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vendredi, 20 juillet 2018

RETOUR A LEMBERG 2/2

SANDS PHILIPPE RETOUR A LEMBERG.jpgPHILIPPE SANDS : RETOUR A LEMBERG;

(Editions Albin Michel, 2017)

Deuxième épisode : la trajectoire des individus.

Résumé : Philippe Sands, dans Retour à Lemberg, dresse l'historique de l'inscription dans le droit international de deux concepts désormais familiers : le "crime contre l'humanité" et le "génocide", qui servirent de base à l'accusation lors du procès de Nuremberg. Ce procès en quelque sorte fondateur, inaugure un nouveau modèle d'instance judiciaire internationale. C'est à Nuremberg que fut admis le principe qu'un Etat ne peut pas traiter n'importe comment ses citoyens : l'Etat reste souverain, mais il ne peut pas faire n'importe quoi. On voit tous les jours ce qu'il en est de la réalité de tels grands principes en suivant jour après jour ce qui se passe dans la Syrie de Bachar el Assad.

L'auteur montre d'ailleurs que ce problème s'est posé dès 1919 : on assiste en effet en Pologne à des massacres de juifs. Les vainqueurs tentèrent d'imposer au nouvel Etat polonais un traité l'obligeant à un minimum d'humanité dans le sort qu'il réservait à ses minorités, juives en particulier mais pas que. L'efficacité de ce traité fut éphémère, la Pologne considérant cette ingérence extérieure dans ses affaires comme une inadmissible mise sous tutelle, et affirmant sa pleine souveraineté sur toute l'étendue de son territoire et sur les gens qui l'habitaient.   

Face à ces considérations à caractère juridique qui occupent plutôt la deuxième moitié du livre, Philippe Sands se livre pour commencer à une enquête quasi-policière pour comprendre quelles furent les trajectoires d'un certain nombre d'individus, ce qui l'amène à parcourir un certain nombre de pays. Il tient à voir les lieux de ses yeux, à rencontrer les acteurs encore vivants (voir par exemple le chapitre "La fille qui avait choisi de ne pas se souvenir"), à s'imprégner dans la mesure du possible des conditions qui leur furent faites en leur temps. Il s'efforce aussi de recueillir les témoignages de leurs enfants (Eli Lauterpacht, Niklas Frank, Horst von Wächter).

Il est lancé sur la piste de plusieurs personnes : outre les deux juristes que sont Lauterpacht et Lemkin (à chacun desquels ils consacre un chapitre copieux, voir hier), il s'attache à retracer d'abord la trajectoire exacte suivie par son grand-père, Leon Buchholz, depuis sa Galicie natale jusqu'à Paris, en passant par Vienne, au moment même de la montée du nazisme et de l'annexion de l'Autriche (Anschluss). 

Une question, en particulier, préoccupe Philippe Sands : comment se fait-il que ce grand-père, quand il a quitté Vienne (l'Autriche étant sous régime nazi) pour Paris en janvier 1939, n'ait pas emmené avec lui sa femme Rita et sa fille Ruth (la propre mère de l'auteur) ? Plus tard, en juillet de la même année, la petite fille le rejoint, accompagnée par celle qui sera présentée comme étant "Miss Tilney de Norwich". Pourquoi la mère n'est-elle pas montée dans le train ? Elle est juive, et elle sait ce qu'elle risque en tant que telle dans un pays largement "nazifié". Pourtant, ce n'est qu'en 1942 qu'elle rejoint sa petite famille à Paris.

Est-elle restée pour veiller sur sa mère ? Peut-être. L'hypothèse de l'auteur est liée à "l'homme au nœud papillon", auquel il consacre un chapitre. Une photo (p.256) montre celui-ci en "lederhosen" (la typique culotte de cuir tyrolienne) et grandes chaussettes blanches, signe, selon Sands, d'une adhésion au nazisme. Cette hypothèse oblige à faire de cet homme (que de patientes recherches permettront d'identifier comme étant Emil Lindenfeld) l'amant de Rita, grâce auquel celle-ci, se sentant protégée, peut résider sans crainte à Vienne, jusqu'à son départ pour Paris, trois ans après. Après tout, elle est mère. Les disputes entre Leon et Rita sont-elles dues aux infidélités de cette dernière ? Voilà pour l'histoire familiale (très simplifiée).

Quant à "Miss Tilney de Norwich", le détective Philippe Sands parviendra après de longs efforts à reconstituer le parcours de cette femme, morte en 1974, reconnue plus tard « juste parmi les nations ». Ce n’est pas simple, parce que la dame a beaucoup voyagé, de l’Angleterre à l’Afrique du sud et de la France à l’Autriche, avant de prendre sa retraite quelque part en Floride. C’est logique, puisqu’elle se considère comme une « missionnaire », dont l’unique but dans l’existence est de « sauver les juifs » pour accomplir le message du Christ. Elle est chrétienne jusqu’au fond de l’âme. Son rôle dans l'histoire de la famille est central, tout en restant farouchement anonyme. Il y a là de l'héroïsme.

Une autre question mobilise l’attention de l’auteur : pourquoi les parents de Lauterpacht n’ont-ils pas rejoints leur fils à Londres ? Quoi qu’il en soit, le sort de ceux qui sont restés en Galicie ne fera aucun doute : ils ont disparu quelque part entre Belzec, Majdanek et Treblinka, à moins qu’ils n’aient été massacrés dans la ville même qu’ils habitaient ("die grosse Aktion"). Quant à Leon, Philippe Sands le verra toujours taciturne et muet : il ne dira jamais un mot des soixante-dix parents plus ou moins directs qui ont disparu dans le génocide.

Le cas de Hans Frank comporte son lot d’étrangetés : tout au long de son gouvernorat de la Pologne, il a rédigé très méthodiquement, jour après jour, un « Journal » où il note les événements, les décisions et les actions de l’armée allemande qu’il a sous ses ordres. Et ce qui est incroyable, c’est que, quand il a vu la défaite arriver, il s’est simplement replié chez lui en Allemagne, en emportant les milliers de pages de ce « Journal », et que le lieutenant Walter Stein de la VII° armée américaine venu l’arrêter n’a eu qu’à placer les volumes sur le siège avant de la Jeep. Frank livrait ainsi aux procureurs du futur tribunal tous les motifs possibles de le condamner à être pendu. Autre curiosité : Hans Frank, en prison, s’est converti au catholicisme et a, malgré des biais et des rétractations, admis une part de responsabilité dans la « destruction des juifs d’Europe », s’attirant le mépris de Göring.

Le hasard de l'histoire fait que le petit-fils de Leon Buchholz, au cours de ses études de droit, aura pour professeur Eli Lauterpacht (né en 1939), le propre fils de Hersch, l'inventeur du "crime contre l'humanité". Eli a de vagues souvenirs de ses grands-parents, venus rendre visite à Londres en 1935, « lorsque son père "les supplia de rester"». En vain. On ne les reverra jamais. En 1937, Hersch Lauterpacht est « élu à la prestigieuse chaire de droit international de Cambridge » (p.128). L'auteur se demande brièvement quel était l'état des relations entre le fils et ses parents. Peut-être distantes. En tout cas Eli ne l'a jamais entendu s'exprimer au sujet de sa famille restée au pays. On préfère ne pas imaginer qu'il a préféré privilégier sa carrière, au détriment de sa famille, mais le soupçon n'est pas tu.

Philippe Sands tient aussi à rencontrer le fils de Hans Frank (né en 1939 lui aussi), le bourreau de la Pologne, pendu à Nuremberg. On peut dire que Niklas Frank ne pardonne rien à son père. Il est journaliste au Stern. Il a publié Der Vater [le père], où il règle ses comptes et dont une très insatisfaisante traduction abrégée a été publiée sous le titre In the Shadow of the Reich. Sands en fait un portrait sympathique : « c'était un homme généreux, doté d'un solide sens de l'humour, et qui n'avait pas sa langue dans sa poche » (p.279). En réalité, il était sans doute le fils de Karl Lasch, ami de son père, gouverneur de Galicie et amant de sa mère, qui sera tué ou se donnera la mort. De toute façon, la personnalité de Hans Frank ne sort pas grandie du livre de l'auteur : peut-être était-il un homosexuel refoulé. Il avait en tout cas une crainte souveraine de Brigitte, son épouse, et apparaît comme un homme plein de contradictions et de faiblesses.

