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mercredi, 28 mai 2014

SAINT VIALATTE, PRIEZ POUR NOUS

Je reproduis ci-dessous un paragraphe d’une chronique d’Alexandre Vialatte que le journal La Montagne a publiée le 1er décembre 1964 : « Aussi le livre de Conchon a-t-il été mal accueilli par toute une partie de la critique. Parce qu’il appelle certaines choses par leur nom. C’est un crime qui ne se pardonne pas. Car, si nous en sommes là (avant d’être plus loin), c’est pour avoir accepté patiemment, et souvent avec enthousiasme, avec lâcheté ou avec perfidie, d’appeler les choses par le nom qu’elles n’ont pas, que dis-je, de leur donner le nom des choses contraires ». Ce grand monsieur avait sans doute lu 1984. Quelqu'un d'influent pourrait-il faire passer ce message à François Hollande, Nicolas Sarkozy et consort ?

 

L’article évoque le sujet du livre de Georges Conchon, qui a reçu le prix Goncourt en 1964, L’Etat sauvage. : «  Des enfants de huit ans qui font boire de l’essence à de paisibles pharmaciens parce qu’ils sont blancs, et les ouvrent ensuite avec un couteau à conserves pour mettre le feu à l’intérieur. Des noirs découpés très lentement au moyen de tessons de bouteille par des congénères irrités qu’ils ne soient pas analphabètes ». Rien de nouveau, donc, sous le soleil des tropiques. Le Centrafrique, le Sud-Soudan, le Nigéria d'aujourd'hui valent bien le Katanga d'avant-hier. 

 

Certains esprits irréfléchis aussi bien que légers classent Alexandre Vialatte parmi les humoristes.

 

Mais Alexandre Vialatte est beaucoup mieux que ça : il est aussi humoriste.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

jeudi, 20 juin 2013

ORWELL N'AIME VRAIMENT PAS DALI

 

BAUERNKINDER.jpg

ENFANTS DE PAYSANS, PAR AUGUST SANDER

 

(BAUERNKINDER)

 

***

« Dali est un bon dessinateur et un être humain répugnant ». C’est là que nous en étions restés.

 

Le verdict moral de George Orwell à propos de Salvador Dali est sans appel. Mais il ne se contente pas d’un jugement moral. Car sans être un spécialiste de l’art pictural, il sait raisonner en s’appuyant sur le bon sens, mais aussi sur les choses qu’il connaît, et là, on peut dire qu’il a le sens de l’histoire de la peinture. Il va donc parler de Dali peintre. Et ça devrait décoiffer tous les adeptes séduits par la « palette » du « maître » !

 

« Ah, Dali le déliquescent, on ne comprend pas tout, mais qu’est-ce que c’est bien fait ! » Eh bien on peut dire que les adeptes devraient s’améliorer en matière de culture picturale. Il y a comme un « chaînon manquant ». Et il faut l’inculte (!) Orwell (en matière de peinture) pour débusquer l’escroc sous l’avant-gardiste.

 

Il n’est pas question pour lui d’exiger l’interdiction de l’autobiographie (réelle et fictive tout à la fois) de Salvador Dali : « … c’est une politique contestable que d’interdire quoi que ce soit ». Une variante, somme toute, quoique bémolisée, de la célébrissime phrase de Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai etc. », parce qu’il ne faut pas exagérer, et qu’on ne peut lui demander l’impossible. Et puis finalement, ce n’est pas un problème d’accord ou de désaccord, mais un problème de choix de vie, voire une question de principe.

 

Car il prend soin de préciser, dans la suite de la phrase citée ci-dessus : « … les fantasmes de Dali éclairent sans doute utilement sur le déclin de la civilisation capitaliste. Mais ce dont il a assurément besoin, c’est d’un diagnostic ». Selon George Orwell, le résultat visible de la production « artistique » de Salvador Dali contient quelque chose de résolument avilissant pour l’homme : « Il ne devrait faire aucun doute que nous avons affaire ici à un esprit malade … ». Et encore ceci : « Il représente un symptôme de la maladie du monde ». Pour dire de quelle sorte est sa « grille de lecture ». Et combien je suis d’accord avec cette façon de voir.

 

Et puis en plus, George Orwell sait regarder. Il n’est pas historien de l’art, il n’est pas spécialement calé en critique de peinture, mais il dispose quand même d’un certain nombre de références. Et quand Dali ne fonce pas tête baissée sur la route surréaliste, l’attention de notre moraliste est attirée par « un indice qui constitue peut-être un début de réponse ». Cet indice est le style de dessin, qu’il juge en 1944 « démodé, surchargé d’ornements, édouardien ». C’est curieux d’ailleurs, car « édouardien », d'après ce que je crois en savoir, c’est plutôt la sobriété, opposée à l’exubérance victorienne du décor, mais je ne suis pas spécialiste. Peut-être un problème de traduction ?

 

Toujours est-il qu’il repère quelques influences dans le travail de Dali : Albrecht Dürer, Aubrey Beardsley, William Blake. Et puis, après avoir été troublé par une sorte de ressemblance générale qu'il a du mal à préciser, un détail attire son attention : un chandelier ornemental qui lui rappelle quelque chose. Bon sang mais c’est bien sûr : « la fausse bougie que l’on voit sur les lustres électriques, dans les hostelleries de campagne qui veulent se donner un style Tudor ». Et cela provoque immédiatement en lui « une vive impression de mièvrerie ». La mièvrerie de Salvador Dali ! C’était donc ça. Et les mouchetures d’encre semées pour dissimuler la chose n’y changent rien.

 

Il voit ici une image digne d’illustrer le conte de Peter Pan, là un crâne de sorcière de conte de fées. Et Orwell déduit : « Le pittoresque fait irruption à tout instant. Oubliez les têtes de mort, les fourmis, les homards, les téléphones et autres bric-à-brac, et vous vous retrouvez plongé dans l’univers de Barrie, de Rackham, de Dunsany et de Where the Rainbow Ends ». Le pittoresque ! Que des histoires pour enfants ! Ça la fout mal, pour celui qui se veut un grand pervers !

