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lundi, 01 juin 2015

QUAND LE SAGE MONTRE LA LUNE ...

... LAURENT JOFFRIN MONTRE SON ...

Je me demande finalement si je déteste autant que je le dis le nommé Laurent Mouchard, alias Joffrin : il publie une chronique des livres tous les samedis dans son journal (Libération). Chaque fois, il me donne l’occasion de me payer sa fiole, tant il multiplie les niaiseries découlant de son optimisme radical (attitude de rigueur dans la gauche molle, je veux dire la gauche morale) face au monde tel qu’il se présente de nos jours. Sur le plan des idées, Laurent Joffrin donne le plus souvent l'impression d'être heureux d'être comme la lune.

C’est à croire que Laurent Mouchard-alias-Joffrin adore se faire détester. Vous savez, cette histoire tortueuse du sadisme du masochiste. Ce qui est sûr, c’est que le monsieur est content d’être qui il est. En tout cas, il n’est habité pas aucun doute. C’est tout au moins la figure qu’il affiche. Je me garderai bien de sonder plus avant.

Ce que je préfère, dans cette affaire, c’est que ça ne l’empêche pas de proférer des âneries, quoique parfois de façon insidieuse. Ainsi peut-il énoncer, dans sa chronique du samedi 30 mai, la chose suivante (la phrase est complète) : « Dans une suite de chapitres limpides, avec une grande rigueur philosophique, le livre repousse progressivement le lecteur sceptique dans ses retranchements, jusqu’à l’enfermer dans une alternative simple : continuer comme avant et violer consciemment un principe moral démontré ou bien réformer, plus ou moins vite, son mode de vie ». En lisant une telle phrase, je me demande ce qui prend Daniel Schneidermann et Mathieu Lindon, tous deux journalistes dans le quotidien de Joffrin-Mouchard, quand ils tressent des couronnes au monsieur, chez Alain Finkielkraut, pour son attitude après le carnage du 7 janvier à Charlie Hebdo. 

Bon, à leur décharge, disons qu’ils commentaient l’attitude, non du journaliste, mais du patron de presse, pour saluer le courage qu’il fallait pour s’exposer en accueillant l’équipe décimée, en l’attente de ses nouveaux locaux. Soit. Reste que le journaliste montre assez studieusement et très régulièrement qu’il fait partie de la cohorte des thuriféraires extasiés d’un système dont les côtés haïssables montrent leur groin à tous les coins de rue. Philippe Muray appelait ce système « Empire du Bien ». Auquel adhère fiévreusement « la gauche de progrès et de gouvernement », comme elle a l’indécence de s’autocélébrer. Joffrin est en pole position, ou pas loin.

Quoi, il n’y a rien qui vous choque, dans la phrase que j’ai citée ? Qu’est-ce qu’il vous faut ? Vous pensez qu’on peut écrire sans que ce soit un mensonge : « … violer consciemment un principe moral démontré » ? D'abord, ça confirme l'appartenance du monsieur aux rangs de la gauche morale. Et l'insupportable de la chose.

Ensuite, vous devriez savoir, monsieur Joffrin, que la morale ne se démontre pas : vous avez déjà vu de la démonstration logique ou mathématique, en matière de morale, depuis que l’humanité a inventé la morale ? La morale est surtout affaire de consensus, d'adhésion unanime à une code organisant la vie commune. C’est à ce genre de tours de passe-passe sémantiques qu’on reconnaît les manipulateurs d’opinion : il fait semblant de considérer comme acquis le consensus. Au moment même où ce consensus est plus en miettes qu'il n'a jamais été.

De quoi s’agit-il, en l’occurrence ? D’une secte, comme l’affiche Joffrin dans son titre : « Une secte d’avenir ». Il commente le livre d’un certain Martin Gibert, Voir son Steak comme un animal mort, qui prend la défense des « Vegans ». Ce Gibert m'a tout l'air de donner dans la philosophie comme un navire donne de la bande. Cela veut dire qu’il a au moins l’ambition de donner l’impression de penser et de raisonner. C’est Joffrin qui le dit : « … avec une grande rigueur philosophique … ». Je veux bien. 