Horst von Wächter, le fils d'Otto, le gouverneur du district de Galicie après Karl Lasch et le subordonné de Frank, n'a toujours pas honte de son père quand Philippe Sands le rencontre dans son « imposant château du XVII° siècle situé à une heure environ au nord de Vienne » (p.297). Il est même très fier de lui montrer la bibliothèque qu'il a héritée de lui, et qui n'est rien d'autre que « le "département national-socialiste" de l'histoire familiale » (ibid.). L'auteur ouvre au hasard un ouvrage dédicacé au père par Himmler en personne. L'étonnant est que le fils du nazi ne rougit pas de honte, bien au contraire, en montrant ses "trésors", et qu'il ne cache pas son plaisir lorsque Sands déniche un exemplaire de Mein Kampf : « Je ne savais pas qu'il était ici » (ibid.). Horst voudrait "réhabiliter" son père : « Mon père était un homme bon, un libéral qui a fait de son mieux » (p.300). De quoi tomber de sa chaise. 

Voilà pour le volet "histoires individuelles" de Retour à Lemberg, ce livre remarquable.

En conclusion, qu'il s'agisse du versant juridique ou du versant narratif, l'ensemble fait de Retour à Lemberg un impressionnant livre d’histoire, qui fourmille de détails qu'il est impossible de rapporter, et où rien, au long des 450 pages, n’est inutile : Philippe Sands ne bavarde pas, il est lui aussi un juriste international, et en tant que tel, il sait que l’essentiel se suffit à lui-même. Ce qui m’impressionne en particulier, c’est l’art avec lequel il tient constamment – sans pathos, il faut le souligner – deux fils narratifs :  celui des trajectoires individuelles des fourmis humaines aux prises avec les circonstances et celui du chaudron du diable qu'est la grande et terrible Histoire du XX° siècle.

Voilà ce que je dis, moi.

Ajouté le 24 juillet : je ne voulais pas entrer dans certains détails figurant dans le livre de Philippe Sands, et puis je me dis qu'il n'y a pas de raison de ne pas montrer bien concrètement les raisons bien concrètes pour lesquelles on a pourchassé les nazis après la guerre. Car si l'auteur ne cite pas tous les témoins intervenus au tribunal de Nuremberg, il rapporte au moins le témoignage de Samuel Rajzman, qui vaut pour tous les autres. En voici une partie : « Rajzman poursuivit d'une voix monocorde. Une femme âgée avait été amenée au "Lazarett", avec sa fille enceinte dont le travail avait commencé ; on avait couché la fille sur l'herbe. Les gardes l'avaient regardée pendant qu'elle accouchait. Mentz avait demandé à la grand-mère qui elle préférait que l'on tue d'abord. La vieille femme avait supplié d'être la première.

                 "Ils ont bien sûr fait le contraire", dit Rajzman à la salle, parlant très doucement. "Le nouveau-né fut tué en premier, puis la mère de l'enfant, enfin la grand-mère" ».

Pas de commentaire.

mercredi, 09 mai 2018

LE MONDE DANS UN SALE ETAT

2016 NICOLINO FABRICE.jpg5 juin 2016

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Les multiples diagnostics posés par des gens de multiples disciplines sur la santé actuelle et à venir de la planète, des hommes qui la peuplent et de la civilisation que les occidentaux (disons plutôt les Américains) ont échafaudée et exportée partout dans le monde, ces diagnostics sont donc très clairs : sale temps pour l’humanité. 

Je viens d’ajouter un livre à la somme démoralisante des lectures citées hier. Lettre à un paysan sur le vaste merdier qu’est devenue l’agriculture (Les Echappés, 2015) n’est pas seulement un pamphlet où le journaliste Fabrice Nicolino tire à boulets rouges sur la conception de l’agriculture que responsables politiques, capitalistes et ingénieurs (agronomes, chimistes, etc.) ont imposée au reste du monde. C’est aussi un essai (« brillant », lit-on en 4ème de couverture, en tout cas très bref : en 120 pages, la messe est dite) très informé, où l’auteur raconte l’histoire de la crise de démence industrielle dans laquelle l’humanité a été plongée au 20ème siècle. A commencer par le premier massacre industriel de ce siècle passé : la guerre de 1914-1918.

Cette démence porte de jolis noms : la « rationalisation », la mécanisation de tout le travail humain, en attendant sa robotisation. En un mot, l’industrialisation à outrance de toutes les tâches humaines. Même de la mort, comme l'ont prouvé les camps de Maidanek, Sobibor, Treblinka et un autre dont le nom trop connu est devenu un emblème. 

L'industrialisation, c’est-à-dire la séparation radicale de la conception de la tâche et de son exécution. C’est-à-dire la décomposition du processus de production d’un objet en une multitude d’opérations simples. C’est-à-dire l’interposition de la machine entre le travailleur et ce qu’il fabrique. C’est Christopher Lasch qui le dit dans La Culture du narcissisme : la majorité des travailleurs qui ont été mis à la chaîne de fabrication sont dépossédés de l’essentiel. Karl Marx (eh oui !), longtemps avant lui, avait appelé ça l'"aliénation".

Fabrice Nicolino, s’il concentre son propos sur les problèmes spécifiques de l’agriculture, est bien obligé d’élargir le champ d’investigation. Que signifie en effet l’industrialisation de la production alimentaire ? Deux choses : la mécanisation et la chimie, dont le livre retrace l'histoire de l'installation catastrophique et définitive dans le paysage des campagnes françaises que les deux fléaux s'acharnent à détruire.

Au départ, Nicolino oppose deux conceptions radicalement incompatibles de la production agricole, qu'il personnifie en les personnes d'André Pochon et Michel Debatisse. L'auteur a croisé la route du premier il y a vingt ans. Ce paysan de Saint-Mayeux, qui ne tient pas à devenir un esclave du métier (il tient à consacrer du temps à sa famille et à la sieste), exerce son art sur huit hectares, qui produisent « autant que sur vingt et même vingt-cinq hectares », s'épargne un énorme labeur inutile en ayant des idées.

Par exemple, il innove par rapport à la tradition en plantant ses prairies, ce que ses ancêtres ne faisaient pas. Il assemble ainsi "ray-grass" et trèfle blanc, un fertilisant qui lui évite le recours aux engrais azotés. Son refrain s'inspirait de René Dumont, l'agronome qui fut candidat-président : « Regardez bien votre vache, c'est un animal extraordinaire ; elle a une barre de coupe à l'avant, et un épandeur à l'arrière. Si vous flanquez cet animal dans le milieu d'un pré, elle fait le travail toute seule ». L'INRA de Quimper s'intéresse d'abord aux pratiques d'André Pochon, mais ne tarde pas à les jeter au panier : « Que seraient devenus les marchands d'engrais et de matériels, qui font toutes les lois agricoles ou les sabotent ? ». Sans compter la terreur que faisait régner le Crédit Agricole sur l'ensemble du milieu.

On a envie de fredonner Brassens, vous savez : « Que la vie serait belle en toute circonstance, si vous n'aviez tiré du néant ces jobards » (Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part). Le premier jobard dont il est question est Michel Debatisse, futur président de la toute-puissante FNSEA, un féroce partisan du productivisme agricole. Cette conception entre tout à fait dans les vues d'un célèbre ministre de l'Agriculture : Edgard Pisani. C'est ce dernier qui déclare, le 20 février 1965 : « La Bretagne doit devenir un immense atelier de production de lait et de viande ».

