xTaBhN

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 04 février 2018

VOIE DE GARAGE, OU GARE DE TRIAGE ?

Cela va de soi : faire un tri entre les humains, c'est très vilain. L'homme du vingt et unième siècle a trop à l'esprit l'arrivée de certains trains au terminus d'une voie située autour de la ville polonaise d'Oswiecim, plus connue sous son nom allemand, et l'envoi de certains bétails humains, en guise de descente du train, les uns vers l'esclavage du travail forcé non rémunéré, les autres directement vers des douches douteuses alimentées au Zyklon B. Cela se passait il y a un gros demi-siècle.

Il va sans dire que la notion de tri a d'autres bien fâcheuses connotations : on trie les animaux, en fonction de leur aspect, de leur conformation à un standard, de leur potentiel génétique, etc. On trie aussi, depuis déjà quelque temps, les déchets, paraît-il, bien que, nous assure-t-on, la France reste très en retard sur ses voisins européens, s'agissant de la récupération des plastiques.

On se met donc à la place des jeunes, qui renâclent à se laisser sélectionner à l'entrée dans l'enseignement supérieur : on n'est pas des bestiaux. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils ne sont pas habitués. C'en est au point que le mot "sélection" est désormais interdit de vocabulaire officiel, et même que l'on traque la substance du vocable sous les déguisements lexicaux les plus divers. 

Cette phobie, qui s'ajoute à bien d'autres, s'explique aisément, mais n'en reste pas moins paradoxale. Le féroce égalitarisme soviétique que des idéologues bien placés dans les structures hiérarchiques du ministère de l'Education nationale ont instauré à tous les niveaux de la scolarité jusqu'au baccalauréat a habitué les enfants et adolescents à passer dans la classe supérieure quoi qu'il arrive, jusqu'à la terminale. Les autorités voulaient en finir une fois pour toutes avec les inégalités : louable intention. Résultat des courses : le système éducatif français est, nous dit-on, un des plus inégalitaires qui soit. Un des plus inefficaces aussi. Allez comprendre !

Les ministres successifs ont multiplié les "réformes" et les "trouvailles innovantes" : fin du cours magistral, du classement de fin d'année et de la distribution des prix (surtout ne pas récompenser les meilleurs, dont je n'ai jamais été, mais que j'ai enviés, et alors ?), instauration du collège unique (surtout ne plus rejeter les moins bons dans les filières techniques), abolition du redoublement, multiplication des activités connexes à l'école primaire (invasion de la classe par toutes sortes d'intervenants en musique, langue, sport, etc.), abolition des filières, classes "indifférenciées" du crack au débile léger, dévalorisation de tout l'enseignement technique, instauration des "notations formatives" pour ne plus "stigmatiser" les derniers de la classe, consignes impératives de "générosité" aux correcteurs des épreuves du bac, 80% d'une classe d'âge au bac, etc.

Il est donc normal que les élèves réagissent mal à l'idée de se voir brutalement opposer une fin de non-recevoir à leur désir d'entrer à l'université dans la filière de leur choix : le nouveau bachelier ne veut pas entendre parler de sélection et veut pouvoir entrer dans la formation de son choix, quels qu'en soient les débouchés sur le "marché du travail", et quelles que soient les capacités d'accueil des établissements : l'université n'a qu'à faire ce qu'il faut pour recevoir tous ceux qui le veulent, na ! Et le gouvernement n'a pas intérêt à sucrer nos APL, sinon il va voir !

Tout cela pour dire quoi ? Simple : qu'à toutes les étapes du parcours scolaire (formation initiale), règne un souverain négationnisme de la sélection, et que cela prépare magnifiquement les enfants, puis les jeunes à être accueillis à bras ouverts dans une société qui a aboli depuis longtemps l'idée de sélection. On le constate tous les jours, les patrons d'entreprises souriants et les DRH aimables répètent à tous les vents : « Laissez venir à moi les petits enfants ».

C'est bien connu, la société est accueillante, et le marché du travail est d'une magnanimité sans égale, se moquant éperdument de la qualité de la formation reçue par les candidats à l'emploi. C'est bien connu : quand il y a 200 postulants pour un seul poste offert, le premier qui oserait parler de "sélection" se fait bannir pour obscénité. C'est bien connu : quand un employé rouspète, mécontent de la façon dont on le fait travailler, le DRH ne l'invite jamais à prendre ses cliques et ses claques en lui laissant entendre que 200 remplaçants attendent impatiemment à la porte pour prendre sa place.

C'est bien connu : la société dans son ensemble ignore superbement toute idée de sélection. Et c'est si vrai qu'on a vu proliférer les émissions télévisées fondées sur la compétition. Qu'on parle de chanson, de cuisine, de sport et même de finance, c'est compétition à tous les étages, et dans le consentement général ! Allez comprendre ! On nous a toujours bercés et maternés, et voilà que tout d'un coup, on entend de furieux cris : « Honneur et gloire au vainqueur, malheur et honte au vaincu », nous dit tout le monde moderne ! Le monde moderne veut des agressifs, des gens qui aient la gnaque et n'hésitent pas à marcher sur les pieds des copains, des molosses prêts à se jeter sur les proies qui passent à portée de croc. Le monde moderne serine à l'oreille de chacun : c'est toi le meilleur ! Qu'attend-tu pour y aller ? Pour te jeter dans la bagarre ? Qui ne tente rien n'a rien. 

Dans cette société si égalitaire, on ne compte plus les sportifs avides de se trouver face à des "challenges" à la hauteur de leurs ambitions, qui ne rêvent que de "relever des défis", de "se dépasser", d'être "motivés à 200%". Et ce n'est qu'un exemple parmi cent autres. Curieux contraste, en vérité. 

Je crois qu'il est là, le cancer qui ronge le système éducatif français : l'angélisme perpétuel d'une idéologie de la bienveillance (n'est-ce pas, Yves Michaud ?), dont tout le déroulement postérieur de la vie sociale constitue un démenti formel et de touts les instants. Toute sa vie, le gamin va entendre retentir l'injonction d'avoir à donner le meilleur de lui-même. Le problème, c'est qu'on ne le lui aura jamais dit. L'affrontement pacifique avec les autres, cela s'appelle l'émulation. Mais l'égalitarisme soviétique a rayé l'émulation des moyens offerts aux individus pour progresser. Sauf dans la vraie vie, où la compétition, l'autre nom de l'émulation à l'état aigu, règne en maîtresse.

Je ne dis pas qu'il faut transformer la salle de classe en "arène sanglante", je dis juste que le rôle de l'école est de fournir les outils – et les armes, pourquoi pas ? – pour préparer chacun à entrer un jour dans la compétition, puisque compétition il y a. Et donc qu'il est d'une grande irresponsabilité de nier la dimension sélective d'un système éducatif, quel qu'il soit.

Quand on voit à tous les étages de la société la promotion fanatique de la seule idée de compétition, il est criminel de prêcher solennellement, tout au long de la scolarité, que 

« les hommes naissent libres et égaux en droit ».

Voilà ce que je dis, moi.

dimanche, 04 novembre 2012

LE DROIT DE MENTIR DANS LA DIGNITE ?

Pensée du jour : « Si tout le monde était de mon avis, tout serait plus commode ».

 

PROVERBE BANTOU

 

 

Franchement, je ne sais pas quel est au juste le degré de parenté de madame SYLVIE KERVIEL avec un certain JERÔME du même nom, et dont le patronyme et le petit nom ont couru les gazettes dans tous les sens pour une bête histoire de porte-monnaie de vieille dame évaporé dans la nature. Enfin, un porte-monnaie de cinq milliards quand même. Mais on ne choisit pas sa famille, n’est-ce pas ?

 

 

On ne choisit pas son nom de famille, c’est certain. Tenez, il existe sûrement quelque part quelqu’un qui s’appelle HITLER. Peut-être même son prénom est-il ADOLF. On appelle ça de l’homonymie. Je me dis que ça doit être assez lourd à porter. Je parlais il n’y a pas longtemps de MOHAMED MERAH. Eh bien j’ai lu quelque part qu’un autre malheureux MERAH, lui aussi prénommé MOHAMED, ne cessait de rencontrer, au quotidien, dans son travail, dans son quartier, des tracasseries diverses. J’espère pour lui qu’il y a mis fin.

 

 

La revue Lire avait publié dans le temps un dossier recensant quelques individus qui portaient le nom et le prénom d’écrivains célèbres. Je me souviens d’un garagiste francilien qui s’appelait JEAN-JACQUES ROUSSEAU. Dans la liste, il devait y avoir un MARCEL PROUST, quelques autres, parmi lesquels un poinçonneur du métro parisien. Le dossier, je dois dire, était assez drôle.

 

 

Sans même parler d’homonymie, j’admets que certains noms soient plus difficiles que d’autres à porter. Il y avait autrefois dans mon quartier une madame COURTECUISSE. J’ai croisé un PEUDEPIECE, un PIEDEVACHE. Rien à voir pourtant avec monsieur BORDEL, qui est parvenu à modifier son nom, moyennant une procédure, je crois, assez longue et tortueuse.

 

 

Car la loi française prévoit les cas où la vie de la personne est rendue invivable, du seul fait de son patronyme, jugé vexatoire, humiliant, et tout simplement impossible à porter. Je ne vous dirai pas à quelles sauces de plus ou moins mauvais goût mon propre nom a été mis tout le temps de la primaire et du lycée.

 

 

Mais enfin, venons-en à madame SYLVIE KERVIEL, journaliste au Monde. Comme tous les journalistes, elle écrit des articles. Etonnant, non (un coucou à La Minute nécessaire de Monsieur Cyclopède, du regretté PIERRE DESPROGES) ? Le cas de madame SYLVIE KERVIEL, il faut que je l’avoue, m’a interpellé (non, vous ne me ferez pas ajouter « quelque part au niveau du vrai cul »).

 

 

Je n’ai rien à dire du sous-titre de son article : « Les mensonges des petits les aident à grandir ». C’est percutant de vérité massive. Je n’en dirai pas autant – mais alors pas du tout – du titre lui-même. Pensez, l’article figure en page 19, mais est « appelé » en Une par son titre et un court texte de présentation. Tenez-vous bien, madame KERVIEL intitule son laïus : « Accorder aux enfants le droit de mentir ».

UNE MONDE.jpg 

 

Je ne sais pas vous, mais moi, je trouve ça extraordinaire. Ce titre me semble en effet très révélateur d’une grande tendance de l’époque qui ne cesse de « faire bouger les lignes », en un mot, ne cesse de bouleverser les points de repère dans nos esprits livrés à la confusion des mots et des notions.  

 

 

Donc, il faut ACCORDER AUX ENFANTS LE DROIT DE MENTIR (je signale que le « il faut » est sous-entendu par le verbe à l’infinitif). Qu’est-ce qui est aberrant dans la proposition ? Mais le simple fait de transformer une réalité en droit. Tout bêtement. Tiens, par exemple : qui n’a jamais volé ? Je veux dire volé quelque chose à quelqu’un ? Le vol est une REALITÉ. Un fait qui se produit tous les jours. Connaissez-vous pour autant une loi qui fasse du vol un DROIT ? Evidemment non.

 

 

Et voici, dans la très longue liste des « droits » nouvellement éclos (c'est nouveau, ça vient de sortir), un nouveau « droit » : celui de mentir. Et pas n’importe comment : le mensonge entre en effet dans l’arsenal des moyens éducatifs. Je reste un peu baba d’étonnement devant cette proposition audacieuse. Car jusqu’à nouvel ordre, mentir reste une infraction. Pas à la loi, non. Je ne crois pas qu’un tel délit figure au Code Pénal. Mais enfin une infraction aux règles morales de la vie en société.

 

 

Je sais bien que nous autres, gens ordinaires, passons notre temps à dissimuler, à omettre, à jouer double-jeu. Et que les hommes politiques ont fait du mensonge un métier (voir FRANÇOIS MITTERRAND face à JACQUES CHIRAC en 1988 : « Dans les yeux, je le conteste »). Mais cela fait-il du mensonge un « DROIT » ? Evidemment non.

 

 

Les enfants mentent, comme tout le monde. C’est un fait. Faut-il, à l’exemple de SYLVIE KERVIEL, se pencher vers eux avec un sourire bienveillant et leur dire : « Oui, c’est bien, continue » ? D’ailleurs, si les enfants mentent, ils ont de qui tenir : c’est du simple mimétisme. Toto voit sa mère décrocher le téléphone et dire : « Ah, ma chère amie, tu ne fais que me précéder, j’allais t’appeler, tu ne peux pas savoir le plaisir que tu me fais ! ». Ce disant, la maman regarde monsieur en se passant le revers des doigts sur la joue, aller et retour. Le gamin n’oubliera pas, soyez-en sûrs.

 

 

Il existe des réalités, dans la société : il y a des prostituées, des voleurs, des meurtriers, des menteurs, des escrocs, et bien d’autres tout aussi blâmables. Beaucoup de ces réalités sont réprimées par la loi, mais même sans cela, rien n’autorise à faire d’une réalité un droit, qu’il s’agisse de faire ou d’adopter des enfants, de se marier, de recourir à la procréation médicalement assistée (PMA).

 

 

On n’a pas DROIT à l’enfant, même si l’envie d’en avoir ne manque pas. Et cela vaut pour la mort (cf. l’ADMD), le mariage, etc. Que deviendrait le statut de la vérité si l’enfant se voyait autorisé à mentir ? S’il ne sentait pas que c’est « mal » ? S’il n’avait pas, quelque part, le sentiment (et le plaisir) d’enfreindre ? La vérité ne serait plus une sorte d'idéal à atteindre dans « le meilleur des mondes possibles » (quand il sera advenu), mais une option parmi d’autres sur les rayons du supermarché des notions morales.

 

 

Madame KERVIEL a perdu une bonne occasion de la fermer. Mais il paraît qu'on est en démocratie : tout le monde a-t-il pour autant le droit de proférer des âneries ? C'est pourtant, dans la réalité, ce  à quoi s'autorisent des légions d'individus à longueur de journées et de journaux. Après tout, c'est peut-être quand même ça, la démocratie : la possibilité de dire n'importe quoi. Mais non, personne ne pourra me convaincre qu’une réalité (ou un désir) ouvre, du seul fait qu’elle existe, sur un DROIT. Il ne faut pas confondre un FAIT avec un BUT.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

mercredi, 19 septembre 2012

DANS NOTRE BAIGNOIRE SONORE

Pensée du jour : « Evitons tout malentendu : il me semble que le hannah arendt,littérature,éducation,musique,pop,rock,france culture,marc voinchet,musique tonale,jean-sébastien bach,clavier bien tempéré,blues,chick webb,ella fitzgerald,jazz,batterie,daniel humair,rené urtreger,christian vander,éducation nationale,fête de la musiqueconservatisme, pris au sens de conservation, est l'essence même de l'éducation, qui a toujours pour tâche d'entourer et de protéger quelque chose - l'enfant contre le monde, le monde contre l'enfant, le nouveau contre l'ancien, l'ancien contre le nouveau ».

