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mercredi, 15 janvier 2020

2020 : VIVE LA CENSURE !

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POUR LE DROIT DE HEURTER TOUTES LES SENSIBILITÉS

La même déconvenue a touché Keira Drake, auteur américain de romans pour adolescents. Sa faute à elle ? « Dans un monde futuriste, une jeune femme se retrouvait prise au piège au milieu d’une guerre entre deux peuples ». Quand des extraits sont publiés, la furie embrase Twitter : « Raciste ! ». La description des deux peuples, trop « stéréotypée », fait de l’un des Amérindiens et de l’autre des Japonais. Finie la « belle peau bronzée », finie la « peau brun rougeâtre » : la dame accepte que son livre soit réécrit sous l’œil d’un « sensitivity reader ». Capitulation en rase campagne : elle « présente ses plus plates excuses ».

Tout ça se passe en Amérique, dira-t-on. Soit, mais les éditeurs français ont déjà pris le pli. Sigolène Vinson a écrit un livre où elle décrit un petit garçon de 12 ans, en s’efforçant de donner une existence concrète et sensible à son personnage. Le manuscrit lui revient avec dans la marge ce commentaire de l’éditrice : « Erotisation du corps d’un enfant ». Par les temps qui courent, c’est plutôt dangereux. 

Résultat ? Sigolène Vinson s’arrache méthodiquement les cheveux, « parce que je n’arrive pas à me résoudre à ne lui donner que deux bras, deux jambes ». Ce qu’elle voudrait, c’est décrire « ses pieds », « sa nuque, son odeur de sel, de sueur surtout ». L'odeur corporelle. Ni une silhouette, ni un schéma, ni un stéréotype : une vraie personne qui vit et qui respire, quoi.

Alors que fait l’écrivain ? « Mais voilà, j’efface de mon roman toute trace d’un désir que je n’ai pas pour les petits garçons. Ma confiance sapée, je m’interroge sur mes autres personnages. Ai-je le droit d’en avoir un gros alors que je ne le suis pas ? Une mère alors que je ne connais rien du bonheur ou de la souffrance d’en être une ? Un vieux alors que je suis encore jeune, heureusement plus pour très longtemps ? Un Algérien alors que je ne suis que la petite fille d’un porteur de valise du FLN ? ». Elle est là, la censure ! La censure, c'est ce que dessine le même Foolz (?) (voir hier et ci-dessous).

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Sigolène Vinson cite dans son article Manon Fargetton, qui écrit pour les adultes et la jeunesse : « Comment refléter le réel dans sa complexité. J’ai une vraie  envie de diversité dans mes romans. J’ai envie que des lecteurs s’y retrouvent, et en même temps, j’ai toujours peur de voler l’espace d’une communauté ou d’une autre. Et s’imposer des quotas n’aurait aucun sens ».

Vous vous rendez compte : « voler l’espace d’une communauté » ! Jusqu’où ira cette dégringolade de la qualité des relations sociales et des conditions de la vie en collectivité ? Dans quelle misère vivons-nous, quand un auteur se sent coupable parce qu'il se dit, en écrivant sa littérature, qu'il est en train de "voler l'espace d'une communauté" ? Pour les quotas, je suis entièrement d'accord : c'est absurde en toute circonstances, élections comprises (vous savez, "parité" obligatoire, "visibilité" des minorités, etc.).

Quel monde, quand l’auteur d’un ouvrage d’imagination se demande s’il a le droit d’imaginer ? Quand les auteurs d’œuvres littéraires craignent par-dessus tout de déplaire à telle ou telle catégorie de la population à laquelle ils ont oublié de penser ? Quand tous les gens normaux commencent à faire dans leur tête la liste de tous les gens dont il faut se garder de heurter la sensibilité ? La liste de tous ceux qui ont l’épiderme tellement sensible qu’à la moindre allusion dont ils peuvent se froisser, ils voient leur petite personne envahie par une urticaire narcissique géante ? La liste de tous ceux qui trouvent ça si insupportable qu’ils crient à l’assassin et appellent Police-Secours ?

C’est cela que Riss, dans son éditorial, dénonce, même s’il met des guillemets, c’est cela qu’il n’ose plus proférer sans guillemets, même si ça le démange : « "couille molle, enculé, pédé, connasse, poufiasse, salope, trou du cul, pine d’huître, sac à foutre" ». Hélas, Riss lui-même semble se garder de heurter de front ces épidermes ultrasensibles qui le dégoûtent. Trop dangereux, se dit-il peut-être. Il n’a pas tort de se méfier : le Code Pénal veille, grâce à la surveillance méticuleuse des "associations" féministes et des "associations" homosexuelles.

Le vrai Charlie, le grand Charlie se foutait pas mal de « heurter les sensibilités ». Il les piétinait, les sensibilités, et joyeusement, et férocement. C'est notre époque qui a inventé ce geste ridicule censé mettre des guillemets à ce que la personne qui parle est en train de dire. Vous l'imaginez, Cavanna, vous l'imaginez, Choron, en train de plier vite fait deux doigts de chaque main pour atténuer la brutalité des mots qu'ils éructaient ?

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Ça, c'est quand Sadate a rendu visite à Begin (1977), et c'est en "une". « Raciste ! », « Antisémite ! ».

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"Le journal qui n'a pas peur des bombes. Les Corses sont des cons ! " Il fallait oser, parce que ça pétait à l'époque (1975) !

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Un tel dessin (Wolinski, 1978) serait-il seulement possible aujourd'hui ?

