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mardi, 09 octobre 2018

ÉCOLOGISTES EN MIE DE PAIN

Dans la série "Des nouvelles de l'état du monde" (N°62).

Bon, voilà qu'ils nous refont le coup. Ça les reprend comme une vieille vérole : ils ont réintroduit des ourses (gravides) dans les Pyrénées. Ils se sont mis dans le crâne que c'était bon pour la "biodiversité". La biodiversité !!! Ils ne savent même pas ce que c'est. Ils auraient pu demander à monsieur Gilles Bœuf, qui connaît la question jusque dans les recoins. Ils veulent "refaire" de la biodiversité sans savoir (ou en faisant semblant de ne pas savoir) comment celle-ci s'est mise en place. 

Ils ignorent même le sens du mot "écosystème". C'est quoi, ça ? Un écosystème, comme tous les systèmes, c'est un réseau complexe de relations, d'interactions, d'interdépendances qui s'est mis en place dans un lieu, une région donnés, où les minéraux, les végétaux et les animaux se sont mis d'accord pour vivre là, en voisins plus ou moins courtois, ce qui a rendu possibles les vies particulières de chacun. 

Et ce système ne s'est pas mis en place au hasard ou du jour au lendemain : il a fallu un processus pour aboutir à un équilibre qui rend possible la vie de tous les éléments qui le composent, le système, avec ses proies, ses prédateurs, ses complémentarités et ses échanges. C'est un système d'autorégulation 100% naturel. Soyons fou, appelons ça, tout simplement, la Nature. Les écologistes dont je parle ici sont en fait des ennemis de la Nature. Au nom de l'idée qu'ils s'en font.

La confondante niaiserie qui consiste à réintroduire du "sauvage" là où les conditions de vie ont énormément changé avec le temps (principalement du fait des activités humaines), devient une escroquerie en même temps qu'un coup de force, quand on réfléchit précisément à l'extraordinaire complexité des interactions qui ont fabriqué l'équilibre de cet écosystème au cours du temps.

C'est Alexandre le Grand qui, parce qu'il ne voyait aucune possibilité de défaire le nœud gordien a résolu le problème du tranchant de son épée. Bon, c'est sûr, il n'avait pas que ça à faire, mais ça revient quand même à nier purement et simplement cette complexité en la faisant disparaître au moyen d'une solution radicalement simple, et surtout brutale. Les "écologistes" dont je parle ici ont inventé l'écologie brutale. Ce sont des violents, comme les carnophobiques qui ont incendié un abattoir dans l'Ain récemment (6 départs de feux simultanés constatés par la gendarmerie).

Le raisonnement de ces gens qui usurpent l'étiquette "écolo" est lui aussi d'une radicale simplicité : « Il y a eu un jour des ours dans les Pyrénées (des loups dans le Mercantour, des lynx dans les forêts du Jura, etc...), il n'y a pas de raison pour qu'il n'y en ait pas de nouveau ». Raisonnement d'une bêtise ahurissante. A ce compte-là, il faudrait remettre des loups dans la région d'Orléans comme à l'époque de Saint-Simon qui raconte que leur chasse était prisée des grands seigneurs (et pourquoi pas réhabiliter les grands seigneurs ?). Et des aurochs dans les plaines d'Europe centrale, sans doute ? L'âge d'or des temps préhistoriques, peut-être ? 

Ils voudraient bien reconstituer le paysage idyllique qu'ils ont élaboré dans le confort de leur petite tête. Ils me font penser aux grotesques qui reconstituent la vie au moyen âge (Autun, entre autres), la vie des chouans (le Puy du Fou) ou la bataille d'Austerlitz, autant de spectacles qui reviennent à faire semblant, à faire mumuse un moment avant de remettre les habits normaux. Des jeux de bac à sable faits pour se divertir ou attirer les touristes, mais qui ne portent pas trop à conséquence.

Sauf que dans les Pyrénées (ou ailleurs, s'agissant des loups), il y en a, des conséquences, et pas minces : des brebis par centaines. Au mépris du travail des bergers. Être écolo de cette façon ignoble, je dis juste : « Non merci ! ». Si c'est ça, être écologiste, alors je dis aux chasseurs : « Allez-y, les gars, foncez ! Ours, loups, tirez dans le tas ! ». Il paraît d'ailleurs que c'est fameux, le rôti d'ours. 

Parce que, pendant que ces irresponsables satisfont leur marotte imbécile, les conditions concrètes d'existence de l'humanité ne cessent de se dégrader, sous les coups de l'ultralibéralisme mercantile qui pille la planète en toute tranquillité et travaille méthodiquement au réchauffement climatique (voir le dernier rapport du GIEC qui vient de paraître), à la montée inexorable des inégalités de niveau de vie et à la violence qui en résultera bientôt (résulte déjà).