 

HANNAH ARENDT

 

 

 

Bon, c’est sûr, après ces quelques notes qui maltraitent (si c'est possible !) la musique techno (et ses dommages collatéraux), qui passe pour une forme modernissime de la civilisation, je vais passer pour un gros « bloc », échoué par erreur du moyen âge d'une planète lointaine sur les rives lumineuses d'un nouveau paradis originel. Tant pis. D'ailleurs, puisque c'est comme ça, je vais aggraver mon cas, car c’est tout l’univers sonore qui s’impose à nous que je trouve difficile à supporter. Tenez, même le très élitiste France culture est contaminé.

 

 

On pense ce qu’on veut de monsieur MARC VOINCHET,hannah arendt,littérature,éducation,musique,pop,rock,france culture,marc voinchet,musique tonale,jean-sébastien bach,clavier bien tempéré,blues,chick webb,ella fitzgerald,jazz,batterie,daniel humair,rené urtreger,christian vander,éducation nationale,fête de la musique de sa « matinale », de ses « bien sûr » obsessionnels et de sa serinette compulsive, à coups de « franceculture.fr », de ses formules toutes faites adaptées à diverses circonstances (« ladies first », « vous avez votre rond de serviette aux "matins" », ...). Il place toujours, vers la fin, un morceau de musique. Eh bien, la plupart du temps, c’est de la musique « actuelle ». Je veux dire qu’elle se caractérise par : 1 – Le Tonal ; 2 – Le Binaire ; 3 – L’Amplification électrique ; 4 – Le Boum-boum. Autrement dit, le tonal binaire amplifié boumboum.

 

 

Vous avez dit TONAL ? Do majeur (do-mi-sol), ré majeur (ré-fa dièse-la), sol septième (sol-si-ré-fa), apprend le grattouilleur de guitare débutant. C’est ça, la tonalité. Et ça rassure, parce que ça donne une idée de l’harmonie. On dit aussi « consonance ». Pour se faire une idée complète de la chose, on s'instruira durablement à visiter le Temple absolu des 24 déesses Tonalités, édifié par JEAN-SEBASTIEN BACH dans Le Clavier bien tempéré (par GLENN GOULD ou SVJATOSLAV RICHTER), qui les explore méthodiquement. La tonalité est signalée par l’armure à la clé (combien de bémols ? de dièses ?).

carla bruni,hannah arendt,littérature,éducation,musique,pop,rock,france culture,marc voinchet,musique tonale,jean-sébastien bach,clavier bien tempéré,blues,chick webb,ella fitzgerald,jazz,batterie,daniel humair,rené urtreger,christian vander,éducation nationale,fête de la musique

HOMME BINAIRE DE RODIN 

Vous avez dit BINAIRE ? C’est l’homme qui marche : on n’a jamais marché à trois temps. Dansé, peut-être, mais pas marché. A la rigueur, on pourrait comparer avec le cœur qui bat ou le tic-tac de l’horloge. Là, on parle du nombre (pair) de « temps » dans la mesure (2, 4, 8).

carla bruni,hannah arendt,littérature,éducation,musique,pop,rock,france culture,marc voinchet,musique tonale,jean-sébastien bach,clavier bien tempéré,blues,chick webb,ella fitzgerald,jazz,batterie,daniel humair,rené urtreger,christian vander,éducation nationale,fête de la musique

HOMME BINAIRE DE GIACOMETTI

 

Le tonal et le binaire, c’est le socle de toute la musique qu’engloutissent les entonnoirs de nos oreilles à longueur de journée, dans la rue, les commerces, les bus, le métro, sans parler de la radio et de la télé. Toute la pop rock (à part quelques courants d'allumés qui lorgnent du côté de la musique contemporaine atonale) roule là-dessus depuis ses origines, aussi stridentes que soient les guitares, dissonants les accords de passage, hurlant le chanteur. Aussi fantaisistes soient les rythmes et le savoir-faire du batteur.

 

 

 

TOUTE la musique pop-rock, à tout prendre, se caractérise par cet aspect éminemment primitif. Disons rudimentaire si vous préférez. Je ne méprise pas. Je peux même dire que je goûte. Comme je l'ai dit récemment (à propos de littérature policière, il me semble) : « Une place pour chaque chose, chaque chose à sa place ».

 

 

La musique pop-rock est de conception très simple sur le fond, quelles que soient la virtuosité, l'imagination et le savoir-faire des musiciens et des arrangeurs, trop souvent soucieux de saturer l'espace en forme de mille-feuilles sonore. Je rappelle que le blues repose, en tout et pour tout, sur TROIS tonalités (= accords).  Sa pauvreté ne l'empêche pas de donner lieu à des formes et à des styles innombrables et infiniment riches. Et que c’est de là que toute la pop-rock est sortie. Ne pas renier ses origines. Et ne pas confondre musique populaire et musique savante.

 

 

Quant à l'amplifié et au boum-boum, après le tonal et le binaire, ce n’est plus une question de conception, c’est une question de moyens. Or il faut se convaincre que l'amplification électrique n’apporte strictement rien à ce qu’il y a de strictement musical dans la musique. Surtout, elle ne donne aucun talent, contrairement à ce que croient bien des boutonneux. 

 

 

Ce qu’elle fait, l'électricité ? La même chose que toutes les machines : elle se contente d'amplifier le pouvoir de l’homme. Jusqu’à donner au moindre apprenti Ten Years Aftercarla bruni,hannah arendt,littérature,éducation,musique,pop,rock,france culture,marc voinchet,musique tonale,jean-sébastien bach,clavier bien tempéré,blues,chick webb,ella fitzgerald,jazz,batterie,daniel humair,rené urtreger,christian vander,éducation nationale,fête de la musique,ten years after,alvin lee,pierre michelot,guitare gibson,gibson les paul,dick rivers (allez, soyons sincères, qui n'a pas ambitionné pour ses doigts l'avenir de ceux d'ALVIN LEE ?) une sorte de vertige quasi-prométhéen. Un vertige de puissance. Rien d’autre et rien de plus.

 

 

 

Par exemple, c'est l'électricité qui autorise CARLA BRUNI à se faire passer pour une chanteuse (j'ai les noms de beaucoup d'autres). Ici, vous voudriez bien une photo de CARLA pas trop habillée, hein ! Allez, je vais faire ça pour vous, bien que ça n'ait aucun rapport avec mon sujet. C'est juste pour détendre l'atmosphère. De toute façon, ça faisait longtemps. Une petite pause non musicale, quoi.

carla bruni,hannah arendt,littérature,éducation,musique,pop,rock,france culture,marc voinchet,musique tonale,jean-sébastien bach,clavier bien tempéré,blues,chick webb,ella fitzgerald,jazz,batterie,daniel humair,rené urtreger,christian vander,éducation nationale,fête de la musique,ten years after,alvin lee,pierre michelot,guitare gibson,gibson les paul,dick rivers

Quand au boumboum, je signale qu’il n’y avait pas de batterie dans les premiers orchestres de jazz (plus ou moins 1915, BUDDY BOLDEN, ...), ou si peu. Une grosse caisse, certes, mais peut-on faire plus basique ? Disons que c'est pour le battement du coeur, et n'en parlons plus.

 

 

La preuve ? Le talentueux batteur et chef d’orchestre CHICK WEBB (années 1930), chez qui eut l’honneur de commencer la toute jeune ELLA FITZGERALD (écoutez le délicieux, joyeux et à double fond A tisket a tasket, a little yellow basket), s’ingéniait à assurer la rythmique de tout l’orchestre comme s’il était dans la coulisse : un cœur battait, mais il fallait l’écouter pour l’entendre.

 

 

On n’est pas plus modeste et discret. Et efficace ! Ecoutez son roulement métronomique : il faut vraiment tendre l'oreille, mais s’il n’était pas là, les moineaux de l’orchestre se volatiliseraient dans la nature. Le coeur de l’orchestre de CHICK WEBB, c’est CHICK WEBB.

 

 

Aujourd'hui cette modestie n'est plus de mise. Le batteur dit aux copains : « Ôte-toi de là que je m'y mette ». Il s'agit de faire du bruit. Il est devenu (avec le chant et la guitare solo) le personnage central du groupe, il trône, il règne, comme je l’avais vu faire un soir à l'énorme DANIEL HUMAIR, qui faisait disparaître sous son Himalaya sonore le pauvre piano de l’excellent RENÉ URTREGER. Ne parlons pas de la contrebasse de PIERRE MICHELOT.

 

 

 

Regardez ci-dessous la muraille de tambours et de cymbales derrière laquelle se calfeutre CHRISTIAN VANDER (Magma). Et ce n'est pas le pire. Pas de « groupe » sans batteur. Pour emprunter au domaine des armes à feu, disons que la modernité a inventé la musique « à percussion centrale » (servez-vous, c'est sans droits d'auteur).

hannah arendt,littérature,éducation,musique,pop,rock,france culture,marc voinchet,musique tonale,jean-sébastien bach,clavier bien tempéré,blues,chick webb,ella fitzgerald,jazz,batterie,daniel humair,rené urtreger,christian vander,éducation nationale,fête de la musique 

Voilà  donc ce que je reproche à tous ceux qui fabriquent notre environnement auditif, et voilà, pour l’essentiel, la « musique » que s’inoculent à tour de bras, comme avec de grandes seringues hypodermiques, tous les zombies qui hantent les rues, les métros et les bus, recroquevillés derrière le rempart des écouteurs qu’ils se sont fait greffer : le tonal binaire amplifié boumboum.

 

 

Comment voulez-vous, quand on est gavé de ça jusqu'à la cirrhose des oreilles, admettre quelque maqâm, quelque râga, quelque velléité atonale, quelque gamme pentatonique que ce soit ? Banni, cher KHALED, ton oud, avec ses quarts de ton !

 

 

Prenez toutes les tendances de la musique « pop-rock » (80 % minimum, de la diffusion musicale sur NRJ et autres commerces des ondes) depuis cinquante ans. Faites abstraction de tout ce qui les différencie. Qu’est-ce qui reste ? Du tonal binaire amplifié boum-boum. Sans doute ce que les ministres de l’Education Nationale appellent le « socle commun de connaissances » ? Allez savoir.  

 

 

Et que le « tonal binaire amplifié boum-boum » soit devenu l’immense toile de fond sonore de la scène où se déroulent nos existences à tous, conformément au programme de colonisation culturelle du monde (avec le cinéma hollywoodien) par les Etats-Unis, croyez-vous vraiment que le phénomène soit parfaitement inoffensif et dénué de sens ? Pourquoi les neuf dixièmes (je suis gentil) des musiciens qui se produisent sur les trottoirs tous les 21 juin ont-ils besoin de branchement électrique ? carla bruni,hannah arendt,littérature,éducation,musique,pop,rock,france culture,marc voinchet,musique tonale,jean-sébastien bach,clavier bien tempéré,blues,chick webb,ella fitzgerald,jazz,batterie,daniel humair,rené urtreger,christian vander,éducation nationale,fête de la musique, ten years after, alvin lee,pierre michelot,

 

 

 

Demandez à monsieur LES PAUL (prononcer lèss, ci-contre une Gibson Les Paul 1958) : « Je m'sens comme une Gibson. Notre train abandonne ... ». C'était le vieux DICK RIVERS qui chantait ça. N'empêche que LES PAUL est à jamais indélébile. Je crois qu'il est mort il n'y a pas si longtemps. Vieux et content. Est-ce que c'est mal, ce qu'il a fait ? Franchement, convient-il de répondre à cette question idiote ? Je m'en dispenserai donc.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

 

 

 

 

mercredi, 18 juillet 2012

LE BAC : UN COURONNEMENT ?

Ainsi donc, le Baccalauréat a encore eu lieu cette année. Il n’y a pas de quoi s’étonner, quand on constate que le niveau des élèves de terminale ne cesse de se hausser à des hauteurs de plus en plus vertigineuses. Le Ministère de l’Education Nationale n’a-t-il pas en effet trouvé la force (en poussant comme un malade, il est vrai) de nicher, en les serrant bien dans d’innombrables cases pas trop larges, 85 % d’une « classe d’âge » (je raffole de la formule).

 

 

Bon, c’est vrai qu’à la sortie, il y a eu un peu de déchet, puisque la proportion de la « classe d’âge » à obtenir le sésame pour l’enseignement supérieur tombe à 77,5 %. Il n’empêche que le niveau de nos jeunes ne cesse de progresser, puisque cette proportion ne cesse de progresser. C’est logique, non ? Et il faut s’en réjouir. Allez, reprenons en chœur : « Alléluia ! Gloria ! ».

 

 

C’est sûr, le niveau des élèves bat d’une année sur l’autre son record précédent. Vous voulez une autre preuve ? Ben, regardez les mentions. En 1967, on comptait, en tout et pour tout, 0,7 % de mentions TB. Qu’est-ce qu’ils étaient mauvais, quand même ! Et les autorités n’avaient pas honte ! Regardez en 2012 : 7 % !!! Un taux dix fois supérieur. Enfoncés, les ancêtres ! LE NIVEAU MONTE, je vous dis. « Jusqu’où s’arrêtera-t-il ? », aurait demandé finement COLUCHE.

 

 

Et les mentions, en général, vous allez me demander, comment ont-elles évolué, entre 2002 et 2012 ? J’allais justement vous le dire : toutes confondues, elles sont passées de 33,1 % à 54,3 %. Un gain d’un tiers (à vue de nez et au doigt mouillé). Plus de la moitié des lycéens français obtiennent le bac avec mention. S’il y en a encore parmi vous qui doutent que LE NIVEAU MONTE, c’est à désespérer.

 

 

Voilà donc le refrain qu’entonne le « journal de référence » (alias « journal du soir », alias Le Monde), avec un gros titre de « une », qui dit bien haut tout le bien qu’il faut penser de la chose : « Objectif atteint : 85 % d’une génération au niveau du bac ». Chacun de nous est évidemment transporté d’aise et « ne se sent plus de joie » (c’est dans quelle fable, déjà ? allez, on se remue les méninges).

