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mardi, 07 octobre 2014

UN ALBUM EGOÏSTE

A présent que j’ai bien déballé et commenté les photos que je portais dans mon sac avec une bonne partie de ce qui allait avec, je peux bien passer aux aveux : j’aime les photos des grands photographes. Pas toutes, pas toujours, pas forcément. De toutes façons, qu'est-ce qu'on dit,  quand on dit « J'aime la photo » ? Alceste répondrait : « L'ami du genre humain n'est pas du tout mon fait ». Tout le monde a ses préférences, d'abord parce que c'est bien "normal" et "humain", ensuite parce qu'on ne peut pas faire autrement.

Enfin, quand je dis "tout le monde", ce n'est pas vrai. Don Juan est l'exception. Il n'a pas de préférences ! Il les veut toutes ! Leporello chante à Dona Elvira : « Non si picca se sia ricca, Se sia brutta, se sia bella, Purche porti la gonella, Voi sapete quel che fa » (Riche, laide, belle, peu importe : pourvu que ça porte un jupon, vous savez ce qu'il fait). C'est dans l'air "du catalogue". Quelle absence de goût ! Un aristocrate si raffiné !

En matière de femmes, Don Juan est dépourvu de préférences : on n'est pas plus niais, ni plus rustre. Ah, ça vous fait penser à Nafisatou Diallo ? Au Fond Monétaire International ? A trois consonnes initiales (dont l'une vaut cher au scrabble) désormais passées à la postérité pour des raisons tellement poétiques ?  « Voi sapete quel che fa », on vous dit.

Chez Molière, ce n'est pas mieux : « Il n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs : je me sens un cœur à aimer toute la terre; et comme Alexandre, je souhaiterais qu'il y eût d'autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses ». Heureusement, personne n'est Don Juan, quoi qu'en pense la psychanalyse. Ceux qui veulent tout finissent très mal. La préférence est dans la nature de l'homme. Or la préférence c'est la liberté ; or être libre, c'est choisir ; or choisir c'est éliminer ; or éliminer, c'est Contrex. Euh non ! Erreur d'aiguillage. Je prie le monde civilisé de m'excuser. Je reviens à la photo.

Je suis donc un admirateur inconditionnel de photos qui ont été réalisées par des gens qui portent à bon droit le titre de "grands photographes". Enfin, ce n'est pas tout à fait vrai : ce n'est pas le nom du bonhomme qui tire mon attention du sommeil, c'est un objet précis, une photo particulière. Je ne sais pas comment font les gens, mais moi, je privilégie certaines images qui sont à mes yeux dotées de la parole. A mes yeux, mais surtout aux oreilles de mon esprit : des photos qui s'adressent à moi, ce qui n'est pas le cas, loin de là, de toutes les photos d'un même bonhomme.

Entendons-nous : pas à moi en exclusivité, mais des images qui me parlent, me disent quelque chose à moi. Les autres font ce qu'ils veulent. Mais rien ne permet de penser que mon cas est unique. Alors, au fil du temps, je me suis constitué un album, j'ai rassemblé une anthologie de clichés qui, plus que d’autres, tendent la main à mon esprit, à ma sensibilité, à mon histoire, quoi encore ?

A présent que j’ai découpé mon gâteau personnel en les vingt-huit parts qui viennent de paraître, je voudrais partager avec qui voudra quelques images qui ont compté pour moi. Le visiteur repèrera aisément au fil et au hasard des pages (j’ai opté pour l’ordre alphabétique), parmi les photographes présents, le fou de peinture, le graveur, l’architecte, l’ethnographe, le paysagiste, et toute cette sorte de choses.

Certains photographes, certains clichés sont très connus, d’autres beaucoup moins. Il y a de la couleur et du N&B. Il y a des femmes, des paysages, des scènes, des moments. Il y a des « anciens » et des « modernes » : mon désaccord est total avec cet étrange ami qui me déclarait, péremptoire et monté sur ses ergots, que les photographes d'aujourd'hui sont infiniment et fatalement meilleurs que les anciens. Il n'y a pas de progrès en art. Mais je ne sais pas si nous parlions de la même chose.

 

Je n’en tire aucune conclusion.

