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lundi, 18 avril 2016

FINKIELKRAUT FASCISTE !!!

ALAIN FINKIELKRAUT CHEZ LES GENTILS DE "NUITS DEBOUT"

Qu’allait faire Alain Finkielkraut dans la galère de « Nuits debout » ? Qu'est-ce qui lui a pris d'aller y traîner ses guêtres ?

Il paraît donc que le professeur de philosophie (et peut-être philosophe, faut pas confondre) Alain Finkielkraut s’est fait sortir manu militari de la place de la République à Paris aux cris de « Finkielkraut fasciste ! ». Finkielkraut fasciste ! Ben en voilà, du nouveau qui vient de sortir ! Les bras m’en tombent et j’en reste sur le cul. Ainsi, le producteur de la célèbre émission Répliques, le samedi matin sur France Culture, que j’écoute régulièrement, mais pas toujours, pas forcément et surtout pas en opinant du bonnet (on peut (ré) écouter la dernière, samedi 16 avril, sur les combattants de 14-18, qui était absolument formidable), serait une résurrection dans l’ordre intellectuel de la figure de ce que fut Benito Mussolini dans l’ordre du muscle. Voilà où on en est ? Oui : voilà où on en est. M'enfin quoi, soyons sérieux.

Je ne vais pas me porter au-devant des ennemis de Finkielkraut pour lui servir de bouclier : je pense qu’il a appris à se défendre par lui-même. Ce qui m’intrigue davantage dans cette affaire, c’est la brutalité (en attendant la violence ?) du clivage qu’elle met en lumière. Politiquement, je ne sais pas comment analyser la chose. En revanche, si l’on se préoccupe de l’existence supposée, dans toute démocratie, d’un espace public pour les débats entre citoyens (agora, forum), je trouve ça très inquiétant. De quel côté de ce "fascisme" bien spécifique se trouvent les participants des « Nuits debout » ? 

L’alternative est celle-ci : en France, aujourd'hui, peut-on encore débattre entre gens raisonnables ? Ou bien existe-t-il une « vox populi » implicite et impérieuse qui impose silence aux dissidents ? Certains sont-ils interdits de parole au motif qu’ils sont catalogués parmi les « intellectuels médiatiques » ? Et au surplus dénoncés comme « réactionnaires » ? Dire, en plus, qu'on lit partout que ces "réactionnaires" attirent presque en exclusivité les caméras et les micros ! Que ces contempteurs du système sont quasiment devenus des moteurs du système ! Le "réactionnaire" élevé à la dignité de "Mutin de Panurge" (Philippe Muray) par on ne sait à la suite de quelles manipulations génétiques ! L'exception rebelle et libertaire s'érigeant en règle tyrannique !

Qu’est-ce que c’est, en réalité, « Nuits debout » ? A parler franchement, j’ai plutôt l’impression d’un symptôme que d’une promesse d’avenir. Je râle assez régulièrement contre la confiscation du débat par la caste des professionnels de la politique et par la démocratie représentative, ainsi que contre le musellement des voix des populations quand elles s’élèvent en dehors des échéances électorales, pour ne pas être intrigué par ce qui se passe la nuit sur la place de la République parisienne. 

« Nuits debout », c’est le symptôme (bénin) du cruel manque qui se fait sentir dans l’exercice concret de la démocratie du fait de la codification intégrale et rigide des formes du débat. Des autorités envisagent de construire un grand aéroport pour soulager une grande ville de l’ouest, mais dans une zone agricole et écologiquement précieuse ? Un barrage dans une zone humide pour alimenter en eau l’agriculture locale ? Un centre de loisirs dans une riche zone forestière ?

La réponse est chaque fois la même : la procédure légale a suivi son cours de façon imparable et ne peut donc être remise en question. Pour contester, suivez la voie hiérarchique, introduisez des recours devant les tribunaux compétents : ceux qui sont à l’origine du projet ont toute légitimité, se sont conformés à la loi et ont reçu l’approbation des élus du peuple. Peut-on faire plus démocratique ? Les protestataires n'ont aucune légitimité, ils ne parlent que pour eux-mêmes.

C’est là que le bât blesse : entre deux échéances électorales, la population est priée de la fermer. C’est à cette confiscation du légitime par le légal, au moyen d'une application administrative scrupuleuse des formes de la démocratie, au détriment de son contenu que réagissent les acteurs de "Nuits debout". Si la lettre de la loi a été respectée, si l'on ne peut repérer aucun "vice de forme", la procédure doit aller à son terme.

