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samedi, 31 mars 2018

PAPA, C'EST QUAND L'EFFONDREMENT ? 1/2

Je crois aujourd'hui que toutes les questions qu'on peut se poser sur la politique, l'économie, les relations entre les gens (la vie "sociétale") sont du pipi de chat par rapport à la question globale de la survie des êtres vivants sur la planète. Après la démonstration faite par les Allemands que 80% des insectes ont disparu du territoire en trente ans, on apprend que 30% des oiseaux "ordinaires" de nos campagnes ont également disparu en 15 ans. Les spécialistes de la biodiversité font des diagnostics à peu près identiques sur tous les continents. Qui s'en soucie ? J'ai du mal à prendre au sérieux tout ce qui ne tourne pas autour des questions de la survie de l'espèce humaine et de toutes les espèces vivantes. Ce ne sont pas, par exemple, quelques malades mentaux (je veux parler des "vegans") qui insultent un mort du Super U de Trèbes au motif qu'il était boucher qui me convaincront du contraire (écrit le 31 mars).

Je remets donc en ligne, plutôt deux fois qu'une, ce billet écrit le 13 décembre 2017.

Des nouvelles de l'état du monde (10).

1/2

Paul Jorion (encore lui) vient de publier A quoi bon penser à l’heure du grand collapse ? (Fayard). Pardonnons-lui l’anglicisme : l’anglais lui est si familier qu’il lui est devenu JORION COLLAPSE 2017.jpgnaturel. Un « collapse », c’est un effondrement. Il en est convaincu : la catastrophe est inéluctable. J’avais suivi le conseil de lecture qu’il donnait dans le billet audiovisuel qu’il poste chaque semaine sur son blog ("Le temps qu'il fait") : j’avais lu Comment tout peut s'effondrer (sans point d’interrogation) de Pablo Servigne et Raphaël Stevens (Seuil, 2015).SERVIGNE & STEVENS.jpg

Les auteurs constataient l’état déplorable de la planète dans une foule de domaines, et pronostiquaient le pire si rien n’était fait. La première partie du livre (jusqu’à la page 133, c’est l’état des lieux), donnait froid dans le dos, avec plein de petits graphiques montrant très bien l’emballement planétaire des productions et des destructions à partir de 1950.

SERVIGNE 2.jpg

Dioxyde de carbone, azote, méthane, poissons, forêts, températures, acidification, ...

J’avais hélas été horriblement déçu ensuite par ce qu’ils entrevoyaient et proposaient pour éviter que l’histoire humaine s’achève en eau de boudin. J'avais dit ici même cette déception dans mon billet du 24 juin 2015 (voir lien plus haut, et note en fin de billet). Au lieu de dire franchement et directement que le monde va à la catastrophe si les nantis du Progrès, du bien-être et de la technique (en gros : l'occident) ne renoncent pas à leur mode de vie de gaspillage et de dévoration des ressources, ils misaient tous leurs espoirs sur la nécessité de « changer les mentalités » (ben voyons, ma parole, ils n'ont pas compris ?), plaçant les solutions dans la sphère quasi-exclusive de la psycho-sociologie contemporaine, c’est-à-dire, pour aller vite, sur la capacité des moyens techniques et médiatiques de façonner les comportements de masse par une propagande judicieusement conçue. Comme si le problème et sa solution étaient là. 

Comme si les atteintes à l’environnement se réduisaient aux habitudes de consommation inculquées aux populations. Comme si la question du mode de production des nuisances n’était pas concerné en premier lieu. Comme si - soit dit en passant - le rôle des sciences humaines était d'agir sur les orientations des sociétés (aveu de militantisme "scientifique" ?). La question qui me vient, à chaque invention de telles solutions, c’est évidemment toujours la même : « Comment tu fais, coco ? ». Car malheureusement pour les auteurs, on a lu Beauvois et Joule (Petit traité de manipulation ...), Edward Bernays (Propaganda) et quelques autres : on sait ce qu'il en est de la manipulation mentale et du formatage des esprits par l'intermédiaire d'une psychanalyse habilement instrumentalisée et correctement mise en œuvre.

La question, en l’occurrence : si la publicité peut influencer ponctuellement (dans une certaine mesure) les attitudes des populations ordinaires, comment va-t-on procéder au changement de « mentalité » de tous les gens qui trouvent un puissant intérêt matériel et financier dans l’actuelle marche du monde et dans une « mondialisation » qui se réduit à une compétition féroce entre acteurs transnationaux ? Comment va-t-on faire changer d'avis les gens qui détiennent le pouvoir et l’argent qui va avec ? Ils croient vraiment, Servigne et Stevens, que les gros lards de l'économie mondiale vont battre leur coulpe et se laisser tondre ? Le diagnostic des deux compères est sans appel, mais leur remède est plus foireux qu’une colique frénétique.

Paul Jorion est plus lucide, plus réaliste et plus rationnel : La Crise du capitalisme américain, écrit en 2004-2005, où il annonçait, entre autres, la crise des « subprimes », est sorti en janvier 2007, trop tard pour servir à qui que ce soit pour parer la menace. Aurait-il permis d’empêcher la crise si un éditeur courageux et conscient avait osé le publier aussitôt écrit ?


La conclusion que l'auteur tire aujourd’hui ("Le temps qu'il fait", 1 décembre 2017) de sa débauche d’activités pendant tant d’années pour expliquer l’urgence, avertir les responsables et mobiliser les foules laisse à penser que lui-même n'y croit guère, avec raison selon moi (« J'ai fait ce que j'ai pu », dit-il, comme quoi même les gens spécialement doués ne peuvent que ce qu'ils peuvent). C'est sans doute pourquoi, lassé de rompre des lances contre les moulins à vent, il a décidé de passer le relais de l’action à des bonnes volontés neuves et encore fraîches. Paul Jorion, fatigué, raccroche les gants, pour consacrer sa belle intelligence à des tâches plus personnelles et plus gratifiantes. C’est regrettable, mais on le comprend : militant, ce n'est vraiment pas un métier. Heureusement.

Alors l’effondrement, maintenant ? Comme Servigne et Stevens, Jorion le voit inéluctable. Il n’est pas le seul : Guy McPherson, Claude Bourguignon, Gilles Bœuf et tant d’autres dont, tout dernièrement, 15.000 scientifiques du monde entier, ne cessent d’alerter sur ce qui attend la planète et l’humanité si sept, et bientôt dix milliards d’hommes se mettent à vouloir vivre comme des nababs sur un gâteau en train de fondre. 

J’ai déjà dit ici ("L'humanité en prière") pourquoi je crois que l’inéluctable est inéluctable : pour la raison que plus un système est global et interdépendant, moins les individus, même regroupés en vastes ensembles d'influence (partis, lobbies ou autres), peuvent y changer la moindre virgule ou le plus petit guillemet. Je n’y reviens pas. La question que je me pose aujourd’hui porte sur la raison de l’apathie, de la passivité massive qui accueille obstinément les cris poussés par des savants d’ordinaire froids comme des constats. Pourquoi une telle surdité ?

