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mercredi, 18 avril 2018

DES NOUVELLES D'ADOLF OGM

3 mai 2012

Un peu de douceur dans ce monde de brutes. Oh, ce n’est pas grand-chose, presque rien, mais on ne sait jamais : une hirondelle, après tout ne pourrait-elle pas faire, aussi, le printemps ? Un petit fait anodin ne pourrait-il pas, à son tour, annoncer un renversement de tendance ? De quoi s’agit-il ? Que s’est-il passé ? 

Ça se passe en Inde. Ça fait dix ans (seize aujourd'hui) que Monsieur Adolf OGM s’est installé avec tambours et trompettes dans les exploitations agricoles de l’Inde (Monsanto, BayerCropScience, …). Dix ans, ce n’est pas si mal, pour voir ce que ça donne sur la durée. Conclusion demain sur cette affaire où des paysans d'Andra Pradesh (Inde) ont, pour une fois, damé le pion à un géant de l'industrie OGM. 

 

[Bon, autant le dire tout de suite : la partie n'est pas gagnée pour autant. Loin de là. C'est même le contraire (j'écris 6 ans après). Les surfaces cultivées en OGM n'ont cessé de progresser. J'y vois une seule raison : au Brésil et ailleurs, ceux qui ont la maîtrise des surfaces cultivables savent trop les couilles en or qu'ils peuvent se faire en en faisant des surfaces "tout OGM". Ajouté le 18 avril 2018.]

 

J’ai fait passer dans ce blog quelques notes consacrées au sujet, dont une, très subtilement et très pertinemment (ben oui, quoi) intitulée : « Faut-il tuer Adolf Monsanto ? » (en 2011, désormais et malencontreusement effacée de ce blog, et j'ai la flemme de de la recopier). Avouez que c’était bien vu, quand même. Enfin, « c’est mon opinion, et je la partage », comme disent Dupont et Dupond, mais Hergé avait lu Les Mémoires de Monsieur Prudhomme, de Henri Monnier. 

 

Je ne veux surtout pas, et pour cause, entrer dans les aspects scientifiques du débat. J’ai pendant de longues années fait partie de jurys d’examen en « biotechnologie ». J’en ai gardé d’excellents souvenirs poétiques, d’une délicieuse poésie, hermétique pour moi, mais non sans un charme secret, qui émanait des travaux des candidats. La musique propre à cette langue enchante encore mon oreille : « hotte à flux laminaire », « boîte de Petri », « électrophorèse », « anticorps monoclonaux », « escherichia coli » (une saleté, ça, mais en latin !), et tant d’autres trouvailles harmonieuses, pour ne pas dire célestes. 

 

Mon propos était de montrer que le premier intérêt des firmes OGM n’est pas de faire progresser la qualité ou la quantité de la nourriture mondiale, ni même d’assurer la sécurité alimentaire future des pays pauvres, mais de faire prospérer des entreprises industrielles, dont le premier souci est de « générer » (je sais, ce n’est pas beau) des bénéfices – quelles que soient les conséquences, bien évidemment, pourvu que la machine crache du cash.

 

Et cela en mettant la patte griffue du propriétaire cupide sur une petite séquence des gènes contenus dans une semence, sous le prétexte que c'est dans son laboratoire à lui, propriétaire, que la séquence a été "inventée" et fabriquée et que, comme telle, elle a été dûment brevetée et déposée à l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI, ou comment que ça s'appelle au plan mondial) et que, si quelqu'un veut utiliser la semence en question, il doit cracher au bassinet un droit de propriété intellectuelle à cause de la dite séquence.

 

On peut à bon droit appeler toute cette façon de procéder la « confiscation du vivant » au profit des actionnaires. Et on peut compter sur les éléments naturels (l'air, l'eau, ce qu'il reste des insectes) pour disséminer les semences génétiquement modifiées à toutes les cultures environnantes, et donc pour accroître indéfiniment le cercle des producteurs redevables au propriétaire des droits (analyses génétiques à l'appui, on ne va pas se priver). C'est dans cette mesure-là que je parle de tendance totalitaire dans l'expansion des industries OGM.

