lundi, 15 août 2011
MERCI TONTON GEORGES (1)
« Tonton Georges », c’est dans « Le bulletin de santé » : « Et si vous entendez sourdre, à travers les plinthes Du boudoir de ces dames des râles et des plaintes, Ne dites pas : « C’est tonton Georges qui expire », Ce sont tout simplement les anges qui soupirent. ».
Quand on passe à Sète, si même on n’y va pas exprès, une halte au cimetière est obligatoire. Pas celui situé en hauteur, où se situe la tombe de PAUL VALÉRY, mais celui d’en bas, celui des pauvres. Ce n’est pas la plage, mais presque. La tombe est discrète. Une plaque elle-même discrète, en haut à droite, porte un nom : GEORGES BRASSENS (1921-1981). Juste en dessous, une autre plaque : JOHA HEIMAN, PUPCHEN (1911-1999). C’est avec lui qu’on l’a enterrée. Elle y avait droit.
La première chanson de BRASSENS qui m’est tombée dans l’oreille, c’est « Les amoureux des bancs publics ». Un disque 33 tours, 25 cm. Je ne me rappelle plus les autres chansons de l’album. Peut-être « Brave Margot » ? « Il suffit de passer le pont » ? « J’ai rendez-vous avec vous » ? En tout cas, le disque tournait sur l’électrophone gris de la Guilde du disque, et « Les amoureux » m’est restée. J’avais peut-être huit ans.
Dans le placard, il y avait aussi YVES MONTAND, même format, avec « Battling Joe » et « Les grands boulevards », que je connaissais par cœur : « On a des chances d’apercevoir Deux yeux angéliques Que l’on suit jusqu’à République ». C’était l’époque où MONTAND chantait : « Je ne suis pas riche à millions, Je suis tourneur chez Citroën ». Une autre époque, quoi !
« Les amoureux des bancs publics », peut-être pensais-je à ces deux tourtereaux goulus, qui se mangeaient la bouche sur le banc du square Michel Servet, juste en dessous de la cour de récréation. Ça avait l’air agréable, mais c’était une très mauvaise idée, ce banc, ils n’auraient pas dû, car COHEN leur avait gueulé : « Sucez-vous la poire ! » pour notre plus grande et bruyante joie, si bien qu’ils avaient dû s’enfuir. C’était la classe de Madame ARGELIÈS. Des sales gosses, vraiment. Ou jaloux. Ou impatients de passer au même genre de travaux pratiques ?
« Les Amoureux des bancs publics » c’est d’abord un joli texte, mais il y avait, vers la fin, ces mystérieux « toizarts », des « toizarts des rues », pour être précis. Je vous imagine aussi perplexes que je le fus : qu’est-ce qu’un toizart ? Et puis un jour, j’ai eu les paroles sous les yeux, et là, enfin, vint la lumière. « Ils s’apercevront émus Que c’est au hasard des rues Sur un de ces fameux bancs Qu’ils ont vécu le meilleur morceau de leur amour ». Eh oui, « c’est au hasard », mais avec la liaison, faite comme il faut. La Marseillaise m’a posé le même genre de problème, d’ailleurs, à peu près au même âge : je me demandais qui était ce soldat qui s’appelait Séféro. Ben oui, quoi : « Entendez-vous, dans les campagnes, Mugir Séféro ce soldat ? ». Passons.
LAURENCE avait – à l’époque, on s’entendait très bien – écrit un poème sur la page de garde de mon Brassens (Seghers, Poètes d’aujourd’hui, n° 99). Comme un idiot, je me le suis fait kidnapper en juin 1968. Et aucune demande de rançon ne m’a été adressée. Je le regrette encore, ce bouquin.
Celle de mes sœurs dont la chambre jouxtait la mienne écoutait « Les trompettes de la renommée ». J’appréciais particulièrement le père Duval. On a oublié le père DUVAL, curé et chanteur à la fois (« J’ai joué de la flûte sur la place du marché, mais personne avec moi n’a voulu chanter. »). BRASSENS lui a fait un sort éternel : « Le ciel en soit loué, je vis en bonne entente, Avec le Père Duval, la calotte chantante, Lui le catéchumène, et moi l’énergumène, Il me laisse dire merde, je lui laisse dire amen. ».
J’aimais beaucoup, aussi, « L’amandier », à cause de la « bouche gourmande des filles du monde entier », évidemment : « Et mes lèvres sentent bon, et si tu me donnes une amande, je te donne un baiser fripon ». La fille mange tout : « Ma récolte était perdue », mais il n’a pas tout perdu : « Mais sa jolie bouche gourmande en baisers m’a tout rendu ».
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dimanche, 14 août 2011
CIORAN : N'IMPORTE QUOI, MAIS QUEL STYLE !
Allez, je termine sur EMIL CIORAN.
Après Sur les cimes du désespoir, que j’ai considéré à la lecture un peu comme de la bouillie, j’ai attaqué Le Livre des leurres. Mais je ne suis pas sorti de la bouillie. En lisant : « Pour ceux qui ont dépassé la vie sans le vouloir… », je me pose la question : « Par la droite ? ». Et que pensez-vous de ceci : « Réjouis-toi de pouvoir, dans la confusion intérieure, être total ; de pouvoir en un instant actualiser tous les plans spirituels et toutes les oppositions. » ?
A partir de là, tout sera TOTAL : « Pourquoi vivre dans des fragments de temps, des bribes d’expériences alors que je suis capable à tout instant d’être tout en entier, de rendre actuelles toutes mes réalités et mes possibilités ? ». Ce ne sera plus que « paroxysme », « effervescence totale », « inquiétude totale », « expériences totales », « inquiétude absolue ». Il fait une différence entre « ceux qui sont tout à fait seuls » et « ceux qui le sont absolument ».
Ma parole, il y est resté, sur les cimes : « …ivre d’orgueil et d’extase vers les cimes ultimes de l’être… ». Il s’interroge plus loin : « La pensée ne mène-t-elle pas à tout ? ». J’ajoute : « A condition d’en sortir. ». Il note encore : « Ne pas oublier que les coups de poing, les cris, les gifles, la marche, le sport, les femmes, la vulgarité, sont à notre portée et que, par eux, nous pouvons gagner le combat dans le temps. ». Tiens, il a oublié le raton laveur.
Et puis, cette obsession du « nous », comme si ce qu’il ressentait était valable pour l’humanité entière, alors même qu’il déclare (p. 583) : « Il me suffit d’entendre quelqu’un parler sincèrement d’idéal, d’avenir, de philosophie, de l’entendre dire « nous » avec une inflexion d’assurance, d’invoquer les « autres », et de s’en estimer l’interprète, – pour que je le considère mon ennemi. ». La contradiction est ici aveuglante.
Dans ce Précis de décomposition, je sauverai quand même le premier chapitre, « Généalogie du fanatisme », qui me semble poser très bien ce qui est sous-jacent dans toute croyance : l’intégrisme. Si j’étais croyant, je serais fanatique, sauvagement intégriste, car toute croyance aspire à la totalité. C’est normal, puisque croire, c’est détenir LA Vérité. Pour tout croyant qui se respecte, il importe donc de combattre pour que tous l’admettent. Toute croyance a vocation universelle. Toute croyance est de nature totalitaire. Mais peut-on pour autant ne croire en rien ? C’est vrai que JACQUES BOUVERESSE a écrit un livre (Peut-on ne pas croire ? Agone, 2007) sur « la Vérité, la croyance et la foi ». Mais il est de fait que beaucoup déclarent ne croire en rien.
On a compris : je suis TOTALEMENT étranger à ce discours, et même d’un hermétisme brutal. Dans ces conditions, je ne vais pas continuer sur cette lancée à propos de Des Larmes et des saints, de Le Crépuscule des pensées, de Bréviaire des vaincus et de Précis de décomposition. Vous m’aurez laissé tomber bien avant. Pour résumer, je suis incapable de voir dans ce langage le récit d’une expérience intérieure : j’y vois des mots et, selon l’expression inventée par Le Canard enchaîné, des « paroles verbales ».
Allez, encore une gorgée de ce breuvage. « Comment pourrais-je oublier que je suis, quand l’excès de mort me délie de la mort ? » (Crépuscule). Quelqu’un peut-il me dire ce que signifie : « Un naufragé battu par toutes les vagues, projeté contre tous les rochers, aspiré par toutes les obscurités – et qui tiendrait le soleil dans ses bras ! » Et c'est le même gars qui dit pis que pendre de la poésie ! « La vie est éthérée et funèbre comme un suicide de papillon. » J’ai failli le dire ! « Je suis poète par tous les vers que je n’ai jamais écrits. » Et moi donc !
Et : « Pourvu que les cieux s’écroulent avant la ruine de l’esprit ! ». Et : « Même le suicide n’est qu’un hommage que nous rendons à nous-mêmes. » Ma foi, pourquoi pas ? La poésie ? « Elle nous fait descendre vers le suprême. » Il me l’ôte de la bouche. « Ne l’obligeons-nous pas [la mer] au reflux lorsque nous la regardons avec des yeux sans chagrin ? » « L’homme est le plus court chemin entre la vie et la mort. » Ça, ça me fait carrément marrer.
Bon, je ne vais pas m’acharner. EMIL CIORAN a sa statue, ses admirateurs. Ce que je peux dire, c’est qu’il est sans arrêt dans le paradoxe, l’exaltation, l’emphase, la généralisation, l’oxymore et la tautologie (« On croit sans croire et l’on vit sans vivre. »).
Alors, vous allez me demander pourquoi j’ai lu 737 pages des œuvres qui me sont à ce point étrangères. La question est légitime. Je répondrai d’abord qu’il y a quelque chose de fascinant dans la CONSTANCE du langage et du regard, dans la COHERENCE du propos. C’est étrange, mais il part d’une obsession, et il s’y tient, sans dévier d’un pouce de sa trajectoire. On peut considérer ce qu’il dit comme le symptôme d’une maladie, mais ce qui est sûr, c’est qu’il a trouvé une voie qui n’appartient qu’à lui, et qu’il explore avec la plus grande obstination.
Je répondrai ensuite que si je m’y suis tenu sur plus de 700 pages, c’est qu’il y a quelque chose d’unique dans le STYLE. En lisant Précis de décomposition, je vais vous dire, je suis fier d’être Français. Enfin quoi, voilà un Roumain qui se met à écrire en français avec la pureté de langue qu’on trouve dans Paradoxe sur le comédien de DIDEROT, et face à ça, tous les petits écrivailleurs que nos éditeurs actuels publient à tour de bras ne s’ensevelissent pas sous la honte des pelures de pommes de terre qui sortent de leur plume !
Moralité, quel dommage que CIORAN … que CIORAN quoi, au fait ? Non, rien.
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vendredi, 12 août 2011
CIORAN : DU STYLE ET DU N'IMPORTE QUOI
Introduction (avec digressions).
Dans le Dictionnaire des écrivains de langue française (Larousse, 2001), MICHEL P. SCHMITT est l’auteur de la notice sur EMIL MICHEL CIORAN. MICHEL P. SCHMITT (quelle sottise, entre nous, ce P. !), je l’ai connu. Il est le fils de JEANNETTE, décédée au début de 2011, le frère de BERNARD, qui navigue dans le cinéma, et l’oncle de BRIAN, qui était, la dernière fois que je l’ai entendu causer dans le poste, dans une boîte de post-production (ça a rapport avec le cinéma).
JEANNETTE avait une grande amie, ça datait de l’enfance, quand elle habitait derrière le cimetière de la Croix-Rousse. Elle s’appelait RUTH GOLDMAN, et fut la mère de JEAN-JACQUES GOLDMAN, directeur commercial de l’entreprise familiale d’articles de sport, devenu célèbre dans la musique de variétés, lui-même frère de PIERRE GOLDMAN, vous savez, l’auteur de Souvenirs obscurs d’un juif né en France, bandit innocenté du double meurtre des pharmaciennes du boulevard Richard-Lenoir, et assassiné en 1979.
BERNARD SCHMITT a réalisé des clips vidéo pour JEAN-JACQUES GOLDMAN, où JEANNETTE apparaissait surmontée d’un chapeau digne de l’hippodrome de Chantilly le jour du Prix de Diane. Je m’en suis voulu de ne plus lui avoir donné signe de vie après 1986. Je suis pourtant allé à ses obsèques, simplement pour lui dire adieu, pour dire adieu à une époque de ma vie qui a compté, et sur laquelle j’avais refermé la porte. A tort, je sais. Je m’en suis voulu. J'avais des liens somme toute amicaux avec elle.
