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lundi, 17 mars 2014

POLITIQUES EN DECOMPOSITION

Préambule : Non, la France n'est pas en déclin. La preuve ? Elle revient des Jeux Paralympiques de Sotchi avec un nombre respectable de médailles. Conclusion, la France possède les handicapés et les infirmes parmi les plus forts du monde. Moralité : qui critiquera les performances dont est capable notre « cher et vieux pays » ? Qu'on se le dise : le handicapé porte l'avenir radieux de la France. Vive la France infirme ! Françaises, Français, en avant !

 

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LA CLASSE POLITIQUE FRANÇAISE EN ETAT DE DECOMPOSITION AVANCEE

 

Il y a longtemps qu’il n’y a plus de vie proprement politique en France. On le savait déjà, et je n’apprends rien à personne. Monsieur BHL, alias le trois fois entarté, alias monsieur Bernard-Henri, alias monsieur chemises amidonnées, alias monsieur Arielle Dombasle, avait commis, voilà des temps, un petit ouvrage intitulé Ce Grand cadavre à la renverse. Consacré à l’agonie du socialisme au sein même du Parti « Socialiste » (je pouffe).

 

Il avait raison, le philosophe garanti 100 % beurre de TF1. Mais il aurait pu – donc dû – étendre son analyse à l’ensemble du champ politique national. Car j’espère que tout le monde conviendra que l’état de liquéfaction des idées et des hommes politiques de notre pays a atteint aujourd’hui un degré que je me demande s’il peut encore aller « plus vite, plus haut, plus fort » (« citius, altius, fortius », vous savez, la formule de la formidable imposture olympique).

 

Je me fous des querelles de personnes (Valls-Taubira, Copé-Fillon, on n’a aucun mal à en dénicher). Je me fous des statuts de l’UMP lancés à grand bruit pour annoncer que tout le monde se rassemble en bon ordre derrière le parti, le chef, le drapeau. Cette sinistre comédie ne trompe plus personne depuis longtemps.

 

Je me fous de TOUT ce que dit un homme ou une femme politique (j’ai failli écrire « poilitique ») quand il est invité sur un plateau, au motif que, quelle que soit la question, il récitera sa « doxa », bien cornaqué qu’il aura été en amont par ses conseillers en communication (Stéphane Fouks, le copain d’Alain Bauer et de Manuel Valls, et consort). Je me fous de leurs ambitions, de leur appétit de pouvoir, de leur obsession de la conquête des « places » (Michelet, en 1848, en parlait déjà de façon éclairante, fût-ce pour lui-même au Collège de France).

 

Mais j’hallucine carrément quand je constate leur aveuglement sur l’état de la barque que tous veulent conduire. Je radote sûrement, mais leur manière à tous de pousser Marine Le Pen aux avant-postes au moyen d’imprécations fabriquées contre l’ennemi (PS si on est UMP et inversement, comme si ces deux compères n’étaient pas de vulgaires complices qui se disputent simplement la taille des parts du gâteau, dispute camouflée sous les « éléments de langage » tout faits, prêts à l’emploi et stéréotypés, concoctés dans des officines de « com. »), de vaticinations élucubrées sur la base de ce qu’ils croient savoir des « attentes des Françaises et des Français », me semble le plus sûr moyen de rebuter ce qu’il reste de bon sens à la majorité de la population. Cela fait longtemps qu'il n'y a plus de lutte politique entre le PS et l'UMP.

 

Les luttes pour le pouvoir qui font rage à « droite » et à « gauche », qu’on considère volontiers comme des querelles de personnes, ne veulent donc dire qu’une chose : plus personne, sauf quelques rares exceptions (Juppé ? Je dis ça, mais ...), ne prétend gouverner parce qu’il a le « sens de l’Etat », mais parce qu’il a de l’appétit pour une « place », qui lui donnera autorité institutionnelle, rayonnement de prestige et rentabilité matérielle (Chirac n’a jamais payé de loyer, il a occupé les palais de la République - Mairie de Paris (1977-1995), Elysée (1995-2005) - comme un rat fait dans un fromage).