 

Parenthèse. Cela fait partie d'un plan beaucoup plus vaste et à plus long terme, mais dont la mise en oeuvre est d'ores et déjà en cours, implacable et comme irrésistible : la Grande Privatisation de Tout (GPT). Aux yeux des concepteurs de ce plan, le mot « gratuité » est ordurier, un défi au bon sens et à la bonne marche des affaires : un pur et simple scandale. Quand je dis "concepteurs", qu'on n'aille pas voir en moi un adepte des théories du complot : c'est juste l'agencement et l’emboîtement parfait des éléments dans un ensemble global qui s'appelle un système. Fin de la parenthèse.

 

Et pour que le crachat soit le plus gros possible dans le porte-monnaie, rien de mieux qu’un empire. L’ « imperium ». L’objectif de Monsanto est de cet ordre-là : fonder un empire monopolistique. Est-il comparable au 3ème Reich ? Parlons de l’OGM Reich, si vous le voulez bien. Le nazisme et le stalinisme ont inventé le totalitarisme politique. Il est presque logique que la modernité ait inventé le totalitarisme économique, moins terrifiant, moins visible, donc infiniment plus habile.

 

Tellement habile qu'il fait aujourd'hui l'objet d'un consensus (presque) absolu et universel : les populations du monde entier sont (disons globalement) d'accord pour entrer dans ce système totalitaire, et pour une raison très simple : grâce à des procédés de communication savamment dosés et calibrés, ce qui leur échappe totalement, c'est précisément qu'il s'agit d'un système totalitaire.

 

La ruse a remplacé la terreur. C’est vrai, comme c’est très vilain de verser du sang (note ajoutée le 18 avril 2018 : quelques endroits du monde montrent encore que verser le sang n'est pas si vilain que ça aux yeux de tout le monde), on se contente de privatiser le vivant. De breveter des éléments de la nature. De transformer tout ce qui faisait le bien commun en propriété privée. De tout confisquer au profit de quelques-uns. D’introduire dans toutes les agricultures du monde les gènes brevetés. De rendre ainsi le paiement de la dîme obligatoire et régulier.

 

Le rêve génétiquement modifié, à l’image des monarchies pétrolières, c’est la RENTE. Rentier : tu ne fais rien, tu te contentes de respirer, et l’argent rentre. Enfin, pas tout à fait rien : tu fais bosser des chercheurs, parce qu’il faut préserver la rente future et rester concurrentiel. Mais en gros, c’est ça. Une rente discrètement introduite dans le paysage normal et entrée dans les mœurs. Mais ce n’est certes pas un thème capable de captiver ou de mobiliser les foules. D’autant qu’il adopte pour ses déplacements la blouse respectable, couleur de muraille blanche, des hommes de laboratoire. 

 

Les détails scientifiques sont juste là pour amuser les gogos et obscurcir le paysage, pour, en quelque sorte, occuper le terrain avec une belle, bonne, grosse « controverse scientifique », vous savez, ce rideau de fumée qui permet de retarder des décisions politiques ou sanitaires contrariantes pour la prospérité de l’empire industriel et de ses actionnaires. 

 

Malheureusement, tout serait allé pour le mieux pour BayerCropScience et pour Monsanto, s’il ne s’était pas trouvé que, malgré toutes les précautions juridiques, c’est bel et bien au plan scientifique que la durée de dix ans semble apporter des arguments à ceux qui contestent les bienfaits des OGM. C'est ce qu'ont compris les paysans d'Andra Pradesh.  

 

Voilà ce que je dis, moi. 

 

La suitetfin (les malheurs d'Adolf OGM) à demain.

jeudi, 02 mars 2017

COMBIEN DE MEHDI MEKLAT ?

Je ne m’étendrai pas sur l’histoire qui a suivi la révélation des messages clandestins diffusés sur Twitter par le bondyblogueur devenu malheureusement célèbre Mehdi Meklat. Je n’ai pas prêté attention (ni de près, ni de loin, ni du tout) aux péripéties qui ont accompagné, puis suivi la naissance et l'existence du Bondy blog (suscité par deux Suisses altruistes venus sur place lors des émeutes de 2005). Je veux juste poser une question, parce que je n’ai pas entendu qui que ce soit la poser dans les médias que je fréquente (côté touiteur-fessebouc-etc., je suis réseau zéro : je suis entré en réticence).

Certes, Mehdi Meklat est une figure qui a émergé précisément après les émeutes de 2005 grâce à un indéniable talent (paraît-il) dans le maniement du verbe, ce qui a, semble-t-il, décidé de sa vocation de "journaliste". Certes, grâce à lui et à son pote Badrou (Badroudine Saïd Abdallah), on a raconté que les « banlieues difficiles » avaient pris la parole, parce que ces deux jeunes donnaient enfin une voix à des gens qui en étaient privés depuis toujours.