 

 

Notez cependant l’hypocrisie du Monde dans son titre : « au niveau du bac ». C’est vouloir à tout prix voir le verre à moitié plein. J’avais une grand-mère qui, à force de vouloir arriver à cent ans, confondait allègrement « 97 années accomplies » et « dans ma 98ème année ». En comptant comme ça, elle avait fini par arriver à quasiment 99. Les cent ans, c’était comme si c’était fait. On n’allait pas avoir la mesquinerie de mégoter là-dessus, quand même : elle était quasiment « au niveau 100 ». Mais oui, Mamie, je t’embrasse. Tu aurais mérité d’y arriver.

 

 

Les 85 % du journal, c’est la même chose : ça tient du coup de pouce. Donc du coup de bluff. Maintenant, trêve de plaisanterie, j'arrête de faire comme si. Naturellement (j'espère), tout le monde a compris que JE ME GAUSSE, que je parle en pouffant (essayez, tiens), que j'ironise : tout le monde, quand il est de bonne foi, sait que tout ça relève de la FARCE.

 

 

Pour une raison simple : la performance globale de l’école française, de moins en moins bien placée dans la « compétition internationale ». Le système éducatif français, pris dans son ensemble, tombe en ruine. Et je le sais : j'y suis entré quand les premières lézardes ont commencé à fendiller les murs.

 

 

Je veux bien sûr parler de la REFORMITE, cette maladie gouvernementale qui a consisté à inlassablement déstabiliser l'édifice et à vouloir mieux démolir tout en prétendant reconstruire. Ce résultat vaut mieux que toutes les eaux de rose et tous les rubans fleuris dont les ministres de l'Education (droite comme gauche) ont enrobé et emballé leur action quand ils étaient « aux affaires » (quand Louis XIV était "à ses affaires", il faut le savoir, il était assis sur sa chaise percée).

 

 

Ce n’est pas pour rien que 140.000 élèves par an, entre 2005 et 2007 sont sortis sans aucun diplôme du système éducatif. Ce n’est pas pour rien que le temps effectif de cours, sur une séance de cinquante minutes (la norme), diminue inexorablement (temps de mise au travail, bruit de fond permanent (basse continue ou ostinato, je ne sais pas)dû aux bavardages, élèves de plus en plus incontrôlables et imperméables, …).

 

 

Tiens, rien que pour rire un peu et only for fun, et si on faisait passer aux élèves d'aujourd'hui (supposons la formation et les programmes identiques) les épreuves d'il y a quarante ans ? Non ? Vous croyez que ce serait trop cruel ? Bon, tant pis pour mon idée fumeuse.

 

 

JEAN-PIERRE CHEVENEMENT avait une bonne intention (l’enfer en est pavé, paraît-il) en fixant, avec son idéal d’ « élitisme républicain », la barre à 80 % d’une classe d’âge au bac. Mais tout le monde a fort bien compris que, s’il y a, proportionnellement, dix fois plus de mentions Très Bien en 2012 qu’on 1967, ce n’est pas parce que le niveau a monté : c’est parce qu’on a descendu la barre, il n’y a pas à sortir de là.

 

 

Sinon, comment expliquer qu'entre l'activité des élèves constatée par les professeurs et les résultats au baccalauréat, s'est progressivement creusé un abîme insondable qui, au vu des "mentions" accordées, fait se tordre les boyaux aux observateurs les plus neutres, je veux dire ceux qui ne tordent pas la réalité pour qu'elle colle à leur doctrine ?  

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre.


 

samedi, 28 avril 2012

MONTAIGNE ? UNE PREMIERE TRANCHE

MONTAIGNE – ESSAIS LIVRE I – Chapitre XXVI : De l’institution des enfans.

 

 

Bon, comme c’était promis, je suis bien obligé de tenir parole. MONTAIGNE, en voici la première tranche. Comme c’est une viande assez dense, il faut y aller à petite dose. Et puis, l’assaisonner. Aujourd’hui, vous aurez droit à un assaisonnement « spécial école France 21ème siècle ».

 

 

Si ce disciple se rencontre de si diverse condition, qu’il aime mieux ouyr une fable que la narration d’un beau voyage ou un sage propos quand il l’entendra ; qui, au son d’un tabourin qui arme la jeune ardeur de ses compagnons, se détourne à un autre qui l’appelle au jeu des batteleurs ; qui, par souhait, ne trouve plus plaisant et plus doux revenir poudreux et victorieux d’un combat, que de la paume ou du bal avec le pris de cet exercice : je n’y trouve autre remede, sinon que de bonne heure son gouverneur l’estrangle, s’il est sans tesmoins, ou qu’on le mette patissier dans quelque bonne ville, fust-il fils d’un duc, suivant le precepte de Platon qu’il faut colloquer les enfans non selon les facultez de leur pere, mais selon les facultez de leur ame.

 

 

Là, j’ai laissé l’orthographe telle quelle. En gros et pour résumer, MONTAIGNE propose d'abandonner le cancre à son sort : si, en toute chose, il préfère l'amusement aux choses sérieuses, qu'il aille au diable.

 

 

montaigne,littérature,société,éducation

LA TOUR OÙ MONTAIGNE AVAIT SA "LIBRAIRIE" 

 

J’aime beaucoup ce passage méconnu, que j’ai déjà cité ici (ce n’est pas dans Lagarde et Michard qu’on le trouverait). MONTAIGNE y va très fort, qui déclare sans sourciller que l’élève rétif à tout enseignement est un bon à rien, que le cancre absolu n’a rien à faire à l’école et qu’il serait absurde de faire quelque effort que ce soit pour lui apprendre quoi que ce soit. On ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif. Il n’y a plus qu’à tirer l’échelle.

 

 

Espérons qu’« étrangle » est une boutade (l'auteur est prudent : "s'il est sans témoin" est délicieux). Quant au « pâtissier », MONTAIGNE ne pouvait certes prévoir que s’il nous fallait aujourd’hui orienter vers la profession tous les élèves incivilisables, il faudrait instaurer un « ordre des pâtissiers », chargé de faire respecter un strict « numerus clausus », sous peine d’avalanche pâtissière.

 

 

Jetons à présent un œil sur le paysage éducatif actuel, et sentons ce qu’il nous reste de cheveux se dresser sur nos têtes. Que voyons-nous ? Que penserait MONTAIGNE de ce qu'est devenue l'instruction publique ? Autrement posé : combien d'élèves actuels faudrait-il étrangler ?

 

 

Un système où – je crois que c’est LIONEL JOSPIN qui avait popularisé la formule – l’élève « est au centre du système », où l’on parle de « communauté éducative », où les enseignants sont sommés de « prendre en compte le projet de l’élève », où ils sont sommés de plaire à leur classe, où le cours commence par une négociation qui consiste à obtenir de la classe, d’une part le silence, d’autre part l’autorisation de lui faire cours, si elle le veut bien.

 

 

Où l’élève qui lance une craie sur l’enseignante et celui qui en traite une autre de « pute » peuvent attendre tranquillement que le conseil de discipline se réunisse, dans six mois, peut-être pour prendre éventuellement, après avis de toute la « communauté éducative », une sanction, assortie du sursis pour commencer.

 

 

 

Bref, appelons tout ça, si vous le voulez bien, « le voyage dans la lune ».

 

 

Et si l’on compare la façon dont un cours se passe dans les systèmes éducatifs européens à ce qu’on voit, par exemple, au Congo Brazzaville, en Chine ou au Japon (selon des témoignages directs), non seulement on comprend, mais on explique aussi de façon lumineuse pourquoi l’enseignement français fait lentement et inexorablement naufrage.

 

 

La France oublie, ce faisant, qu’elle a dû sa relative primauté parmi les nations, entre autres, à l’ambition éducative démesurée qu’elle a manifestée à travers les lois sur l’instruction obligatoire (1881-1882). Mais nul n'arrive à la cheville des réformateurs de tout poil pour ce qui est d'emballer et d'enrober le dit naufrage dans la rutilance somptueuse de discours sur les missions sacrées de l'école. Ah, pour ce qui est de l'enrobage dans le sucre des discours, ils sont forts. Tiens, un exemple. Vous savez comment, dans ce langage, il faut appeler un cancre ? « Un apprenant à apprentissage différé ». Je vous laisse savourer cette trouvaille extraordinaire.

 

 

 

Je ne vois pour eux qu'une issue : LE PAL. 

 

 

 

montaigne,littérature,société,éducation,instruction publique,éducation nationale,lionel jospin,communauté éducative,la crise de la culture,hannah arendt,astérix,le tour de gaule d'astérix,rgpp,nicolas sarkozy

 

 

 

On aura beau me bistourner dans tous les sens les boyaux de la tête, personne n’arrivera à me convaincre que l’élève est à l’école pour faire autre chose qu’apprendre (voir le chapitre « la crise de l’éducation » dans La Crise de la culture, d’HANNAH ARENDT, je vous épargne la digression, mais vous avez compris l'esprit). Qu'il soit souhaitable que le jeune s'épanouisse, rien de plus vrai, mais que cela doive se passer au sein de l'école, dans le cadre même de l'instruction publique, rien de plus scandaleusement faux.

 

 

Les philosophes « déconstructionnistes » auront beau déconstruire le principe d’autorité, sans lequel il n'est pas d'éducation possible ou envisageable, le juger historiquement arbitraire, psychologiquement abusif, sociologiquement intolérable … « et moralement indéfendable » (Le Tour de Gaule d’Astérix, p. 21, citons nos sources), ils n’empêcheront pas l’autorité, une fois qu’elle aura été définitivement mise hors d’état de nuire au sein de l’école, de régner plus despotiquement, plus tyranniquement à l’extérieur, dans la société, partout. Une fois sorti de l'enceinte scolaire, le jeune aura à faire face à la tyrannie du « principe de réalité », et il est facile de prédire que le contact sera rude.

 

 

En France, les gouvernements successifs, toutes tendances confondues, ont sciemment instrumentalisé les doctrines égalitaristes d’idéologues fanatiques (l’élève est l’égal du maître, d’ailleurs, il n’y a plus de « maîtres », l'élève doit construire lui-même son propre « parcours d’apprentissage », et autres « fariboles sidérales » (excellent et méconnu album de BD d'ALIAS, alias CLAUDE LACROIX) et sidérantes, comme « il faut apprendre à apprendre », il faut donner la priorité aux méthodes sur les contenus, etc.).

 

 

Et puis surtout, depuis 1975 en particulier, les gouvernements n’ont pas cessé de réformer, de réformer la réforme précédente, de réformer au carré et de réformer au cube, au point qu’aujourd’hui, plus personne ne sait par quel bout prendre l'animal monstrueux qu'est devenu le système éducatif français. Et certains vertueux font mine de s’étonner que le classement de la France (puisqu’on raffole des classements) régresse d’année en année, au plan international.

 

 

La RGPP (alias Révision Générale des Politiques Publiques, euphémisme alambiqué, masque et faux nez de la hache chargée de tailler en pièces ce qui s'appelait la Fonction Publique d'Etat, police, armée, enseignement, etc.) de NICOLAS SARKOZY (60.000 postes non renouvelés après départ en retraite depuis 2007) n’est pas négligeable, dans le processus, mais elle n’est que la dernière paire de banderilles allègrement plantée dans l’animal monstrueux gravement blessé, qui se démène de plus en plus faiblement face à ses multiples matadors, et qui avait pour nom « Instruction Publique ». « Requiescat in pace ».

 

 

Quoi ? Mais oui, je le sais, que récriminer comme ça est totalement vain. En plus, ça fait ringard, réactionnaire, et tout et tout. Moi, je dis que c’est moins réactionnaire que conservateur. Au vrai sens du mot « conservateur », comme on est conservateur de bibliothèque, de musée, des eaux et forêts ou des hypothèques. Ça s’appelle : conserver pour éviter que l’essentiel ne meure.

 

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

Vous avez aussi compris que MONTAIGNE n’était qu’un prétexte. Promis, demain, ce sera plus frivole.

 

 


 

samedi, 26 novembre 2011

MONTAIGNE DERRIERE MONTAIGNE

MONTAIGNE CACHÉ DERRIERE  MONTAIGNE

 

On peut le regretter, mais c’est une vérité : Les Essais sont un livre très difficile d’accès pour des gens vivant au 21ème siècle. J’adore pourtant cette langue baroque, avec une syntaxe plus souple qu’un vieil adepte du yoga, et une liberté incroyable dans les trajectoires de phrases et même dans l’orthographe.

 

 

Petit exemple de liberté : quand il écrit « à cette heure », c’est tout simplement « asture ». La pensée sinue comme un chemin de montagne et, aussi sûr et infaillible que lui, arrive à son but. J’ai lu ce monument il n’y a pas si longtemps. Ce fut avec immense plaisir, je le dis nettement, même si certains trouveront que c’est un peu tardif.

 

 

Et pourtant MICHEL DE MONTAIGNE est un homme moyennement sympathique. Je dis cette énormité sur la seule base de ce que je peux savoir : Les Essais. D’un autre côté, si je peux proférer un tel sacrilège, c’est que l’auteur m’a procuré quelques éléments qui me permettent de forger un jugement. Je délaisse donc le jugement, et je remercie l’auteur pour les éléments.

 

 

Je préviens tout de suite : pas question de jouer les LAGARDE & MICHARD, nous sommes bien d’accord ? Je me suis quant à moi assez emmerdé pendant les cours du très estimable monsieur GENDROT (oui, celui des manuels bien oubliés GENDROT & EUSTACHE), qui m’avait collé une explication de l’extrait intitulé « Des coches » (Essais, III, 6).

 

 

Ce fut un naufrage, évidemment. Je n’avais rien compris au texte. Il faut dire que le chapitre n’aborde qu’incidemment le sujet donné par le titre, et fait principalement l’éloge des Indiens d’Amérique, en l’assaisonnant d’une diatribe contre les Conquistadors. J’ajouterai même que c’est systématique dans Les Essais : le contenu du chapitre a souvent un rapport tout à fait lâche et lointain avec le titre qui l’introduit.

 

 

Je signale qu’on y trouve aussi ce merveilleux passage (en orthographe moderne) : « Me demandez-vous d’où vient cette coutume de bénir ceux qui éternuent ? Nous produisons trois sortes de vent : celui qui sort par en bas est trop sale ; celui qui sort par la bouche porte quelque reproche de gourmandise ; le troisième est l’éternuement ; et, parce qu’il vient de la tête et est sans blâme, nous lui faisons cet honnête accueil ». Pourquoi ne le trouve-t-on pas dans LAGARDE & MICHARD ?

