danaïdes qu’on appelle « l’actualité ».

 

On a dit pis que pendre de Nicolas Sarkozy. Je n’ai pas été le dernier. A cet égard, je n’ai ni regret, ni remords, et je suis effaré de voir constamment publiées dans la presse, depuis quelques mois, des photos où apparaît la sinistre trombine de ce triste individu, accompagnées de légendes explicites mentionnant son « retour en 2017 » et ses nouvelles « ambitions pour la France ». Ah bon ? Elles sont « nouvelles », ses ambitions ? Comme dit Georges Brassens, « si l’Eternel existe », qu’il le prouve en nous préservant de cette malédiction.

 

François Hollande, lui, a été élu au mépris du fait que je n’ai pas non plus voté pour lui en 2012. J’en tire la conclusion que le suffrage universel a quelque chose de profondément injuste, moi qui ai érigé en doctrine cette profonde maxime que nous devons aux Dupondt, de célèbre mémoire : « C’est mon opinion et je la partage ». On ne remerciera jamais assez Hergé, qui nous a offert cette trouvaille.

 

On se rappelle une accusation, parmi d’autres fort nombreuses, formulée à l’encontre de Nicolas Sarkozy. On lui reprochait en effet d’être « clivant ». Autrement dit de susciter la haine entre Français, entre autres avec son fumeux débat sur la désormais problématique « identité française ». Tout le monde semble l’avoir oublié, maintenant qu’Hollande (son H est-il muet ou aspiré ?) a pris sa place.

 

J’espère qu’on n’a pas oublié sur quels arguments François a remplacé Nicolas, arguments qu’on peut résumer dans la formule « rupture avec la rupture ». La « rupture », c’était le slogan de Sarko en 2007, et ça a marché du tonnerre, les gens y ont cru, pour mieux se retrouver « Gros Jean comme devant » un peu plus tard. « Rupture avec la rupture », si je comprends bien le français, devait renouer avec le « statu quo ante ».

 

Mais là, apparemment, ce n’est pas de compréhension du français qu’il s’agit. Il faut sans doute admettre que le contraire du contraire n’a rien à voir avec le retour à l’état initial. Parce qu’il y a eu de l’innovation entre-temps. « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve », comme dit l’autre (ici, « l’autre » s’appelle Héraclite, il faut toujours se méfier de ce que dit « l’autre »). Mais peut-être que Hollande (ou « qu’Hollande » ?) est un lointain descendant d’Héraclite (ou « de Héraclite » ?).

 

Je reviens au « test comparatif » entre ces deux barils de lessive (ne  prétendent-ils pas tous deux laver la vérité plus blanc que blanc ?) que sont François Hollande et Nicolas Sarkozy. On reprochait donc au second d’être beaucoup trop « clivant », d’opposer les Français entre eux et d’exciter la haine. A me souvenir du quinquennat du tout petit homme (je suis gentil, aujourd’hui), je suis amené à penser que c’est tout à fait vrai.

 

Maintenant, que voit-on depuis bientôt deux ans que François Hollande a accédé à la plus haute marche du podium présidentiel ? Franchement, ce n’est pas mieux. On pourrait même dire que c’est nettement pire. Ce type qui nous sert de président, avec sa tête de premier de la classe, bien lisse et arrondi aux angles, a réussi à prendre en vingt mois une belle brochette de mesures dont on fait semblant aujourd’hui de s’apercevoir qu’elles dressent les Français les uns contre les autres, bien plus efficacement que ne l’avait rêvé pour son compte le tout petit homme. J’en retiendrai trois.

 

Je ne reviendrai pas sur le mariage homosexuel (je me refuse à dire « pour tous », puisqu’il était déjà pour tous auparavant), qui continue à me heurter de front, tant il contredit des convictions profondément enracinées, dénuées de toute référence à une quelconque religion ou à je ne sais quelle morale. Je crois qu’on s’est ici servi de l’égalité comme d’un rideau de fumée, pour mieux distendre des liens anthropologiques que l’humanité entretient avec ce que je persiste à appeler la « Nature ». Ajoutons que la loi a été décidée dans l’arrogance de la force que donne une majorité parlementaire. L'adoption du mariage homosexuel me fait valdinguer hors du consensus national. J'en prends acte douloureusement. Mais passons.

 

Il y a ensuite l’ « affaire Dieudonné », dont j’ai déjà parlé ici. J’avoue personnellement que j’ai, depuis toujours, considéré le personnage comme un plaisantin tombé dans ce qu’on appelle aujourd’hui le comique, mais un comique qui ne m’a jamais fait rire. Je n’ai pas suivi sa trajectoire, sinon dans les grandes lignes, que les médias retracent à la hache aujourd’hui, pour simplifier l’explication du « phénomène Dieudonné » grâce au terme « antisémite ».

 

Le résultat est facile à deviner : de même que, pour la presse idéologique tout entière, il y a eu une énorme « libération de la parole homophobe » à l’occasion du mariage homosexuel, il y a eu, à l’occasion de « l’affaire Dieudonné », « libération de la parole antisémite ». Comme de bien entendu, ai-je envie d’ajouter. Tout le monde oublie que, sans l’appel de Valls à l’interdiction des spectacles du personnage, l’affaire aurait gardé sa dimension artisanale d’origine, juste faite pour faire couler le pognon dans la galaxie où évolue la planète erratique du soi-disant comique. Dieudonné peut remercier Manuel Valls.

 

Sur ces deux premiers sujets, donc, qu'est-ce qu'on constate ? Que ce soit à propos du mariage homosexuel ou à propos de l'antisémitisme (supposé ?) de Dieudonné, le gouvernement de monsieur François Hollande, celui qui se revendiquait le « Président Normal », en rupture avec la rupture provoquée par le tout petit homme, a systématiquement jeté du pétrole pour éteindre l'incendie allumé par son prédécesseur (on se rappelle que c'est lui qui a commencé, en instaurant les débats sur l'identité française).

 

Pour mieux dissimuler sa volonté de ne rien changer aux structures et au fonctionnement économiques et politiques du monde, ou pour ne pas avouer sa complète impuissance à le faire, François Hollande a choisi et décidé de reporter son action sur le terrain sociétal, et de brandir le drapeau du sens de la vie en commun pour rassembler sous son panache blanc sa clientèle électorale.

 

Accessoirement, il n'a pas hésité à ébranler des piliers anthropologiques de l'humanité, sous le prétexte fallacieux de la modernisation du corps social. Ce faisant, il a moins accompli la « rupture avec la rupture », qu'il n'a introduit une fracture dans la colonne vertébrale du squelette même du dit corps social.

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LE MONDE DATÉ DIMANCHE 2 - LUNDI 3 FEVRIER 2014

Ah c'est sûr, maintenant, elles peuvent hurler au « réveil de la France réactionnaire », toutes les chorales anti-homophobes et anti-racistes, tous les incendiaires, la militante intégriste de la confusion des valeurs Caroline Fourest en tête ! Ah c'est sûr, François Hollande, avec son air de ne pas y toucher, est remarquable dans le rôle du provocateur à la haine et du pyromane en chef.

 

Eh bien, que le cul leur pèle ! Comme dit je ne sais plus quelle sorcière chez Alfred Jarry : « La paille en cul et le feu dedans ! ».

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

jeudi, 05 décembre 2013

LIBERATION DE LA PAROLE

Quatre recettes de cuisine infaillibles (vous ne pouvez les rater).

 

Recette n°1.

 

Mettez dans une première marmite parlementaire une belle loi consacrant le mariage entre personnes de même sexe. Mettez dans une seconde marmite populaire la voix majoritaire du peuple. Fermez-la hermétiquement avec un bon couvercle de surdité démocratique. Laissez mijoter à l’étouffée. Quand cette marmite populaire explose, appelez cette explosion « libération de la parole homophobe ».

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Recette n°2.

 

Prenez une femme. Mettez-la dans un grand voile noir ne laissant voir que les yeux. Pour bien faire, cachez ses mains sous des gants également noirs. Faites-la se promener dans les rues librement. Quand la marmite populaire explose, appelez cette explosion « libération de la parole islamophobe ».

