samedi, 01 avril 2023
DÉMOCRATIE EN PAPIER (SUITE)
Je n'y peux rien : moi qui dénonçais ici-même (30 mars) la farce boursouflée qu'est par sa nature le Conseil Constitutionnel, voilà que, lisant le journal Le Monde daté 28 mars, je tombe sur l'interview conduite par l'excellente journaliste Anne Chemin de Lauréline Fontaine, professeure de droit public et constitutionnel à la Sorbonne Nouvelle (sous le titre "Le Conseil Constitutionnel n'est pas un contre-pouvoir"), et que je trouve confirmation de ce que je ne faisais que pressentir.
Et voilà que l'opinion hasardeuse, brumeuse et intuitive que j'exprimais dans mon billet se trouve confortée de façon éclatante par les propos très informés, très professionnels d'une spécialiste de la chose. Et là pardon, mais la dame n'y va pas avec le dos de la cuillère, en particulier à propos du manque d'impartialité et d'indépendance des "conseillers".
Le petit commentaire ajouté par Anne Chemin en fin d'entretien est lui aussi d'une clarté suffisante : le Conseil Constitutionnel est un "MACHIN" au service du pouvoir, et une "institution" dans laquelle les citoyens ordinaires, aveuglés par les formes écrites auxquelles la République est assujettie, ont le grand tort de se fier comme à un dernier recours salvateur.
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Autre motivation pour acheter l'ouvrage de Lauréline Fontaine : c'est l'impeccable Alain Supiot, auteur (entre autres) de La Gouvernance par les nombres, qui a écrit la préface.
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : conseil constitutionnel, lauréline fontaine, anne chemin, journal le monde, démocratie, france, société, politique, emmanuel macron, loi sur les retraites, réforme des retraites, alain supiot, la gouvernance par les nombres, la constitution maltraitée
dimanche, 16 octobre 2011
"GENRE" ET BOURRE ET RATATOUILLE (2)
Je voudrais par ailleurs qu’on m’explique ce que le « genre » apporte de nouveau, et que l’humanité ignorait scandaleusement depuis toujours. Selon moi, il n’apporte RIEN qu’on ne sût déjà, d’un savoir dûment répertorié. Alors comme ça, tous ces gens empressés autour du « genre » découvrent stupéfaits qu’il faut vingt ans de socialisation pour rendre un humain assez autonome pour se prendre en charge.
Ils découvrent ahuris que le petit d’homme débarque dans une culture toute faite, dans une langue toute faite, et qu’il va passer 7300 jours (= 20 ans, sans compter les 29 février, réservés à La Bougie du Sapeur) à emmagasiner, à acquérir, à APPRENDRE. Quand je suis né, je n’avais pas demandé à apprendre le français. Et pourquoi pas l'ourdou, le tchouvache ou le khabardino-balkare ? Eh bien tenez-vous bien, j’ai été obligé ! Parfaitement ! C’est intolérable ! C’est fasciste ! Après tout, la langue aussi, c’est une « construction culturelle » ! La langue ? Une réserve inépuisable d’arbitraire. Pourquoi dit-on « table » pour exprimer une table, après tout ?
Je n’ai pas demandé non plus à marcher. Eh bien c’est pareil, on m’a forcé. Pourtant marcher, c’est encore une « construction culturelle » ! Après tout, on pourrait ramper, retourner à quatre pattes, non ? Il s’est passé la même saloperie pour « travailler », « écrire », « s’habiller », « manger » et un tas d’autres trucs : rien que des « constructions culturelles » ! Tout ça qu’on inculque (les « valeurs », les « manières » et tout ça), sans même demander l’avis du petit, franchement, vous voulez que je vous dise : c’est abuser. Ma parole, mais c’est le règne de l’arbitraire !
Alors tous ces gens, puisque ça les amuse de « déconstruire » les faits culturels, mais qu’ils y aillent carrément ! Pourquoi se limiter au sexuel ? J’ai parlé de la langue, mais tout est susceptible « d’y passer », à la casserole « déconstructionniste ». Oui, au fait, je ne l’ai pas dit : cela s’appelle « déconstruire ». D’ailleurs un des rares trucs que la France ait exportés aux Etats-Unis, en dehors de son « patrimoine immatériel de l’humanité », qui est la gastronomie, c’est le « déconstructionnisme » inventé par JACQUES DERRIDA et MICHEL FOUCAULT. Avouez que ce n’est pas de veine.
En gros, « déconstruire », ça consiste à couper les cheveux culturels en quatre, et si possible davantage. Il n’y a pas de limite au « déconstructionnisme ». Pour faire simple, on analyse les faits, les valeurs dont nous sommes faits, l’histoire dont nous sommes le résultat, et l’on s’efforce de démontrer « scientifiquement » que tout ce qui nous constitue est le résultat d’un conditionnement arbitraire, donc scandaleux. Dans le fond, nous aurions pu être tout à fait autres que ce que nous sommes si les choses avaient tourné autrement pour nous. C Q. F. D. (on ne peut qu’abonder à tant d’évidence). Si vous ne saviez pas ce qu’est un « truisme », en voilà un beau.
Car des « constructions culturelles », on en prend plein la figure et on en rend autant tous les jours comme s’il en pleuvait. On est encerclé, on baigne dedans, on en fabrique à tout moment de la journée. Et je me dis que s’il faut « déconstruire » tout ça, on n’a pas fini. Autant s’y mettre dès la naissance. Ah ! On me dit que ce n’est pas possible, qu’il faut attendre que quelque chose soit construit. Pas de chance !