Ses deux fils sont devenus, l’un un petit cinéaste (Pacific Palisad, que je n’ai pas vu, avec SOPHIE MARCEAU, 1990, est-ce que vous vous souvenez seulement de ce film ?). J'ai entendu dire qu’il a fini par mettre en scène les shows de JOHNNY HALLYDAY. L’autre, c’est donc MICHEL P., un universitaire moyen qui avait mis ses pas dans ceux d’un de ces apparatchiks qui sont arrivés à abîmer l’école publique à force d’idéologie dogmatique, de concepts abstraits et de pédagogisme fanatique. Il s’appelle ALAIN VIALA, et fut, hélas, directeur des programmes au sein de l’Education Nationale, et doté par ce fait du plus haut pouvoir de nuisance possible.
J’avais fourni un tout petit travail « sur le terrain », dans une classe où figurait son neveu BRIAN. Je ne m’en vante pas. Je n’avais même pas compris grand-chose aux enjeux de l’affaire. Ce qu’il fallait à ces gens, c’était, inspiré des méthodes « à l’américaine » (en passant, le P. de MICHEL P., c'est sans doute pour faire plus américain, moi je me gausse), et pour lutter contre l’intolérable à-peu-près dont se rendent coupables les professeurs et leur insupportable impressionnisme pédagogique, des « points de repère », comme une « écriture orthonormée », un cadre « scientifique », un fonctionnement « par objectifs », avec, s'il vous plaît, des « évaluations » d'étape, des « bilans» et des « récapitulatifs » comme s'il en pleuvait, qui sont aujourd’hui devenus les normes terroristes au sein du système éducatif, avec analyses sociologiques dûment estampillées « de gauche », au nom d’un égalitarisme qui aura finalement fonctionné comme la guillotine de 1793. Le mal que ces gens ont pu faire ! Et quand le mal est fait, c'est fini. Pardon pour la longueur du paragraphe.
Moi, je faisais justement partie des impressionnistes. J’étais un peu trop poète. Je faisais trop confiance à la créativité personnelle. Il eût fallu que je l’assumasse (et toc !), au lieu de m’asservir aux diktats de l’Institut National de la Recherche Pédagogique (INRP). Mais que voulez-vous, j’ai l’esprit plutôt lent. J’aime faire la sieste. Et j’assume.
Bon, il faudrait peut-être que j’en arrive à mon sujet, vous ne croyez pas ?
Ce sera pour la prochaine fois.
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jeudi, 11 août 2011
LA COCHONNAISE (HYMNE NATIONAL)
CHANT DE GUERRE DE L'ARMEE DU GROIN
I
ALLONS GORETS DES PORCHERIES,
LE COUP DE GROIN VA ARRIVER !
CONTRE NOUS DE LA CHARCUTERIE,
ET LE LARD SANGLANT EST TRANCHÉ! (BIS)
ENTENDEZ DONC DANS LES BOUCHERIES
RUGIR CES TUEURS DE SUIDÉS,
ILS VIENNENT JUSQUE SOUS NOS PIEDS
EGORGER NOS PORCELETS, NOS TRUIES !
Refrain
AUX ARMES, LES COCHONS !
SORTEZ TOUS VOS LARDONS !
GRUIKONS GRUIKONS,
QU'AVEC DU SANG HUMAIN,
ON FASSE DU BOUDIN !
II
Tremblez, affreux bouchers perfides,
Lie infecte de l’humanité !
Tremblez ! Vos projets cochocides
Vont vous retomber sur le nez ! (bis)
Vous crèverez, tas de limaces,
Et si vous tuez nos pourceaux,
Nos truies en feront de nouveaux
Qui vous boufferont le pancréas !
Aux armes, les cochons, etc…
III
Amour sacré de nos rôtis,
Pourfends, achève tous ces branleurs !
Porcherie ! Porcherie chérie,
Aide-nous à en faire du beurre ! (bis)
Sous notre bannière, que notre lard,
Devienne le plus fort des poisons,
Que clamsent alors tous ces gloutons,
Bravo, cholestérol, indigestion !
Aux armes, les cochons, etc…
IV
Quoi, ces gros cons dégénérés
De notre graisse veulent s’empiffrer !
Quoi ces crétins décervelés
Passeraient leur temps à nous bouffer ! (bis)
Dieu ! Ils nous couperaient le groin
Et nous sectionneraient le chanfrein !
Et nos jambons et nos intestins
Présideraient à leurs hideux festins !
Aux armes, les cochons ! etc.
L’ANTI-COCHONNAISE (HYMNE)
1
Allons, enfants de la soierie,
Le jour de Lyon est arrivé.
Contre nous, de la porcherie,
Le cochon hideux est levé (beuark !).
Entendez-vous dans les campagnes
Gruiker ces énormes verrats ?
Ils viennent avec leur groin sournois
Déféquer leurs infâmes lasagnes.
Refrain
Aux armes, les canuts,
Tuez la cochonnaille.
Bouffons, bouffons
Les gros cayons,
Jusqu’à qu’on en peut plus !
2
Tremblez, cochons, et vous, cochettes,
Qui refusez de nous nourrir !
Tremblez, le tranchoir à gorgettes
Fera couler votre boudin !
Une forte « main vengeresse »
Fracassera vos crânes vains !
Et l’impitoyable canut
De vos gras fera maints abus.
Hommage à DIDIER FOND, blog http://fonddetiroir.hautetfort.com, en souvenir de la SALLE FUMEUR.
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mercredi, 10 août 2011
LISEZ "LES GRANDES ESPERANCES"
Voilà un bouquin formidable, que j'ai lu récemment. L'action se passe en Angleterre au milieu du 19 ème siècle. L'auteur s'appelle CHARLES DICKENS, excusez du peu.
Le héros s’appelle Pip (pour Philippe Pirrip). Il vit chez sa sœur, la femme du forgeron Joe Gargery. Elle gouverne la maison avec autorité, voire brutalité, ne passant rien à son jeune frère, ni d’ailleurs à son mari. A l’occasion, elle terrorise son monde. Mais pour les gens du bourg, Pip aura été « élevé à la cuiller », c’est-à-dire qu'ils le considèrent à jamais redevable à sa sœur des "bontés" qu’elle a eues pour lui, quelle que soit la réalité effectivement vécue par lui. Il y a aussi dans le voisinage Mme Hubble, M. Wopsle, qui finira dans un théâtre minable de Londres. Une complicité silencieuse lie en profondeur Pip et Joe, qui passe essentiellement par les regards qu’ils échangent.
Un jour, Pip va se promener dans les « maraîches ». On vient d’entendre le canon du ponton, qui signale, par deux fois, l’évasion de bagnards qui y sont enfermés. Pip rencontre l’un des deux, qui le terrorise et l’oblige à lui apporter du ravitaillement, ainsi qu’une lime pour se débarrasser de sa chaîne.
Pip dérobe à sa sœur tout ce qu’il faut, dont un succulent pâté et, au moment où il ravitaille le bagnard, il lui dit qu’il vient de rencontrer un autre homme lesté d'un boulet. L'autre se met en colère. Lorsque les soldats, qui ont encerclé le marais, mettent la main sur les deux fugitifs, le premier est en train, proprement, de casser la gueule à l’autre, voire de le tuer. Il s’appelle Magwitch, et s’accuse publiquement de s’être introduit chez Mme Gargery et de lui avoir dérobé des victuailles, dont un pâté. Pip s'interroge.
Pip n’entend plus parler de lui. Un jour, il est convoqué chez une vieille fille, Mlle Havisham, richissime héritière d’un domaine à l’abandon, dans lequel elle se cloître derrière les volets fermés et où elle sèche sur pied. Chez elle vit Estelle, fille absolument ravissante dont Pip tombe aussitôt amoureux, qui est sa protégée, et dont elle fera sa légataire universelle. Mais cela, on ne le sait pas pour l’instant.
Dans la maison, Pip est chargé de distraire l’attention de la vieille en lui faisant faire le tour de la pièce appuyée sur lui, et en jouant avec Estelle à des jeux de cartes où il perd sans arrêt honteusement. La vieille jouit du spectacle de la jeune fille éblouissante qui triomphe de la gent masculine.
Un jour au café, Pip et Joe sont attablés, lorsqu’un homme mystérieux annonce à Pip qu’il peut dès cet instant nourrir de « grandes espérances » et l’invite à son étude à Londres, où il lui dévoilera tout. Il n’en faut pas plus à Pip pour imaginer que c’est Mlle Havisham qui lui veut du bien. Un jour qu’il se trouve chez celle-ci, il est provoqué aux poings par un « jeune monsieur ». Ils se livrent plusieurs assauts, mais à chaque fois, c’est le jeune monsieur qui se retrouve par terre, et bientôt le visage en sang.
Estelle a tout vu et ce jour-là, elle autorise Pip à déposer un baiser sur sa joue. Ce « jeune monsieur » s’avèrera être Herbert qui, à Londres, deviendra son ami indéfectible. En attendant, il passe du temps chez la vieille fille avec Estelle, dont il comprend peu à peu qu’elle a été adoptée par elle, et ce dans le but unique de la venger de tous les hommes de ce que l’un d’eux lui a fait subir : ainsi s’explique l’attitude hautaine et dédaigneuse prise en permanence par la jeune fille.
Pip grandit et part pour Londres, où il retrouve donc le « jeune monsieur », Herbert, et Monsieur Jaggers, qui agit au nom de son bienfaiteur mystérieux, en qui il persiste à voir Mlle Havisham. Il dépense beaucoup d’argent, fait des dettes, va au théâtre. Il a tendance à oublier son vieux Joe, dont la femme finit par mourir, quelque temps après avoir subi une attaque cérébrale. Il se prend pour celui promis à « de grandes espérances », et méprise volontiers les gens de basse classe.
Un jour, M. Jaggers lui annonce que son bienfaiteur a annoncé son arrivée. Il découvre alors, terrorisé, qu’il n’est autre que l’ancien bagnard Magwitch, pourtant condamné au bannissement à vie. Bien obligé de l’admettre, il s’occupe du vieillard, qui s’est terriblement enrichi dans les colonies, avec l’idée fixe de faire de Pip un « grand monsieur ». Mais, malgré toutes les précautions prises, celui-ci est reconnu par Compeyson, l'ancien forçat avec lequel il s'était battu, et qui lui voue une haine inexpiable.
Aidé de Wemmick, le secrétaire de Jaggers, avec qui il a lié amitié, il s’efforce de faire évader Magwitch du sol britannique, mais le jour de l’évasion, les douaniers arraisonnent la yole avant qu’ils aient pu arrêter le vapeur qui devait les conduire à Hambourg. Compeyson se noie, Magwitch est repêché, et arrêté. Il s’avère alors que Magwitch est le père d’Estelle, fille qu’il croyait morte depuis longtemps.
Celle-ci avait épousé l’espèce de brute que haïssait Pip, qui l’avait horriblement fait souffrir, avant de mourir lui-même. Elle vend le domaine de Mlle Havisham et finira sa vie dans la tristesse et la solitude. Quant à Pip, après avoir risqué de se faire assassiner à coups de marteau par Orlick, qui l’a attiré dans un traquenard, puis failli mourir de pneumonie, maladie au cours de laquelle il a été scrupuleusement veillé par Joe, il abandonne toute vanité, ainsi que ses « grandes espérances », et retourne dans son village, où il travaillera à la forge.
Tous les personnages importants nourrissent de GRANDES ESPERANCES : Mlle Havisham, Magwitch, Estelle, Pip. Elles sont toutes déçues.
Livre absolument magnifique ! Lecture jubilatoire !
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mardi, 09 août 2011
TOUS ACCROS A L'ADDICTION DE LA DEPENDANCE
Donc, je disais que se droguer, c’est manquer de sincérité. Ben oui, quoi : c’est tricher avec l’existence. Se réfugier dans son fantasme, c’est refuser de voir la réalité, et sa propre réalité dans le monde réel. Mais jouer au loto, c’est aussi avoir envie de tricher avec l’existence, c’est faire le premier pas dans cette direction. Quand tu reçois sur le crâne 285.000.000 d’euros comme ça s’est passé récemment à l’euromillion, tu viens de tricher. Tous ceux qui jouent au loto sont des tricheurs en puissance. Disons, tout simplement, des tricheurs.