ADAMS ANSEL.jpg

ANSEL ADAMS, 1947

 

L'album qui vient est précaire. Ce n'est pas le même que celui que j'aurais constitué avant-hier ou après-demain, car s'il y a des constantes, il y a aussi des variantes, en plus ou en moins. Je les livre sans commentaire. Parmi les constantes (que l'habitué de ce blog reconnaîtra, car j'ai déjà donné), il y en a une à laquelle je prête un pouvoir tout à fait spécial. Celle-là, je la commenterai peut-être le moment venu. Pour cela, il faudra attendre la lettre K de l'alphabet (le 26 octobre, pour être précis). 

Un délai raisonnable.

Voilà ce que je dis, moi.

dimanche, 16 juin 2013

LE CAS MERIC

 

 

 

AA NAZI 1.jpg

MEMBRE DE "LEIBSTANDARTE ADOLF HITLER", PAR AUGUST SANDER

("Leibstandarte" veut dire "garde du corps", c'était une division SS)

***

Alors bon, Clément Méric, les médias nous ont tellement tabassé le crâne et piétiné les burettes avec cette histoire, depuis le 5 juin, qu’il faut bien en extraire quelque chose qui ait un peu de sens. Et puis il ne saurait être dit que je n’en aie rien dit, quand même. On a sa dignité. Alors quoi ?

 

D’abord une remarque amusée : « Fred Perry » (le « Lacoste » britannique, paraît-il) est une marque de vêtements qui sert de signe de reconnaissance et de ralliement à des groupes que les journalistes prudents regroupent sous l’appellation sablonneuse de « mouvance d’extrême-droite », le sablonneux étant la qualité inhérente à la mouvance.

 

Malheureusement, la même marque sert de signe de reconnaissance et de ralliement à des groupes appartenant cette fois à la sablonneuse « mouvance d’extrême-gauche », parfois baptisée « anarcho-autonome » et autres joyeusetés lexicales. On voit que ça devient très vite très sablonneux et très mouvant.

 

Premier étonnement du néophyte que je suis : la condition première de l’appartenance à ces « mouvances » est la tenue : il s'agit de s'habiller "dernier cri", en s'adressant aux marques les plus en vogue. Deuxième étonnement : qu’on soit « anar » ou « facho », la tenue est la même. Plus fort encore : la marque est la même. Il paraîtrait que des codes couleur permettent de s'y retrouver. Vous peut-être, mais moi ... 

 

Bizarres, bizarres, toutes ces « fashion victims », vous ne trouvez pas ? De facho à fashion, en quelque sorte. A l’esprit de quelle personne normale viendrait l’improbable idée de porter sur elle ses opinions politiques, reconnaissables à la marque, à la forme, à la couleur de ses vêtements ? Quel plaisir peut-il bien y avoir à se transformer en étendard de soi-même ? Et j’imagine très bien que ces gens, tous très persuadés que leurs idées sont les meilleures, se mettent tout d’un coup, quand ils sont entre eux, une fois autour de la table, à « parler chiffon » : la température de lavage, l'adoucisseur, le repassage.

 

Les journaux ont offert un historique détaillé de cette préoccupation vestimentaire et primordiale, remontant jusqu’aux affrontements londoniens entre « mods » et « rockers ». Ma foi, je veux bien, parce que j’y apprends l’importance de la musique dans les « cultures » (!!!) respectives des adversaires, radicalement différentes, paraît-il, selon le clan auquel on appartient. Vu du dehors, la différence ne saute pas aux yeux (Bérurier noir chez les anars contre je ne sais plus que (heavy) métal chez les fachos), et vraiment pas, mais le principal, n'est-ce pas, est que les intéressés s’y retrouvent.

 

Petite parenthèse « culturelle » : l’interview de cette journaliste grecque par une chaîne de radio a réjoui mon âme à travers quelques remarques bien senties. Au sujet des députés « fascistes » envoyés au Parlement grec aux dernières élections, elle parle de « niveau intellectuel de camionneur », ce qui n’est pas très gentil pour la profession (revoir le sketch de Jean Yanne et Paul Mercey), mais elle sait peut-être de quoi il retourne.

 

Elle éprouve la même tendresse pour les Français (anars comme fachos), totalement ignares en histoire, en politique, en économie et quelques autres domaines indispensables à qui prétend conduire une réflexion politique. Selon elle, leur intelligence a à peu près la hauteur de la pâquerette officinale. Plafond bas, front bas. Masse de manoeuvre à la rigueur, main d'oeuvre occasionnelle sans doute. Mais action politique ? Que nenni !