 

Accessoirement, il n’y a pas à tortiller du derrière pour espérer échapper à ça : ça signifie qu’il n’y a plus de nation française. J’admire quant à moi quelques individus qui sont (ou plutôt : « ont été », hélas) capables de regarder au-dessus d’eux-mêmes. Aujourd’hui où chacun est de plus en plus réduit à lui-même, j’attends qu’on me dise qui est désireux de s’élever au-dessus de sa petite personne.

 

Que montrent les politiques au pouvoir ou qui attendent d’y parvenir ? Des qualités de tacticiens tout au plus. Or c’est bien connu dans le domaine des échecs : le pur tacticien se fait piler à plate couture. Ce dont est capable le grand joueur, c’est une vision stratégique. Ce que requiert la tactique, c’est juste de l’habileté manœuvrière, peut-être de l’imagination, disons une certaine forme d’intelligence, je veux bien. Ce qui manquera toujours à la tactique pure, c’est la vision stratégique. Et pour ça, il faut s’être élevé au-dessus de sa petite personne. Là est le problème.

 

Ce n’est pas un hasard si cette sous-littérature qu’on ennoblit pompeusement en l’appelant « autofiction » est devenue en France le nec plus ultra de ce qui s’appela autrefois « littérature ».

 

Pourtant c’est facile de ne pas confondre. Dites-moi que ce n’est pas une preuve de déclin ?

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

vendredi, 07 février 2014

24 BALZAC : ADIEU (1830)

Il y a quelque temps (« quelque temps » est une expression très pratique, du fait du brouillard compact qu’elle répand sur le sentiment de l’écoulement du temps), j’ai fait l’erreur d’acheter, un volume de la collection « Bouquins » (Robert Laffont, 29 euros). Sous le nom de l’auteur, imprimé en très gros caractères, cette mention : « Œuvres ». Sont rassemblés dans ce volume quinze livres de Françoise Sagan. L’erreur, elle est là, dans le nom de l’auteur. Je n’aurais pas dû.

 

Studieusement, j’ai lu les cinq premiers titres (Bonjour tristesse, Un Certain sourire, Dans un mois dans un an, Château en Suède, Aimez-vous Brahms ...), à la file et dans la foulée. Au milieu du sixième (Les Merveilleux nuages), j’en ai eu tout d’un coup assez, j’ai refermé. Je ne l’ai plus jamais rouvert. Ce verre de tisane dans lequel trempe l’âme exténuée de quelques personnages blasés, je m’en suis débarrassé en le vidant moralement dans le pot du Ficus Benjamina. Apparemment, ça ne lui a fait ni chaud ni froid : il a continué comme avant à se déplumer de ses feuilles. C’est une image.

 

Tout ça pour dire que Sagan est restée pour moi une sorte de sirop fade, l’image d’un univers délavé où les protagonistes se regardent mutuellement vivre dans leurs désillusions, où tout le monde en a assez de la réalité de la vie. Un univers en bout de course, où l’individu est limité à lui-même, et où la personne qui lui fait face a pour mission de renouveler le reflet de lui-même où il se complaît, mission jamais accomplie, espoir toujours déçu.

 

Tout ça pour dire que ça ronronne et que ça tourne en rond. Tout ça pour dire que Françoise Sagan est l’écrivain d’un seul sujet. Tout ça pour dire que Sagan épluche dans les moindres détails l’existence de gens peu intéressants, de gens sans projets, le plus souvent désœuvrés, souvent débarrassés de tout souci matériel, et qui ne savent pas quoi faire de leur existence inutile.

 

Des gens que le simple fait de vivre semble en soi ennuyer prodigieusement. J’ai donc abandonné. J’ai peut-être eu tort, allez savoir. Je n’ai pas envie d’explorer plus avant. Dans la littérature française d'après-guerre, Sagan est un peu l'étalon-or de ce qui est devenu dans nos années plus récentes le fin du fin de l' « écriture du moi » : l'abominable et autosatisfaite « auto-fiction ».

