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dimanche, 10 avril 2016

YVES MICHAUD ET LA BIENVEILLANCE 2

MICHAUD YVES.jpgLa deuxième menace qui pèse aujourd’hui, selon Yves Michaud, sur la démocratie, et pas seulement en France (l’auteur cite l’Espagne, l’Italie et la Grèce), c’est le populisme : « Le populisme s’exprime aujourd’hui de deux manières : des votes en progrès constant en faveur de partis nouveaux venus qui appellent à en finir avec la caste des partis installés et, dans le même temps, une forte abstention de la part de citoyens qui se désintéressent de la politique et "n’y croient plus" » (p.61). Il ajoute : (« … mais ça veut dire aussi que plus de 55% des citoyens ont déserté la politique ou adoptent des positions populistes », (p.62). Faire de l'abstentionnisme une manifestation de populisme me semble assez curieux.

Personnellement, je ne suis pas sûr que le mot "populisme", devenu peu ou prou un cliché en bonne et due forme, soit pertinent ou puisse être d’une grande utilité opérationnelle dans l’analyse. Car je crois que la menace qui pèse sur la démocratie est différente : pour se limiter au cas français, j’ai la conviction que le Front National et l’abstention sont, en avers et revers inséparables, le symptôme d’un seul mal, beaucoup plus profond : la déliquescence morale de la classe dirigeante en général et du personnel politique en particulier. Je ne connais pas assez la situation dans les pays voisins pour me prononcer.

C’est ne rien apprendre à personne que de dénoncer l’insane médiocrité d’une large majorité du personnel politique français, choisi par cooptation après contrôle méticuleux des allégeances, des servilités et des performances administratives, affligé d’une effrayante courte vue, obsédé par l’unique souci de sa réélection, soumis à toutes sortes d'influences inavouées et de pressions intéressées dans la prise de décision et, plus gravement, incompétent parce qu’incapable d’agir sur la réalité et sur la marche des choses pour le bien du plus grand nombre. S'ajoute à cela la frontière de plus en plus floue entre une "droite" et une "gauche", entre deux camps qui font semblant de s'opposer sur des "valeurs", qui se croient de ce fait tenus d'entrer dans des rôles obligés, ce qui les amène, une fois au pouvoir, à défaire ce que l'autre a fait et, le reste du temps, à théâtraliser leurs gesticulations.

Les politiciens, en désespoir de cause, se sont rabattus de l’action sur le discours, le fétichisme des mots, l’incantation et la "communication" (les fameux "éléments de langage"). Les politologues, politistes et éditorialistes peuvent ensuite tout à leur aise constater l'incapacité à proposer ce qu’ils appellent niaisement un « grand récit » (mythe national, si vous voulez). A partir du moment où vous désignez ainsi la nation, ce grand principe d’appartenance, d’identité et d’unité, vous montrez que vous n'y croyez pas un instant, vous conceptualisez et vous rendez impossible la narration d’un quelconque "grand récit", au motif que le moindre historien, soucieux d’historicité scientifique, aura beau jeu de pointer les insuffisances et l’incomplétude du récit proposé. Sans même parler des rivaux dans la conquête du pouvoir : quand on sait qu’on nous raconte une histoire, on attend, au mieux, de la littérature, en aucun cas de l’action politique. 

L’entité « FRANCE » (l’identité nationale des Français), si elle a une réalité, tient, pour une large part, de la fiction. Et cette fiction a besoin d’une volonté et d’une adhésion, c'est-à-dire avec une croyance, plutôt qu’avec un savoir estampillé par l’Université. Pour que cette fiction ait une chance d’être collectivement éprouvée en réalité, il ne faut pas être trop intelligent ou savant : parler ici de « mythe » ou de « grand récit », si c’est scientifiquement plus exact, c'est désigner tout le fictif de l'affaire ; c’est en soi dévitaliser la chose, en la renvoyant dans les antiquités primitives. Moi qui suis plutôt un "intellectuel" (à ne pas confondre avec "intello"), je crois ne pas méconnaître la force d'entraînement que constituent la croyance, la foi, l'adhésion.