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Recette n°3.

 

Prenez une ministre d’origine guyanaise. Demandez-lui de pratiquer avec éclat et constance la provocation et le coup de force dans la marmite parlementaire. Au moment où l’on entend, venant des tribunes, des cris de singe et où les spectateurs envoient des bananes sur la pelouse, appelez cette explosion « libération de la parole raciste ».

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VOILÀ COMMENT ON SE REPRESENTAIT LES "NÈGRES" EN 1874

 

Recette n°4.

 

Prenez un référendum de 2005, qui a vu une majorité se prononcer pour le rejet d’un traité constitutionnel européen. Une fois élu président, asseyez-vous carrément sur ce rejet et faites adopter un clone du traité par les « représentants » du peuple. Etonnez-vous alors de la « libération de la parole europhobe ».

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Expérimentez crânement ces quelques recettes. Si, comme on le voit dans la réalité, vous observez la montée de la méfiance et de la haine entre « communautés », dites-vous que vous pouvez être fier de vous.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

jeudi, 30 mai 2013

TOUT EST POLITIQUE, VRAIMENT ?

 

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ANSEL ADAMS : MONT MCKINLEY ET WONDER LAKE

***

 

Donc, nous venons d’apprendre que le mariage homosexuel est « de gauche ». C’est tout le camp « progressiste » qui a emporté la décision, et la foule de ceux qui ont manifesté dans les rues (18,3 individus selon la police, « en comptant les femmes et les petits enfants », aurait dit Rabelais) ne sont que des « conservateurs », dans le meilleur des cas, des « homophobes » dans le pire, avec, entre les deux, le marécage des « réactionnaires ».

 

Pêle-mêle et dans le même sac, on trouve l’UMP, qui a cru qu’elle pouvait « faire un coup », et l’Eglise catholique, accusée de se cramponner à des valeurs obsolètes et sommée d’enfin mettre sa doctrine à la page, au parfum de l’époque. Elle pourrait répondre comme Cromwell : « Qui épouse son époque sera vite veuf ».

 

Vladimir Poutine cumule sans doute les trois tares à la fois, pour avoir déjà déclaré que la Russie ne laisserait pas adopter des petits Russes par des couples homosexuels mariés. On attend une déclaration de la Confédération Helvétique pour savoir à quoi s’en tenir au sujet des petits Suisses. Je rigole. Je ne devrais pas.

 

Il reste cependant étonnant, dans toute cette affaire, qu’on ait vu s’installer entre partisans et adversaires du mariage des homosexuels le bon vieux clivage, quasi paléontologique, entre une France « de droite » et une France « de gauche », étant donné que les deux partis dominant le champ « politique » (laissez-moi pouffer) sont clairement DE DROITE.

 

Je sais, on va me ressortir de la naphtaline et du formol la momie de Wilhelm Reich, le pape de la sexologie politique qui mettait beaucoup de névroses à l'oeuvre dans la classe ouvrière sur le compte des conditions socio-économiques qui lui étaient faites (je simplifie). Ses livres (La Lutte sexuelle des jeunes (1932), La Fonction de l’orgasme (1927) et bien d’autres) doivent toujours se trouver quelque part. Le problème, avec Reich, c'est qu'il a mal fini, avec sa machine à détecter l'orgone.

 

Je sais, on me dira que « tout est politique », encore que ça se dise beaucoup moins que jadis. Sans doute, rien de ce que nous faisons, disons ou pensons n’échappe à une analyse selon une grille « politique ». Cela au moins me paraît indiscutable.

 

Mais il me paraît tout aussi indiscutable que tout ce qui est humain est « sexuel ». Tout ce qui est humain, « économique ». Tout ce qui est humain, « religieux ». Tout ce qui est humain, « social ». Tout ce qui est humain, « psychologique ». Tout ce qui est humain, « relation au pouvoir ». On n’en finirait pas.

 

Il suffit de choisir sa paire de lunettes et de regarder le monde à travers. Ensuite, ce n’est qu’une question de couleur des verres. Pour choisir la couleur, il suffit d’une petite opération chirurgicale, qui consiste, depuis l’invention des « sciences humaines », à mettre l’homme sur le billot et à le couper en morceaux : une tranche pour le sexologue, une tranche pour le sociologue, une tranche pour le psychologue, une tranche pour ... Autant de tranches que de « sciences humaines ». Servez-vous, le buffet est « à volonté ».

 

Donc, disions-nous, rien de ce qui est sexuel n’est apolitique. Ma foi, pourquoi pas ? Je note au passage que, en tant qu'adversaire du mariage homosexuel, se faire traiter d’ « homophobe » montre bien qu'il y a en jeu quelque chose de plus ; je crois que ça montre que l’enjeu de cette ouverture institutionnelle ne se réduit pas au mariage, mais qu’il s’agit aussi et en plus de faire la promotion de l’homosexualité en tant que telle.

 

Si l'on ajoute à la loi votée la palme d'or offerte à un film chantant l'amour entre deux femmes (La Vie d'Adèle d'Abdellatif Kechiche), on peut dire que le tableau est complet. Jamais on n’a vu, sur n'importe quelle question touchant la sexualité, un tel battage publicitaire, un tel effort de propagande. Mais si je parle de prosélytisme, de quoi va-t-on me traiter ? Non, il est plus prudent de chanter, avec la vox populi : « Je vous déclare mari et mari ».

 

Un autre indice de cet enjeu : la manipulation de « l’opinion publique ». Il s’est répété, tout au long de la campagne pour le vote de la loi, que les sondages étaient unanimes à trouver dans la population française une approbation du mariage homosexuel par plus de 60 % des gens, parfois plus.

 

Sans parler de la futilité des conditions dans lesquelles sont pratiqués les sondages (j'en ai longuement parlé dans le passé), je lis dans Le Progrès (27 mai pour la "question du jour", puis 28 mai pour la réponse) une statistique légèrement différente. Il est vrai que la question ne porte pas sur le mariage homo, mais sur les manifs "anti". On me dira que ce ne sont que 4064 internautes qui ont répondu à cette « question du jour », mais j’attends qu’on me dise en quoi ce genre de réponse est moins valable que n’importe quel sondage. Et ce qu'il en serait, si la question portait sur le principe lui-même de ce mariage. 

AA MANIF POUR TOUS.jpg

EN HAUT LA QUESTION, EN BAS, LE LENDEMAIN, LA REPONSE.

LÀ, C'EST PLUTÔT UNE FRANCE CONTRE L'AUTRE.

Mais tous les médias, toutes les autorités, toutes « les associations » nous ont tellement martelé qu'il y a un consensus au sein de la société, qu'on est tout surpris de constater que la quasi-unanimité a tous les caractères d'une fable. Tiens, que pensez-vous de Les Animaux malades de la peste ?

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

dimanche, 18 novembre 2012

BD ET LIBERTE D'EXPRESSION

Pensée du jour :

S36.jpg

"SILHOUETTE" N°36

 

« L'oiseau a quelque chose d'étrange. Il fait des choses extraordinaires : l'urubu nettoie les poubelles, l'agami surveille les poulets,le gypaète est barbu, l'albatros pond des oeufs dont le petit bout est aussi gros que l'autre (et l'autre aussi petit que le premier), la huppe pupule, le milan huite et le rhinocéros barète (encore n'est-ce pas un véritable oiseau) ».

 

ALEXANDRE VIALATTE

 

 

 

Quand la BD devint « pour adultes » et mensuelle, j’ai encore suivi le mouvement. Ce furent Charlie (mensuel), Métal hurlant, Circus, A suivre, Pilote (mensuel), Fluide glacial (qui paraît toujours, mais bon, je me suis fatigué). HKH94 1970.jpgEt tout ça depuis le n° 1 jusqu’au dernier (enfin, pas toujours). Ça me fait encore des piles presque jusqu’au plafond, rien qu’avec ce que j’ai gardé, pour vous dire. Il va de soi que j’ai suivi Hara Kiri hebdo jusqu’à l'ultra-célèbre et immortel « Bal tragique à Colombey : 1 mort » (16 novembre 1970), et Charlie hebdo qui lui a immédiatement emboîté le pas, après l'interdiction pour crime de lèse-DE GAULLE.