Un effondrement, tous ceux qui ont assisté à l’implosion des grandes barres de La Duchère à Lyon (on pourrait dire la même chose dans bien des endroits) savent comment ça se passe : ça fait du bruit, de la poussière et un gros tas de gravats à déblayer (pour les mettre quelque part, pourvu que ce soit ailleurs). Ça dure quoi ? En un clin d’œil tout est terminé, il n’y a plus rien à voir. Voilà justement le problème : un effondrement, c’est instantané.

Or, l’effondrement dont parlent Servigne et Stevens, Paul Jorion, Gilles Bœuf et consort n’est pas visible à l’œil nu. Il se produit sous nos yeux, mais si lentement ! Un effondrement qui se produit à la vitesse imperceptible, si l’on veut, de l’aiguille des minutes sur le cadran de la montre ou de l’ombre du soleil à midi en plein été, est-ce crédible ? Pas assez en tout cas pour que le détecteur de mouvement déclenche le signal. Ce n’est pas une durée d’ordre géologique, mais ça donne une idée. Apprendre que 80% des insectes ont disparu en trente ans sur le territoire européen est déjà plus parlant. Mais pour ça, il faut des statistiques scientifiquement établies.

Pour notre malheur, l’effondrement qui nous entraîne aujourd’hui se produit donc avec beaucoup trop de lenteur pour que nos moyens de perception soient mis en alerte. C’est un effondrement indolore, inodore et sans saveur. Un effondrement qui s'écoule tranquillement, grisâtre, et si lentement que nous sommes déjà fatigués d'en entendre parler : arrête de rabâcher, vieux schnock, il est où l'effondrement ? Rien en effet ne semble avoir changé depuis la veille, tout le paysage est semblable ou presque, si l’on excepte quelques changements imperceptibles ou hors de notre portée visuelle. Tout le monde regarde le même film, mais c’est un immense plan-séquence tourné en immense ralenti. Ce n’est pas l’immobilité complète, mais comme ça semble ne pas avancer, on se dit qu’à ce rythme-là, on a le temps de voir venir. Qui remarque le vieillissement, jour après jour, sur le visage aimé de la personne qui partage sa vie ?

Gilles Bœuf, dans un cours au Collège de France où il parlait de l’effondrement des effectifs dans les espèces animales, voyait très juste : aux écologistes qui clament que « l’humanité va dans le mur » (ils n’ont pas tort sur le fond, mais), il répondait qu’il n’y a pas de mur et qu’il n’y aura pas de grand choc. Simplement, plus la situation va aller en se dégradant, plus le cadre et les conditions de vie des vivants vont devenir difficiles. On en voit déjà des manifestations, mais si parcellaires et circonscrites dans leurs dégâts (l'île de Saint-Martin n'est pas New York) que très peu de gens font le lien entre elles pour se dire que la situation d'ensemble est grave. Pour les journalistes, ce sont des "événements". A la rigueur des "catastrophes", mais soigneusement localisées, et prises en charge par la "communauté internationale". (« Mais que fait la communauté internationale ? », pleurent en chœur les journalistes des plus gros journaux du monde et les présidents des plus grosses ONG).

L'espace de la conscience individuelle a bien du mal à se hisser jusqu'à la hauteur de l'enjeu global. Et, s'il y parvient, à en tirer toutes les conséquences pour son propre compte.

Voilà ce que je dis, moi.

15 décembre 2017 : Pablo Servigne est interviewé sur France culture. Il n'y a décidément pas grand-chose à espérer du monsieur. Pour contrer les représentations catastrophistes de l'avenir du monde, il vient avec des collègues de publier un ouvrage qui tend à démontrer que l'on ne trouve pas dans la nature seulement des rapports "prédateur-proie", mais qu'il y a aussi, partout, de l'entraide. Comme exemple d'entraide, il cite la pollinisation. Ah bon, c'est nouveau, ça vient de sortir. La pollinisation, c'est de l'entraide, maintenant. Ça m'a bien fait rire. Les pommiers de font pas des poires. Pablo Servigne est atteint jusqu'au verre de ses lunettes d'une maladie qui continue à faire des ravages : l'optimistose aiguë. Symptôme principal : une bonne grosse pomme bien rouge et bien gonflette. Mais la pomme gonflette est dans l'air du temps : Peter Wohlleben est l'auteur à succès de La Vie secrète des arbres, où il développe l'idée qu'il n'y a pas que les humains à pratiquer l'entraide (surtout quand ça les arrange) : il y a aussi les arbres. La nature sera désormais un modèle idéal de ce que doit être, et sera peut-être, la société altruiste. Message : il suffirait que les humains s'inspirent de ... pour ... « Si tous les gars du monde devenaient de bons copains et marchaient la main dans la main, le bonheur serait pour demain ». Ouais ! Farpaitement !


samedi, 04 juillet 2015

LA SERVITUDE HEUREUSE

2/2 

BEAUVOIS ET JOULE.jpgDe telles expériences, en psychologie sociale, sont multiples et variées : tout y passe, de l’acceptation d’un panneau publicitaire dans le jardin pour vanter les économies d’énergie (rôle de l’autocollant qu’on a accepté ou non d’apposer auparavant sur sa fenêtre), jusqu’au ver de terre que, au terme d’un cheminement beaucoup plus tortueux, on a accepté ou non de bouffer (authentique, évidemment, sans ça ce ne serait pas drôle). 

Enfin bref, les expériences (en "double aveugle", s’il vous plaît, conformément aux méthodes de la science) se suivent, mettant en application les recettes de l’ « amorçage » et du « pied-dans-la-porte », et se ressemblent quant au résultat : ça marche dans la plupart des cas. L’amorçage repose sur la recette bien connue de la « promesse non tenue », base entre autres de la publicité mensongère (en l'occurrence de l'escroquerie) : vous aurez un rabais de 25 % sur x, y ou z, et à l’arrivée, vous n’avez plus que 5 %. Que se passe-t-il ? Eh bien, dans beaucoup de cas, c'est prouvé, vous persévérez. 

Même chose pour le pied-dans-la-porte (l’histoire de l’autocollant écologique ci-dessus, par exemple) où, pour ne pas désavouer le geste tout à fait anodin qu’on a obtenu de vous précédemment, vous acceptez de faire le pas suivant, beaucoup plus lourd de conséquences, qu’on vous demande de faire à présent : la première décision entraîne la deuxième. Vous vous êtes, comme dit la théorie, « engagé ». Et il y a peu de chances que vous reveniez en arrière.

Cette persistance a été baptisée « persévérer dans la décision ». Et cette persévération est absolument redoutable, car elle peut mener à des catastrophes, par exemple quand il s’agit d’un trader qui a pris une décision dans une mauvaise direction : il a tendance, toujours pour ne pas se désavouer lui-même (ni risquer de passer pour un charlot), à « rester droit dans ses bottes », quitte à se casser la figure (on pense à Kerviel). 

Devinez pourquoi aucun homme politique français ne démissionne jamais : il persévère, pour ne pas se déculotter en public. « Errare humanum est, perseverare diabolicum ». Très difficile pour un politicien français de reconnaître qu’il s’est trompé ou qu’il a failli. Ailleurs on n’a pas de ces lâchetés et de ces hontes. Les samouraïs faisaient seppuku, car ils tenaient à leur honneur (on disait : "pour restaurer leur harmonie perdue"). Et responsables anglais ou allemands démissionnent sans en faire tout un plat. Parfois avec élégance, voire panache. Et la démission n'est pas un suicide, que je sache.