Bon, je sais bien que les sectateurs sectaires du « genre » focalisent leur attention sur le sexuel. On ne sait jamais, l’obsession n’est pas loin. D’une manière générale, ils regardent, pour les « déconstruire », les codes sociaux. Pourquoi pas ? Mais ça ne change rien à la question de base : pourquoi vivons-nous comme nous vivons, et pas autrement ? Ni aux questions suivantes : pourquoi la société impose-t-elle ses conditionnements de façon autoritaire et stéréotypée ? Et pourquoi les jouets des filles sont-ils des poupées ? Et pourquoi les hommes ne s’habillent-ils pas en robe ?
Bon, un « code social », qu’est-ce que c’est ? Pour faire simple, c’est renoncer à flanquer ta main dans la figure du type dont la gueule ne te revient pas. Au final, c’est ce qui permet aux gens de ne pas s’entretuer. Et même, soyons fou, de rendre possible, voire agréable, la cohabitation avec des gens qu’on n’aime pas, ou du moins des gens qu’on n’a pas choisis. Au total, ça fait une somme astronomique. Mais ce n’est pas vraiment à ça que s’en prennent les furieux du « genre ».
Car ce qu’ils ont dans le collimateur, c’est situé plus profond. Ils dénoncent la façon même dont madame Lasociété (c'est la mère maquerelle du bordel ambiant) façonne les gens à l’intérieur, leur impose une identité qui n’est pas la leur, les empêche d’ « être eux-mêmes ». « Deviens ce que tu es », c’était une publicité Lacoste. Pour tout dire, on conditionne les individus à se conformer, non à ce qu’ils sont en vérité, mais à un rôle tout fait, un modèle sur lequel ils doivent prendre exemple, dont ils doivent adopter les attitudes. Mais qu'est-ce qu'ils « sont en vérité » ?
Un schéma sexuel organise l’éducation du garçon, et lui impose de devenir quelque chose de masculin. Même chose en féminin pour les filles. Il y a du stéréotype dans la façon dont la société s’y prend pour fabriquer du masculin et du féminin. Moi, je dis : « Et alors, coco, qu’est-ce qui te chiffonne là-dedans ? ». « Deviens ce que tu es », finalement, c’est un drôle de mensonge. D’abord, à partir de quel moment peut-on dire de quelqu’un ce qu’il est ?
NICOLAS SARKOZY a bien essayé de lancer l’histoire de dépister les futurs délinquants avant trois ans, mais heureusement, cette offensive a fait long feu (enfin, pas tout à fait, aux denières nouvelles, puisqu'on en reparle pour l'école maternelle). En gros, si l’individu est en naissant ce qu’il sera, à quoi sert l’éducation ? C’est bien de l’argent et de la peine jetés par les fenêtres. Et si l’individu est façonné (y compris sexuellement) par son environnement, à quoi bon se faire du souci, puisque, si l’on voulait faire l’inventaire exhaustif du dit « environnement », il faudrait collecter, classer et interpréter quelques milliards de données. Bonne chance au « scientifique » !
Dans le dossier du Monde cité plus haut, la journaliste ANNE CHEMIN dresse un honnête historique de la théorie du « genre », donnant la parole aux thuriféraires et aux pourfendeurs de la notion, dans ce classique « essuie-glace » de la technique journalistique (un coup à droite, un coup à gauche, et moi journaliste au milieu).
Le drôle de son article est dans les deux dernières phrases : « Le genre masculin n’est pas neutre. On ne naît pas homme, on le devient ». Ces paroles d’une force à défoncer la porte ouverte sont dites par la sociologue MARGARET MARUANI. Finalement, c’est ce qui me semble le plus drôle dans la controverse : la stupéfiante naïveté feinte de ces gens qui découvrent que le rond n’est pas carré, et inversement.
Quant à la papesse de ce mouvement, JUDITH BUTLER, son propos s’adorne de considérations plus fleuries les unes que les autres. Elle répond à la question de FREDERIC JOIGNOT : « Voulez-vous dire que la France est en retard dans les études sur le genre ? – Oui, notamment à l’université. » J’ai publié ici une note le 27 mai pour dire tout le mal que je pense de cette sorte de « retard » : en « retard » sur qui ? Le Malawi, les îles Kiribati ? Indirectement, c’est une idée raciste à l’égard de ces sociétés « arriérées », où règne un obsolète « ordre patriarcal ».
« Ce qui gêne, c’est de dire que l’homosexualité n’est pas une anomalie, (…) », sauf que, ne serait-ce que statistiquement, ça reste une anomalie. « La question est donc de savoir si nous sommes plus attachés à classer et à définir les normes qu’à comprendre la complexité de la sexualité humaine », à ceci près que la norme, c’est comme la langue : elle transcende, elle n’appartient à aucun individu ou groupe de pression en particulier, elle s’impose d’au-dessus.
Ce qu’elle confirme plus loin : « De l’autre, nous sommes ligotés par des normes et des obligations que nous n’avons pas choisies ». Bien sûr, que nous ne les avons pas choisies : une norme qui serait l’objet d’un choix est une magnifique contradiction dans les termes. Imaginons cela : chaque individu, en toute indépendance, se donne à lui-même les normes auxquelles il se conformera. Ce serait drôle, d'ailleurs, un supermarché dont les rayons seraient remplis de milliards de normes : on viendrait avec son caddie, on choisirait ses normes, avec leur qualité, leur prix, leur couleur, leur goût. Ce serait le bonheur, comme dans la chanson de CLAUDE FRANÇOIS. J’y vois déjà se profiler la silhouette d’un monde merveilleux, bienheureux.
Allons, calme-toi, et bienvenue dans le CHAOS.
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX, UNE EPOQUE FORMIDABLE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : genre, sexe, homosexualité, judith butler, michel foucault, éducation, consitionnement, société, jacques derrida, nicolas sarkozy, le monde, anne chemin