L'élection une fois intervenue, l'élu s'affranchit de toute limite à l'exercice du pouvoir qu'on lui a accordé. Sa légitimité découle la légalité : il a la loi pour lui. C'est à ça que cherche à répondre l’opération « Nuits debout ». L'intention est louable. Malheureusement, là où je commence à me méfier, c’est quand j’entends des reportages sur place, qui donnent la parole aux participants. Tout le monde est de bonne volonté, ouvert, convivial et soucieux de « faire avancer le débat ».

Mais pour parler franchement, on entend beaucoup de niaiseries générales, de propos indigents et de balourdises fumeuses. Et puis voilà que s'ajoute maintenant à la vacuité de ce "mouvement", la volonté de réduire au silence, et de chasser Alain Finkielkraut, au motif qu'il n'adhère pas spontanément et pleinement au beau "mouvement" "spontané", prometteur du futur "Empire du Bien" (encore Philippe Muray, décidément), et au motif qu'il tient à maintenir en exercice la plénitude de son esprit critique. Je répète la question : de quel côté, les "fascistes" ?

Et même le débat : sur quoi, le débat ? Une « nouvelle façon de faire de la politique » ? L’élaboration des bases d’une future société ? Un gros tas de chouettes copains ? Vraiment ? Allons donc, si c’est ça, « Nuits debout », c’est vraiment une plaisanterie, de la fumée, de la roupie de sansonnet. Le meilleur moyen pour se perdre dans les généralités, tirer des plans sur la comète et, dans le fond, alimenter en propos fumeux le « Café du Commerce ». Il faut avoir entendu Frédéric Lordon s’égosiller dans un micro et prononcer un discours enflammé sur de futurs lendemains qui chantent : c’est à se demander de quelle planète viennent les participants et sur quelle planète ils pensent avoir atterri. 

Je me demande si le terme désuet de « monôme », un peu condescendant je dois dire, prononcé par le très anodin Pascal Bruckner (auteur de La Sagesse de l’argent, et ancien copain d’Alain Finkielkraut pour Au Coin de la rue l'aventure), n’est pas plus apte à décrire cette manifestation - dont l’appellation (« Nuits debout ») semble au demeurant une "marque déposée" tout droit sortie du bureau d’études d’une agence marketing. Ce qu’il faut pour satisfaire l’appétit de la gent journalistique, toujours avide de formules chocs pour alimenter la Une en caractères gras (Libération : « Nuits debout, nuits débat », quelle trouvaille !). 

A ce propos, il y a quelque chose de stupéfiant dans l'ampleur donnée par les médias à ce qui ressemble fort à des blancs d’œufs montés en neige. On a vu qu'en quittant la place de la République, rien qu'en traversant la rue, on retombait dans ... dans quoi, au fait ? ... eh bien dans la vie ordinaire et quotidienne, qui continuait à se dérouler, imperturbable. C'est à se demander s'il est en train de se passer quelque chose sur la place de la République à Paris.

« Nuits debout », je vais vous dire, ça sent le feu de paille. « Nuits debout », franchement, ce n'est pas crédible : ça a plutôt à voir avec l'atmosphère de puérilité générale dans laquelle se confit l'époque. François Hollande, Manuel Valls, Nicolas Sarkozy peuvent dormir tranquilles : ce ne sont pas les trompettes de « Nuits debout » qui feront tomber les murs du Jéricho politique où la démocratie française agonise. 

On peut le regretter. 

Voilà ce que je dis, moi.

jeudi, 07 juin 2012

LE MONDE, SUBVERSION DE SOI-MÊME

RÉSUMÉ : les critiques, dans toutes les disciplines de la création artistique (jusque dans le monde de la mode) crient au miracle et se rendent en longues processions dans les temples de la « Culture » pour se prosterner devant leurs grands prêtres, passés maîtres dans l’art de transgresser les règles admises, d’enfreindre les codes, de violer la morale, d’oser subvertir la société, de commettre des attentats contre l’ordre esthétique établi. Et pourtant, l’ancien monde n’a pas bougé, il est toujours debout. Comment se fait-ce ? 