 

J. M. Barrie est le créateur de Peter Pan, Arthur Rackham un illustrateur de livres pour enfants, dont le dessin est empreint de préciosité, Lord Dunsany un auteur fantastique (La Fille du roi des Elfes), et le conte cité en dernier raconte l’histoire d’enfants qui voyagent sur un tapis volant. George Orwell voit Salvador Dali comme un enfant qui n’aurait grandi que physiquement. A tout prendre, il le juge indécrottablement infantile (scato, copro, nécro, sado, en un mot : pervers polymorphe). Etonnant, non ?

 

Pour enrichir son autobiographie, Dali n’a-t-il pas, au surplus, pioché dans les Ruthless Rhymes de Harry Graham, ces « comptines sans pitié pour foyers sans cœur » qui ne sont pas sans rappeler (c’est moi qui l’ajoute) Max und Moritz, les cruels enfants du grand Wilhelm Busch, finalement punis ? Par exemple, cette anecdote complaisante où il se vante d’avoir shooté dans la tête de sa petite sœur ressemble curieusement à la comptine féroce de Graham citée par Orwell.

BUSCH MAX UND MORITZ.jpg

LES IMPAYABLES, INÉNARRABLES ET INFERNAUX

MAX UND MORITZ,

DE WILHELM BUSCH

("Hélas, pourquoi faut-il souvent lire ou entendre parler de méchants enfants, comme par exemple les deux, ici présents, qui se nommaient Max et Moritz, qui, au lieu de se convertir au Bien au moyen d'un apprentissage ...", la suite un autre jour.)

 

Cet aspect de la pratique de Salvador Dali s’apparente à du pastiche. Sur ce, Orwell se lance dans une interprétation : « Mais il se peut que ces choses soient là également parce que Dali ne peut s’empêcher d’exécuter des dessins de ce genre, parce que c’est à cette période et à ce style de dessin qu’il appartient en réalité ». Ça vaut ce que ça vaut, mais je trouve ça intéressant.

 

Orwell enfonce le même clou : « Et supposez que vous n’ayez rien d’autre en vous que votre égoïsme et un bon tour de main ; supposez que votre véritable don soit pour le style de dessin minutieux, académique, figuratif, et votre véritable métier celui d’illustrateur de manuels scientifiques. Comment faire, dans ce cas, pour être Napoléon ? Il reste toujours une solution : la perversité ». Nous y voilà.

 

Ce procédé, consistant à provoquer, heurter et choquer le spectateur, qui est devenu extrêmement banal aujourd’hui, et quasiment obligatoire, Dali a su en faire une mine d’or à son profit : « Lorsque vous lanciez des ânes morts à la tête des gens, ils vous lançaient de l’argent en retour ». Comme quoi derrière l'argent que des élites faisandées investissent sur des artistes orduriers, il y a toujours un calcul des retombées potentielles en termes de prestige social. Le prestige d'un âne mort. Ce qui nous change de Rabelais, qui dit (Gargantua, 16) : « et ne fut possible de tirer de luy une parolle non plus qu'un pet d'un âne mort ». Les temps changent. C'est le progrès.

 

Ce que je retiens de cette étude de George Orwell sur un des peintres les plus célèbres du 20ème siècle, c’est d’abord cette formule, à propos de l’individu : « Dali est un bon dessinateur et un être humain répugnant ». Cette autre : « Il ne devrait faire aucun doute que nous avons affaire ici à un esprit malade ».

 

C'est ensuite une remarque sur l'état moral du monde. Car il est loin d’être seul coupable : les amateurs, snobinards et richissimes qui font fête à des artistes comme Dali sont tout aussi dépravés. Je ne dis pas « dégénérés », parce que c’est ainsi que les nazis désignaient les peintres et les musiciens qui n’était pas dans leur ligne (Die entartete Kunst). Et la dépravation de Dali trouve son exact reflet dans la dépravation des amateurs : « Il représente un symptôme de la maladie du monde ».

 

La maladie du monde, le premier à la rendre visible, c'est un certain Marcel Duchamp : un destructeur, sans doute, pas un pervers. Un malin qui fait de l'art avec les objets existants, et qui va torpiller les critiques d'art en inventant l'art intellectuel (l'inépuisable Mariée mise à nu ..., l'indéchiffrable Etant donnés : 1° la chute d'eau ...). Salvador Dali est un malin d'un autre genre : l'ordure et le difforme sont élevés au rang d'oeuvre d'art. Avec Andy Warhol, vous avez enfin l'oeuvre d'art indéfiniment polycopiée, vous avez définitivement l'art commercial des sociétés de masse. Duchamp, Dali, Warhol : c'est le trépied sacré sur lequel est assis tout l'art du 20ème siècle.

 

Pour moi, Orwell prenant Dali comme preuve de la déliquescence morale de la civilisation occidentale, voilà un point de repère auquel les paumés que nous sommes peuvent à l'évidence se référer. Et chaque jour qui passe confirme le diagnostic de George Orwell. Autrefois, on parlait avec respect d'un homme dont la droiture était insoupçonnable. J'ai le bonheur de saluer à mon tour la personne droite et l'oeuvre intègre de GEORGE ORWELL. Même si c'est lui qui a perdu la guerre morale, et que la saloperie a gagné. Il faut être héroïque pour se tenir droit, quand c'est le monde qui est tordu.

 

Que dire de Salvador Dali ? Que dire des goûts de François Pinault ? De Bernard Arnault ? De tous ces milliardaires qui couvrent d’or des Jeff Koons et des Damien Hirst ? Que dire, sinon que tout ça est OBSCÈNE et LAID, VULGAIRE et SALE ?

 

Vous êtes très moches, messieurs.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

mercredi, 19 juin 2013

ORWELL N'AIME PAS DALI

 

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PÂTISSIER, PAR AUGUST SANDER

 

***

George Orwell donc. Et pas dans le maître-livre qui l’a propulsé au rang de superstar de la science-fiction. Je trouve personnellement que 1984, un chef d’œuvre, évidemment, est plus alambiqué, plus complexe et plus allégorique que La Ferme des animaux.