Alors on peut rêver, comme les auteurs, à une humanité idéale, où la connaissance et la maîtrise de ce pouvoir d’orienter autrui dans une direction voulue par une instance (gourou, secte, entreprise, …), ne seraient utilisées qu’orientées vers des buts louables et désirables, pleins d’humanisme et de souci du Bien. Un gros tas de chouettes copains, quoi. Tous frères. On sait ce qu’il en est en réalité. En somme, cette « naïveté » est un gros mensonge : l'humanité est capable du pire, et il y a fort à parier que Beauvois et Joule le savent. Pourquoi veulent-ils à toute force rester honorables et respectables ? Un peu de courage conceptuel, que diable ! 

Dans un passage drôle et intéressant du livre, qui peut servir aux parents perplexes, les auteurs racontent comment un père a le plus de chances d’obtenir de son fils d’une dizaine d’années qu’il range enfin sa chambre. Je passe sur les détails. Le résultat de l’expérience montre que plus la sanction (récompense ou punition) est grande, plus la volonté de ranger sa chambre sera comme un feu de paille dans l’esprit du gamin. Il faudra tout recommencer dès demain. DINGO 1.jpg

DINGO 2.jpg

Papa a tout faux.

Tiré des Dingodossiers, de Goscinny et Gotlib. Mais, à leur décharge, ils n'avaient pas lu Petit traité de manipulation ...

 

Toute la difficulté de la chose est d’amener le garçon (Léo, je crois me souvenir) à se convaincre que le besoin de ranger sa chambre émane de lui-même : plus la sanction (récompense ou punition) est faible, plus le rangement de la chambre semblera découler de son libre-arbitre, et plus il aura tendance à reproduire plus tard, « librement », le comportement attendu.

Dit comme ça, ça paraît évident et simple, reste à le mettre en pratique. Avis aux amateurs parents. Ceux qui y réussissent peuvent passer le concours de manipulateur mental diplômé : à faible enjeu, forte impression de liberté, d'où forte persistance du comportement, c'est la règle. 

Il se passe d’ailleurs la même chose dans des expériences avec de jeunes adultes : moins la participation est rémunérée, plus le comportement obtenu au cours de l’expérience sera durable et intériorisé. On appelle ce « réflexe » une opération de « surjustification ». Cela semble être une loi qui gouverne le fonctionnement psychologique de l'individu : plus il agit sans attendre aucune reconnaissance, plus le sentiment de liberté est intense, et plus le comportement s’installe dans la durée. 

C’est une véritable trouvaille, en même temps que, si l'on veut, un enfonçage de porte ouverte. Une nouvelle manière (concrète) d’envisager la liberté humaine, dans une société de masse, où l’individu pèse d’un poids presque proportionnel (c'est-à-dire infime) au nombre d’existences parmi lesquelles s’inscrit la sienne. Je dis « presque » à cause des hiérarchies induites par les spécialisations et les qualifications professionnelles : plus on est riche et puissant, plus on est libre. A cet égard, certains sont infiniment libres.

Je ne dis pas que Beauvois et Joule ont commis un chef d’œuvre. Simplement que leur Petit traité de manipulation ..., même avec les défauts que j’ai signalés, constitue une excellente introduction aux méthodes qui permettent à tous les pouvoirs des pays dits démocratiques de « gérer » des populations trop nombreuses, tout en les persuadant qu’elles vivent dans des régimes où règne la liberté individuelle. 

Le fonctionnement actuel de l'Europe montre un magnifique exemple de ce despotisme masqué, où le légal évince en toute impunité le légitime : même si la Grèce n'est pas toute blanche, tant qu'elle n'aura pas plongé le nez dans la poussière et crié grâce, l'Europe légale, l'Europe des Traités, cette Europe "démocratique", qui s'est faite sans et contre les peuples, restera intraitable, inflexible, implacable.

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Tout le monde a reconnu la ravissante Angela Merkel.

Une liberté étroitement contrôlée. Même si les populations en question se montrent rétives, à l'occasion (Grecs, « Indignados » ...). 

Et puis, au bout du compte, tout ça est une bonne leçon au sujet des sciences dites humaines. Vous connaissez le raisonnement : une technique n'est ni bonne, ni mauvaise en soi. Tout dépend de l'usage qui en est fait. Eh bien je vais vous dire, l'usage qui en est fait, il est toujours aussi bon ET aussi mauvais que possible. Le bon côté étant dans le mérite que recèle toute augmentation des connaissances. Le mauvais étant celui qui triomphe concrètement.

L'exemple de la psychologie sociale (qui ajoute les dégâts de la sociologie à ceux de la psychologie) montre clairement quel usage est fait des sciences dites humaines, grâce à tous les outils de gouvernement que les pouvoirs (politique, économique, ...) en tirent pour assujettir plus sûrement et plus fortement leurs sujets. 

Voilà ce que je dis, moi.

vendredi, 03 juillet 2015

LA SERVITUDE HEUREUSE

BEAUVOIS ET JOULE.jpg1/2 

Je parlais récemment d’un « mauvais bon livre » (Comment tout peut s’effondrer, de Pablo Servigne et Raphaël Stevens, Seuil, 2015, voir billets 22-24 juin) où était cité, parmi les innombrables sources des auteurs, l’ouvrage de Jean-Léon Beauvois et Robert-Vincent Joule, Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens (Presses universitaires de Grenoble, 1987, ci-contre, je me demande si le dessin n'est pas de François Schuiten). 

L’ayant lu à sa sortie (eh oui), j’y avais trouvé une mine d’informations passionnantes sur les procédés mis au point par des psychologues sociaux pour amener les gens à modifier leurs façons de faire et de penser sans qu’ils s’en rendent seulement compte. Dire ça, c’est définir la manipulation mentale. 

C'est la psychologie sociale qui a mis au point les remarquables outils dont se servent tous les gourous de la propagande et de la manipulation des foules : connaître les mécanismes psychiques et les motivations profondes des humains a permis d'en faire des marionnettes entre des mains habiles.

Je déplorais seulement le sentiment de culpabilité (la précaution oratoire « à l’usage des honnêtes gens ») qui les empêchait d’aller jusqu’au bout absolument cynique du raisonnement, que tous les marchands de marchandises et d’idées n’ont quant à eux pas hésité à pousser jusqu’à son extrémité, et au-delà. 

La thèse du bouquin repose sur la « théorie de l’engagement », trouvaille typiquement américaine (vous savez, le "pragmatisme" cognitivo-comportemental), héritage indirect de la contribution d’Edward Bernays aux efforts de propagande du gouvernement américain, puis de nombre de grandes entreprises. Ce théoricien du « gouvernement invisible » avait été pour quelque chose dans l’acceptation par la population de l’entrée en guerre des Etats-Unis contre l’Allemagne en 1917. 

Ce que j’ai retenu de la théorie de l’engagement, c’est avant tout qu’elle prend frontalement le contrepied de toute la tradition intellectuelle de la civilisation occidentale, qui place la Raison aux avant-postes des relations entre les hommes et de l’organisation des sociétés. 