 

N’allons pas chercher la réponse trop loin. Tout ce petit peuple qui mange aux multiples râteliers des Arts et des Lettres, tous ces laborieux tâcherons, plus ou moins lumineux, tous ces « révolutionnaires » qui ne font la « révolution » qu’à condition qu’elle soit subventionnée par l’Etat, - l’impeccable parce qu’intellectuellement intègre PHILIPPE MURAY les assaisonne dûment, en leur accolant généreusement la formule, délicieuse et parfaitement exacte, de « MUTINS DE PANURGE » (tiens, revoilà Panurge, décidément, on ne se débarrasse pas de Panurge). 

 

Et ce sont ces schtroumpfs qui déclarent que c’est eux qui changent le monde. Remarquez, BERNARD-HENRI LÉVY, dans son film Le Serment de Tobrouk, s’attribue bien la chute de KHADDAFI, pas à lui tout seul, mais pas loin ! Alors, au point où on en est. 

 

Sur les scènes de théâtre, de danse, d’expositions, de « performances », venez braves gens, voyez défiler la longue cohorte des MUTINS grassement rémunérés, des INSOUMIS fonctionnaires, des DISSIDENTS en mission officielle, des REVOLTÉS conformes, des REBELLES uniformisés.

 

 

Leur profession de foi ? « En dehors » ! (A condition que ça reste confortable.) Remarquez, on a vu récemment se présenter à la présidentielle un candidat paraît-il « anti-système », copain du dit BERNARD-HENRI LÉVY, qui venait de passer cinq ans à l’Elysée. Comme il disait en 2007, SARKOZY : « Tout devient possible ».

 

Si, si, c’est possible, le mec du système qui devient anti-système du jour au lendemain. J’entends quelques-uns soupirer : « On a déjà tout vu ». Et moi, je rétorque finement : « Non, messieurs, s’agissant de propagande, vous n’avez pas encore tout vu ». Attendez la propagande « socialiste », avant de prononcer un jugement. J’espère qu’il ne vous faudra pas trop de « neutralité » pour avouer que vous avez méchamment déchanté. 

 

Il suffit de savoir qu’on appelle aujourd’hui « subversion » ce qu’on appelait il n’y a pas si longtemps « conformisme ». C’est juste une question de vocabulaire, comme dans 1984 de GEORGE ORWELL. Il suffit d’appeler l’esclavage « liberté » pour que tout le peuple d’esclaves soit aussitôt déclaré « libre ». ORWELL appelait ça la « novlangue ». C’est un autre nom pour la « magie du verbe ». Certains appellent ça la « publicité ». Je trouve que c’est assez bien vu : l’inversion est une figure bien connu des publicitaires. 

 

La VÉRITÉ vraie, vous voulez que je vous dise, c’est qu’aujourd’hui, plus rien et plus personne au monde n’est en mesure d’introduire la plus petite once de SUBVERSION dans l’ordre du monde. La vérité vraie, c’est que toutes les tentatives, tous les efforts de subversion de l’ordre établi effectués jusqu’à présent ont échoué, y compris et au premier chef la révolution « communiste », dont les piques ont fini par s’enfoncer dans l’édredon insondable de l’ordre du monde. 

 

Et cela, pour une raison unique : si toute subversion de la société est devenue rigoureusement impossible, c’est que nous avons inventé la SOCIÉTÉ DE LA SUBVERSION. Notre société a accompli le tour de force d’adopter pour base et principe premier de fonctionnement la révolution constante, le bouleversement de tout à tout moment. Aujourd’hui, il est interdit de ne pas être « subversif ». 

 

Le monde tel qu’il est organisé a fait de sa propre SUBVERSION le moteur même qui l’anime. Pour éliminer tout risque de destruction par des forces extérieures à elle, il s’est débrouillé pour intégrer dans ses fibres mêmes les forces de sa propre négation. 

 

Pourquoi croyez-vous qu’un « puissant » comme Monsieur FRANÇOIS PINAULT dépense à plaisir beaucoup d’argent dans son immense Palazzo Grassi à Venise, pour abriter sa collection d’art « subversif » (qu’on appelle « art contemporain ») ? Pourquoi croyez-vous que Monsieur AILLAGON demande à des gens comme JEFF KOONS ou TAKASHI MURAKAMI de profaner le site historique de Versailles avec leurs déjections excrémentielles, ostensiblement encensées ?

 

C'est pour ça qu'il ne saurait plus y avoir de « menées subversives » dirigées contre l'ordre établi, puisque l'ordre établi est précisément établi sur la subversion en action, la subversion permanente. Il est là, le nouveau conformisme.

 

Voilà ce que je dis, moi. 

 

A suivre dans quelques jours.