lundi, 20 juin 2016
VOUS AVEZ DU FEU ?
UN CAS EXTRÊME DE TABAGISME ? ... OU UN INSTANT DE GRÂCE ?
Une performance ? Un exploit ? Ou alors la vie ordinaire ?
Cet homme, qu'on voit dans Freaks, film de Tod Browning (1932), s'appelle Prince Randian. La séquence dure 39".
La même, mais en 2'23", pour voir aussi quelques compagnons de Prince Randian dans le cirque.
Et pour les mordus, le film complet (64'17"), mais c'est sur Dailymotion.
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mardi, 05 mars 2013
LA VENGEANCE D'ALCESTE
LE PORTRAIT DE FAMILLE DES "FREAKS" DE TOD BROWNING (1932)
(film où les monstres ne sont pas ceux qu'on croit)
***
Ce n’est pas pour me vanter, mais j'ai vu un film. Cela ne m’était plus arrivé depuis longtemps. Des années. Ce film – et rien que ça constituerait un signe d'excellence – a été simplement démoli, descendu, assassiné en bonne et due forme à l’émission Le Masque et la plume. Malheureusement pour les Trissotin(s) qui, se prenant pour des "critiques", bavassent leurs humeurs plus ou moins vaguement informées à longueur de dimanche soir, je l’avais déjà vu, le film. Formidable. Le titre ? Simplement formidable : Alceste à bicyclette.
C'EST FL QUI A LE VELO SANS FREINS
Il est bien probable que tous ces béotiens masqués et emplumés (Garcin, Ciment, Neuhof, Heyman, Lalanne, Riou et tutti quanti) ont voulu régler son compte à un individu en particulier, j’ai nommé Fabrice Luchini. Et c’est vrai que, entendant ce dernier dans le Rien à cirer de Laurent Ruquier (dit « le père Ruquier », that’s a joke, hi hi !), ou dans Le Fou du roi qui lui a succédé, du pathétique Stéphane Bern, j’ai souvent trouvé Luchini totalement insupportable. Je suis allé voir quelques Youtube plus récents : s’il a mis de l’eau dans son vin, je veux dire, s’il a tant soit peu guéri de son hystérie et de sa mégalomanie aiguës, il en a encore en réserve, au cas où.
C’est entendu : Fabrice Luchini est insupportable. Quand il est en personnalité interviewée. En vedette, si vous voulez. En bouffon batteur d’estrade. Il ne rechigne certes pas à « faire le job » quand on lui demande. Pourquoi pas ? Une façon de consentir à jouer le jeu que les « animateurs » (Alessandra Sublet, ...) de plateau lui demandent de jouer parce que ça dope leur audience.
Il est cependant capable d’aller parler avec une pertinence évidente et forte de La Fontaine chez Alain Finkielkraut le samedi matin et de ne pas faire trop d’ombre au poète en le couvrant d’un moi envahissant. Et quand il récite (La Fontaine, Céline, …), alors là, pardon, je m’incline. Total respect.
Aucun autre acteur français n’est capable de cela, même Jean-Louis Trintignant, quand il s’y met (Prévert, Vian, Desnos). On n’est pas à la même altitude. Et puis le très sérieux Trintignant est démuni de cette mandibule gourmande et jubilatoire dont Luchini mâche ses moindres intonations. Son affaire, à Trintignant, c’est le ton « pénétré », celui qui fait merveille dans le sérieux, le grave et le tragique. Le rôle du Grand Inquisiteur des Karamazov de Dostoïevsti lui irait à merveille. Trintignant aurait du mal s'il voulait faire croire qu'il lui est arrivé de jouir. On ne parle bien que de ce qu'on sait.
Alors Alceste ? Je ne vais pas résumer le film : juste ce qu’il m’en reste. Et d’abord, une impression extraordinaire de justesse. Ce film est une merveille d'équilibre. A part le gag vraiment « téléphoné » du vélo sans freins qui plonge dans l’eau, une fois avec Lambert Wilson, la deuxième avec Luchini, tout est dosé, mesuré. J’ajoute le gag forcé de Lambert Wilson dans le jacuzzi. A part, donc, quelques petites choses, tout est juste. Philippe Le Guay (réalisateur) appuie toujours exactement ce qu’il faut pour faire sentir, pour suggérer, sans jamais pousser du côté de la démonstration ou de la caricature.
Bon, tout le monde a lu de quoi est fait le fil qui tient le film : une petite vedette de télévision (LW) déboule à l’île de Ré pour faire sortir de sa tanière un ours théâtral (FL) retiré des tréteaux depuis plusieurs années. Son intention est de frapper un grand coup sur une grande scène parisienne et de donner à sa carrière un formidable coup d’accélérateur, en se servant de la réputation de cette ancienne gloire du théâtre, à qui il est arrivé des mésaventures et qui a pris en grippe le milieu parisien.