Dans cette tradition, le raisonnement et l’argumentation occupent la place centrale : dans l’arène (sur le forum), qu’elle soit politique, judiciaire ou pédagogique, chacun s’adresse aux facultés les plus nobles et les plus maîtrisées de l’interlocuteur, et s’efforce de l’amener à changer d’avis en produisant les preuves irréfutables qui font qu’il a incontestablement raison. 

Cette tradition fait de la parole le moteur de l’action : elle parie sur le caractère raisonnable, et même rationnel de l’être humain et de ses agissements. Elle fait une confiance totale à l’espèce humaine. C’est à cet égard une marque d’espoir immense dans la possibilité pour elle de sans cesse améliorer son sort.  C’est dans ce cadre qu’on exige de tout pouvoir qu’il justifie ses décisions. Tout ce qui a l’apparence de l’arbitraire est en soi contestable. Tant que le décideur n’a pas donné ses raisons, il est suspect. 

C’est ça, le socle sur lequel est bâti l’Etat de droit, qui codifie et rend possible la vie en commun. C’est ce socle que la théorie de l’engagement bouleverse de fond en comble. Dans cette optique, en effet, c'est l'action qui devient le moteur de la pensée : ce que je pense découle et résulte de la façon dont j'ai agi. Du coup, si quelqu'un est assez habile pour obtenir de moi que j'agisse dans le sens qu'il souhaite, ma pensée ressemblera à ce qu'il attend : il me gouvernera.  

Selon moi, cette théorie a été rendue envisageable avec l’émergence des « sociétés de masse » au 20ème siècle, quand le nombre des populations est devenu si grand qu’il a fallu inventer de nouvelles méthodes pour diriger des ensembles humains de plus en plus vastes et complexes. 

Enfin, quand je dis « diriger », c’est plutôt « gérer » qu’il faudrait dire. En société de masse, il a fallu renommer les choses : la population est devenue un « stock », la notion d’individu est devenue obsolète, et la liberté est devenue virtuelle. Même si ça choque et que ça paraît excessif, imaginez les masses de manœuvre que devait conduire Napoléon à Austerlitz : est-ce qu'il se demandait où en était la sinusite du grognard Marcel ou la rougeole du petit du sergent Bidochon ? 

On peut aussi imaginer n'importe quel cinéaste tournant un film à grand spectacle, avec les foules de figurants qui doivent se déplacer selon des trajectoires précises. Il faut "faire foule". Les seuls individus qui ont un visage dans le film sont soigneusement sélectionnés suivant l’importance de leur place dans le scénario. Tous les autres, ceux dont on n'apercevra même pas les traits, constituent ce qui est devenu, sous la plume des journalistes, la « foule des anonymes », expression injurieuse et méprisante aujourd'hui admise, inimaginable en dehors de la société de masse.

C'est bien un signe que celle-ci a d’ores et déjà anéanti l’individu, notion qu’elle a rendue totalement mythique (voir évidemment Masse et puissance, d'Elias Canetti, ainsi que la genèse du livre). En société de masse, l'individu disparaît mécaniquement. Son existence devient purement statistique et infinitésimale. L'exercice de la liberté a été remplacé par l'impression de liberté, impression procurée par la force des moyens de propagande. Oui, je sais : cette idée ne baigne pas dans l'optimisme.

Alors maintenant, comment amener quelqu’un, non seulement à changer d’opinion, mais encore à accomplir des gestes, à commettre des actes et à produire des comportements que, laissé à sa seule « liberté personnelle », il n’aurait jamais eu l’idée de manifester ? 

Comment amener quelqu’un à faire quelque chose qu'un autre a décidé, tout en lui laissant croire qu'il agit de son propre chef ? A obéir sans qu’il s’en rende compte ? Pour manipuler quelqu’un, il importe de lui laisser croire qu’il agit librement, alors même qu'il obéit à un ordre. Là-dessus, même s’il n’en tire pas toutes les conclusions par hypocrisie ou par couardise intellectuelle, le livre de Beauvois et Joule est absolument irremplaçable. Je crois d'ailleurs qu'il lui est arrivé ce qui arrive à ce qu'on appelle « un classique » : il est régulièrement réimprimé.

Ils rendent compte d’expériences diverses et multiples menées par des psycho-sociologues. Les unes parfaitement anodines en apparence, les autres beaucoup plus compromettantes. Vous êtes sur la plage, vous écoutez ce qui sort de votre transistor, mais vous voulez vous absenter de votre place pour aller faire pipi ou vous acheter une glace. Et vous craignez les voleurs de transistors.

De deux choses l’une : soit vous y allez direct et sans rien dire, soit vous demandez au voisin le plus immédiat si ça ne le gêne pas de … pendant que vous … Le résultat est sans appel. Quand le comparse jouant le voleur intervient, premier cas, personne ne moufte, le voleur vole ; deuxième cas, le taux de ceux qui crient « au voleur » grimpe en flèche : ils se sont sentis obligés. Même résultat dans la cafétéria de la gare avec la valise. 

Je dirais bien que si c’est de la manipulation, c’en est le degré zéro, mais il faut bien commencer. 

Voilà ce que je dis, moi.

vendredi, 15 mai 2015

IL Y A DU TOTALITAIRE ...

... DANS LA STATISTIQUE

1/2 

A quoi servent les statistiques ? Est-ce seulement ce merveilleux outil de connaissance, qui permet de mettre en lumière des aspects de la réalité inaccessibles à la simple perception individuelle ? Faits sociaux, situations politiques, données économiques, recherches scientifiques, les statistiques font partie intégrante de notre monde, dans tous les domaines qui concernent (de très près ou de très loin) notre vie quotidienne.

Non, elles ne sont pas seulement un outil de connaissance : elles sont aussi un outil de gouvernement. Un outil qui peut se révéler terrible à l'usage. Il en est d'ailleurs ainsi pour les sciences humaines : inutile sans doute de s'appesantir sur l'utilisation des avancées dans la connaissance du psychisme humain par la publicité, par la propagande et par toutes les techniques de manipulation mentale. Vous vous rendez compte : sans Sigmund Freud, pas de Scientologie. Pas d'agressions Coca-Cola par panneaux 4 m. x 3. Pas de surréalisme. « Que la vie serait belle en toute circonstance Si vous n'aviez tiré du néant ces jobards » (Tonton Georges a toujours raison).

Les statistiques sont donc entrées dans les mœurs. Il faudrait même dire : « Dans les têtes », tant chacun a désormais intériorisé la notion abstraite de « catégorie de la population », dans laquelle, à force de bourrage de crâne, il tend aujourd’hui à se ranger spontanément, sans qu’un seul flic lui en ait seulement intimé l’ordre. 

Qu’il le veuille ou non, chacun a désormais une connaissance statistique de lui-même. Chacun est prié de s'éprouver non plus à partir de ses confrontations concrètes à des réalités contondantes ou suaves, mais par le médium infaillible des chiffres élaborés par des experts dont la science le dépasse de trop loin. Chacun est prié d'acquérir une connaissance objective de lui-même. Les statistiques portent le négationnisme de la subjectivité. C'est en cela qu'elles sont porteuses du germe totalitaire.