Les Vegans sont ces fanatiques, ces fondamentalistes qui s’abstiennent de faire appel, en quelque circonstance que ce soit, à tous les produits d’origine animale. On connaissait la différence entre végétariens (pas de viande) et végétaliens (ni viande, ni lait, ni œufs, …). Les Vegans dénoncent en plus les chaussures en cuir, les fourrures, évidemment la corrida et la chasse. J’imagine qu’ils détestent l’expérimentation animale en laboratoire. J’espère juste qu’aucun n’est prêt à tuer des humains pour imposer ses convictions. 

Tout ça part d’un sentiment louable : l’horreur légitime suscitée par la souffrance animale. Pas aussi insoutenable que la souffrance humaine, mais pas loin (j'ai lu L'Île du Docteur Moreau, de H. G. Wells, et puis je persiste à placer les valeurs sur une échelle). Mais face à ce déluge de bons sentiments qui voudrait bien culpabiliser tous les bouffeurs de viande, je ne peux m’empêcher de me tapoter aimablement le menton. Tout le monde connaît en effet l’histoire de l’imbécile qui regarde le doigt du sage quand celui-ci montre la lune. C’est le cas de Martin Gibert et, conséquemment, de Laurent Mouchard-alias-Joffrin. 

Ce qui est embêtant de la part d’un philosophe, surtout plein d’une « grande rigueur philosophique », c’est qu’il ne considère que l’effet de surface, et qu’il se garde bien de remonter aux causes profondes du sort misérable que l’époque réserve aux animaux de batterie. Il en reste à l’émotion ressentie au spectacle pitoyable du sort qui attend les bêtes à l’abattoir.

Il est tellement dégoûté qu'il appelle tout le monde à cesser de manger de la viande, autrement dit à changer de mode de vie, mais surtout sans remettre en question le système qui a produit la situation. C’est ce que j'appellerai « un apitoiement de téléspectateur ». L’auteur voudrait peut-être étendre au règne animal la grand-messe du téléthon. 

Car la chose à dénoncer ici, c’est avant tout la façon dont est organisée la production d’aliments à destination des humains. Ce qui est à dénoncer, c’est l’organisation industrielle de l’élevage et de l’agriculture, qui empoisonne impunément ce que nous mangeons. Ce qui est à dénoncer c'est la structure de l'économie qui découle d'une vision purement capitaliste du monde.

Vouloir transformer le monde en machine et le vivant en produit industriel (le plus rentable possible), voilà l'aspect hideux du monde contemporain, qu'il faudrait analyser et mettre en accusation. Ce dont se gardent bien Martin Gibert et son dévotieux commentateur. Ce que je reproche à ce monsieur Gibert, c'est de se laisser contaminer par la peste émotionnelle, et d'oublier le principal. Est-il sérieux, est-il cohérent de souffrir à ce point du sort fait aux animaux industriels et de ne pas haïr les gens et le système qui font tout pour l'aggraver ? 

Par exemple la dernière trouvaille en date des entrepreneurs avisés : la désormais célèbre "ferme des mille vaches". Les Allemands font d’ailleurs beaucoup plus fort depuis plus longtemps que les Français, éternels suiveurs et éternels « petits bras ». Accessoirement, ce qui serait à dénoncer, c’est aussi la réduction de l’étiquetage au rayon « Boucherie » des supermarchés à des appellations du genre « viande de catégorie 1 », pour déréaliser un peu plus l’origine cruelle de ce qui doit atterrir dans l’assiette. 

Martin Gibert, que je ne connais pas, n’est sans doute pas un imbécile, mais Laurent Mouchard-alias-Joffrin garde fièrement sur ses épaules sa belle tête-à-claque, et confirme dans sa chronique du 30 mai sa nature de flicaille de la gauche morale, pour tout ce qui concerne le registre sociétal.

Pour ce qui est de la façon dont va l’économie (ce que Marx appelait l'infrastructure), Laurent Mouchard-alias-Joffrin tient à nous rassurer en gardant un absolu silence sur la question : tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Façon de dire (en latin s'il vous plaît) à l'industriel de l'agroalimentaire : « Ego te absolvo ». Allez en paix, mon fils : faites-nous de la bouffe de merde, mais, je vous en prie, montrez-vous un peu humain avec les animaux. 