Je n’éprouve pas la curiosité de découvrir le contenu des dizaines de milliers de messages que Mehdi Meklat a postés. Il paraîtrait, d’après ce que j’en ai appris, qu’on peut difficilement faire mieux en matière de haine antisémite, homophobe et misogyne. Aller y voir de plus près ne m’a pas effleuré l’esprit. Je laisse le monsieur à ses dérives et à ses repentirs, véridiques ou simulés.

Non, s’il est vrai que son entourage et pas mal de ses proches étaient parfaitement au courant de ce que Mehdi Meklat pouvait dire sous pseudonyme, la question que je me pose est la suivante : combien approuvaient les propos ? Dans la communauté qui gravitait autour du Bondy blog et de Mehdi Meklat, ces propos font-ils exception ? Ou au contraire, ne sont-il que le reflet d'opinions largement partagées ?

Car il me semble qu’en grattant un peu les croûtes de l’affaire, on a des chances de tomber de nouveau sur une drôle de plaie, un non-dit un peu purulent et malodorant, du genre qu’il faut soigneusement recouvrir quand on parle des « banlieues difficiles » ou des « jeunes issus de l’immigration ». Un tabou qu’il est interdit de dévoiler sous peine de passer pour un fauteur de guerre sociale, d’être accusé  d’ « incitation à la haine raciale », au motif que la « discrimination » ou la « stigmatisation de toute une communauté », à cause de quelques « brebis galeuses », eh bien c’est très vilain.

Il n’y a pas si longtemps, Georges Bensoussan, de confession juive, a pris une magnifique volée de bois vert, après son débat avec Tarek Oubrou, imam de Bordeaux estampillé "musulman modéré", sur l’antenne de France Culture (dans l’émission Répliques d’Alain Finkielkraut), parce qu’il y a déclaré : « Dans les familles arabes en France, tout le monde le sait mais personne ne veut le dire, l’antisémitisme, on le tète avec le lait de la mère ». Pour l’avoir dit, Bensoussan se retrouve en correctionnelle pour les motifs que je viens de citer : stigmatisation d’une communauté, incitation, etc. Eh oui, le droit français ne connaît que des individus : désigner un groupe entier, c’est s’exposer à une sanction de la loi.

Et pourtant, je continue à me demander si Mehdi Meklat ne serait pas, en définitive, qu’un symptôme. Le symptôme visible, du fait de sa notoriété particulière dans son milieu (et en dehors), d’un mal beaucoup plus général et banal, qui touche en réalité en beaucoup plus grand nombre qu’on ne le dit les gens qui constituent tout le terreau sur lequel il a poussé. Oui, autour du Bondy blog (et ailleurs),

combien de Mehdi Meklat ? 

Pourquoi n’aurait-on pas le droit de se demander, si antisémitisme il y a, dans quels secteurs de la société celui-ci s’est répandu ? Et si Mehdi Meklat n’est pas la partie émergée d’un iceberg ? Le genre d’iceberg qui fait dire à Benyamin Netanyahou que la France est un pays antisémite ? Mais je ne me sens pas concerné : qu’est-ce qui est vraiment et viscéralement antisémite, en France aujourd’hui, en dehors de quelques nostalgiques du Troisième Reich ?

Pour répondre à la question, je suggère de regarder du côté de Mehdi Meklat et de tous ses semblables plus ou moins avérés, et de se demander qui, en France, prenant fait et cause pour la cause palestinienne, met dans un seul sac la totalité du peuple d’Israël, comme s'il n'existait dans le pays aucune force qui soit favorable à la paix et à la formation d'un Etat palestinien autonome (mais comme on dit, faut pas rêver : la droite israélienne et les pro-colonisation se voient pousser des ailes depuis l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche : Netanyahou n'a pas fini de s'en prendre à l' "antisémitisme" en France).

S’il en est ainsi, d’abord, il faut que le Français normal se désolidarise de cette partie de la population. Ce que je fais ici. Mais par ailleurs, s’il en est ainsi, il est à craindre que Georges Bensoussan, en tenant les propos qui ont permis de l’envoyer au tribunal, est moins dans l’islamophobie que dans le vrai.

Nous vivons des temps difficiles.

Voilà ce que je dis, moi.