Chaque jour, journalistes, économistes, politiciens, « experts » et « spécialistes » produisent à qui mieux-mieux, à destination de tous les individus, l’inépuisable spectacle des statistiques dans le fatras desquelles tous ces "sachants" leur intiment l’ordre de trouver leur place. Les statistiques sont la nouvelle figure de la « collectivité », de la « société ». Si ça se trouve, vous appartenez à des catégories dont vous ne soupçonnez même pas l'existence. On vous définit sans vous demander votre avis. On vous assigne une identité dont vous n'avez nulle idée.

La statistique est par nature l’action de compartimenter les comportements humains en les rangeant successivement dans toutes sortes de cases soigneusement étiquetées en un nombre incalculable de catégories abstraites. La statistique a quelque chose à voir avec la dissection : il s’agit de segmenter un corps pour en étudier de plus près chacun des segments. 

Evidemment, comme dans toute dissection, on n’étudie valablement que quelque chose qui fut vivant, mais qui ne l’est plus. Sinon, ça s’appelle un supplice. Premier effet des statistiques : elles font de populations de chair, d’os et d’existences concrètes des abstractions pures et simples. Autrement dit, une population statistique est une humanité chiffrée, comme l’énonce clairement le titre d’Alain Supiot, sur le blog de Paul Jorion : La Gouvernance par les nombres. L’humanité accède enfin à l’existence numérique, seule collectivité sociale aux yeux du statisticien. 

Définitions : « 1 – Etude méthodique des faits sociaux, par des procédés numériques (classements, dénombrements, inventaires chiffrés, recensements, tableaux …). 2 – Ensemble de techniques d’interprétation mathématique appliquées à des phénomènes pour lesquels une étude exhaustive de tous les facteurs est impossible, à cause de leur grand nombre ou de leur complexité ». 

Historique : « Statistique : n. f. et adj. est un emprunt (1771 selon F. e. w.) au latin moderne statisticus "relatif à l’Etat" (1672), formé à partir de l’italien "statistica" (1663), dérivé de "statista" (homme d’Etat), lui-même de "stato", du latin classique "status" ». 

La statistique établit donc des catégories. Ça a des aspects éventuellement rigolos : on peut être « contribuable » et « automobiliste », « électeur » et « pêcheur à la ligne » (on peut s'amuser longtemps à juxtaposer les carpes et les lapins) ; on est rangé par sexe, par appartenance professionnelle, par âge, par situation géographique, que sais-je. On n’en finirait pas. Ce sont les « critères ». Le résultat de tout ça, c’est qu’on a fini par réaliser ce que Voltaire dit de l’homme vu par Micromégas : un amas d’atomes. Voilà, la statistique atomise l’humanité : vous appartenez sans le savoir à mille huit cent quatre-vingt-douze catégories de la population suivant le critère qui est retenu contre vous. 

Première fonction selon moi de la statistique : quantifier à l'infini en subdivisant à l'infini. Etablir des nombres. La statistique instaure le règne des comptables sur le corps social et réduit la vie sociale à une gestion bureaucratique. Elle établit une dichotomie rigoureuse entre sujet et objet, étant entendu que, pour le statisticien, personne n'est une personne, vu qu'il n'y a que des objets.  

Elle vous apprend qu’au 1er janvier 2015, la France comptait 32.126.316 hommes et 34.191.678 femmes. Soit dit en passant, on voit que la statistique établit clairement que la génétique se moque éperdument de la parité entre les sexes et de l'égalité hommes-femmes. 

On en pense ce qu'on veut. 

Voilà ce que je dis, moi.

vendredi, 21 septembre 2012

L'EMBRIGADEMENT PAR LA MUSIQUE

Pensée du jour : « La fonction politique du raconteur d'histoire - historien ARENDT 6.gifou romancier - est d'enseigner l'acceptation des choses telles qu'elles sont ».

HANNAH ARENDT

 

 

N'EST-CE PAS QU'ELLE EST BELLE ?

 

Petit commentaire de la pensée du jour (une fois n'est pas coutume) : j'ajouterais à l'historien et au romancier d'HANNAH ARENDT le musicien de pop-rock. L'histoire qu'il nous raconte ? C'est une histoire tonale et binaire.

 

 

Le pop-rock est une musique de conte de fées, qui nous dit que le monde est harmonie (dans la musique tonale, les notes ont pour devoir de consonner, c'est-à-dire de vivre ensemble en bonne entente, sans dissonance) et stabilité (la musique binaire marche sur deux pieds, pieds dont on peut faire deux moulages contrastés, intitulés « vouloir vivre» (pied gauche) et « savoir vivre » (pied droit). Allez, vous direz ce que vous voudrez, ça va loin).

 

 

Ce qu'elle dit, cette musique ? « Acceptez les choses telles qu'elles sont ». Entre parenthèses, on a là une magnifique définition du modernissime (parce que venu des Amériques) STORYTELLING (analysé en français par l'excellent CHRISTIAN SALMON, et exploité en français, pendant un temps, par l'inénarrable et désopilant NICOLAS SARKOZY, que je m'en tords encore de rire).

 

 

Suite de la note précédente.

 

 

La panne ? C’est la hantise première. Le cauchemar principal. Le blocage du détroit d’Ormuz ? Les petites crottes des îlots Senkaku (mer jaune orientale) ? Les schistes enfouis très loin (1500 à 3000 mètres) sous nos pieds ? L'enclave de Cabinda ? Les réserves sous le Pôle Nord ? Autant de raisons de faire la guerre. Des guerres pour éviter des pannes ! Nous sommes de plus en plus « modernes », que diable ! Sursum corda et haut les coeurs !

SENKAKU 2.jpg

SI J'AI BIEN COMPRIS, LE JAMBON CHINOIS EST PRIS

ENTRE DEUX TRANCHES JAPONAISES (MÊME PAS BEURRE !)

Car il est entendu que, puisque l’unique objectif mondial est désormais de « croître et enlaidir », la consommation d’énergie ne fera à l’avenir que battre sans cesse ses propres records. On ne sera content que le jour où la planète aura été vidée de toute sa substance énergétique, comme une poire à lavement dans l'anus de nos machines.

 

 

Les machines nous la restitueront ensuite sous forme d'objets aussi indispensables qu'un caillou au fond de la chaussure.FRAISEUSE.jpg Tout ça étant massivement présenté comme une manifestation du PROGRÈS de l’humanité. On s'y attendait un peu, remarquez. Qui serait prêt, par exemple, à abandonner sa table d'usinage multifonctions ? Sa fraiseuse-rainureuse (surtout si c'est la Dewalt DW685) ? Je pose la question.

 

 

Moi, si j’avais à expliquer ce que c’est, la « société de consommation de masse », plutôt que le bricolage, je prendrais l’exemple de la musique. Parce qu’il s’agit de quoi, finalement ? Pour permettre aux trop nombreux individus qui chargent la barque de la planète de croiser tous les autres, à tout moment, sans trop se fâcher avec eux, rien de mieux que de faire en sorte qu’ils réagissent tous d'une manière identique aux mêmes « stimuli » externes, pas vrai ?