 

 

Ailleurs, il signale diverses choses qu’il ne peut accomplir que dans certaines conditions. Qu’on se le dise, MONTAIGNE ne peut « faire des enfants qu’avant le sommeil, ni les faire debout ». Il mange en n’utilisant guère de cuillère et fourchette. « Et les Rois et les philosophes fientent, et les dames aussi. »

 

 

Mais il veille quand même à délivrer une image favorable de sa personne, fût-ce à travers la crudité de certains détails : « On te voit suer d’ahan, pâlir, rougir, trembler, vomir jusqu’au sang, souffrir des contractions et convulsions étranges, dégoutter parfois de grosses larmes des yeux, rendre les urines épaisses, noires et effroyables, ou les avoir arrêtées par quelque pierre épineuse et hérissée qui te point et écorche cruellement le col de la verge, tout en t’entretenant avec les assistants d’une contenance commune (…) ». Oui, il avait des calculs rénaux.

 

 

Sur l’éducation des garçons récalcitrants, MONTAIGNE n’y va pas par quatre chemins. J’ai déjà cité, il y a longtemps, ce passage, mais je ne résiste pas au plaisir : en présence d’un élève qui ne veut rien savoir et préfère le bal à la bataille : « Je n’y trouve d’autre remède, sinon que de bonne heure son professeur l’étrangle, s’il est sans témoins, ou qu’on le mette pâtissier dans quelque bonne ville, fût-il fils d’un duc (…) » (Essais, I, 26). On ne se demande pas pourquoi ce n’est pas dans le LAGARDE & MICHARD.

 

 

MONTAIGNE, le sexe, les femmes.

 

 

C’est évidemment (!!!) dans le chapitre « sur des vers de VIRGILE » (Essais, III, 5) que l’on trouve des considérations sur les femmes et le sexe, mais aussi sur le mariage, qui ne manquent ni de bon sens, ni d’une furieuse modernité, ni d’un aspect croquignolet, à l’occasion. En gros, il ne comprend pas pourquoi les appétits féminins sont réprimés, alors que les hommes se permettent ce qu’ils veulent.

 

 

Je simplifie le raisonnement : « Il n’est passion plus pressante que le sexe, à laquelle nous voulons qu’elles résistent seules, non simplement comme à un vice de sa mesure, mais comme à l’abomination et exécration (…). Ceux d’entre nous qui ont essayé d’en venir à bout ont assez avoué combien c’était impossible, usant de remèdes matériels pour mater, affaiblir et refroidir le corps. Nous, au contraire, les voulons saines, vigoureuses (…), et chastes ensemble, c’est-à-dire à la fois chaudes et froides ». N’est-ce pas tout à fait équilibré ?

 

 

Quant aux filles, elles naissent et grandissent avec « ça » dans le sang : « Nous les dressons dès l’enfance aux entremises de l’amour : leur grâce, leur attifure, leur science, leur parole, toute leur instruction ne regarde qu’à ce but ». Il raconte que sa fille lisant à haute voix, prononça le mot « fouteau » (hêtre), aussitôt interrompue par la gouvernante, d’où il conclut que le mot est définitivement gravé dans l’esprit de la fillette, avec le sens redouté, précisément, par la gouvernante.

 

 

Il écoute un jour, fortuitement, une conversations « entre filles » qui se croient seules : « Notre-Dame ! Allons à cette heure étudier (…) BOCCACE et L’ARÉTIN [livres coquins] pour faire les habiles. Il n’est ni parole, ni exemple, ni démarche qu’elles ne sachent mieux que nos livres : c’est une discipline qui naît dans leurs veines, que ces bons maîtres d’école, nature, jeunesse et santé leur soufflent continuellement dans l’âme ; elles n’ont que faire de l’apprendre, puisqu’elles l’engendrent ». Autrement dit : la femme comme le foyer de la concupiscence et comme la séductrice par essence. Eve et la pomme ne sont pas loin.

 

 

Il adhère au reproche fait au philosophe POLEMON, que sa femme traîna en justice parce qu’il se masturbait (« en un champ stérile ») plutôt que d’accorder son « fruit au champ génital ». Toujours sur les hommes, les femmes et le sexe, une petite chose délicieuse : « Je trouve plus aisé de porter une cuirasse toute sa vie qu’un pucelage ; le vœu de la virginité est le plus noble de tous les vœux, étant le plus âpre ».

 

 

« Les Dieux, dit PLATON, nous ont fourni d’un membre [viril] désobéissant et tyrannique qui, comme un animal furieux, entreprend par la violence de son appétit de soumettre tout à soi. De même aux femmes, un animal glouton et avide, auquel si on refuse aliment en sa saison, il devient forcené, impatient de délai et, soufflant sa rage en leur corps, obstrue les conduits, arrête la respiration, causant mille sortes de maux, jusqu’à ce que, ayant humé le fruit de la soif commune, il en ait largement arrosé et ensemencé le fond de leur matrice. »

 

 

C’est dans son chapitre « de l’ivrognerie » (II, 2) qu’il raconte l’anecdote dont se servira HEINRICH VON KLEIST pour sa nouvelle La Marquise d’O… : ayant perdu son mari longtemps avant, elle se retrouve enceinte. Quand la grossesse crève les yeux de tout le monde, elle fait annoncer à la messe qu’elle épousera le coupable s’il se dénonce. Son valet se dénonce, qui avait profité de l’occasion, car elle, « ayant bien largement pris son vin, était si profondément endormie près de son foyer, et si indécemment, qu’il s’en était pu servir sans l’éveiller ». Conclusion de MONTAIGNE : « Ils vivent encore mariés ensemble ».

 

 

Je ne me souviens plus du chapitre, je me demande si ce n’est pas dans Essais, II, 12 (« Apologie de RAYMOND SEBOND »), qu’on trouve, parmi bien des anecdotes marrantes sur ce qui différencie (ou non) les hommes des animaux, celle qui raconte l’histoire d’un éléphant (animal supposé éprouver des sentiments analogues à ceux des humains) qui, amoureux d’une femme, introduit un jour sa trompe dans le corsage de la belle, et se met à lui peloter les seins avec gentillesse, délicatesse et savoir-faire. Je précise que MONTAIGNE reproduit, à propos des animaux, d'innombrables légendes héritées de l'antiquité.

 

 

MONTAIGNE n’aime pas se sentir bousculé par la nouveauté. « Rien ne presse un Etat que l’innovation : le changement donne seul forme à l’injustice et à la tyrannie. »

 

 

Quand le pape décide d’instaurer le calendrier grégorien en 1582, il peste à sa manière : « Il y a deux ou trois ans qu’on raccourcit l’an de dix jours en France. Combien de changements devaient suivre cette réformation ! Ce fut proprement remuer le ciel et la terre à la fois. Ce néanmoins, il n’est rien qui bouge de sa place : mes voisins trouvent l’heure de leur semence, de leur récolte, l’opportunité de leurs négoces, les jours nuisibles et propices, au même point justement où ils les avaient assignés de tout temps. Ni l’erreur ne se sentait en notre usage, ni l’amélioration ne s’y sent » (chapitre « des boiteux », comme de juste, III, 11).

 

 

La nouveauté que constitue, relativement, l’arme à feu, le prend complètement en défaut : ce n’est visiblement pas sa planète, car il trouve que ces « nouveautés factices » sont là surtout pour faire du bruit et effrayer les effrayés, et ne leur attribue aucune efficacité.

 

 

C’est dans Essais, I, 48 : « Il est bien plus apparent de s’assurer d’une épée que nous tenons au poing, que du boulet qui échappe de notre pistole, en laquelle il y a plusieurs pièces, la poudre, la pierre, le rouet, desquelles la moindre qui viendra à faillir, vous fera faillir votre fortune ». Le pauvre n’imaginait certes pas la fertilité des cerveaux de messieurs COLT, SMITH, WESSON, MAUSER et autres sublimes mécaniciens.

 

 

« Et, sauf l’étonnement des oreilles, à quoi désormais chacun est apprivoisé, je crois que c’est une arme de fort peu d’effet, et espère que nous en abandonnerons un jour l’usage ». Je ne pense guère exagérer en soutenant que le PROGRÈS TECHNIQUE laisse MICHEL DE MONTAIGNE carrément de marbre.

 

 

Conclusion :

 

« Les Allemands boivent quasi également de tout vin avec plaisir. Leur fin, c’est l’avaler plus que le goûter. »

 

 

Voilà ce qu'il dit, lui. Voilà ce que je dis, moi.

(Vous avez compris : parce que c'était lui, parce que c'était moi. Ceci est pour LAGARDE & MICHARD, MONTAIGNE et LA BOETIE, et tout le fatras scolaire.)

 

 

 

 

 

 

vendredi, 04 novembre 2011

ENFANCE : A PROPOS D'UNE IMPOSTURE

DE LA BEAUTE D'UN SLOGAN : « JE VEUX APPRENDRE »

 

 

Il existe non loin de chez moi un lieu paradisiaque réservé aux enfants. Il porte le doux nom de « Maison de l’enfance », et le monde entier nous l’envie. Enfin, « paradisiaque », je n’en sais rien. C’est en tout cas l’impression laissée par la décoration extérieure.

 

 

On en acquiert aussitôt le sentiment infaillible que les autorités compétentes ont pris le « problème » de l’enfance tout à la fois aux cheveux, à gauche, à cœur, au mot, au sérieux et à bras le corps (n'en jetez plus !). C’est clair : on ne se fout de la gueule d’absolument personne. Je n'en sais rien, mais il y a fort à parier qu’un tel bâtiment a été inauguré par notre « grand-maire » lui-même, GERARD COLLOMB.  

 

 

L’artiste qui a été rémunéré pour donner au message envoyé par notre « grand-maire » GERARD COLLOMB à la planète et à la ville (traduire Urbi et Orbi) toute l’ampleur esthétique que requiert l’importance du problème, l’artiste, disons-le sans ambages, s’est surpassé.

 

 

Sur les deux pans de murs qui font l’angle des rues Chariot-d’Or et Dumont-d’Urville, il a disposé, en très grand, ce qui ressemble à un dessin d’enfant, avec, sur plusieurs lignes orientées en biais, sans doute pour simuler la touchante maladresse de la main enfantine, une écriture d’enfant à la gloire du bonheur d’apprendre.

 

 

Le couronnement de cette authentique « œuvre d’art » consiste en le visage d’un petit garçon et d’une petite fille pointant leur regard et leur visage rayonnant vers un avenir radieux, autrement dit en haut à droite. Sur une sorte de phylactère semblant sortir de leur bouche, probablement inspiré d’une miniature médiévale, on lit cette phrase où se résume la philosophie de notre « grand-maire » GERARD COLLOMB et de notre époque tout entière : « JE VEUX APPRENDRE ».

 

 

Cette simple phrase, ça n’a l’air de rien, c’est plat, une simple petite phrase simple, affirmative, sujet, verbe, C. O. D., même un enfant est en mesure de la comprendre. « JE VEUX APPRENDRE ». C’est dans ce genre d’occasion qu’on découvre le démesuré des grands sentiments que les adultes éprouvent pour les enfants. Enfin, pas exactement : que les adultes éprouvent à la place des enfants. Ce n’est même pas exactement ça : que les adultes veulent à tout prix que les enfants éprouvent. Enfin : « voudraient » serait plus exact que « veulent ».

 

 

On a vraiment l’impression au premier rabord que l’enfant est de lui-même porté vers et par la volonté d’apprendre. En réalité, il n’en est rien, car la phrase ne veut pas dire ce qu’elle semble dire. L’enfant n’a jamais VOULU apprendre. Simplement, il a consenti à faire ce qu’on lui disait de faire. Et si ça lui a plu, il a continué, il y a même peut-être pris goût.

 

 

Cette phrase signifie exactement ceci : « Enfant, toi qui entres dans cette Maison de l’Enfance que la collectivité a édifiée à ton seul bénéfice, et que notre « grand-maire » GERARD COLLOMB a inauguré sans dissimuler l’immense amour qu’il a mis dans l’entreprise, tu es invité, ou plutôt, tu es SOMMÉ d’obtempérer à l’ordre qui t’est donné par cette petite phrase anodine. Parce que toi, à proprement parler, tu ne veux rien, rien que barbouiller (pardon : dessiner), jouer et courir, si possible en criant ».

 

 

« JE VEUX APPRENDRE », ça illustre bien l’hypocrisie, et je dirai la perversité de l’adulte qui prend ses désirs pour des réalités et voudrait à toute force que ça se traduise dans la réalité. La France dispose d’ailleurs, en la personne de NICOLAS SARKOZY, d’une sorte de modèle du genre : « (je veux) travailler plus pour gagner plus », on a vu ce que ça voulait dire une fois traduit en français profond. « Je veux apprendre », il faut donc le traduire : « tu dois apprendre ».

 

 

Et pour éviter de faire apparaître le principe d’autorité que cache la petite phrase anodine, notre « grand-maire » et ses complices ont fait semblant d’être des enfants. Ils disent : « Tu ne voudrais tout de même pas décevoir toute l’attente et tout l’espoir que nous affirmons fort et clair à nos électeurs vouloir mettre dans notre volonté enthousiaste de construire l’avenir, conformément à nos cent dix promesses électorales. N’est-ce pas, que tu vas faire des efforts pour m’éviter d’avoir menti ? ». La manœuvre est claire : imposer en culpabilisant, en faisant intérioriser  l’ordre qui lui est finalement donné de l’extérieur. Je serais désolé de n’avoir pas été assez clair.  

 

 

C’est de plus en plus évident : le principe d’autorité aujourd’hui est devenu inavouable comme un vice abominable. C’est l’entreprise qui a montré le chemin. On ne parle plus, et depuis longtemps, d’ « employés », mais de « collaborateurs ». Il n’y a plus de « chef du personnel », mais un « directeur des ressources humaines ».

 

 

Moyennant quoi les travailleurs ne vont plus travailler, mais œuvrer à la réussite du groupe. Il ne s’agit plus de remplir une tâche contre  rémunération, mais de contribuer personnellement au développement de l’entreprise. Ce n’est plus seulement le corps qui doit fournir les efforts dus à celui qui paie, c’est l’âme tout entière qui est impérieusement invitée à se confondre avec la tâche rémunérée.

 

 

Chacun sera désormais personnellement impliqué dans le process, et aura à cœur de porter les valeurs propres à l’entreprise. Chacun désirera intimement que l’entreprise se développe à l’export, convaincu au plus profond de lui qu’une dynamique forte permettra de dépasser les objectifs fixés par le dircom.

 

 

Il faut intérioriser ce monde, ce langage, ces notions. Sinon, nous sommes désolés, cher collaborateur, votre implication au sein de l’équipe a été jugée insuffisante par le management, qui se voit au regret de devoir se passer de votre précieuse collaboration et se séparer de votre personne. Croyez bien que nous le déplorons. Autrement dit, le principe d’autorité n’a pas disparu. C’est même le contraire : il est d’autant plus puissant que dissimulé.  