Nicolino précise que cette conception productiviste est directement empruntée aux Américains : plusieurs hauts responsables ont été littéralement estomaqués par leur visite aux abattoirs de Chicago, d'énormes usines-cathédrales capables de "traiter" des milliers de bêtes dans un temps ridiculement court. Jean Bustarret, futur directeur de l'INRA, fait aussi le voyage : « Comme les copains, il en revient émerveillé par la productivité, et devient un militant du maïs ». Résultat : « Une plante tropicale, grosse consommatrice d'eau d'irrigation, d'engrais et de pesticides, déferle sans que quiconque ait la moindre idée des conséquences ». Tiens, pour voir les dégâts, longez seulement en voiture la plaine d'Alsace du sud au nord (ou l'inverse).

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Ce n'est pas Chicago : c'est Cincinnati dans les années 1880.

Source : le Journal des Voyages, même époque.

On devine qu'André Pochon a perdu, puisque c'est Michel Debatisse qui a gagné. Fabrice Nicolino complète son tableau d'un désastre annoncé en faisant mention de l'invention des pesticides et de leur application massive dans les pratiques agricoles. Il s'attarde bien sûr sur le cas du DDT, ce poison encore en usage, me semble-t-il, dans pas mal de pays, qui finira par être abandonné, pour cause de nuisances, dans les pays industriels. Il évoque aussi la destruction des paysages sous les coups de la mécanisation à outrance : il est indispensable de permettre aux engins d'enginer.

Résultat : plus de haies, fini, le découpage invraisemblable de la terre en parcelles de plus en plus minuscules au gré des successions. Il est vrai qu'on ne peut laisser le cadastre se transformer en sac de confettis, mais ce qui était une nécessité raisonnable a été utilisé comme prétexte pour laisser libre cours à l'invasion des machines. On a appelé ça le Remembrement.

On doit à cette Terreur administrative des paysages comme ceux de la Beauce, où la terre, sur des dizaines de milliers d'hectares, est désormais morte, et ne parvient à produire qu'à coups d'injections massives d' "intrants". 


Ci-dessus, pour les amateurs, trente-six minutes de constat et de dénonciation par Claude Bourguignon et d'autres intevenants. Attention : certaines images, mais surtout l'ensemble des propos et des "acteurs" de cette vidéo sont de nature à heurter les âmes sensibles. Ne pas s'abstenir : s'accrocher !

Rien qu'en Bretagne, selon les estimations de Jean-Claude Lefeuvre (un universitaire spécialiste de la biodiversité), « 280.000 kilomètres de haies et de talus boisés auraient été arasés dans cette région entre 1950 et 1985 ».

L'état actuel de la France agricole (mais ça vaut pour la plupart des pays) est le résultat de la confiscation des métiers agricoles par des technocrates, des crânes d’œuf, des rats de bureau qui ont fait de l'agriculture une construction intellectuelle et ont élaboré pour elle des modèles théoriques, d'une grande rationalité en apparence, mais déconnectés de la terre concrète, qu'on l'appelle terroir, territoire ou terrain. Leur idéal, c'est de faire de la terre nourricière une usine, une machine à nourrir. Il y a eu clairement, en haut lieu, une implacable volonté politique d'imposer ce modèle, à l'exclusion de toute autre possibilité.

Fabrice Nicolino s'approche de la vérité idéologique contenue dans un tel projet, quand il écrit : « Tous mêlés dans une structure clairement paratotalitaire, vouant un véritable culte à la chimie de synthèse et aux pesticides, tout l'espace est occupé. Cinquante personnes peut-être, dans cette France de la Libération, décident du sort des pesticides, et tous mangent dans la main de Willaume, qui multiplie les occasions - congrès, banquets, conférences, foires - de les réunir ». 

Et ce n'est pas avec la terrible et bureaucratique FNSEA, et ce n'est pas avec l'impitoyable « concurrence libre et non faussée » imposée par une Europe totalement aveugle, que quiconque va pouvoir changer quoi que ce soit à l'épouvantable situation dans laquelle se trouve cette frange de la population (réduite désormais à pas grand-chose), qui portait autrefois la fière appellation de Paysannerie.

De profundis.

Voilà ce que je dis, moi. 

dimanche, 04 février 2018

VOIE DE GARAGE, OU GARE DE TRIAGE ?

Cela va de soi : faire un tri entre les humains, c'est très vilain. L'homme du vingt et unième siècle a trop à l'esprit l'arrivée de certains trains au terminus d'une voie située autour de la ville polonaise d'Oswiecim, plus connue sous son nom allemand, et l'envoi de certains bétails humains, en guise de descente du train, les uns vers l'esclavage du travail forcé non rémunéré, les autres directement vers des douches douteuses alimentées au Zyklon B. Cela se passait il y a un gros demi-siècle.

Il va sans dire que la notion de tri a d'autres bien fâcheuses connotations : on trie les animaux, en fonction de leur aspect, de leur conformation à un standard, de leur potentiel génétique, etc. On trie aussi, depuis déjà quelque temps, les déchets, paraît-il, bien que, nous assure-t-on, la France reste très en retard sur ses voisins européens, s'agissant de la récupération des plastiques.

On se met donc à la place des jeunes, qui renâclent à se laisser sélectionner à l'entrée dans l'enseignement supérieur : on n'est pas des bestiaux. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils ne sont pas habitués. C'en est au point que le mot "sélection" est désormais interdit de vocabulaire officiel, et même que l'on traque la substance du vocable sous les déguisements lexicaux les plus divers. 

Cette phobie, qui s'ajoute à bien d'autres, s'explique aisément, mais n'en reste pas moins paradoxale. Le féroce égalitarisme soviétique que des idéologues bien placés dans les structures hiérarchiques du ministère de l'Education nationale ont instauré à tous les niveaux de la scolarité jusqu'au baccalauréat a habitué les enfants et adolescents à passer dans la classe supérieure quoi qu'il arrive, jusqu'à la terminale. Les autorités voulaient en finir une fois pour toutes avec les inégalités : louable intention. Résultat des courses : le système éducatif français est, nous dit-on, un des plus inégalitaires qui soit. Un des plus inefficaces aussi. Allez comprendre !

Les ministres successifs ont multiplié les "réformes" et les "trouvailles innovantes" : fin du cours magistral, du classement de fin d'année et de la distribution des prix (surtout ne pas récompenser les meilleurs, dont je n'ai jamais été, mais que j'ai enviés, et alors ?), instauration du collège unique (surtout ne plus rejeter les moins bons dans les filières techniques), abolition du redoublement, multiplication des activités connexes à l'école primaire (invasion de la classe par toutes sortes d'intervenants en musique, langue, sport, etc.), abolition des filières, classes "indifférenciées" du crack au débile léger, dévalorisation de tout l'enseignement technique, instauration des "notations formatives" pour ne plus "stigmatiser" les derniers de la classe, consignes impératives de "générosité" aux correcteurs des épreuves du bac, 80% d'une classe d'âge au bac, etc.

Il est donc normal que les élèves réagissent mal à l'idée de se voir brutalement opposer une fin de non-recevoir à leur désir d'entrer à l'université dans la filière de leur choix : le nouveau bachelier ne veut pas entendre parler de sélection et veut pouvoir entrer dans la formation de son choix, quels qu'en soient les débouchés sur le "marché du travail", et quelles que soient les capacités d'accueil des établissements : l'université n'a qu'à faire ce qu'il faut pour recevoir tous ceux qui le veulent, na ! Et le gouvernement n'a pas intérêt à sucrer nos APL, sinon il va voir !

Tout cela pour dire quoi ? Simple : qu'à toutes les étapes du parcours scolaire (formation initiale), règne un souverain négationnisme de la sélection, et que cela prépare magnifiquement les enfants, puis les jeunes à être accueillis à bras ouverts dans une société qui a aboli depuis longtemps l'idée de sélection. On le constate tous les jours, les patrons d'entreprises souriants et les DRH aimables répètent à tous les vents : « Laissez venir à moi les petits enfants ».