 

Nous sommes d'accord : 1984 va incomparablement plus loin et plus profond, et son propos ne se limite pas finalement au stalinisme qu'il dénonçait explicitement (l'expression « Big Brother » comme pastiche de photographie,august sander,littérature,george orwell,1984,arts,peinture,salvador dali,la ferme des animaux,animal farm,ben,jeff koons,wim delvoye,cicciolina,andré breton,surréalisme,avida dollars,éditions ivréa,encyclodédie des nuisances« Petit père des peuples »). Et puis de toute façon, j’ai envie de parler d’un autre aspect de l'activité de l'auteur, plus proche du journaliste qu’il fut.  George Orwell a écrit des centaines de textes de natures très diverses. Ivréa et L’Encyclopédie des nuisances ont publié une partie non négligeable de ceux-ci, sous le titre Essais, articles, lettres. Une édition chronologique.

 

Quatre forts volumes. Environ 2000 pages. Je regarde ça, et je me reprends à espérer – oh non, pas dans l’humanité, rassurez-vous, simplement dans le courage et la ténacité d’éditeurs qu’on peut dire, pour le coup, indépendants. Je veux dire : libres. Et pour être en mesure de se dire libre, il faut avoir assez de coffre pour sacrifier quelque chose de soi. C’est Michel Noir, ancien maire de Lyon, qui déclarait : « Il vaut mieux perdre une élection que perdre son âme ». Une phrase qui a de la gueule, ne serait-ce que parce qu’elle est rare. Editeur peut être un beau métier, si l’on fait ce qu’il faut pour que ça le soit et le reste.

 

Alors évidemment, il n’est pas question de résumer ici 2000 pages, à moins que le résumé ne tienne sur 2000 pages. Non, je voudrais juste donner une idée de ce qu’on peut y trouver, en évoquant tel ou tel sujet que George Orwell a abordé à l’occasion. Tiens, pourquoi pas L’immunité artistique : quelques notes sur Salvador Dali, qui date de 1944 ?

 

J’aime bien quand quelqu’un de l'envergure aquiline de George Orwell, planant dans les hautes couches de l'atmosphère, repère soudain au ras du sol un charogne à sa mesure et plonge de tout son bec et de toutes ses griffes sur ce vil escroc qui a réussi à faire croire qu’il révolutionnait la peinture. Je passe sur « Avida Dollars » (anagramme de S. D.) dont André Breton l’a habillé pour l’hiver. Reconnaissons-lui une vraie créativité si vous voulez, mais seulement jusqu’en 1935, dans le cadre du groupe surréaliste.

 

Après, il a juste fait du pognon, du pognon et encore du pognon. J’exagère sans doute, mais pas tant que ça. Le soin qu’il apportait à la mise en scène de soi-même (il se déclarait lui-même narcissique) me le rend tout à fait antipathique. C’est ce qui parvient peut-être à gâter la perception que je peux en avoir, même si, quoi qu’il en soit, il me semble qu’il a fait naufrage dans l’incongru et le tape-à-l’œil, dont il a fait commerce, en produisant à tire-larigot des images pieuses d'un nouveau genre, quasiment sulpiciennes à force d'être parfaitement léchées.

 

Orwell aborde Dali d’un point de vue un peu voisin, puisqu’il le regarde sous un angle moral, comme le laisse entendre le titre ci-dessus (qui n’est pas la traduction de l’original). Il relève son goût marqué pour « la perversité sexuelle et la nécrophilie », le « thème excrémentiel », note que Dali « se targue de ne pas être homosexuel », et conclut : « … mais à part cela, il semble détenir la plus belle panoplie de perversions dont on puisse rêver ». On ne saurait être plus net dans le reproche.

 

Enfin, quand je dis « reproche », tout cela est formulé (pour le moment) sans jugement : pour Orwell, qui se veut davantage objectif que moralisateur, les faits parlent d’eux-mêmes, et il n’a pas besoin d’en rajouter, même si la morale, ici, est le critère : « L’obscénité est un sujet dont il est très difficile de parler en toute sincérité. Les gens ont trop peur soit de paraître choqués, soit de paraître ne pas l’être, pour être en mesure de définir les rapports entre l’art et la morale ». Il écrit ça en 1944, et il meurt en 1949. Il n’a pas eu la chance d’admirer le gobelet d’urine de Ben (1962), la scène de pénétration de la Cicciolina par Jeff Koons (1992) ni la machine à merde de Wim Delvoye (2000).

 

En fait, le commentaire d’Orwell est suscité par la parution de l’ « autobiographie » (on ne sait pas trop) de Dali The Secret Life of Salvador Dali. L’artiste s’y vante de certaines dépravations, de certains actes sadiques et autres turpitudes. Je dirai qu’il « en remet ». Et le commentaire d’Orwell montre que, s’il avait été médecin, il aurait été célèbre pour la qualité de son diagnostic : il met le doigt là où ça fait mal. Il sait que les saloperies révélées par Dali dans le bouquin peuvent tout aussi bien être réelles que fictives. Ce qui porte un nom : complaisance dans le sordide.

 

Voici, in extenso, le paragraphe que je crois névralgique de l'étude d'Orwell : « Ce que revendiquent en fait les défenseurs de Dali, c’est une sorte d’immunité artistique. L’artiste doit être exempté des lois morales qui pèsent sur les gens ordinaires. Il suffit de prononcer le mot magique d’ « art », et tout est permis. Des cadavres en décomposition avec des escargots qui rampent dessus, c’est normal ; donner des coups de pied dans la tête des petites filles, c’est normal ; même un film comme L’Âge d’or [où l’on voit une femme en train de chier, selon Henry Miller] est normal. Il est également normal que Dali s’en mette plein les poches pendant des années en France, puis détale comme un rat aussitôt que la France est en danger. Dès lors que vous peignez assez bien pour être consacré artiste, tout vous sera pardonné ». Ce paragraphe, est-il utile de le préciser, me réjouit au plus haut point. Au passage, les lecteurs un peu assidus de ce blog auront goûté à sa juste valeur la répétition du mot « normal ».