 

 

Au collège, au lycée, c’est la même chose. Le cours magistral ? Une vieillerie. L’autorité du maître ? Un fascisme insupportable. Des devoirs notés de 0 à 20 ? Un abus de pouvoir, et qui plus est dévalorisant. Le maître lui-même ? Au mieux, un animateur, au pire un empêcheur. Faisons donc disparaître le principe d’autorité. Les élèves auront donc désormais les mêmes droits que le maître. Moyennant quoi celui-ci devra, au début de CHAQUE cours, quémander à ceux-là le droit de leur enseigner ce qu’il sait.

 

 

L’autorité a-t-elle pour autant disparu ? Que nenni, messires, que nenni ! Le principe d’autorité aura peut-être déserté l’institution scolaire, et ce beau résultat est en passe d’être atteint. Il s’est simplement réfugié ailleurs. Où cela ? Pas loin : il attend avec sa matraque, juste derrière la porte de sortie de l’école. Il s’est déguisé et a pris d’autres noms : recherche de travail, entretien d’embauche, chômage, etc. Le principe d’autorité, il s’est simplement réfugié dans ce qu’il faut bien appeler la réalité des rapports sociaux.

 

 

Et l’enfant qui entrera dans le monde du travail, ayant été ainsi trahi par l’école même qui était censée lui donner les armes, eh bien si j’étais à sa place, j’aurais vraiment envie, là, de devenir violent.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

lundi, 31 octobre 2011

L'ENFANT ÜBER ALLES (4)

EPISODE 4 : Le psychologue et l’Enfant aux sortilèges

 

 

Troisième petite parenthèse (fulgurante).

 

 

« J’ai pas envie de faire ma page. J’ai envie d’aller me promener. J’ai envie de manger tous les gâteaux. J’ai envie de tirer la queue du chat et de couper celle de l’écureuil. J’ai envie de gronder tout le monde ! J’ai envie de mettre Maman en pénitence… » Le personnage qui prononce ces fortes paroles, allez, appelons-le « L’Enfant », ça ne s’invente pas. En face de  lui, préparant leur offensive, « Les Sortilèges ».

 

 

Le complot a été longuement machiné, patiemment ourdi en secret par un couple infernal : COLETTE pour les paroles, MAURICE RAVEL pour la musique, même si le bruit court que celui-ci en a pris largement à son aise avec le travail de celle-là. Bon, je résume l’argument : au début, l’enfant est méchant (« Je n’aime personne ! Je suis très méchant ! (…) Hourrah ! Plus de leçons ! Plus de devoirs ! Je suis libre, libre, méchant et libre ! »). A la fin : « Il est sage… si sage…Il est bon, il est sage… si sage… si sage… ». En gros, il était méchant, et il a retourné sa veste. Comme VIDOCQ qui, de bagnard, se retrouve chef de la police de sûreté.

 

 

Il faut dire qu’entre le début et la fin, il s’en est passé, des choses. La bergère et le fauteuil, et même la chaise de paille viennent sur la place Tahrir lui crier « Dégage ! » ; puis c’est au tour de l’horloge de crier « Casse-toi pauvre c… ! » ; la tasse et la théière ne sont pas en reste (« Ça-oh-râ toujours l’air chinoâ (…) Kek-ta fouhtuh d’mon Kaoua ? », c’est le texte véridique) ; les motifs du papier peint s’animent et protestent ; enfin bref, c’est tout son cadre familier qui n’en peut plus de ses abus de pouvoir, et qui brandit l’étendard, finissant par amener l’enfant à résipiscence, et à laisser s’exprimer la part de bonté qu’il cachait en lui.

 

 

« Tout est bien qui finit bien », comme il est dit à la fin du Trésor de Rackham le Rouge. Il y avait sûrement un tel fond de bonté chez le Tunisien ZINE EL ABIDINE BEN ALI, mais on ne lui a pas laissé le temps de l’exprimer (34 ans d’attente). Même chose pour le pauvre colonel libyen KHADAFI (42 ans). Mais lui il a toute la durée de l’au-delà pour que ça sorte. Il ne faut jamais dire « jamais ».

 

 

Mais il faut aussi dire que L’Enfant et les sortilèges, ça remonte à une époque où l’enfant n’avait pas encore été placé « au centre du système » (ça, c’est LIONEL JOSPIN quand il était sinistre de l’Education Nationale). L’enfant, là, il est comme la Sophie qui a des malheurs dans le livre de SOPHIA FIODOROVNA ROSTOPCHINA, plus connue comme épouse du comte EUGENE DE SEGUR, et donc comtesse par voie maritale et de conséquence. Dans Les Malheurs de Sophie, l’héroïne fait bêtise sur bêtise, des vraies. C’est sûr, l’enfant n’est pas idéalisé, c’est le moins qu’on puisse dire. Et c’est très bien comme ça.

 

 

Fin de la parenthèse fulgurante.

 

 

En fin de compte, c’est quoi, un enfant ? Je certifie ici, sur l’honneur, que je ne suis pas psychologue de profession, sinon, d’une part, je le saurais, et d’autre part, on m’aurait depuis longtemps rayé des tablettes et des cadres. Vous savez pourquoi ? A cause des « éléments de langage » qu’il faut avoir appris, du vocabulaire et de la syntaxe particuliers qu’il faut maîtriser, des « lunettes » spéciales qu’on vous colle sur le nez pour voir la vie, les gens, et donc les enfants.

 

 

Quatrième petite parenthèse (désolée)

 

 

Il m’est arrivé d’être assis à table juste à côté d’un psychologue. Il « intervient » dans l’établissement. Bon, c’est vrai qu’il ne faut pas généraliser à partir d’un seul « cas ». Mais c’est vrai aussi qu’il a déjà une tête un peu, disons, « spécifique ». Comment dire ? Du genre à examiner le macaroni sous tous les angles pour voir ce qu’il a dans le ventre avant de l’ingurgiter.

 

 

Nous ne nous étions jamais rencontrés auparavant. Dès les entrées, il me demande tout de go, et hargneusement, disons-le, si j’ai des enfants. Je lui réponds qu’en effet, j’ai eu la faiblesse de contribuer à ce genre de fabrication, et que j’ai besogné en vue de la repopulation. Mais que je n’ai pas fait ça tout seul. J’ajoute donc que j’ai tout fait pour que les bons moments qu’a durés ma contribution soient les plus plaisants, les plus mémorables possibles, pour moi bien sûr, mais aussi pour celle que la nature avait désignée pour le portage du fardeau qui devait en découler.

 

 

N’est-ce pas MONTAIGNE en personne qui, s’adressant à une femme enceinte sur le point d’exploser, lui souhaite d’avoir autant de plaisir à chier son marmot qu’elle en a eu à le concevoir (ce ne sont sans doute pas ses termes, encore que …, en tout cas, c’est l’idée) ? Ce sont des moments à entourer des soins les plus attentifs et les plus « tendres », tant il est désormais de notoriété publique que ce n’est qu’ensuite qu’apparaissent les contreparties exigées dans le « service après vente ».

 

 

Après tout : « Inter fæces et urinam nascimur », a dit SAINT AUGUSTIN en parlant du lieu qui voit les hommes naître à la lumière du jour et aux légères tribulations qui s’ensuivent. Quoi, traduire ? Vraiment ? Vous l’aurez voulu ! Ne venez pas vous plaindre : « Nous naissons entre la merde et l’urine ». C’est assez bien vu, je trouve.

 

 

Je reviens à mon propos. Le psychologue, apparemment, le suivait  attentivement. C’est ainsi que nous arrivons au steak-haché-frites, le moment choisi pour me décocher : « Je vois. Donc, c’est sûr, vous élevez très mal vos enfants ! ». Pantois je suis, pantois je reste. Je crains d’avoir mal entendu, mais pas du tout : il me répète la phrase, il a mûrement choisi les mots, il a fait des études pour en arriver là.

 

 

Je le regarde, hésitant sur la suite à donner. Au moment où je veux reprendre le fil, il a déjà fini son yaourt et sa compote, se lève, saisit son plateau avant de disparaître. Je me dis alors qu’il n’est sans doute pas très heureux, et j’attaque mon demi Saint-Marcellin. Les psychologues, c’est comme l’andouillette beaujolaise : il y en a sûrement des bien.

 

 

Et c’est vrai, j’en ai rencontré d’autres par la suite, dont beaucoup avaient un air assez normal. Il faut bien dire, malgré tout, que c’est une drôle de profession que l’Occident a inventée là. Est-ce qu’elle remplace le métier de curé – à peu près disparu, celui-là – comme cela se susurre parfois ? Comme dit BOB DYLAN : « The answer, my friend, is blowing in the wind » (bis). Pas besoin de traduire, là, j’espère.

 

 

Est-ce qu’elle est indispensable à l’encadrement des enfants, des élèves ? Ce qui est sûr, c’est que l’étude et les soins de l’âme ont proliféré dans la société humaine comme les mouches sur une bouse appétissante. Bref rappel (je jure de ne pas insister et de ne pas faire mon balourd) : ψυχή, c’est l’âme, λόγος, c’est l’étude « scientifique », ίατρός, c’est celui qui soigne. Tout ça a donné, vous vous en doutez : « psychologue » et « psychiatre ».

 

 

Quelle maladie notre civilisation a-t-elle injectée aux vivants qu’elle a vu et fait naître pour qu’elle-même juge nécessaire de les prendre en charge ? Est-ce vraiment ce que MARCEL GAUCHET nomme le « désenchantement du monde », c’est-à-dire le nettoyage complet du ciel, de l’au-delà, en bref, de tout ce qui, autrefois, était placé « au-dessus » de l’humanité ? Mon pote ROLAND le pense. Mais lui, il dit qu’il faut revenir, justement, à ce « statu quo ante ». Est-il vraiment sérieux ? Ou bien sait-il que ce n’est pas possible, comme c’est le plus probable ?

 

 

Fin de la parenthèse désolée.

 

 

Alors je repose la question sur la table : qu’est-ce que c’est un enfant ? Je reprends la formule : c’est une personne future. Il n’y a pas à sortir de là. Autrement dit, ça suppose d’abord de le prendre au sérieux en tant que personne potentielle. De se comporter soi-même de façon responsable. J’arrête : je ne vais pas tarder à pontifier, à sentencier, bref, à dogmatiser. Mais je veux quand même dire que s’il y a quelque chose d’insupportable chez l’adulte, c’est quand il se dit qu’il faut être soi-même enfant pour « se mettre à la portée » de l’enfant.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

dimanche, 30 octobre 2011

L'ENFANT ÜBER ALLES (3)

EPISODE 3 : le « Monde » de l’ « Enfance »

 

 

Deuxième petite parenthèse (coruscante).

 

 

La grande HANNAH ARENDT dit, dans La Crise de la culture (chapitre V), que « l’enfance n’est qu’une phase transitoire ». Or, constate-t-elle, « ce qui précisément devrait préparer l’enfant au monde des adultes, l’habitude acquise peu à peu de travailler au lieu de jouer est supprimée au profit de l’autonomie du monde de l’enfance » (p. 236).

 

 

« L’autonomie du monde de l’enfance », ça veut dire qu’on fait de l’enfance un monde à part, qui a son existence propre, en dehors de la vie ordinaire, un peu comme une icône. En quelque sorte, on fait comme si l’enfant existait, non comme une future personne en construction, un être inachevé, comme une maison qui attend l’intervention du maçon et du plâtrier-peintre pour devenir habitable, mais comme un « en-soi » déjà abouti, immuable, distinct, définitif. HANNAH ARENDT dit même qu’on « tend à faire du monde de l’enfance un absolu ». Etant entendu qu’il s’agit de l’absolu du jeu.

 

 

Mais bande de malheureux, il n’y a pas de « monde de l’enfance » ! C’est l’invention d’adultes mal mûris, nostalgiques d’un temps qui ne leur paraît désirable que parce qu’ils l’ont oublié, comme ils ont oublié tout ce qu’ils vécurent alors  au quotidien. La frustration ou l’excès d’ « amour ». L’angoisse qui en découle. Le sentiment d’injustice, d’incompréhension. Le désir d’être « grand » tout de suite, pour avoir l’air aussi sûr de soi qu’ont l’air de l’être les « grands ».

 

 

Ou au contraire de ne pas grandir et de retourner là d’où on vient, quand on jouissait de l’évidence du bonheur sans savoir que c’était ça, le bonheur. Mais que même ça, et surtout ça, c’est une illusion et un mensonge, puisque après, ce n’est plus vrai, et que c’est fini à jamais.   

 

 

« Vivre son enfance », pour l’enfant, c’est le dernier de ses soucis. Il ne se préoccupe de rien d’autre que de vivre, de faire face, de jour en jour,  comme tout le monde, aux épreuves à son échelle qui l’attendent. L’enfant, il ne saurait pas qu’il est un enfant, si on ne le lui serinait pas. Il ne se vit pas comme tel, mais comme simple être vivant. « Enfant », pour lui, c’est un mot abstrait. Quasiment vide de sens.

 

 

C’est pour ça qu’il serait bon de gifler ou, au moins, de torturer à mort tous ceux qui, face à un bébé, à un enfant, se mettent à faire les niais, à bêtifier et faire des grimaces. Dans leur esprit, c’est ainsi qu’on « se met à la portée » : en devenant le singe et la caricature. Je pense à ces deux pages de GOTLIB, dans les Dingodossiers, où le tonton fait l’imbécile en train de fondre devant le berceau du poupon et dit : « Qu’il est mignon ! ». Le poupon en question se redresse, hilare, en pointant le pouce : « Qu’il est bête ! ».  

 

 

Fin de la parenthèse coruscante.

 

 

Cela donne lieu à des manifestations comiques. Je pense en particulier aux pages locales de la P. Q. R. (Presse Quotidienne Régionale), toujours très attentive à ce que les « grands » font pour les « petits ». Vous avez vu, ça se bouscule, c’est tous les jours, dans les pages locales. On les sensibilise à TOUT. AUCUNE des graves préoccupations  de l’âge adulte ne doit échapper à l’entreprise de sensibilisation. Parce qu’il se dit, l’adulte, dans sa candeur, que l’enfant ne le deviendra jamais assez tôt, adulte. Pourquoi, alors, lui épargnerait-on les questions graves ? 

 

 

Alors, pour « sensibiliser », comme ils disent, voilà de quoi on leur cause, aux petits : pollution,  tri des déchets (« sélectif » pour réviser la définition du pléonasme), souffrance animale, justice, tabagisme (et autres problèmes de santé publique), comment bien se nourrir (juste avant la faim dans le monde), gestion des affaires publiques (c’est le « conseil municipal des enfants », et il y eut même une opération « Sénat des enfants »), et j’en passe. Ici, on les fait courir en solidarité avec les enfants du Burkina Faso. Là, on leur fait « vendre-de-charité » des babioles contre le paludisme. Ça n’arrête pas.  