 

Les faits, maintenant. Vous voulez vraiment que je vous dise ? Je ne peux certes que déplorer la mort de Clément Méric, mais à la place de ses parents, professeurs de droit dans une université bretonne, je n’aurais à l’esprit et à la bouche que cette question de Géronte à Scapin dans la pièce qui met en scène les « fourberies » de ce dernier : « Que diable allait-il faire dans cette galère ? ». Vu son âge, peut-être ce qu’il a fait en adhérant aux « antifa » s’apparente-t-il à ce qu’on appelait, dans les autrefois, « jeter sa gourme », dans la série « ma première biture », « ma première pute », « ma première vérole » ? Allez savoir.

 

Quelle idée, aussi, d’aller se fourrer dans les pattes d’un groupe intitulé « antifa » ? Dialogue : « Qu’est-ce que vous faites dans la vie ? – Antifa. – Ah, antifa, c’est intéressant, et ça rapporte ? – Des gnons. – Il n’y a pas de sot métier. A voir votre visage convenablement tuméfié, c'est un métier seyant et bien porté ».

 

Le problème, quand on se déclare « antifasciste », c’est qu’on a besoin du « fasciste » pour exister, autant que les Capulet ont besoin des Montaigu (et inversement) dans Roméo et Juliette, et que les Sharks ont besoin des Jets (et inversement) dans West Side story. L'un engendre l'autre, et vice-versa, comme le pôle positif de l'aimant a besoin du pôle négatif. Ils ne seraient rien si l'autre n'existait pas.

 

J'imagine que c'est l'existence de groupes tels que 3ème Voie, JNR et autres Bloc identitaire qui a suscité la création d'Antifa, mais franchement, est-ce que quiconque de sensé peut se définir "anti" ? Qu'est-ce donc que ce programme, dont la seule raison d'exister est de lutter contre ? Si c'est tout ce qu'ils ont à proposer, c'est donc qu'ils souffrent juste d'une démangeaison, peut-être d'une allergie. Ils devraient aller se faire gratter. Une réaction allergique, certainement pas une action politique (je me répète).

 

Quant aux « fascistes », j’avoue que ma documentation personnelle est trop pauvre pour en dire quoi que ce soit de sensé. Il m’est plus souvent arrivé de croiser la route de leurs adversaires antifa, sans doute parce que leur IBM (Indice de Bruit Médiatique) est plus élevé, pour cause de propagande mieux relayée, sous des noms divers (anarcho-autonomes et autres petites bières) dans les radios et télévisions, même si Serge Ayoub a réussi à projeter en peu de temps son groupe sur le devant de la scène, et de façon spectaculaire. C’est vrai que le logo adopté pour décorer son bar associatif laisse deviner quelles curieuses références historiques ont ses préférences. 

AYOUB SERGE 2.jpg

DES AMOUREUX DE LA NATION FRANÇAISE, VRAIMENT ? LAISSEZ-MOI RIRE ! S'ILS N'ETAIENT PAS DES DEMI-PORTIONS DE NAZIS EN MIE DE PAIN, ILS L'AURAIENT GAMMÉE EN ENTIER, LEUR CROIX ! LÀ, ILS SONT OBLIGÉS DE RECOURIR A DES SUBTERFUGES POUR LA DISSIMULER, LEUR CROIX GAMMEE. ILS BIAISENT, QUOI, SANS DOUTE POUR FAIRE CROIRE QU'ILS SONT RUSÉS.

MÊME PAS CAP' D'ÊTRE DES PATRIOTES, DES VRAIS ! PENDANT LA GUERRE, ILS SE SERAIENT ENGAGÉS DANS LA LVF, LA CHARMANTE ET MOINS PETAINISTE QUE NAZI LEGION DES VOLONTAIRES FRANÇAIS CONTRE LE BOLCHEVISME. DES COSMOPOLITES, QUOI.