Nos âmes (et nos estomacs) sont donc en de bonnes mains. 

Voilà ce que je dis, moi.

lundi, 16 avril 2012

VIVE LA CHASSE !

Oui, eh bien voilà, après la corrida, la chasse. Ça risque de heurter les gens qui n’aiment pas la chasse, qui la combattent, qui rêvent de l’interdire, qui sait. Encore des militants, tiens ! Les anti-chasseurs, face aux chasseurs, sont dans une totale incompréhension mutuelle. Comme à propos de la corrida, les deux mondes se font face, les deux visions du monde s’opposent frontalement, les deux « philosophies » de la vie s’excluent mutuellement.  

 

 

J’aimais bien le dessinateur GÉBÉ, à cause de l’affûté de ses dessins, de l’utopique de ses rêves (« On arrête tout, on réfléchit et c’est pas triste », de L’An 01, qui a débouché sur un minuscule film de JACQUES DOILLON, et sur quelques groupuscules de n’importe quoi), du juste de ses critiques. Mais je ne l’ai jamais suivi quand il a lancé son slogan : « Chasseurs tristes cons ». Même sentiment à l’égard de SINÉ, qui se réjouit chaque fois qu’un accident de chasse tue un porteur de fusil (il publie l’entrefilet en se pourléchant les babines).

 

 

 

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Certes, on ne peut pas leur donner complètement tort, quand on voit l’état actuel du gibier. Du gibier ? Mais il n’y en a plus ! Même que les sociétés de chasse sont obligées d’en fabriquer, du gibier, dans des « élevages de gibier » (oxymore, évidemment). La honte, quoi.

 

 

Des bêtes que, quinze jours avant l’ouverture, on lâche dans une nature dont elles ignorent absolument tout. Quand on s’y promène, dans la nature, vers cette époque de l’année, on rencontre des faisans qui ne demandent qu’une chose, c’est de venir vers vous, voir ce que vous avez de bon à leur jeter.  

 

 

Je ne parle évidemment pas de ce vulgaire ersatz de ce que certains osent encore appeler la chasse. La chasse, c’est autre chose. Je ne parle pas non plus des gens qui se contentent de consommer cette contrefaçon, qu’on leur vend (cher) sous l’appellation de « chasse » et de « tradition » : ils se contentent de peu, et sont sans doute du genre à se satisfaire en solitaires en regardant les filles à poil d’une revue X.

 

 

Oui, je sais, ça leur fait aussi des bambanes dans la campagne, au « grand air », avec les potes, et le kil de rouge au moment de la pause. Attention ensuite à ne pas vous trouver dans le champ. SINÉ serait trop content de publier l’entrefilet.

 

 

Je ne parle pas de la chasse au gibier domestique, mais du seul vrai gibier, le sauvage. Et d’une époque où les chasseurs ne massacraient pas systématiquement, laissant les rescapés apprendre les ruses de la vie en prévision de l’ouverture suivante. Je n’ai d’ailleurs pas beaucoup chassé, personnellement. A cela une raison : une regrettable myopie. C’est ainsi que je peux affirmer à bon droit que dans ma vie de chasseur, j’ai sauvé la vie à bien des animaux.

 

 

Je signale en passant qu’on célèbre toujours, dans la nuit du 4 août 1789, un événement connu comme « l’abolition des privilèges ». Mais, outre qu’on a beaucoup brodé, amplifié, mythifié à partir d’un soi-disant « assaut de générosités », il se trouve que, dans les deux mois qui ont suivi cette date fatidique, la France a vu la plus grande extermination d’animaux sauvages à plumes et à poils de l’histoire.

 

 

Les raisons pour lesquelles je ne suis pas un adversaire de la chasse sont diverses. La première, peut-être même la seule, est que j’ai de lourds ascendants et antécédents dans le domaine, tant côté paternel que maternel. Une belle photo montre un grand-père médecin avançant sur un chemin forestier, l’air rigolard, tenant dans la main droite le fusil reposant sur l’épaule, et dans la gauche, par les pattes, deux ou trois volatiles.