 

 

Qu'ils aillent à peu près tous dans le même sens. Quand il s'agit de veaux et de brebis, c'est facile à faire entrer dans l'enclos. Mais les hommes ... Le salafiste fait exception : quand il s'agit d'aller hurler « Mort à l'Occident ! », pourvu que ce soit devant les caméras occidentales, il entre dans l'enclos sans aucun chien pour lui gnaquer les mollets. Suffit d'un "tweet". Il est bien dressé, lui. Remarquez, c'est peut-être lui, le chien ? Le veau ? Et la brebis ? Et le fusil ? Et la balle ? Alouette !

 

 

Donc il s'agit de faire en sorte que tout le monde suive le mouvement. Pas marcher au pas, quand même, on n'en est pas encore là (bien que le militaire soit du binaire bien carré). Juste que tous les gens aient le même comportement. Pour que tout se passe, disons, pas trop mal (mais pas trop bien non plus, faudrait pas exagérer), il est indispensable d'unifier les comportements, c'est EDWARD BERNAYSbernays 2.jpg (le promoteur du « gouvernement invisible ») qui le dit, dès 1928.

 

 

De faire en sorte que tout le monde appuie sur le bouton de la télé le soir. Notons que la liberté reste intacte : ils n'allument pas le poste au même moment. Si ce n'est pas une preuve, ça. Alors dites-moi, maintenant, comment s’appelle l’ensemble des procédés qui permettent d’atteindre ce but ? Parfaitement, vous avez raison : le CONDITIONNEMENT.

 

 

Les procédés ne manquent pas. Mais retenez bien celui-ci : l'oeil et l'oreille sont les meilleurs moyens de pénétrer à l'intérieur de la personne pour en prendre possession subrepticement, sans qu'elle identifie ça comme une intrusion malveillante. Mieux que ça : en obtenant préalablement consentement et adhésion.

 

 

Qui ne sourit pas béatement, en entendant un petit Pink Floyd ? Un vieux King Crimson ? DEEP PURPLE.jpgUn bon Deep Purple ? Ça ne peut pas faire de mal, voyons ! Est-il vrai qu'il y a des gens qui vont pisser pendant les films, mais ne manqueraient pour rien au monde les spots publicitaires ? Je veux dire la propagande marchande ? Ils sont consentants. Personne ne les force. Ils sont formatés. Ça leur convient. On dit aussi bourrage de crâne. Matraquage est admis. C'est à ça qu'il sert, aussi et entre autres, le tonal binaire amplifié boumboum.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

lundi, 16 janvier 2012

QUI TE MANIPULE ?

Résumé : Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens, livre de BEAUVOIS et JOULE, expose diverses techniques visant à faire faire à quelqu’un quelque chose qui, normalement, lui répugnerait. Si l’opération réussit, la personne va changer d’avis, pour se remettre en accord avec elle-même, parce que l’action a produit en elle une dissonance. Elle aura donc été manipulÉe.

 

 

Le point de vue de B. & J., pour le dire rapidement, se veut scientifique donc neutre, au moins théoriquement. C’est la merveille due au découpage du savoir en une infinité de « disciplines scientifiques ». Chacune est autonome. Et dans la bonne science, on ne regarde pas ce qu’il y a dans l’assiette du voisin.

 

 

Ça veut dire au passage que chaque discipline fonctionne en vase clos, selon sa propre logique, sans rendre de comptes à personne. Il faut bien se dire que, s’agissant de l’homme officinal (retenez bien la formule, c’est moi l’inventeur), plus personne n’est en mesure, depuis trois ou quatre siècles, d’envisager la totalité. C’est d’ailleurs pour compenser cette infirmité que l’ordinateur a été inventé.

 

 

Chaque rat est prié de croquer dans sa part individuelle de fromage. La « psychologie sociale » fait comme les autres. Elle n’a pas à se mêler de biologie moléculaire, de mécanique des fluides, de morale ou de politique. Oui, je sais, on me dira que morale et politique ne sont pas des « disciplines scientifiques ».

 

 

La conclusion de B. & J., à propos de leur notion de « soumission librement consentie », est : «  P’têt ben que ce n’est pas bien, mais c’est nécessaire à la paix sociale ». Il est vrai que nous vivons dans une société de masse. Pour que la machine fonctionne, il faut, nous dit-on, huiler les rouages. La manipulation des foules serait donc le lubrifiant indispensable, pour que les gens continuent à « faire groupe ». Sinon, la collectivité se transforme en centrifugeuse, et elle éclate.

 

 

Peut-être, après tout, le « communautarisme » tant redouté par les républicains (ce qu’il en reste) est-il le lubrifiant de substitution qui permet de croire encore pour quelque temps au « vivre-ensemble » (comme ils disent), selon le vieux principe du « divide ut regnas » (c’est du latin : si tu veux régner, divise). Chaque « minorité » (asiatiques, noirs d’Afrique, Antillais, arabes, sans compter les ratons laveurs, aurait ajouté le détestable JACQUES PREVERT) restera bocalisée, aquariumisée dans son quartier. Peut-être, après tout, est-ce la fin de la fiction du « peuple » ?

 

 

On me dira ce qu’on voudra : s’il faut gouverner les gens sans qu’ils le sachent, c’est qu’on est arrivé aux frontières du totalitaire.

 

 

Car je me pose toujours la même question : comment se fait-il, dans un monde où il n’y a jamais eu autant de liberté, que tout le monde ou presque fasse la même chose, parfois au même moment (plages, supermarché, télévision, etc.) ?

 

 

Comment se fait-il que des masses d’individus LIBRES décident librement de faire la même chose que tout le monde au même moment ? On me dira ce qu’on voudra : CE N’EST PAS NORMAL.

 

 

Et puis, franchement, n’avons-nous pas déjà acclimaté dans nos démocraties exemplaires, que les petits hommes verts planètes les plus avancées de l’univers nous envient, les merveilleuses trouvailles mises au point par ADOLF HITLER ?

 

 

J’exagère ? Alors je demande qu’on me dise ce que c’est, l’échographie. Cette technique si pratique qui permet d’éviter l’amniocentèse tout en arrivant au même résultat, qu’est-ce d’autre qu’un moyen d’éviter la naissance de bébés mal formés ? Qu’est-ce que c’est, sinon cet EUGENISME dont on fait bêtement reproche à HITLER ? Accessoirement, l’échographie permet, par exemple en Inde, d’éviter la naissance des filles.

 

 

 

hitler 1.jpg  

LE PETIT PERE DES PEUPLES

  

STALINE.jpg

LE FÜHRER

(à moins que ce ne soit l'inverse)

 

 

Oui, l’EUGENISME est bel et bien parmi nous. Est-ce bien, est-ce mal, c’est autre chose. Je suis comme tout le monde, je n’aimerais pas du tout avoir un enfant mongolien. Si une technique « non invasive » permet de l’éviter, je m’en félicite, mais je me dis qu’il s’agit, qu’on le veuille ou non, de SELECTION.

 

 

Cette analogie avec ce qui se passait dans un régime politique unanimement VOMI par le monde démocratique  actuel me laisse perplexe. C’est vrai qu’HITLER éliminait des personnes déjà nées, donc bien vivantes, alors que l'échographie débouche, en cas de mauvais diagnostic, sur un AVORTEMENT. A part cette « menue » différence, j'attends qu’on me dise en quoi le projet est différent (« élimination des mal formés », qu’on pratiquait déjà dans la Sparte antique).