 

Il dit encore quelques petites choses intéressantes : « Il est aussi antisocial qu'une puce. Il est clair que de tels individus sont indésirables, et qu'une société qui favorise leur existence a quelque chose de détraqué ». Et même des choses assez drôles : « Si vous dites que Dali, tout en étant un brillant dessinateur, est une sale petite fripouille, on vous regarde comme si vous étiez un sauvage. Si vous dites que vous n'aimez pas les cadavres en putréfaction, et que les gens qui aiment les cadavres en putréfaction sont des malades mentaux, on en déduit que vous manquez de sens esthétique ».

 

Sans se gargariser de formules brillantes, c'est avec sobriété qu'Orwell assène les coups de son bon sens sur la tête du reptile.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

mardi, 18 juin 2013

ORWELL N'AIME PAS DALI

 

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COUPLE DE PAYSANS (BAUERNPAAR), PAR AUGUST SANDER

***

 

Je ne sais pas si on lit encore beaucoup 1984 de George Orwell. Il paraît que les ventes aux Etats-Unis ont été multipliées pas 6 depuis les révélations dans The Guardian (journal anglais) sur les activités de la NSA dans le pays, orientées vers l’écoute indifférenciée de toutes les communications des citoyens. L’émoi des dits citoyens est à la hauteur de l’enjeu.

 

Rendez-vous compte. Le système d’écoute baptisé « Echelon », révélé au grand jour il y a une dizaine d’années, avait déjà fait sensation, alors qu’il se réduisait (si l'on peut dire) à surveiller, sur les réseaux de communication, un certain nombre de mots-clés qui, une fois situés et correctement décryptés, étaient censés procurer à l’hyperpuissance un niveau de sécurité jamais atteint auparavant, en désignant aux spécialistes les individus dangereux. C’était encore sélectif, voire artisanal. Juste un vernis de démocratie, mais bon.  

 

La puissance informatique est devenue telle aujourd’hui qu’ils peuvent se permettre de ne rien filtrer, de tout enregistrer. De façon indifférenciée. Pas de sélection, « ce que nous voulons : TOUT ». C’est drôle, c’était le titre d’une revue ou d’un mouvement en 1968. C’est devenu le nec plus ultra d’une des agences de renseignement les plus secrètes et les plus sophistiquées. Comme le chante Charles Trenet : « C’est la vie qui va toujours, Vive la vie, Vive l’amour ! Quand tout vit, c'est que tout va ! ». La couleur désuète de ces paroles a quelque chose d'attendrissant.

 

Donc admettons que George Orwell, c’est 1984. Big Brother ? Le télécran ? « Big Brother is watching you » ? De la gnognotte, parce qu’Orwell  l’ayant écrit avant 1950, s’il pouvait imaginer l’irruption de la caméra et de la télévision dans l’espionnage de la vie privée des individus, comment aurait-il pu prévoir la carte à puce, le téléphone portable, la puce RFID, Google, Facebook, Twitter et autres joyeusetés. Qui vous « tracent », comme on dit depuis peu, pour ne pas dire qu'on vous « traque », mot qui traduit exactement l'idée, puisqu'un « tracker dog » n'est rien d'autre qu'un chien policier. La technique permettrait de reconstituer la trajectoire d'une fourmi dans la fourmilière. D'ici qu'on y voie un traquenard ...

 

Grâce à ces innovations si intéressantes, la technique a permis de livrer à des responsables politiques ou économiques les informations les plus précises et les plus pointues sur les comportements des gens, dans le but de leur faciliter le commerce et la gestion des masses. Quoi, me dit-on, si je n'ai rien à me reprocher, je n'ai rien à craindre. Ah la belle âme. Ah le gros naïf, ravi de se faire espionner, sans doute parce qu'au moins, ça montre qu'on s'intéresse à lui. Ça lui donne le sentiment d'exister.

 

Et puis monsieur, j'ai au moins le droit de ne pas avoir envie d'être suivi, observé, espionné, décortiqué. Et si l'envie m'en vient, j'ai le droit de disparaître sans laisser la moindre trace. De la gnognotte, donc, que 1984, quand on voit les dernières avancées offertes aux instances de contrôle et de manipulation, mais quel magnifique sens de l’anticipation de la part de son auteur !

 

La novlangue ? Une autre anticipation géniale de George Orwell, au point qu’on peut dire que tous ceux qui fabriquent à tour de bras de la reformulation et de l’ « élément de langage » (tout ce que politiciens et marchands mâchonnent devant les micros et sur les affiches) ont à peu près piqué la méthode estampillée "Big Brother" pour repeindre la réalité dans la couleur du jour voulue par celui-ci.

 

On nage en effet depuis des lustres dans la novlangue, sans s’en formaliser, au point que le mot « euphémisme » est admis sans discernement ni discussion, comme un article de la loi fondamentale. Il est interdit d'utiliser les mots qui tranchent, ceux qui correspondent directement à la chose qu'ils désignent. Le détour par la périphrase adoucissante et menteuse, ou par l'euphémisme sucré qui fait passer l'amertume de la pilule sont désormais obligatoires. Euphémisme et périphrase règnent en maîtres absolus : « crise » mis pour « festin des grands carnassiers », « plan de retour à l’emploi » pour « licenciements massifs », et le reste à l’avenant.

 

L’expression américaine colonisatrice – « politiquement correct » – est devenue l’objet de gags ironiques au 128ème degré, où plus personne n’est en mesure de détecter l’intention première de celui qui parle (sincère ou duplice ?). Ce faisant, on oublie que la « political correctness » fut conçue au départ, aux USA, pour permettre aux « minorités » victimes de « discriminations », « stigmatisations », etc. (nains, noirs, homosexuels, femmes, etc.) de se venger de leurs « tortionnaires » à coups de rafales de procès aux retombées parfois tout à fait lucratives.

 

Dans la novlangue d’aujourd’hui, plus personne n’a les compétences pour affirmer qu’un mot veut dire ce qu’il dit, ou le contraire de ce qu’il dit, ou même le contraire du contraire de ce qu’il dit, qui n’est pas forcément réductible à son sens premier. J’espère que vous suivez.