Donner de l’autorité au savoir universitaire en la matière, c’est déjà une démission du politique : la politique n'est pas de l'ordre du savoir. Le responsable a-t-il le droit de confier les manettes à des "experts" ? La croyance, pour être efficace et valide, a besoin, sinon d’une adhésion unanime, du moins de ne pas être constamment un objet de débat ou de dispute entre doctes : René Girard dit avec force que le sacrifice, pour ressouder valablement le corps social, nécessite la pleine adhésion d’une croyance exaltée. Pour "faire société", il ne faut pas s'en remettre à l'intelligence pieds et poings liés. Je me demande si le problème dans lequel la France donne aujourd’hui l’impression de se dissoudre ne se situe pas à cet endroit. Il faut comprendre qu'il n'est pas nécessaire de tout comprendre pour établir les conditions de la "bonne vie en commun". 

C’est là qu’Yves Michaud, me semble-t-il, se trompe : « Qu’il s’agisse de l’identité des personnes, des groupes ou des choses, il n’y a pas de substantialité de l’identité. Toute identité est une construction et une fiction » (p.159). Tout à fait d’accord, et je viens de le dire. Malheureusement, le problème n’est pas là : pour être français, il ne suffit pas d’une carte d’identité, encore faut-il y croire, encore faut-il se sentir français. Malheureusement, ce n'est pas mesurable, et sans doute pas conceptualisable. Bien sûr, il est vain de tenter de lister les items qui constituent notre identité. L’identité est un tissu serré, en chaîne d’une foule de traits d’appartenance, en trame d’une foule de traits de différenciation, dont dix ans de psychanalyse écouent à faire l'inventaire. Il n'existe pas deux identités superposables.

Ce n’est donc pas à ce niveau qu’il faut chercher. Il suffit de se rappeler la foire d’empoigne à laquelle a donné lieu le débat sur l’identité nationale suscité en son temps par Nicolas Sarkozy, pour se rendre compte que, s’il est effectivement impossible de dessiner avec exactitude le portrait de l’identité française, les réactions exacerbées auxquelles le débat a donné lieu ont amplement montré qu’on touche, en abordant la question, à un point névralgique, absolument crucial. 

Et je me demande si ce point, loin d’être cantonné dans la sphère rationnelle, n’a pas quelque chose à voir avec – excusez le grand mot – l'ordre du « sacré ». L’identité française ne peut certes pas être définie en détail, mais constatons quand même qu’il ne faut pas trop y toucher, sous peine de se faire mordre : je n’interprète pas autrement la réaction outragée de Jacques Chirac, lorsque la Marseillaise avait été sifflée (par qui, on se demande) en préambule à un match de football opposant la France à l’Algérie. 

Et je me demande si le mal français ne prend pas sa source, précisément, dans le fait que l’idée française, l’identité française, l’idée de la nation française a déserté massivement l’esprit de notre classe dirigeante en général, et de notre personnel politique en particulier (Chirac étant l'exception). Nos élites à profil de premier-de-la-classe semblent ne plus y croire et avoir définitivement abandonné l’idée que les carrières politiques doivent être mises au service de quelque chose de plus grand que les hommes qui s’y engagent.

On peut bien ressortir du placard le moulin à prières pour en appeler aux mânes de De Gaulle. Il avait beau être de grande taille (1,92 m., si je me souviens bien), De Gaulle se considérait comme plus petit que la France. Il mettait la France au-dessus de lui. Qui est aujourd'hui à la hauteur de cette "petitesse" ? Donnez-moi une classe politique qui soit à cette hauteur-là, capable de modifier le réel dans un sens favorable aux hommes, et vous verrez le Front National repasser dans l'autre sens à la trappe dont il est sorti. Et les électeurs revenir aux urnes en masse.

C'est De Gaulle qui était dans le vrai.

Voilà ce que je dis, moi. 

A suivre ...

Note : oui, je sais, c’est moins un compte rendu du livre d’Yves Michaud qu’une réflexion suscitée par la lecture, ô combien stimulante, de Contre la Bienveillance

lundi, 17 mars 2014

POLITIQUES EN DECOMPOSITION

Préambule : Non, la France n'est pas en déclin. La preuve ? Elle revient des Jeux Paralympiques de Sotchi avec un nombre respectable de médailles. Conclusion, la France possède les handicapés et les infirmes parmi les plus forts du monde. Moralité : qui critiquera les performances dont est capable notre « cher et vieux pays » ? Qu'on se le dise : le handicapé porte l'avenir radieux de la France. Vive la France infirme ! Françaises, Français, en avant !