LW loge d’abord à proximité de FL, dans un petit hôtel où la patronne est à sa dévotion, et où sa fille est présentée comme « actrice de cinéma », mais actrice porno. Elle est fiancée, elle a vingt ans, son fiancé la suit sur les tournages, et LW, après avoir discuté avec elle, raconte à FL qu’elle assume bien tout ça, même si elle avoue que « c’est difficile, une double péné à huit heures du matin ».
Les compères lui proposent de faire un bout d’essai en Célimène (Acte III, sc. 4, je crois). Ayant commencé la lecture en véritable gourde, elle s’améliore, entre dans le rôle, semble comprendre le texte, devient sensuelle, au point qu’à la fin, tous deux s’écrient : « C’est bien ! ».
Le film tourne autour de l’Acte I, scène 1 : Alceste et Philinte. Tout le monde sait sans doute que le « deal », c’est d’échanger les rôles, en jouant à pile ou face. Les répétitions commencent, détaillées d’abord, puis, vers la fin, en accéléré. Tout semble aller pour le mieux : LW et FL commentent, parfois avec humeur, leurs prestations mutuelles.
Juste un détail : LW en Alceste, au vers 114, répliquant à FL en Philinte qui dit : « Vous voulez un grand mal à la nature humaine ! », se trompe toujours : « Oui, j’ai conçu pour elle une indicible haine », alors que le texte porte « effroyable », et FL a beau le corriger, il persiste. Erreur fatale.
Je passe sur les péripéties secondaires : l’irruption d’une belle Italienne vers laquelle FL se sent attiré, mais qui se fait sauter par LW ; le prêt à celui-ci d’une belle maison par une amie parisienne ; le cassage de gueule de LW par un habitant du village sur le marché (pour je ne sais plus quelle arrogance) ; la séquence du générique du feuilleton, caricature tout à fait irrésistible de la TV, qui a rendu LW "célèbre".
Arrivent les scènes finales. Petite sauterie entre amis parisiens dans la belle maison de LW, champagne, mondanités, courbettes. Pendant ce temps, on voit FL en grand costume d’Alceste, y compris le chapeau à grande plume, qui arrive à vélo par la route de la côte. La scène est spectaculaire. Déboulant au milieu de la sauterie, il rompt l’arrangement : c’est lui et lui seul qui jouera Alceste. Désaccord de Wilson, à qui Luchini balance une allusion à son aventure avec l’Italienne, au grand dam de sa copine du moment, et de l'assemblée.
Plus rien ne reste du contrat. Le film finit sur deux paysages : LW monte sur les planches du théâtre en Alceste. Au beau milieu de la scène, il articule distinctement : « une indicible haine », puis il se frappe le front en disant : « Non, c’est pas ça ! "Effrayante" ? ».
Paralysé, il tombe dans le trou magistral du rôle que le seul FL aurait mérité de jouer. Elle est là, la vengeance d'Alceste. Clap de fin. Pendant ce temps, retourné à sa plage déserte et à sa solitude, FL mastique pour lui-même : « Oui, j'ai conçu pour elle une effroyable haine ». Le vainqueur du combat ? Je vous le donne en cent, il s'appelle :
MOLIÈRE.
Un beau moment de cinéma. Un film intelligent et subtil.
Monsieur Luchini, monsieur Le Guay, merci pour tout.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photographie, culture, littérature, cinéma, le misanthrope, molière, freaks, monstres, tod browning, le masque et la plume, jérôme garcin, alceste à bicyclette, fabrice luchini, lambert wilson, philippe le guay, rien à cirer, laurent ruquier, le fou du roi, stéphane bern, la fontaine, alain finkielkraut, jean-louis trintignant, île de ré, théâtre, critique cinéma, michel ciment, éric neuhof, michèle heyman, lalanne
dimanche, 03 mars 2013
LE DERNIER PHILEMON DE FRED ?
PRINCE RANDIAN, L'HOMME DEPOURVU DE MEMBRES, EN TRAIN DE SE RASER
(dans "FREAKS" de Tod Browning, il faut l'avoir vu allumer tout seul sa cigarette : spectaculaire)
***
Grand lecteur en mon temps des hebdos (mais pas fessiers) Tintin, Spirou, puis Pilote, j’ai longtemps biberonné de la bande dessinée en même temps que je me mettais à la littérature d’aventures (Le Capitaine Corcoran, d’Alfred Assollant, Par Dix mètres de fond, par X, Les Trois Mousquetaires, par qui vous savez …). Parmi les « héros » de Tintin, j’ai suivi la série de François Craenhals, Chevalier Ardent, héros pour pré-ados, valeureux, loyal et amoureux de la princesse Gwendoline, et tout et tout.