De toute façon, notre monde est celui de la triche généralisée, il n’y a qu’à regarder sur les terrains de football, dans le peloton du Tour de France, en politique, en économie. Tout le monde a envie de tricher. Beaucoup y arrivent (voyez BERNARD TAPIE) sans que ça leur retombe dessus. Allez, ne niez pas. La preuve, le nombre de ceux qui jouent aux jeux de hasard. Et ce n’est pas pour rien qu’à ce propos, précisément, on parle d’ADDICTION. Mais dans les rangs, il faut différencier les gros et les petits, je dirai même les énormes et les minables.
Dans toute la tradition anthropologique, la drogue avait une véritable fonction, aussi bien sociale que religieuse. Dans notre civilisation déboussolée, perdue dans un univers désormais vide de sens, de deux choses l’une : chacun consomme une drogue dont il attend avant tout une ANESTHESIE, qui lui permet de continuer à vivre.
Il faut dire que le quotidien n’est pas triste : il est catastrophique. D’abord, il se définit presque exclusivement par la marchandise, il est essentiellement marchandise. L'homme, la femme eux-mêmes deviennent des marchandises. Je fais exprès d’exagérer. Ils sont définis par le travail ou par son absence, c'est-à-dire par leur capacité à acquérir des marchandises. Bon, je ne vais pas énumérer : tout cela n’est pas fait pour remonter le moral, quel que soit le résultat des sondages qui cherchent où en est le « moral des ménages ». Tout le monde a besoin de compensation, n’est-ce pas, c’est humain.
« Il faut subir ce qu’on ne peut empêcher », écrit JORGE LUIS BORGES dans une nouvelle. HENRI LABORIT donne un autre conseil, lui : quand on ne peut faire face à un environnement et à des conditions excessivement difficiles, il faut FUIR (Eloge de la fuite, Laffont, 1976). C’est lui, en passant, qui a introduit les neuroleptiques, s’il ne les a pas inventés lui-même. Or, quel meilleur moyen de fuir la réalité pour rendre la vie acceptable qu’une bonne drogue ?
Là, il faut le dire nettement : pourquoi cette discrimination qui renvoie dans l’illégal les substances immigrées ? D’abord le pavot à opium, le « papaver somniferum », à partir duquel on obtient la morphine, qui permet elle-même d’obtenir la diacétylmorphine, ou héroïne. Mais il n’y a pas que le pavot, dans la vie, car la nature ne manque pas de moyens : peyotl (mescaline), coca (cocaïne), khat, cannabis, évidemment, sous ses différentes formes (feuilles, résine, pollen), psilocybe, enfin, n’en jetez plus, la cour est pleine. Toutes ces substances ont en commun d'être exotiques.
Notre supermarché planétaire offre donc toutes sortes de produits capables de tendre, entre l’individu et le monde, un voile de sensations permettant au premier de supporter le second. Mais à tant faire de criminaliser ces drogues, si on était logique, il faudrait bannir TOUTES les drogues, c’est-à-dire TOUT ce qui, dans notre monde, donne un rêve aux gens pour un moment pour le rendre supportable. Car tous les moyens sont bons pous s'ANESTHESIER.
Alors il y aura évidemment l’alcool (« Géraaaaard ! ») et le tabac, mais ils seront entourés d’innombrables amis, à commencer par toutes ces substances chimiquement susceptibles de transformer la perception des choses par l’esprit, et que notre chère médecine française « deale » à qui mieux-mieux. C’est bien la France, paraît-il, qui détient le pompon en matière de consommation de tranquillisants, somnifères, anxiolytiques, hypnotiques, narcotiques, enfin tous les frères, cousins, neveux des substances PSYCHOTROPES. Si on interdit tout ça, ça va faire du monde. Et ça va faire du monde dans les asiles de fou et dans les prisons.
Mais il ne faudra pas s’arrêter en si bon chemin. La recherche technologique, au 20ème siècle, a produit par milliards ces instruments qui introduisent le fameux voile de sensations agréables qui permet d’oublier la réalité. Je veux parler des écrans. Oui, il faudra interdire, supprimer, détruire TOUS les écrans : cinéma, télévision, console de jeu, smartphone, téléphone portable. Au fait, je signale que le mot « écran », à 50 %, renvoie à quelque chose qui s’interpose entre vous et le monde, il n’y a qu’à regarder les gens dans la rue : même quand ils sont ensemble, ils ne sont pas ensemble, les yeux rivés à un rectangle plus ou moins coloré, lumineux, animé.
Le résultat de toutes ces interdictions ? C’est à prévoir, il faudra inscrire la REVOLUTION au programme. Quand chacun de ceux qui vivent dans la dépendance d’une (ou de plusieurs, car diverses addictions peuvent se combiner, c’est bien plus drôle) de ces drogues mettra le nez sur la vraie réalité, vous croyez qu’il va l’admettre ? Quelques hauts responsables risquent fort d’en souffrir. Ce ne sera que justice.
Le professeur BELPOMME avait publié en son temps La Société cancérigène. Il avait bien raison. Tiens, à propos, en Argentine, une des patries de ADOLF MONSANTO (voir ma note du 11 juin), et qui s'est convertie aux plantes "roundupready" (un O. G. M.) sur 17.000.000 d'hectares, les cancers ont augmenté de 30 % en dix ans (à San Jorge). Et dans la province de Chaco, le quartier d'Ituzaingo déplore 200 cas de cancer pour 5000 habitants.
Cette merveilleuse société qui nous procure tant de constant et pur bonheur, cette société enthousiasmante et si profondément désintéressée ne serait rien sans sa petite soeur : j'ai bien l'honneur de vous présenter la SOCIETE HALLUCINOGENE.
FIN
09:00 Publié dans UNE EPOQUE FORMIDABLE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, littérature, drogue, hallucinogène, addiction, jorge luis borges, henri laborit, psychotropes
mardi, 02 août 2011
QU'AS-TU FAIT DE TES FRERES ?
CLAUDE ARNAUD est l’auteur du livre qui porte ce titre. Editions Grasset, paru en 2010. Mon ami R. T. m’en avait dit grand bien. Comme c’est un vrai connaisseur, je l’ai cru. H. C., elle, a été emportée par l’enthousiasme. Littéralement. Même C. m’en a dit le plus grand bien. Il est libraire, c’est dire. Trois avis valent mieux qu’un, c’est certain. J’ai donc été convaincu que le livre était bon avant même de l’avoir ouvert.
Influencé par trois avis autorisés, je l’ai donc ouvert. J’aurais aussi bien fait de ne pas (vous savez, le célèbre « I would prefer not to » du Bartleby de MELVILLE). D’abord, qu’est-ce qui lui a pris d’appeler ça « roman » ? Le personnage principal, celui qui dit « je », s’appelle CLAUDE. Les deux frères, comme dans la vraie vie, s’appellent PIERRE ARNAUD et PHILIPPE ARNAUD. Le père, comme dans la vraie vie, s’appelle HUBERT ARNAUD.
Qu’est-ce qu’ils ont tous à étaler leur vie, celle de leurs proches, et surtout à appeler ça littérature ? Ce bouquin, c’est à la rigueur un récit de vie, récit autobiographique, ça va de soi. Mais pas un roman. Est-ce même de la littérature ? Pas sûr. J’en ai assez de la « littérature » française contemporaine. J’avais fait confiance au prix Goncourt, attribué en 1996 à Le Chasseur zéro, d’une certaine PASCALE ROZE. Une épouvantable nullité littéraire. Ce fut la dernière fois.
J’ai feuilleté MARIE DARRIEUSSECQ, CAMILLE LAURENS, CHRISTINE ANGOT et quelques autres. Même AMELIE NOTHOMB me « thombe » des mains. C’est moi qui dois être trop difficile. Parlez-moi de Moby Dick : je grimpe au rideau illico ! Au-Dessous du volcan, je plonge. Ulysse, je m’enflamme. Parlez-moi de littérature, enfin, ça marche.
La question qui se pose est : comment des livres nuls sont-ils achetés en masse ? « Nuls », pour moi, c’est le plat récit autobiographique de quelqu’un de peu intéressant qui trouve intéressant de raconter sa pauvre vie. « Nuls », c’est aussi le livre fabriqué selon un recette de cuisine bien huilée (ou bien beurrée, si vous préférez), comme sait si bien faire le cuisinier MARC LEVY. Pourquoi des masses de lecteurs se ruent-ils pour remplir le compte en banque de ce genre d’ « écrivain » ? Ce sont peut-être les mêmes qui regardent la télévision, allez savoir ?
Je renvoie au livre de PIERRE JOURDE et ERIC NAULLEAU : Le Jourde et Naulleau, Mango éditeur, 2008, pour les autres têtes de turc à démolir. Les auteurs alignent très correctement les gens cités précédemment, et ajoutent à la liste PHILIPPE SOLLERS et BERNARD-HENRI LEVY, ALEXANDRE JARDIN et MADELEINE CHAPSAL, et quelques autres. J’avais beaucoup aimé quelques livres du père JARDIN, PASCAL. Mais le style n’est pas dans les gènes.
Le problème actuel de la littérature en France, ou plutôt de sa diffusion, c’est la confusion des trois acteurs : écrivain, éditeur, critique littéraire. Et je ne parle pas de la « politique éditoriale », qui va au plus rentable. L’écrivain est souvent directeur de collection chez un éditeur. Le « critique » est souvent écrivain. Enfin, dans ce petit monde, qui fonctionne un peu comme le peloton du tour de France, sur base d’OMERTA et de service rendu, tout le monde sert la soupe à tour de rôle aux autres. Ils se tiennent tous par la barbichette.
En fait, ce qui manque à tous ces gens qui règnent, au moins médiatiquement, sur la littérature en France, c’est bien sûr le STYLE. Alors, peut-être est-ce tout à fait délibéré et volontaire de la part de CLAUDE ARNAUD, mais son récit est linéaire, chronologique, et les faits s’y succèdent selon le principe de l’absence de structure que constitue la juxtaposition des faits. Si l’auteur cherchait la platitude du style, alors son entreprise est couronnée de succès.
Alors maintenant, qu’est-ce que ça raconte ? En gros, les ravages accomplis sur toute une famille par les « événements » de mai 1968 et la suite. Le père est « à l’ancienne » (ça veut dire rigide, voire ringard). La mère, tiens, j’ai déjà oublié la figure de la mère. Pierre, l’aîné, est une « tête » brillantissime promise au plus brillant avenir. Philippe, c’est l’aventurier de la famille qui aura parcouru le monde en envoyant des « cartoline » à la famille « par à-coups ». Claude se définit lui-même comme un « Gavroche planant ».
Pierre, l’ « aventurier mental », finira mal, après avoir troqué les bibliothèques savantes pour des squats de plus en plus miteux, dans une espèce de long suicide social, qui deviendra suicide personnel du deuxième étage de l’hôpital psychiatrique où il a échoué. Philippe, le « penseur global », finira mal, lors d’une baignade où il se noie mystérieusement. Voilà pour l’explication du titre du bouquin. Mais même le père et la mère finissent par mourir ! Etonnant, non ? Qu’as-tu fait de ton père et de ta mère ?
Quant à Claude, il découvre la vie avec exaltation, et va goûter à tous les râteliers. Le râtelier sexuel d’abord, qui le conduit dans tous les lits possibles et imaginables, où il joutera avec les garçons et les filles, mais de préférence les garçons, si j’en juge par le nombre de pages (voir le chapitre « La chanson de Roland »). Le râtelier politique, évidemment, qui le conduit des trotskistes à la Gauche Prolétarienne, dont il vend la propagande sur les marchés. Le râtelier culturel et intellectuel, enfin, avec toutes les modes de l’époque.
Tout cela est exposé sérieusement, comme transcrit d’un journal tenu au jour le jour, et, je crois, honnêtement. Pour quelqu’un né au milieu des années 1950, il peut être rigolo de retrouver l’ambiance d’une période qui a marqué les esprits, de même que les vrais noms dont on parlait dans les années 1970 : ROLAND BARTHES, JEAN-FRANÇOIS LYOTARD, FREDERIC MITTERRAND et un certain nombre d’autres. Voilà, s’il vous manque un « tableau » de ce que furent mai 1968 et la suite, ce livre est fait pour vous.
Mais s’il vous faut un livre vraiment « écrit », passez votre chemin. C’est le gros reproche que je lui fais. Ce n’est donc certainement pas un « roman ». Je dirais presque que ce n’est même pas un « récit ». Ce serait plutôt le « compte-rendu » établi au cours même de la réunion du conseil d’administration par le secrétaire de séance. Reste la photo du bandeau, rigolote finalement, où l’on voit un homme souriant couché en travers des rails, mais rassurez-vous, la voie est désaffectée et l’herbe folle passe abondamment le nez à travers le ballast.