 

 

De l’autre côté familial, on peut dire qu’il y avait une sorte d’armurerie, dans l’armoire en haut de l’escalier. Oh, tout n’était pas en état de tirer, mais il y en avait pour bien des goûts, des fusils et des carabines de chasse et de tir. Je me rappelle en particulier un bockdrilling, vous savez, ce fusil à deux canons lisses juxtaposés et un canon rayé situé juste en dessous, au cas on l’on rencontre inopinément un sanglier ou un chevreuil.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre demain.

 

 

samedi, 14 avril 2012

VIVE LA CORRIDA !

« Les taureaux s’ennuient le dimanche ». Ce n’est pas moi qui le dis, c’est JACQUES BREL. Franchement, je la trouve très bête, cette chanson. La preuve ? La féria de Nîmes, lors de fêtes de la Pentecôte 1971.

 

 

Je ne vais pas me faire que des amis : j’aime la corrida. Ça ne fera sûrement pas plaisir à D., qui a collé sur sa vitre, au rez-de-chaussée, des affiches annonçant que « Le ridicule tue », et montrant des femmes en tenue légère portant des culottes en fourrure animale. Elle idolâtre les chats et milite pour la cause animale.

 

 

J’espère qu’à table, elle s’interdit la viande, halal ou pas, mais aussi le lait, les œufs, le beurre, le fromage. Comme toutes les âmes sensibles qui ne supportent pas même l’idée que ce qu’elles sont en train de manger était, il n’y a pas si longtemps, sur deux ou quatre pattes, était doté d’un cœur qui battait.  

 

 

Je le dis tout de suite : je ne suis pas un aficionado, je ne suis pas un adepte de la corrida. Je ne milite surtout pas pour la corrida : les lecteurs de ce blog savent ce que je pense du militant en général. Je n’ai même pas de jugement sur la corrida.

 

 

 

Mais j’ai un jugement sur ceux qui veulent la mort de la corrida. Comme sur tous ceux, en général, qui veulent interdire. Qui s'auto-proclament les censeurs, qui prétendent s'arroger le droit de dicter leurs volontés à tout le monde. Je considère comme des imbéciles les exaltés du CRAC (Comité Radicalement Anti-Corrida, dire qu'en les citant, je leur fais de la pub...). Mais pour me consoler, je me dis qu’ils ne le font pas exprès. Et je ne sais pas si les aficionados sont plus intelligents.

 

 

J’aime donc ça, et pourtant, j’ai assisté, en tout et pour tout, à une seule et unique corrida dans ma vie. C’était à Nîmes, en 1971. Vous dire si ça remonte. J’étais descendu en stop, en compagnie de mon ami JEAN T., pour la féria de la Pentecôte. Je ne savais pas du tout ce que j’allais voir.

 

 

 

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Il y avait six taureaux au programme, deux par torero. De cinq des taureaux, je n’ai gardé strictement aucun souvenir, sinon ceux de l’attelage qui vient à la fin retirer le cadavre, et du gars qui vient recouvrir de sable le sang versé.

 

 

Donc, je ne suis vraiment pas un aficionado. Je n’y connais absolument rien, ni dans les termes spécialisés qu’affectionne JACQUES DURAND, l’émérite chroniqueur « corrida » du journal Libération, ni dans le code des gestes accomplis par l’artiste à l’épée.

 

 

De deux des toreros, je ne me souviens strictement de rien, mais alors là, le noir total. C’est du troisième que je veux parler. Il s’appelait EL CORDOBÈS. Et ce qu’il a fait ce jour-là est resté pour moi absolument inoubliable. Il toréait le dernier animal. J’en suis encore soufflé, j’en suis encore estomaqué.

 

 

 

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EL CORDOBES 

 

A côté de nous était assis un habitué, un vieux complètement  sympathique et édenté, qui entreprit de nous instruire, quand il s’aperçut que nous étions carrément ignares en la matière. Inutile de dire que ses efforts ressemblèrent à la goutte de pluie qui rencontre un tas de sable dans le Sahara, par 50° à l’ombre (à l’ombre de quoi, on se demande). Qu’importe. Il y avait un orchestre sur notre droite, qui devait jouer, j’imagine, un paso doble.