 

Je ne sais pas pourquoi, en train de lire des œuvres de Balzac, je suis parti sur Françoise Sagan. Le plaisir du contraste, peut-être. Mais c’est vrai aussi que, après la douzaine de romans et nouvelles du grand homme que je viens de lire, essayant de situer le lieu où se produit l’intensité que j’ai trouvée à retourner à des livres qui, soit dit pour résumer, ont amplement contribué à structurer et façonner ma sensibilité, je viens de repenser à ces œuvrettes de celle qui fut l’auteur "prodige" de Bonjour tristesse (autour de 18 ans, ce qui est en soi un aveu).

 

Ce titre de Françoise Sagan, épèle mot à mot et lettre à lettre le programme de toute son œuvre, enfin pour la partie que je peux en connaître, c’est-à-dire l’initiale. C’est carrément idiot, je sais, de mettre en présence Sagan face à Balzac, elle aurait bien rigolé, je pense. Mais je prends mes idées comme elles se présentent, et là, c’est Sagan qui s’est présentée. Allez comprendre.

 

Par rapport au vaste monde qui respire profondément, qui avale gloutonnement la vie et qui jouit à chaque instant de ce qu'il a devant les yeux et dans l'oreille, les œuvres de Françoise Sagan me semblent aussi étroites que les parois de verre du bocal où agonise le poisson rouge.

 

Je viens donc de lire Adieu. Balzac a écrit ça en 1830. Très curieux, très surprenant. Par l’organisation du récit, par le thème. Le récit s’ouvre sur une scène de chasse, où les deux amis, messieurs de Sucy et d’Albon, reviennent bredouilles après avoir parcouru beaucoup trop de kilomètres, d’Albon suant et pestant du fait de son embonpoint nettement plus remarquable que son ami, qui semble au contraire efflanqué comme Rossinante, tout en montrant la vigueur de l’ancien militaire qu’il est. Mais son visage porte la marque d’un grave souci, qui semble le ravager de l’intérieur. Cette entame ne laisse rien augurer du reste.

 

Car les deux amis ont hâte de trouver avant la nuit le gîte et le couvert. Le hasard fait qu’ils passent devant les grilles d’un domaine qui semble à l’abandon. C’est l’ancien couvent des « Bons-Hommes », comprennent-ils en entendant les grognements plus ou moins articulés par une femme plus ou moins restée dans l’animalité, du nom de Geneviève.

 

Déjà surpris par la scène, ils aperçoivent au loin une autre femme, qui grimpe aux arbres, saute, fait mille cabrioles. Elle a visiblement perdu la raison. Appelée par « Geneviève », elle s’approche de la grille et, en voyant les deux hommes, elle prononce le mot qui ouvre sur le drame : « Adieu ! ». D’Albon, très étonné, se tourne alors vers de Sucy, mais c’est pour le voir évanoui sur le sol.

 

Appelant à l’aide, il voit s’approcher obligeamment la voiture de M. et Mme de Grandville, ses voisins, qui le laissent volontiers en disposer pour ramener son ami au château. On a appris que la femme s’appelle la comtesse de Vandières, que de Sucy a semble-t-il reconnue, pour être une certaine Stéphanie. Son âme s’est soudain violemment déchirée.

 

Quand de Sucy est rétabli, il prie son ami de courir aux Bons-Hommes pour s’enquérir de tout ce qui concerne la comtesse. Il est accueilli par l’oncle de la dame, médecin de son état, qui le fait entrer et, apprenant l’existence de Philippe de Sucy, lui raconte l’histoire terrible et lamentable que la comtesse et lui ont vécue sur la Bérésina (sic) au moment de la retraite de Russie.

 

La suite au prochain numéro.

 

Voilà ce que je dis, moi.