***

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

mardi, 05 mars 2013

LA VENGEANCE D'ALCESTE

 

MONSTRE FREAKS.jpg

LE PORTRAIT DE FAMILLE DES "FREAKS" DE TOD BROWNING (1932)

(film où les monstres ne sont pas ceux qu'on croit)

 

***

Ce n’est pas pour me vanter, mais j'ai vu un film. Cela ne m’était plus arrivé depuis longtemps. Des années. Ce film – et rien que ça constituerait un signe d'excellence – a été simplement démoli, descendu, assassiné en bonne et due forme à l’émission Le Masque et la plume. Malheureusement pour les Trissotin(s) qui, se prenant pour des "critiques", bavassent leurs humeurs plus ou moins vaguement informées à longueur de dimanche soir, je l’avais déjà vu, le film. Formidable. Le titre ? Simplement formidable : Alceste à bicyclette.

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C'EST FL QUI A LE VELO SANS FREINS

Il est bien probable que tous ces béotiens masqués et emplumés (Garcin, Ciment, Neuhof, Heyman, Lalanne, Riou et tutti quanti) ont voulu régler son compte à un individu en particulier, j’ai nommé Fabrice Luchini. Et c’est vrai que, entendant ce dernier dans le Rien à cirer de Laurent Ruquier (dit « le père Ruquier », that’s a joke, hi hi !), ou dans Le Fou du roi qui lui a succédé, du pathétique Stéphane Bern, j’ai souvent trouvé Luchini totalement insupportable. Je suis allé voir quelques Youtube  plus récents : s’il a mis de l’eau dans son vin, je veux dire, s’il a tant soit peu guéri de son hystérie et de sa mégalomanie aiguës, il en a encore en réserve, au cas où.

 

C’est entendu : Fabrice Luchini est insupportable. Quand il est en personnalité interviewée. En vedette, si vous voulez. En bouffon batteur d’estrade. Il ne rechigne certes pas à « faire le job » quand on lui demande. Pourquoi pas ? Une façon de consentir à jouer le jeu que les « animateurs » (Alessandra Sublet, ...) de plateau lui demandent de jouer parce que ça dope leur audience.

 

Il est cependant capable d’aller parler avec une pertinence évidente et forte de La Fontaine chez Alain Finkielkraut le samedi matin et de ne pas faire trop d’ombre au poète en le couvrant d’un moi envahissant. Et quand il récite (La Fontaine, Céline, …), alors là, pardon, je m’incline. Total respect.

 

Aucun autre acteur français n’est capable de cela, même Jean-Louis Trintignant, quand il s’y met (Prévert, Vian, Desnos). On n’est pas à la même altitude. Et puis le très sérieux Trintignant est démuni de cette mandibule gourmande et jubilatoire dont Luchini mâche ses moindres intonations. Son affaire, à Trintignant, c’est le ton « pénétré », celui qui fait merveille dans le sérieux, le grave et le tragique. Le rôle du Grand Inquisiteur des Karamazov de Dostoïevsti lui irait à merveille. Trintignant aurait du mal s'il voulait faire croire qu'il lui est arrivé de jouir. On ne parle bien que de ce qu'on sait.

 

Alors Alceste ? Je ne vais pas résumer le film : juste ce qu’il m’en reste. Et d’abord, une impression extraordinaire de justesse. Ce film est une merveille d'équilibre. A part le gag vraiment « téléphoné » du vélo sans freins qui plonge dans l’eau, une fois avec Lambert Wilson, la deuxième avec Luchini, tout est dosé, mesuré. J’ajoute le gag forcé de Lambert Wilson dans le jacuzzi. A part, donc, quelques petites choses, tout est juste. Philippe Le Guay (réalisateur) appuie toujours exactement ce qu’il faut pour faire sentir, pour suggérer, sans jamais pousser du côté de la démonstration ou de la caricature.

 

Bon, tout le monde a lu de quoi est fait le fil qui tient le film : une petite vedette de télévision (LW) déboule à l’île de Ré pour faire sortir de sa tanière un ours théâtral (FL) retiré des tréteaux depuis plusieurs années. Son intention est de frapper un grand coup sur une grande scène parisienne et de donner à sa carrière un formidable coup d’accélérateur, en se servant de la réputation de cette ancienne gloire du théâtre, à qui il est arrivé des mésaventures et qui a pris en grippe le milieu parisien.

 

LW loge d’abord à proximité de FL, dans un petit hôtel où la patronne est à sa dévotion, et où sa fille est présentée comme « actrice de cinéma », mais actrice porno. Elle est fiancée, elle a vingt ans, son fiancé la suit sur les tournages, et LW, après avoir discuté avec elle, raconte à FL qu’elle assume bien tout ça, même si elle avoue que « c’est difficile, une double péné à huit heures du matin ».