Notre avenir s'annonce très sombre, voire catastrophique, sur le plan économique, sur le plan géopolitique et sur le plan écologique. Tout pour plaire à Sa Majesté le Chaos. Et que font les "écologistes" (autoproclamés) ? Ils réintroduisent des ourses dans les Pyrénées. Le reste, ils s'en foutent ! Quand le sage montre la lune, l'attardé mental piqué d'"écologie" se fourre le doigt dans l’œil jusqu'à l'anus.

Je serais la Nature, je dirais la belle phrase attribuée à je ne sais plus qui : « Seigneur, protégez-moi de mes amis, quant à mes ennemis, je m'en charge ».

Sauf que ...

lundi, 01 juin 2015

QUAND LE SAGE MONTRE LA LUNE ...

... LAURENT JOFFRIN MONTRE SON ...

Je me demande finalement si je déteste autant que je le dis le nommé Laurent Mouchard, alias Joffrin : il publie une chronique des livres tous les samedis dans son journal (Libération). Chaque fois, il me donne l’occasion de me payer sa fiole, tant il multiplie les niaiseries découlant de son optimisme radical (attitude de rigueur dans la gauche molle, je veux dire la gauche morale) face au monde tel qu’il se présente de nos jours. Sur le plan des idées, Laurent Joffrin donne le plus souvent l'impression d'être heureux d'être comme la lune.

C’est à croire que Laurent Mouchard-alias-Joffrin adore se faire détester. Vous savez, cette histoire tortueuse du sadisme du masochiste. Ce qui est sûr, c’est que le monsieur est content d’être qui il est. En tout cas, il n’est habité pas aucun doute. C’est tout au moins la figure qu’il affiche. Je me garderai bien de sonder plus avant.

Ce que je préfère, dans cette affaire, c’est que ça ne l’empêche pas de proférer des âneries, quoique parfois de façon insidieuse. Ainsi peut-il énoncer, dans sa chronique du samedi 30 mai, la chose suivante (la phrase est complète) : « Dans une suite de chapitres limpides, avec une grande rigueur philosophique, le livre repousse progressivement le lecteur sceptique dans ses retranchements, jusqu’à l’enfermer dans une alternative simple : continuer comme avant et violer consciemment un principe moral démontré ou bien réformer, plus ou moins vite, son mode de vie ». En lisant une telle phrase, je me demande ce qui prend Daniel Schneidermann et Mathieu Lindon, tous deux journalistes dans le quotidien de Joffrin-Mouchard, quand ils tressent des couronnes au monsieur, chez Alain Finkielkraut, pour son attitude après le carnage du 7 janvier à Charlie Hebdo. 

Bon, à leur décharge, disons qu’ils commentaient l’attitude, non du journaliste, mais du patron de presse, pour saluer le courage qu’il fallait pour s’exposer en accueillant l’équipe décimée, en l’attente de ses nouveaux locaux. Soit. Reste que le journaliste montre assez studieusement et très régulièrement qu’il fait partie de la cohorte des thuriféraires extasiés d’un système dont les côtés haïssables montrent leur groin à tous les coins de rue. Philippe Muray appelait ce système « Empire du Bien ». Auquel adhère fiévreusement « la gauche de progrès et de gouvernement », comme elle a l’indécence de s’autocélébrer. Joffrin est en pole position, ou pas loin.

Quoi, il n’y a rien qui vous choque, dans la phrase que j’ai citée ? Qu’est-ce qu’il vous faut ? Vous pensez qu’on peut écrire sans que ce soit un mensonge : « … violer consciemment un principe moral démontré » ? D'abord, ça confirme l'appartenance du monsieur aux rangs de la gauche morale. Et l'insupportable de la chose.

Ensuite, vous devriez savoir, monsieur Joffrin, que la morale ne se démontre pas : vous avez déjà vu de la démonstration logique ou mathématique, en matière de morale, depuis que l’humanité a inventé la morale ? La morale est surtout affaire de consensus, d'adhésion unanime à une code organisant la vie commune. C’est à ce genre de tours de passe-passe sémantiques qu’on reconnaît les manipulateurs d’opinion : il fait semblant de considérer comme acquis le consensus. Au moment même où ce consensus est plus en miettes qu'il n'a jamais été.

De quoi s’agit-il, en l’occurrence ? D’une secte, comme l’affiche Joffrin dans son titre : « Une secte d’avenir ». Il commente le livre d’un certain Martin Gibert, Voir son Steak comme un animal mort, qui prend la défense des « Vegans ». Ce Gibert m'a tout l'air de donner dans la philosophie comme un navire donne de la bande. Cela veut dire qu’il a au moins l’ambition de donner l’impression de penser et de raisonner. C’est Joffrin qui le dit : « … avec une grande rigueur philosophique … ». Je veux bien. 