 

 

Autre chose, tiens, pendant que j’y suis. Je ne vais pas, une fois de plus, m’insurger contre la télévision, mais là encore, je note que des gens comme HITLER ou STALINE auraient rêvé d’avoir à leur disposition un tel outil de domestication des masses. Le simple fait de les savoir assises devant l’écran les aurait sans doute rassurés.

 

 

Je trouve admirable que, bien avant le règne sans partage de la télévision sur les esprits, le 1984 de GEORGE ORWELL ait explicitement associé le télécran au régime totalitaire décrit dans le bouquin (le stalinisme en particulier, mais en regardant bien ...).

 

 

 

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 GEORGE ORWELL

 

Or, aujourd’hui, qu’un type comme PHILIPPE SOLLERS puisse, parlant de LOUIS ALTHUSSER, affirmer que ne saurait se prétendre penseur un homme qui n’a pas la télévision, en dit long. Qu’est-ce que c’est, la télévision comme mode de vie, sinon le bromure que les militaires mettaient dans la nourriture des bidasses le premier soir de leur incorporation, pour qu’ils se tinssent tranquilles pendant les premiers jours ?

 

 

Vous voulez encore un exemple ? Selon vous, qui a inventé l’architecture de masse, le gigantisme architectural ? Personne d’autre qu’ADOLF HITLER, brillamment secondé (ou précédé) par son ALBERT SPEER préféré. Il suffit d’aller voir les projets de stade, d’arc de triomphe et autres lubies, pour le comprendre. A qui devons-nous les premières autoroutes, ces structures dirigistes, autoritaires, voire policières ? BENITO MUSSOLINI. Vous pouvez vérifier (autoroute Milan-Lacs, 1924). HITLER n’a pas mis longtemps à comprendre tout l’avantage technique de la chose.

 

 

Dans quels régimes dénoncés comme totalitaires a été utilisée la manipulation mentale ? Vous le savez : l’Allemagne hitlérienne et la Russie stalinienne. Deux pays pour lesquels tout bon démocrate dûment estampillé au fer rouge sur la fesse gauche a autant de détestation que si c’étaient des enfers. Ceux que ça intéresse peuvent aller voir mes notes de 12 et 20 mai 2011 (c’est loin, je sais).

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A demain pour la suite.

samedi, 14 janvier 2012

DIS-MOI QUI TE MANIPULE (suite)

Résumé : JEAN-LEON BEAUVOIS et ROBERT-VINCENT JOULE ont publié Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens, en 1987. Il est assez facile d’agir sur le comportement des gens.  

 

 

Mon bon copain Grand Robert m’a dit récemment qu’une manipulation est une « emprise occulte exercée sur un groupe (ou un individu) ». Tudieu, c’était donc ça ! Si je comprends bien, alors, c’est quelque chose de vraiment pas bien. On va voir qu’au contraire, pour B. & J., tout baigne.

 

 

 

MANIPULATION MALKOVITCH.jpg


PORTRAIT DE JOHN MALKOVITCH

 

 

Un individu est donc d’autant plus « engagé » dans une action qu’il a l’impression d’avoir pris la décision lui-même. Et plus son « engagement » sera fort, plus il aura tendance à persévérer dans sa décision. Dit autrement : plus j’ai l’impression d’être libre, plus je m’engage dans ce que je décide, et plus j’aurai du mal à renoncer à ma décision. Notez bien le mot « impression ».

 

 

Inversement, plus j’agis pour exécuter un ordre (l’adjudant m’envoie nettoyer les chiottes, qu’il faut que même la merde brille, pour prendre un exemple d’une époque révolue), plus j’ai envie de tirer au flanc. Car je sais que là, je ne suis pas libre du tout. Ce n’est pas une simple impression.

 

 

De toute façon, tout le monde vous le dira : adjudant, ça ne se fait plus. A l’époque merveilleuse que nous sommes en train de vivre, rien n’est plus moche que de ne pas être libre. Enfin presque : de ne pas avoir « l’impression » d’être libre. Résultat : tout le monde a décidé qu’il est libre. Enfin, c’est ce qu’ils disent, tout le monde. On ne pourra pas leur enlever ça, aux gens : ils ont dur comme fer l’impression d’être libres.

 

 

Parce que les compères B. & J. montrent comment des gens très sérieux, dans des laboratoires, ont prouvé scientifiquement combien il était facile de « manipuler » les gens pour que, justement, ils en soient convaincus, qu’ils sont libres, alors même qu’ils faisaient des choses inspirées par des volontés extérieures.

 

 

B. & J. appellent ça la « soumission librement consentie ». Bon, on voit bien que c’est un oxymore, autrement dit une contradiction dans les termes. Ça ne les gêne pas, B. & J. Au contraire, ils trouvent ça parfait. Tout en maintenant le mot « manipulation » dans leur titre. Un peu faux-culs sur les bords, les compères.

 

 

Un certain ETIENNE DE LA BOETIE (oui, le même que « parce que c’était lui, parce que c’était moi ») appelait ça la « servitude volontaire ». C’était plus franc, moins sournois. Mais le yaourt LA BOETIE  porte une date de péremption dépassée depuis tellement longtemps … que tout le monde a oublié ce que veut dire « servitude ».

 

 

Parenthèse en train de s'ouvrir :

 

 

Tout le management d’entreprise, depuis des dizaines d’années, a consisté à faire entrer dans le fonctionnement journalier de l’entreprise les techniques de manipulation. Le but avoué ? Faire disparaître du paysage directement visible le PRINCIPE D’AUTORITÉ.

 

 

C’est ainsi qu’il n’y a plus d’employés, mais des « collaborateurs ». Que le patron se balade en chemise. Que tout le monde se tutoie et s’appelle par son prénom, que t'as vraiment l'impression qu'il n'y a plus de hiérarchie, que tout le monde est sur un pied d'égalité.

 

 

Qu'on fait, tiens-toi bien, au cours des « stages de remotivation de l'équipe », du saut à l'élastique, des opérations survie, du parachute, pour montrer qu'on est tous un gros tas de chouettes copains, et qu'on est prêts à se défoncer pour l'entreprise. Mais tout le monde a beau jouer la comédie, tout le monde sait qu’il s’agit d’une simple opération d’escamotage du dit PRINCIPE D'AUTORITÉ.

 

 

Parce qu'il est increvable, dans ce système, le principe d'autorité.

 

 

Parenthèse qui se ferme.

 

 

Donc, nous disions qu'il s’agit de faire agir quelqu’un dans un sens souhaité. Dans les techniques de manipulation dévoilées par B. & J., figure en bonne place le « pied-dans-la-porte ». Dans la rue, par exemple, il est recommandé de demander l’heure avant de demander une pièce de monnaie.

 

 

De même, si une ménagère accepte d’apposer sur sa vitre de cuisine un auto-collant en faveur de la sécurité routière, elle acceptera plus volontiers qu’on installe dans son jardin un grand panneau sur le même thème. Demander petit au début pour obtenir gros à la fin, disons que ce sont de bons débuts dans la manipulation.

 

 

Une autre technique qui marche assez bien : la promesse non tenue. Enfin, en termes de « psychologie sociale », ils appellent ça « l’amorçage ». On pourrait aussi appeler ça « publicité mensongère ».