Maintenant, un question reste : pourquoi ce livre a-t-il été publié ? Première hypothèse : il dessine les traits d'une époque (mai 1968 et après) que NICOLAS SARKOZY a mise à la mode, et c'est ce tableau qui attire le lecteur avide de se faire une idée de ce qu'elle fut, voire de se replonger dans une ambiance qu'il a lui-même connue de près ou de loin.
Deuxième hypothèse : je note le tir groupé que forme la publication quasi-simultanée de plusieurs livres traitant approximativement du même sujet. Il y a d'abord le livre de MATHIEU LINDON, Ce qu'Aimer veut dire, que je n'ai pas lu, et où il raconte, paraît-il, son "amitié" passionnée avec le philosophe MICHEL FOUCAULT, dans son appartement de la rue de Vaugirard.
Il y a ensuite le livre de JEAN-MARC ROBERTS, François-Marie, où l'auteur s'adresse à son "ami" FRANÇOIS-MARIE BANIER, pour prendre sa défense. Même si celui-ci n'a jamais pu coucher avec celui-là, ils "fréquentaient main dans la main les boîtes gays de la rue Sainte-Anne" (site bibliobs).
Le tir groupé en question, le voilà : les années 1970 ont été celles de la fin du tabou homosexuel. Cela n'invalide pas du tout la première hypothèse. En fait, elles se télescopent. La mode, aujourd'hui, est à la "gay pride". J'ajoute que le Nouvel Observateur désigne JEAN-MARC ROBERTS comme un "membre influent" du milieu littéraire parisien (c'est-à-dire français).
Il convient donc que cela se sache : la "communauté homosexuelle" a désormais pignon sur rue, et sans doute pas seulement dans le milieu littéraire. Et ce n'est pas monsieur PIERRE BERGÉ qui me contredira.
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samedi, 30 juillet 2011
DE LA PROPRETE DANS LE TOUR DE FRANCE
Le Tour de France est enfin fini. Ils ont fini par visiter « la plus belle avenue du monde », qu’on se le dise.
C’est génial, le Tour de France : c’est une vraie légende, c’est entendu. Depuis 1903 exactement. Au passage, je signale que, si une étape de 250 km est considérée aujourd’hui comme quasiment inhumaine, les cyclistes de 1903 étaient des surhommes. Pensez : seulement six étapes, dont la première, Montgeron – Lyon, fait 471 km. Et les vélos n’étaient pas les mêmes : plus de onze kilos (aujourd’hui, moins de sept).
Alors la légende, il y a ceux qui la font vivre, qui la propagent et la perpétuent. Ceux-ci se divisent deux groupes : les gros lards qui mangent leur casse-croûte sur le bord de la route, autrement dit les spectateurs, on pourrait aussi bien dire les « croyants » : ils vont comme à la messe. Les autres, ce sont tous ceux qui ont intérêt à ce que la légende perdure et se renforce : organisateurs, journalistes sportifs, cyclistes. Car plus elle perdure, plus ça leur rapporte.
Et puis il y a ceux qui ne peuvent pas supporter la farce de cet héroïsme en mie de pain, et qui se postent dans la côte du col des Montets pour que les coureurs aient bien le temps d’entendre les injures qu’ils leur décochent, au risque de prendre des coups de la part des fanatiques rangés le long de la route. C’est évidemment au dopage que je pense.
Alors, dopés ou pas dopés, les coureurs ? La réponse est claire : dopés, mon général ! Et CABU a raison de les dessiner avec plusieurs seringues plantées dans le dos. Et cela dès les débuts de la compétition. Les frères PELISSIER donnent la recette du « pot belge » au journaliste ALBERT LONDRES dès les années 1920. Son livre Les Forçats de la route paraît en 1924. Il paraît même qu’on utilisait un mélange à base de café et de strychnine (poison de formule C21 H22 N2 O2, stimulant à très faible dose).
Et pendant un demi-siècle, il valait mieux ne pas crier trop fort que le dopage était une honte : une nette majorité de gens était favorable à l’usage de substances capables d’ « aider » le sportif. DE GAULLE lui-même s’en fichait éperdument. La seule chose qui comptait pour lui, c’était la Marseillaise à l’arrivée. JACQUES ANQUETIL disait : « Laissez-moi tranquille. Tout le monde se dope. Pour savoir si je me dope, il suffit de regarder mes fesses et mes cuisses : de véritables écumoires. ». C’est à se demander pourquoi, aujourd’hui, le dopage est devenu un scandale inadmissible. Et punissable.
Allez, je m’offre une petite parenthèse sur JACQUES ANQUETIL, le crack des cracks. « Le crack », c’est le titre d’une délicieuse petite nouvelle qu’on trouve dans Les Athlètes dans leur tête, de PAUL FOURNEL (éditions Ramsay, 1988). L’action se passe à Yssingeaux. On est dans les critériums d’après Tour, « ces épuisantes et lucratives balades ».
Mais quelque chose cloche. « Il était livide, les yeux bordés de noir, les lèvres blanches. » L’équipier est aussi catastrophé que les organisateurs : « le grand Jacques », dans cet état pitoyable ! Lamentable ! Il est convenu que Jacques abandonnera discrètement, conduit par lui jusqu’à son hôtel. Il n’a jamais tant transpiré. Il vacille sur son vélo. Les gars du peloton viennent à tour de rôle contempler l’épave.
Mais à 500 mètres du but fixé, « je sentis son souffle et il vint se placer à ma hauteur. Je n’oublierai jamais le regard qu’il me lança : un regard glacé, tranchant, plein. Et il me posa cette question ahurissante : T’as pas deux sucres ? ». « Bien entendu, je ne le revis qu’après l’arrivée. Il gagna le critérium après avoir offert un festival au peloton médusé. Il volait. » La conclusion n’est pas triste : « Tout le monde apprit ce jour-là que le vrai crack, c’est celui qui est capable de cuver en pédalant une cuite à coucher un bataillon. Je m’en doutais déjà. ». PAUL FOURNEL est fondu de vélo. Je ferme la parenthèse.
Suite et fin au prochain numéro.
09:05 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tour de france, cyclisme, dopage, festina, littérature, société, antoine vayer, pot belge, albert londres, forçats de la route, jacques anquetil, paul fournel
mardi, 05 juillet 2011
VICTIME : UN METIER D'AVENIR !
« Le premier des droits de l’homme, c’est le droit des victimes ». Voilà : c’est carrément du lourd. On prend le boulet en pleine gueule ! Et apparemment, ELLE était à jeun quand elle a proféré l’énormité ci-dessus. ELLE était « à jeun » et « en fonctions » qui plus est. Qu’on se le dise, « Liberté », « Egalité », « Fraternité », c’est de la foutaise. Soyons modernes, que diable ! Désormais c’est : « Priorité aux victimes ! ». Mais on peut être « à jeun », « en fonctions » et complètement frapadingue en même temps.
ELLE ? Si vous suivez ce blog, reportez-vous à ma note du 3 mai dernier intitulée SAINTE RACHIDA SCHOLASTIQUE. Oui, c’est bien elle, RACHIDA DATI en personne. Celle de quelques lapsus mémorables. Et quand elle a prononcé la phrase citée ci-dessus, elle était « sinistre de la justice », elle-même sinistrée par ses soins. Vous me direz qu’en prenant ostensiblement parti pour les victimes, elle n’a fait que suivre la voie tracée par NICOLAS SARKOZY lorsqu’il était « sinistre de l’Intérieur ».
Bon, victime, je n’aime vraiment pas, mais alors pas du tout. Je sais par exemple et par expérience ce qu’on ressent quand la maison est cambriolée, vidée de tout un tas de choses qui, à force de constituer le décor quotidien, sans même parler de leur valeur, finissent par constituer une partie des personnes qui habitent là, et pour qui c’est aussi violent qu’une amputation. Pour les autres façons d’être victime, je ne peux qu’imaginer.
La loi française fait d’ailleurs une place à la victime. Cette place s’appelle « partie civile ». Et la partie civile peut être représentée au procès, quand il a lieu, bien sûr, c’est-à-dire quand l’auteur présumé des faits a été retrouvé et qu’il comparaît. Et si les faits ne peuvent évidemment pas être effacés sur l’ardoise, la victime, tout en restant victime, peut demander réparation du tort causé.
Mais alors, puisque la loi définit le statut de la victime et prévoit le dédommagement, la question qui me vient est : « Pourquoi NICOLAS SARKOZY fait-il du bruit autour du mot ? ». La réponse est trop facile : parce que, pour être élu, il faut attirer le plus grand nombre, et que le plus grand nombre ne sait pas trop ce qu’il y a déjà dans la loi. Cela porte un nom vieux comme la démocratie : démagogie. Il s’agit de flatter. Donc de caresser dans le bon sens le pelage du bon chien qui va bientôt voter.
Alors, pourquoi RACHIDA DATI, maintenant ? Disons que, à part le fait qu’elle a des talonnettes A LA FOIS aux chaussures et à la mâchoire supérieure, rien ne la différencie du patron. C’est « copie conforme ».
Réponse au prochain numéro.
20:37 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE, DANS LES JOURNAUX, UNE EPOQUE FORMIDABLE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rachida dati, nicolas sarkozy, victime, justice, société, littérature
lundi, 04 juillet 2011
LE DELIRE HUMANITAIRE
FIN DE LA CONCLUSION
Donc, les associations « humanitaires », très souvent rebaptisées du si joli titre d’O. N. G. (un gros euphémisme, un de plus, pour ne pas dire « Entreprises de Charité Privées ») sont à considérer comme des sparadraps sur les blessures du monde, qui les empêchent de saigner ou de suppurer de façon trop insupportable aux yeux, aux oreilles et aux narines de la planète « civilisée ». N'empêche qu'à Port-au-Prince, le caca des ONG a bel et bien ajouté au caca ambiant.
L’ « humanitaire » altruiste, c’est le décor peint sur un mince contreplaqué de théâtre, qui masque les cuisines et les coulisses où se concoctent pour de vrai les saloperies qui se commettent. Pendant que les caméras sont braquées sur les camps de réfugiés, on oublie de regarder les massacreurs et les profiteurs. Passez muscade.
L’humanitaire a toujours un raisonnement d’urgentiste débordé : « Si personne ne fait rien, qu’est-ce qu’ils vont devenir ? On ne peut rester sans rien faire. ». Et son cœur saigne, si possible en direct. Car il faut "sensibiliser", n'est-ce pas, cela n'a donc rien à voir avec une simple propagande. Mine de rien, au passage, le fait qu'aujourd'hui il y ait l'image a beaucoup fait pour l'explosion humanitaire de l'humanité.
L'humanitaire est un mélange paradoxal de chevalier blanc et de fataliste. D’un côté, Don Quichotte au secours de la veuve et de l’orphelin. De l’autre, le résigné qui accepte que le système qui organise le monde reste irrémédiablement aussi moche. S’il voulait vraiment, intimement, profondément changer quelque chose au système, même un tout petit quelque chose pour l’améliorer, il s’y prendrait autrement.
Il essaierait par exemple de construire un raisonnement politique. Non, son discours est exclusivement, désespérément moral. S’il était tant soit peu politique, il prendrait conscience qu’il n’est qu’une marionnette, un fantoche entre les mains des pouvoirs et que, par définition et par principe, il est INSTRUMENTALISÉ par ces pouvoirs. C’est ainsi, en toute naïveté coupable, qu’il façonne lui-même sa statue de Commandeur, de sonnette d’alarme, de lanceur d’alerte. Le rôle inattaquable par excellence. Le rôle intenable de la VERTU défendant l’OPPRIMÉ.
C’est ainsi que l’U. R. S. S. commençante, avec le tyran LENINE et ses successeurs, tissa chez les intellectuels d’Europe et d’Amérique des réseaux de sympathisants qui organisaient bénévolement des manifestations de « soutien » (de PROPAGANDE, évidemment). LENINE le cynique appelait ces gens des IDIOTS UTILES.
L’ « humanitaire » est l’ « idiot utile » au service des pouvoirs qui font tout pour garder le pouvoir. Et qui, en tout état de cause, n’ont strictement rien à redouter de leurs « idiots utiles ». Et qui peuvent même les remercier. L'humanitaire est un bon rideau de fumée, parce qu'il se place volontiers, de lui-même, au premier plan, face à la caméra.