 

 

EL CORDOBÈS avait une certaine renommée, il était peut-être célèbre à l’époque. Peut-être même était-il la tête d’affiche de la féria cette année-là. Quand il est entré pour le dernier taureau (je devrais écrire « toro », pour faire initié), j’ai trouvé qu’il se pavanait, qu’il bombait un peu trop le torse, enfin bon.

 

 

 

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TOUJOURS LUI 

 

Le combat s’engage, tranquille, peinard. Tout d’un coup, je ne sais pas comment, le taureau, tête baissée, crochète avec le bout de sa corne le bas de la jambe d’EL CORDOBÈS et envoie valdinguer le torero dans les airs. Toutes les arènes pétrifiées, mes amis ! Intervention des assistants, qui s’efforcent de détourner l’attention de la bête. Le grand EL CORDOBÈS a été envoyé au tapis. Il a mordu la poussière, tout vêtu qu’il est de son « habit de lumière ».

 

 

Il est à plat ventre, il a lâché la cape, il lève la tête. Et puis il se remet debout, reprend ses esprits, la cape, l’épée, tout ce qu’il faut. Et il revient face au taureau. Alors là, les amis, je plains à jamais les gens qui n’ont pas vu le grandiose, l’extraordinaire, le magique qui a suivi. Moi qui n’y connaissais rien, j’ai été emporté par la folie furieuse qui a gagné les arènes à partir de ce moment.

 

 

On aurait pu traduire ce qui s’était passé dans la tête du CORDOBÈS : « Ah mon ami, tu m’as humilié devant mon public ? Eh bien tu vas voir de quoi je suis capable ! ». Il a alors enchaîné les passes, tournant autour de l’animal, ou l’obligeant à tourner autour de lui, je ne saurais dire. Tous les deux ont véritablement dansé une valse extraordinaire, très méthodique, très harmonieuse, très géométrique, tout autour de l’arène.

 

 

 

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LE MÊME 

 

L’homme pouvait être debout, loin du taureau ou alors tout contre lui, il pouvait mettre un genou en terre, offrir son ventre ou sa poitrine, quoi, il pouvait tout faire. Dans les cercles successifs de la danse, EL CORDOBÈS amena progressivement son taureau juste en dessous de la tribune officielle, après une succession de passes absolument magistrales. Inutile de dire que les arènes de Nîmes vibraient, étaient debout, transportées à hurler des « olé » d’extase.

 

 

Inutile de dire que moi, qui n’avais jamais vu de corrida, qui n’y connaissais rien, j’étais plus debout que tout le monde et je criais « olé » plus fort que tout le monde, comme tout le monde. En fait non, pas comme tout le monde : bizarrement, j’avais l’impression d’être tout seul face au spectacle de ce combat.

 

 

 

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EL CORDOBES, UN DERNIER POUR LA ROUTE 

 

Oui, bizarre. Je n’ai jamais éprouvé à ce point l’impression d’être à ce point seul au milieu d’une foule. Très étrange : j’étais tellement possédé par l’intensité et la beauté de ce que je voyais, que je ne voyais plus rien d’autre. Une beauté qui me soulevait d’enthousiasme, et je pense qu’il en était de même pour chacun des milliers d’individus qui étaient rassemblés dans le lieu.

 

 

Je ne peux rien dire d’autre : ce jour-là, j’ai été projeté dans la BEAUTÉ. Je n’explique rien. Je témoigne. Et comment dire ? Une beauté qui serait au-delà de l’esthétique.

 

 

Je ne suis jamais retourné voir un spectacle de corrida. Maintenant, on peut me raconter ce qu’on veut sur la cruauté de la chose, sur la souffrance animale. Vous voulez que je vous dise ? JE M’EN FOUS. Ce que j’ai vu à Nîmes en 1971, lors des fêtes de la Pentecôte, c’est gravé dans le marbre de ma mémoire, c’est de l’encre indélébile, et seule la maladie inventée par le Docteur ALZHEIMER aura la force de l’en déloger.