 

****

 

LA CLASSE POLITIQUE FRANÇAISE EN ETAT DE DECOMPOSITION AVANCEE

 

Il y a longtemps qu’il n’y a plus de vie proprement politique en France. On le savait déjà, et je n’apprends rien à personne. Monsieur BHL, alias le trois fois entarté, alias monsieur Bernard-Henri, alias monsieur chemises amidonnées, alias monsieur Arielle Dombasle, avait commis, voilà des temps, un petit ouvrage intitulé Ce Grand cadavre à la renverse. Consacré à l’agonie du socialisme au sein même du Parti « Socialiste » (je pouffe).

 

Il avait raison, le philosophe garanti 100 % beurre de TF1. Mais il aurait pu – donc dû – étendre son analyse à l’ensemble du champ politique national. Car j’espère que tout le monde conviendra que l’état de liquéfaction des idées et des hommes politiques de notre pays a atteint aujourd’hui un degré que je me demande s’il peut encore aller « plus vite, plus haut, plus fort » (« citius, altius, fortius », vous savez, la formule de la formidable imposture olympique).

 

Je me fous des querelles de personnes (Valls-Taubira, Copé-Fillon, on n’a aucun mal à en dénicher). Je me fous des statuts de l’UMP lancés à grand bruit pour annoncer que tout le monde se rassemble en bon ordre derrière le parti, le chef, le drapeau. Cette sinistre comédie ne trompe plus personne depuis longtemps.

 

Je me fous de TOUT ce que dit un homme ou une femme politique (j’ai failli écrire « poilitique ») quand il est invité sur un plateau, au motif que, quelle que soit la question, il récitera sa « doxa », bien cornaqué qu’il aura été en amont par ses conseillers en communication (Stéphane Fouks, le copain d’Alain Bauer et de Manuel Valls, et consort). Je me fous de leurs ambitions, de leur appétit de pouvoir, de leur obsession de la conquête des « places » (Michelet, en 1848, en parlait déjà de façon éclairante, fût-ce pour lui-même au Collège de France).

 

Mais j’hallucine carrément quand je constate leur aveuglement sur l’état de la barque que tous veulent conduire. Je radote sûrement, mais leur manière à tous de pousser Marine Le Pen aux avant-postes au moyen d’imprécations fabriquées contre l’ennemi (PS si on est UMP et inversement, comme si ces deux compères n’étaient pas de vulgaires complices qui se disputent simplement la taille des parts du gâteau, dispute camouflée sous les « éléments de langage » tout faits, prêts à l’emploi et stéréotypés, concoctés dans des officines de « com. »), de vaticinations élucubrées sur la base de ce qu’ils croient savoir des « attentes des Françaises et des Français », me semble le plus sûr moyen de rebuter ce qu’il reste de bon sens à la majorité de la population. Cela fait longtemps qu'il n'y a plus de lutte politique entre le PS et l'UMP.

 

Les luttes pour le pouvoir qui font rage à « droite » et à « gauche », qu’on considère volontiers comme des querelles de personnes, ne veulent donc dire qu’une chose : plus personne, sauf quelques rares exceptions (Juppé ? Je dis ça, mais ...), ne prétend gouverner parce qu’il a le « sens de l’Etat », mais parce qu’il a de l’appétit pour une « place », qui lui donnera autorité institutionnelle, rayonnement de prestige et rentabilité matérielle (Chirac n’a jamais payé de loyer, il a occupé les palais de la République - Mairie de Paris (1977-1995), Elysée (1995-2005) - comme un rat fait dans un fromage).

 

Accessoirement, il n’y a pas à tortiller du derrière pour espérer échapper à ça : ça signifie qu’il n’y a plus de nation française. J’admire quant à moi quelques individus qui sont (ou plutôt : « ont été », hélas) capables de regarder au-dessus d’eux-mêmes. Aujourd’hui où chacun est de plus en plus réduit à lui-même, j’attends qu’on me dise qui est désireux de s’élever au-dessus de sa petite personne.

 

Que montrent les politiques au pouvoir ou qui attendent d’y parvenir ? Des qualités de tacticiens tout au plus. Or c’est bien connu dans le domaine des échecs : le pur tacticien se fait piler à plate couture. Ce dont est capable le grand joueur, c’est une vision stratégique. Ce que requiert la tactique, c’est juste de l’habileté manœuvrière, peut-être de l’imagination, disons une certaine forme d’intelligence, je veux bien. Ce qui manquera toujours à la tactique pure, c’est la vision stratégique. Et pour ça, il faut s’être élevé au-dessus de sa petite personne. Là est le problème.