Au reste, qui veut changer quoi que ce soit à la façon dont le système fonctionne ? Il n’y a qu’à regarder les suites de la crise financière de 2008, et surtout les suites de toutes les grandes déclarations des « politiques » (je pouffe !) sur la nécessité de mettre fin aux paradis fiscaux, aux délires de la finance mathématique, mondialisée et déconnectée de toute « économie réelle », pour se rendre compte que les forces des « politiques » (je me gausse !) ne sont rien comparées à celles, démesurées, de tous les appétits insatiables qui veulent se goinfrer sans limite de tout ce qui, sur la planète, se mesure et se compte sous forme de pouvoir et de richesses matérielles. Là les « politiques » (je m’esclaffe !) sont restés totalement IMPUISSANTS.
Il y aurait bien une solution pour changer quelque chose à la marche absurde du système vers la consommation (au sens propre : disparition) de la planète. Mais vous allez encore dire que c’est moi qui délire. Il faut un petit effort d’imagination.
Oui, imaginez que tout ce qui est « humanitaire », tout ce qui « vient au secours des populations », tout ce qui est « altruiste » et « généreux », et ça fait énormément de monde, dans ce monde qui dégouline d’ « humanitaire », tous, en même temps de cette minute à la prochaine, cessent brutalement d’intervenir, arrêtent d’un seul coup de « secourir ». Qu’est-ce qui se passe ?
Vous voyez le tableau : camps de réfugiés du Darfour, du nord Kivu, « banques alimentaires », « restaurants du cœur », « Médecins sans frontières », « Amnesty », associations qui installent des pompes à eau au Burkina Faso ou qui aident à la construction d’une école au Bénin, jusqu’aux Foyers de Notre-Dame des Sans abri : tout ça qui ferme la porte et avale la clé. Des dizaines, des centaines de millions de gens sur le carreau, voués à la mort, à la famine, à tout le Mal du monde.
C’est complètement impensable, n’est-ce pas ? Bien sûr. Je rêve. Mais en même temps, ça pose le problème, et le problème, il est principalement POLITIQUE (et là, je ne ris plus). Ben oui, quoi : on aurait là un excellent moyen de « réhabiliter » (mais pour de vrai, cette fois) le POLITIQUE. Car qu’est-ce qu’ils font, les « humanitaires » ?
Ils accomplissent exactement les tâches qui incombent en priorité aux Etats : s’occuper des populations. Ce faisant, ils agissent pour dépolitiser la vie collective : d'un côté l'action, de l'autre la politique, bien séparées. C'est bien sûr marcher sur la tête. Eh bien c'est l'illusion qu'ils entretiennent dans l'esprit de tous ceux qui donnent ou qui font (ah, cette obsession de faire quelque chose !). Eh bien pour une fois, qu’ils les mettent au défi de faire ce pour quoi ils existent ! Qu'ils les mettent au défi de prendre leurs responsabilités !
Si les « politiques » (pour de rire) voulaient redevenir efficaces et agir concrètement sur la réalité du monde, ils chasseraient tous les « humanitaires » du paysage, pour reprendre à leur charge tout ce qui est du ressort de la puissance publique, ce qui est de sa responsabilité. Mais je crains beaucoup qu’ils ne le veuillent en aucun cas. Pensez donc, c’est tellement plus facile, pratique, et surtout, ça coûte beaucoup moins cher au budget de l’Etat.
Tout simplement parce que les « associations humanitaires » sont des entreprises privées, financées par des fonds privés : tous les gens qui ouvrent leur porte-monnaie dans la rue quand ça quête ou chez soi quand Adriana fait campagne (contre la faim dans le monde, contre le paludisme, etc.). Et quand je dis « entreprises », certaines ont vraiment le même fonctionnement qu’une grosse PME, et ça va jusqu’à la multinationale. Et il y a des « bac + 5 » qui s’y font des « plans de carrière ».
Et l’ « humanitaire » surabonde, l’ « humanitaire » pullule, l’ « humanitaire » se reproduit comme la vermine parce que les Etats, donc les « politiques » (pour du beurre) se désengagent toujours plus par souci d’économies budgétaires. C’est exactement proportionnel : plus les Etats se désengagent, plus on est sûr de ne plus pouvoir faire trois pas sans tomber sur un « humanitaire ». Puis deux. Puis un seul. On sera assailli, encerclé.
Le tableau final de ce monde-là, c’est une vraie bouillie picturale, et une épouvantable caricature. D’un côté, une poignée de vraiment puissants (des tyrans, des milliardaires détenant les vrais leviers du pouvoir : on appelle ça l’ « oligarchie »). D’un autre, des « personnels politiques » (pour de faux) achetés par les premiers et chargés de faire diversion en faisant croire à la télévision et dans les journaux qu’ils ont la situation bien en main. Ça, c’est pour la partie « les criminels et leurs complices ».
D’un troisième côté, la matière humaine prête à se faire bouffer ou écraser par la machine conduite par la poignée de criminels : mettons quelques milliards d’individus. Enfin, le quatrième côté du tableau est composé des autres quelques milliards d’individus moins défavorisés que les précédents, et vivement invités, encouragés à « porter secours aux populations ». Ça, c’est pour la partie jetable de l’humanité.
« Camarade blogueur, là c’est toi qui délires. – J’espère que tu dis vrai. Mais dis-moi au moins quelque chose qui pourrait me faire changer d’avis, je t’en prie. »
17:16 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE, DANS LES JOURNAUX, UNE EPOQUE FORMIDABLE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ong, associations humanitaires, charité, altruisme, politique, société, littérature, idiot utile
mardi, 28 juin 2011
SI LE MARIAGE EST GAY, RIS DONC ! (4)
Par ailleurs, il y a un drôle d’abus de langage dans la réduction de la norme conjugale française (hétérosexuelle) à la simple sexualité. L’union d’un homme et d’une femme devant la loi ne se réduit pas au fait qu’il leur arrive de forniquer ensemble, même si SAN ANTONIO, assistant à un mariage, parle des « grimpettes légitimes » auxquelles les époux vont pouvoir se livrer.
La loi envisage l’annulation du mariage en cas de non-consommation. Mais la norme conjugale n’est pas réductible à la copulation avec la personne de l’autre sexe qu’on a épousée. Ce n’est certainement pas la sexualité des mariés qui définit leur statut au premier chef. Se marier est d'abord un acte de LEGITIMATION sociale.
Faisons une comparaison. Dans un café, chez un coiffeur, dans un commerce où ne se voit aucun signe distinctif, la clientèle, c’est tout le monde : jeunes et vieux, hommes et femmes, des bien et des mal habillés, des beaux et des laids, des hétérosexuels et des homosexuels, des riches et des pauvres, peut-être des pédophiles et des zoophiles. Mais personne n’en sait rien.
Ce qui distinguera l’établissement, c’est un panneau arc-en-ciel, quand il est apposé. J’appelle ça afficher sa sexualité en vitrine, ce dont la « Gay Pride » est une illustration flagrante. Vous trouvez ça « normal » d'afficher sa sexualité en vitrine ? Alors vous devez aussi trouver « normaux » les piscines réservées aux femmes une fois par semaine, les gynécologues hommes rejetés par les patientes (souvent par le mari, d’ailleurs) ou le voile intégral en pleine rue.
Bon, c’est vrai, on voit bien ce que recouvre cette revendication : la filiation. Bien sûr, que ça pose question. Mais là encore, mon cerveau mesquin ne comprend pas comment on peut se déclarer ouvertement homosexuel et réclamer un très hypothétique « droit à l’enfant » au nom même de l’homosexualité.
Encore une fois, c’est « le beurre et l’argent du beurre ». Je sais bien que nous vivons à l'époque du « tout est permis » et que grâce aux prouesses de la technique, « tout devient possible » (dixit M. SARKOZY), des in vitro, des gestations pour autrui et des façons joyeusement innovantes d’inséminer la femme. Il reste que biaiser avec la parentalité ne saurait être innocent et inoffensif.
Voyez l’état dans lequel arrive la famille aujourd’hui, et rien n’est fait pour que ça s’arrange. Couples divorcés, familles monoparentales, familles recomposées, fratries de demi-frères et de demi-sœurs, des beaux-pères et des belles-mères comme s’il en pleuvait, comment les gamins peuvent-ils s’y retrouver ?
Et qu’on ne me dise pas qu’ils s’y retrouvent très bien. On s’en sort peut-être, mais à coups de « conseillers » et de « psys » divers pour soigner les troubles qui en découlent. L’état actuel de la « famille » est un assez bon révélateur de la désagrégation progressive de la notion même d’arbre généalogique et de la déliquescence de l’atmosphère dans laquelle baigne le gamin.
Alors bon, oui, on peut encore ajouter du dissolvant dans l’eau du bain, et c'est sans doute ce qui arrivera tôt ou tard. Mais merci de ne pas essayer de me faire croire que c’est BIEN, et de ne pas accuser le législateur français de RETARD en la matière. Il ne refuse pas un PROGRÈS, comme certains osent le prétendre : il est comme un certain village qui « résiste encore et toujours à l’envahisseur ». Mais fi donc ! Les Gaulois n’étaient qu’un tas de vils REACTIONNAIRES ! Qu’ils crèvent ! C’est fait.
08:10 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE, DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : homosexualité, sexualité, mariage gay, littérature, homosexuels, gay pride, village gaulois, réactionnaire, famille recomposée, famille monoparentale
lundi, 27 juin 2011
PROFESSION MENTEUR (4)
Emmanuel Todd qui, à ma connaissance, n’a pas dit beaucoup de conneries jusqu'à maintenant, déplorait il y a quelque temps l’extrême médiocrité des personnels politiques occidentaux en général, et français en particulier. Par exemple, au moment de la crise des « subprimes » en 2008, les éditorialistes, ces klaxons enchaînés à l’actualité, ont claironné au grand retour du politique, à la reprise en main de l’économique par le politique, et je ne sais quelle autre fadaise. On allait voir ce qu'on allait voir, scrogneugneu !!!
Eh bien trois ans après, on voit : les financiers en train de finir de racler la Grèce jusqu’à l’os, les politiciens grecs passant sous leurs fourches caudines, et tous les politiciens européens courant pour monter dans la remorque tirée par le char des actuels maîtres du monde, j’ai nommé les marchés. La vérité sur les politiciens, en plus de leur médiocrité, c’est que ce sont dorénavant des impuissants.
Tous les discours masquant cette vérité sont des mensonges. Or, aucun politicard qui aspire au pouvoir (pléonasme) ne déclare qu'il sera complètement ligoté et qu'il ne pourra pas agir, parce que les obstacles sont infranchissables. S'il espère être élu, il a tout intérêt à faire croire qu'il fera quelque chose. Et ce ne sont pas les incantations à coups de « il faut » qui y changeront un iota.
Nicolas Sarkozy a beau jouer les fiers-à-bras en promettant d’aller « avec les dents » chercher le 1 % de croissance qui manque, on voit bien que la réalité n’est pas docile. « Un président qui en a et qui s’en sert », se vantait-il de façon tellement raffinée au moment de ses affaires conjugales et de sa « love story » avec Carla. A l’arrivée, ça donne quoi, le fier-à-bras ?
Dans ces conditions, je ne comprends pas que la politique puisse être considérée comme un métier, et même faire l’objet de plans de carrière (dont la trajectoire de Nicolas Sarkozy est l’exemple archétypal et la caricature), exactement comme les premiers de la classe qui font prépa, puis X-Mines-Ponts-HEC. Il y a en particulier quelque chose de proprement féodal dans l’établissement de dynasties de politiciens.
Il faut savoir : si la politique est un métier et que l’action politique repose sur la notion de compétence professionnelle, il n’y a plus de citoyens. Si la politique est un métier, il ne faut plus d'élections, mais un recrutement d'individus repérés par un bureau de chasseurs de têtes et par un directeur des ressources humaines. Si la politique est un métier, ceux qui parlent encore de démocratie au prétexte que des scrutins sont régulièrement organisés, eh bien ils mentent, c'est aussi simple que ça.
Ben oui quoi, être citoyen, ce n’est pas, tous les cinq ou six ans, « choisir ses représentants », et puis fermer sa gueule jusqu’à la prochaine élection. Il n'y a qu'à voir la façon dont les gouvernants s'assoient sans vergogne sur les protestations de rue ("ce n'est pas la rue qui gouverne") en prenant argument de leur (non, ne rions pas) "légitimité démocratique".
