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lundi, 29 juillet 2024

JE SUIS DE GAUCHE-DROITE ...

... ET INVERSEMENT.

2/2

Dans les mœurs, au contraire, la civilisation européenne (puis occidentale) s'est ingéniée à remettre les normes en question, principalement depuis qu'elle vit sous le régime de la technique omniprésente et toute-puissante, de ses "progrès" et de ses innovations. Regardez pour ça, par exemple, la course au gigantisme des immeubles à laquelle se livrent les pays (Kuala Lumpur et autres tours de Babel). De tels exemples foisonnent.

A cet égard, on n'a pas assez noté à mon sens le caractère profondément subversif du culte de la nouveauté en matière technique : au rythme des inventions, les comportements, les psychologies, les coutumes et les structures mêmes de la société se sont trouvés bouleversés. J'adresse cette remarque à ceux qui pensent encore que la technique est neutre, et que le bien ou le mal qui arrive ensuite n'est que le fruit de l'usage qui en est fait par les hommes.

Cette façon d'intégrer dans nos modes de pensée l'idée des changements permanents dans nos modes de vie, je dirais même cette façon de valider le mouvement continu comme base principale de l'existence, cette façon d'accepter la subversion incessante de nos repères par le surgissement incessant du jamais vu dans notre quotidien, ne pouvait pas épargner le domaine des mœurs, en particulier des codes sociaux et des normes communes admises. Ecoutez le slogan impérieux : « BOUGEZ !!! », ne serait-ce que pour montrer que vous n'êtes pas mort.

Je ne suis ni philosophe, ni sociologue, ni quoi que ce soit, et il y aurait beaucoup à dire sur la promotion de l'individu depuis la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (ouverture des droits sans limitation, émancipation totale, définitive et définitivement insatisfaite), sur la logique implacable du système économique capitaliste dans lequel s'est déroulée l'évolution (mercantilisation, privatisation et rentabilisation de tout), sur l'abandon par la gauche de la défense des classes exploitées pour se reporter sur des thèmes sociétaux (égalité homme / femme, P.M.A. pour toutes, et autres innovations "cruciales"), et sur nombre de sujets que le cadre de ce billet empêche d'examiner. 

Je constate juste que, dans la société d'aujourd'hui, il n'existe plus aucun consensus sur la manière dont les gens doivent se comporter. Il faut dire que, en matière de mœurs, les codes sociaux résultent forcément d'un consensus autour de « ce qui va de soi » en matière de morale. Mais ce que George Orwell, dans ses Essais, appelait la "common decency", c'est-à-dire ce qu'il convient ou ne convient pas qu'un individu se permette de faire, est devenu incompréhensible.

Quels attardés se posent encore aujourd'hui la question de savoir "ce qui se fait" et "ce qui ne se fait pas" ? Bon, il y a bien quelques tabous qui résistent encore : « il faut respecter l'enfant », « on ne tue pas son prochain » ("ça ne se fait pas, ça n'est pas bien", Catherine Ringer ou Brigitte Fontaine), mais en dehors de ça, hein, l'univers des normes, des codes sociaux se trouve à mi-chemin entre l'EHPAD et le cimetière.

Ecoutez bien ce que dit le refrain : « Il faut en finir avec les stéréotypes », et vous aurez une idée de ce qui cherche à s'imposer comme nouveaux stéréotypes. Tout n'est certes pas permis, mais on n'en est pas loin. Comme le dit le tube ancien (1934) de Cole Porter : « Anything goes » : "tout est permis".

On ne parviendra plus à « refaire société », comme le regrettent ou le voudraient les prêcheurs et autres bonnes âmes, avec plus ou moins de conviction. On ne reviendra pas en arrière. Le refrain du « vivre-ensemble » est obsolète, c'est de l'histoire ancienne.  La société comme "corps" (plus ou moins) homogène est morte et enterrée. Margaret Thatcher ignorait ce qu'est une "société" : elle ne connaissait que des "collections d'individus".

Des individus qui, soit dit en passant, en se fiant à des affinités électives, s'affilient à des « communautés » où ils puissent retrouver une certaine homogénéité de groupe. La doctrine anglo-saxonne a vaincu la tradition française, la France s'est mise au pli, pulvérisée en de multiples micro-sociétés, autant de ghettos qui se côtoient et se croisent sans se rencontrer. 

Alors, avec tout ça, où suis-je, moi ? Pour ce qui est de l'économie, je crois toujours qu'il existe des classes sociales, bien que je sache que, dans le bréviaire marxiste, on ne peut parler de classes sociales qu'à propos de masses conscientes et organisées. Je crois à la justice sociale, à la bonne entente de tous sous condition de répartition équitable des richesses, à la restriction et à la réglementation des voracités qui s'exercent aux dépens des faibles et des précaires : pour tout ça, je reste définitivement de gauche.

En ce qui concerne les mœurs, en revanche, je demeure de droite. Je crois que nos désirs n'ouvrent pas forcément sur autant de droits "imprescriptibles". Et je reste stupéfait devant les revendications des homosexuels, des transsexuels, et plus récemment des associations qui exigent qu'on respecte la décision de certains adolescents qui ne savent pas encore quel sera leur sexe à l'avenir (voir le débat autour des "bloqueurs de puberté"). Je crois aussi que la valorisation souvent outrancière voire punitive des particularismes se situe aux antipodes de l'idée même de société.

Je parle évidemment des particularismes religieux, ethniques, sexuels, et de tout ce qu'on appelle complaisamment la « défense des minorités », au nom de laquelle on condamne le « sexisme », le « machisme », le « virilisme » (l'homme, c'est la violence), ainsi que toutes sortes de supposées « phobies » ("islamo-homo-trans-grosso-phobie"). Tous ces juges nieront bien sûr farouchement souffrir de quelque phobie que ce soit.

Personne ne songe plus à s'ériger en défenseur de la majorité : en dehors des élections, les gens qui constituent l'immense partie de la population sont invités à fermer leur gueule, comme si l'homme et la femme ordinaires, les quidams sans revendication de particularisme, bizarrerie ou spécificité dûment admise ou cataloguée, je veux dire comme si les gens normaux n'avaient plus droit de cité.

Car je crois qu'en société une certaine normalité est nécessaire, indispensable, et même souhaitable, quoi que puissent glapir ceux que ce simple mot exaspère. Nulle norme au monde n'a jamais fabriqué deux êtres humains absolument semblables. Quelle terrible menace l'idée fait-elle peser sur l'humanité ?

Je crois aux limites à ne pas dépasser, et cela quel que soit le sujet. Mais je suis réaliste : je sais qu'une telle attitude est vouée à disparaître, et destinée à connaître le même sort que les dinosaures. Je ne reconnais plus grand-chose du monde dans lequel j'ai vécu. Je regarde se défaire, morceau par morceau, le réel qui fut le mien. C'est comme ça et pas autrement. Pourtant, je suis toujours animé par une grande curiosité au sujet de ce qui se passe autour de moi, dans mon quartier, en France et dans le monde.

Alors, au fond de mon terrier, tout en persistant à sortir mon périscope pour ne pas rester aveugle sur la marche du monde, je m'entoure plus égoïstement d'assez de personnes amicales, d'assez de choses agréables, belles et bonnes, pour cultiver divers moyens d'éprouver de la joie. Et j'y arrive ... tant bien que mal.

dimanche, 28 juillet 2024

JE SUIS DE GAUCHE-DROITE ...

... ET INVERSEMENT !

1/2

Il y a fort longtemps (4 mai 2015), j'ai expliqué ici comment, en politique, je me définissais comme étant « d'extrême-gauche-droite ». Bon, d'accord, il y avait sans doute de la boutade dans la bravade ainsi que, probablement, de la galéjade dans la fanfaronnade (ne pas exagérer mon "extrémisme"), mais en même temps qu'un fond de vérité. 

Mon raisonnement reposait, et repose toujours, sur une notion qui devrait être d'une clarté aveuglante pour tout le monde, ce qui n'est hélas pas le cas : la notion de limite. Les curieux qui rendent visite à ce blog de temps en temps connaissent ma conviction : l'absence de limites rend la vie impossible. J'ajoute : l'absence de limites rend impossible l'exercice même de la liberté. Car, contrairement à ce que pensent la plupart des gens (« Etre libre, c'est pouvoir faire ce que je veux »), la première et la plus grande des libertés est celle de dire NON !

A cet égard, on peut affirmer que la façon dont tourne le monde actuel tient de la maladie mentale, de la psychose parano-schizo-névrotique, de la folie des grandeurs et de la volonté de puissance réunies. Ecoutez-les tous, les artistes, théâtreux, peintres, sportifs, et tutti quanti.

Ils ne parlent que « de se surpasser », « d'être prêts à 300% », « de franchir les limites », « de se moquer des frontières », « d'abattre les cloisonnements », « de transgresser les normes », « de casser les codes » (voir Thomas Jolly, le maître d'œuvre de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques), « d'en finir avec les stéréotypes » et autres fadaises, fariboles et calembredaines, sur le modèle du funeste « citius, altius, fortius » du père Coubertin, le grand-prêtre et dieu tutélaire de la religion du sport. Le dépassement des limites est devenu la règle. Tout ce qui se présente sous les couleurs de l'écologie et de la défense de l'environnement en sait quelque chose.

Pour moi, au contraire, le principe du respect des limites devrait guider toutes les actions humaines. A croire que je suis moi-même écologiste dans l'âme. Mais absolument toutes, n'est-ce pas, et sans exception, et dans tous les domaines, qu'il s'agisse de l'action politique, de l'action des Etats, de l'action des entreprises (action économique), et de l'action des individus eux-mêmes. Tout n'est pas permis aux Etats, tout n'est pas permis aux responsables politiques, tout n'est pas permis aux acteurs économiques, tout n'est pas permis  aux personnes. 

Quand les Etats se croient tout permis, ils s'appellent Hitler, Staline, Pol Pot ou Khomeiny. En politique, cela s'appelle compromission, retournement de veste, corruption, addiction à l'exercice du pouvoir, etc. En économie, cela s'appelle loi de la jungle, exploitation à outrance des hommes et des choses, liberté pour les loups, prédation des plus voraces sur les plus faibles.

Au niveau des individus, cela s'appelle le grand n'importe quoi moral et psychologique, comme le spectacle cacophonique nous en est donné tous les jours dans le prisme médiatique : il est de plus en plus clair que plus grand monde ne sait à quelle vérité stable se raccrocher. Comme le dit le palindrome-film de l'immense Guy Debord : « In girum imus nocte et consumimur igni » (on peut lire la même phrase en commençant par la fin), « Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes consumés par le feu ».

Or quels paradoxes observe-t-on autour de soi ? Quand on se déclare de droite, on est supposé être favorable au libéralisme économique, et parfois le plus extrême : rien ne doit entraver les initiatives. En ce qui concerne l'économie, en effet, on est opposé à toute régulation, à toute réglementation, à toute restriction du commerce et des échanges, à toute loi organisant le monde de l'entreprise et du travail. En gros et en bref : on veut pouvoir faire des affaires sans se faire emmerder par des gens qui n'ont pas bien compris l'importance de certains intérêts particuliers. 

Mais étrangement, ces mêmes personnes (j'excepte ceux qu'on appelle "libertariens"), dès qu'on aborde les problèmes de mœurs, affichent une attitude plus ou moins rigoriste et conservatrice : la famille, c'est sacré — tu parles ! Il faut protéger le patrimoine et sa transmission. L'adultère, l'homosexualité, quelle horreur ! Bon, je ne sais pas dans quelle mesure cela reste vrai aujourd'hui. Passons. Reste la contradiction : où en est-on avec les limites ?

Chez les gens de gauche, c'est l'inverse : en économie, il faut contenir la voracité des appétits de tous ceux à qui les statistiques économiques, les chiffres de la croissance et les possibilités d'enrichissement servent de boussole et de Nord absolu. Pour eux, il faut protéger les travailleurs des contraintes excessives auxquelles les patrons voudraient les soumettre. En revanche, dans le domaine des mœurs, quand on est de gauche, toute contrainte, toute limitation, toute entrave est haïe, pourchassée, pourfendue. Les moindres désirs éprouvés par les individus génèrent automatiquement autant de droits imprescriptibles. Là aussi, contradiction : où en est-on avec les limites ?

Donc, qu'on soit de gauche ou de droite, dans ce schéma (un peu simpliste, je le reconnais), on se trouve face à une étrange contradiction : sous le pied du conducteur de droite, le frein devient l'accélérateur sous un pied de gauche, et le frein, sous le même pied de gauche, devient l'accélérateur du chauffeur de droite.

Comment font-ils pour s'y retrouver dans le fatras des pédales ? Comment peut-on soutenir d'un seul et même mouvement deux attitudes incompatibles entre elles ? Pour ma part, j'ai été un peu aidé, pour résoudre le problème, par la lecture des ouvrages de Jean-Claude Michéa (cliquer pour voir la notice).

C'est là qu'intervient la notion de LIMITES. Appelez ça des normes, et même des stéréotypes si vous voulez. C'est quoi, les normes ? C'est d'abord des statistiques qui servent à définir, par exemple, les dimensions de nos sièges, de nos crayons et stylos, de nos habitations, de nos villes : c'est la façon de fabriquer un environnement à notre mesure. La norme, c'est ce qui ne s'écarte pas trop de la moyenne. Il est clair que ce genre de normes ne se discute pas.

Suitetfin demain.

vendredi, 02 juin 2023

ÇA ? LA PRÉTENDANTE ?

2023 06 01 MARINE PH. ALAIN ROBERT SIPA.jpg

Non mais vraiment ? Vous auriez envie de voter pour quelqu'un qui arbore un sourire aussi forcé ? Aussi grimaçant ? Aussi faux-cul, vous ?

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Photo (un tantinet "recadrée") d'Alain Robert, agence Sipa, parue dans Le Progrès du 1er juin 2023.

lundi, 04 octobre 2021

POUR BERNARD TAPIE

Face au déluge d'éloges et d'hommages qui se sont abattus sur le cadavre de Bernard Tapie aussitôt connue sa disparition, je tiens à apporter ma modeste pierre à l'érection du monument posthume qu'une touchante unanimité a immédiatement décidé d'élever au dernier aventurier de haut vol que la France ait produit.

Au flibustier magnifique qui a su fasciner la France au gré de ses hauts faits et méfaits dans les domaines de la chansonnette, du sport, de l'industrie, de la presse, de la politique et des tribunaux correctionnels.

Au pirate des affaires qui avait réussi à mettre dans sa poche, en plus des sommes que l'on sait et des sommes que l'on ignore, toutes sortes d'hommes politiques sérieux à coups de bluffs aussi énormes que son culot et sa roublardise.

Au champion toutes catégories du mélange des genres et des intérêts qui caractérisait les "chevaliers d'industrie" au XVIII° siècle, comme ça devrait s'appeler si l'on voulait s'approcher de la vérité.

Je propose donc, en signe de reconnaissance des immenses services que Bernard Tapie a rendus à tous les candidats esc[autocensuré]cs, d'élever une statue qui ressemblerait à peu près à ceci.

SOURCE DES DIEUX.jpg

Dessin de Peyo.

Que tout le monde, du premier ministre Jean Castex à Jean-Louis Borloo et de l'extrême gauche anti-Le Pen à l'extrême-droite — Jean-Marie Le Pen en personne s'est fendu d'une déclaration vibrante d'admiration —, vienne s'agenouiller devant la dépouille de ce forban qui doit par voie de justice 450 millions d'euros aux contribuables français, en dit long sur l'état moral et intellectuel de la France aujourd'hui, dirigeants, population et supporters de l'équipe de football de Marseille confondus.

lundi, 30 novembre 2020

ARTICLE 24 ? ...

... OU TOUTE LA LOI SÉCURITÉ GLOBALE ?

Ajouté le 29 novembre (voir ici au 27/11), après les manifestations de Paris et d'ailleurs contre la "Loi Sécurité Globale", qui ont "dégénéré" selon les télés et les radios : qu'ils s'appellent "black blocks", "antifas" ou autre, c'est un ramassis de connards ou de bandits qui ne font que fusiller l'esprit de la manifestation. Ce faisant, ils se permettent d'amnistier, pour la plus grande satisfaction de la haute hiérarchie policière et du gouvernement, les quatre flics qui ont tabassé Michel Zecler et obscurcissent la question des violences policières.

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Là où les manifestants peuvent espérer, c'est que la tempête soulevée par le cassage de gueule en règle de Michel Zecler visionné sur internet par des millions de gens a donné un coup à l'estomac de tout le gouvernement. Macron, Darmanin et leurs équipes sont en train de phosphorer pour voir de quelle manière ils pourraient reculer sans reculer vraiment, je veux dire donner l'impression de faire une concession, mais sans sacrifier l'essentiel de leurs mauvaises intentions.

Ce qui me réjouit cependant, c'est d'imaginer la tête de Darmanin quand il a appris la bavure policière, en train de fulminer, de pester, de pousser de vrais gros jurons et de se promettre qu'il aura la peau des trois ou quatre imbéciles qui scient au pire moment la branche sur laquelle lui et sa loi sont assis.

Faut-il donc supprimer l'article 24 ? Ou bien est-ce toute la loi qui doit passer à la trappe ? Gageons que le ministre est en train d'essayer de sauver tout ce qui peut être sauvé. Il y aura toujours des gens pour être soulagés par une demi-mesure : « Ouf, c'est moins pire qu'on pouvait le craindre ». Si Darmanin parvient à sauver son texte, la police, gangrenée par un état d'esprit tout droit venu de l'extrême-droite (avec tout ce que ça comporte comme sous-entendus racistes et violents), se sentira la bride sur le cou.

Je dis "gangrenée" sur la foi de la vidéo prise d'un balcon et qui a saisi l'action des renforts arrivés devant le studio de Michel Zecler. Je n'ai pas vu un seul agent tenter de modérer l'ardeur de ses collègues, bien au contraire, et ce, jusqu'à ce qu'on entende l'appel "caméra ! caméra ! ", qui a soudainement calmé tous ces hommes vêtus d'un uniforme pris en flagrant délit de violence gratuite. On a dans ces images la preuve que l'état d'esprit dont je parle est largement partagé.

L'opinion publique prendra peut-être conscience que le problème le plus grave n'est pas une manifestation légitime, que vient bousiller une bande de casseurs irresponsables, puis réprimée dans les gaz lacrymogènes, les canons à eau et les grenades de désencerclement. Il est dans les critères de recrutement des policiers, mais aussi et surtout dans la durée et le contenu de la formation qui leur est inculquée.

Comment en finir avec la culture de la violence quotidienne au sein des corps policiers ? Il faudrait aussi en finir avec le réflexe corporatiste qui pousse la hiérarchie policière à couvrir certains abus de leurs subordonnés et des flics de base, au mépris de toute justification légale. C'est à ces questions que vous devez maintenant répondre, monsieur Darmanin.

***

Ajouté 1 décembre : Note 1 : ça y est, le troupeau des moutons macronistes (je parle des députés de la majorité) s'apprête à se déjuger magistralement : à l'aimable "invitation" de leur intraitable berger, ils vont réécrire l'article 24. Avec pour consigne subsidiaire de rendre celui-ci absolument irréprochable et de sauver une fois pour toutes le reste du texte. Ouf, l'honneur est sauf. Quant aux députés, ils se consoleront en répétant le vieux dicton : « Faire et défaire, c'est toujours travailler ».

Note 2 : Darmanin parle de "révoquer" les trois "brebis galeuses" qui se sont rendues coupables de "violences illégitimes". Valentin Gendrot, auteur de Flic (éd. La Goutte d'or), le dit ce matin sur France Culture : « Dans le commissariat du 19ème, sur trente-six policiers, il y en a cinq ou six qui sont résolument racistes. Et ce sont eux qui font régner l'omerta » (cité en substance). Je me dis que si le gouvernement révoque toutes les "brebis galeuses" (± 18%), ça va faire de sacrés trous dans les effectifs.

samedi, 13 juin 2020

MAINTENANT J'AI PEUR DE LA POLICE

Post-post-scriptum (13 juin, voir mes billets des 10 et 11) :

Aujourd’hui, je peux dire que la police française me fait peur. Jusqu’à maintenant, je me disais, avec raison à ce que je croyais, que le pouvoir utilisait la police française comme une masse de manœuvre contre les éruptions volcaniques qui secouent le peuple quand il n’en peut plus ou que la marmite se met à bouillir, et qu’ayant usé et abusé de cette masse de manœuvre (mobilisations policières monstres, heures supplémentaires à l'infini et non payées, ...), il avait tellement poussé à bout les policiers qu'ils avaient manifesté sur les Champs-Elysées toutes sirènes hurlantes et gyrophares allumés.

Maintenant, ça a changé. Petit rappel des épisodes.

1 – Dans la foulée de la mort épouvantable de George Floyd à Minneapolis, une manif à Paris profite du rapport d’expertise qui innocente la gendarmerie de la mort d’Adama Traoré en 2016 pour rassembler 23.000 personnes (comptage policier) qui protestent contre, disent-elles, l’iniquité.

2 – Dans la foulée des manifestations qui se répandent dans le monde pour dénoncer le racisme institutionnel de la police américaine, on apprend, en France, que 8.000 policiers se retrouvent sur « facebook » pour échanger des propos très souvent racistes, sexistes et homophobes.

3 – Les manifestations françaises se mettent alors à dénoncer aussi bien le « délit de faciès » et les discriminations qui orientent les interpellations des policiers que la méthode d’immobilisation au sol des individus "récalcitrants" (conseil : faites attention au risque de "délit d'outrage et rébellion").

4 – Le sociologue Sébastian Roché (De la Police en démocratie, Grasset) rappelle sur les ondes de France Culture les innombrables études qui établissent la réalité d’innombrables faits de discrimination : « On  a maintenant depuis plus de dix ans un grand nombre d'enquêtes sur la manière dont la police travaille, sur les contrôles d'identité et sur le traitement des personnes pendant les contrôles et les sanctions à l'issue des contrôles. On a observé les comportements policiers avec une méthodologie très précise. (…) Et aujourd’hui, on a un énorme corpus de données qu'on n'avait pas il y a dix ans. Et toutes ces études montrent une chose simple : dans toutes les villes où on a fait les enquêtes, la police en France a des comportements discriminatoires. ». La question que je me pose : ont-ils des ordres de leurs chefs ? A priori, je réponds : probable ("politique du chiffre" oblige).

5 – Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, en concédant aux manifestants que s’il y a « suspicion » de racisme de la part de la police, cela mérite sanction. Cette petite concession suscite aussitôt les hurlements de colère du corps policier tout entier qui clame que « son » ministre le lâche et lui retire sa confiance. Castaner a commis le "crime" d'infraction à la sacro-sainte "omerta" qui lie tous les membres de la "famille" dont il est le "parrain". Ce refus violent de toute remise en question d'une composante majeure de la république par cette composante même est tout simplement scandaleux.

6 – Politisation du problème : j’entends à quelques rares reprises dans les médias que pas loin de 50% des policiers (Mélenchon prétend 75%) votent très habituellement Front National (maintenant Rassemblement National) aux élections présidentielle, législatives et municipales. Dans le même temps, Christian Jacob (Les Républicains) et Marine Le Pen (je ne parle pas du préfet Lallement) prennent publiquement la défense de la police en affirmant haut et fort que non, « la police n’est pas raciste » (ce qui est vrai si l'on s'en tient au statut du corps constitué, mais pas forcément si l'on fait une enquête sociologique sur l'orientation politique majoritaire des personnels).

7 – Pendant que le ministre de l'Intérieur bat sa coulpe, se convertit à la reptation ventrale et opère un savant "repli sur des positions préparées à l'avance" en espérant colmater les brèches, Marine Le Pen se démène comme un beau diable pour draguer les faveurs des policiers en allant sur le terrain visiter un commissariat et faire quelques selfies en compagnie de quelques uniformes.

***

Voilà les données du problème telles que j’ai cru pouvoir les rassembler en me fiant aux informations reçues. Les conclusions que j’en tire ne sont pas rassurantes du tout. Car je me permets de faire le lien avec l’éternisation sur le territoire français de la notion d’ « état d’urgence » : d’une part directement avec la déclaration et la prolongation de l’ « état d’urgence sanitaire » pendant des mois ; d’autre part indirectement il y a déjà quelque temps, lorsque Macron a obtenu de ses députés-godillots que soient insérées dans le droit commun certaines des mesures d’urgence que Hollande avait prises après les attentats terroristes de 2015. Or, qui dit "état d'urgence" dit restriction des libertés publiques telles que définies par la Constitution. Le pire, c'est que cet état de choses semble n'inquiéter que très peu de Français.

Tout ça mis bout à bout, je trouve que la situation devient fort inquiétante. Je n’oublie pas que Marine Le Pen figurait au 2ème tour de la dernière présidentielle, qu’elle aspire au pouvoir et que, peut-être, elle y accédera un jour. Je poursuis le scénario : supposons Marine Le Pen présidente de la République française. Elle dispose d’une police dont environ la moitié lui est politiquement acquise. Vous vous rendez compte ? Une tête de pont de l’extrême-droite en plein cœur des institutions de la république ? Une garde prétorienne composée de gens sur-armés, entraînés et dévoués ? C'est alors qu'on pourrait s'attendre au pire.

Conclusion : pour moi, les problèmes liés à l’exercice de la fonction de policier ont cessé d’être purement institutionnels, administratifs ou même moraux. Le problème est principalement politique. Les problèmes de racisme, de sexisme et d'homophobie en sont de simples corollaires : s'il y a du racisme dans la police, c'est seulement parce qu'il y a une proportion peut-être majoritaire de la police qui flirte avec l'extrême-droite. Cette seule idée me terrifie.

D'autant que je note par ailleurs une certaine convergence entre les décisions prises par le gouvernement et la majorité du président Macron (mesures d'état d'urgence maintenues dans le droit commun) et l’envie de pouvoir qui tenaille l’état-major du Rassemblement national de Marine Le Pen. Comme si l'actuel président préparait benoîtement la venue de la seconde.

Oui, vous allez peut-être me dire que j'ai tort de me monter ainsi la tête, mais je le dis : aujourd’hui, je suis résolument républicain, mais j’ai peur de la police.

Voilà ce que je dis, moi.

PS ajouté le 15 juin : j'apprends incidemment, comme au détour d'une phrase, que l'équivalent britannique de notre IGPN est composée exclusivement de membres non policiers. Macron pourrait s'en inspirer.

jeudi, 11 juin 2020

POLICE : 8.000 BREBIS GALEUSES ?

Post-scriptum à mon billet d’hier (11 juin) : Il fallait s’y attendre : les déclarations très modérées de M. Castaner, ministre de l’Intérieur, admettant que s’il y a du racisme dans la police il doit être sanctionné, ont immédiatement suscité une levée de boucliers dans les rangs de la police. Le chœur est unanime : « Nous sommes désavoués ! Au secours ! ».

Ah c’est sûr, faut pas les chatouiller. Le corps policier ne tolère pas la plus petite réserve, le plus léger accroc, le moindre écart au soutien entier et massif du pouvoir à tous les faits et gestes de ses personnels. Quoi, on ose leur demander d'être irréprochables ? De ne pas être racistes ? Quel culot, ce ministre ! Le corps policier est tout entier en colère. Pas touche ! C'est tout ou rien : « Love me or leave me ! ». Qu'on se le dise : le corps policier est un et indivisible. Attaquer un élément, c'est les critiquer tous.

Et bien sûr pas question de se désolidariser des collègues suspects de dérive raciste ou violente : la surface de la cuirasse ne tolère aucun défaut, le vernis doit rester absolument intact. Et bien sûr pas question d’un « mea culpa » qui donnerait raison aux ennemis déclarés de la police (suivez mon regard). Allez, circulez ! Je me dis que certains loulous ne demandaient pas d'autres encouragements pour alimenter leur haine des flics.

Il n'est pas né, le décideur politique qui osera changer quoi que ce soit aux petites habitudes de la gent policière à la française. Le pouvoir avait déjà renoncé, devant la menace, à toucher à son système de retraites. Il faudrait un Samson, un Héraklès, un « Jupiter » pour l'amener à « se réinventer » (n'est-ce pas, M. Macron ?), mais on n'en a plus en magasin : rupture de stock. Circulez, on vous dit ! 

On n'a pas plus le droit de critiquer la police sans se faire accuser d'atteinte à son moral qu'on n'a le droit de critiquer Israël sans se faire traiter d'antisémite. Et tant pis pour les gens ordinaires. On dirait que la police ne conçoit les relations avec ces derniers que sous l'angle du rapport de forces.

Voilà ce que je dis, moi.

***

Pour se faire une idée des raisons de se méfier de la police, il suffit d'écouter (ici, 9') Sébastian Roché, auteur de De la Police en démocratie (Grasset). On a pu l'entendre en direct le 12 juin sur l'antenne de France Culture, interrogé par Guillaume Erner. Il dit surtout que dans toutes les études fondées sur des observations précisément localisées (gares, entre autres), les discriminations à la couleur de peau sont abondamment documentées et tout à fait incontestables. Il n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.

mercredi, 10 juin 2020

POLICE : 8.000 BREBIS GALEUSES ?

Quelques questions que se pose un citoyen ordinaire.

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Les journaux en sont pleins : le ver est dans le fruit policier. Les uns crient aux « violences policières » en brandissant la photo d’Adama Traoré. Les autres dénoncent, sur la base d’informations sur un « groupe facebook » plus ou moins secret, le racisme, le sexisme et l’homophobie qui règnent en douce dans les rangs de la police. Vous avez dit "violence", "racisme", "sexisme", "homophobie" ? C’est curieux, ces quatre accusations : ce sont les mêmes que les « modérés » lancent traditionnellement contre l’extrême-droite. Quand j'ai fait le rapprochement, je me suis dit : « Bon sang, mais c'est bien sûr ! ». Dis-moi ce qu'on te reproche, je te dirai qui tu es. Alors, police et extrême-droite dans le même sac ?

Qu’est-ce qui a fait élire Macron en 2017 ? Est-ce son charisme de jeune premier porté par un bagou de première classe ? Non : c’est le rejet viscéral du parti de Marine Le Pen, considéré en général comme raciste, sexiste et homophobe, et dont on pense qu’il tolère volontiers dans son voisinage des groupes peu connus pour leur pacifisme ou leur non-violence.

Donc ils seraient 8.000 membres des forces de l’ordre à se retrouver dans un « groupe facebook » dédié pour lâcher des insanités en toute confidence auprès des collègues. S’ils sont vraiment 8.000, on ne peut plus parler de « brebis galeuses » ou de problème conjoncturel lié à des individus isolés : le problème est bel et bien structurel. C’est le corps policier dans sa globalité qui est touché.

La vraie question à poser selon moi est donc celle-ci : la police française est-elle d’extrême-droite ? Ou du moins noyautée par l’extrême-droite ? Car se demander si la police française est raciste ou s’il y a des « violences policières », c’est répondre « non » à la question avant même de l'avoir posée.

C'est parler comme Marine Le Pen, le préfet Lallement et Christian Jacob, président du parti Les Républicains : "Non, la police n'est pas raciste !". Le seul fait que Marine Le Pen s'érige en défenseur de la police est en soi révélateur d'une certaine complicité. J'ai entendu – je ne sais pas si c'est vrai – que la dernière présidentielle a vu 50% des policiers voter pour Marine Le Pen. Si c'est vrai, c'est grave.

C’est aussi biaiser avec cette question autrement essentielle : dans quels milieux sociaux et politiques, sur quels critères la police recrute-t-elle ses membres ? De quelle idéologie sont porteurs les jeunes qui présentent leur candidature aux écoles de police ? Quelle idée se font-ils de l'ordre ? Des rapports sociaux en général ? J’attends les études sociologiques qui nous éclaireront sur ce point, mais il y a déjà de quoi nourrir quelques soupçons.

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Une autre question qui se pose à propos de la police française est de savoir quel est le fond de la doctrine qui sert de base à la formation des futurs policiers. Je serais très curieux de découvrir le « référentiel » où sont détaillés les éléments qu’ils doivent ingurgiter avant d’être admis dans les rangs des forces de l’ordre. Même question à propos des cadres : à part le Code de Procédure Pénale dans ses moindres détails, que leur demande-t-on de savoir avant de les autoriser à distribuer ordres et consignes à leurs futurs subordonnés ?

Ce dont j’ai peur peut se formuler ainsi : quelle représentation des gens ordinaires diffuse-t-on parmi les gens en uniforme au cours de leur formation et après ? Quelle image se font-ils de « monsieur-tout-le-monde » ? J’ai bien peur que là aussi, quelque chose n’aille pas du tout. Je crains en effet que le fond de la doctrine construise l'image d'une population a priori inexistante ou hostile.

Par « inexistante », j’entends une des principales règles des bidasses de base au temps où tous les jeunes Français faisaient leur service militaire : surtout ne pas se faire remarquer, pas de vague, passer entre les gouttes. Quand tu commences à exister aux yeux de l’adjudant, c’est mauvais pour toi, voilà ce qu'il se disait, le bidasse. Si le citoyen ordinaire commence à exister aux yeux du policier, c’est que le citoyen pose problème, voire qu’il est potentiellement dangereux.

C’est ce que j’entends par vision « hostile » : je me demande si, dans le corps de la doctrine inculquée aux forces de l’ordre, la population n’est pas considérée comme un réservoir de menaces multiples. D’où, par exemple, le recours banal aux clés d’étranglement : j’ai entendu un syndicaliste de la police utiliser l’argument de Margaret Thatcher (TINA : There Is No Alternative) et affirmer qu’il n’y a pas d’alternative à cette « clé » pour maîtriser un individu potentiellement dangereux. La question est : est-ce que, dans leurs écoles, les futurs policiers apprennent à voir les citoyens ordinaires comme un danger potentiel permanent ? Cela n’explique-t-il pas, surtout si l’on tient compte de la droitisation globale des forces de police, le recours bien trop fréquent à la violence ?

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Dernière question que je poserai ici mais sans y répondre, faute d’éléments d’analyse suffisants : quelle stratégie les décideurs politiques (gouvernement) et administratifs (préfets) adoptent-ils en matière de police ? Comment usent-ils de cet outil ? Rien qu’à voir la façon dont les manifestants contre la loi travail (El Khomri) ont été traités, puis les manifestants contre la réforme des retraites, puis les manifestants portant un gilet jaune, on se dit que la stratégie des décideurs est claire comme de l’eau de roche : répression, répression, répression. Les décideurs politiques et administratifs usent et abusent de l’argument d’autorité, sans doute parce qu’ils pètent de trouille à l’idée du schproum qui pourrait se produire s’ils ne réprimaient pas. C’est juste une hypothèse, bien sûr.

Conclusion.

Quoi qu’il en soit, il est sûr que notre police dysfonctionne gravement, et pas seulement du fait de quelques brebis galeuses, mais parce qu’elle est fondée en tant que système sur des conceptions erronées : la société ordinaire est vue en haut lieu comme un pays étranger, a priori hostile, contre la menace duquel il faut se prémunir (on se rappelle Macron inscrivant dans le droit commun des mesures d'urgence prises par Hollande à l'époque des attentats). Alors qu'il faudrait que la police puisse être dans la société comme une catégorie parmi d'autres.

D’une part, si je compare avec les polices allemande et anglaise, je conclus que la violence policière peut parfaitement n’être utilisée par les pouvoirs qu’en tout dernier recours, et non en premier réflexe. D’autre part, je me dis que Jospin avait tout compris quand il a fondé la « police de proximité », qui visait à insérer les policiers dans la vie quotidienne des citoyens ordinaires comme des poissons dans l’eau. Il a fallu qu’un misérable bousilleur du nom de Nicolas Sarkozy détruise cette trouvaille formidable, sous le prétexte qu’un policier, c’est seulement un bâton. Non, les policiers sont des citoyens ordinaires parmi les autres, et devraient se considérer comme tels.

Policiers, rendez-vous compte que votre vie professionnelle pourrait être infiniment plus tranquille et moins conflictuelle, si vous acceptiez, en citoyens ordinaires porteurs de loi, d’uniformes et d’armes, de côtoyer d’autres citoyens ordinaires en qui vous ne verriez pas, a priori, des dangers potentiels ou a priori hostiles. Débrouillez-vous pour être parmi les gens ordinaires comme des « poissons dans l’eau ». Vous avez un sacré chemin à faire pour vous faire aimer par la population, comme cela s’est produit après l’attentat de Charlie Hebdo et après le Bataclan. Vous savez que c’est possible. A vous de voir.

Voilà ce que je dis, moi.

mardi, 21 février 2017

QUEL PRÉSIDENT ?

Qui sera le prochain président de la République française ? Sera-ce une présidente ? Les politologues se perdent en conjectures ? Un brouillard épais bouche l’horizon du paysage politique de la France ? Il faut bien reconnaître que tout ce qui structurait le paysage jusqu’à maintenant a atteint les limites de la décomposition cadavérique : les mouches et les vers s’en donnent à cœur-joie et s’empiffrent à qui mieux-mieux (« Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,/ D'où sortaient de noirs bataillons/ De larves, qui coulaient comme un épais liquide/ Le long de ces vivants haillons », Une charogne, Charles B.). Il y aurait lieu de s’en réjouir, si les conséquences ne risquaient pas d’être aussi néfastes pour le pays.

Non, il n’y a pas lieu de se réjouir de l’infâme merdier dans lequel patauge la politique en France depuis quarante ans. Ce qu’on peut dire, c’est que le merdier actuel marque le dernier stade d’un processus qui n’a pas cessé. Parmi les ferments qui l’ont provoqué, je citerai en premier lieu l’homogénéité sans cesse plus grande du personnel politique : peu à peu il s’est composé de gens conformes à un seul et unique modèle, à cause (soit dit pour simplifier) de la prégnance de l’ENA dans leur formation intellectuelle, qui en fait moins des politiques que des directeurs d’administration. Car l'ENA forme exclusivement des gens en vue de la "préparation à la décision". L'ENA, à la base, ne forme pas des décideurs.

Car un homme politique n’est pas un gestionnaire : il laisse ce soin à des techniciens de la chose. Le premier métier du politique n’est pas de faire des budgets prévisionnels, des bilans ou des inventaires des moyens à disposition : le comptable et le technicien feront ça très bien. Son premier métier est de porter un regard sur son pays, d'imaginer comment améliorer sa situation, et avoir une idée de la place qu’il peut ou doit occuper dans le monde. L'homme politique, au sens le plus noble, doit être un inventeur, un bâtisseur, un architecte, en aucun cas un administrateur de l'existant. En un mot, il se fixe un objectif, puis il s’efforce de convaincre tout le monde que c’est là qu’il faut aller. La présidence Hollande est une illustration parfaite de tout ce que n'est pas un chef politique.

A cet égard, on peut dire que le cancer qui ronge la vie politique française s’appelle l’ENA (et équivalents), qui sert de marchepied à un nombre invraisemblable de nos actuels politiciens qui, très logiquement, sont imprégnés de la même façon de voir les choses et d’aborder les problèmes : une façon administrative. L'ENA instaure et perpétue une conception purement bureaucratique et technocratique de la politique. C’est moins la volonté, le caractère et la personnalité qui fait l’homme politique aujourd’hui, que la compétence (réelle ou supposée) apportée dans le traitement bureaucratique de dossiers. Le politicien d'aujourd'hui semble devoir être obligatoirement un intello (je n'ai pas dit "intellectuel") capable de pondre des "synthèses" (suivez mon regard). A noter que ce n'est pas parce qu'on se proclame anti-intello que les choses vont mieux (Sarkozy).

S’ajoute à cela que le recrutement du personnel politique s’opère de plus en plus en circuit fermé, selon une trajectoire de plus en plus uniformément balisée, qui fait de la France une république, non de gens qui l'aiment et qui ont envie de la servir, mais une république de premiers-de-la-classe, où les plus anciens, au fur et à mesure qu’ils s’élèvent, recrutent et adoubent de plus jeunes désireux de se lancer dans la carrière, jugés dignes de leur succéder parce qu’ils sont aptes, dociles et qu’ils ont fait allégeance et prêté serment de loyauté.

Et toutes les troupes de ce petit monde trouvent depuis quarante ans dans le Front National l'épouvantail magique qui a servi jusqu'à maintenant à légitimer leurs petits manèges et leurs petits calculs. Tous ces beaux messieurs de la droite et de la gauche (républicaines) se sont mis d'accord pour brandir l'étendard de la « lutte contre le Front National », pour étendre le beau rideau de fumée qui leur a évité de faire diminuer la taille de leurs fromages (cumul des mandats, indemnités diverses, petits honneurs, renvois d'ascenseurs, services rendus, ...). Ils tirent de leur statut très particulier un incroyable privilège, car il leur confère une aura voisine de celle qui nimbait les nobles d'Ancien régime. Pas un pour cracher dans la soupe.

Le Front National ne vaut pas tripette. Son succès apparent est un succès par défaut : c'est la médiocrité de tous les autres qui l'a en quelque sorte fabriqué tel qu'il est aujourd'hui. Donnez-moi des hommes politiques dignes et efficaces, et vous verrez le Front National rentrer dans son trou de souris. Les bonnes âmes qui prêchent la croisade contre le Front National ne me font même pas rire : ils me mettent en rage, car ils sonnent une charge contre un moulin à vent qui constitue en réalité une excellente manœuvre de diversion et qui fait oublier les véritables responsabilités.

Cette pratique quasi-féodale de la politique ne risque pas de laisser émerger des personnalités nouvelles, voire originales, ni un sang neuf irriguer les artères de la France. Ce système de recrutement des élites a littéralement stérilisé le terrain des possibles. Il suffit de regarder ce qui se trouve actuellement sur la ligne de départ dans le championnat présidentiel d’avril-mai. Je fais abstraction de tous les 0,5% incompressibles qui s'alignent à chaque fois.

A l’extrême-gauche (faisons semblant d’admettre l’appellation), avec La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, charrette sur laquelle les derniers survivants du PCF ont été obligés de monter, on a un bon tribun qui aime la boursouflure oratoire (il cite Victor Hugo sans s'attirer de tomates), mais un vieux cheval de retour qui, entré au PS en 1976, essaie de nous faire croire qu’il peut tout régénérer. Un histrion, quoi. Un olibrius si vous préférez.

A gauche (là encore, faisons semblant), Benoît Hamon, freluquet émané pur sucre du PS (pour Pédalo Socialiste), est le seul à présenter une idée nouvelle dans le paysage : le désormais célèbre « revenu universel », énorme fumisterie à la viabilité de laquelle lui-même fait semblant de croire, et dont seuls des gogos peuvent acheter le produit miracle vendu par ce camelot. Et ce n'est pas la rescousse écolo venue de Yannick Jadot (alias Jadot-lapin, à cause des carottes bio) et de son groupuscule gonflé à l'hélium qui convaincra les foules.

A droite, François Fillon l’ultralibéral doctrinaire, l'incarnation même de notre système politique agonisant, choisi triomphalement par son camp pour en porter les couleurs, a réussi à le couvrir d'immondices, compromettant ses chances d’élection, mais compte sur le temps qui passe pour que le dégoût s’affaiblisse et disparaisse, et que la raison calculatrice finisse par lui permettre, malgré tout, de l’emporter.

A l’extrême droite (républicaine, dit-on), Marine Le Pen actionne le vieux levier des fantasmes idéologiques légués par son papa (retour au franc, halte à l’immigration, …), dans l’espoir de faire passer au second plan la folie proprement délirante de son programme économique : baisse de plusieurs impôts, des tarifs de l’énergie, des droits de succession, et augmentation des effectifs de la police, de la gendarmerie, de l’armée, des salaires des fonctionnaires, des allocations, des pensions. Bref, d’un côté elle veut assécher les ressources de l’Etat, et de l’autre accroître démesurément ses dépenses. Autrement dit, Mme Le Pen nous refait le vieux coup du "demain on rase gratis". C’est la recette exacte de quelqu’un qui proposerait aux Français de faire faillite le plus tôt possible. Un suicide. 

N’ai-je pas oublié quelqu’un ? Ma foi, si vous y tenez. C’est quoi, Emmanuel Macron ? Franchement, vous y croyez ? Ce n’est pas sérieux. Véritable auberge espagnole de la politique, il a inscrit sur son enseigne : "On peut apporter son manger". Il n’a ni main gauche ni main droite : il ne se situe nulle part (sens exact du mot « utopie »). Lui, il est carrément « au-dessus des nuées », comme dit Baudelaire. Il n’est pas en communication, il est en communion. Là, il « se meut avec agilité » (du même Baudelaire). Capable de dire au public de ses meetings : « Je vous aime », cet ancien banquier très propre sur lui ose un jour parler de « mystique » en politique, et le lendemain manier le « crime contre l’humanité », quand il s’agit de draguer l’électorat issu de l’immigration. Voilà, Macron n’est rien d’autre qu’un vulgaire dragueur : il veut plaire, il veut séduire, tous les moyens sont bons. Il dit à tout le monde : « Voulez-vous coucher avec moi ce soir ? ». Je dis juste : non merci, sans façon. En résumé : c'est une baudruche.

Qu’est-ce qui ressort de ce panorama ? Un diagnostic pas brillant du tout. Pour la première fois, le Front National a une petite chance d’arriver au pouvoir. Si cela advient, gare au cataclysme. Mais ce ne serait que le résultat mécanique du dépérissement de la vie politique française, asphyxiée, étouffée, étranglée par la détention exclusive des pouvoirs par deux mafias complices pour arracher les places et les centres de décision à la délibération démocratique. Deux mafias tout aussi impuissantes l’une que l’autre à modifier un réel qui se dégrade inexorablement pour un nombre sans cesse grossissant de pauvres (c'est ce mécanisme qui a porté Trump au pouvoir aux USA).

La « colère de la population à l’égard des élites » (refrain aimablement colporté par les élites elles-mêmes, qui ont plus d’un tour dans leur sac pour embrouiller, voir dans Le Figaro l’éditorial du jeudi 10 novembre 2016, signé Alexis Brézet, et intitulé « La colère des peuples », suite à l’élection de Donald Trump) est principalement due à cette confiscation des voies d’accès démocratiques à la décision politique.

Si Marine Le Pen l’emporte à la présidentielle, les Français le devront à l’institutionnalisation d’une forme de pourriture morale qui touche structurellement l’ensemble du personnel politique, qui fait de chaque responsable et de chaque élu un pourri par fonction, quelle que soit par ailleurs l’authenticité de son intégrité personnelle, et un complice forcé de la décrépitude, car ce n’est pas la probité individuelle des individus qui empêche la décomposition d’un système qui tourne principalement dans l’intérêt de sa propre conservation.

Oui, je suis en colère contre tous les postulants aux suffrages et aux places : je vois comme tout le monde le délitement à l’œuvre. Simplement, si j’étais un Américain, je n’aurais pas voté Trump, malgré tout le dégoût que pouvait m’inspirer la défunte Hillary. Je suis un Français. Je ne me vois pas reporter mon choix électoral sur Marine Le Pen, qui préfère nous proposer un suicide national rapide, de préférence à une lente agonie (peut-être pas si lente que ça, après tout).

Voilà le choix qui nous sera prochainement offert : un vieux poisson boursouflé de soi-même qui sent la marée du siècle dernier, un freluquet dont le seul avantage est de faire semblant de sortir de l’ombre, un cacique d’ancien régime qui avoue la priorité de son amour de l’argent sur tout autre idéal, un paltoquet qui a ouvert sa doctrine à tous les vents dans l’espoir de les voir se rassembler pour gonfler ses voiles, une fille à papa addict au poker et au bluff, qui a misé gros sur le pourrissement général, dans l’intention de tirer les marrons du feu. Plus personne de sensé ne peut y croire un instant.

Dans ces conditions, faut-il voter pour le « moins pire » ? Faut-il voter ? En l’état, je m’y refuse. Je ne ferai pas le déplacement. Arrive ce qui arrive, ce n’est pas mon dérisoire 44 millionième de voix qui changera quoi que ce soit au résultat. Ils n’avaient qu’à être à la hauteur. Je me dis même qu’il faudrait 44 millions d’abstentionnistes. 

Et pourquoi pas un appel à la grève générale des électeurs ? Vous imaginez, zéro bulletin dans l'urne ?

Voilà ce que je dis, moi.

mardi, 07 juillet 2015

CATHOLIQUE ET FRANÇAIS

J’ai tenté voilà quelque temps (4 mai dernier) d’expliquer comment on peut être à la fois de très-gauche et de très-droite. Très-gauche pour tout ce qui est répartition des richesses et réduction des inégalités, très-droite pour tout ce qui concerne la vie des gens dans la société. Je me demandais (en réalité, je faisais semblant, parce que) comment c’était possible. Et j'avais l'impression d'être un peu seul, très bizarre et carrément anormal. Rafael Correa vient de m’apporter un soutien de choix et la caution de son prestige. 

Rafael Correa est président de l’Equateur. Je ne connais de lui ni maille ni mie. Je sais juste qu’il a reçu le pape François le 5 juillet. Un dimanche. Une messe monstre doit être célébrée aujourd'hui. Et voici ce que Correa déclare à cette occasion : « Je suis très progressiste en matière économique et sociale, très conservateur sur les sujets de société ». Bon sang mais c’est bien sûr !  On peut donc être, à la fois, "conservateur" et "progressiste". Je n'utiliserais pas ces mots, mais l'idée est là.

RAFAEL CORREA 7 JUILLET 2015.jpg

C'est ainsi qu'est présenté Rafael Correa, président de l'Equateur.

Eh oui, c’est sûrement ça : je suis catholique, et je ne le savais pas ! Je ne dis pas ça parce que j’ai la foi – si je l'avais, je le saurais, j'aurais été informé –, mais à cause de l'article publié par Le Monde (daté 7 juillet) au sujet du président de l’Equateur. J’appartiens sûrement à ces « catholiques zombies » qui ont, selon Emmanuel Todd, parcouru les artères des villes de France le 11 janvier (encore un dimanche, tiens !). 

Et pourtant non : je n’ai pas marché dans les rues de Lyon le 11 janvier, monsieur Todd. J’ai été impressionné, ça oui, par la masse de ceux qui ont marché, par le silence, aussi, qui a marqué le défilé lyonnais, pas de banderoles, pas de revendications ! Mais je n’ai pas marché. Ne me demandez pas pourquoi : j’étais en deuil de Cabu et de quelques autres. Ça ne peut pas se partager.

Et pourtant, si je pense aux dernières trouvailles « sociétales » qui passent pour des « progrès », des « avancées démocratiques » décisives, dans la direction d’un parfaite « égalité » entre les individus (mariage homo, ventres féminins à louer, …), obtenus de longue lutte par les abrogateurs frénétiques des « discriminations », des « racismes », des « stigmatisations », je suis obligé de l’avouer : je suis catholique. Même si ce n’est pas vrai. 

Voilà, je suis d’accord avec le président Correa, même si je ne confesse pas sa foi. Je respecte une certaine rigidité en matière de mœurs, j’éprouve de la révolte devant la montée des inégalités économiques et sociales. C’est tout, mais ça me fait plaisir de me sentir moins seul. 

Et au sujet des inégalités, je dirai ceci : d'abord qu'il y en a de deux sortes. Les plus cruciales, qui conditionnent tout le reste, sont les inégalités économiques et sociales. Toutes les autres (inégalités multiples), par rapport à ça, c'est de la roupie de sansonnet.

Je me rappelle ce petit bouquin par lequel Pierre Rey achevait sa psychanalyse, Une Saison chez Lacan. Sa dette chez le maître était montée à haute altitude. Son insolvabilité devenue trop inconfortable, il décida d'écrire un best-seller. L'argent qu'il se mit à gagner lui permit de solder toutes ses dettes, et même au-delà. Il en avait tiré cet enseignement : les gens riches sont plus libres que les gens pauvres. Plus un monde sera inégalitaire, plus il favorisera la violence. C'est mon opinion, et je la partage. 

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Je suis moins préoccupé par l’établissement d’une égalité parfaite entre les citoyens jusque dans les moindres recoins de l'existence sociétale, que par la résurgence incroyable des inégalités économiques et sociales, parfois abyssales. J’ai moins la passion de l’égalité en toutes matières que je n’éprouve la rage devant les inégalités triomphantes qui s’affichent de plus en plus « décomplexées » et arrogantes, au gré des démissions de plus en plus empressées et serviles des pouvoirs politiques devant les pouvoirs économiques et financiers. 

Voilà le secret de la chose. Si je peux me revendiquer catholique par un attachement à la tradition dans laquelle j’ai grandi, ce n’est pas par amour de l’égalité, mais par haine des inégalités indues, injustes, injustifiées, intolérables. Et je suis révolté par le fait que les luttes sociales aient disparu, au profit des seules « luttes sociétales ». Pour le plus grand plaisir des puissants, qui se disent : plus il y aura de ces luttes sociétales, plus on oubliera que nous existons. C’est excellent pour nos affaires. 

Les homosexuels, les féministes, les musulmans devraient réfléchir à ça, plutôt que de s’exalter pour le triomphe idéologique du minoritorat (excusez ce néologisme inélégant, qui voudrait traduire le pouvoir de nuisance acquis par toute minorité « opprimée »). Quelle merveilleuse manœuvre de diversion ! Quel beau rideau de fumée ! Quel magnifique bouclier humain se sont constitué là les puissants ! Ils se frottent les mains : plus on verra « les associations » lutter pour davantage d’ « égalités », plus ils pourront dormir sur leurs deux oreilles. 

Militants homosexuels, militantes féministes, militants islamiques ou noirs, tous ces combattants-pour-les-droits, ulcérés des « discriminations » et « stigmatisations » qu’ils disent qu’ils subissent, me font l’effet d’enfants gâtés, de gosses de riches, gavés de jouets dont ils ne savent plus que faire, à qui des gens très malins et très calculateurs sont ravis de refiler des hochets qui détournent l’attention du public de l’essentiel (business, Davos, paradis fiscaux : les affaires sérieuses, quoi). 

Car pendant ce temps, les vraies inégalités prospèrent, s’accroissent, se multiplient et s’aggravent. Elles caracolent là-bas, très loin hors de notre vue. Et il y a fort à parier que, plus elles caracoleront, plus les puissants verront d’un œil favorable les appels à combattre l’homophobie, le sexisme, le racisme ou l’islamophobie. 

Une façon d'aller vers la guerre. Et peut-être de la souhaiter.

Voilà ce que je dis, moi.

dimanche, 16 juin 2013

LE CAS MERIC

 

 

 

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MEMBRE DE "LEIBSTANDARTE ADOLF HITLER", PAR AUGUST SANDER

("Leibstandarte" veut dire "garde du corps", c'était une division SS)

***

Alors bon, Clément Méric, les médias nous ont tellement tabassé le crâne et piétiné les burettes avec cette histoire, depuis le 5 juin, qu’il faut bien en extraire quelque chose qui ait un peu de sens. Et puis il ne saurait être dit que je n’en aie rien dit, quand même. On a sa dignité. Alors quoi ?

 

D’abord une remarque amusée : « Fred Perry » (le « Lacoste » britannique, paraît-il) est une marque de vêtements qui sert de signe de reconnaissance et de ralliement à des groupes que les journalistes prudents regroupent sous l’appellation sablonneuse de « mouvance d’extrême-droite », le sablonneux étant la qualité inhérente à la mouvance.

 

Malheureusement, la même marque sert de signe de reconnaissance et de ralliement à des groupes appartenant cette fois à la sablonneuse « mouvance d’extrême-gauche », parfois baptisée « anarcho-autonome » et autres joyeusetés lexicales. On voit que ça devient très vite très sablonneux et très mouvant.

 

Premier étonnement du néophyte que je suis : la condition première de l’appartenance à ces « mouvances » est la tenue : il s'agit de s'habiller "dernier cri", en s'adressant aux marques les plus en vogue. Deuxième étonnement : qu’on soit « anar » ou « facho », la tenue est la même. Plus fort encore : la marque est la même. Il paraîtrait que des codes couleur permettent de s'y retrouver. Vous peut-être, mais moi ... 

 

Bizarres, bizarres, toutes ces « fashion victims », vous ne trouvez pas ? De facho à fashion, en quelque sorte. A l’esprit de quelle personne normale viendrait l’improbable idée de porter sur elle ses opinions politiques, reconnaissables à la marque, à la forme, à la couleur de ses vêtements ? Quel plaisir peut-il bien y avoir à se transformer en étendard de soi-même ? Et j’imagine très bien que ces gens, tous très persuadés que leurs idées sont les meilleures, se mettent tout d’un coup, quand ils sont entre eux, une fois autour de la table, à « parler chiffon » : la température de lavage, l'adoucisseur, le repassage.

 

Les journaux ont offert un historique détaillé de cette préoccupation vestimentaire et primordiale, remontant jusqu’aux affrontements londoniens entre « mods » et « rockers ». Ma foi, je veux bien, parce que j’y apprends l’importance de la musique dans les « cultures » (!!!) respectives des adversaires, radicalement différentes, paraît-il, selon le clan auquel on appartient. Vu du dehors, la différence ne saute pas aux yeux (Bérurier noir chez les anars contre je ne sais plus que (heavy) métal chez les fachos), et vraiment pas, mais le principal, n'est-ce pas, est que les intéressés s’y retrouvent.

 

Petite parenthèse « culturelle » : l’interview de cette journaliste grecque par une chaîne de radio a réjoui mon âme à travers quelques remarques bien senties. Au sujet des députés « fascistes » envoyés au Parlement grec aux dernières élections, elle parle de « niveau intellectuel de camionneur », ce qui n’est pas très gentil pour la profession (revoir le sketch de Jean Yanne et Paul Mercey), mais elle sait peut-être de quoi il retourne.

 

Elle éprouve la même tendresse pour les Français (anars comme fachos), totalement ignares en histoire, en politique, en économie et quelques autres domaines indispensables à qui prétend conduire une réflexion politique. Selon elle, leur intelligence a à peu près la hauteur de la pâquerette officinale. Plafond bas, front bas. Masse de manoeuvre à la rigueur, main d'oeuvre occasionnelle sans doute. Mais action politique ? Que nenni !

 

Les faits, maintenant. Vous voulez vraiment que je vous dise ? Je ne peux certes que déplorer la mort de Clément Méric, mais à la place de ses parents, professeurs de droit dans une université bretonne, je n’aurais à l’esprit et à la bouche que cette question de Géronte à Scapin dans la pièce qui met en scène les « fourberies » de ce dernier : « Que diable allait-il faire dans cette galère ? ». Vu son âge, peut-être ce qu’il a fait en adhérant aux « antifa » s’apparente-t-il à ce qu’on appelait, dans les autrefois, « jeter sa gourme », dans la série « ma première biture », « ma première pute », « ma première vérole » ? Allez savoir.

 

Quelle idée, aussi, d’aller se fourrer dans les pattes d’un groupe intitulé « antifa » ? Dialogue : « Qu’est-ce que vous faites dans la vie ? – Antifa. – Ah, antifa, c’est intéressant, et ça rapporte ? – Des gnons. – Il n’y a pas de sot métier. A voir votre visage convenablement tuméfié, c'est un métier seyant et bien porté ».

 

Le problème, quand on se déclare « antifasciste », c’est qu’on a besoin du « fasciste » pour exister, autant que les Capulet ont besoin des Montaigu (et inversement) dans Roméo et Juliette, et que les Sharks ont besoin des Jets (et inversement) dans West Side story. L'un engendre l'autre, et vice-versa, comme le pôle positif de l'aimant a besoin du pôle négatif. Ils ne seraient rien si l'autre n'existait pas.

 

J'imagine que c'est l'existence de groupes tels que 3ème Voie, JNR et autres Bloc identitaire qui a suscité la création d'Antifa, mais franchement, est-ce que quiconque de sensé peut se définir "anti" ? Qu'est-ce donc que ce programme, dont la seule raison d'exister est de lutter contre ? Si c'est tout ce qu'ils ont à proposer, c'est donc qu'ils souffrent juste d'une démangeaison, peut-être d'une allergie. Ils devraient aller se faire gratter. Une réaction allergique, certainement pas une action politique (je me répète).

 

Quant aux « fascistes », j’avoue que ma documentation personnelle est trop pauvre pour en dire quoi que ce soit de sensé. Il m’est plus souvent arrivé de croiser la route de leurs adversaires antifa, sans doute parce que leur IBM (Indice de Bruit Médiatique) est plus élevé, pour cause de propagande mieux relayée, sous des noms divers (anarcho-autonomes et autres petites bières) dans les radios et télévisions, même si Serge Ayoub a réussi à projeter en peu de temps son groupe sur le devant de la scène, et de façon spectaculaire. C’est vrai que le logo adopté pour décorer son bar associatif laisse deviner quelles curieuses références historiques ont ses préférences. 

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DES AMOUREUX DE LA NATION FRANÇAISE, VRAIMENT ? LAISSEZ-MOI RIRE ! S'ILS N'ETAIENT PAS DES DEMI-PORTIONS DE NAZIS EN MIE DE PAIN, ILS L'AURAIENT GAMMÉE EN ENTIER, LEUR CROIX ! LÀ, ILS SONT OBLIGÉS DE RECOURIR A DES SUBTERFUGES POUR LA DISSIMULER, LEUR CROIX GAMMEE. ILS BIAISENT, QUOI, SANS DOUTE POUR FAIRE CROIRE QU'ILS SONT RUSÉS.

MÊME PAS CAP' D'ÊTRE DES PATRIOTES, DES VRAIS ! PENDANT LA GUERRE, ILS SE SERAIENT ENGAGÉS DANS LA LVF, LA CHARMANTE ET MOINS PETAINISTE QUE NAZI LEGION DES VOLONTAIRES FRANÇAIS CONTRE LE BOLCHEVISME. DES COSMOPOLITES, QUOI.

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Voilà ce que je dis, moi.

 

 

jeudi, 27 octobre 2011

ROMEO ET JULIETTE CASTELLUCCI ?

De quoi il se plaint, ROMEO CASTELLUCCI ? On en parle, de la pièce qu’il présente au Théâtre de la Ville, à Paris. Quelle bonne publicité gratuite. Sinon, qui est-ce qui aurait su que ça existe, Sur le Concept du visage du fils de Dieu ? Oui, il paraît que ce n’est pas un essai philosophique, normalement rébarbatif et illisible, mais une pièce de théâtre, enfin, du théâtre tel qu’on le conçoit sans doute aujourd’hui. Vous pensez bien que je ne vais pas aller sur place pour juger sur pièce. 

 

Alors il devrait être content d’être attaqué, ça lui permet de faire passer un peu de propagande, enfin, d’information. Et pas attaqué par n’importe qui, hein : « Renouveau français » (il y en a donc qui y croient sérieusement), un mouvement « national-catholique » (je me marre), aidé dans sa noble tâche par l’ « Action Française » (ah bon, comment ils ont fait pour sortir du formol, ceux-là ?). Il devrait être heureux d’être traité de « christianophobe » à coup d’huile de vidange projetée sur les candidats spectateurs. 

 

Vous avez dit « Renouveau français » ? Ce sont donc les mêmes qui ont détruit en avril dernier une photo de ANDRES SERRANO intitulée Immersion. Piss Christ (voir ma note du 26 avril à ce sujet). Evidemment, tous les ergots des coqs de combat républicains ont été affûtés en vue de la « bataille pour la liberté d’expression » (une de plus). Le Monde écrit qu’un comité de soutien a été créé « face à la menace que constituent les attaques des fondamentalistes ». 

 

Le texte, déjà signé par pas mal de gens (je n’ai pas vu le nom de BERNARD-HENRI LEVY, mais ça ne saurait tarder), déclare : « (…) ces comportements relèvent à l’évidence du fanatisme, cet ennemi des Lumières et de la liberté contre lequel, à de glorieuses époques, la France a su si bien lutter ». Personnellement, je raffole des « glorieuses époques », la formule me semble d’un goût exquis. Et le « si bien » n’est pas mal non plus. 

 

En tout cas, voilà une nouvelle occasion de brandir l’étendard : « Camarades, compagnons, amis et connaissances, ne nous laissons pas vaincre par les forces obscurantistes ! Retrouvons l’audace et l’intrépidité de BONAPARTE au pont d’Arcole, de LEONIDAS aux Thermopyles et de COLUCHE aux cabinets, et repoussons les vils attaquants jusque dans la crypte de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, d’où ils n’auraient jamais dû sortir ! ». Au fait, qui leur a ôté leur camisole de force ? Ah, on me dit que c’est BRUNO GOLLNISCH. Alors, s’ils ont des complices en liberté, il ne faut pas s’étonner. Mais GOLLNISCH, qui la lui a ôtée, à lui, la camisole ? 

 

« Fondamentalisme », « Fanatisme », « Lumières », « Liberté », le ciel se couvre de gros mots tabous, de grands mots lourds de menaces qui ne vont pas tarder à nous tomber sur la figure. Un orage de bonne conscience se prépare, qu'on se le dise ! Gare à ceux qui ne signeront pas la pétition ! 

 

Moi, je vais vous dire, je ne suis pas d’accord sur grand-chose avec EMIL CIORAN, le soi-disant moraliste (ou philosophe, selon les cas), mais le tout début du Précis de décomposition est absolument parfait : « C’est que toute foi exerce une forme de terreur, d’autant plus effroyable que les "purs" en sont les agents ». Il n’y a pas plus vrai. C’est d’ailleurs l'exacte raison pour laquelle je l’ai perdue, la foi. Je préférais vivre en paix. 

 

Si j’avais la foi, je serais terrible et cruel, parce que je saurais que je détiens la VÉRITÉ. Et si c’est la VÉRITÉ, il n’y a aucune raison pour que tout le monde n’en profite pas. De force au besoin. Regardez les Témoins de Jéhovah : indestructibles. Bon, c’est vrai qu’ils ne font de mal à personne. Tiens, vous la connaissez, la blague ? Quel est le point commun entre les Témoins de Jéovah et les testicules ? Réponse : ils vont toujours par deux et ils restent toujours à la porte. Ah, vous la connaissiez ? 

 

Qu’est-ce que c’est que ces croyants tièdes, ces fidèles pusillanimes, ces paroissiens craintifs, ces pratiquants honteux, ces adeptes poltrons, et pour tout dire, ces partisans tremblants ? Que diable, est-ce une VÉRITÉ entière que la vôtre, ou une moitié, une parcelle de VÉRITÉ ? Savez-vous qu’un morceau de VÉRITÉ, c’est une VÉRITÉ en morceaux ? Le vrai croyant est en guerre perpétuelle. Voyez les conquistadors, toujours accompagné de prêtres dans leurs expéditions. Inséparables, vous dis-je. A l’un le « fer » (l’épée), à l’autre le « bois » (la croix). La seule vraie foi est celle du prosélyte ardent. 

 

Je dois l’avouer, j’éprouve un peu de mépris quand j’assiste à la sortie de la messe. Ces gens rentrent les épaules, se causent en baissant la tête et en murmurant à l’oreille de leurs coreligionnaires. Leurs chants sont ternes et tristes. Ils disent : « Oui, j’ai la foi, mais surtout, il ne faut pas que ça se sache ». Un peu comme les résistants de 1940-1945 : on ne sait jamais, des oreilles ennemies vous écoutent. Résister, ça ne se crie pas sur les toits. Il y a peut-être un peu de ça chez les chrétiens d’aujourd’hui. 

 

Regardez ces musulmans, de nos jours, prêts à donner leur vie pour… pour quoi au fait ? Euh, je ne sais pas très bien, finalement. M’enfin, c’est sûr qu’ils ont la foi, eux. Ils ont le sens du sacrifice de soi, ils sont généreux. Surtout, ils ont gardé le sens du blasphème : « Touche pas à mon Dieu, ou ça va barda, … euh, barder ! ». Allah est interdit de représentation, mais on a bien vu la tête que se sont faite KHOMEINY et OUSSAMA BEN LADEN : ça doit donner une idée assez proche, non ? Est-ce que ça vous donne envie pour autant ? 

 

Tout ça pour arriver à quoi, finalement ? FRANÇOIS HOLLANDE vient de parler de « réenchanter la France » (oui, oui, je l’ai entendu, moi en personne). MARCEL GAUCHET a écrit un excellent livre intitulé Le Désenchantement du monde (Gallimard). Il dit dans l’introduction que le christianisme « est la religion de la sortie de la religion ». 

 

L’histoire est ainsi faite que le pauvre Flanby que s’est donné le Parti Socialiste est un sinistre pantin voué au mensonge et au ridicule (notez que la droite arrive de plus en plus mal à dissimuler que son vrai projet est d’en finir avec la démocratie ; quant à la République, elle agonise). Non, le désenchantement accompli, aucun « réenchantement » n’est possible, « Renouveau français » ou pas. Ce qui est détruit reste détruit, et quand on entretient des ruines, ce sont celles de Pompéi ou d'Oradour-sur-Glane. 

 

Les petits soldats qui manifestent le chapelet en main devant le Théâtre de la Ville se prennent-ils sérieusement pour des guerriers ? C’est possible. Ils sont simplement pitoyables. S’ils leur arrive de devenir dangereux, c’est une autre affaire, et le Code Pénal est là pour y remédier. 

 

En face de ça, qu’est-ce qu’on entend, dans la bouche de ROMEO CASTELLUCCI ? « Aujourd’hui, la religion a perdu sa capacité de poser des questions, et l’art a pris sa place. Je crois que ces extrémistes sont jaloux de cette spiritualité profonde qui s’est réfugiée dans l’art. » Je ne discuterai pas de savoir si monsieur CASTELLUCCI fait de l’art. Quant à affirmer que l’art a pris la place de la religion, j’avoue que ça me laisse rêveur, que j’en reste bouche bée, sceptique, interrogatif, dubitatif, et pour tout dire « plié en deux ». 

 

Quant à dire qu’il y a de la spiritualité dans l’art contemporain, c’est comme les promesses électorales : cette affirmation n’engage que ceux qui y croient. Si ceux qui vont voir le spectacle de ROMEO CASTELLUCCI y trouvent de la spiritualité, c’est de toute évidence parce qu’ils l’ont apportée avec eux, comme on apporte son manger dans un refuge de montagne non gardé. 

 

Enfin, s’il y a un point sur lequel ROMEO CASTELLUCCI se fout le doigt dans l’œil jusqu’au trou de balle, c’est sur un point précis, et je lui dis : « Ben non, mon coco, la religion n’a jamais été là pour poser des questions, mais pour y répondre, à ces questions, et empêcher par la même occasion qui que ce soit d'autre y réponde. La religion a donc canalisé d’autorité toutes les réponses anarchiques que des milliards d’individus pouvaient être tentés de donner à la seule question qui vaille : qu’est-ce qu’on fout là ? T’as qu’à relire le chapitre intitulé « Le Grand Inquisiteur ». C’est dans Les Frères Karamazov ». 

 

Oui, vous avez raison, le titre n'a strictement, carrément et absolument AUCUN rapport avec ce qui précède. Et je dis : « ET ALORS ? ».