 

Ce n’est pas un hasard si cette sous-littérature qu’on ennoblit pompeusement en l’appelant « autofiction » est devenue en France le nec plus ultra de ce qui s’appela autrefois « littérature ».

 

Pourtant c’est facile de ne pas confondre. Dites-moi que ce n’est pas une preuve de déclin ?

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

mardi, 18 juin 2013

ORWELL N'AIME PAS DALI

 

BAUERNPAAR.jpg

COUPLE DE PAYSANS (BAUERNPAAR), PAR AUGUST SANDER

***

 

Je ne sais pas si on lit encore beaucoup 1984 de George Orwell. Il paraît que les ventes aux Etats-Unis ont été multipliées pas 6 depuis les révélations dans The Guardian (journal anglais) sur les activités de la NSA dans le pays, orientées vers l’écoute indifférenciée de toutes les communications des citoyens. L’émoi des dits citoyens est à la hauteur de l’enjeu.

 

Rendez-vous compte. Le système d’écoute baptisé « Echelon », révélé au grand jour il y a une dizaine d’années, avait déjà fait sensation, alors qu’il se réduisait (si l'on peut dire) à surveiller, sur les réseaux de communication, un certain nombre de mots-clés qui, une fois situés et correctement décryptés, étaient censés procurer à l’hyperpuissance un niveau de sécurité jamais atteint auparavant, en désignant aux spécialistes les individus dangereux. C’était encore sélectif, voire artisanal. Juste un vernis de démocratie, mais bon.  

 

La puissance informatique est devenue telle aujourd’hui qu’ils peuvent se permettre de ne rien filtrer, de tout enregistrer. De façon indifférenciée. Pas de sélection, « ce que nous voulons : TOUT ». C’est drôle, c’était le titre d’une revue ou d’un mouvement en 1968. C’est devenu le nec plus ultra d’une des agences de renseignement les plus secrètes et les plus sophistiquées. Comme le chante Charles Trenet : « C’est la vie qui va toujours, Vive la vie, Vive l’amour ! Quand tout vit, c'est que tout va ! ». La couleur désuète de ces paroles a quelque chose d'attendrissant.

 

Donc admettons que George Orwell, c’est 1984. Big Brother ? Le télécran ? « Big Brother is watching you » ? De la gnognotte, parce qu’Orwell  l’ayant écrit avant 1950, s’il pouvait imaginer l’irruption de la caméra et de la télévision dans l’espionnage de la vie privée des individus, comment aurait-il pu prévoir la carte à puce, le téléphone portable, la puce RFID, Google, Facebook, Twitter et autres joyeusetés. Qui vous « tracent », comme on dit depuis peu, pour ne pas dire qu'on vous « traque », mot qui traduit exactement l'idée, puisqu'un « tracker dog » n'est rien d'autre qu'un chien policier. La technique permettrait de reconstituer la trajectoire d'une fourmi dans la fourmilière. D'ici qu'on y voie un traquenard ...

 

Grâce à ces innovations si intéressantes, la technique a permis de livrer à des responsables politiques ou économiques les informations les plus précises et les plus pointues sur les comportements des gens, dans le but de leur faciliter le commerce et la gestion des masses. Quoi, me dit-on, si je n'ai rien à me reprocher, je n'ai rien à craindre. Ah la belle âme. Ah le gros naïf, ravi de se faire espionner, sans doute parce qu'au moins, ça montre qu'on s'intéresse à lui. Ça lui donne le sentiment d'exister.

 

Et puis monsieur, j'ai au moins le droit de ne pas avoir envie d'être suivi, observé, espionné, décortiqué. Et si l'envie m'en vient, j'ai le droit de disparaître sans laisser la moindre trace. De la gnognotte, donc, que 1984, quand on voit les dernières avancées offertes aux instances de contrôle et de manipulation, mais quel magnifique sens de l’anticipation de la part de son auteur !

 

La novlangue ? Une autre anticipation géniale de George Orwell, au point qu’on peut dire que tous ceux qui fabriquent à tour de bras de la reformulation et de l’ « élément de langage » (tout ce que politiciens et marchands mâchonnent devant les micros et sur les affiches) ont à peu près piqué la méthode estampillée "Big Brother" pour repeindre la réalité dans la couleur du jour voulue par celui-ci.