 

Les compères lui proposent de faire un bout d’essai en Célimène (Acte III, sc. 4, je crois). Ayant commencé la lecture en véritable gourde, elle s’améliore, entre dans le rôle, semble comprendre le texte, devient sensuelle, au point qu’à la fin, tous deux s’écrient : « C’est bien ! ».

 

Le film tourne autour de l’Acte I, scène 1 : Alceste et Philinte. Tout le monde sait sans doute que le « deal », c’est d’échanger les rôles, en jouant à pile ou face. Les répétitions commencent, détaillées d’abord, puis, vers la fin, en accéléré. Tout semble aller pour le mieux : LW et FL commentent, parfois avec humeur, leurs prestations mutuelles.

 

Juste un détail : LW en Alceste, au vers 114, répliquant à FL en Philinte qui dit : « Vous voulez un grand mal à la nature humaine ! », se trompe toujours : « Oui, j’ai conçu pour elle une indicible haine », alors que le texte porte « effroyable », et FL a beau le corriger, il persiste. Erreur fatale.

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Je passe sur les péripéties secondaires : l’irruption d’une belle Italienne vers laquelle FL se sent attiré, mais qui se fait sauter par LW ; le prêt à celui-ci d’une belle maison par une amie parisienne ; le cassage de gueule de LW par un habitant du village sur le marché (pour je ne sais plus quelle arrogance) ; la séquence du générique du feuilleton, caricature tout à fait irrésistible de la TV, qui a rendu LW "célèbre".

 

Arrivent les scènes finales. Petite sauterie entre amis parisiens dans la belle maison de LW, champagne, mondanités, courbettes. Pendant ce temps, on voit FL en grand costume d’Alceste, y compris le chapeau à grande plume, qui arrive à vélo par la route de la côte. La scène est spectaculaire. Déboulant au milieu de la sauterie, il rompt l’arrangement : c’est lui et lui seul qui jouera Alceste. Désaccord de Wilson, à qui Luchini balance une allusion à son aventure avec l’Italienne, au grand dam de sa copine du moment, et de l'assemblée.  

 

Plus rien ne reste du contrat. Le film finit sur deux paysages : LW monte sur les planches du théâtre en Alceste. Au beau milieu de la scène, il articule distinctement : « une indicible haine », puis il se frappe le front en disant : « Non, c’est pas ça ! "Effrayante" ? ».

 

Paralysé, il tombe dans le trou magistral du rôle que le seul FL aurait mérité de jouer. Elle est là, la vengeance d'Alceste. Clap de fin. Pendant ce temps, retourné à sa plage déserte et à sa solitude, FL mastique pour lui-même : « Oui, j'ai conçu pour elle une effroyable haine ». Le vainqueur du combat ? Je vous le donne en cent, il s'appelle :

 

MOLIÈRE.

 

Un beau moment de cinéma. Un film intelligent et subtil.

 

Monsieur Luchini, monsieur Le Guay, merci pour tout.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

lundi, 06 août 2012

QUOI DE NOUVEAU DANS LES NOUVELLES ?

Le soleil est revenu, hier matin. Du coup, il a fait chaud. Très chaud. Est-ce que ce sera bon pour la vigne ? Parlons de la SYRIE.

 

 

Je n’aimerais pas vivre en Syrie en ce moment. Les plages sont polluées et il y fait beaucoup trop chaud. Rendez-vous compte, 40 ° l’après-midi. Et puis le sable y est de qualité assez moyenne. Et puis la clim de l’hôtel marche seulement quand elle l’a décidé. Et puis le champagne qu’on y sert est d’origine douteuse, je veux dire chinoise. Et puis ils ne savent pas ce que ça veut dire, servir frais. L’Iran a bien essayé de remédier au problème, mais leur produit ne contenait ni alcool ni bulles.

 

 

Pour tout dire, leur ruse a été vite éventée : ils prétendaient faire rentrer des devises en recyclant la pisse de leurs chameaux. Mais y a-t-il seulement des chameaux en Iran ? C’était peut-être de l’huile de vidange passée en centrifugeuse, il paraît qu’ils en ont beaucoup là-bas, des centrifugeuses. Et puis, dans les hôtels syriens, le personnel, très courtois et stylé au demeurant, n’est pas formé correctement. Pensez donc, accomplir son service sans gants blancs. A croire qu’ils préfèrent se salir les mains à des besognes inavouables.