C'est bien connu, la société est accueillante, et le marché du travail est d'une magnanimité sans égale, se moquant éperdument de la qualité de la formation reçue par les candidats à l'emploi. C'est bien connu : quand il y a 200 postulants pour un seul poste offert, le premier qui oserait parler de "sélection" se fait bannir pour obscénité. C'est bien connu : quand un employé rouspète, mécontent de la façon dont on le fait travailler, le DRH ne l'invite jamais à prendre ses cliques et ses claques en lui laissant entendre que 200 remplaçants attendent impatiemment à la porte pour prendre sa place.

C'est bien connu : la société dans son ensemble ignore superbement toute idée de sélection. Et c'est si vrai qu'on a vu proliférer les émissions télévisées fondées sur la compétition. Qu'on parle de chanson, de cuisine, de sport et même de finance, c'est compétition à tous les étages, et dans le consentement général ! Allez comprendre ! On nous a toujours bercés et maternés, et voilà que tout d'un coup, on entend de furieux cris : « Honneur et gloire au vainqueur, malheur et honte au vaincu », nous dit tout le monde moderne ! Le monde moderne veut des agressifs, des gens qui aient la gnaque et n'hésitent pas à marcher sur les pieds des copains, des molosses prêts à se jeter sur les proies qui passent à portée de croc. Le monde moderne serine à l'oreille de chacun : c'est toi le meilleur ! Qu'attend-tu pour y aller ? Pour te jeter dans la bagarre ? Qui ne tente rien n'a rien. 

Dans cette société si égalitaire, on ne compte plus les sportifs avides de se trouver face à des "challenges" à la hauteur de leurs ambitions, qui ne rêvent que de "relever des défis", de "se dépasser", d'être "motivés à 200%". Et ce n'est qu'un exemple parmi cent autres. Curieux contraste, en vérité. 

Je crois qu'il est là, le cancer qui ronge le système éducatif français : l'angélisme perpétuel d'une idéologie de la bienveillance (n'est-ce pas, Yves Michaud ?), dont tout le déroulement postérieur de la vie sociale constitue un démenti formel et de touts les instants. Toute sa vie, le gamin va entendre retentir l'injonction d'avoir à donner le meilleur de lui-même. Le problème, c'est qu'on ne le lui aura jamais dit. L'affrontement pacifique avec les autres, cela s'appelle l'émulation. Mais l'égalitarisme soviétique a rayé l'émulation des moyens offerts aux individus pour progresser. Sauf dans la vraie vie, où la compétition, l'autre nom de l'émulation à l'état aigu, règne en maîtresse.

Je ne dis pas qu'il faut transformer la salle de classe en "arène sanglante", je dis juste que le rôle de l'école est de fournir les outils – et les armes, pourquoi pas ? – pour préparer chacun à entrer un jour dans la compétition, puisque compétition il y a. Et donc qu'il est d'une grande irresponsabilité de nier la dimension sélective d'un système éducatif, quel qu'il soit.

Quand on voit à tous les étages de la société la promotion fanatique de la seule idée de compétition, il est criminel de prêcher solennellement, tout au long de la scolarité, que 

« les hommes naissent libres et égaux en droit ».

Voilà ce que je dis, moi.

mardi, 19 avril 2016

I WILL SURVIVE

CHRISTOPHER LASCH : LE MOI ASSIÉGÉ 

Quelques réflexions après lecture. Attention : la lecture de ce billet est déconseillée aux personnes à tendance dépressive : Le Moi assiégé est un livre démoralisant, ... et indispensable pour comprendre un aspect non négligeable et peu reluisant des conditions qui sont faites aux gens qui vivent dans le monde moderne (cf. Hannah Arendt, Condition de l'homme moderne).

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Gloria Gaynor, c'est juste pour mettre un peu de baume sur la plaie.

C’est une obsession particulièrement américaine : « Elle trouve son obsession la plus caractéristique et insidieuse, son expression ultime, dans l’illusion de guerres nucléaires que l’on pourrait remporter ; mais elle ne s’épuise aucunement dans l’anticipation de calamités ahurissantes » (p.57). Il parle sans doute de ces citoyens qui ont assez de moyens pour se doter de bunkers souterrains dans leurs jardins et de réserves de survie pour une durée suffisante en vue de ressortir à l’air libre sans risquer la mort, dans on ne sait combien de temps. 

Je ne suis pas sûr que l’Américain moyen soit en possession de ces moyens. Mais la mentalité qui va avec, qu’on ait les moyens ou pas, s’est répandue ailleurs qu’aux USA, quoiqu’avec retard, en même temps que la culture spécifiquement américaine conquérait les esprits un peu partout. Car cette mentalité a gagné le monde (des vertus du "soft power") : qu'on le veuille ou non, le monde est grosso modo américanisé. L'Amérique a universalisé beaucoup de ses problématiques propres, même si celles-ci sont plus ou moins forcées de s'adapter aux cultures locales pour coller au terrain et avoir une chance de prendre racine (pour vendre les produits qui vont avec).

Il ne s’agit donc pas que de moyens : c’est toute une mentalité qui s’est ainsi organisée autour de la nécessité de se préparer à survivre à des conditions extrêmes faites à l’existence de l’humanité ordinaire. L’une des conséquences de la montée du survivalisme, c’est la disparition dans les mentalités de toute possibilité de consacrer son existence à la réalisation d’idéaux quels qu’ils soient, pour lesquels on serait capable d’aller jusqu’au « sacrifice personnel ». Tout ce qui ressemble à de l’héroïsme apparaît comme étrange ou incongru, voire anormal. 

Or, avoir un idéal, quel qu’il soit, permet de donner un sens à sa vie (à tort ou à raison, on y croit). Le dilemme est le suivant : dans les conditions qui sont faites à toutes les populations par le système industriel et la société marchande, faut-il se contenter de survivre par tous les moyens, ou doit-on chercher à donner un sens à la présence humaine sur terre ? L’homme ne se considère plus comme un « agent moral » (doté de volonté et de rationalité), mais comme la « victime » d'un système impitoyable qui le domine et l'exploite : « … la protestation politique dégénère en apitoiement sur soi » (p.75). 

Le plus effrayant dans le survivalisme, par la folie qu’il y a à faire certains rapprochements, c’est que ses partisans vont chercher dans l’histoire du 20ème siècle des points de comparaison pour qualifier le sort que la société moderne fait aux hommes et pour justifier leur théorie. C’est dans ce but qu’ils s’appuient sur l’exemple des camps de concentration et des camps de la mort, malgré l’énormité du culot et la disproportion flagrante des situations en nombre de victimes et en atrocités subies. 

Christopher Lasch se réfère ici à Hannah Arendt, qui pense que les totalitarismes du 20ème siècle, hitlérisme et stalinisme, représentent « une solution, certes irrationnelle, aux problèmes non résolus de la société industrielle » (p.106), problèmes au premier rang desquels se situe la production par la dite société d’une part toujours plus grande de « populations superflues ». Que faut-il faire de l'hitlérisme et du stalinisme ? Des repoussoirs ? Des préfigurations ?

Faut-il, à la suite d’Arendt, considérer le génocide des juifs par Hitler comme un fait radicalement sans précédent ? On perd alors « la faculté de la mettre en perspective » historique pour établir des comparaisons et des correspondances possibles. Faut-il au contraire englober le génocide des juifs dans une problématique plus vaste qui permettrait d’évaluer « la culture et la politique modernes » ? On masque alors « son horreur particulière » (p.103), tout à fait spécifique du sort fait aux juifs sous le régime hitlérien. 

On le voit, la question est difficile à trancher. Quand je vois le sort fait aux aliments destinés aux hommes dans les système de la production agricole industrielle, quand je vois le sort fait aux animaux destinés à l'alimentation des hommes dans la production industrielle des animaux comestibles, j'ai tendance à me dire que la structure même qui a permis aux camps de la mort d'exister a été grosso modo transplantée de l'univers nazi dans l'univers capitaliste, sans que la signification intime et profonde de la structure en soit bouleversée.