 

 

Je garde une tendresse pour des revues plus éphémères de cette époque, parce qu’elles faisaient souffler un vent de liberté devenu totalement inimaginable aujourd’hui. Personne, à part le ministre de l’Intérieur, n’aurait alors eu l’idée de faire à sa place la police des moeurs ou  la police de la pensée : aujourd’hui, les flics de toute obédience (sous couvert d’ "associations" religieuses, sexuelles, raciales…) font régner leur intolérance. Attention, c’est parti pour une petite parenthèse !

 

 

Dans les médias (je veux dire tout ce qui est de l’imprimé, du son ou de l’image fixe ou animée), c’est le CURÉ qui a pris le pouvoir et revêtu l’uniforme du FLIC augmenté du Père Fouettard : le CURÉ RELIGIEUX (TOUS les prêtres, imams, rabbins), le CURÉ RACIAL (TOUTES les associations antiracistes), le CURÉ SEXUEL (TOUS les hétérophobes dénonciateurs de « phobies » qu’ils fabriquent pour les besoins de leur « cause », je ne vois pas pourquoi je n’en inventerais pas à mon tour). Quel nouveau PHILIPPE MURAY inventera un anticléricalisme à la hauteur de cette agression de tous les azimuts et de tous les instants ?

 

 

Ce n’est plus « Big Brother is watching you » (1984), c’est l’œil omniprésent du « curé punisseur » qui, telle une caméra de surveillance universelle, vous guette à tous les coins de rue pour vous envoyer en correctionnelle si vous avez la mauvaise idée de lever le doigt pour dire ce qui vous semble être de bon sens, par exemple au sujet du mariage et de l’adoption homosexuels.

LEMONDE 18.jpg

LA PROPAGANDE DES ANTI-LIBERTÉ A LE VENT EN POUPE :

J'APPELLE ÇA CRIMINALISER LA VIE SOCIALE

(Le Monde, dimanche 18 - lundi 19 novembre 2012)

Une intolérance qui se couvre du manteau de la « tolérance » et du « respect » (GEORGE ORWELL appelait ça la novlangue : « L’esclavage, c’est la liberté »), pourvu qu’ils en soient les seuls bénéficiaires. Une intolérance qui se couvre par ailleurs (mais ça va avec) de l'indispensable tunique de la VICTIME. Et le crime qui crée la victime, aujourd’hui, s’apparente presque toujours à la « discrimination », et concerne le plus souvent les gens à couleur de peau exogène, ou à sexualité marginale, ou encore à religion importée. La race, le sexe, la bondieuserie. Le tiercé gagnant.

HK195 1977.jpg

COMMENT CROYEZ-VOUS QUE LES "ASSOCIATIONS" (LGBT OU RELIGIEUSES)ACCUEILLERAIENT CETTE COUVERTURE AUJOURD'HUI ?

(décembre 1977) 

Je vais te dire : fais un beau mélange de tout ça, et tu as le magnifique couvercle d’un magnifique ORDRE MORAL qui s’abat sur toi pour te cuire à l’étouffée. Même Charlie-Hebdo (attention, celui ressuscité par PHILIPPE VAL en 1992, qui n’a pas grand-chose à voir avec le premier, né en 1970), fait un pet de travers tous les 36 du mois par peur des bombes et des procès, et quand il le fait, la merde n’est jamais bien loin, prête à exploser. C'est bien le signe que des forces de l'ordre (racial, sexuel, religieux) convergent et se coalisent contre l'expression libre, non ? De quel côté est-elle, l'intolérance ?

 

 

Ce « meilleur des mondes », PHILIPPE MURAY l’appelait l’ « envie de pénal ». Moi qui n’ai pas la classe du grand PHILIPPE MURAY, je me contente de l’appeler « curé punisseur ». C’est le même uniforme gris. Mais même les nobles imprécations de PHILIPPE MURAY n’ont pas suffi à empêcher le flot malodorant des hordes de gendarmes « antiracistes », « antisexistes », « antihomophobiques », « anti-islamophobiques » de tout submerger.

REVUE AH NANA.jpg

UNE REVUE PUBLIEE PAR DES FEMMES FEMINISTES (septembre 1978, dessin LIZ BIJL)

COMBIEN DE BOUCLIERS LEVÉS ET DE PROCES, SI C'ETAIT AUJOURDHUI ????

Je reviens à mes revues de BD plus éphémères. Pour dire ce qu'était la liberté d'expression à l'époque, je montre quelques couvertures. Parmi les comètes, je citerai Ah ! Nana ! : 9 numéros, avec la géniale NICOLE CLAVELOUX (ah ! son extraordinaire Alice au pays des merveilles) et l’austère CHANTAL MONTELLIER, un féminisme pas encore coincé dans un intégrisme « genriste » à la JUDITH BUTLER. Je citerai Surprise (5 numéros), publié par le dessinateur actuel de Libé, WILLEM, avec une curieuse BD, Ici, on ne nous voit pas.

REVUE MORMOIL BARDOT.png 

Je citerai Mormoil, avec la couverture magnifique du n°3 et sa superbe BRIGITTE BARDOT en prototype, archétype et modèle de l’idiote, croquée par MORCHOISNE, en train de dire : « Mords-moi le quoi ? ». Je citerai Tousse-Bourin, qui a révélé CABANES, Le Canard sauvage, avec DESCLOZEAUX, qui loue aujourd’hui ses services aux chroniques gastronomiques du Monde.

REVUE CRI QUI TUE.jpg

VOUS AVEZ NOTÉ : HONORABLE REVUE DE BANDES DESSINEES EXOTIQUES

Je citerai Piranha, Le Cri qui tue, la revue d’ATOSS TAKEMOTO, qui me permet d’affirmer que j’ai été parmi les premiers lecteurs de mangas publiés en France, longtemps avant que ça s’appelle « manga ». Je citerai enfin Virus, et une pléiade d’autres (Carton, Microbe, Aïe, Le Crobard, on n’en finirait pas, et je ne parle que de ce que j’ai connu), encore plus éphémères.

 

 

Ce n’était pas le « bon temps », c’est sûr, et je n’ai pas de nostalgie. J’observe juste une drôle d’inversion des rôles entre le politique et le sociétal : ce qui était politique était tabou aux yeux du pouvoir et toute incartade réprimée, alors que ce qu’on n’appelait pas encore le « sociétal » (autrement dit « les mœurs ») était laissé totalement libre (enfin, quand je dis "totalement", il s'en faut de beaucoup ...).

 

 

Aujourd’hui, c’est l’inverse : des hommes politiques et de l’ordre social, vous pouvez dire absolument tout ce que vous voulez, et même n’importe quoi, ça fait comme la pluie sur les plumes du canard (il n’y a plus de politique, il n’y a plus que de la « com », et les « susceptibilités » se sont muées en édredons et matelas pour abriter l'amour-propre devenu invulnérable, parce qu'inexistant, pour cause d'absence radicale de convictions).

 

 

Au sujet du « sociétal » (qu’on a cessé d’appeler les « mœurs »), en revanche, l’armée des CURÉS PUNISSEURS (religieux et sexuels et raciaux) se charge de vous fermer la gueule (regardez : même Libé se fait attaquer pour son titre sur BERNARD ARNAULT : « Casse-toi, riche con ! ». Pour une fois qu'ils étaient drôles !).

 

 

 

Moi, j'admire le peuple norvégien pour son attitude exemplaire après les atroces meurtres d'ANDERS BERING BREIVIK, et je vomis les loups qui ont déchiré en effigie RICHARD MILLET après la parution de son brûlot - ANNIE ERNAUX, JEAN-MARIE-GUSTAVE LE CLEZIO et TAHAR BEN JELLOUN venant tout à fait en tête -, ils méritent de retourner se réduire en la bouillie moralisatrice et policière d'où ils n'auraient jamais dû sortir pour empuantir l'air des hommes libres !!!