Elle est là, la liberté ! Le grand Charlie balayait d’un revers de la moustache de Cavanna les foutaises du genre : « La liberté des uns s’arrête où commence celle des autres ». Quelle ineptie et quelle sottise !! Mais pauvre pomme, répliquerait Cavanna, tu ne vois pas que les gens, dans la vraie vie, n’arrêtent pas de se frotter aux autres ? De se griffer l'épiderme ? De se frictionner le pelage ? De se piétiner les godasses du matin au soir ? D’empiéter sur l’espace des autres et de voir violer leur propre espace aérien par des missiles envoyés par autrui ? De se jauger ? De s'épier ? De se juger les uns les autres ? Le quotidien, si on sort un peu de chez soi, ce n'est que heurts, cognements, attractions, répulsions, intersections, transactions, rencontres. Ce n'est rien d'autre que la vie.

La liberté d’expression est en train d’étouffer sous le poids de la sottise abyssale d’un crétinisme jaloux de ses prérogatives mortifères : le droit de chacun à vivre dans sa bulle, dans le cocon de l' « identité » sacralisée qu'il s'est tissée, sans que quiconque ose formuler le moindre propos qui effleure sa sensibilité particulière à rebrousse-poil. Le droit de chacun à vivre en chien montant une garde féroce devant son petit lopin. A vivre dans un monde où il règne, obligeant les autres à se rogner les griffes. Un monde où ils mordent quand les autres ont été contraints de se limer les dents. "Incitation à la haine en raison de ..." vous confisquera la parole.

Cavanna et Choron ? Ils passaient beaucoup de temps à se voler dans les plumes, à s'invectiver, à s'injurier, et tout ça fraternellement. Pour ça qu'ils se proclamaient « BÊTES ET MÉCHANTS ». Ils ne concevaient pas leur propre vie lisse et fluide, mais bourrée de rudesses et d'aspérités. Et bourrée de vitupérations, d'éclats de rire et d'une intense joie de vivre. Vous les imaginez, Cavanna et Choron, en éteignoirs ? En rabat-joie ? En employés des pompes funèbres ? En chœur des pleureuses ?

Dans cette exigence de "ne pas être heurté dans sa sensibilité", j'entends comme un caprice d'esthète, une commination d'Ancien Régime : « Manants, passez au large ! Du respect pour mon auguste personne, mille diables ! ». Dans cette conception fliquée de la vie en société, je vois des gens dont la vie se déroule selon des parallèles qui ne se rencontrent que provisoirement ou par l'effet d'un "clinamen" (potassez votre Lucrèce). C'est ça, une société ? Peut-être, mais c'est une société éteinte : encéphalogramme plat.

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Dessin de Fournier, Charlie Hebdo n°2, 30 novembre 1970.

La liberté d’expression est en train de crever de cette folle exigence des individus d’être bien à l'abri des interpellations, épargnés par le tumulte du monde et par les avis non autorisés que les autres (tous les autres) portent sur eux, leurs opinions, leurs façons de faire et de vivre. Autrement dit d’être épargnés par la liberté d’expression des autres (tous les autres). Le projet secret de toutes ces petites communautés qui portent plainte à la moindre « atteinte à leur dignité », c’est d’abord et avant tout de faire taire les avis divergents. Plus personne n'accepte d'être jugé par ses semblables, mais tout le monde s'érige en juge de ses semblables : « J'ai tous les droits ». Comme dit André Marcueil quelque part dans Le Surmâle : « Il faut du bruit pour les faire taire ! ».

Et le Charlie Hebdo du 7 janvier 2020 a beau écrire en grosses lettres sur son plastron « Nouvelles censures … Nouvelles dictatures », ce n’est pas Charlie Hebdo qui sauvera la liberté d’expression. Tout simplement parce que Charlie Hebdo n’ose pas (n'a plus les moyens de ?) poser des noms précis sur ces « nouvelles dictatures ». Cela m’écorche la bouche de le dire, mais c’est Nicolas Sarkozy qui, quand il était président, fustigeait la « dictature des minorités ». C'était Sarkozy, mais c'est lui qui avait raison.

Il ne s'agit pas de revendiquer le "Droit au Blasphème". Qui, en dehors des musulmans, se soucie du blasphème ? Il faut proclamer bien haut le droit imprescriptible de chacun à heurter toutes les sensibilités, à commencer par celle des « associations tyranniques » et des « minorités nombrilistes » (tout le monde a compris dans quelle direction porter son regard, mais chut !). Il faut maintenant penser très sérieusement à rédiger une

DÉCLARATION DU DROIT DE HEURTER TOUTES LES SENSIBILITÉS.

Y compris celle des handicapés, des mongoliens, des pains de sucre, des présidents de la république, des pédés, des yaourts aux fruits, des ministres, des juifs, des huîtres de Cancale, des gonzesses, des musulmans, des curés, des mémés, des tickets de métro usagés, des pépés, des mourants, des immigrés, des poulets aux hormones, des noirs, des SDF, des victimes d'attentats, des affamés du tiers-monde, des blocs opératoires, des noyés de la Méditerranée ... et des ratons laveurs.

Car si je vous disais tout ce qui heurte MA sensibilité, on serait encore là à Noël. Mais ça, tout le monde s'en fout.

Voilà ce que je dis, moi.

Note : comme hier, je me refuse, par compassion, à dire quoi que ce soit du travail des dessinateurs de l'actuel Charlie Hebdo. Mais franchement, qu'est-ce que c'est laid !