J’ai personnellement du mal à perdre de vue que l’uniformisation actuelle du monde sous la bannière de la production industrielle généralisée de la totalité de ce dont nous avons besoin pour vivre, rend les produits comme les hommes insignifiants, interchangeables, et par suite, jetables : les camps de la mort, pour aberrants, odieux et innommables qu’ils soient, n'étaient d’une certaine manière que l’application du même principe, sauf que, cette fois, c’est de la mort que l’industrie rendue folle s’était mise à produire. 

L’horreur en moins, le sort de l’humanité en devient-il pour autant plus enviable ? L’idolâtrie et le culte fasciné dont l’innovation technologique (dernièrement, la puce qui rend possible au tétraplégique des gestes de la main, demain l’humanité « augmentée ») est aujourd’hui l’objet a tendance à m’apparaître comme le symptôme inquiétant d’un mal moral délétère (irréversible ?), qui voit l’homme se réjouir d’être bientôt débarrassé du fardeau de la liberté et de la volonté, et de pouvoir bientôt s’en remettre aux machines du souci d’exister. 

Christopher Lasch, dans Le Moi assiégé, ne s’aventure pas aussi loin ni sur un terrain aussi risqué : c'est moi qui parle ici. Il semble trancher le dilemme en laissant la parole aux survivants des camps eux-mêmes : « Ce sont les survivants qui voient leur expérience comme une lutte non pas pour survivre mais pour rester humains » (p.129). Rester humain ? Je pense à l'inoubliable L'espèce humaine, du grand et bien oublié Robert Antelme. Rester humain, c'est tout de même tout autre chose que survivre !

Si tel est bien le cas, quand le personnage principal du film Pasqualino (Lina Wertmüller, 1976), un petit truand minable qui survivra au camp grâce à sa débrouillardise et sa totale absence de scrupules, suscitera l’admiration des foules, Lasch semble pointer ce qui différencie radicalement l’expérience réelle rapportée par les survivants des camps, et la dérision de toute valeur dans l’exaltation d’un personnage moralement infinitésimal, voire répugnant. 

Car si les foules se reconnaissent en lui, une triste perspective s’ouvre, qui en dit long sur la valeur du mot "valeur", que tant d'authentiques salopards au pouvoir ont en permanence à la bouche, alors qu'ils savent que c'est l'insignifiance et la dérision qui nous guettent. 

On les comprend : eux aussi, ils veulent "survivre".

Voilà ce que je dis, moi.

samedi, 15 juin 2013

OBELIX ET LE PREJUGE NORMAL

 CECI EST UN POST-SCRIPTUM NORMAL.

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IL FAUT CONDAMNER OBELIX

 

Oui, il faut condamner Obélix. Rendez-vous compte : il est intolérant, il est xénophobe, il véhicule des stéréotypes. Il est sûrement homophobe, a force d'être normal. Aujourd'hui, il serait aussi islamophobe, ça fait bien dans le paysage des "phobies" de la modernité. Ben oui, Hergé était raciste, c'est bien connu, voyez Tintin au Congo.

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Le Congolais qui voulait faire judiciairement la peau à l'album africain de Tintin avait bien raison d'attaquer. On ne sait jamais, ça aurait pu lui rapporter gros. Les Juifs ont bien fait condamner la SNCF (soixante ans après !) en tant que responsable de convois de déportés. N'ont-ils pas droit, les Noirs, à leur tour, à quelque dividende substantiel ? Faut pas se gêner : la République déclarée coupable est tellement généreuse avec Bernard Tapie que tous les espoirs sont permis à ceux qui veulent empocher des dommages-intérêts, justifiés ou farcesques.

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 Avant de poursuivre, je précise que, selon moi, la série des Astérix a décliné de plus en plus vite après la mort de Goscinny en 1977, et la reprise par le seul Uderzo a fait atterrir nos Gaulois dans un marécage toujours plus niais. Je ne suis peut-être pas seul dans mon cas à constater cette niaiserie. Je crois bien que Le Combat des chefs est le dernier épisode sur lequel a travaillé le tellement fertile Goscinny (Dingodossiers, Le Petit Nicolas, Oumpah Pah, Lucky Luke, etc.).

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Si Goscinny et Uderzo s’étaient mis dans l’idée de mettre en scène la campagne puis le vote de la loi sur le mariage homosexuel, Obélix aurait sans doute été traité d’homophobe. Car il l'aurait sûrement prononcée, sa phrase fatidique : « Ils sont fous, ces ...» (je préfère m'autocensurer, on ne sait jamais).

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Et je n’ai pas trouvé mieux que notre tailleur de menhirs  pour synthétiser le message porté par la majorité silencieuse dans une formule choc, désormais célébrissime, y compris hors du petit monde des amateurs de Bande Dessinée. 

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Une petite phrase toute bête, qui commence obligatoirement par trois bande dessinée,humour,astérix,obélix,ils sont fous ces romainspetits mots, toujours les mêmes : « ILS SONT FOUS », obligatoirement suivie de la catégorie désignée à la vindicte populaire par l’épouvantable esprit de clocher qu’on peut voir répandu dans l’énorme panse de Français moyen du héros moustachu, parfois désigné comme « gros monstrueux » (Le Tour de Gaule), comme on sait : « … tombé dans la marmite de potion magique étant petit ». Il faut imaginer Obélix en béret et charentaises, la baguette sous le bras. Bon sang, mais c'est bien sûr : c'est Superdupont !

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La phrase fatidique que prononce rituellement le « gros monstrueux » s'accompagne d'un geste fatidique : l'index frappe la tempe, désignant l'état supposé lamentable de la substance grise logée derrière la paroi osseuse. De l'ordre, pour le moins, de la diarrhée cérébrale. Obélix est NORMAL. Guy Béart aurait-il pour autant chanté : « Obélix a dit la vérité, il faut donc l'exécuter » ?

 

J'espère que non.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

POST-POST-SCRIPTUM : J'aime beaucoup, dans certaines bandes dessinées, quand l'auteur glisse un minuscule détail que seule une lecture attentive permet de relever. Ainsi, dans Astérix aux Jeux Olympiques, voit-on page 29 deux fonctionnaires du "Bureau des inscriptions", dont l'un se réjouit de la décadence de Rome. Le petit détail se situe à l'arrière-plan, et consiste en un bas-relief montrant deux personnages en toge, la main posée sur la tête d'un taureau agenouillé.

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Les profils des deux compères, sont certes caricaturés, mais aisément reconnaissables et proches des originaux : Goscinny et Uderzo en personne. Le nom de chacun figure en "légende" du bas-relief, et des lettres grecques en phylactères sortent de leur bouche. Les noms sont ceux, évidemment, de Goscinny (ΓΟΣΚΙΝΝΥ) et Uderzo (ΥΔΕΡΖΟ).

 

Pour corser le tout, Goscinny dit, s’adressant à Uderzo : « Despote ! » (ΔΕΣΠΟΤΗΣ), tandis que celui-ci lui lance : « Tyran ! » (ΤΥΡΑΝΝΟΣ). Bon, c'est vrai que les deux mots grecs veulent d'abord dire « maître », et seulement ensuite « maître absolu », avec éventuellement le sens que nous leur avons donné, mais on ne va pas chipoter, hein !

 

Ce sont des petits plaisirs de gourmet qu'on a plaisir à partager : servez-vous, si par hasard vous n'étiez pas déjà avertis.

 

 

 

 

 

samedi, 01 septembre 2012

L'ANTISEMITISME DE CELINE

Pensée du jour : « "Si tu n'aimes pas la soutane, conseille un proverbe bantou, ne mange pas le missionnaire." Ce qui prouve combien le Bantou est peu civilisé : il ne sait même pas éplucher les légumes. "Il n'y a pas de bas morceau dans le gros ethnographe", dit un autre de ses proverbes. Et, faute d'expérience, on ne peut dire s'il s'agit de discernement ou de gloutonnerie. La civilisation ne commence qu'avec la distinction juridique ».