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

vendredi, 23 décembre 2011

SARKOZY DEGAINE SON ARMENIE

Allez ! C’est reparti. Mais qu’est-ce que c’est, cette fièvre qui les prend régulièrement, les politicards, qu’ils soient « uhèmpistes » ou « péhessistes », qu’ils dorment au palais Bourbon ou au palais du Luxembourg, qu’ils aient le pouvoir ou qu’ils veuillent le conquérir ? Encore un tour de cinglés ! De toute façon, pour moi, le Bourbon est un mauvais whisky (américain) et le Luxembourg, un paradis fiscal avec « Chambre de Compensation » (ça veut dire Clearstream) incorporée.

 

 

 On avait déjà la répression des PROPOS sur quelques sujets (antisémitisme, sexisme, homophobie et autres « phobies »), sur lesquels on a voulu coudre la bouche des dizaines de millions d’individus qu’on appelle en général la « population », puisqu’on a abandonné le mot « peuple ». Rien que ça : réprimer des PAROLES, ça me fait déjà craindre le pire.

 

 

Eh bien qu’on se le dise, de même que monsieur GERARD COLLOMB a mis les Arméniens dans sa poche électorale en laissant installer un « monument commémoratif » (en fait, une dizaine de totems bizarres) au pied du clocher de la Charité, de même, le président NICOLAS SARKOZY, en vue de la présidentielle, est parti à la pêche aux voix  arméniennes en leur accordant le vote d’une loi réprimant la négation de « tout » génocide en général (sous entendu : du génocide arménien en particulier).

 

 

Eh bien, je me répète, qu’on se le dise : si un candidat, quel qu’il soit, veut acheter ma voix, il va falloir qu’il donne une rallonge sévère au chiffre des picaillons. Ma voix est hors de prix, monsieur COLLOMB. Ma voix est au-dessus de vos moyens, monsieur SARKOZY. De toute façon, il est probable que vous n’avanceriez pas un centime dans cet investissement. C'est du fonds perdu.

 

 

Et vous avez raison : dans toutes les prochaines élections, vous êtes prévenus, ma voix restera dans ma gorge. J’ai cessé de faire joujou avec les petits papiers. Et je ne ferai aucun jeu de mots sur « urnes » et « burnes ». Ici, on est toujours d’une correction impeccable. On a sa dignité, que diable !

 

 

De quoi s’agit-il ? D’une course à pied. D’un sprint, pour être précis. C’est à qui arrivera le premier pour occuper le créneau. Le « Parti Socialiste » annonce il y a quelque temps qu’il fait mijoter une loi sur le sujet. SARKO bondit sur l'UMP : « Merde, on va se faire griller sur le génocide arménien. Vite une loi ! ». Ben elle est là, la loi. Dans le match SARKOZY-HOLLANDE, avantage à SARKOZY.

 

 

Vous avez vu le coup de main ? Chapeau l’artiste ! Remarquez, c'est une habitude à prendre : les faits divers ont bien servi de galops d'essai, au chapitre des lois-événements. Et ces cons de socialistes, qui voient le fromage arménien leur échapper, vous croyez qu’ils font la gueule ? Mais non ! Ils l’ont dans le baigneur ! Dans le dos ! Dans l’anus ! Dans ce que vous voudrez : piégés par SARKO, ils vont la voter, la loi, comme un seul clampin. Bien obligés ! C’est bien fait pour eux !

 

 

Est-ce que ça veut dire pour autant que les Arméniens ont tort ? Non évidemment. Le sol turc abrite en tout et pour tout 60.000 individus de cette … quoi ? Ethnie ? Langue ? Religion ? En 1900, ils étaient 2.000.000. Je signale en passant que 1915 et 1916 ont vu disparaître non seulement des Arméniens en pagaille, mais en gros toutes les minorités (Grecs, Juifs, …) qui occupaient une portion du territoire ottoman. Aujourd’hui, on appellerait ça « minorités visibles ».

 

 

Avec déportations vers Alep, micmacs avec les Russes, et tout un tas d’atrocités sur lesquelles les historiens sont bien documentés, les « Jeunes Turcs » ont construit leur nouvel Etat sur la « turquification » de la population. Je recommande les photos montrant des officiers turcs posant fièrement derrière leurs trophées : des rangées entières de têtes coupées. On n'est pas plus "raffiné". On ne disait pas encore « nettoyage ethnique ».

 

 

 

Et le MUSTAPHA KEMAL ATATURK des familles, qu’on nous sort en toute occasion du placard comme fondateur moderne et progressiste de l’Etat actuel, c’est bien lui qui obtient l’amnistie pour les massacreurs, si je ne me trompe. La Turquie qui réclame son fauteuil à la table européenne, c'est exactement l'héritière de ça, il faut le savoir. La Turquie actuelle est un pays depuis bien longtemps nettoyé des impuretés raciales. Déjà ça, ça me chiffonne la somnolence postprandiale.

 

 

Ce qui me retourne l’estomac et me badibulgue la comprenette, ces jours-ci, ce n’est donc pas un quelconque problème avec les Arméniens, mais avec les épiciers français qui font commerce de ce genre de marchandise, sous l’emballage de n’importe quel yaourt électoral.

 

 

Car la loi votée jeudi n’est pas la première du genre à instaurer un délit d’opinion, une infraction de parole, un crime de pensée. Il a d’abord été interdit de dire du mal des juifs. On a ajouté l’interdiction de soutenir que les juifs n’avaient pas subi une extermination. Sauf erreur de ma part, cette loi "mémorielle" ne dit rien des tziganes, des handicapés, des homosexuels morts à Auschwitz ou ailleurs.

 

 

Et comme, en tout, « il n’y a que le premier pas qui coûte », et qu’un bon politicard soigne correctement les cuisiniers qui le nourrissent, on a continué sur la lancée : il a été interdit de traiter les handicapés d’infirmes ; d’appeler « pédé » un homme qui préfère les hommes ; de tenir sur les femmes des propos jugés méprisants par les femmes ; sur les noirs des propos jugés infamants par les noirs ; sur la Lune des propos jugés diffamatoires par les Lunatiques ; sur les bébés éprouvette des propos jugés injurieux par les éprouvettes. Et tutti quanti !!!

 

 

NE PENSEZ PLUS, VOUS ÊTES CERNÉS. NOUS AURONS LES MOYENS DE VOUS FERMER LA GUEULE. RENDEZ-VOUS !

 

 

 

Il paraît que nous vivons en « démocratie ». MONTESQUIEU, pour que ce régime fût viable, exigeait que les citoyens fussent vertueux. On voit aujourd’hui ce qu’il en est. Si MONTESQUIEU est dans le vrai, la démocratie est bel et bien foutue. Mais prenons les choses et les hommes comme ils sont, de niveau moral moyen et variable. Et « faisons avec », comme on dit. La simple logique veut que, en même temps que les fous, les handicapés et les imparfaits, la démocratie laisse vivre les imbéciles, les crétins, les bas-de-plafond, bref, toutes les sortes de bêtes et de méchants.  

 

 

 

Cette démocratie s’honore de les laisser vivre, mais aussi et surtout de les laisser s’exprimer. En démocratie, on n’a pas le droit d’interdire aux gens d’être cons. Oui, les cons en jouissent aussi, de la liberté  d’expression. Et c’est normal que ce soient des conneries qui sortent de leur bouche. Aussi longtemps que ça reste des paroles.

 

 

Qu’est-ce que c’est, ces « démocrates » en peau de lapin qui se chargent de faire la police du langage et s’érigent en juges de ce qu’il est licite ou pas de dire et d’écrire ? De penser ?  

 

Les juifs s’honoreraient de laisser dire des blagues, même très mauvaises, sur les juifs. Visiblement, ce n’est pas la voie que prend le CRIJF, sous la houlette de son président RICHARD PRASQUIER. Même chose pour les homosexuels, les femmes, les handicapés.