 

 

Vous trouvez que c'est des questions pour les enfants, vous ?

 

 

Le fin du fin ? « Monsieur le Maire, quelles actions envisagez-vous en direction des enfants pour les sensibiliser aux risques encourus au contact de pervers pédophiles ? » Ce n’était pas exactement formulé comme ça, mais il s’agissait quand même, dans cette information,  d’inciter les enfants (de primaire, il me semble) à la prudence face aux adultes dans le domaine sexuel. Je ne sais pas si vous « mordez le topo, les aminches » (San Antonio).  

 

 

On leur expliquait ce qu’ils risquaient si un adulte se montrait un peu trop « attentionné » envers eux. Vous avez vu la bombe que dissimule le joli mot de « pédophile ». C’est le mot à la mode. C’est parce qu’il est à la mode qu’il en impose, qu’il intimide, qu’il cloue le bec. En réalité, « pédophile », ça veut dire « qui aime les enfants ». Φιλία (philia), ça veut dire « affection », par exemple entre deux vieux époux. Quand il y a du sexe, on parle d’ερως (érôs), qui a donné « érotisme ». Que serait un instituteur qui ne serait pas « pédophile » ?

 

 

Pourquoi n’a-t-on pas gardé « pédéraste », mot qui s’applique exactement à l’adulte qui aime particulièrement les enfants pour ce qui est de ses jeux sexuels ? Ah, on me dit que son apocope (désolé, c’est comme ça qu’on dit), « pédé », est désormais une injure ? Mais à ce moment-là, il suffit que le code pénal criminalise non la « pédophilie » mais la « pédérastie ».

 

 

Ah, monsieur Grand Robert me dit dans mon oreillette que le mot désigne, « par ext. toute pratique homosexuelle masculine » ? Et celle-ci n’est plus punissable ? Dans ce cas, la seule question qui se pose est de savoir comment désigner un adulte qui aime vraiment les enfants. « Pédagogue » est déjà pris, mais surtout, il désigne celui qui « fait avancer » l’enfant. Non, vraiment, je ne vois décidément que « pédophile » pour qualifier le métier d’instituteur : « Qui fait preuve d’affection envers les enfants ».

 

 

Qu’est-ce que c’est, un adulte trop « attentionné », dans la réalité ? Et surtout qu’est-ce que ce sera dans la tête de l’enfant, après une telle « sensibilisation » ? Le parent qui embrasse son gamin sur la bouche, comme l’habitude semble s’en être maintenant généralisée ? L’adulte qui le prend familièrement sur les genoux ? Et qu’est-ce qu’elle fait, exactement et précisément, la mère, devant la table à langer, quand le lardon sort du bain tout propre et tout parfumé, qu’il lui prend l’envie de le croquer ? Franchement, va-t-il falloir mettre un flic derrière tous les parents pour guetter le moindre geste un peu trop « attentionné » ?  

 

 

Honnêtement, je me demande quelle image peut se former dans la tête de ces gamins  après une séance de « sensibilisation », et sous quel jour leur apparaîtra leur éducateur préféré. Si l’on voulait lui enseigner la peur de l’adulte (aux activités assimilées à une sorte de pourriture infecte), la méfiance généralisée et, en fin de compte, le refus pur et simple d’apprendre quoi que ce soit ; si on voulait le dégoûter de manifester la moindre ébauche d’envie d'apprendre, par peur de risquer gros dans ses parties les plus vulnérables et les plus intimes, on ne s’y prendrait pas autrement.

 

 

J’arrêterai là sur les « actions publiques en direction des enfants ». Ce que ne disent jamais leurs promoteurs, c’est que les dites actions leur servent exclusivement à se donner un peu de lustre, accessoirement à fabriquer des souvenirs pour les albums de famille, et à donner un peu de travail aux photographes de la presse régionale. Car si quelqu’un attend de ces actions une quelconque valeur éducative et formative, c’est que quelqu’un se fout du monde. Appelez ça « opérations de propagande », « événements publicitaires », « animations récréatives », tout ce que vous voudrez.

 

 

A la rigueur, cela pourrait avoir une valeur éducative s’il y avait ne serait-ce qu’un atome de continuité et de structure dans ces actions. Autrement dit, s’il s’agissait d’une matière d’enseignement. Là je veux bien. Mais un tel saupoudrage ! Autant en emporte le vent. De toute façon, rien ne rentre dans le crâne si ce n’est pas rabâché, c’est bien connu.

 

 

Finalement, les propos de HANNAH ARENDT cités au début apparaissent complètement paradoxaux : d’un côté, on fétichise l’enfance, on la met sur un piédestal, on la célèbre, on lui écrit une « Déclaration des droits de l’... » (texte ultra-juridique de l’ONU affiché dans toutes les salles de classe et aussi compréhensible que la défunte « Constitution Européenne »). Bref, on  idéalise l’enfance en tissant un cocon protecteur autour de son « espace enchanté ».

 

 

Et en même temps, on jure dur comme fer qu’on veut la préparer à devenir adulte et, ce faisant, on lui fait entrevoir l’âge adulte comme un monde difficile, voire impossible, angoissant, etc. Et je ne parle pas de ce que les enfants peuvent voir à la télévision ou sur internet. De toute évidence, la paroi censée isoler l’enfance est de plus en plus poreuse.

 

 

Et c’est le temps où, chez les adultes, on assiste à des séances de promotion de ceux qui ont « su garder une âme d’enfant », qui « laissent vivre en eux la part d’enfance » qui ne les a jamais quittés. Cette tendance est rendue visible, là encore, par des modes qu’il est difficile de critiquer sans passer pour un vieux con. J’assume bien entendu le risque, en me plaçant sous l’autorité et le haut patronage de saint ROLAND TOPOR, qui écrivit naguère Les Mémoires d’un vieux con.

 

 

Je ne peux m’empêcher de m’amuser au spectacle de toutes les roulettes sur lesquelles se juchent les vivants d’aujourd’hui pour se déplacer dans les villes, si possible sur les trottoirs, pour bien faire sentir au piéton que c’est lui, l’anomalie. Mais je pense aussi aux jeunes parents qui, ne pouvant se résoudre à délaisser le temps heureux et insouciant où ils étaient étudiants, traînent leur bébé et / ou leur mouflet au café, ce lieu éminemment éducatif, comme chacun sait. Encore plus net, je pense à l’empire exercé par le JEU sur la vie d’un nombre de plus en plus effrayant d’individus supposés « sortis de l’enfance ».

 

 

A suivre ...

 

 

 

samedi, 29 octobre 2011

L'ENFANT ÜBER ALLES (2)

EPISODE 2 : la poussette et la horde barbare

 

 

Première petite parenthèse (adamantine).

 

 

FERNAND RAYNAUD s’est écrasé sur le mur du cimetière du Cheix (ou Le-Cheix-sur-Morge, 63), un 28 septembre 1973, mais il l’a fait avec classe. Pensez donc, un coupé Rolls-Royce « silver ghost » ! Il y a pire, comme cercueil. Bon, c’est vrai, il n’est peut-être pas enterré dedans. Il est un peu oublié, le pôvre, mais il eut son heure de gloire. La preuve, c’est la Rolls. Il l’avait achetée en faisant rire. Et même bidonner, voire tirebouchonner. Je ne suis pas sûr qu’aujourd’hui, il roulerait en Rolls. M’enfin, il se serait peut-être adapté.

 

 

Il devait être, une fois de plus, complètement bourré. A moins que ce ne soient les freins qui aient lâché : il racontait comme une blague que le voyant « brakes » (= freins) restait constamment allumé. Une fois, il avait pris en stop deux copines, J. et J. Trente secondes après, il leur demandait si elles étaient lesbiennes, avant de leur proposer la botte. Bon, c’était presque vrai : elles étaient aussi lesbiennes. Il ne s’embarrassait pas d’entrées en matière. Pas comme ici, diront certains.

 

 

J’y viens donc. FERNAND RAYNAUD racontait des histoires drôles. Entre autres, celle du père qui donne un ordre à son fils : « Toto, mange ta soupe ! – Non j’la mangerai pas ». Ce qui m’intéresse, quand le gamin se met à hurler, c’est les voisins qui crient : « Bourreau d’enfant ! ». C’était dans les années 1960. C’est le titre du sketch, visible sur internet.

 

 

La fin du sketch explique très bien qu’en certaines occasions, le parent puisse avoir envie de transformer sa progéniture en tache de sang sur le mur avec les os incrustés dedans : le père qui a été obligé par l’infernal chérubin d’acheter une saucisse, puis d’en manger une moitié, l’entend hurler pour finir : « Ouiiiin ! T’as mangé le morceau que j'voulais ! ».

 

 

Fin de la parenthèse adamantine.

 

 

C’était donc vrai, ce qu’on m’avait dit, que je ne voulais pas le croire : l’enfant n’est pas ce parangon d’innocence et de vertu qu’un certain catéchisme qui se dit « moderne » voudrait nous peindre dans les teintes pastel les plus tendres et les plus veloutées !?! Parce que l’ange à tête blonde se double, en filigrane, du pervers le plus égoïste, le plus endurci et le plus polymorphe qui se puisse trouver sous le ciel.

 

 

La divinisation de l’enfant ne date certes pas d’aujourd’hui. On la trouve, depuis un temps, à l’état endémique, mais souvent en phase critique (= de crise). Et ça commence à bien faire. Les lieux de la divinisation sont peu nombreux. Le domicile étant inaccessible, voire inavouable, après avoir vu le supermarché, il nous reste la rue, les transports en commun et les cafés. Je vous donne un exemple. L’autre jour, dans le bus, je m’assieds à côté de la porte centrale. Un gamin est là, debout tout contre, qui garde fermement le pouce appuyé sur le bouton d’ouverture, empêchant résolument la fermeture.

 

 

Je lui dis : « Tu sais, il ne faut pas appuyer sur le bouton tout le temps ». La mère, qui veillait pas loin, aussitôt : « Monsieur, c’est bien à vous de faire la morale à mon enfant, alors que vous venez de le bousculer ! ». « Faire la morale » ! « Bousculé » ! J’avoue qu’après avoir remis la dame et son merdeux à leur place, l’état mental de la personne m’a valu un court instant de perplexité.

 

 

Il y a aussi cette grappe de collégiennes, dans le métro, qui hurlent leur hystérie, trépignent leur surexcitation et vocifèrent dans leurs courses désordonnées. Bref : des merdeuses exaspérantes. A haute voix, je les compare à une troupe de chiennes en fureur, sans doute même en chaleur. La rombière à côté de moi, sans doute mazoutée pour le compte, comme un vulgaire guillemot de Troïl après une marée noire, prend un air enjoué, léger, presque flûté, pour comparer cette cacophonie stridente à un gazouillis d’oiseaux. « Espèce d’oie faisandée ! » Et n’ai-je pas vu une bergère entre deux âges offrir sa place assise non à la femme enceinte en phase terminale qui vient de monter, mais à son minot qui ne demandait rien ?

 

 

J’ai fini par comprendre (c’est vrai, je suis un peu lent) le sens de l’expression : « Il faut mettre l’enfant au centre », vous savez, ce slogan qui sortait à jet continu, il n’y a pas si longtemps, des groins politiques, des claque-merde économiques et des dégueuloirs des autorités éducatives. En fait, ça ne veut rien dire d’autre que : « Il faut donner la priorité absolue à l’enfant sur toute autre catégorie de personnes ». Les vieillards seront bientôt priés de céder leur place assise aux chiards, et bientôt les crèches capteront à leur profit la manne publique auparavant destinée aux maisons de retraite. On n’y est pas encore.

 

 

Cette caricature comporte cependant une part de vrai. Regardez calmement ce qui se passe : on parque un peu plus les vieux tous les jours. Bon, c’est vrai qu’ils s’incrustent. Vrai aussi qu’ils radotent. Vrai encore qu’il y en a une demi-douzaine qui bavent, et deux ou trois qui font pire. Pendant ce temps, voyez s’instaurer, dans les rues, dans les magasins, dans les bus et métros, le règne absolu de la poussette.

 

 

Et pas la petite poussette, discrète comme une trottinette qu’on suspend à l’épaule le temps d’une emplette. Non : la poussette agressive comme un char d’assaut, la poussette qui n’a pas besoin, sur fond blanc, d’une grande croix sanguinolente sur ses flancs pour impressionner et faire taire toute la compagnie, et qui, dans un espace de bus calculé au millimètre, occupe victorieusement tout le terrain, impose ses dimensions redoutables par sa seule présence. Ah, elle est bien finie, l’époque du Petit Poucet. Place à la Grosse Poussette ! Mes excuses, je me laisse aller à la facilité. 

 

 

A se demander si les femmes, sous nos climats, ne font pas tant d’enfants dans le but exclusif d’exercer le pouvoir. Vous avez vu, dans les rues, le nombre effrayant de gros ventres ? Pas un grand pouvoir, certes. Disons, un simple pouvoir de petite nuisance qui s’exerce dans l’espace public. Soyez franches, mesdames : quand vous êtes en cloque, n’y a-t-il aucun pressentiment des droits que vous aurez conquis sitôt que vous aurez retrouvé le ventre plat (dans le plus optimiste des cas) ? Car il faut s’en convaincre : un gros ventre croisé dans la rue aujourd’hui, c'est une poussette dans le bus demain. SARKOZY lui-même y travaille.

 

 

Et je ne vous décris pas le tableau quand un fauteuil roulant entre dans la danse, de préférence aux heures de pointe, sinon ça ne ferait pas rire. Rien de plus désopilant et féroce que cette concurrence sans merci entre l’infirme sûr de ses droits et la mère conquérante. Ben aussi, il faut les comprendre : chacun veille au mieux à ses intérêts, au prorata de son handicap. Le plus mal loti dans l’affaire, c’est encore le vieillard, face au risque d’écrasement auquel il est confronté. Il n’est pas de taille à lutter contre une poussette et un fauteuil ligués à l’occasion pour l’occupation de l’espace. Il n’a plus qu’à se rabougrir sur son siège, encore heureux s’il est assis.

 

 

Cette bataille des faibles pour la prééminence peut bien tourner à l’avantage de l’un ou de l’autre des adversaires, je sais bien, quant à moi, qui perd : le bête adulte valide, contraint de se faire petit, de se réfugier dans les coins, de s’entasser contre ses « semblables en infortune », en essayant de garder ses orteils à peu près en état de marche. L’adulte valide, il a presque honte d’être à la fois adulte et valide. Mais faut-il être assez bête pour cumuler ainsi les handicaps ? Peut-être même qu’il regrette de ne pas avoir même une béquille à brandir.