 

ALEXANDRE VIALATTE

 

 

Je m’étendrai un peu, mais pas trop, sur l’antisémitisme (le général, mais aussi le spécifique de LOUIS-FERDINAND CÉLINE). C’est un trop gros cheval pour que je puisse espérer le monter un jour. Et je n'ai pas envie d'apprendre. Je dirai seulement que je ne comprends ni les antisémites, ni l'antisémitisme. J'ai tendance à y voir un simple instrument politique, un outil de gouvernement si vous voulez, que divers pouvoirs au cours de l'histoire ont manipulé dans un sens ou dans un autre, au gré de difficultés ou aléas particuliers.

 

 

 

Quoi de mieux, en effet pour unifier derrière soi, et pour faire adhérer, que de désigner un ennemi ? Qu’est-ce qui pousse à haïr un juif parce qu'il est juif ? Qu’un Palestinien haïsse les Israéliens pour occupation de territoire, passe encore. Il s'agit de peuples, de nations. De politique. De guerre, éventuellement. On nous raconte bien que les Français ont massivement haï les Allemands pendant l'Occupation. Mais que veut dire haïr quand on ferme sa gueule ? Ce fut peut-être vrai pour 0,5 % de Français de l'époque, ceux qui ont mis la main à la pâte. Et encore, les chiffres ne sont pas scientifiquement établis.

 

 

Mais qu’un musulman (j'aurais pu dire un chrétien, un soudeur à l'arc, un jockey, que sais-je, FRANK RIBÉRY) haïsse un juif ? J'avoue que c'est au-delà de ma comprenette. Je dois manquer d'imagination. Et pourtant, il y a des antisémites en France, aujourd’hui. Mais c’est pour l’essentiel des gens qui s’identifient aux Palestiniens qui luttent pour la création de leur Etat. Je ne vise personne, mais suivez mon regard. A ce titre, je récuse formellement l'affirmation qui consiste à prétendre que "la France" est antisémite, souvent complaisamment colportée. Non monsieur, ce n'est pas "la France" qui est antisémite.

 

 

A la limite, je me demande si l’on ne pourrait pas parler d’un "antisémitisme politique", plutôt que de se cacher derrière le petit doigt de l'antisionisme. Si je comprends bien, ceux qui se veulent, non pas antisémites, mais antisionistes ne visent rien d'autre que la destruction de l'Etat d'Israël (même s'ils prétendent le contraire). Pourquoi ? Tout simplement parce que, si le sionisme a consisté à réclamer une terre pour les juifs, et à appeler à la CREATION d'un Etat, n'est-il pas logique de conclure que l'antisionisme est un appel à sa DESTRUCTION ? Comme AHMADINEJAD ?

 

 

Mon raisonnement est taillé à la hache, je le reconnais, mais il est d'une logique aveuglante. Et son corollaire est le suivant : si vous tentez de détruire l'Etat d'Israël qui, existe depuis plus longtemps (et plus solidement) que le Sud-Soudan, vous avez la Troisième Guerre Mondiale. C'est ça que vous voulez ? Non. Alors à quoi jouez-vous, avec votre "antisémitisme politique" ? 

 

 

Vous me direz que, par bonheur, je ne comprends pas grand-chose, et vous aurez certainement raison. J'espère. Je constate simplement, en me contentant d'observer des faits, que la création de l’Etat d’Israël sur une terre longtemps ottomane, et qui, en tout cas, n’était plus juive depuis lurette, mais musulmane pour l'essentiel (avec présence multiconfessionnelle malgré tout) ne pouvait, dès l’origine, que créer du conflit. Et du conflit perpétuel. L’état de guerre date de la création d’Israël. On appelait ça le sionisme. Le sionisme est une déclaration de guerre, puisqu'il s'agit d'occuper un territoire où d'autres sont installés depuis longtemps, sans leur demander leur avis.

 

 

Un Israélien n’a-t-il pas décrit récemment l’Etat d’Israël comme un groupe de 5 millions de Juifs cerné par un milliard de musulmans ? Il faisait en passant abstraction des Arabes israéliens. La mentalité d’assiégé est consubstantielle à la création de l’Etat d’Israël. La guerre sera donc éternelle. Et peut-être, un jour, universelle. A cause du sionisme. Vous vous imaginez ? Pouvoir revenir dans votre logement 2000 ans après l’avoir quitté et en chasser celui qui l’occupe à ce moment ? Devinez s'il serait d'accord ?

 

 

A qui appartient la terre ? JEAN-JACQUES ROUSSEAU répond : « Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, que de guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eût point épargné au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : gardez-vous d'écouter cet imposteur ; vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous et que la terre n'est à personne ». La terre n'est à personne.

 

 

En même temps, qui d'assez puissant pourrait prendre la décision de vouloir rayer Israël de la carte ? Israël existe bel et bien. Insoluble, le problème, je vous dis. On trouve ici le trou noir (en quelque sorte) de tout désir de paix. Israël est né d'un coup de force. Comment voulez-vous arriver à la paix dans ces conditions ? C'est l'ONU qui a décidé ? Et alors ? Si c'est contre la volonté des Arabes concernés par l'implantation ? Ce n'est pas la guerre ? Si, c'est la guerre. Je m'égare.

 

 

De toute façon, l’antisémitisme de CÉLINE n’a rien à voir avec le sionisme. Il date de bien avant la création de l'Etat d'Israël. Pas sûr même qu'il  a été contre : « Qu'ils aillent donc traiter d'antisémites les arabes de Palestine » (HENRI GODARD, Céline, p. 413).  Son antisémitisme est carrément, et totalement, PATHOLOGIQUE. Une bonne et grosse et grasse et grave maladie psychiatrique. Lui, ce dont il accuse les juifs en 1937, entre autres, c’est de vouloir faire la guerre à HITLER. Il s'y tiendra mordicus. Pour lui, ils sont (et restent) les fauteurs de la 2ème guerre mondiale. On hallucine évidemment.

 

 

Vous voulez savoir ce que c’est, le CÉLINE antisémite? En voilà un extrait : « J’ai rien de spécial contre les Juifs en tant que juifs, je veux dire simplement truands comme tout le monde, bipèdes à la quête de leur soupe… Ils me gênent pas du tout. Un Juif, ça vaut peut-être un Breton, sur le tas, à égalité, un Auvergnat, un franc-canaque, un « enfant de Marie »… C’est possible… Mais c’est contre le racisme juif que je me révolte, que je suis méchant, que je bouille, ça jusqu’au tréfonds de mon bénouze ! … Je vocifère ! Je tonitrue ! Ils hurlent bien eux aux racistes ! Ils arrêtent jamais ! Aux abominables pogroms ! Aux persécutions séculaires ! C’est leur alibi gigantesque ! C’est la grande tarte ! Leur crème ! On me retirera pas du tronc qu’ils ont dû drôlement les chercher les persécutions ! Foutre bite ! ». Voilà, j’arrête, c’est dans Bagatelles pour un massacre (1937). Et ce n’est pas les pires pages, loin de là, je vous assure. On le trouve sur internet. Sans commentaire.

 

 

Quand la réalité d’Auschwitz pète à la gueule du monde, il surveille ses propos médiatiques, mais ne modifiera en rien, jusqu’au bout, ses positions sur la « question juive ». Les Protocoles des Sages de Sion, ce faux grossier élaboré par la police tsariste ? Il y croit. Le complot juif mondial ? Il y croit. La mainmise des juifs sur les médias, la presse ? Il y croit.

 

 

HENRI GODARD fait toute leur place, sans rien esquiver, me semble-t-il, à ces aspects qu'il qualifie d'insupportables. N'étant pas psychiatre, il se garde d'approfondir. C'est comme en passant qu'il évoque la paranoïa. N'ayant pas autant que lui de précautions à prendre, je le dirai carrément : LOUIS-FERDINAND CÉLINE fut gravement PARANOÏAQUE. Comme le président SCHREBER qui, à part quelques internements, exerça "dignement" sa fonction dans la magistrature (SIGMUND FREUD, Le Cas Schreber).