 

 

Et puis, en Syrie, l’hygiène corporelle laisse à désirer. Bon, je comprends bien leur souci d’économiser l’eau, mais ça finit par sentir la chair en décomposition, ce qui n’est pas bon pour le tourisme. On ne peut rien contre l’odeur de cadavre, sous ces latitudes.

 

 

Bon, j’arrête. Ce n’est pas que ça n’aurait pas été amusant. J’aurais mis BACHAR EL ASSAD en maître-nageur implacable d’une piscine olympique remplie d’une eau vaguement rougie, et ajustant à la kalachnikov le premier qui se laisserait aller à pisser dans l’eau. Et puis je me suis dit que ça devenait laborieux, lourd, voire fâcheux. Au sens de MOLIERE. Pourtant, l’humour noir, je suis à fond pour.

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IL EST PAS MIMI, EN MAÎTRE-NAGEUR ?

 

L’humour noir, c’est un souverain antidote au poison sentimentaliste, à la dégoulinade humanitaire, au grand épanchement douloureux étalé par tous ceux qui sont, pour leur bonheur et leur sécurité, très loin de ce qui s’appelle un « champ de bataille ». Tous ceux qui peuvent donc éprouver des « bons sentiments », et surtout le faire savoir. Et tout ce qui est antidote, surtout pour la tête, je suis pour : ce n'est pas pour rien que j'ai baptisé ce blog ALEXIPHARMAQUE. Contrepoison, si vous préférez. Contre tous ceux qui proclament : « Voyez comme je suis bon ! ».

 

 

Rappelons-nous ce que LOUIS-FERDINAND CÉLINE découvrit à Paris, en décembre 1914, hospitalisé au Val-de-Grâce après les deux graves blessures reçues à Poelkapelle (une balle ricochante (= avec ébarbures de plomb) et un éclat d’obus non loin du rocher, autrement appelée partie pétreuse de l’os temporal) : l’insouciance, la veulerie et le mépris de « l’arrière » et des « planqués » pour la mort de ceux qui étaient au front. On peut dire que ça lui a ouvert les écoutilles.

 

 

Les apitoiements de toutes les bonnes âmes sur les victimes civiles de la guerre de Syrie, sont le meilleur moyen de ne rien comprendre à ce qui se passe en réalité. Franchement, dans le monde, qui est prêt à se déclarer, à froid, partisan de la guerre et adversaire de la paix ? Tout le monde est d’accord pour que le sang ne coule pas. Tout le monde est pour la paix. TOUT LE MONDE EST POUR LA PAIX.

 

 

Seulement voilà, le sang coule quand même. Acroire qu'il ne peut pas s'empêcher. Je serais à la place des grands sentiments humanitaires, je serais profondément vexé, et j’annoncerais à grands renforts de trompettes que, pour punir les couleurs de sang (couleurs = ceux qui le font couler, ndlr), je me lance dans une grande BOUDERIE. Ils seraient tous bien attrapés, comme dirait le petit Nicolas, de SEMPÉ et GOSCINNY. Et que je ne cesserai que quand, … que lorsque, … que si … Et voilà tout. C’est vrai, il faut savoir leur parler, aux dictateurs.

 

 

La vérité ? Je ne la connais certes pas, mais je me dis que si le sang continue à couler malgré les bouderies de vierge effarouchée de KOFI ANNAN et de l'ONU (je suis injuste : on ne peut raisonnablement en vouloir à un combattant qu’on envoie au combat avec des menottes aux mains, rappelons-nous Srebrenica, et l’interdiction faite aux casques bleus de s’opposer par la force aux troupes fanatisées de RATKO MLADIC), c’est bien que des volontés (et des stratégies) extrêmement puissantes sont en train de s’affronter sur le terrain syrien, et que le vulgum pecus dont je fais partie en est réduit au rôle de spectateur paralytique.

 

 

Et ça, je ne peux plus. Je ne peux plus jouer ce rôle du « saule pleureur de victimes innocentes ». Trop c’est trop. Trop de victimes. Je ne peux plus m’apitoyer. Personne ne peut m’obliger à passer ma vie à pleurer sur le sort des victimes. Devant ma radio ou ma télévision. En tant qu’individu individuel, je ne peux que proclamer fièrement mon incapacité à agir sur les événements qui font l’histoire, et ma fierté à me proclamer « spectateur 100 % pur gros porc ». A ma grande honte. Mais, à la réflexion, la honte se dissipe.