 

 

Même chose, aussi, pour les Arméniens : j'aimerais assez, et pour tout dire, je considèrerais comme tout à fait normal et compréhensible que les Arméniens vivant en France soient eux-mêmes gênés aux entournures par le coup de lèche-cul que les politicards français leur ont fait en l'occurrence. Il faudrait voir à qui le crime profite.

 

 

Je me rappelle une exécrable plaisanterie du clown alsacien ROGER SIFFER : « Quelle est la différence entre un fumier alsacien et un fumier lyonnais (le spectacle avait lieu à Lyon, évidemment) ? ». La réponse était, vous l'avez devinée : « C'est qu'en Alsace, les fumiers n'ont pas de plongeoir ! ». Ouarf ! On s'éclate !

 

 

Minorités de tous les pays, par pitié, laissez dire du mal de vous ! Plus vous laisserez dire, plus ça voudra dire que vous êtes fortes ! Minorités de tous les pays, montrez-vous supérieures à tous les calculs sordides. Le SACRÉ ne se décrète pas à coups de lois. Minorités de tous les pays, ne vous faites pas les flics de la parole et de la pensée. N'ajoutez pas votre pelletée de terre dans le trou où se trouve la démocratie.

 

 

 

Sinon, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Je suggère qu’on fasse une loi pour punir les blagues belges de vingt ans de prison. Ça vaudrait le coup, non ? Et châtier les mauvais qui s'en prennent aux rouquins (voir Egypte ancienne), aux unijambistes, aux sauteurs à la perche, aux automobilistes à contresens, aux réverbères à l'envers, aux sauts de puce. Je vous le demande : de quel droit se moquerait-on des sauts de puce (à la Sainte Luce, les jours rallongent d'un saut de puce) ?

 

 

 

Un cri monte des profondeurs (vous vous rappelez ce que vous chantiez à l'église : "de profundis clamavi ad te") : des lois pour punir, DES LOIS POUR PUNIR, DES LOIS POUR PUNIR. A croire que c'est le point culminant de l'avenir démocratique. Chaque « minorité » doit dire : « Toi, sale politicard que je méprise et qui te mets à mon service pour accéder à ton misérable petit poste de petit pouvoir, satisfais mes exigences forcément légitimes et réprime ceux qui m'humilient, et tu auras droit aux voix de mon groupuscule. Sinon, que la fièvre quarte et la vérole de la Vierge de Guadalupe te patafiolent, la paille en cul et le feu dedans ».

 

 

Car le plus rageant, dans cette évolution inexorable, c’est la raison pour laquelle elle est promue : la ligne bleue de l’élection prochaine, le Graal de politicards vulgaires qui font leur marché en trimbalant de client en client leur bouche en cœur, dégoulinante de « convictions fortes ». « Clientélisme » est un mot décidément trop gentil. Il faudrait des termes plus injurieux, plus proches de la vomissure et de l’étron. Des mots plus sales et plus puants.

 

 

Je me contenterai de traiter tous ces premiers de la classe qui se servent de nous pour leur servir de marmitons, de mitrons et de saute-ruisseau, de qualifier tous ces élèves doués qui ont choisi la carrière de vendeurs de vent d’un seul mot : MINABLES.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

 

jeudi, 04 août 2011

DECLARATION D'EXTRÊME OPINION (fin)

« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous puissiez le dire. » VOLTAIRE

 

 

Je poursuis sur ma lancée.

 

 

Il n'existe donc aucun principe qui puisse établir des TABOUS D'OPINION. Il est, par exemple, honorable pour la démocratie de laisser monsieur THIERRY MEYSSAN délirer sa théorie du complot à propos des attentats du 11 septembre 2001.

 

 

En revanche, j'ai honte que, au pays, paraît-il, des « droits de l’homme » (cette expression me fait maintenant franchement marrer), des lois établissent des interdits de pensée et des interdits d’expression. Que la loi punisse des actes, je dirai évidemment que la loi fait son métier, en quelque sorte. Mais si elle s’insinue dans les cerveaux et dans les bouches pour poser des cadenas et des barreaux, la question se pose de savoir quel genre de régime politique est le nôtre. Ce n’est certainement pas une démocratie, en tout cas.

 

 

En disant : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites », VOLTAIRE affirme que le vrai démocrate respecte la personne qui pense et dit le contraire, aussi longtemps quelle se contente de le penser et de le dire, sans terroriser son contradicteur par guillotine interposée (on se rappelle SAINT-JUST : « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté »). La démocratie, si c’en est une, n’a pas le droit d’ôter aux gens le droit de dire n’importe quoi.  

 

 

Si nous sommes en démocratie, j'ai le droit d'être con. La démocratie, si c’en est une, n’a pas le droit d’ôter aux gens le droit d’être cons, haineux, méprisants, envieux, méchants, menteurs. La démocratie doit s’interdire d’interdire aux noirs des Antilles de se hiérarchiser entre eux, comme ils le font dans la réalité, en fonction de la couleur plus ou moins foncée de leur peau. Faut-il interdire aux « jeunes issus de l’immigration » d’injurier les blancs en les appelant « fromages » (c'est la réalité, à côté de "sale Français") ? La démocratie doit s’interdire d’interdire aux opinions extrêmes d’être exprimées. Un point c’est tout.

 

 

Je vais même dire une énormité qui fera peut-être bondir certains : LOUIS-FERDINAND CELINE a le droit d’être antisémite (je dis ça, mais je ne suis pas sûr qu'il n'y ait pas une loi pour ça). Le droit d’être l’auteur de Bagatelles pour un massacre (1937), son grand pamphlet antisémite. Mettez une fois le nez dedans, pour voir. Et sans vous le boucher. On le trouve sur internet. Cela pue, mais la puanteur est aussi une forme de la vie.

 

 

J’y ai mis le nez. Je dirai quant à moi que c’est surtout rasoir, et rasoir parce qu’antisémite. Mais aussi catastrophiquement imbécile. Comme dit le personnage Gustin : « On le sait que t’aimes pas les juifs. Tu nous les casses. ». Je cite de mémoire. LOUIS-FERDINAND CELINE, à ce que je sais, n’a commis aucun ACTE à l’encontre d’un juif. Chacun a le droit de ne pas aimer les juifs, s'il ne s'en prend pas à eux physiquement (j'inclus l'injure dans la notion d'agression physique ; de toute façon, comme disait monsieur PIERRE SAVINEL, mon professeur de français-latin-grec, dans un débat, le premier qui injurie l'autre a perdu la partie).  

 

VICTOR HUGO dit quelque part : « Etre capable de subir l'opprobre est une force et un honneur ». Je cite en substance, comme on dit. Tous les groupes intolérants qui veulent interdire au nom de la tolérance devraient méditer cette phrase. Car je parle des juifs, mais c’est tout aussi valable à propos des arabes, des femmes, des homosexuels, des catholiques à l'occasion, tous ces groupes dont le poil se hérisse dès qu’une parole (une parole !) les prend – précisément – à rebrousse-poil, et dont la préoccupation est d’ériger des barrières d’interdits portant les pancartes « islamophobie », « sexisme », « homophobie », « antisémitisme ».

 

 

Marre de CETTE intolérance ! Après tout, il y a des noirs qui méprisent souverainement les blancs. Demandez à un Coréen qui travaille au Japon comment il est traité. Voyez ce que pensent l'un de l'autre un Hutu et un Tutsi.

 

 

Le problème de la démocratie, c’est que si elle se met à utiliser les mêmes armes que ceux qui veulent la détruire, elle s’engloutit et disparaît dans la contradiction. Voyez le « patriot act » aux Etats-Unis, Guantanamo et GEORGE WALKER BUSH après le 11 septembre 2001. Si, pour venir à bout du terrorisme, la démocratie use de moyens terroristes, elle est finie. Pourquoi ? Parce qu’elle se renie elle-même.

 

 

L’honneur du démocrate, s’il existe, c’est d’admettre toutes les OPINIONS, même celles de ceux qui voudraient détruire la démocratie, aussi longtemps qu’elles restent des OPINIONS et des paroles, mais aussi de faire des lois réprimant les ACTES qui entreprennent concrètement de la détruire en s’en prenant physiquement aux individus désignés comme objets de haine.  