 

 

Je ne dis pas que toutes les corridas sont splendides en soi. Je ne dis pas que la corrida est belle et bonne en soi. Beaucoup sont sans doute de bas niveau, voire carrément ratées et laides. Je dis seulement que ce que j’ai vu ce jour-là m’a transporté au-delà de ce que j’aurais pu imaginer. C’est peut-être un peu hasardeux de parler d’orgasme, mais il doit y avoir de ça. Inattendu, c’est certain, exceptionnel, sans doute.

 

 

Disons que j’ai eu de la chance. Finalement, je ne sais pas si j’aime la corrida. Ce que je sais, c’est que j’étais là ce jour-là. Je ne sais même pas si j’ai vu une corrida. Ce dont je suis sûr, en revanche, c’est que depuis ce jour-là, je sais ce que c’est, LA corrida. Voilà, c’est ça : j’ai eu la chance de voir LA corrida. La quintessence. Le chef d’œuvre. LA CORRIDA ABSOLUE. La preuve, c’est que je n’ai plus eu besoin d’en voir une seule, depuis.

 

 

Quoi, je n’ai pas parlé de la mise à mort ? Mais je m’en tape, de la mise à mort. Vous voulez que je vous dise ? « Et je l’ai vue toute petite partir gaiement vers mon oubli ». Ce n’est pas moi qui le dis. C’est GEORGES BRASSENS, bien sûr. Tout ce qui compte, ça tient entre un danseur et sa partenaire, entre le « croche-patte » et le moment où il ramène sa cavalière (entre 450 et 500 kilos quand même) à ses parents. Le reste ne compte pas.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

lundi, 01 août 2011

NORVEGE ET LIBERTE D'EXPRESSION

ANDERS BEHRING BREIVIK, vous connaissez, évidemment, comme tout le monde. Mais si, l’auteur maintenant célèbre d’un célèbre fait divers ! Il a tué entre 70 et 80 personnes à Oslo et Utheia. Par conviction d’Européen blanc et anticommuniste. A la bombe et au fusil. Cela s’appelle passer à l’action. La psychanalyse dirait « passer à l’acte ». ANDERS BEHRING BREIVIK a agi. Je veux dire qu’il n’a pas « exprimé » une opinion. Il a traduit une opinion dans une action concrète. Et criminelle.

 

 

Nous sommes, paraît-il, en démocratie. Nous jouissons, théoriquement, de la « liberté d’expression ». Mais qu’est-ce que la liberté d’expression ? En France, on le sait de moins en moins. J’ai dit beaucoup de mal, au sujet de la France, de la police de la pensée et de la police du langage qui se sont mises en place progressivement, à travers un certain nombre de lois qui punissent des délits de parole.

 

 

Cela s’est passé sous l’influence d’un certain nombre de groupes appelés « minorités ». Tout y passe, le sexe, la race, la religion. On ne peut plus émettre la moindre plaisanterie ni la moindre critique à l’égard des femmes, des arabes, des homosexuels, des juifs, sans se faire accuser de sexisme, de xénophobie (ou d’islamophobie), d’homophobie, d’antisémitisme.

 

 

En Norvège, le premier ministre vient de déclarer que le pays ne changera pas de politique en ce qui concerne l’expression des opinions, et que les opinions extrêmes ont tout à fait le droit de s’exprimer, aussi longtemps qu’il n’y a pas d’acte de violence. Retenez bien ça. Voilà une démocratie. En Norvège, l’extrême droite a le droit de s’exprimer, de formuler ses analyses, ses opinions, aussi extrêmes soient-elles. Elle n’a pas le droit de tuer. En Norvège, on fait la différence entre l’opinion et l’acte.

 

 

 

En France, ceux qui auraient envie de blaguer à propos de l’une des catégories mentionnées de la population s’exposent à l’accusation de PHOBIE, comme si leur cas relevait de la psychiatrie. Et s’exposent à des sanctions désormais légales, qui permettent à des « associations », des bonnes âmes certainement, de porter plainte, avec constitution de « partie civile ». En quoi cette négation française de la vraie liberté d’expression diffère-t-elle de ce que faisait l’U. R. S. S. brejnévienne en envoyant les opposants politiques dans des asiles de fous ?