 

 

D’ailleurs, franchement, le feuilleton syrien me saoule au point que j’ai décidé de quitter la salle de projection avant la fin. Je suis désolé pour vous qui mourez, vous qui souffrez, vous qui êtes torturés à mort, vous qui avez perdu un fils, une jambe ou la tête. Je ne peux strictement rien pour vous. Toute cette affaire n’est pas de mon ressort. Je ne suis pas décideur. Elle ne me concerne donc pas. Du ressort de quel citoyen de base est-elle, d’ailleurs ? L’ « opinion publique » ? Laissez-moi rire. C’est bon pour l’Orphée aux Enfers d’OFFENBACH, une œuvre qui va gaillardement sur ses 160 ans :

 

« Qui je suis ? Du théâtre antique

J’ai perfectionné le chœur ;

Je suis l’Opinion Publique,

Un personnage symbolique,

Ce qu’on appelle un raisonneur.

Le chœur antique en confidence

Se chargeait d’expliquer aux gens

Ce qu’ils avaient compris d’avance

Quand ils étaient intelligents.

Moi je fais mieux, j’agis moi-même,

Et, prenant part à l’action,

De la palme ou de l’anathème

Je fais la distribution. »

 

 

En gros, OFFENBACH a mis sur la scène cette voix de mazzo-soprano pour qu'elle figure l'énorme BLA-BLA ambiant. L’opinion publique n'existe pas. C'est un bruit de fond. Ce sont les journaux, les radios, les télévisions qui la font, l’opinion publique. A la limite, les journaux, les radios et les télévisions (ajoutons internet), je leur en veux de me mettre ce spectacle sous les yeux et les oreilles. De me l’imposer, leur opinion publique.

 

 

 

Qu’est-ce que ce bourrage de crâne peut finir par créer dans le dit crâne ? C'est fait pour terrasser de terreur. Je vais vous dire : c'est fait pour inspirer la peur, la culpabilité, la certitude de l’impuissance devant le réel que d’autres nous façonnent à leur gré. Et pour finir, la soumission à je ne sais quelle fatalité.

 

 

Je vois bien ce qui risque d’arriver, avec l’histoire syrienne : chaos, islamisme, guerre totale, vu le nombre de pays importants impliqués dans l’affaire, mais je vais vous dire : comme je n’y peux rien, j’estime avoir le droit, que dis-je, j’estime avoir le DEVOIR DE M’EN FOUTRE. Expliquez-moi à tire-larigot que l’ordre du monde se joue là, et pas ailleurs.

 

 

Que ce qui est imposé aux Syriens est terrible. Eh bien je vais vous dire, l’ordre du monde, JE LE COMPISSE, JE LE CONCHIE. A quoi ressemblerait le monde, aujourd'hui, si SARKOZY n'avait pas envoyé ses Rafales sur Benghazi ? Qu'est-ce qui peut m'obliger, moi, citoyen basique, à ne pas supporter les morts d'ailleurs ? En quoi il me concerne, franchement, l'ordre du monde ?

 

 

Pour une raison qui n’est peut-être pas excellente : pendant que la caméra mondiale est braquée en permanence sur la Syrie, il n’y a plus personne pour regarder les violences en Somalie, le viol industriel qui règne au nord-ouest de la République Démocratique du Congo, les violences au Sud-Soudan, j’arrête là. Quel être raisonnable aurait la prétention de croire qu'on peut faire régner l'ordre et la paix sur notre planète ?

 

 

Ce qui m’étonne, c’est que les foules spectatrices soient toujours convaincues, qu’il est possible de sauver les autres (« Mais faites quelque chose ! », entend-on depuis les débuts de cette autre atrocité que constitue l'action humanitaire). Donc qu’il faut les sauver. Comme SARKOZY qui, en déclenchant la foudre contre KHADAFI, a réussi à déstabiliser gravement tous les pays de la région sahélienne. Là encore, je ne peux que conspuer cette maxime chère à ma tante A. (voir hier) : « Quand on veut, on peut ».

 

 

Vous comprenez pourquoi je me suis tourné vers la ’pataphysique ? C’est parce que

PATAPHYSIQUE COLLEGE.jpg

Voilà ce que je dis, moi.