 

 

 

Assimiler des paroles à des ARMES (je n'inclus pas dans ces paroles les injures, évidemment), c'est d'abord un signe de faiblesse et de fragilité. C'est aussi un pur fantasme, qui rétrécit la démocratie en restreignant la notion même de liberté.

 

 

Tant que la PAROLE n'est pas confondue avec un ACTE, on reste en démocratie. Voilà ce qu'il dit, Alexipharmaque !

 

 

 

 

 

lundi, 01 août 2011

NORVEGE ET LIBERTE D'EXPRESSION

ANDERS BEHRING BREIVIK, vous connaissez, évidemment, comme tout le monde. Mais si, l’auteur maintenant célèbre d’un célèbre fait divers ! Il a tué entre 70 et 80 personnes à Oslo et Utheia. Par conviction d’Européen blanc et anticommuniste. A la bombe et au fusil. Cela s’appelle passer à l’action. La psychanalyse dirait « passer à l’acte ». ANDERS BEHRING BREIVIK a agi. Je veux dire qu’il n’a pas « exprimé » une opinion. Il a traduit une opinion dans une action concrète. Et criminelle.

 

 

Nous sommes, paraît-il, en démocratie. Nous jouissons, théoriquement, de la « liberté d’expression ». Mais qu’est-ce que la liberté d’expression ? En France, on le sait de moins en moins. J’ai dit beaucoup de mal, au sujet de la France, de la police de la pensée et de la police du langage qui se sont mises en place progressivement, à travers un certain nombre de lois qui punissent des délits de parole.

 

 

Cela s’est passé sous l’influence d’un certain nombre de groupes appelés « minorités ». Tout y passe, le sexe, la race, la religion. On ne peut plus émettre la moindre plaisanterie ni la moindre critique à l’égard des femmes, des arabes, des homosexuels, des juifs, sans se faire accuser de sexisme, de xénophobie (ou d’islamophobie), d’homophobie, d’antisémitisme.

 

 

En Norvège, le premier ministre vient de déclarer que le pays ne changera pas de politique en ce qui concerne l’expression des opinions, et que les opinions extrêmes ont tout à fait le droit de s’exprimer, aussi longtemps qu’il n’y a pas d’acte de violence. Retenez bien ça. Voilà une démocratie. En Norvège, l’extrême droite a le droit de s’exprimer, de formuler ses analyses, ses opinions, aussi extrêmes soient-elles. Elle n’a pas le droit de tuer. En Norvège, on fait la différence entre l’opinion et l’acte.

 

 

 

En France, ceux qui auraient envie de blaguer à propos de l’une des catégories mentionnées de la population s’exposent à l’accusation de PHOBIE, comme si leur cas relevait de la psychiatrie. Et s’exposent à des sanctions désormais légales, qui permettent à des « associations », des bonnes âmes certainement, de porter plainte, avec constitution de « partie civile ». En quoi cette négation française de la vraie liberté d’expression diffère-t-elle de ce que faisait l’U. R. S. S. brejnévienne en envoyant les opposants politiques dans des asiles de fous ?

 

 

Je ne citerai que pour mémoire cette phrase de VOLTAIRE, tellement rebattue qu’elle a perdu toute force et toute réalité : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous puissiez le dire ». Aujourd’hui, c’est devenu : « J’ai horreur de ce que vous dites, et je me battrai jusqu’à ce que le tribunal vous ait puni pour l’avoir dit ».

 

 

En 1784, PIERRE-AUGUSTIN CARON de BEAUMARCHAIS publie Le Mariage de Figaro. La tirade de Figaro au dernier acte est en principe (?) connue (?) des candidats bacheliers. Dans ce monologue, il dit, à propos de la liberté de la presse, quelque chose de parfaitement actuel : « On me dit que, pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l’autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l’Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l’inspection de deux ou trois censeurs ».

 

 

Il faut croire qu’au 18ème siècle, sous l’ancien régime, on savait mieux ce qu’est la liberté que nous autres, qui vivons au 21ème siècle, en régime soi-disant démocratique.

 

 

En France, quand toutes les « minorités » auront gagné, on débouchera sur quoi ? C’est relativement aisé à saisir : la vie sociale tout entière sera codifiée selon, d’une part, la liste des interdits ; et d’autre part, la liste des obligations. Et la fonction de l’école sera de faire apprendre par cœur à tous les écoliers les listes de proscriptions et de prescriptions. Et la police veillera à l’observance du code. Au besoin, un bon petit appel à la délation pour vaincre les résistances.

 

 

J’ai déjà abordé le problème. J’y reviens. Comment ça se passe, donc ? Prenez un groupe particulier qui se définit lui-même à travers une identité, mettons, par exemple, les « anti-corrida ». C’est l’identité d’un MILITANT, qui part en guerre contre quelque chose qu’il déteste. Je note d’ailleurs la dissymétrie entre le combat du MILITANT, et le plaisir de l’AMATEUR de corrida. Le premier décrète face au second : tu n’as pas le droit d’éprouver ton plaisir. D'ailleurs, le premier a eu la peau de la corrida en Catalogne.

 

 

Notons en passant que c’est précisément la détestation maladive de quelque chose qui définit la notion de PHOBIE. Mais il faut impérativement dissimuler l’aspect phobique de la guerre entreprise. Et le moyen le plus sûr, c’est tout simplement l’inversion de la charge de la preuve. Faire en sorte que le phobique désigné soit non pas celui qui déteste, mais celui qu’il déteste. Pour cela, profiter de l’horreur unanime qui saisit tous ceux, à l’audition des paroles honnies, qui prêchent la tolérance, avec la bouche en cœur si possible. On imagine le  système judiciaire où ce serait à la personne innocente de prouver qu’elle n’est pas coupable. Très pratique.

 

 

Autre urgence : ne pas attendre que des actes délictueux soient commis à l’encontre du groupe ainsi défini (il convient de dire aujourd’hui « minorité »), et s’attaquer à l’expression même, à la parole. On peut aussi se saisir, à l’occasion, des quelques actes déments commis contre tel groupe pour ériger le cas particulier en grave problème de société. On a profané un cimetière juif ou musulman ? Hurlez à l’antisémitisme, à l’islamophobie ! Présentez-vous collectivement comme une victime.

 

 

La France est donc pionnière en la matière (pour une fois qu’elle n’est pas « en retard » !). Le pays des droits de l’homme (je pouffe !) a réussi à faire de la parole un délit ! Et cette énormité apparaît aujourd’hui tellement évidente que (presque) tout le monde l’admet ! Alors que cela devrait être combattu. Ainsi s’instaure la société d’intolérance généralisée.

 

 

P. S. : Je crois utile de préciser malgré tout que je n’aime guère les extrémistes, quels qu’ils soient et d’où qu’ils viennent. Je trouve par exemple très comique l’insurrection qui gagne les gauchistes dès que l’extrême droite manifeste dans la rue, obligeant les C. R. S. à s’interposer. Mais l’idée qu’il puisse y avoir des TABOUS D’OPINION m’est au moins aussi insupportable.

 

 

 

mercredi, 06 juillet 2011

VICTIME : UN METIER D'AVENIR !

SUITE ET FIN

 

Maintenant la notion de victime. Le grand René Girard en a beaucoup parlé. Il en a même fait le centre (ou le point de départ) de sa théorie. Il a commencé dans Mensonge romantique et vérité romanesque, continué dans La Violence et le sacré. Après, je l’ai abandonné. A partir de Des Choses cachées depuis la fondation du monde. Je dirai pourquoi.

 

Pour faire clair et court, dans tous les groupes humains, chacun ne désire qu’un objet déjà désigné comme désirable par un autre. C’est la notion de « désir mimétique ». Dès lors, s’ensuit une rivalité mimétique du désir. Cette rivalité se répand de proche en proche, par  « contagion », jusqu’à entraîner une « violence mimétique », qui augmente jusqu’à produire la « crise sacrificielle » : le groupe éprouve la nécessité de purger cette violence pour ne pas s’y autodétruire. C’est là qu’intervient la « victime émissaire », qui était de toute façon désignée pour ce moment. Par exemple un « bouc émissaire » chez les juifs de l’antiquité. On procède alors au rite du sacrifice, dans les formes, et la paix est alors restaurée, jusqu’à la prochaine fois.