 

 

Et selon moi on ne peut lui enlever sa folie sans le priver du même coup de son génie. Les deux sont inséparables. Si vous lui arrachez son antisémitisme, vous détruisez son oeuvre littéraire. La folie qu'il y a dans son style est intimement cousine de celle qui gouverne sa vie.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre.

samedi, 07 juillet 2012

UN PARFUM DE TROISIEME REICH (2)

LISTE DES INTERDITS : cette formule me fait penser à un texte d’ALAIN (Propos sur le bonheur). Le philosophe oppose la famille où règne la joie dans l’absence de contraintes imposées à ses membres à celle où la vie en commun se réduit à la stricte observance des phobies de chacun : il ne faut heurter personne. Résultat, « tous se regardent d’un œil morne et disent des pauvretés ».

 

 

Poussons les choses à l’extrême : imaginez, dans notre petite société française de 65.000.000 d’habitants, que CHACUN ait le droit d’interdire à TOUS ce qui ne lui plaît pas, que devient la vie sociale ? Et que devient la vie ? Qu’avons-nous fait de la liberté ? Sur le papier, nous n’avons jamais été aussi libres.

 

 

Dans la réalité, nous n’avons jamais autant fait, au même moment que les autres, la même chose que tout le monde : nous déplacer, nous alimenter, nous distraire, nous reposer, etc. Dans les espaces divers que nous occupons successivement dans la journée, dans la semaine, dans le mois ou dans l’année, c’est soit le désert, le vide angoissant, soit l’engorgement, la saturation, la thrombose (mot savant affectionné des journalistes).

 

 

Donc, d’un côté, une liste de PROSCRIPTIONS oppose à nos désirs d’expression libre le mur des conventions morales, voire légales (judiciarisation de la vie en société). De l’autre, une liste de PRESCRIPTIONS lexicales vite adoptées, véhiculées et imposées par les médias et les complaisants, inattentifs ou négligents journalistes. Je suis parti de l’exemple « Françaises, Français ».

 

 

Mais les exemples de ces formules ne manquent pas. Je pense à « cellule de crise », qui montre que le responsable politique est bien à son poste, l’œil vigilant, la main prête à passer à l’action. Je pense à « commencer son travail de deuil », qui, lors du procès d’un meurtrier, sous prétexte de valoriser la victime, occulte la nécessité d’une justice juste pour que le citoyen normal puisse recommencer à dormir paisiblement.

 

 

Je pense à « cellule psychologique », qui voit des autorités proches des gens, des « vrais gens », et prêtes à les entourer de leurs soins et de leur prévenance suite au traumatisme subi. Je pense à « devoir de mémoire », qui appelle la prise en compte du passé historique, particulièrement de ses moments tragiques. Rappelez-vous, sous SARKOZY, la lettre de Guy Môquet et le parrainage d’enfants morts à Auschwitz par des écoliers.  

 

 

Je pense à l’expression horrible « la foule des anonymes », dont le journaliste ordinaire et catastrophique (père, pardonnez-lui, parce qu’il ne sait pas ce qu’il dit) se repaît, dès que lui incombe la tâche de narrer par le menu et dans le détail tout le pittoresque d’une cérémonie funèbre. Après la liste des interdits, donc, la liste des commandements.

 

 

S’inspirant de VICTOR KLEMPERER, ERIC HAZAN a écrit en 2006 LQR – La Propagande au quotidien (Editions Raisons d’agir). LQR signifie « langue de la cinquième République ». Ce petit livre (122 pages) n’a pas l’ampleur, la portée et l’ambition de LTI – Notizbuch eines Philologen de son ancêtre KLEMPERER.

 

 

VICTOR KLEMPERER était juif, et son livre est l’aboutissement d’un travail de longue haleine, qui couvre toute la durée de l’hitlérisme au pouvoir (13 ans). ERIC HAZAN fait néanmoins œuvre utile et réjouissante, en étalant au grand jour la prétention et la cuistrerie des Trissotin qui nous gouvernent, dont le vocabulaire apparemment sensé n’est finalement qu’un nouveau masque du mensonge politique.

 

 

Il montre en particulier que la foule, en intériorisant le langage des puissants, intègre de ce fait l’attitude de soumission qu’ils attendent. Il cite, p. 21, cette histoire, racontée par KLEMPERER, du docteur P., juif, qui « faisait siens tous les propos antisémites des nazis, spécialement ceux de Hitler (…). Il ne pouvait probablement plus juger lui-même dans quelle mesure il se raillait du Führer, dans quelle mesure il se raillait de lui-même et dans quelle mesure ce langage d’humiliation volontaire était devenu sa seconde nature ».

 

 

« La vérité c’est qu’on n’a jamais vu pareille docilité des masses. Parce qu’il n’y eut jamais tant de moyens de les conditionner à son gré », écrit ALEXANDRE VIALATTE. On peut à bon droit s’inquiéter du degré d’intériorisation de la soumission des esprits auquel nous a conduits le règne actuel de la télévision, qui assure le règne hégémonique voire totalitaire de la PROPAGANDE.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

vendredi, 23 décembre 2011

SARKOZY DEGAINE SON ARMENIE

Allez ! C’est reparti. Mais qu’est-ce que c’est, cette fièvre qui les prend régulièrement, les politicards, qu’ils soient « uhèmpistes » ou « péhessistes », qu’ils dorment au palais Bourbon ou au palais du Luxembourg, qu’ils aient le pouvoir ou qu’ils veuillent le conquérir ? Encore un tour de cinglés ! De toute façon, pour moi, le Bourbon est un mauvais whisky (américain) et le Luxembourg, un paradis fiscal avec « Chambre de Compensation » (ça veut dire Clearstream) incorporée.

 

 

 On avait déjà la répression des PROPOS sur quelques sujets (antisémitisme, sexisme, homophobie et autres « phobies »), sur lesquels on a voulu coudre la bouche des dizaines de millions d’individus qu’on appelle en général la « population », puisqu’on a abandonné le mot « peuple ». Rien que ça : réprimer des PAROLES, ça me fait déjà craindre le pire.

 

 

Eh bien qu’on se le dise, de même que monsieur GERARD COLLOMB a mis les Arméniens dans sa poche électorale en laissant installer un « monument commémoratif » (en fait, une dizaine de totems bizarres) au pied du clocher de la Charité, de même, le président NICOLAS SARKOZY, en vue de la présidentielle, est parti à la pêche aux voix  arméniennes en leur accordant le vote d’une loi réprimant la négation de « tout » génocide en général (sous entendu : du génocide arménien en particulier).

 

 

Eh bien, je me répète, qu’on se le dise : si un candidat, quel qu’il soit, veut acheter ma voix, il va falloir qu’il donne une rallonge sévère au chiffre des picaillons. Ma voix est hors de prix, monsieur COLLOMB. Ma voix est au-dessus de vos moyens, monsieur SARKOZY. De toute façon, il est probable que vous n’avanceriez pas un centime dans cet investissement. C'est du fonds perdu.

 

 

Et vous avez raison : dans toutes les prochaines élections, vous êtes prévenus, ma voix restera dans ma gorge. J’ai cessé de faire joujou avec les petits papiers. Et je ne ferai aucun jeu de mots sur « urnes » et « burnes ». Ici, on est toujours d’une correction impeccable. On a sa dignité, que diable !

 

 

De quoi s’agit-il ? D’une course à pied. D’un sprint, pour être précis. C’est à qui arrivera le premier pour occuper le créneau. Le « Parti Socialiste » annonce il y a quelque temps qu’il fait mijoter une loi sur le sujet. SARKO bondit sur l'UMP : « Merde, on va se faire griller sur le génocide arménien. Vite une loi ! ». Ben elle est là, la loi. Dans le match SARKOZY-HOLLANDE, avantage à SARKOZY.

 

 

Vous avez vu le coup de main ? Chapeau l’artiste ! Remarquez, c'est une habitude à prendre : les faits divers ont bien servi de galops d'essai, au chapitre des lois-événements. Et ces cons de socialistes, qui voient le fromage arménien leur échapper, vous croyez qu’ils font la gueule ? Mais non ! Ils l’ont dans le baigneur ! Dans le dos ! Dans l’anus ! Dans ce que vous voudrez : piégés par SARKO, ils vont la voter, la loi, comme un seul clampin. Bien obligés ! C’est bien fait pour eux !