Les Vegans sont ces fanatiques, ces fondamentalistes qui s’abstiennent de faire appel, en quelque circonstance que ce soit, à tous les produits d’origine animale. On connaissait la différence entre végétariens (pas de viande) et végétaliens (ni viande, ni lait, ni œufs, …). Les Vegans dénoncent en plus les chaussures en cuir, les fourrures, évidemment la corrida et la chasse. J’imagine qu’ils détestent l’expérimentation animale en laboratoire. J’espère juste qu’aucun n’est prêt à tuer des humains pour imposer ses convictions. 

Tout ça part d’un sentiment louable : l’horreur légitime suscitée par la souffrance animale. Pas aussi insoutenable que la souffrance humaine, mais pas loin (j'ai lu L'Île du Docteur Moreau, de H. G. Wells, et puis je persiste à placer les valeurs sur une échelle). Mais face à ce déluge de bons sentiments qui voudrait bien culpabiliser tous les bouffeurs de viande, je ne peux m’empêcher de me tapoter aimablement le menton. Tout le monde connaît en effet l’histoire de l’imbécile qui regarde le doigt du sage quand celui-ci montre la lune. C’est le cas de Martin Gibert et, conséquemment, de Laurent Mouchard-alias-Joffrin. 

Ce qui est embêtant de la part d’un philosophe, surtout plein d’une « grande rigueur philosophique », c’est qu’il ne considère que l’effet de surface, et qu’il se garde bien de remonter aux causes profondes du sort misérable que l’époque réserve aux animaux de batterie. Il en reste à l’émotion ressentie au spectacle pitoyable du sort qui attend les bêtes à l’abattoir.

Il est tellement dégoûté qu'il appelle tout le monde à cesser de manger de la viande, autrement dit à changer de mode de vie, mais surtout sans remettre en question le système qui a produit la situation. C’est ce que j'appellerai « un apitoiement de téléspectateur ». L’auteur voudrait peut-être étendre au règne animal la grand-messe du téléthon. 

Car la chose à dénoncer ici, c’est avant tout la façon dont est organisée la production d’aliments à destination des humains. Ce qui est à dénoncer, c’est l’organisation industrielle de l’élevage et de l’agriculture, qui empoisonne impunément ce que nous mangeons. Ce qui est à dénoncer c'est la structure de l'économie qui découle d'une vision purement capitaliste du monde.

Vouloir transformer le monde en machine et le vivant en produit industriel (le plus rentable possible), voilà l'aspect hideux du monde contemporain, qu'il faudrait analyser et mettre en accusation. Ce dont se gardent bien Martin Gibert et son dévotieux commentateur. Ce que je reproche à ce monsieur Gibert, c'est de se laisser contaminer par la peste émotionnelle, et d'oublier le principal. Est-il sérieux, est-il cohérent de souffrir à ce point du sort fait aux animaux industriels et de ne pas haïr les gens et le système qui font tout pour l'aggraver ? 

Par exemple la dernière trouvaille en date des entrepreneurs avisés : la désormais célèbre "ferme des mille vaches". Les Allemands font d’ailleurs beaucoup plus fort depuis plus longtemps que les Français, éternels suiveurs et éternels « petits bras ». Accessoirement, ce qui serait à dénoncer, c’est aussi la réduction de l’étiquetage au rayon « Boucherie » des supermarchés à des appellations du genre « viande de catégorie 1 », pour déréaliser un peu plus l’origine cruelle de ce qui doit atterrir dans l’assiette. 

Martin Gibert, que je ne connais pas, n’est sans doute pas un imbécile, mais Laurent Mouchard-alias-Joffrin garde fièrement sur ses épaules sa belle tête-à-claque, et confirme dans sa chronique du 30 mai sa nature de flicaille de la gauche morale, pour tout ce qui concerne le registre sociétal.

Pour ce qui est de la façon dont va l’économie (ce que Marx appelait l'infrastructure), Laurent Mouchard-alias-Joffrin tient à nous rassurer en gardant un absolu silence sur la question : tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Façon de dire (en latin s'il vous plaît) à l'industriel de l'agroalimentaire : « Ego te absolvo ». Allez en paix, mon fils : faites-nous de la bouffe de merde, mais, je vous en prie, montrez-vous un peu humain avec les animaux. 

Nos âmes (et nos estomacs) sont donc en de bonnes mains. 

Voilà ce que je dis, moi.