 

Les pessimistes parleront de perversion toujours plus infernale des photographie,august sander,allemagne,george orwell,littérature,nsa,1984,espionnage,mai 68,big brother,puce rfid,google,facebook,twitter,novlangue,éléments de langage,euphémismemots de la langue, les indécrottables optimistes se réjouiront des progrès et de l’évolution. Pour mon compte, je suis d’avis de laisser les optimistes continuer à se laisser couvrir de crotte par l’anus du monde comme il va, de la même façon que Numérobis est couvert d’or à la fin d’Astérix et Cléopâtre, mais je ne vais pas refaire le coup de l’argent matière fécale, je ne m’appelle pas Sigmund F.

 

Moralité : on peut considérer le 1984 de George Orwell comme un schéma approximatif mais juste, quoiqu'incomplet, de l'avenir radieux offert à la liberté humaine par l'innovation technique. Je n'ai pas dit "progrès" technique, car il est désormais clair que la voie royale de l'innovation permanente diverge de plus en plus nettement de ce qu'il serait légitime de considérer comme le "progrès".

 

Selon moi, il serait même salutaire de bannir définitivement de notre lexique l'expression « Progrès Technique ». Du point de vue de la liberté humaine, si celle-ci a encore un sens, je propose même de parler désormais de « Régrès Humain ». Certains économistes parlent bien de « décroissance », alors hein ! 

 

Je propose de regarder la courbe ascendante de l'innovation technique (par exemple, Motorola vient de mettre au point une pilule-puce qui, aussitôt dans l'estomac, prendrait les commandes de toute l'électronique domestique) à la lumière de la courbe de l'évolution humaine : je suis prêt à parier qu'elle lui est inversement proportionnelle, et que plus la technique innove, plus l'humanité régresse.

 

On va me dire que j'exagère d'abuser, mais si l'on met bout à bout toutes les innovations, on voit se dessiner, maille après maille, le filet technique, invisible et parfait, dans lequel certains projettent d'enfermer les humains, sans qu'ils s'en aperçoivent. C'est comme dans Loft Story : on s'est habitués aux micros et aux caméras, jusqu'à oublier leur existence. 

 

C'est ça, le Régrès : permettre à la police et aux marchands de retrouver instantanément n'importe quelle fourmi humaine grâce aux traces électroniques dont elle balise chacune de ses activités, à l'exception du jardinage. Enfoncé, le Petit Poucet. Chacun de nous est devenu un « Enorme Poucet » : même plus besoin de chien policier. Pauvres parents, qui ne peuvent même plus aller perdre leurs enfants dans la forêt !

 

Si les gens se mettent à dire un de ces jours : « On n'arrête pas le Régrès », ce sera grâce à moi, vous vous rendez compte ? Mais George Orwell avait vu ça bien avant moi.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

dimanche, 18 novembre 2012

BD ET LIBERTE D'EXPRESSION

Pensée du jour :

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"SILHOUETTE" N°36

 

« L'oiseau a quelque chose d'étrange. Il fait des choses extraordinaires : l'urubu nettoie les poubelles, l'agami surveille les poulets,le gypaète est barbu, l'albatros pond des oeufs dont le petit bout est aussi gros que l'autre (et l'autre aussi petit que le premier), la huppe pupule, le milan huite et le rhinocéros barète (encore n'est-ce pas un véritable oiseau) ».

 

ALEXANDRE VIALATTE

 

 

 

Quand la BD devint « pour adultes » et mensuelle, j’ai encore suivi le mouvement. Ce furent Charlie (mensuel), Métal hurlant, Circus, A suivre, Pilote (mensuel), Fluide glacial (qui paraît toujours, mais bon, je me suis fatigué). HKH94 1970.jpgEt tout ça depuis le n° 1 jusqu’au dernier (enfin, pas toujours). Ça me fait encore des piles presque jusqu’au plafond, rien qu’avec ce que j’ai gardé, pour vous dire. Il va de soi que j’ai suivi Hara Kiri hebdo jusqu’à l'ultra-célèbre et immortel « Bal tragique à Colombey : 1 mort » (16 novembre 1970), et Charlie hebdo qui lui a immédiatement emboîté le pas, après l'interdiction pour crime de lèse-DE GAULLE.

 

 

Je garde une tendresse pour des revues plus éphémères de cette époque, parce qu’elles faisaient souffler un vent de liberté devenu totalement inimaginable aujourd’hui. Personne, à part le ministre de l’Intérieur, n’aurait alors eu l’idée de faire à sa place la police des moeurs ou  la police de la pensée : aujourd’hui, les flics de toute obédience (sous couvert d’ "associations" religieuses, sexuelles, raciales…) font régner leur intolérance. Attention, c’est parti pour une petite parenthèse !

 

 

Dans les médias (je veux dire tout ce qui est de l’imprimé, du son ou de l’image fixe ou animée), c’est le CURÉ qui a pris le pouvoir et revêtu l’uniforme du FLIC augmenté du Père Fouettard : le CURÉ RELIGIEUX (TOUS les prêtres, imams, rabbins), le CURÉ RACIAL (TOUTES les associations antiracistes), le CURÉ SEXUEL (TOUS les hétérophobes dénonciateurs de « phobies » qu’ils fabriquent pour les besoins de leur « cause », je ne vois pas pourquoi je n’en inventerais pas à mon tour). Quel nouveau PHILIPPE MURAY inventera un anticléricalisme à la hauteur de cette agression de tous les azimuts et de tous les instants ?

 

 

Ce n’est plus « Big Brother is watching you » (1984), c’est l’œil omniprésent du « curé punisseur » qui, telle une caméra de surveillance universelle, vous guette à tous les coins de rue pour vous envoyer en correctionnelle si vous avez la mauvaise idée de lever le doigt pour dire ce qui vous semble être de bon sens, par exemple au sujet du mariage et de l’adoption homosexuels.