 

 

Et qui sait ? Une béquille fièrement arborée ne serait-elle pas un moyen de se faire enfin une place, oh, pas une bien grande, un tout petit espace, grâce à une minuscule intimidation ? Si cette hypothèse donne des idées à quelqu’un, merci toutefois de ne pas en abuser. Vous imaginez bien que le subterfuge serait vite découvert en cas de prolifération de béquilles dans les espaces publics. Ce serait aussi gros qu'une épidémie de Ventoline dans les rangs du Peloton du Tour de France. Ce qu'à Dieu ne plaise !!!

 

 

Même chose pour la canne blanche, dont on m’a dit qu’elle produit les meilleurs effets. Encore que, pour faire un aveugle crédible, il faille un véritable entraînement, si possible conduit par le PHILIPPE LUCAS de LAURE MANAUDOU, pas parce que son élément est liquide, mais parce qu’il sait ce qu’entraîner veut dire. Voyez la nageuse, elle n’a jamais été aussi belle que sous la férule et la houlette de son entraîneur. On voit que ça lui a réussi, la férule et la houlette de l'homme !

 

 

Nous avons laissé le polichinelle dans sa poussette. Lui, royal, tranquille comme Baptiste, il a une vue imprenable sur les plis au genou des pantalons et les mollets féminins, parfois un attaché-case (ou autre bagage authentique ou supposé) : ça le dégoûte vaguement, parce qu’il ignore encore son propre avenir. De trois choses l’une : soit il gazouille, soit il vocifère, soit il dort. Imaginons-le dans la troisième, et laissons-le à sa sieste.

 

 

A suivre …

 

 

 

 

 

 

 

vendredi, 28 octobre 2011

L'ENFANT ÜBER ALLES (1)

EPISODE 1 : la caisse du supermarché

 

 

Cette chronique n’abordant que les sujets les plus graves et les plus vastes, nous parlerons aujourd’hui de l’enfant (cette phrase se veut un petit hommage au grand ALEXANDRE VIALATTE). Et s’agissant de l’enfant, chacun conviendra qu’il n’y a rien de mieux que la caisse de supermarché pour l’observer « en action », dans la mission que lui a confiée le commerce industriel : vaincre la résistance de la ménagère, en général sa propre mère, ce qui en fait d'emblée un traître en puissance.    

 

 

Car si l’espace du supermarché, en soi, dévoile l’intention stratégique de son organisation (« coco, tu te débrouilles comme tu veux, mais à l’arrivée à la caisse, je veux que la longueur de la liste rédigée chez elle, sur un bout de papier et un coin de table, ait au moins triplé ! »), la caisse en est le couronnement. Cette cerise est bien vissée sur ce gâteau.

 

 

Vous savez sûrement que tout « bon musulman » doit impérativement accomplir au moins une fois dans sa vie le « hadj » (pèlerinage à La Mecque, dont le coût actuel, dans le bas de la fourchette haute, se monte à environ 5.000 euros par personne, je le sais de première main, c'est KHALED qui me l'a dit).

 

 

Le « hadj » du consommateur, c’est moins cher, mais c’est toutes les semaines, si possible le même jour de la semaine, pour garder les points de fidélité, de repère et de comparaison, et si possible le samedi matin, pour bien se souvenir que les autres ont une existence concrète, principalement au moment de faire la queue à la caisse. Ce voyage dans la Mecque de la consommation permet de révéler, à travers une petite scène du quotidien, le plus élaboré de tous les protocoles du commerce industriel, le plus prévisible, mais aux péripéties concrètes indéfiniment renouvelées : l’arrivée de la petite famille à la caisse.

 

 

Car la caisse est le piège, le cul-de-sac, la nasse, l’impasse, comme sont tous les péages. Arrêt obligatoire et patience vivement conseillée. Il faut l’avoir vue se dérouler, la scène : la maman (en général, c’est elle, mais on voit parfois un papa) pousse le chariot, qu’elle vide sur le tapis de caisse, après l’avoir rempli et avant de le remplir à nouveau pour le vider dans le coffre de la voiture (on ne s’en lasse pas, que ça devrait être considéré comme un loisir), et ce n’est pas fini. On ne le dit pas assez : le consommateur-en-supermarché est un manutentionnaire qui, non seulement travaille pour les beaux yeux de la princesse, mais en plus qui achète le droit de travailler.

 

 

Maintenant, mettez un gamin dans le siège du chariot (tout est prévu). Le gamin, son métier, c’est de regarder autour de lui. Et qu’est-ce qu’il voit, posé devant ses yeux, à portée de sa charmante et innocente  menotte potelée quand le chariot arrive à la caisse ? Evidemment bien sûr : LE TEST. Grandeur nature. Juste à la bonne hauteur. Bien en évidence dans des présentoirs avenants.

 

 

Donc des boîtes d’épinards ou de fayots, ça ne risque pas. Rien que des saloperies délicieuses, ou bien des cochonneries sucrées, ou alors des pacotilles suaves, et même des camelotes exquises, bref, des merdailles au goût délectable. Rien que des trucs défendus par le coran (euh non, aux dernières nouvelles, je me trompe ; sûrement un oubli du prophète, ce qui prouve d’ailleurs l'amateurisme de ceux qui se fient à lui). Rien que des trucs défendus par le docteur – mais celui-là je l’aime pas parce qu’il fait les piqûres.

 

 

Rien que des trucs défendus par papa et maman quand on les a pas encore trop épuisés, mais on va les avoir à l’usure, on n’est qu’au début de l’échauffement, ils vont voir à qui ils ont à faire.  « Rien que des trucs défendus », on a compris que ça veut dire : « Rien que des trucs éminemment désirables ». Dans « désirables », comprenez : « A saisir coûte que coûte ».

 

 

Poussant son chariot, la femme sait. Depuis l’entrée du magasin, elle tremble, car elle sait ce qui l’attend. Elle sait que le magasin « l’attend à la sortie », comme on dit. Autant dire qu’elle s’approche à regret de ce moment inéluctable de la corvée, de cette épreuve terrible et décisive pour les nerfs et l’autorité. Elle se prépare à résister : aujourd’hui je ne céderai pas, je ne céderai pas, je ne céderai pas.

 

 

Elle doit donc s’armer de fermeté pour résister à la coalition conclue entre son angelot et le magasin. Mais certains loupiots, même tout seuls, ils ont un pouvoir terrifiant. Il y en a qui ont un coffre, on ne se douterait pas à les voir. Le chérubin, quand il vient au supermarché, il vient armé. Et son arme, presque imparable, quand la mère affiche fermement sa décision de fermeté, c’est le DECIBEL.

 

 

Ça n’a l’air de rien, un décibel, comme ça, quand il est tout seul. « Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup que ça ne va plus. » Je cite monsieur BRICE HORTEFEUX, un homme très bien, malgré qu’il ait le teint rouge. Le décibel isolé, il a tellement peu de poids, autant dire qu’il n’existe pas. Mais attention, quand il vole en escadrille, c’est l’arme fatale. Et certains mioches ont un pont d’envol  particulièrement large, et ils arrivent à faire décoller cent ou cent dix décibels en même temps. Pas le seuil de douleur, mais pas loin.

 

 

J’en ai vu un, une fois, on l’aurait mesuré, je suis sûr qu’il était à cent douze ou cent seize. Virgule cinq. Essayez, pour voir : insoutenable. Le truc imparable du bourreau qui a derrière lui deux siècles d’expérience. Le blondinet qui découvre la puissance dévastatrice de son missile sonore embarqué, cette arme de destruction massive, il peut tout demander, ou presque. Il met la machine en route et, après un galop d’échauffement, envoie le projectile. Si le parent tient bon, c’est soit qu’il est héroïque, soit qu’il est un robot, soit qu’il est sourd. Disons-le, la plupart du temps, c’est la victoire en rase campagne, avant même qu’il ait envoyé ses mégatonnes.  

 

 

Mais il faut le comprendre, le lardon. Il sait que le magasin est de son côté. Il le lui a assez répété à la télévision : « Je suis ton ami, mon petit. Je fais tout pour te rendre heureux. Pas comme ces égoïstes de parents qui n’ont qu’une idée en tête : te restreindre, t’imposer des limites. Regarde toutes ces bonnes choses. Vas-y à fond, tu verras, c’est nous, toi et moi, qui sommes les plus forts ». Le merdeux, il n’aime pas ça, les limites. Pourquoi ça, des limites ? Ce qu’il déteste dans ses parents, ce sont les limites qu'ils lui imposent.

 

 

Alors, se dit le mouflet, toutes ces petites boîtes colorées, ces petits sachets amicaux, « toutes ces délicieuses petites choses en vente dans cette salle » (c’est ce qu’on entendait à l’entracte au cinéma, à l’époque des « bonbons, glaçons, chocolats » vendus par les accortes ouvreuses), toutes ces promesses de délices, tout ça, c’est exclusivement pour lui que c’est fabriqué.

 

 

On a compris que la bataille qui se présente est foncièrement inégale. La mère part battue d’avance. C’est vrai que le moutard n’a pas toujours le dessus, pour finir. Mais en général, c’est le chiard qui gagne, que dis-je, qui triomphe, et il n’a jamais le triomphe modeste. La preuve, c’est que les présentoirs sont toujours là.

 

 

Maintenant que j’ai vu la scène (dans les manuels de polémologie, on appelle ça une « guerre-éclair »), je peux ranger le carnet, replier l’observatoire, remballer les cannes à pêche, placer la sangle de ma musette sur l’épaule avec les poissons dedans. Je me lève pesamment, je m’ébroue et m’achemine vers la sortie. Je suis content. Je suis venu. J’ai vu. J’ai vu qui a vaincu.  Pas  César, mais presque.

 

 

Moralité de l’histoire : pour venir à bout de la ménagère aventurée sur le terrain hostile de la grande consommation, il n’y a pas d’arme plus efficace que le sale gosse envoyé en mission. Un suspense comme dans Les Infiltrés.

 

 

A suivre ...


dimanche, 16 octobre 2011

"GENRE" ET BOURRE ET RATATOUILLE (2)

Je voudrais par ailleurs qu’on m’explique ce que le « genre » apporte de nouveau, et que l’humanité ignorait scandaleusement depuis toujours. Selon moi, il n’apporte RIEN qu’on ne sût déjà, d’un savoir dûment répertorié. Alors comme ça, tous ces gens empressés autour du « genre » découvrent stupéfaits qu’il faut vingt ans de socialisation pour rendre un humain assez autonome pour se prendre en charge.

 

 

Ils découvrent ahuris que le petit d’homme débarque dans une culture toute faite, dans une langue toute faite, et qu’il va passer 7300 jours (= 20 ans, sans compter les 29 février, réservés à La Bougie du Sapeur) à emmagasiner, à acquérir, à APPRENDRE. Quand je suis né, je n’avais pas demandé à apprendre le français. Et pourquoi pas l'ourdou, le tchouvache ou le khabardino-balkare ? Eh bien tenez-vous bien, j’ai été obligé ! Parfaitement ! C’est intolérable ! C’est fasciste ! Après tout, la langue aussi, c’est une « construction culturelle » ! La langue ? Une réserve inépuisable d’arbitraire. Pourquoi dit-on « table » pour exprimer une table, après tout ?

 

 

Je n’ai pas demandé non plus à marcher. Eh bien c’est pareil, on m’a forcé. Pourtant marcher, c’est encore une « construction culturelle » ! Après tout, on pourrait ramper, retourner à quatre pattes, non ? Il s’est passé la même saloperie pour « travailler », « écrire », « s’habiller », « manger » et un tas d’autres trucs : rien que des « constructions culturelles » ! Tout ça qu’on inculque (les « valeurs », les « manières » et tout ça), sans même demander l’avis du petit, franchement, vous voulez que je vous dise : c’est abuser. Ma parole, mais c’est le règne de l’arbitraire !

 

 

Alors tous ces gens, puisque ça les amuse de « déconstruire » les faits culturels, mais qu’ils y aillent carrément ! Pourquoi se limiter au sexuel ? J’ai parlé de la langue, mais tout est susceptible « d’y passer », à la casserole « déconstructionniste ». Oui, au fait, je ne l’ai pas dit : cela s’appelle « déconstruire ». D’ailleurs un des rares trucs que la France ait exportés aux Etats-Unis, en dehors de son « patrimoine immatériel de l’humanité », qui est la gastronomie, c’est le « déconstructionnisme » inventé par JACQUES DERRIDA et MICHEL FOUCAULT. Avouez que ce n’est pas de veine.

 

 

En gros, « déconstruire », ça consiste à couper les cheveux culturels en quatre, et si possible davantage. Il n’y a pas de limite au « déconstructionnisme ». Pour faire simple, on analyse les faits, les valeurs dont nous sommes faits, l’histoire dont nous sommes le résultat, et l’on s’efforce de démontrer « scientifiquement » que tout ce qui nous constitue est le résultat d’un conditionnement arbitraire, donc scandaleux. Dans le fond, nous aurions pu être tout à fait autres que ce que nous sommes si les choses avaient tourné autrement pour nous. C Q. F. D. (on ne peut qu’abonder à tant d’évidence). Si vous ne saviez pas ce qu’est un « truisme », en voilà un beau.

 

 

Car des « constructions culturelles », on en prend plein la figure et on en rend autant tous les jours comme s’il en pleuvait. On est encerclé, on baigne dedans, on en fabrique à tout moment de la journée. Et je me dis que s’il faut « déconstruire » tout ça, on n’a pas fini. Autant s’y mettre dès la naissance. Ah ! On me dit que ce n’est pas possible, qu’il faut attendre que quelque chose soit construit. Pas de chance !

 

 

Bon, je sais bien que les sectateurs sectaires du « genre » focalisent leur attention sur le sexuel. On ne sait jamais, l’obsession n’est pas loin. D’une manière générale, ils regardent, pour les « déconstruire », les codes sociaux. Pourquoi pas ? Mais ça ne change rien à la question de base : pourquoi vivons-nous comme nous vivons, et pas autrement ? Ni aux questions suivantes : pourquoi la société impose-t-elle ses conditionnements de façon autoritaire et stéréotypée ? Et pourquoi les jouets des filles sont-ils des poupées ? Et pourquoi les hommes ne s’habillent-ils pas en robe ?