Etre citoyen, si le mot a encore un sens, c’est, d’abord et avant tout, être un acteur à part entière dans la vie de la cité (je rêve, je sais). Et ce n’est pas votre présence aux réunions d’un « comité de quartier » qui va vous rendre acteur : on discute du jour de ramassage des poubelles vertes (l’inénarrable « tri sélectif »), et autres sujets aussi graves. Tout juste les politicards consentent-ils à vous laisser ce strapontin au bout de la rangée.
Tant qu’il s’agit de serrer des mains pour draguer les suffrages, ça va. Mais c’est comme au restaurant : on n’entre pas facilement dans la cuisine. Il faut montrer patte blanche, je veux dire signer une acceptation de tous les codes, obligations et devoirs qu’on reconnaît avoir envers le « mentor » auquel on a choisi de prêter allégeance, en espérant que ce soit le cheval gagnant. Et jurer de ne jamais cracher dans la soupe. Et jurer de respecter la loi de l’omerta (exemple Juppé payant pour Chirac).
Si la politique est un métier, la population doit, et c’est ce qu’elle fait de plus en plus, refuser mettre son nez (son bulletin de vote) dans les affaires (l’urne) de l’entreprise, et laisser faire les « professionnels ». Mais en fait, il est faux de prétendre qu’on demande à un politicien d’être compétent comme un professionnel : ça c’est le rôle, précisément, des professionnels (personnels techniques, administratifs, juridiques, etc.). On demande (enfin, on devrait demander) au politicien, une fois éclairé par les professionnels compétents, de prendre la bonne décision. Point. Ce n’est pas un problème de compétence, mais de « vision », de « choix ».
Autrement dit, la population doit cesser de croire à ce mensonge : « C’est trop compliqué pour vous, laissez faire ceux qui savent. Faites-nous confiance ». Justement : non. Aucune confiance.
Mais le meilleur moyen de réhabiliter la politique, aujourd’hui tombée dans un état de délabrement tellement écœurant que c’en est écœurant, le meilleur moyen de m’inciter à voter à nouveau : que les élus soient tirés au sort. Les modalités seraient bien sûr à préciser : on ne peut guère imaginer 40.000.000 de candidats en France, c’est techniquement infaisable. Il faudrait creuser.
Mais je pose la question : « Pourquoi pas le tirage au sort pour la désignation de nos élus ? » Après tout, c’est bien le mode de désignation (tempéré) des citoyens qui deviennent juges le temps d’une session de Cour d’Assises. Pourquoi ce qui est obligatoire dans un cas (on ne peut se soustraire à son devoir de juré) resterait-il totalement impensable et interdit dans l’autre ?
« Voilà, maintenant j’ai posé mes conditions. J’attends. – Ben tu peux attendre longtemps, gros malin. – Je sais. »
09:14 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE, DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, société, littérature, nicolas sarkozy, emmanuel todd, politicien, citoyen
vendredi, 24 juin 2011
PROFESSION MENTEUR (2)
L’expression « langue de bois » avait sans doute trop servi : est-elle devenue obsolète pour autant ? La langue de bois, on sait, c'est la leçon que le politicard vient réciter plus ou moins bien, et débiter avec un air de conviction plus ou moins vraisemblable devant micros et caméras. En général, c'est très bien rodé. La langue de bois, c'est le mensonge-à-tout-faire, le mensonge-prêt-à-l'emploi, la leçon permanente de mensonge.
La différence, c’est qu’elle ne dépend pas des circonstances, forcément variables : tout politicien est conditionné, il l'a apprise par coeur, longuement, et il est prêt à la dégainer dès que se présente un micro ou une caméra. Il faut reconnaître d’ailleurs que certains sont passés maîtres dans l’art de la manier. Quand tu as pris ta carte du parti, que tu as vaillamment gravi les échelons pour arriver à une position « en vue » (au fait, comment elle a fait RACHIDA DATI ?), il convient que tu prennes conscience de tes devoirs, et surtout des restrictions qui vont avec.
C’est le vieux principe énoncé par HENRI LABORIT dans Eloge de la fuite : la hauteur de la position que tu conquiers t’est accordée en échange de l’adhésion à la structure qui te la confère, et de la force de légitimation que tu lui donnes. En clair : plus tu donnes de légitimité au parti (en démontrant tes aptitudes et compétences), plus le parti te le rendra en reconnaissance sociale. Et plus tu seras puissant (par exemple chef de « courant » au Parti Socialiste). Et plus ta bouche devra être close sur tout ce qui est à « ne pas dire ».
C’est pourquoi il faut cesser de voter. Je suis désormais un abstentionniste militant. J’ai personnellement cessé de voter après 2005 : vous vous rappelez ? Ce pavé que certains essayaient de vendre sous le nom de « traité constitutionnel » pour l’Europe. Je regrette même d’avoir cru que ça servirait à quelque chose, de voter « non ». Naïf, je me baladais même avec, épinglé à mon revers, le petit rectangle de plastique rouge frappé d’un très joli « non » au-dessous du sigle d’ATTAC. J’ai donc voté. Je m'en veux. Je n’avais pas encore compris. Enfin, je voulais encore y croire.
Car, quand NICOLAS SARKOZY a été élu, j’ai vu que j’avais eu tort. On n'a surtout pas demandé aux Français de revoter : le traité a été adopté entre gens « responsables », qui ont encore le culot de s’appeler les « représentants du peuple ». Les Hollandais ont revoté, et dans le « bon » sens, cette fois. Les Irlandais ont aussi revoté, me semble-t-il. Et tous ceux qui avaient dit « merde » à cette Europe-là l’ont eu dans le cul. Excusez-moi, je me laisse aller. En Italie aussi, les députés viennent de voter la confiance à BERLUSCONI, au mépris des deux condamnations populaires dont il vient d’être l’objet dans les urnes.
Le sinistre individu N. S. dont je viens de parler a fait campagne, en 2007, sur le thème « Je ne vous mentirai pas ; je ne vous trahirai pas ». Quand il a prononcé la première phrase, il avait déjà enfreint sa promesse. On a vu, là encore. Tant qu’il restera un bout de mur debout de ce qui s’appela naguère « la France », ce monsieur continuera infatigablement à conduire son TRACTOPELLE, qu’il ose appeler « REFORME », pour tout abattre et araser. Il ne restera rien de ce que quelques nostalgiques appellent « service public » (santé, éducation, justice, etc.). Et il ose, en plus, prétendre que ce n’est pas une trahison.
Quand je regarde vers la gauche, qu’est-ce que je vois ? Le dernier en date qui fut aux « responsabilités », comme on dit, était LIONEL JOSPIN. Ce triste sire, en cinq ans de « responsabilités », a davantage privatisé que ses prédécesseurs ALAIN JUPPÉ et EDOUARD BALLADUR réunis ! Si ce n’est pas trahir, cela ! Mais il a suivi l’exemple de FRANÇOIS MITTERRAND. Ce n’est pas une excuse pour autant.
Je ne parle pas de mademoiselle LE PEN, que je refuse d'appeler par son prénom, produit incompétent d’un marketing politique échevelé. Je ne parle pas du parti des marionnettes écologistes, qui va sans doute donner à l’invraisemblable NICOLAS HULOT le titre de « candidat vert » (comme mensonge, difficile de faire mieux). Je ne parle pas de JEAN-LUC MELANCHON, qui est enfin parvenu à ratiboiser ce qui restait du moignon du Parti Communiste. Je ne parle pas des divers trotzko-trotzkistes dont on voit encore de loin en loin éclater les bulles de gaz intestinaux à la surface du marigot médiatique.
Tous ces petits poissons bavards (un comble !) savent bien qu’ils ne seront jamais aux « responsabilités ». La raison pour laquelle ils bataillent, ce sont les « postes » qu’ils pourraient décrocher après avoir négocié avec les puissants la cession de leurs « parts de marché », je veux dire leur « score » aux élections. Ils ne sont certainement pas en train de combattre pour la réalisation de leurs idéaux. Chacun est dans sa cuisine à réchauffer son plat principal, les entrées et desserts étant sujets aux « variations saisonnières ». Et puis à essayer de caser sa marchandise sur le marché.
A suivre. Il y a encore quelques comptes à régler.
08:24 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE, DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, littérature, société, henri laborit, parti socialiste, ps, attac, nicolas sarkozy, lionel jospin, alain juppé, édouard balladur, françois mitterrand, le pen, nicolas hulot, jean-luc mélanchoon
dimanche, 29 mai 2011
TELEVISION : HITLER EN A RÊVE
EPISODE 1
Si l’on m’objecte que l’exemple est terriblement rebattu, je répondrai qu’il est excellent, et que c’est sans doute parce qu’il est excellent qu’il est, précisément, rebattu. Il s’agit du fameux « télécran » inventé en 1948 par George Orwell pour le monde fabuleux sur lequel règne Big Brother (lui aussi, tout le monde le connaît) : évidemment 1984. C’est l’écran quasi-magique qui fonctionne dans les deux sens : il retransmet les discours du chef bien-aimé, et il espionne les faits et gestes de la personne qui habite les lieux. Pour un roman d’anticipation, on peut dire que c’est réussi : exception faite de la séparation des deux fonctions (propagande et espionnage), d’une part dans la télévision, d’autre part dans la caméra de surveillance, tout le reste ou pas loin s’est réalisé, y compris la « novlangue » et la Police de la Pensée. Espionnage (donc sécurité) et propagande.
La seule vraie faiblesse du livre d’Orwell, c’est qu’il réserve le monde de 1984, exclusivement, aux régimes totalitaires, alors que les espaces où il s’est aujourd’hui épanoui et accompli s’intitulent pompeusement démocraties, comme j’essaie de le montrer. C’est dans les démocraties que s’est développée une industrie du divertissement qui passe pour une bonne part par la télévision. Et les démocraties ne sont pas épargnées par l’obsession de la sécurité : elles ont vu se multiplier les « mesures de sécurité », les « normes de sécurité ». C’est flagrant depuis le 11 septembre 2001, mais cela date de bien avant. L’industrie de la sécurité est une affaire qui marche (pas de grands magasins sans vigiles).
Moyennant quoi, l’individu n’a jamais été aussi libre de faire ce qu’il veut (ça c’est pour « démocratie »), mais je fais remarquer que, comme il veut les mêmes choses que tout le monde, il fait comme tout le monde : les gens se conduisent à peu près comme on attend qu’ils le fassent (mais attention, il ne faudrait surtout pas réduire ignoblement la liberté à la simple liberté de choix : même s’il y a d’innombrables marques, sortes et goûts de yaourts, ça reste des yaourts). La seule et vraie différence, c’est que ce résultat est obtenu sans violence physique, car ils adhèrent spontanément à ce monde, disant que, de toute façon, « ils n’ont rien à se reprocher », et que quand on est irréprochable, il n’y a pas de raison d’être choqué par les caméras de surveillance (le terrifiant « Souriez, vous êtes filmé. »). Pour ce qui est du divertissement ou des mœurs, à la question : « Pourquoi faites-vous ça ? », ils ont cette terrifiante réponse : « C’est mon choix ! ». Je ne suis pas le. C'est un système qui fonctionne d’une façon implacablement logique : sans la télévision et le divertissement, pas d’adhésion ; sans adhésion, pas de caméras de surveillance. Tout se tient.
Enfin, quand je dis « spontanément », je fais semblant. C’est là que la télévision, entre autres, dévoile une de ses fonctions principales. On sait qu’Adolf Hitler, en accédant au pouvoir en 1933, a créé aussitôt un Ministère de la Propagande, confié d’emblée à Joseph Goebbels. On sait que par là, il voulait développer la force de l’action de frapper les esprits, d’y pénétrer pour y introduire des idées, des images, des « valeurs » qui n’y étaient pas précédemment. Il voulait donner à cette action toute la dimension et toute la démesure dont il rêvait. Il fallait aussi que les esprits en question gardent l’impression que les idées qu’ils exprimaient ne germaient pas ailleurs qu’en eux-mêmes, et ne s’aperçoivent pas de l’intrusion. Exactement comme dans le film Maine-Océan, la scène nocturne où, pendant que le propriétaire de la maison dort profondément, quelques copains, qui ont un compte à régler, s’introduisent dans sa cuisine et vident consciencieusement son frigo et ses bouteilles en étouffant leur fou-rire.