 

Vous savez l’essentiel. J’avoue avoir été impressionné par ce livre, lu en 1977. Mais il m’a aussi « gonflé ». Girard est lui-même tellement impressionné par sa construction qu’elle devient la clé totale, qui ouvre toues les portes du mystère humain. Le dernier livre de lui (voir ci-dessus) que j’ai lu est une apologie du christianisme : il y soutient que la crucifixion de Jésus Christ est le premier sacrifice qui a échoué à restaurer la paix dans le groupe, les sacrificateurs se rendant compte que la « victime émissaire » n’était pas « émissaire », justement, mais innocente. Dès ce moment, l’humanité entre dans une ère nouvelle, promise au « salut ». Girard était mûr pour devenir professeur dans une université américaine. C’est évidemment ce qu’il a fait. Mais de tout ça, je retiens principalement que la victime, pour René Girard, a un statut d'une grande noblesse et dignité, et remplit une véritable fonction.

 

Car tout ça fait très intello. Redescendons un peu, et même beaucoup, à la hauteur des minuscules Sarkozy et Dati, qui n’ont aucune idée de ce qui précède, puisque l’œil fixé sur la seule prochaine échéance électorale. C’est net, pour brosser comme il faut le chien électoral, il est bon d’instrumentaliser la victime. C’est un « créneau porteur », comme on dit dans le marketing.

 

Parce que, quelque part, si personne ne se conçoit a priori comme un bourreau, tout le monde, quelque part, se sent un peu victime. « Quelque part au niveau du vrai cul. – Tu l’as dit bouffi ! » Cela crée une solidarité dans le malheur quotidien. Avec  Madame Michu, la voisine, ça fait un vrai sujet de conversation. Bon, c’est vrai que ce n’est pas le salon de Madame du Deffand. Mais la tendance est là : « C’est pas une vie la vie qu’on vit. – A qui le dites-vous, ma pauv’dame ! ».

 

Il y a, dans toute foule, une forme de solidarité spontanée avec la victime. Elle est prompte à crier « à mort ». Elle s’identifie facilement à la victime. A entendre les propos de taverne (ou « brèves de comptoir »), elle endosserait volontiers l’uniforme du bourreau.

 

C’est d’ailleurs pour ça que, dans les grands débats de société, il est souvent très pratique d’endosser l’uniforme de la victime. Pour jouer sur ce réflexe de solidarité spontanée. Présenter comme une grave injustice l’interdiction faite aux homosexuels de se marier en tant qu’homosexuels, cela permet de se poser en victime, et c’est très pratique.

 

Présenter l’Etat d’Israël comme victime de racisme et d’antisémitisme quand on le critique politiquement, c’est très pratique (voir, il n’y a pas si longtemps, le cas d’Edgar Morin). Présenter toute plaisanterie sur les femmes, les homosexuels ou les handicapés comme une atteinte  insupportable aux droits de ces personnes, elles-mêmes présentées comme des victimes (sexisme, homophobie et tout ça), c’est aussi très pratique.

 

Et pourquoi est-ce très pratique de se poser en victime, demandera-t-on ? La raison est très simple à comprendre : parce que ça autorise la victime à demander réparation. Ben oui, aujourd’hui, si vous racontez en public une blague, même mauvaise, sur les femmes, les juifs, les Arabes, vous allez voir tous les rapaces et les hyènes de toutes les « associations de victimes » se jeter sur vous pour se partager votre cadavre. C’est une image.

 

Ces associations se nomment LICRA, FIDH, Osez le féminisme, Les chiennes de garde, la fédération « LGBT », etc. Et elles se jettent sur vous par tribunal interposé. Elles portent plainte. Parce qu’on a fait les lois que toutes ces « victimes » réclamaient depuis longtemps, et qui leur permettent de se porter partie civile. Le moindre pet de travers ne doit pas rester impuni. Le glaive de la justice doit frapper.

 

On demande (on obtient) réparation du préjudice subi. Ici, ce sera une affiche de publicité « portant atteinte à la dignité des femmes ». Là, ce sera un propos montrant une intolérable intolérance à l’encontre des juifs, des Arabes, des homosexuels (rayer la mention inutile en fonction du cas rencontré). Tout cela doit être assimilé à de la délinquance. Le coupable doit payer.

 

L’irremplaçable Philippe Muray dénonce très souvent ce qu’il appelle « l’envie de pénal ». J’appellerais cela une tendance à la « pénalophilie ». Des juristes très sérieux s’inquiètent même de la dérive que cette omniprésence des « victimes » potentielles fait planer à court terme sur ce que les journalistes et politiciens appellent vilainement « le » vivre ensemble. Cela s’appelle « judiciarisation » de la vie en société. Bon, en France, les avocats ne sont pas encore, comme c’est le cas aux Etats-Unis, à faire du porte-à-porte pour s’enquérir des « préjudices » dont vous avez été « victime ». Mais la tendance est là. 

 

Allez ! Foin de pessimisme ! En route vers le « meilleur des mondes ».

dimanche, 22 mai 2011

LES MOTS POLICIERS : PHOBIE

HARO SUR LES PHOBES !

Tout au long de ses Essais (Les Belles lettres, 2010), le grand Philippe Muray tape dès qu’il peut sur ceux qui tapent sur tous les « malades » atteints de diverses « phobies ». Il tape dessus pour une raison bien précise : les dénonciateurs de « phobies » font tout ce qu’ils peuvent pour que des lois interdisent d’être atteint de « phobies », et pour que des lois punissent impitoyablement toutes les manifestations publiques des « phobies » ainsi stigmatisées. Philippe Muray s’attaque ce faisant à la tendance de l’époque qui consiste à faire entrer toutes sortes de vides juridiques dans le Code pénal.

Il est vrai que c’est devenu une véritable manie : quand un fait divers tragique se produit, Nicolas Sarkozy sort sa loi, mais que l’absence de décrets d’application, ou tout simplement parce qu’elle est inapplicable, rend inapplicable. Un fait appelle une loi. Comme des faits, il s’en produit quelques milliards à chaque seconde, je ne sais pas si la distance de la Terre à la Lune suffirait pour calculer l’épaisseur du code pénal qu’il faudrait écrire pour la sécurité de la planète. La moitié de l’humanité serait alors chargée de commettre des faits (autrement dit de vivre). L’autre moitié serait composée de juristes, de juges, de procureurs et d’avocats. On appellerait ça la division du travail pénal.

Trêve de plaisanterie : par curiosité, je suis allé voir ce qui se trame derrière l’écran du mot « phobie ». Le détour est intéressant, et le spectacle est croquignolet. Si l’on s’en tient à la définition médicale, voici ce qu’on trouve dans le Dictionnaire de la psychanalyse d’Elisabeth Roudinesco : « Utilisé en psychiatrie comme substantif vers 1870, le terme désigne une névrose dont le symptôme central est la terreur continue et immotivée du sujet face à un être vivant, un objet ou une situation ne présentant en soi aucun danger ». Je retiens « névrose » et « terreur continue et immotivée ».

Un exemple ? J’ai connu une femme (Mme L.) qui souffrait de deux phobies véritables. Tout le monde connaît la claustrophobie, non ? Elle en souffrait à ce point que prendre l’ascenseur était pour elle, tout simplement, inenvisageable. Elle revenait donc du supermarché le coffre de la voiture plein, mettait tout dans l’ascenseur, appuyait sur le bouton et montait à pied. Bon, elle n'habitait qu'au troisième. Plus grave : elle m’a raconté qu’elle souffrait de « colombophobie », soit, en clair, la terreur des oiseaux. Un jour, elle traverse le pont Lafayette, au-dessus duquel passent et repassent les mouettes. L’une d’elles a le malheur de la frôler. Mme L. ne se souvient rigoureusement de rien, sinon que, lorsqu’elle a repris connaissance, elle était étendue au milieu de la chaussée, au milieu du pont.