 

 

Je ne citerai que pour mémoire cette phrase de VOLTAIRE, tellement rebattue qu’elle a perdu toute force et toute réalité : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous puissiez le dire ». Aujourd’hui, c’est devenu : « J’ai horreur de ce que vous dites, et je me battrai jusqu’à ce que le tribunal vous ait puni pour l’avoir dit ».

 

 

En 1784, PIERRE-AUGUSTIN CARON de BEAUMARCHAIS publie Le Mariage de Figaro. La tirade de Figaro au dernier acte est en principe (?) connue (?) des candidats bacheliers. Dans ce monologue, il dit, à propos de la liberté de la presse, quelque chose de parfaitement actuel : « On me dit que, pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l’autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l’Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l’inspection de deux ou trois censeurs ».

 

 

Il faut croire qu’au 18ème siècle, sous l’ancien régime, on savait mieux ce qu’est la liberté que nous autres, qui vivons au 21ème siècle, en régime soi-disant démocratique.

 

 

En France, quand toutes les « minorités » auront gagné, on débouchera sur quoi ? C’est relativement aisé à saisir : la vie sociale tout entière sera codifiée selon, d’une part, la liste des interdits ; et d’autre part, la liste des obligations. Et la fonction de l’école sera de faire apprendre par cœur à tous les écoliers les listes de proscriptions et de prescriptions. Et la police veillera à l’observance du code. Au besoin, un bon petit appel à la délation pour vaincre les résistances.

 

 

J’ai déjà abordé le problème. J’y reviens. Comment ça se passe, donc ? Prenez un groupe particulier qui se définit lui-même à travers une identité, mettons, par exemple, les « anti-corrida ». C’est l’identité d’un MILITANT, qui part en guerre contre quelque chose qu’il déteste. Je note d’ailleurs la dissymétrie entre le combat du MILITANT, et le plaisir de l’AMATEUR de corrida. Le premier décrète face au second : tu n’as pas le droit d’éprouver ton plaisir. D'ailleurs, le premier a eu la peau de la corrida en Catalogne.

 

 

Notons en passant que c’est précisément la détestation maladive de quelque chose qui définit la notion de PHOBIE. Mais il faut impérativement dissimuler l’aspect phobique de la guerre entreprise. Et le moyen le plus sûr, c’est tout simplement l’inversion de la charge de la preuve. Faire en sorte que le phobique désigné soit non pas celui qui déteste, mais celui qu’il déteste. Pour cela, profiter de l’horreur unanime qui saisit tous ceux, à l’audition des paroles honnies, qui prêchent la tolérance, avec la bouche en cœur si possible. On imagine le  système judiciaire où ce serait à la personne innocente de prouver qu’elle n’est pas coupable. Très pratique.

 

 

Autre urgence : ne pas attendre que des actes délictueux soient commis à l’encontre du groupe ainsi défini (il convient de dire aujourd’hui « minorité »), et s’attaquer à l’expression même, à la parole. On peut aussi se saisir, à l’occasion, des quelques actes déments commis contre tel groupe pour ériger le cas particulier en grave problème de société. On a profané un cimetière juif ou musulman ? Hurlez à l’antisémitisme, à l’islamophobie ! Présentez-vous collectivement comme une victime.

 

 

La France est donc pionnière en la matière (pour une fois qu’elle n’est pas « en retard » !). Le pays des droits de l’homme (je pouffe !) a réussi à faire de la parole un délit ! Et cette énormité apparaît aujourd’hui tellement évidente que (presque) tout le monde l’admet ! Alors que cela devrait être combattu. Ainsi s’instaure la société d’intolérance généralisée.

 

 

P. S. : Je crois utile de préciser malgré tout que je n’aime guère les extrémistes, quels qu’ils soient et d’où qu’ils viennent. Je trouve par exemple très comique l’insurrection qui gagne les gauchistes dès que l’extrême droite manifeste dans la rue, obligeant les C. R. S. à s’interposer. Mais l’idée qu’il puisse y avoir des TABOUS D’OPINION m’est au moins aussi insupportable.