J’ai déjà parlé d’Edward Bernays (le 16 mai), neveu de Freud, inventeur des « public relations », qui a su mettre à profit les concepts élaborés par son oncle, pour en tirer des préceptes « utiles ». Propaganda est paru en 1928 (éditions Zone, 12 euros). Comme le titre, le sous-titre est un aveu : « Comment manipuler l’opinion en démocratie ». Je ne résiste pas au plaisir de citer les deux premières phrases du bouquin : « La manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays » (c’est moi qui souligne). A déguster lentement, non ? Et ce n’est pas un nazi qui parle, mais un Américain, un conseiller des présidents. Je cite la 4ème de couverture : « Un document édifiant où l’on apprend que la propagande politique au 20ème siècle n’est pas née dans les régimes totalitaires, mais au cœur même de la démocratie libérale américaine ». Ce n’est pas moi qui le dis : vous m’auriez taxé de parti pris.
Goebbels n’a eu qu’à piller, et il ne s’en est pas privé, les théories de Bernays pour développer les activités de son ministère de la Propagande. Mais ces théories ont aussi inspiré les gouvernants des régimes démocratiques. Car partout, sur la planète, leur grand problème a été au 20ème siècle de répondre à la question : « Comment obtenir des masses qu’elles obéissent ? ». Deux types de régimes servent à ça : les autoritaires et les démocratiques. Terreur, police, délation d’un côté. Liberté, bonheur, consommation de l’autre. Dans l’un, le bâton. Dans l’autre la carotte. Mais ne croyez pas que la question qui se pose, par exemple, dans la Tunisie de Ben Ali ne se pose pas dans nos belles démocraties. Il s’agit toujours d’obtenir la soumission, mais en prenant, cette fois, la mouche avec du miel. Il faut bien que les trouvailles de tonton Freud servent à quelque chose ! La théorie psychanalytique pour éviter la Terreur, en quelque sorte ! Qu'en aurait pensé Robespierre en 1793 ?
Tout a été dit sur le thème « nazisme et propagande ». Toujours, évidemment, pour condamner sans appel l’entreprise de formatage des masses voulue par Hitler. Mais ils tiennent coûte que coûte à en faire un repoussoir. Pour ériger nos belles démocraties en contre-modèle. Le nazisme, ses horreurs, sa propagande fonctionnent en épouvantail absolu : les commentateurs, en général, mettent l’accent sur le fossé, l’abîme qui sépare notre système du sien. C’est sûr, il n’y a rien de commun entre les deux. Mais en est-on si sûr que ça ?
Car, en matière de manipulation des foules, les nazi (et sans doute aussi Staline, il faudrait voir, parce que l’histoire du « petit père des peuples », comme propagande, ce n’est pas mal non plus) ont bel et bien piqué les idées d’un Américain. Les idées de Bernays servent de base large et solide, aux Etats-Unis, à tout ce qu’on appelle la propagande (ou publicité), la « communication », la manipulation des foules. Quand on nous bassine avec l’idée que l’Europe copie les Etats-Unis avec dix ans de retard, il faudrait rétablir le lien, le « missing link » (le chaînon manquant), qui n’est autre que Goebbels et le nazisme, qu’on présente le plus souvent comme une exception historique, ce soi-disant fossé qui dresse un mur infranchissable (petit hommage en passant au maire de Champignac, et à Franquin, bien sûr) entre lui et nous : il y a bel et bien continuité. La seule rupture, énorme évidemment, ce sont la Shoah, les chambres à gaz, le système concentrationnaire, la terreur, etc. (l’U.R.S.S. de Staline n’est pas loin derrière pour ce qui est des « performances », si l’on peut parler ainsi, elle est même peut-être devant) : en gros, toutes les procédures d’élimination pure, simple, brutale. Pour ce qui est de la liberté de l’esprit (je ne parle pas de la liberté d’expression), cela demande un examen approfondi.
Les Etats-Unis étant une démocratie, il n’était pas question pour eux de recourir à la terreur pour faire marcher toute la population au même pas. Mais ils étaient face à un problème : par quel moyen arriver au même résultat ? Il fallait quand même faire marcher le pays, le faire prospérer, croître et embellir. Comment diriger 122.780.000 de personnes (on est en 1930), sans violence, mais en étant aussi efficace ? La grande habileté de l’Amérique a été d’utilise à outrance la connaissance du psychisme humain (Freud et ses continuateurs, Bernays et Lippmann) pour obtenir l'adhésion des masses.
Je renverrai toujours, à ce sujet, à l’essai de Beauvois et Joule sur la « soumission librement consentie » : Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens (quand les choses sont présentées habilement, l’individu, en régime de liberté, a tendance à se soumettre). Les auteurs, cependant, ne poussent pas au bout leur raisonnement dans ce qu’il a de critique : ils prennent le parti de l’optimisme libéral. Pour obtenir des masses qu’elles adhèrent, et même qu’elles désirent leur propre embrigadement, il suffit de perfectionner d’une part la connaissance de la psychologie des foules, d’autre part quelques techniques de communication bien venues.
A SUIVRE ...
20:30 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : george orwell, télévision, littérature, big brother, liberté, hitler, nazisme, goebbels, edward bernays, sigmund freud, propagande, manipulation des foules, obéissance, soumission
vendredi, 27 mai 2011
LA FRANCE RANCE EN RETARD
Nous en rebat-on les oreilles ! Puisqu’on vous dit que la France est en retard ! Enfin, il paraît ! Il semblerait ! Si l’on en croit la rumeur. Enfin, il y a beaucoup de gens qui l’affirment. Je ne vais pas me lancer dans la diatribe habituelle de Philippe Muray contre la consigne, mais il faut bien reconnaître que celle-ci est serinée avec constance par toutes sortes d’acteurs, enfin, toutes sortes de gens qui se déclarent, par exemple, « acteurs de leur propre vie », ou ce genre de niaiserie courante, qui coule comme un camembert en train de se faire la malle. « Avancez ! ». « Bougez ! ». Oui, il faut « faire avancer », « faire bouger ». Ainsi, ça n’arrête pas d’animer : la rue, la ville, que sais-je encore. Et attention à ceux qui refusent ou négligent d’entrer dans le « mouvement » : ils passent aussitôt pour « immobiles », « ringards », « archaïques », « passéistes », et ça ira même jusqu’à « réactionnaire », et il paraît que c’est très mal vu.
Il faut donc « bouger », sous peine d’accumuler les retards, qu’on se le dise. Nous y voilà. Personnellement, je me débrouille pour arriver à l'heure à mon rendez-vous chez le dentiste, même un peu en avance, jamais en retard. Sinon c’est la honte, le rouge au front, la fleur de lys gravée sur l’épaule au fer rouge, comme le galérien du doux temps des rois. Pourquoi la France accumule-t-elle autant de retards incalculables dans autant de domaines ? Beaucoup de gens n’ont que cette dénonciation à la bouche. A ce train-là, on n’est même pas dans le « peloton de queue », avec les coureurs « ringards » menacés par la voiture-balai. C’est beaucoup plus grave.
Si l’on ajoutait les uns aux autres tous les retards divers et variés colportés par les dénonceurs professionnels de retard, la France devrait en être restée, sinon à l’âge de pierre, en tout cas à une époque férocement « préhistorique » (se faire traiter de « préhistorique », c’est être publiquement marqué d’infamie) ; bon, à la rigueur au temps des pharaons (oui, je dis ça parce qu’on leur avait inventé la momification, évidemment). Haro sur celui qui refuse de « vivre avec son temps », en un temps où l’on vous ordonne d’ « avancer », de « bouger ». C’est même plus qu’une consigne, c’est un ordre. Si vous n’obéissez pas, vous serez puni : le déclassement, la relégation, le bannissement. Le bannissement de quoi ? Mais enfin, ça crève les yeux : de la modernité, la béate modernité, l’euphorique et toute-puissante modernité. Il est impératif de « monter dans le train » de la modernité. « Ne pas se laisser dépasser » (tiens, en passant, encore un joli chef d’accusation, « être dépassé »). Une telle unanimité chez les loups de la meute me laisse au moins perplexe, et me paraît même légèrement suspecte : ça mérite un petit examen, non ?
La mise en examen, ça fait un bon moment que je l’ai commencée. J’avais d’abord été frappé (je lis beaucoup la presse) par le nombre de journalistes qui consacraient leurs titres d’articles, voire leurs articles entiers, au thème de la France en retard, au point que ça a fini par m’apparaître, par l’accumoncellement (on disait ça, chez moi), comme une grille de lecture, je veux dire comme une façon de voir le monde : une orientation optique, en quelque sorte (l’œil braqué comme une boussole sur un « Nord » qui est tout sauf mallarméen ou célinien), ou la couleur du verre des lunettes avec lesquelles ils le regardent. Toujours le même angle de compréhension, toujours la même couleur du monde. Vous imaginez ça, vous, un monde monochrome ? Un monde unicolore ? Ils appellent ça la Franc e en retard, donc.
La mise en examen est favorisée aujourd’hui par le progrès technique : internet fait des miracles. Tapez donc « France en retard » sur le moteur de recherche qu’on appelle « gogol ». Apparaissent aussitôt les noms de quatorze millions trois cent mille sites (14.300.000) en 0,14 secondes. J’ai consulté les dix premières pages gogoliennes : sur les dix premières pages (cent sites), et en évitant, mais pas toujours, les répétitions de thèmes, j’ai dénombré quarante-cinq domaines où la France est en retard. Voici la liste, donnée dans l’ordre des pages (le gogol classe les sites dans l’ordre décroissant de leur succès auprès des internautes).
Les domaines dans lesquels la France accuse un retard sont donc, au palmarès, et dans l’ordre : la production d’énergies renouvelables, le discrimination raciale, l’économie numérique, le débat sur le nucléaire, la sécurité informatique, le télétravail, le 4G/LTE (les plus nouveaux téléphones, je crois savoir), la révolution libyenne, l’assurance santé chien (si si), le handicap, le taux d’accès à la formation professionnelle, l’imagerie par résonance magnétique (IRM), la condition des noirs, l’agriculture biologique, la fiscalité écologique, internet, les biotechnologies de santé, REACH (j’explique : enregistrement, évaluation, autorisation des produits chimiques), les quotidiens qu’on peut lire sur e-book, le système éducatif, la robotique industrielle, la lutte contre la violence faite aux femmes (curieux : 22ème position seulement, bien plus profond dans le classement si je relève tout, évidemment), le numérique à l’école, les droits des LGBT (j’explique : Lesbiennes Gays, Bi et Trans), le cloud computing (là, j’avoue que je n’ai pas cherché), la prévention de la dépendance, l’autisme, les forfaits mobiles low cost, la maladie coeliaque (?), les smartphones, la grippe A, la télévision, la fibre optique, la préparation de la retraite, le mariage gay, l’homophobie scolaire, les femtocells (sic ! C’est en rapport avec l’ordinateur, il paraît.), les médicaments génériques, l’éolien offshore, la maison de retraite « gay friendly », le traitement des déchets, le progrès incrémental (si si, mais ne me demandez pas), la libéralisation du courrier, l’accueil des étudiants chinois, le transport de fret, le handicap dans ses rapports avec la sexualité. Voilà, j’arrête. Je jure que tout cela est authentique, naturellement. D’ailleurs, tout le monde peut vérifier illico. Et arrêtez de vous taper sur les cuisses ! On est dans le sérieux, dans le grave, dans le lourd. On est prié de ne pas rire !
Et il y en a 14.300.000 comme ça ! Moi je rigole, mais on peut dire que là, ça rigole pas. Cela veut dire que la France est en RETARD dans quatorze millions trois cent mille domaines. Et on est encore vivants ? Comment est-ce possible ? La France est tellement en RETARD qu’elle devrait être morte depuis longtemps, vous ne croyez pas ? L’âge des cavernes, je vous dis ! Les momies, je vous dis ! La « patrie » des « droits de l’homme » (pardon, dans la novlangue, « homme » étant obscène, il faut dire « droits humains », ce qui change tout, bien sûr) ravalée au rang de ruine, à visiter sous la conduite d'un guide, éventuellement. Mais dans cet INVENTAIRE, il manque quelque chose, vous ne trouvez pas ? Mais si, voyons : un RATON LAVEUR (je n’aime pas Prévert, mais là, je suis obligé) !