 

 

Est-ce que ça veut dire pour autant que les Arméniens ont tort ? Non évidemment. Le sol turc abrite en tout et pour tout 60.000 individus de cette … quoi ? Ethnie ? Langue ? Religion ? En 1900, ils étaient 2.000.000. Je signale en passant que 1915 et 1916 ont vu disparaître non seulement des Arméniens en pagaille, mais en gros toutes les minorités (Grecs, Juifs, …) qui occupaient une portion du territoire ottoman. Aujourd’hui, on appellerait ça « minorités visibles ».

 

 

Avec déportations vers Alep, micmacs avec les Russes, et tout un tas d’atrocités sur lesquelles les historiens sont bien documentés, les « Jeunes Turcs » ont construit leur nouvel Etat sur la « turquification » de la population. Je recommande les photos montrant des officiers turcs posant fièrement derrière leurs trophées : des rangées entières de têtes coupées. On n'est pas plus "raffiné". On ne disait pas encore « nettoyage ethnique ».

 

 

 

Et le MUSTAPHA KEMAL ATATURK des familles, qu’on nous sort en toute occasion du placard comme fondateur moderne et progressiste de l’Etat actuel, c’est bien lui qui obtient l’amnistie pour les massacreurs, si je ne me trompe. La Turquie qui réclame son fauteuil à la table européenne, c'est exactement l'héritière de ça, il faut le savoir. La Turquie actuelle est un pays depuis bien longtemps nettoyé des impuretés raciales. Déjà ça, ça me chiffonne la somnolence postprandiale.

 

 

Ce qui me retourne l’estomac et me badibulgue la comprenette, ces jours-ci, ce n’est donc pas un quelconque problème avec les Arméniens, mais avec les épiciers français qui font commerce de ce genre de marchandise, sous l’emballage de n’importe quel yaourt électoral.

 

 

Car la loi votée jeudi n’est pas la première du genre à instaurer un délit d’opinion, une infraction de parole, un crime de pensée. Il a d’abord été interdit de dire du mal des juifs. On a ajouté l’interdiction de soutenir que les juifs n’avaient pas subi une extermination. Sauf erreur de ma part, cette loi "mémorielle" ne dit rien des tziganes, des handicapés, des homosexuels morts à Auschwitz ou ailleurs.

 

 

Et comme, en tout, « il n’y a que le premier pas qui coûte », et qu’un bon politicard soigne correctement les cuisiniers qui le nourrissent, on a continué sur la lancée : il a été interdit de traiter les handicapés d’infirmes ; d’appeler « pédé » un homme qui préfère les hommes ; de tenir sur les femmes des propos jugés méprisants par les femmes ; sur les noirs des propos jugés infamants par les noirs ; sur la Lune des propos jugés diffamatoires par les Lunatiques ; sur les bébés éprouvette des propos jugés injurieux par les éprouvettes. Et tutti quanti !!!

 

 

NE PENSEZ PLUS, VOUS ÊTES CERNÉS. NOUS AURONS LES MOYENS DE VOUS FERMER LA GUEULE. RENDEZ-VOUS !

 

 

 

Il paraît que nous vivons en « démocratie ». MONTESQUIEU, pour que ce régime fût viable, exigeait que les citoyens fussent vertueux. On voit aujourd’hui ce qu’il en est. Si MONTESQUIEU est dans le vrai, la démocratie est bel et bien foutue. Mais prenons les choses et les hommes comme ils sont, de niveau moral moyen et variable. Et « faisons avec », comme on dit. La simple logique veut que, en même temps que les fous, les handicapés et les imparfaits, la démocratie laisse vivre les imbéciles, les crétins, les bas-de-plafond, bref, toutes les sortes de bêtes et de méchants.  

 

 

 

Cette démocratie s’honore de les laisser vivre, mais aussi et surtout de les laisser s’exprimer. En démocratie, on n’a pas le droit d’interdire aux gens d’être cons. Oui, les cons en jouissent aussi, de la liberté  d’expression. Et c’est normal que ce soient des conneries qui sortent de leur bouche. Aussi longtemps que ça reste des paroles.

 

 

Qu’est-ce que c’est, ces « démocrates » en peau de lapin qui se chargent de faire la police du langage et s’érigent en juges de ce qu’il est licite ou pas de dire et d’écrire ? De penser ?  

 

Les juifs s’honoreraient de laisser dire des blagues, même très mauvaises, sur les juifs. Visiblement, ce n’est pas la voie que prend le CRIJF, sous la houlette de son président RICHARD PRASQUIER. Même chose pour les homosexuels, les femmes, les handicapés.

 

 

Même chose, aussi, pour les Arméniens : j'aimerais assez, et pour tout dire, je considèrerais comme tout à fait normal et compréhensible que les Arméniens vivant en France soient eux-mêmes gênés aux entournures par le coup de lèche-cul que les politicards français leur ont fait en l'occurrence. Il faudrait voir à qui le crime profite.

 

 

Je me rappelle une exécrable plaisanterie du clown alsacien ROGER SIFFER : « Quelle est la différence entre un fumier alsacien et un fumier lyonnais (le spectacle avait lieu à Lyon, évidemment) ? ». La réponse était, vous l'avez devinée : « C'est qu'en Alsace, les fumiers n'ont pas de plongeoir ! ». Ouarf ! On s'éclate !

 

 

Minorités de tous les pays, par pitié, laissez dire du mal de vous ! Plus vous laisserez dire, plus ça voudra dire que vous êtes fortes ! Minorités de tous les pays, montrez-vous supérieures à tous les calculs sordides. Le SACRÉ ne se décrète pas à coups de lois. Minorités de tous les pays, ne vous faites pas les flics de la parole et de la pensée. N'ajoutez pas votre pelletée de terre dans le trou où se trouve la démocratie.

 

 

 

Sinon, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Je suggère qu’on fasse une loi pour punir les blagues belges de vingt ans de prison. Ça vaudrait le coup, non ? Et châtier les mauvais qui s'en prennent aux rouquins (voir Egypte ancienne), aux unijambistes, aux sauteurs à la perche, aux automobilistes à contresens, aux réverbères à l'envers, aux sauts de puce. Je vous le demande : de quel droit se moquerait-on des sauts de puce (à la Sainte Luce, les jours rallongent d'un saut de puce) ?

 

 

 

Un cri monte des profondeurs (vous vous rappelez ce que vous chantiez à l'église : "de profundis clamavi ad te") : des lois pour punir, DES LOIS POUR PUNIR, DES LOIS POUR PUNIR. A croire que c'est le point culminant de l'avenir démocratique. Chaque « minorité » doit dire : « Toi, sale politicard que je méprise et qui te mets à mon service pour accéder à ton misérable petit poste de petit pouvoir, satisfais mes exigences forcément légitimes et réprime ceux qui m'humilient, et tu auras droit aux voix de mon groupuscule. Sinon, que la fièvre quarte et la vérole de la Vierge de Guadalupe te patafiolent, la paille en cul et le feu dedans ».

 

 

Car le plus rageant, dans cette évolution inexorable, c’est la raison pour laquelle elle est promue : la ligne bleue de l’élection prochaine, le Graal de politicards vulgaires qui font leur marché en trimbalant de client en client leur bouche en cœur, dégoulinante de « convictions fortes ». « Clientélisme » est un mot décidément trop gentil. Il faudrait des termes plus injurieux, plus proches de la vomissure et de l’étron. Des mots plus sales et plus puants.

 

 

Je me contenterai de traiter tous ces premiers de la classe qui se servent de nous pour leur servir de marmitons, de mitrons et de saute-ruisseau, de qualifier tous ces élèves doués qui ont choisi la carrière de vendeurs de vent d’un seul mot : MINABLES.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.