LEMONDE 18.jpg

LA PROPAGANDE DES ANTI-LIBERTÉ A LE VENT EN POUPE :

J'APPELLE ÇA CRIMINALISER LA VIE SOCIALE

(Le Monde, dimanche 18 - lundi 19 novembre 2012)

Une intolérance qui se couvre du manteau de la « tolérance » et du « respect » (GEORGE ORWELL appelait ça la novlangue : « L’esclavage, c’est la liberté »), pourvu qu’ils en soient les seuls bénéficiaires. Une intolérance qui se couvre par ailleurs (mais ça va avec) de l'indispensable tunique de la VICTIME. Et le crime qui crée la victime, aujourd’hui, s’apparente presque toujours à la « discrimination », et concerne le plus souvent les gens à couleur de peau exogène, ou à sexualité marginale, ou encore à religion importée. La race, le sexe, la bondieuserie. Le tiercé gagnant.

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COMMENT CROYEZ-VOUS QUE LES "ASSOCIATIONS" (LGBT OU RELIGIEUSES)ACCUEILLERAIENT CETTE COUVERTURE AUJOURD'HUI ?

(décembre 1977) 

Je vais te dire : fais un beau mélange de tout ça, et tu as le magnifique couvercle d’un magnifique ORDRE MORAL qui s’abat sur toi pour te cuire à l’étouffée. Même Charlie-Hebdo (attention, celui ressuscité par PHILIPPE VAL en 1992, qui n’a pas grand-chose à voir avec le premier, né en 1970), fait un pet de travers tous les 36 du mois par peur des bombes et des procès, et quand il le fait, la merde n’est jamais bien loin, prête à exploser. C'est bien le signe que des forces de l'ordre (racial, sexuel, religieux) convergent et se coalisent contre l'expression libre, non ? De quel côté est-elle, l'intolérance ?

 

 

Ce « meilleur des mondes », PHILIPPE MURAY l’appelait l’ « envie de pénal ». Moi qui n’ai pas la classe du grand PHILIPPE MURAY, je me contente de l’appeler « curé punisseur ». C’est le même uniforme gris. Mais même les nobles imprécations de PHILIPPE MURAY n’ont pas suffi à empêcher le flot malodorant des hordes de gendarmes « antiracistes », « antisexistes », « antihomophobiques », « anti-islamophobiques » de tout submerger.

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UNE REVUE PUBLIEE PAR DES FEMMES FEMINISTES (septembre 1978, dessin LIZ BIJL)

COMBIEN DE BOUCLIERS LEVÉS ET DE PROCES, SI C'ETAIT AUJOURDHUI ????

Je reviens à mes revues de BD plus éphémères. Pour dire ce qu'était la liberté d'expression à l'époque, je montre quelques couvertures. Parmi les comètes, je citerai Ah ! Nana ! : 9 numéros, avec la géniale NICOLE CLAVELOUX (ah ! son extraordinaire Alice au pays des merveilles) et l’austère CHANTAL MONTELLIER, un féminisme pas encore coincé dans un intégrisme « genriste » à la JUDITH BUTLER. Je citerai Surprise (5 numéros), publié par le dessinateur actuel de Libé, WILLEM, avec une curieuse BD, Ici, on ne nous voit pas.

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Je citerai Mormoil, avec la couverture magnifique du n°3 et sa superbe BRIGITTE BARDOT en prototype, archétype et modèle de l’idiote, croquée par MORCHOISNE, en train de dire : « Mords-moi le quoi ? ». Je citerai Tousse-Bourin, qui a révélé CABANES, Le Canard sauvage, avec DESCLOZEAUX, qui loue aujourd’hui ses services aux chroniques gastronomiques du Monde.

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VOUS AVEZ NOTÉ : HONORABLE REVUE DE BANDES DESSINEES EXOTIQUES

Je citerai Piranha, Le Cri qui tue, la revue d’ATOSS TAKEMOTO, qui me permet d’affirmer que j’ai été parmi les premiers lecteurs de mangas publiés en France, longtemps avant que ça s’appelle « manga ». Je citerai enfin Virus, et une pléiade d’autres (Carton, Microbe, Aïe, Le Crobard, on n’en finirait pas, et je ne parle que de ce que j’ai connu), encore plus éphémères.

 

 

Ce n’était pas le « bon temps », c’est sûr, et je n’ai pas de nostalgie. J’observe juste une drôle d’inversion des rôles entre le politique et le sociétal : ce qui était politique était tabou aux yeux du pouvoir et toute incartade réprimée, alors que ce qu’on n’appelait pas encore le « sociétal » (autrement dit « les mœurs ») était laissé totalement libre (enfin, quand je dis "totalement", il s'en faut de beaucoup ...).

 

 

Aujourd’hui, c’est l’inverse : des hommes politiques et de l’ordre social, vous pouvez dire absolument tout ce que vous voulez, et même n’importe quoi, ça fait comme la pluie sur les plumes du canard (il n’y a plus de politique, il n’y a plus que de la « com », et les « susceptibilités » se sont muées en édredons et matelas pour abriter l'amour-propre devenu invulnérable, parce qu'inexistant, pour cause d'absence radicale de convictions).

 

 

Au sujet du « sociétal » (qu’on a cessé d’appeler les « mœurs »), en revanche, l’armée des CURÉS PUNISSEURS (religieux et sexuels et raciaux) se charge de vous fermer la gueule (regardez : même Libé se fait attaquer pour son titre sur BERNARD ARNAULT : « Casse-toi, riche con ! ». Pour une fois qu'ils étaient drôles !).

 

 

 

Moi, j'admire le peuple norvégien pour son attitude exemplaire après les atroces meurtres d'ANDERS BERING BREIVIK, et je vomis les loups qui ont déchiré en effigie RICHARD MILLET après la parution de son brûlot - ANNIE ERNAUX, JEAN-MARIE-GUSTAVE LE CLEZIO et TAHAR BEN JELLOUN venant tout à fait en tête -, ils méritent de retourner se réduire en la bouillie moralisatrice et policière d'où ils n'auraient jamais dû sortir pour empuantir l'air des hommes libres !!!