Le dernier que j’ai acheté est paru en 2001. Intitulé Les Murs qui saignent, il exprime, de la part de l’auteur de la série, un sentiment d'amertume désabusée. Il raconte l’agonie de la toute-puissance d’un roi despotique et autoritaire et le surgissement soudain dans le présent d’épisodes anciens de son existence, qui viennent ternir d’un seul coup son prestige, par la révélation de traîtrises et d’abus qui lui avaient permis d’arriver au pouvoir.
ARDENT DE ROUGECOGNE ET LE ROI ARTUS
Cette fin affolée d’un roi vieillissant qui voit surgir des cauchemars si longtemps enfouis, et qui soudain n’est plus que l’ombre de lui-même, alors que, la veille, il terrorisait encore, recèle une force de signification. Le mythe d’une existence glorieuse s’effondre. Cette histoire a quelque chose de poignant, de pathétique. Et pour tout dire : de crépusculaire. Trois ans après la parution, François Craenhals mourait. C’était en 2004.
LA PRINCESSE GWENDOLINE ET SON PÈRE LE ROI
J’y pense en ce moment, parce que je viens d’acheter le 16ème Philémon, du nom du héros de la série, comme de juste. Celui-ci s'intitule Le Train où vont les choses ... Un album tout aussi crépusculaire, et même davantage. La série est écrite et dessinée par Fred, et placée sous le signe de la poésie, du rêve et de la fantaisie à un degré aigu.
Pensez, la série est inaugurée dans Pilote en 1965 : sur l’ordre de son père, Philémon doit aller puiser de l’eau au puits familial, parce que la pompe à bras est détraquée. Le puits est désaffecté (on voit d’énormes toiles d’araignées) ? Je ne veux pas le savoir ! Vas-y !
Philémon obtempère. Dans le seau, il remonte une bouteille vide. Vide ? Non : sur le papier enroulé, il lit : « Au secours ». Ne voyant rien au fond du puits, il s’éloigne, mais entend soudain un « Plouf ! » caractéristique : une nouvelle bouteille ! Cette fois, le papier porte : « A l’aide ! Ne m’abandonnez pas ! ». Au moment où il descend carrément dans le puits, une troisième bouteille, comme venue du fond : il tombe et coule, entraîné vers on se sait quel abysse.
Il manque d’air, il étouffe. Va-t-il se noyer ? Non. Il se réveille sur une plage de sable, voit qu’il a deux ombres : c’est normal, il y a deux soleils. Soudain, une horloge sans aiguilles sort de terre, dont le mécanisme, une fois mûr, explose. Croyant retrouver son âne Anatole, il vexe le centaure (qui s’appelle Vendredi, qui, tous les dimanches, est pris d’un fou-rire, comme le veut le proverbe) en lui claquant les fesses.
Puis Philémon tombe dans un puits, un des innombrables que, pour sortir de là, a creusés Barthélémy (en costume de Robinson traditionnel), le puisatier de la légende villageoise, mystérieusement disparu quarante ans auparavant, et qui jette désespérément des bouteilles à la mer (avec des messages), cueillies mûres sur l’arbre à bouteilles, et qui aboutissent au fond du puits désaffecté dans lequel il était tombé.
Il explique à Philémon qu’ils se trouvent sur une île, mais pas n’importe quelle île : le A. Le A ? Oui, sur les cartes du monde, c’est le premier A d’ATLANTIQUE : « Car j’ai aperçu le T et je sais que plus loin il y a le L ». Autrement dit, une île de papier, mais sur laquelle la vie grouille aussi bien que dans la réalité.
Pour vous dire, la pauvre cabane construite par Barthélémy n'a pas cessé de "pousser", elle est devenue, quarante ans après, un immense, splendide, luxueux et royal palais. Aucun doute : ils sont sur la lettre A écrite pour indiquer « Océan Atlantique » sur la carte.
LÀ, C'EST PLUS TARD, DANS "SIMBABBAD DE BATBAD" (vol. 5)
ILS SONT SUR LE ROND DE FUMÉE SOUFFLÉ PAR SIMBABBAD, QUI LEUR PERMETTRA (D'UN COUP DE LORGNETTE) DE REVENIR DANS LA REALITÉ PAR LE BIAIS DE LA PIPE D'ONCLE FELICIEN
Bon, pas besoin d’insister : ce début du premier album suffit pour caractériser l’imaginaire dans lequel vous embarque Frédéric Othon Théodore Aristidès, dit « Fred », que sa moustache fait ressembler à l’aviateur Blériot (gag récurrent dans l’hebdomadaire Pilote).
Voilà ce que je dis, moi.
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