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mardi, 30 mai 2017

IL EST INTERDIT DE NOMMER

Je devrais me raisonner, penser à autre chose, me détendre, me divertir comme tout le monde, mais je n'arrive pas à m'y faire. Il y en a assez de ces discours qui, sous prétexte qu'on milite, les uns contre le racisme ou la xénophobie, les autres pour la tolérance ou le "droit à la différence", d'autres encore contre le sexisme ou l'homophobie (j'arrête là l'énumération des "causes à défendre"), répandent entre les individus le venin du soupçon généralisé, en même temps qu'ils font régner une sorte à la fois dure et molle de terreur intellectuelle à l'encontre de ceux qui ont le très grand tort de ne pas croire dans cette nouvelle religion punitive, de ne pas se lancer dans le même combat ou de ne pas défendre la seule cause qui vaille : celle des policiers de la pensée. Il est interdit de commenter le comportement et les discours des "minorités".

Pendant que se poursuivent tranquillement, méthodiquement, les destructions de toutes sortes, sous les coups de l'industrie, de la chimie, de l'économie financiarisée, de la compétition technologique forcenée, de la robotisation, de la privatisation de tout (en ce moment, c'est Véolia qui met la main sur la plage "familiale" de La Baule), etc. ; les mêmes bonnes âmes, qui ont forcément tout compris, qui savent donc forcément poser les questions essentielles et les problèmes cruciaux, et qui tiennent le haut du pavé médiatique (autrement dit qui tiennent solidement la machine à mouliner la propagande et l'air du temps), braquent leurs regards, surtout pas sur les causes des malheurs du monde, mais sur leurs seuls effets dans la société, je veux dire l'adorable nombril sociétal du "vivre-ensemble" et des "valeurs qui sont les nôtres" : elles sont donc à l'affût des moindres pets de travers et des plus petites infractions au Dogme, pour sceller la bouche de leurs méchants adversaires.

Car il est bien entendu qu'ils sont les Bons, qu'ils se tiennent sur l'Axe du Bien, et que, comme disait George W. Bush en son temps : « Ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous ». Tous les autres ont interdiction de dire quoi que ce soit : ils sont l'Axe du Mal, contre lequel ils sont partis en croisade (mais, contrairement à celui provoqué par Bush, le chaos qu'ils installent est dans les esprits, ce qui n'est pas mieux), et tous les moyens sont bons pour les faire taire. Le Code Pénal fourmille d'ailleurs, aujourd'hui, de tels moyens ad hoc, grâce à l'action de longue haleine d'une foule de gens discrets et adroits auprès de ceux qui font les lois, qui pensent acheter ainsi leur réélection.

Beaucoup de ces gens "bien intentionnés", qui ont, à les en croire, le cœur sur la main, ressortent, à la moindre occasion, cette phrase d'Albert Camus : « Mal nommer les choses, c'est ajouter aux malheurs du monde ». Mais ce sont les mêmes grandes âmes qui s'empressent de poser les scellés des interdits sur les mots, et sous peine de correctionnelle, dès qu'il s'agit de leur sacré à eux. 

Ma mauvaise humeur (c'est un euphémisme !) est motivée cette fois par un nouvelle preuve qui vient d'être donnée qu'il est interdit de toucher à certains tabous : une pétition a obtenu 20.000 signatures en peu de temps, par toutes les personnes qui ont quelque chose à voir ou à faire dans le quartier de La Chapelle à Paris (18°). Origine de l'affaire : les femmes et les filles qui passent dans le quartier en ont eu ras-le-bol des commentaires, des insultes, voire des gestes dont elles sont l'objet. Ce sont bien sûr presque exclusivement des hommes qui peuplent la rue. Je devrais dire : qui y stationnent.

Pour quelle raison, ces commentaires, insultes, etc. ? La tenue vestimentaire de la gent féminine passant à portée du regard des mâles présents. Les seules femmes qui ne risquent rien sont évidemment les plus couvertes, et si possible de la tête aux pieds. Quant aux autres, inutile de dire que plus elles donnent à voir de leur surface de peau, plus elles doivent s'attendre au pire. L'une d'entre elles raconte même, par temps de forte chaleur, que, pour être tranquille, elle préfère passer là vêtue d'un vaste pull en laine. Cela se passe dans le nord-est de Paris, capitale de la France.

Qui sont ces hommes ? Chut, il est interdit de le dire : les sentinelles vous écoutent. Car il est interdit de "stigmatiser" toute une "communauté". Bon, on a compris quand même. Au fait, comment s'appelle-t-il, l'auteur du livre Les Territoires perdus de la république, au point que des gens très sérieux en sont venus à parler de véritable "sécession" de toute cette partie de la population ? Quelque chose en France semble s'être définitivement rompu. Mais ce quelque chose, il est interdit de le nommer. Disons-le malgré tout : la mentalité et la culture arabo-musulmanes sont profondément sexistes, homophobes (voir la Tchétchénie ces derniers temps) et antisémites.

On se souvient de la Saint-Sylvestre 2016 sur la place de la gare de Cologne. L'étonnant de l'affaire avait été que les premières à se scandaliser de ce qui s'était passé étaient, presque naturellement, les féministes, mais bientôt combattues par les antiracistes, qui voyaient dans cette dénonciation une intolérable atteinte aux droits de l'homme. Je n'aurais pas voulu être dans la peau et dans le dilemme de celles qui étaient à la fois féministes et antiracistes.

On se souvient aussi du désormais défunt "ABCD de l'égalité" promu par la Sinistre de l'Education, qui devait apprendre à tous les enfants que les garçons doivent respecter les filles et ne pas se sentir supérieurs. A tous indistinctement, y compris à ceux qui en sont déjà convaincus du fait de l'éducation reçue, et quelle que soit leur origine sociale et culturelle. Inutile d'ajouter à quelle partie spécifique de la population était censé s'adresser ce message. La Sinistre de l'Education en question, c'est celle qui fut capable de clore une interview en lançant au journaliste un « inch Allah » décomplexé. 

Ce tabou qui scelle les bouches (sous peine de) sème et signifie la mort de quelque chose. Quoi exactement ? Difficile de mettre des mots là-dessus. En tout cas, c'est quelque chose d'important, et même de vital pour la vie en collectivité. « Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde ». C'est bien vrai, Albert. Mais que dirais-tu, aujourd'hui, du refus de nommer les choses pour ce qu'elles sont ? Et de ceux qui interdisent de les appeler par leur nom ?