 

 

Vous vendez des voitures ? Annoncez une réduction de 15 %. Quand les gogos ont afflué sur place, dites-leur que ce sera finalement 3 %. Eh bien tenez-vous bien, un nombre respectable des gogos persiste. En gros, vous provoquez une attente, un désir, que vous décevez, mais pas trop. Normalement, il reste des gogos : ceux qui n’ont pas la sagesse de faire un trait sur le désir qu’on a fait naître en eux. 

 

 

 

MANIPULATION CLE.jpg

 

 

 

Bon, je ne vais pas résumer le livre de B. & J. Disons simplement qu’ils exposent un certain nombre de techniques, expérimentées dans un cadre universitaire, donc scientifique, parmi lesquelles certaines sont croquignolettes, par exemple, celle où des étudiants, à la suite de manœuvres tortueuses, acceptent de manger un ver de terre. Il y a aussi l’animateur de supermarché qui aiguille les clients vers le rayon pizza en leur touchant ou non l’avant-bras avec la main : ceux qui ont été touchés achèteront bien plus de pizzas que les autres.  

 

 

Les gens, c’est maintenant prouvé, on peut leur enlever une partie de leur liberté sans qu’ils s’en aperçoivent. C’est sans doute ce que B. & J nomment le « libre consentement ». Des hypocrites cauteleux, des papelards chafouins, finalement, les compères B. & J. Même « librement consentie », j’appelle la soumission « servitude ». Tout ça montre assez bien qu’on ne sait plus trop ce que c’est, la liberté.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre…bientôt.


 

vendredi, 13 janvier 2012

DIS-MOI QUI TE MANIPULE

Je l’ai déjà dit ici, la Bande Dessinée forme une part non négligeable de l’humus sur lequel l’Egopode podagraire ou le Centranthe rouge, bref, la mauvaise herbe que je suis, a poussé. « C’est pas moi qu’on rumine et c’est pas moi qu’on met en gerbe », dit quelqu’un de bien. Je suis resté Egopode podagraire ou Centranthe rouge, bon gré mal gré.

 

 

Dans les rares séries B. D. actuelles où mes circuits trouvent encore un peu de sève pour alimenter leur course alentie (on dirait du Verlaine, vous ne trouvez pas ?), il s’en trouve une qui emporte l’unanimité de mon suffrage, c’est la série Alpha.

 

 

Bien sûr, pas pour le surhumain cornichon vaguement courge qui vient à bout de tout sans être défrisé (c’est la loi du genre). Mais pour des scénarios impeccablement construits, qui réjouissent l’esprit du lecteur presque autant que le scénario inoubliable du Retournement, roman de VLADIMIR VOLKOFF (1979), que vous avez sûrement lu.

 

 

Parmi les épisodes, on trouve l’histoire d’une arnaque diaboliquement vicieuse visant à assassiner le président des Etats-Unis en personne. Un Irlandais nationaliste (engagé dans l'I. R. A. ?) rentre paisiblement chez lui, découvre sa famille assassinée. Le cadavre d’un agent de la C. I. A. laissé sur place laisse penser que ce sont les Américains qui ont fait le coup. L’Irlandais est convenablement aiguillé (et aiguillonné) par des salopards vers une vengeance impitoyable à l’encontre du grand responsable, qui ressemble ici à GEORGE W. BUSH.

 

 

Sauf que le coup a été monté par le patron des services secrets de Sa Majesté, qui aimerait bien venger ainsi la mort tragique de son fils, précisément en Irlande. Il échoue au dernier moment, grâce au héros, évidemment. Inutile de dire que l’Irlandais devait exploser en même temps que la voiture généreusement offerte par les salopards. Pas de traces, chez les salopards.  

 

 

Le procédé utilisé par les barbouzes anglais porte le label d’origine contrôlée MANIPULATION. Il se résume à une question : comment faire que  quelqu’un obéisse à un ordre en croyant accomplir sa seule volonté ? Comment l’amener à adhérer au désir qu’un autre a eu à sa place ? Comment lui faire prendre à son insu la décision qu’un autre a prise à sa place ?

 

 

 

MANIPULATION MARIONNETTE.jpg

 

 

 

Messieurs BEAUVOIS et JOULE (JEAN-LEON BEAUVOIS et ROBERT-VINCENT JOULE, que j’abrègerai en B. & J.) ont publié un intéressant petit livre en 1987 (ce n’est pas un perdreau de l’année, mais moi non plus, donc …), qui s’intitule précisément Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens.

 

 

C’est un livre de « psychologie sociale » qui acclimate sur le sol français une théorie qui a vu le jour sur le sol américain : la théorie de « l’engagement ». Acclimatation réussie, semble-t-il : 250.000 exemplaires vendus.

 

 

La théorie postule quelque chose de central : quand le colonel du régiment fait un discours sur les méfaits de l’alcool et de la drogue, c’est sûr qu’aucun bidasse ne va le contredire, mais c’est sûr aussi que chacun va continuer comme si rien ne s’était passé. En revanche, si vous arrivez à obtenir d’une personne qu’elle traduise en acte effectif, même minime, une décision qu’elle accepte de prendre, cette action aura tendance à perdurer dans le temps. Le discours est inefficace à long terme, au contraire de l'acte effectif.

 

 

Ce qui est rigolo, ici, c’est de penser aux vieux manuels de philo, qui étaient traditionnellement structurés selon la dichotomie « la pensée » / « l’action », et qu’on a tous, à une époque, appris que la pensée précède (et domine) l’action. L'hypothèse des auteurs est que ceci est un mythe aimablement colporté par une tradition, disons « humaniste ».

 

 

B. & J. soutiennent en effet que la persuasion (discours oral) est par nature inefficace. C’est, dans leurs termes, la méthode « cognitiviste », traditionnelle, qui s’adresse au cerveau, à la raison, à la compréhension, à l’intelligence, et qui suppose que l’esprit commande, selon la vieille image qu’on se fait de la liberté humaine (priorité à la pensée). Cette méthode ne vaut rien.   

 

 

Car si vous voulez que des choses changent en réalité, il vaut mieux essayer d’obtenir des actes de la part des personnes, parce que celles-ci se sentiront beaucoup plus engagées (elles auront fait). La méthode est ici « comportementale » (ça, c'est bien américain), et repose sur l’idée que l’individu est davantage dans ce qu’il fait que dans ce qu’il pense (priorité à l’action).

 

 

Ça va même plus loin, puisque les auteurs montrent que plus l’action réalisée a coûté à l’individu (parce qu’elle allait à l’encontre de ses convictions), plus celui-ci fera un effort mental et réarrangera ses propres convictions pour qu’elles reviennent en cohésion avec l’acte accompli. En clair : si vous réussissez à lui faire accomplir un acte auquel il n'adhère pas, vous réussirez ipso facto à le faire changer d’avis. La manipulation est là.

 

 

 

MANIPULATION.jpg

 

 

 

Quelqu’un qui fait quelque chose qui lui coûte provoque en lui-même une dissonance, comme une fissure intérieure qui le rendrait rapidement schizophrène s’il n’y mettait bon ordre : il est plus facile de changer la conviction que d’effacer l’acte déjà accompli. A ce stade, on peut donc se dire que la manipulation a réussi son coup.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre.