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lundi, 17 juin 2013

LE CAS MERIC

 

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FONCTIONNAIRE NAZI. CHEF DU SERVICE CULTUREL DE COLOGNE EN 1938, PAR AUGUST SANDER

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Quoi qu’il en soit, qu’il s’agisse de « JNR » ou d’« antifa », ce sont sûrement tous des enfants de chœur prêts à servir la messe, agenouillés en aube blanche en agitant leurs grelots, des angelots inoffensifs et peut-être asexués, dévoués et prêts à aider les vieilles dames à traverser les rues. C’est pour ça qu’ils fréquentent les clubs de muscu et d’arts martiaux, certaines vieilles dames ayant de l'embonpoint.

 

Malheureusement pour Clément Méric, il avait à peine commencé l’entraînement et n’avait pas atteint la taille (il ne « faisait pas la maille ») et la carrure réglementaires pour les circonstances auxquelles il s’est trouvé mêlé. Il ne méritait pas de mourir, c’est sûr, mais il a eu le tort d’être là. Et Esteban Morillo a vraiment frappé très fort. Il était apparemment très bien entraîné. Et il faisait la maille, lui.

 

Quant aux journaux, au milieu desquels Libération s’est spécialement distingué, ils se sont de nouveau illustrés dans l’interprétation des faits. On a eu droit à un festival de « sursauts démocratiques ». Un des aspects tout à fait comiques de leur « couverture » de l’événement (on parle de « couverture » sans doute pour garder l’événement bien chaud) a été un drôle de « constat », fait selon une drôle de grille de lecture. Que n’a-t-on entendu ?

 

Ils nous avaient déjà fait le coup, au moment du mariage homosexuel (vous avez remarqué que je me refuse à appeler autrement ce que tout le monde désigne au moyen d'une généralité euphémisante) et des manifs de Frigide Barjot et consort. Ils parlaient de la « libération de la parole homophobe ». J’avais déjà cru rêver en découvrant que des recoins secrets de la société française recelaient, tapis dans les tréfonds d’antres obscurs, un potentiel dormant de « parole homophobe », qui n’attendait qu’un signal, une étincelle pour se réveiller. Pour se libérer.

 

Les « manifs pour tous » et divers débats parlementaires auraient ainsi suffi pour allumer un mèche qui n'attendait que de faire exploser « la parole homophobe » qui, trop longtemps contenue (par on ne sait quelle magie), n'attendait que cette occasion pour se manifester à l'air libre. A moins que « la parole homophobe » n'ait attendu, comme un fauve hypocrite, que le moment tant attendu de sauter enfin sur sa proie pour enfin la dévorer !

 

Quelle que soit l'hypothèse, j'avoue que je reste épastrouillé et confondu devant l'IDEE géniale. Qui ne repose en fait que sur la capacité pour l'un des deux adversaires de se donner à lui-même le rôle enviable de la VICTIME, et à l'autre le rôle satanisé du MECHANT. En l'occurrence, la victime est homosexuelle et le méchant (tous ceux qui s'opposent au mariage homo) est homophobe.

 

Celui qui a fabriqué, avec les petites mains des boyaux de sa tête, l'expression « libération de la parole homophobe » mérite d'être considéré comme un maître dans l'art de la com. Digne de Stéphane Fouks, Euro RSCG et Jacques Séguéla réunis. Une prouesse dans l'art de fermer la gueule à toute contestation et récrimination, en faisant porter le chapeau du coupable aux soi-disant et a priori homophobes.  A mon avis, ça vaut la trouvaille de la "fracture sociale", si favorable en son temps à Nicolas Chirac. Ou celle de "travailler plus pour gagner plus", qui avait bénéficié à Jacques Sarkozy.

 

Nous n'aurons garde d'oublier cependant "la force tranquille", la "génération Mitterrand" ou "Yes we can". Comme quoi l'exercice de la démocratie est devenu une simple bataille de publicitaires. Mais je ne comprends toujours pas comment l'extrêmement ringard "le changement c'est maintenant" a pu faire élire François Hollande. J'attends qu'on m'explique pourquoi, sur cette base dérisoire (et dont tout le monde savait ce qu'elle valait), un tout petit peu plus de la moitié des votants se sont déclarés en sa faveur.

 

Moi je sais bien qu'il n'y a pas eu de « libération », mais que s'il y eut effectivement « parole homophobe », elle a été sciemment, méticuleusement calculée, provoquée par  François Hollande, qui a mis cette loi au programme, et par tous ceux qui l’ont soutenu, voire qui l’ont poussé à l’imposer, de force et sans vrai débat : « Qui sème le vent … » (proverbe connu). Jouer le rôle enviable de la « victime », de nos jours, est devenu un rôle si gratifiant. Et si je dis "enviable", c'est que ce genre de victime sait qu'il a tous les droits. Parlons si vous voulez de « victime triomphante », ou de « colonisateur victimaire ». Passons.

 

Et voilà-t-il pas qu'avec le cas Méric, ils remettent le couvert, et cette fois ils parlent de « libération de la parole d’extrême-droite » et autre « pensée fasciste », qui auraient été couvées par les « manifs pour tous ». Et allez donc ! Qu'on se le dise : la parole d'extrême-droite était en prison. Frigide Barjot l'a libérée en manifestant contre l'hypothèse qu'on puisse marier du masculin avec du masculin, du féminin avec du féminin. 

 

Je note au passage que c'est une libération dont les sans-culotte de l'égalité ne veulent à aucun prix : la liberté est une bien belle chose aux yeux des adeptes du « mariage pour tous », mais faudrait voir à pas exagérer ! Certains étaient déjà plus égaux que d'autres. Voici le temps des gens plus libres que les autres (puisqu'ils décident de la liberté de ces autres).

 

Quand je pense que je dénigrais Nicolas Sarkozy au motif qu’il coupait violemment la France en deux et qu’il provoquait sciemment la fracture entre les deux camps. C’était d’ailleurs vrai, personne ne peut dire le contraire, puisque Sarko se vantait précisément d’être très « clivant ».

 

Mais on n’avait pas vu à l’œuvre le chef de bureau qui nous gouverne, avec sa suavité digne, son sens lubrifié de la componction et son élocution ravie d’ancien bègue. En matière de clivage, le « capitaine de pédalo » en connaît un rayon, et « Flanby » a parfaitement fait la preuve que, pour ce qui est de monter une France contre l’autre, front à front, il ne « pédale pas dans le yaourt », même avec le grade de capitaine.

 

Pour provoquer la haine des uns pour les autres et retour, François Hollande ne me semble pas malhabile (la litote n'est pas l'euphémisme : elle vise à faire entendre le plus en exprimant le moins). Au moins, François Mitterrand portait sur son machiavélisme le visage de la vérité, même s'il a fait des dizaines de millions de dupes en 1981. Le problème, avec François Hollande, il a tellement mal l'air sincère, que tout le monde est persuadé qu'il est vraiment très bête.

 

Je donne gratuitement ces formules assez brillantes à l'équipe de communicants qui entoure notre lambeau de président. Les deux phrases ne sont pas trop mal écrites, je le reconnais bien volontiers.

 

D’une certaine manière, Hollande surpasse Sarkozy dans l’art de diviser les Français, en usant du même stratagème qu’un certain François Mitterrand qui, par pur calcul politicien, pour affaiblir et diviser la droite, envoya en son temps dans son jeu de quilles un chien nommé Jean-Marie Le Pen.

 

Mais on a peut-être grand tort de donner une aura politique à la mort de Clément Méric. Après tout, s’il n’y avait pas tant de renards gauchistes (???) glapissant au retour des hurlements des loups fascistes (???), la tragique bagarre devant un magasin de vêtements à la mode ne serait pas sortie de la rubrique « faits divers ». Franchement, quelle différence entre les violences réciproques des bandes voisines d’Aubervilliers et de La Courneuve et la confrontation entre les « antifa » et les « JNR », vu le niveau d’éducation politique en vigueur dans ces deux groupuscules ?

 

Et je signale à tous les journalistes qui ont crié à la menace fasciste que, dans leur précipitation, ils ont oublié de rappeler les saccages récents commis par les supporters du PSG au Trocadéro pour fêter dignement le titre de champion de France conquis par le club parisien. Au grand dam du financeur qatari. Ben oui : c’était des « anars » ou des « fachos » ? Chi lo sa ?

 

De toute façon, et je l'ai déjà dit, si le Parti « Socialiste » a conquis bien des terrains réservés autrefois à la droite, c'est parce qu'il a compris que la population française n'en veut plus, de la Révolution, et que ce qu'elle veut a plus à voir avec un rêve de petits-bourgeois qu'avec l'exaltation lyrique et unanimiste des masses ouvrières : elle est en masse passée à droite pour tout ce qui touche le logement, la voiture, le travail, même s'il flotte encore des effluves largement fictifs et illusoires d'une gauche des moeurs et d'un progressisme sociétal (vote des étrangers, mariage homo, ...).

 

Demandez à l'ouvrier chinois, en passe de s'enrichir, s'il n'en rêve pas, de sa voiture. Ensuite, parlez-lui donc un peu de la "conscience de classe". Et puis tiens, demandez-lui donc, à l'ouvrier chinois, ce qu'il penserait de ses dirigeants, s'ils voulaient imposer le vote des étrangers ou le mariage des homosexuels. Ah mais voilà, j'oubliais, là-bas, « ils ne sont pas en démocratie ». Ils sont fous, ces Chinois ! En plus, ils ont des principes ! Ils ont des valeurs ! C'est vraiment une dictature.

 

Pour conclure (il faut bien), il faut savoir ce qu'on veut : si tout le monde pousse à droite, il est mécanique et normal que la droite vraiment de droite s'extrémise, et produise ses petites mains qui n'ont pas froid aux yeux, des mains qui savent, à l'occasion, ne pas se croiser les bras, façon « SturmAbteilungen » (que Hitler, très tôt, en 1934, a "purgées" de Röhm et de quelques comparses lors de la "Nuit des longs couteaux", avis transmis à Serge Ayoub). Quant aux antifascistes, ils font tout ce qu'ils peuvent pour donner davantage de consistance et de visibilité à l'épouvantail qu'ils disent combattre, pour légitimer leurs propres hantises.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

dimanche, 16 juin 2013

LE CAS MERIC

 

 

 

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MEMBRE DE "LEIBSTANDARTE ADOLF HITLER", PAR AUGUST SANDER

("Leibstandarte" veut dire "garde du corps", c'était une division SS)

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Alors bon, Clément Méric, les médias nous ont tellement tabassé le crâne et piétiné les burettes avec cette histoire, depuis le 5 juin, qu’il faut bien en extraire quelque chose qui ait un peu de sens. Et puis il ne saurait être dit que je n’en aie rien dit, quand même. On a sa dignité. Alors quoi ?

 

D’abord une remarque amusée : « Fred Perry » (le « Lacoste » britannique, paraît-il) est une marque de vêtements qui sert de signe de reconnaissance et de ralliement à des groupes que les journalistes prudents regroupent sous l’appellation sablonneuse de « mouvance d’extrême-droite », le sablonneux étant la qualité inhérente à la mouvance.

 

Malheureusement, la même marque sert de signe de reconnaissance et de ralliement à des groupes appartenant cette fois à la sablonneuse « mouvance d’extrême-gauche », parfois baptisée « anarcho-autonome » et autres joyeusetés lexicales. On voit que ça devient très vite très sablonneux et très mouvant.

 

Premier étonnement du néophyte que je suis : la condition première de l’appartenance à ces « mouvances » est la tenue : il s'agit de s'habiller "dernier cri", en s'adressant aux marques les plus en vogue. Deuxième étonnement : qu’on soit « anar » ou « facho », la tenue est la même. Plus fort encore : la marque est la même. Il paraîtrait que des codes couleur permettent de s'y retrouver. Vous peut-être, mais moi ... 

 

Bizarres, bizarres, toutes ces « fashion victims », vous ne trouvez pas ? De facho à fashion, en quelque sorte. A l’esprit de quelle personne normale viendrait l’improbable idée de porter sur elle ses opinions politiques, reconnaissables à la marque, à la forme, à la couleur de ses vêtements ? Quel plaisir peut-il bien y avoir à se transformer en étendard de soi-même ? Et j’imagine très bien que ces gens, tous très persuadés que leurs idées sont les meilleures, se mettent tout d’un coup, quand ils sont entre eux, une fois autour de la table, à « parler chiffon » : la température de lavage, l'adoucisseur, le repassage.

 

Les journaux ont offert un historique détaillé de cette préoccupation vestimentaire et primordiale, remontant jusqu’aux affrontements londoniens entre « mods » et « rockers ». Ma foi, je veux bien, parce que j’y apprends l’importance de la musique dans les « cultures » (!!!) respectives des adversaires, radicalement différentes, paraît-il, selon le clan auquel on appartient. Vu du dehors, la différence ne saute pas aux yeux (Bérurier noir chez les anars contre je ne sais plus que (heavy) métal chez les fachos), et vraiment pas, mais le principal, n'est-ce pas, est que les intéressés s’y retrouvent.

 

Petite parenthèse « culturelle » : l’interview de cette journaliste grecque par une chaîne de radio a réjoui mon âme à travers quelques remarques bien senties. Au sujet des députés « fascistes » envoyés au Parlement grec aux dernières élections, elle parle de « niveau intellectuel de camionneur », ce qui n’est pas très gentil pour la profession (revoir le sketch de Jean Yanne et Paul Mercey), mais elle sait peut-être de quoi il retourne.

 

Elle éprouve la même tendresse pour les Français (anars comme fachos), totalement ignares en histoire, en politique, en économie et quelques autres domaines indispensables à qui prétend conduire une réflexion politique. Selon elle, leur intelligence a à peu près la hauteur de la pâquerette officinale. Plafond bas, front bas. Masse de manoeuvre à la rigueur, main d'oeuvre occasionnelle sans doute. Mais action politique ? Que nenni !

 

Les faits, maintenant. Vous voulez vraiment que je vous dise ? Je ne peux certes que déplorer la mort de Clément Méric, mais à la place de ses parents, professeurs de droit dans une université bretonne, je n’aurais à l’esprit et à la bouche que cette question de Géronte à Scapin dans la pièce qui met en scène les « fourberies » de ce dernier : « Que diable allait-il faire dans cette galère ? ». Vu son âge, peut-être ce qu’il a fait en adhérant aux « antifa » s’apparente-t-il à ce qu’on appelait, dans les autrefois, « jeter sa gourme », dans la série « ma première biture », « ma première pute », « ma première vérole » ? Allez savoir.

 

Quelle idée, aussi, d’aller se fourrer dans les pattes d’un groupe intitulé « antifa » ? Dialogue : « Qu’est-ce que vous faites dans la vie ? – Antifa. – Ah, antifa, c’est intéressant, et ça rapporte ? – Des gnons. – Il n’y a pas de sot métier. A voir votre visage convenablement tuméfié, c'est un métier seyant et bien porté ».

 

Le problème, quand on se déclare « antifasciste », c’est qu’on a besoin du « fasciste » pour exister, autant que les Capulet ont besoin des Montaigu (et inversement) dans Roméo et Juliette, et que les Sharks ont besoin des Jets (et inversement) dans West Side story. L'un engendre l'autre, et vice-versa, comme le pôle positif de l'aimant a besoin du pôle négatif. Ils ne seraient rien si l'autre n'existait pas.

 

J'imagine que c'est l'existence de groupes tels que 3ème Voie, JNR et autres Bloc identitaire qui a suscité la création d'Antifa, mais franchement, est-ce que quiconque de sensé peut se définir "anti" ? Qu'est-ce donc que ce programme, dont la seule raison d'exister est de lutter contre ? Si c'est tout ce qu'ils ont à proposer, c'est donc qu'ils souffrent juste d'une démangeaison, peut-être d'une allergie. Ils devraient aller se faire gratter. Une réaction allergique, certainement pas une action politique (je me répète).

 

Quant aux « fascistes », j’avoue que ma documentation personnelle est trop pauvre pour en dire quoi que ce soit de sensé. Il m’est plus souvent arrivé de croiser la route de leurs adversaires antifa, sans doute parce que leur IBM (Indice de Bruit Médiatique) est plus élevé, pour cause de propagande mieux relayée, sous des noms divers (anarcho-autonomes et autres petites bières) dans les radios et télévisions, même si Serge Ayoub a réussi à projeter en peu de temps son groupe sur le devant de la scène, et de façon spectaculaire. C’est vrai que le logo adopté pour décorer son bar associatif laisse deviner quelles curieuses références historiques ont ses préférences. 

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DES AMOUREUX DE LA NATION FRANÇAISE, VRAIMENT ? LAISSEZ-MOI RIRE ! S'ILS N'ETAIENT PAS DES DEMI-PORTIONS DE NAZIS EN MIE DE PAIN, ILS L'AURAIENT GAMMÉE EN ENTIER, LEUR CROIX ! LÀ, ILS SONT OBLIGÉS DE RECOURIR A DES SUBTERFUGES POUR LA DISSIMULER, LEUR CROIX GAMMEE. ILS BIAISENT, QUOI, SANS DOUTE POUR FAIRE CROIRE QU'ILS SONT RUSÉS.

MÊME PAS CAP' D'ÊTRE DES PATRIOTES, DES VRAIS ! PENDANT LA GUERRE, ILS SE SERAIENT ENGAGÉS DANS LA LVF, LA CHARMANTE ET MOINS PETAINISTE QUE NAZI LEGION DES VOLONTAIRES FRANÇAIS CONTRE LE BOLCHEVISME. DES COSMOPOLITES, QUOI.

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Voilà ce que je dis, moi.

 

 

dimanche, 09 juin 2013

QUI EST NORMAL ?

 

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UNE VUE SUR LE JARDIN DE CLAUDE MONET, A GIVERNY, PAR BERNARD PLOSSU

 

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Maintenant, les anormaux, que faut-il en faire ? Je crois bien que c’est Valéry Giscard d’Estaing qui déclarait : « Le degré d’avancement d’une civilisation se mesure à la façon dont elle traite ses handicapés ». Etendez la portée de la phrase à l’ensemble de ceux que je me refuse à appeler autrement que des anormaux, et vous saisirez qu’il s’agit d’un message de tolérance, voire d’empathie.

 

[ Je me refuse à utiliser le mot « solidarité » dans ce contexte. D'abord parce qu'il est mis à toutes les sauces et employé à tort et à travers. Marre des « solidaires » et autres bonnes âmes prêcheuses et donneuses de leçons. Excusez, ça va passer. Reprenons. ]

 

Mais il est malhonnête, et même pervers, pour se donner des couleurs de tolérance, des reflets d’empathie et des fragrances d'altruisme – tendance altruisme flatteur pour celui qui le manifeste, genre « Médecins sans frontières » –, de décréter que les pommiers font des cerises, que les chats sont des gouttières. Et, accessoirement, que les anormaux sont normaux.

 

Il est vrai que nous vivons dans une France qui a été capable de rebaptiser « maritime », « atlantique » ou « de haute Provence » des départements qui avaient le tort de s’appeler Seine inférieure, Loire inférieure et Basses Alpes. Et les « handicapés » sont devenus des « personnes à mobilité réduite ». Et les cancres « apprenants à apprentissage différé ». Quelqu'un avait appelé ça la "novlangue" (le très regretté George Orwell).

 

Il fut un temps où Guy Béart rêvait de « changer les couleurs du temps, changer les couleurs du monde ». Puisqu’on ne peut pas empêcher la Loire d’attendre la partie inférieure de son cours pour se jeter dans l’océan, contentons-nous d’en modifier l’appellation administrative. Faute de modifier le réel, faisons comme les politiciens, et flattons les esprits. Cela coûte moins d'argent et moins d'efforts. Et comme ça donne le mauvais rôle à ceux qui critiquent la modification (le rôle du méchant), ceux-ci sont obligés de marcher sur des oeufs pour la contester. Quand ils osent le faire.

 

Les handicapés et les « Ligériens inférieurs » ne pourront pas se plaindre qu’on ne leur a pas passé de pommade. On ne redonnera pas aux premiers une mobilité complète et aux seconds de faire remonter la Loire à sa source, mais au moins on ne les entendra plus geindre et se lamenter qu’on les méprise et qu’on les « stigmatise » (mot très à la mode), ou alors il faudra qu’ils trouvent autre chose. Il est probable qu'ils trouveront autre chose. Rendez-vous au prochain euphémisme.

 

Puisqu’on ne peut pas empêcher le mongolien d’être mongolien, appelons-le « trisomique ». Ah comme ça, il faut avouer que ça change tout, n’est-ce pas ? Comme si, tout d’un coup, saisie d’une inexplicable frayeur, la France avait eu peur de nommer les choses par leur nom exact. La tendance est générale et plus personne ne parle des boueux (devenus « éboueurs »), des concierges, des balayeurs et des caissières. Les patrons d'entreprises eux-mêmes ne parlent plus jamais de leurs employés (devenus « collaborateurs »). Oyez, oyez, dames et damoiseaux : le « normal » nouveau est arrivé ! Vous allez vous régaler.

 

Le drôle de l’affaire, c’est que, dans cet effort pour donner un ton pastel à des réalités jugées désagréables, voire offensantes, on a forcément recours aux même procédés que les religions primitives, dans lesquelles les gens sont persuadés que les mots ont un pouvoir sur les choses : changeons le mot, disent-ils, nous changerons la chose. Vraiment une préoccupation de pays riche. En même temps que pure démagogie électorale.