 

 

Bon, un « code social », qu’est-ce que c’est ? Pour faire simple, c’est renoncer à flanquer ta main dans la figure du type dont la gueule ne te revient pas. Au final, c’est ce qui permet aux gens de ne pas s’entretuer. Et même, soyons fou, de rendre possible, voire agréable, la cohabitation avec des gens qu’on n’aime pas, ou du moins des gens qu’on n’a pas choisis. Au total, ça fait une somme astronomique. Mais ce n’est pas vraiment à ça que s’en prennent les furieux du « genre ».

 

 

Car ce qu’ils ont dans le collimateur, c’est situé plus profond. Ils dénoncent la façon même dont madame Lasociété (c'est la mère maquerelle du bordel ambiant)  façonne les gens à l’intérieur, leur impose une identité qui n’est pas la leur, les empêche d’ « être eux-mêmes ». « Deviens ce que tu es », c’était une publicité Lacoste. Pour tout dire, on conditionne les individus à se conformer, non à ce qu’ils sont en vérité, mais à un rôle tout fait, un modèle sur lequel ils doivent prendre exemple, dont ils doivent adopter les attitudes. Mais qu'est-ce qu'ils « sont en vérité » ?

 

 

Un schéma sexuel organise l’éducation du garçon, et lui impose de devenir quelque chose de masculin. Même chose en féminin pour les filles. Il y a du stéréotype dans la façon dont la société s’y prend pour fabriquer du masculin et du féminin. Moi, je dis : « Et alors, coco, qu’est-ce qui te chiffonne là-dedans ? ». « Deviens ce que tu es », finalement, c’est un drôle de mensonge. D’abord, à partir de quel moment peut-on dire de quelqu’un ce qu’il est ?

 

 

NICOLAS SARKOZY a bien essayé de lancer l’histoire de dépister les futurs délinquants avant trois ans, mais heureusement, cette offensive a fait long feu (enfin, pas tout à fait, aux denières nouvelles, puisqu'on en reparle pour l'école maternelle). En gros, si l’individu est en naissant ce qu’il sera, à quoi sert l’éducation ? C’est bien de l’argent et de la peine jetés par les fenêtres. Et si l’individu est façonné (y compris sexuellement) par son environnement, à quoi bon se faire du souci, puisque, si l’on voulait faire l’inventaire exhaustif du dit « environnement », il faudrait collecter, classer et interpréter quelques milliards de données. Bonne chance au « scientifique » !

 

 

Dans le dossier du Monde cité plus haut, la journaliste ANNE CHEMIN dresse un honnête historique de la théorie du « genre », donnant la parole aux thuriféraires et aux pourfendeurs de la notion, dans ce classique « essuie-glace » de la technique journalistique (un coup à droite, un coup à gauche, et moi journaliste au milieu).

 

 

Le drôle de son article est dans les deux dernières phrases : « Le genre masculin n’est pas neutre. On ne naît pas homme, on le devient ». Ces paroles d’une force à défoncer la porte ouverte sont dites par la sociologue MARGARET MARUANI. Finalement, c’est ce qui me semble le plus drôle dans la controverse : la stupéfiante naïveté feinte de ces gens qui découvrent que le rond n’est pas carré, et inversement.

 

 

Quant à la papesse de ce mouvement, JUDITH BUTLER, son propos s’adorne de considérations plus fleuries les unes que les autres. Elle répond à la question de FREDERIC JOIGNOT : « Voulez-vous dire que la France est en retard dans les études sur le genre ? – Oui, notamment à l’université. » J’ai publié ici une note le 27 mai pour dire tout le mal que je pense de cette sorte de « retard » : en « retard » sur qui ? Le Malawi, les îles Kiribati ? Indirectement, c’est une idée raciste à l’égard de ces sociétés « arriérées », où règne un obsolète « ordre patriarcal ».

 

 

« Ce qui gêne, c’est de dire que l’homosexualité n’est pas une anomalie, (…) », sauf que, ne serait-ce que statistiquement, ça reste une anomalie. « La question est donc de savoir si nous sommes plus attachés à classer et à définir les normes qu’à comprendre la complexité de la sexualité humaine », à ceci près que la norme, c’est comme la langue : elle transcende, elle n’appartient à aucun individu ou groupe de pression en particulier, elle s’impose d’au-dessus.

 

 

Ce qu’elle confirme plus loin : «  De l’autre, nous sommes ligotés par des normes et des obligations que nous n’avons pas choisies ». Bien sûr, que nous ne les avons pas choisies : une norme qui serait l’objet d’un choix est une magnifique contradiction dans les termes. Imaginons cela : chaque individu, en toute indépendance, se donne à lui-même les normes auxquelles il se conformera. Ce serait drôle, d'ailleurs, un supermarché dont les rayons seraient remplis de milliards de normes : on viendrait avec son caddie, on choisirait ses normes, avec leur qualité, leur prix, leur couleur, leur goût. Ce serait le bonheur, comme dans la chanson de CLAUDE FRANÇOIS. J’y vois déjà se profiler la silhouette d’un monde merveilleux, bienheureux.

 

 

Allons, calme-toi, et bienvenue dans le CHAOS.

 

 

lundi, 05 septembre 2011

TU VAS RANGER TES GENRES ?!

On n’en finit jamais avec les innovations. La première fois que j’ai assisté en spectateur à un débat sur le GENRE, c’était en salle fumeur. Deux estimables collègues, pas trop vieux (c’est-à-dire plus jeunes que moi) faisaient assaut de considérations « branchées » sur cette notion alors entièrement nouvelle (au moins pour moi, mais je suis long à la détente). Ça avait l’air intelligent, ça avait même l’air intellectuel, voire intello. Effectivement, c’était intello. Là, je suis infirme. Si si, je vous jure !

 

 

J’ai consacré un petit article, récemment et ici même, à l’introduction du « genre » dans des manuels de « Sciences et Vie de la Terre », en tant que notion à part entière. J’en ai dit tout le mal que j’en pense : en gros, la notion de genre est totalement inutile. L’enseigner en tant que telle n’est absolument pas innocent. Pour résumer, ma thèse est que le hasard de la conception dote chacun d’un sexe anatomique et que, ensuite, c’est à chacun de se débrouiller avec dans la vie, en fonction de ce que celle-ci lui présente comme expériences.

 

 

Ce n’est pas l’avis des promoteurs du « genre », évidemment, y compris du délicieux et suave RAPHAËL ENTHOVEN, qui sévit sur France Culture. Enseigner le genre à des adolescents, qu’on le veuille ou non, c’est leur présenter leur évolution sexuelle comme une croisée des chemins, où ils vont mettre en œuvre leur liberté et leur raison, pour décider en pleine conscience : moi, garçon, moi, fille, ai-je envie de vivre ma partie féminine ou ma partie masculine, puisqu’on m’a persuadé qu’il y a une part de masculin dans le féminin et inversement ? Ils ou elles choisiront donc délibérément, pour eux-mêmes, le yaourt masculin ou le yaourt féminin sur le rayon de l’hypermarché de la consommation sexuelle. Et pourquoi pas les deux ? La bisexualité comme avenir de l’humanité ?

 

 

La morale de tout ça, c’est qu’on présente l’homosexualité exactement à égalité avec l’hétérosexualité, et ce, au nom du combat contre la norme, obligatoirement mauvaise. Et surtout, il faut empêcher coûte que coûte le jeune d’éprouver le moindre sentiment de culpabilité si par hasard il n’entre pas dans le moule de cette effroyable norme. Il faut surtout que le jeune se sente libre, on se tue à vous le dire !

 

 

Conclusion : les mêmes éducateurs qui en appellent à grands cris à conforter et renforcer les « points de repère psychologiques » qui permettent aux jeunes de « se construire », ont entrepris de détruire ces « points de repère » en militant (ça aussi, c’est un problème) pour accroître la confusion dans les esprits.  Autrement dit, on voudrait faire de la propagande pour l’homosexualité, on voudrait y encourager, on voudrait faire du prosélytisme homosexuel, on ne s’y prendrait pas autrement.

 

 

Eh bien, pendant qu’on solde les cadres de ce qui structure l’humanité depuis la nuit des temps (j’ai nommé la DIFFERENCE DES SEXES), l’offensive continue. Et puisqu’il s’agit de détruire cet ennemi à la racine, elle continue en amont de l’adolescence, pour remonter jusqu’à l’âge le plus tendre. Et le champ qu’il s’agit de nettoyer de tous les miasmes de la différenciation sexuelle, c’est maintenant le champ du JOUET. Parfaitement messieurs-dames.

 

 

Parce qu’on ne le dira jamais assez : il y a quelque chose de totalitaire dans le fait de donner au petit garçon des petites voitures ou des soldats, et à la petite fille des poupées dans des poussettes. Les parents ne se rendent pas à quel point ils orientent abusivement l’esprit de leur progéniture : c’est du terrorisme parental !

 

 

C’est donc entendu : tu es un garçon, tu joueras à la guerre en miniature, et ça te préparera à donner ta vie pour ton pays quand tu auras l’âge ; tu es une fille, tu joueras à la maman, et ce faisant tu répéteras longtemps à l’avance les gestes qu’il faudra faire quand tu auras ton premier.

 

 

C’est donc entendu : tu subiras un horrible conditionnement, un ignoble lavage de cerveau. C’est ce que les féministes et adeptes de la théorie du genre (qui est bel et bien une théorie, malgré RAPHAEL ENTHOVEN) appellent un déterminisme, un surdéterminisme, un dressage ou je ne sais quoi. C’est ce qu’ils trouvent absolument insupportable.

 

 

D’abord, ces gens-là sont ignares, ou ils font semblant : ils ne savent pas qu’il existe des garçons qui n’aiment pas jouer au foot ?  Ils ignorent que certaines filles sont des « garçons manqués », comme il ne faut plus dire ? Les bras m’en tombent : les gamins n’ont pas attendu les savantasses intellos machins pour indiquer à leurs parents leurs préférences en matière de jeux et de jouets, quittes à ne pas respecter le « schéma dominant », quittes à tomber sur des becs qui les font plus ou moins souffrir.

 

 

Ensuite, il ne faut pas être passé par de grandes écoles de psychologie ou de psychanalyse pour se rendre compte que le schéma est exactement l’inverse de celui qu’avancent les adeptes du « genre ». Pourquoi offre-t-on, EN REGLE GENERALE, soldats et voitures au garçon ? Pourquoi offre-t-on, EN REGLE GENERALE, des poupées aux filles ?

 

 

Est-ce que par hasard ça ne serait pas parce que le petit garçon veut  ressembler à son père, et l’imiter ? Ecoutez deux garçons discuter dans la cour de récréation : « C’est mon père qui est le plus fort, le plus riche ! – Ouais, mais c’est mon père qui a la plus grosse voiture, la plus grosse … ! » ? Ou deux filles : « C’est ma mère qui est la mieux habillée ! – Ouais, mais c’est ma mère qui est la plus belle ! » ? Non, je ne vais pas prétendre que tout ça, c’est inné, évidemment. Mais je n’invente rien si je dis, après les plus hautes autorités en la matière, que le gamin a BESOIN de s’identifier au parent de même sexe (et accessoirement d’essayer de séduire le parent de l’autre sexe).

 

 

Quoi, vous me dites que ce serait déjà le résultat d’un conditionnement ? Mais moi, digne et sans faire de chichis, je rétorque : « ET ALORS ? ». Vous avez vraiment l’intention d’éradiquer jusqu’à la moindre trace de conditionnement dans l’éducation de l’être humain ? C’est la notion de conditionnement qui vous taraude à ce point la comprenette ? Mais, messieurs-dames, je regrette : c’est vous qui êtes totalitaires, et mine de rien – et  c’est d’ailleurs très drôle – vous rejoignez la bande de ces éducateurs post-soixante-huitards, qui s’interdisaient d’intervenir de façon autoritaire dans le « parcours éducatif » de l’enfant, comptant sur son développement spontané pour qu’il arrive par lui-même à s’éduquer et à s’instruire.

 

 

S’inspirant de Libres enfants de Summerhill, de ALEXANDER SUTER NEILL (éditions Maspero, 1971), des allumés de l’éducation sans contrainte avaient ouvert des « écoles », comme celle du « Tournesol », dans la région lyonnaise. Je me souviens de Journal d’un éducastreur (éditions Champ libre, 1971), d’un nommé JULES CELMA. Il est sorti de tout ça la certitude plus ou moins affirmée qu’une telle démission de l’autorité adulte, selon l’exigence de « libre épanouissement » de l’enfant, débouche sur quelque chose qui a à voir avec la violence, la tyrannie et l’homosexualité (dans le livre de CELMA). Et toutes ces « écoles nouvelles » ou presque, fondées sur les meilleures intentions du monde, ont lamentablement (et heureusement) fait naufrage.

 

 

Il existe quantité de définitions de ce qu’est, doit être ou devrait être un ADULTE (« avoir pardonné à ses parents » SAINT-EXUPERY, « être adulte, c’est être seul » JEAN ROSTAND, « un enfant gonflé d’âge », ça c’est de la détestable et confusionniste SIMONE DE BEAUVOIR, etc.). Je proposerais volontiers quant à moi celle-ci : un parent, un éducateur est adulte quand il exerce l’autorité que, en vertu de sa fonction, la société lui délègue. Il est adulte quand il accepte d’être celui qui conditionne celui dont il a la charge.

 

 

Eduquer, c’est vouloir donner une forme et une structure à un esprit, à une personne. Imagine-t-on qu’il puisse y avoir une formation sans aboutissement à une forme ? Mettez une boule d’argile sur un tour de potier, n’y mettez surtout pas les mains, et puis admirez le résultat. De toute façon, la liberté du gamin est forcément respectée, du fait du RATAGE plus ou moins grand des efforts de l’adulte. Toute éducation est, qu’on le veuille ou non, plus ou moins RATÉE. Je ne sais plus qui affirmait : « Il y a trois métiers impossibles : éduquer, enseigner, psychanalyser ».

 

 

Le GENRE, finalement, va tout à fait dans le sens de la doctrine d’enseignement actuellement en vigueur : faire en sorte que ce soit l’élève lui-même qui « construise son propre savoir ». Comme le disait excellemment JAIME SEMPRUN (L’Abîme se repeuple, éditions de l’Encyclopédie des Nuisances, 1997) :   

 

« Quand le citoyen écologiste prétend poser la question la plus dérangeante en demandant : Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ?, il évite de poser cette autre question, réellement inquiétante : A quels enfants allons-nous laisser notre monde ? »

 

Oui : à quels enfants allons-nous laisser notre monde ? Ce n’est pas pour rien que JEAN-CLAUDE MICHÉA cite cette interrogation à la fin de son minuscule et lumineux livre L’Enseignement de l’ignorance (Editions Climats, 1999).