 

On nage en effet depuis des lustres dans la novlangue, sans s’en formaliser, au point que le mot « euphémisme » est admis sans discernement ni discussion, comme un article de la loi fondamentale. Il est interdit d'utiliser les mots qui tranchent, ceux qui correspondent directement à la chose qu'ils désignent. Le détour par la périphrase adoucissante et menteuse, ou par l'euphémisme sucré qui fait passer l'amertume de la pilule sont désormais obligatoires. Euphémisme et périphrase règnent en maîtres absolus : « crise » mis pour « festin des grands carnassiers », « plan de retour à l’emploi » pour « licenciements massifs », et le reste à l’avenant.

 

L’expression américaine colonisatrice – « politiquement correct » – est devenue l’objet de gags ironiques au 128ème degré, où plus personne n’est en mesure de détecter l’intention première de celui qui parle (sincère ou duplice ?). Ce faisant, on oublie que la « political correctness » fut conçue au départ, aux USA, pour permettre aux « minorités » victimes de « discriminations », « stigmatisations », etc. (nains, noirs, homosexuels, femmes, etc.) de se venger de leurs « tortionnaires » à coups de rafales de procès aux retombées parfois tout à fait lucratives.

 

Dans la novlangue d’aujourd’hui, plus personne n’a les compétences pour affirmer qu’un mot veut dire ce qu’il dit, ou le contraire de ce qu’il dit, ou même le contraire du contraire de ce qu’il dit, qui n’est pas forcément réductible à son sens premier. J’espère que vous suivez.

 

Les pessimistes parleront de perversion toujours plus infernale des photographie,august sander,allemagne,george orwell,littérature,nsa,1984,espionnage,mai 68,big brother,puce rfid,google,facebook,twitter,novlangue,éléments de langage,euphémismemots de la langue, les indécrottables optimistes se réjouiront des progrès et de l’évolution. Pour mon compte, je suis d’avis de laisser les optimistes continuer à se laisser couvrir de crotte par l’anus du monde comme il va, de la même façon que Numérobis est couvert d’or à la fin d’Astérix et Cléopâtre, mais je ne vais pas refaire le coup de l’argent matière fécale, je ne m’appelle pas Sigmund F.

 

Moralité : on peut considérer le 1984 de George Orwell comme un schéma approximatif mais juste, quoiqu'incomplet, de l'avenir radieux offert à la liberté humaine par l'innovation technique. Je n'ai pas dit "progrès" technique, car il est désormais clair que la voie royale de l'innovation permanente diverge de plus en plus nettement de ce qu'il serait légitime de considérer comme le "progrès".

 

Selon moi, il serait même salutaire de bannir définitivement de notre lexique l'expression « Progrès Technique ». Du point de vue de la liberté humaine, si celle-ci a encore un sens, je propose même de parler désormais de « Régrès Humain ». Certains économistes parlent bien de « décroissance », alors hein ! 

 

Je propose de regarder la courbe ascendante de l'innovation technique (par exemple, Motorola vient de mettre au point une pilule-puce qui, aussitôt dans l'estomac, prendrait les commandes de toute l'électronique domestique) à la lumière de la courbe de l'évolution humaine : je suis prêt à parier qu'elle lui est inversement proportionnelle, et que plus la technique innove, plus l'humanité régresse.

 

On va me dire que j'exagère d'abuser, mais si l'on met bout à bout toutes les innovations, on voit se dessiner, maille après maille, le filet technique, invisible et parfait, dans lequel certains projettent d'enfermer les humains, sans qu'ils s'en aperçoivent. C'est comme dans Loft Story : on s'est habitués aux micros et aux caméras, jusqu'à oublier leur existence. 

 

C'est ça, le Régrès : permettre à la police et aux marchands de retrouver instantanément n'importe quelle fourmi humaine grâce aux traces électroniques dont elle balise chacune de ses activités, à l'exception du jardinage. Enfoncé, le Petit Poucet. Chacun de nous est devenu un « Enorme Poucet » : même plus besoin de chien policier. Pauvres parents, qui ne peuvent même plus aller perdre leurs enfants dans la forêt !

 

Si les gens se mettent à dire un de ces jours : « On n'arrête pas le Régrès », ce sera grâce à moi, vous vous rendez compte ? Mais George Orwell avait vu ça bien avant moi.

 

Voilà ce que je dis, moi.