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

jeudi, 07 juin 2012

LE MONDE, SUBVERSION DE SOI-MÊME

RÉSUMÉ : les critiques, dans toutes les disciplines de la création artistique (jusque dans le monde de la mode) crient au miracle et se rendent en longues processions dans les temples de la « Culture » pour se prosterner devant leurs grands prêtres, passés maîtres dans l’art de transgresser les règles admises, d’enfreindre les codes, de violer la morale, d’oser subvertir la société, de commettre des attentats contre l’ordre esthétique établi. Et pourtant, l’ancien monde n’a pas bougé, il est toujours debout. Comment se fait-ce ? 

 

N’allons pas chercher la réponse trop loin. Tout ce petit peuple qui mange aux multiples râteliers des Arts et des Lettres, tous ces laborieux tâcherons, plus ou moins lumineux, tous ces « révolutionnaires » qui ne font la « révolution » qu’à condition qu’elle soit subventionnée par l’Etat, - l’impeccable parce qu’intellectuellement intègre PHILIPPE MURAY les assaisonne dûment, en leur accolant généreusement la formule, délicieuse et parfaitement exacte, de « MUTINS DE PANURGE » (tiens, revoilà Panurge, décidément, on ne se débarrasse pas de Panurge). 

 

Et ce sont ces schtroumpfs qui déclarent que c’est eux qui changent le monde. Remarquez, BERNARD-HENRI LÉVY, dans son film Le Serment de Tobrouk, s’attribue bien la chute de KHADDAFI, pas à lui tout seul, mais pas loin ! Alors, au point où on en est. 

 

Sur les scènes de théâtre, de danse, d’expositions, de « performances », venez braves gens, voyez défiler la longue cohorte des MUTINS grassement rémunérés, des INSOUMIS fonctionnaires, des DISSIDENTS en mission officielle, des REVOLTÉS conformes, des REBELLES uniformisés.

 

 

Leur profession de foi ? « En dehors » ! (A condition que ça reste confortable.) Remarquez, on a vu récemment se présenter à la présidentielle un candidat paraît-il « anti-système », copain du dit BERNARD-HENRI LÉVY, qui venait de passer cinq ans à l’Elysée. Comme il disait en 2007, SARKOZY : « Tout devient possible ».

 

Si, si, c’est possible, le mec du système qui devient anti-système du jour au lendemain. J’entends quelques-uns soupirer : « On a déjà tout vu ». Et moi, je rétorque finement : « Non, messieurs, s’agissant de propagande, vous n’avez pas encore tout vu ». Attendez la propagande « socialiste », avant de prononcer un jugement. J’espère qu’il ne vous faudra pas trop de « neutralité » pour avouer que vous avez méchamment déchanté. 

 

Il suffit de savoir qu’on appelle aujourd’hui « subversion » ce qu’on appelait il n’y a pas si longtemps « conformisme ». C’est juste une question de vocabulaire, comme dans 1984 de GEORGE ORWELL. Il suffit d’appeler l’esclavage « liberté » pour que tout le peuple d’esclaves soit aussitôt déclaré « libre ». ORWELL appelait ça la « novlangue ». C’est un autre nom pour la « magie du verbe ». Certains appellent ça la « publicité ». Je trouve que c’est assez bien vu : l’inversion est une figure bien connu des publicitaires. 

 

La VÉRITÉ vraie, vous voulez que je vous dise, c’est qu’aujourd’hui, plus rien et plus personne au monde n’est en mesure d’introduire la plus petite once de SUBVERSION dans l’ordre du monde. La vérité vraie, c’est que toutes les tentatives, tous les efforts de subversion de l’ordre établi effectués jusqu’à présent ont échoué, y compris et au premier chef la révolution « communiste », dont les piques ont fini par s’enfoncer dans l’édredon insondable de l’ordre du monde. 

 

Et cela, pour une raison unique : si toute subversion de la société est devenue rigoureusement impossible, c’est que nous avons inventé la SOCIÉTÉ DE LA SUBVERSION. Notre société a accompli le tour de force d’adopter pour base et principe premier de fonctionnement la révolution constante, le bouleversement de tout à tout moment. Aujourd’hui, il est interdit de ne pas être « subversif ». 

 

Le monde tel qu’il est organisé a fait de sa propre SUBVERSION le moteur même qui l’anime. Pour éliminer tout risque de destruction par des forces extérieures à elle, il s’est débrouillé pour intégrer dans ses fibres mêmes les forces de sa propre négation. 

 

Pourquoi croyez-vous qu’un « puissant » comme Monsieur FRANÇOIS PINAULT dépense à plaisir beaucoup d’argent dans son immense Palazzo Grassi à Venise, pour abriter sa collection d’art « subversif » (qu’on appelle « art contemporain ») ? Pourquoi croyez-vous que Monsieur AILLAGON demande à des gens comme JEFF KOONS ou TAKASHI MURAKAMI de profaner le site historique de Versailles avec leurs déjections excrémentielles, ostensiblement encensées ?

 

C'est pour ça qu'il ne saurait plus y avoir de « menées subversives » dirigées contre l'ordre établi, puisque l'ordre établi est précisément établi sur la subversion en action, la subversion permanente. Il est là, le nouveau conformisme.

 

Voilà ce que je dis, moi. 

 

A suivre dans quelques jours.

lundi, 16 janvier 2012

QUI TE MANIPULE ?

Résumé : Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens, livre de BEAUVOIS et JOULE, expose diverses techniques visant à faire faire à quelqu’un quelque chose qui, normalement, lui répugnerait. Si l’opération réussit, la personne va changer d’avis, pour se remettre en accord avec elle-même, parce que l’action a produit en elle une dissonance. Elle aura donc été manipulÉe.

 

 

Le point de vue de B. & J., pour le dire rapidement, se veut scientifique donc neutre, au moins théoriquement. C’est la merveille due au découpage du savoir en une infinité de « disciplines scientifiques ». Chacune est autonome. Et dans la bonne science, on ne regarde pas ce qu’il y a dans l’assiette du voisin.

 

 

Ça veut dire au passage que chaque discipline fonctionne en vase clos, selon sa propre logique, sans rendre de comptes à personne. Il faut bien se dire que, s’agissant de l’homme officinal (retenez bien la formule, c’est moi l’inventeur), plus personne n’est en mesure, depuis trois ou quatre siècles, d’envisager la totalité. C’est d’ailleurs pour compenser cette infirmité que l’ordinateur a été inventé.