Voilà ce que c’est, une vraie phobie, et voilà ce que ça donne : une panique totalement impossible à maîtriser, à réprimer ; une perte de conscience en présence de l’objet d’horreur. C'est ça la maladie qu'on appelle phobie. L’usage du mot, aujourd’hui, dans les médias, est tout simplement abusif. C’est une malversation. Ceux qui en parlent sont des faussaires. On accuse quelqu’un de « phobie » au même titre que Sarkozy accuse les socialistes d’ « immobilisme » et d’ « archaïsme ». Le mot phobie range illico celui qui en est atteint parmi les malades mentaux, atteint des mêmes « maladies mentales » qui servaient de prétexte aux Soviétiques pour  enfermer leurs dissidents en asile psychiatrique, où a été inventée la "torture blanche". Rien de mieux pour disqualifier. On appellera ça un hold-up. Cela veut dire accessoirement que l’accusation de « phobie » à tout bout de champ fonctionne aujourd’hui, exactement, comme un argument politique, et que la toile de fond totalitaire sur laquelle l’argument se détache n’a rien de rassurant.

C’est au même genre de malversation que, en 1984, toute la gent à soutane et à crucifix avait kidnappé le mot « libre » pour faire retirer la loi Savary qui stipulait que l’argent public irait désormais à l’enseignement public, l’enseignement privé (l’enseignement dit libre) devant se démerder pour trouver des fonds privés. Le tout, pour arriver à ses fins, comme ce fut le cas en l’occurrence puisque la loi fut retirée par François Mitterrand, le tout, c’est d’arriver à convaincre le plus de monde possible qu’on est, dans l’affaire, la victime. C’est très important, d’être la victime. Ce fut une belle imposture : être libre, cela signifie qu’on ne dépend de personne. Or l’enseignement catholique, puisqu’il faut l’appeler pas son vrai nom, dépend pour son existence de l’argent alloué par l’Etat français. Il est maintenu en vie grâce aux transfusions permanentes et importantes dans ses veines de l'argent du contribuable. Il est parvenu à ses fins en faisant subir aux mots la même inversion que Big Brother dans 1984 du grand George Orwell : « L’esclavage, c’est la liberté ». C’est ça, la Novlangue.

En consultant divers dictionnaires sérieux, j’ai trouvé une vingtaine de phobies dûment répertoriées, médicalement repérées. Une vingtaine, tout mouillé de chaud. Bon, on doit pouvoir en dénicher quelques autres dans les coins ou dans les placards : allons jusqu’à trente. Ensuite, vous allez voir sur l’incontournable Wikipédia. Là c’est du grand spectacle. Que dis-je ? C'est un feu d'artifice. A ce jour, la notice se divise en 9 parties. Je vous épargne l’énumération : disons qu’il y a les phobies au sens restreint, et les phobies au sens étendu (c’est évidemment dans ces dernières qu’il faut chercher l’imposture). J’exclus pour l’instant les mots de la chimie et de la biologie qui désignent des propriétés de corps ou d’organismes.

Au sens restreint, on trouve, attention, tenez-vous bien, quatre-vingt-onze (91) « phobies » (connaissiez-vous la « triskaïdekaphobie » ? Moi non plus. C’est la peur du nombre 13. Et la « plangonophobie », ou peur des poupées ?). Bref, c’est vous dire qu’avec Wikipédia on est dans le sérieux, vous ne trouvez pas ? Là, je me marre. Non, vous avez compris qu'on est dans le grand n'importe quoi. Je suis sûr qu’on peut en ajouter toute une liste, même en ne cherchant pas trop. Au sens étendu, on entre dans ce que la notice appelle « préjugés et discriminations », malheureusement sans dire s'il y a une parenté, et laquelle, avec la vraie phobie (voir l'exemple de Mme L. plus haut). On y trouve l’ « hispanophobie » (oui, pour introduire le paragraphe), puis, dans l’ordre alphabétique (juste quelques-uns, pour goûter) : « biphobie », « christiannophobie », « éphébiphobie », « gérontophobie », « hétérophobie », « homophobie », « islamophobie », etc. Il y en a douze, vous pouvez vérifier dès maintenant. Au total, ça fait cent trois (103) : une phobie de moins que les symphonies du grand Joseph Haydn. On est clairement dans la fantaisie, l’improvisation et l’imagination. C'est le grand n'importe quoi. On est clairement dans l’imposture.

Cette liste me fait penser à un article déjà ancien paru dans Le Monde diplomatique, intitulé « Pour vendre des médicaments, inventons des maladies », où l’auteur dénonçait la frénésie purement commerciale des firmes pharmaceutiques, désireuses de mettre en application le principe énoncé par Jules Romains, en 1923 s'il-vous-plaît, par la bouche du personnage central de sa pièce Knock : « Tout homme bien portant est un malade qui s’ignore ». Knock rêve en effet de transformer la petite ville dans laquelle il exerce en un vaste hôpital. De même, les inventeurs de « phobies » rêvent de transformer les gens normaux : « Toute personne normale est un phobique qui s’ignore ». On invente des « phobies » pour en faire tomber le maximum sous le coup de la loi, et punir les coupables.

Le mot qu’on met sur la chose découle souvent d’un choix idéologique. Entre 1940 et 1945, on savait dans quel camp vous étiez suivant que vous disiez « terroriste » ou « résistant ». Les mots qu’on utilise révèlent quelque chose de la personne qui les prononce. J’ai parlé ici le 10 mai de l’accusation de racisme portée contre Laurent Blanc. En voilà, un mot qu’on met à toutes les sauces, comme si quelqu’un, en l’appliquant à n'importe quoi, voulait en finir avec la notion même de racisme en la diluant tellement, comme dans les médicaments homéopathiques, qu’elle perd à l’arrivée toute signification.

Reste un mécanisme et une structure. Il faut trois acteurs : un accusateur déguisé en victime, un accusé, et le Code pénal. L’exemple récent des prières, le vendredi, dans certaines rues de Paris et de Marseille l’a bien montré. L’accusateur déguisé en victime, ce sont les musulmans de France, l’accusé, c’est Claude Guéant, coupable en l’occurrence d’ « islamophobie », et le levier, c’est bien le Code pénal. Je me garderai de prendre la défense du ministre de l’Intérieur. Houellebecq s’en est pris un jour à « la religion la plus bête du monde ». Un professeur de philo, Robert Redeker, a pris en 2006, une volée médiatique de bois vert quand il a osé dénoncer la violence prônée dans le Coran. Le fait seul qu’il ait aussitôt reçu des menaces de mort prouve qu’il avait raison. L’Islam en France est d’abord un fait. Même chose pour la judéophobie : celui qui en est taxé devient ipso facto un dégueulasse antisémite, parce qu’il a osé, comme Edgar Morin il y a quelque temps, critiquer la politique des Israéliens envers les Palestiniens. Même chose pour une des « phobies » qui ont le vent en poupe en ce moment : l’ « homophobie ».

Loin de moi l’idée d’approuver Guéant, Houëllebecq ou Redeker. Quant à l’homosexualité, elle est aussi vieille que l’humanité : elle est un fait. Il n’est évidemment pas question de persécuter les musulmans, les juifs ou les homosexuels : persécuter est un acte, et comme tel, il est intolérable. Ce qui est inquiétant dans toute cette affaire de mots, c’est qu’on a l’impression qu’ils sont assiégés, guettés, surveillés étroitement par des gardes-chiourme. Or, si les mots sont l’expression de la pensée, ils ne sauraient être considérés comme des actes, et encore moins jugés au même titre que des actes. Est-on sûr que développer à outrance la surveillance policière des mots soit le meilleur moyen de faire définitivement disparaître les actes contre les mosquées ou les tombes musulmanes, contre tel cimetière juif, contre les homosexuels ? Je suis très loin d’en être convaincu.

Quand la police prend le pouvoir, on peut voir ce que ça donne, par exemple en ce moment, dans la Syrie de Bachar el Assad.