 

Ce n’est rien d’autre qu’une pratique magique. Fabuleux progrès de la civilisation, le pouvoir des mots sur les choses, sous l'égide du sorcier de la tribu. Sans l'efficacité, malheureusement. Car le sorcier est efficace, puisque tout le monde croit en lui, tant que les blancs ne viennent pas semer leur souk, avec leur "science".

 

C'est ainsi que, plus la réalité échappe aux politiciens – et rien n’est plus désagréable au politicien –, plus les politiciens ont recours à cette magie (concrètement inoffensive, mais culturellement dévastatrice) : le pouvoir des mots sur les choses se manifeste dans des incantations grandioses (dernière incantation : Jean-Marc Ayrault décidant, après laphotographie,bernard plossu,claude monet,art,valery giscard d'estaing,handicapés,civilisation,société,normal anormal,george orwell,guy béart,novlangue,euphémisme,clément méric,jean-marc ayrault,françois hollande,anarchistes,fachos,ayoub,rabelais,littérature,pantagruel,tiers-livre,panurge,bucéphale,philippe de macédoine,alexandre le grand,robert margerit,mont-dragon,georges perec,penser  classer mort de Clément Méric, de « tailler en pièces de façon démocratique » les fachos, genre Serge Ayoub, ci-contre, et le climat de haine qu'ils véhiculent, une petite merveille d'oxymore). Ce genre d'incantation, ça vaut la danse de la pluie.

 

Toi Grand Sorcier, François Hollande. Toi Grand Chamane, Jean-Marc Ayrault. Toi Grand Pouvoir Magique. Moi faire brûler encens sur autel domestique pour honorer Toi. Hugh.

 

Personne n’est plus sage, dans le fond, que l’immense, que l’énorme François Rabelais, qui met dans la bouche de Pantagruel une phrase lumineuse, inoubliable et magistrale. C’est au chapitre XX du Tiers Livre. A Panurge qui s’exaspère des manières impudentes du muet Nazdecabre, à qui il demande s’il doit ou non se marier, il lance cette remarque : « Si les signes vous fâchent, ô combien vous fâcheront les choses signifiées ». Citation transmise à la famille Euphémisme, dont les membres se reproduisent pire que la vermine. Par pitié, qu'on leur apprenne la contraception, l'avortement et, pourqoi pas, l'euthanasie !

 

Que faire alors, en un temps affamé d'euphémisme, qui interdit l’usage des mots « normal » et « anormal » ? Un temps qui proscrit, sous peine de crucifixion médiatique ou correctionnelle, de se référer, pour penser, à des catégories, pour la raison que « ce n’est vraiment pas bien de catégoriser, c’est même très vilain » ? 

 

Un temps qui oublie, ce faisant, que si l’on avait ordonné aux scientifiques et aux penseurs de rayer le mot « catégories » de leur vocabulaire et de leurs pratiques, il n’y aurait à cette heure ni science ni pensée. Ce n’est pas pour rien qu’un livre posthume de Georges Perec porte fièrement ce titre : Penser / Classer.

 

Notre société a peur des mots. Enfin, quand je dis "notre société", je devrais dire le clergé intégriste d'un nouveau genre qui guette, à l'affût de tout, bien à l'abri de ses feux rouges et de ses chambres correctionnelles, le moindre faux pas des contrevenants aux articles du Code édicté par la Police du Langage et de la Pensée. Peut-être la France a-t-elle peur tout court. 

 

Bientôt, sans doute, elle aura peur de son ombre, comme le cheval Bucéphale (« Tête de bœuf », drôle de nom pour un équidé) si sauvage que Philippe de Macédoine n’en voulut pas, mais que son fils Alexandre (pas encore « Le Grand ») dompta après avoir observé la bête, et l’avoir placée systématiquement face au soleil. Moralité : Bucéphale n’accepta jamais d’autre cavalier qu’Alexandre (l'indomptable Erèbe, domestiqué au premier contact par Dormond, dans l'indispensable Mont-Dragon de Robert Margerit, devait être un lointain descendant). Quel Alexandre placera notre société face au soleil ?

 

« Si les signes vous fâchent, ô combien vous fâcheront les choses signifiées ».

 

Traduction en langage vulgaire, c'est-à-dire moderne : si vous criez : « Maman j'ai peur ! » quand on appelle un chat un chat et quand on met les mots exacts sur les choses, attendez-vous à chier dans votre froc quand vous serez mis en face des réalités qu'ils désignent. Elles n’auront pas de pitié. Et vous aurez du mal à vous en remettre.

 

Voilà ce que je dis, moi.