 

 

Chaque rat est prié de croquer dans sa part individuelle de fromage. La « psychologie sociale » fait comme les autres. Elle n’a pas à se mêler de biologie moléculaire, de mécanique des fluides, de morale ou de politique. Oui, je sais, on me dira que morale et politique ne sont pas des « disciplines scientifiques ».

 

 

La conclusion de B. & J., à propos de leur notion de « soumission librement consentie », est : «  P’têt ben que ce n’est pas bien, mais c’est nécessaire à la paix sociale ». Il est vrai que nous vivons dans une société de masse. Pour que la machine fonctionne, il faut, nous dit-on, huiler les rouages. La manipulation des foules serait donc le lubrifiant indispensable, pour que les gens continuent à « faire groupe ». Sinon, la collectivité se transforme en centrifugeuse, et elle éclate.

 

 

Peut-être, après tout, le « communautarisme » tant redouté par les républicains (ce qu’il en reste) est-il le lubrifiant de substitution qui permet de croire encore pour quelque temps au « vivre-ensemble » (comme ils disent), selon le vieux principe du « divide ut regnas » (c’est du latin : si tu veux régner, divise). Chaque « minorité » (asiatiques, noirs d’Afrique, Antillais, arabes, sans compter les ratons laveurs, aurait ajouté le détestable JACQUES PREVERT) restera bocalisée, aquariumisée dans son quartier. Peut-être, après tout, est-ce la fin de la fiction du « peuple » ?

 

 

On me dira ce qu’on voudra : s’il faut gouverner les gens sans qu’ils le sachent, c’est qu’on est arrivé aux frontières du totalitaire.

 

 

Car je me pose toujours la même question : comment se fait-il, dans un monde où il n’y a jamais eu autant de liberté, que tout le monde ou presque fasse la même chose, parfois au même moment (plages, supermarché, télévision, etc.) ?

 

 

Comment se fait-il que des masses d’individus LIBRES décident librement de faire la même chose que tout le monde au même moment ? On me dira ce qu’on voudra : CE N’EST PAS NORMAL.

 

 

Et puis, franchement, n’avons-nous pas déjà acclimaté dans nos démocraties exemplaires, que les petits hommes verts planètes les plus avancées de l’univers nous envient, les merveilleuses trouvailles mises au point par ADOLF HITLER ?

 

 

J’exagère ? Alors je demande qu’on me dise ce que c’est, l’échographie. Cette technique si pratique qui permet d’éviter l’amniocentèse tout en arrivant au même résultat, qu’est-ce d’autre qu’un moyen d’éviter la naissance de bébés mal formés ? Qu’est-ce que c’est, sinon cet EUGENISME dont on fait bêtement reproche à HITLER ? Accessoirement, l’échographie permet, par exemple en Inde, d’éviter la naissance des filles.

 

 

 

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LE PETIT PERE DES PEUPLES

  

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LE FÜHRER

(à moins que ce ne soit l'inverse)

 

 

Oui, l’EUGENISME est bel et bien parmi nous. Est-ce bien, est-ce mal, c’est autre chose. Je suis comme tout le monde, je n’aimerais pas du tout avoir un enfant mongolien. Si une technique « non invasive » permet de l’éviter, je m’en félicite, mais je me dis qu’il s’agit, qu’on le veuille ou non, de SELECTION.

 

 

Cette analogie avec ce qui se passait dans un régime politique unanimement VOMI par le monde démocratique  actuel me laisse perplexe. C’est vrai qu’HITLER éliminait des personnes déjà nées, donc bien vivantes, alors que l'échographie débouche, en cas de mauvais diagnostic, sur un AVORTEMENT. A part cette « menue » différence, j'attends qu’on me dise en quoi le projet est différent (« élimination des mal formés », qu’on pratiquait déjà dans la Sparte antique).

 

 

Autre chose, tiens, pendant que j’y suis. Je ne vais pas, une fois de plus, m’insurger contre la télévision, mais là encore, je note que des gens comme HITLER ou STALINE auraient rêvé d’avoir à leur disposition un tel outil de domestication des masses. Le simple fait de les savoir assises devant l’écran les aurait sans doute rassurés.

 

 

Je trouve admirable que, bien avant le règne sans partage de la télévision sur les esprits, le 1984 de GEORGE ORWELL ait explicitement associé le télécran au régime totalitaire décrit dans le bouquin (le stalinisme en particulier, mais en regardant bien ...).

 

 

 

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 GEORGE ORWELL

 

Or, aujourd’hui, qu’un type comme PHILIPPE SOLLERS puisse, parlant de LOUIS ALTHUSSER, affirmer que ne saurait se prétendre penseur un homme qui n’a pas la télévision, en dit long. Qu’est-ce que c’est, la télévision comme mode de vie, sinon le bromure que les militaires mettaient dans la nourriture des bidasses le premier soir de leur incorporation, pour qu’ils se tinssent tranquilles pendant les premiers jours ?

 

 

Vous voulez encore un exemple ? Selon vous, qui a inventé l’architecture de masse, le gigantisme architectural ? Personne d’autre qu’ADOLF HITLER, brillamment secondé (ou précédé) par son ALBERT SPEER préféré. Il suffit d’aller voir les projets de stade, d’arc de triomphe et autres lubies, pour le comprendre. A qui devons-nous les premières autoroutes, ces structures dirigistes, autoritaires, voire policières ? BENITO MUSSOLINI. Vous pouvez vérifier (autoroute Milan-Lacs, 1924). HITLER n’a pas mis longtemps à comprendre tout l’avantage technique de la chose.

 

 

Dans quels régimes dénoncés comme totalitaires a été utilisée la manipulation mentale ? Vous le savez : l’Allemagne hitlérienne et la Russie stalinienne. Deux pays pour lesquels tout bon démocrate dûment estampillé au fer rouge sur la fesse gauche a autant de détestation que si c’étaient des enfers. Ceux que ça intéresse peuvent aller voir mes notes de 12 et 20 mai 2011 (c’est loin, je sais).

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A demain pour la suite.