D’abord, déclarer : « La France est en RETARD », ça ne veut rien dire, dit comme ça. On parle de RETARD « par rapport à un moment fixé ou prévu » (Le Robert) : c’est celui qui se produit quand vous finissez pas vous dire : « Elle m’a posé un lapin, ma parole ! ». Donc un retard, c’est obligatoirement PAR RAPPORT à quelqu’un, à quelque chose. Le Robert donne une clé, tout à la fin de l’article (sens 4) : « (Mil. XIX°). Etat, situation d’une personne qui est moins avancée que les autres dans un développement, un progrès ». Première remarque : tous les éclopés du cerveau et de la grammaire qui affirment doctement que « la France est en RETARD » devraient être sommés de dire par rapport à quel(s) autre(s) pays. Deuxième remarque : une telle formule, si je me fie au Robert, entraîne ipso facto que le domaine dont on parle est dans un état de PROGRÈS incontestable, ailleurs dans le monde.
D’abord sur la première remarque : on est, de toute évidence, dans une COMPETITION. On parle de retard, par exemple, dans la piscine olympique, où Alain Bernard a pris un retard de douze centièmes de seconde sur Frédéric Bousquet. Sur la « Verte » des Houches ou celle du Lauberhorn. Sur l’anneau du « Nürburgring ». Dans la « transat » en double. Le point commun ? Il s’agit de COURSES. J’en conclus que, dans la tête de ceux qui profèrent l’ânerie « la France est en RETARD », flotte la certitude poisseuse, sans même avoir besoin de l'expliciter, que la course est légitime, que la compétition est nécessaire, que la guerre de tous contre tous (individus ou groupes) est un principe non seulement valable, mais une valeur désirable, absolue et universelle, et qu’ils sont amers, parce que la France ne fait pas, comme on dit, « la course en tête ». Et ils sont tous à guetter les trouvailles des uns, les innovations des autres. Je crains que, dans leur obsession, ils oublient quelque chose de plus important, et finissent un jour par entonner le refrain de JOHNNY HALLIDAY : « J’ai oublié de vivre, j’ai oublié de vivre ». Les pays du monde sont tous lancés dans une immense course, permanente, et surtout effrayante, parce qu’il n’y a PAS DE LIGNE D’ARRIVÉE. C’est jusqu’à la fin des temps ! Vous n’avez pas fini d’en baver !
Maintenant sur la deuxième remarque : si on y réfléchit bien, qu’est-ce qu’un « progrès » ? Et surtout : est-ce vraiment un progrès ? Si oui : en quoi est-ce un progrès, s’il vous plaît ? Allez-y, on vous laisse le temps pour trouver des arguments. Prouvez-le, que c’est un progrès. Tiens, au hasard : « l’assurance santé chien ». D’abord, je ne savais pas qu’il y avait une course mondiale à « l’assurance santé chien ». Ensuite, je cherche, et franchement, j’ai du mal à me dire autre chose que : « Tiens, les assureurs ont trouvé un nouveau moyen de racketter le pauvre monde, en dénichant ce "marché de niche" (si j’ose dire : oui, c’était facile ! ». A propos de la télévision (autre domaine), je ne vois ni la course, ni le progrès. Pour un certain nombre, il est facile de voir que le problème est surtout lié au développement et à la recherche de nouveaux marchés : éolien offshore, IRM, 4G/LTE, etc. On entend surtout l’attente anxieuse et empressée de la caisse enregistreuse qui espère des « retombées fructueuses » comme « retour sur investissement ». Pour tous les autres domaines cités ci-dessus, j'aimerais bien qu'on m'en fournisse, des arguments, et des arguments qui soient fondés sur autre chose que la simple proclamation des droits des individus. Je ne conteste à personne quelque droit que ce soit : je me contente de m'interroger sur la frénésie de certains à proclamer ces droits, et surtout à vouloir les inscrire dans des LOIS (ou : "de la défense des droits à la réécriture du DROIT").
Bref : on pourrait passer en revue les quarante-cinq articles ci-dessus de cette « grande charte de la compétition mondiale et du progrès obligatoire », on aboutirait à la même conclusion : « la France a du RETARD » est un expression nulle (mais malheureusement pas non avenue). Sous le couvert de cette expression, deux grands idéaux se présentent aujourd'hui à l'humanité comme but ultime, comme religion, comme GRAAL, et se partagent le bleu de notre ciel redoutable : la COMPETITION considérée comme le prototype ultime des relations entre les hommes ; l'INNOVATION, promue au rang de divinité, de salut, d'absolu, de rédemption. Notre novlangue est un filon riche en de telles pépites. Tout cela est donc du vent, du vent qui passe, du vent qui tourne. Sans consistance. Cela valait le coup de s’arrêter cinq minutes, vous ne trouvez pas ? Je terminerai sur le discours des "politiques", qui embouchent plus souvent qu'à leur tour les trompettes de cette renommée pitoyable et nauséeuse. Vous les entendez assez pour que je n'aie pas besoin d'insister : vous savez, avant même qu'ils aient ouvert la bouche pour claironner et klaxonner, qu'il ne sortira de cet orifice rien d'autre que du VENT.
20:04 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vocabulaire, langue, littérature
jeudi, 26 mai 2011
HITLER AUJOURD'HUI ?
DE L’EUGENISME EN DEMOCRATIE « AUGMENTEE »
Tout d’abord, je signale aux lecteurs de ce blog que la présente note prolonge celle du 12 mai, intitulée « Eugénisme : HITLER a gagné ». En fait, ceci est un simple codicille, dont l’actualité me fournit le prétexte. Bon, c’est vrai que ce numéro du Monde date déjà du 25 (hier, au moment où j’écris : ça commence à se faire vieux). C’est au bas de la page 11. C’est intitulé « Alarmiste face au projet de loi de bioéthique, l’Eglise catholique dénonce un recul de civilisation » (en gras, les mots placés entre guillemets dans l’article). C’est signé Stéphanie Le Bars (est-elle la famille d'Hugues Le Bars, qui a habillé de musique des paroles de IONESCO : « Eh bien, Monsieur, Madame, Mademoiselle, je suis bien fatigué, et je voudrais bien me reposer » ? Morceau étonnant.). Le nom sonne breton.
Monseigneur Vingt-Trois (il paraît que la réserve des noms de famille en France est en train de se vider, mais avec un nom pareil, on s’est surpassé, presque autant que les Chevassus-à-l’Antoine ou Chevassus-au-Louis (authentique évidemment)), Monseigneur Vingt-Trois, disais-je, vient donc de réagir à un projet de loi. Déjà, on sent de quel côté penche Le Monde : « Alarmiste », ça pointe déjà quelqu’un qui crierait avant d’avoir été touché. En gros, « alarmiste », c’est juste avant la pathologie. L’article aborde d’entrée la tentative de « lobbying politique » de l’Eglise. Et ça continue avec : « Quitte parfois à forcer le trait ». On voudrait faire sentir que cet individu à nom de nombre a tendance à exagérer, on ne s’y prendrait pas autrement.
Qu’est-ce qu’il dit, l’archevêque de Paris ? D’abord la citation de ses propos mise en gros caractères au milieu de l’article : « On ne peut pas dire : "Les handicapés, on les aime bien, pourvu qu’ils ne viennent pas au monde" ». Voilà pour la référence à ma note du 12 mai (pour ça que je passe sur les détails du projet de loi, qui feraient ici double emploi). Le reste ? « Eugénisme d’Etat », « instrumentalisation de l’être humain ». La loi discutée à partir du 24 mai constitue « un recul de civilisation », et « une certaine conception de l’être humain serait très gravement compromise ». Qu’est-ce que je dis d’autre, le 12 mai ? Le président de la Conférence des évêques de France s’inquiète de « la systématisation juridique du diagnostic prénatal ». Il s’interroge : « Les faibles, les vulnérables auront-ils encore leur place dans notre société ? ». Il dénonce un « paradoxe », dans « cette instrumentalisation de l’être humain au moment où la Commission européenne travaille à la protection des embryons animaux ».
Rapidement : diagnostic prénatal (qui va évidemment de pair avec le remarquable avortement thérapeutique), recherche sur les cellules souches embryonnaires, extension à tous les couples de la P. M. A. (procréation médicalement assistée, dans la langue de bois officielle), proposition défendue pas les associations de défense des familles homoparentales : voilà des aspects de la loi abordés par le prélat. La journaliste écrit ensuite (en son nom propre, donc) : « En creux, le cardinal a salué le travail des députés catholiques et de la Droite républicaine, qui n’ont pas ménagé leurs efforts pour défendre les idées de l’Eglise sur ces questions ». Ben voilà, il fallait que ce fût dit : Monseigneur Vingt-Trois est un sale vieux RÉAC. Mine de rien, voilà comment s’exerce la sacro-sainte neutralité d’une journaliste du « journal de référence » Le Monde. Mine de rien, il s’agit, à dose homéopathique, d’amener le lecteur à ranger l’Eglise dans le camp des vilains : les « réactionnaires », Le Monde étant bien entendu dans celui du Bien. Personnellement, je parlerais plutôt du camp des « bien-pensants » (au sens de Bernanos). Et "en creux", j'avoue que c'est à savourer longuement.
Je ne suis pas catholique. Je ne suis ni croyant, ni incroyant. Pour parler franc : je m’en fous. Mais, suite à la petite analyse que je proposais le 12 mai, je ne peux que confirmer ma conclusion : HITLER, qui a voulu promouvoir l’eugénisme au rang de politique d’Etat, a bel et bien GAGNÉ. L’Eglise, quoi qu’elle dise, a d’ores et déjà subi une défaite. L’atmosphère est au consentement général (ou à l’indifférence). Et ça se passe sous la pression de groupes minoritaires, qui réclament des « droits », « à égalité avec les autres citoyens ». Comme si ces groupes étaient composés d’autres individus que des citoyens !
Est-ce que ce projet de loi est bon ou mauvais ? Je ne sais pas. Ce que j’observe, de nouveau, c’est qu’il adopte de façon fervente et militante des principes qu’avait commencé à mettre en œuvre quelqu’un dont il suffit de citer le nom pour faire naître dans l’oreille qui l’entend un écho immédiat du MAL ABSOLU. C’est évidemment ADOLF HITLER. Et dès lors, je m’interroge : sommes-nous sûrs, dans cette société dépourvue d’autre ennemi que l’infâme terrorisme ; somme-nous sûrs, dans ce monde qui a définitivement versé dans le camp du BIEN, qui a, en quelque sorte, « basculé du côté LUMINEUX de la Force » ; sommes-nous absolument sûrs d’avoir choisi le parti de l’humanité ? Monseigneur Vingt-Trois, qu’il soit catho, je m’en tape : son inquiétude devrait être celle de TOUS.
Qu'y a-t-il de faux dans la phrase : « Les handicapés, on les aime bien, pourvu qu'ils ne viennent pas au monde. » ? Et qu'est-ce que ça a de RASSURANT, je vous prie ?
Le corps d'ADOLF HITLER est certainement mort. Mais ses idées ? Son PROGRAMME ? "Rassurez-vous" : tout ça est en cours d'exécution.
Le Meilleur des mondes est parmi nous.
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L'IMPOSTURE ECONOMISTE
Dans le zoo fou qu’est devenue la planète, l’économiste occupe une pace de choix. Que dis-je : l'animal tient le haut du pavé du centre de l'échiquier. Comme ils disent eux-mêmes, ils sont « incontournables ». Ce sont, disent-ils, des « spécialistes ». Leur spécialité, c’est l’économie. Une « science », paraît-il. Drôle de science quand même. La science, on sait ce que c’est, le Grand Robert le dit : « connaissance exacte et approfondie ». « Exacte » ? Alors l’économie N’EST PAS UNE SCIENCE. Qu’il y ait des invariants, c’est certain : plus on fabrique de la monnaie, plus les prix augmentent ; quand on détient un monopole, on s’enrichit plus que quand la vraie concurrence fait rage ; etc. J'ai quelques notions quand même, faut pas croire. Mais un des caractères infaillibles qui définit une science, c’est qu’elle est capable de PREDIRE les phénomènes (si tu es à 0 mètre, et si tu mets de l'eau sur du feu, elle bouillira à cent degrés Celsius, par exemple).
Ça crève donc les yeux : l’économie n’est considérée comme une science que par un abus de langage, un mensonge soigneusement entretenu par la corporation des économistes. Drôle de corporation, à vrai dire. Il se trouve que j’écoute de temps en temps l’émission du samedi matin à 8 heures sur France Culture, intitulée « L’Economie en questions ». Ils sont quatre ou cinq, ils sont appelés des « experts », ils discutent de deux sujets principaux. Et s’il y a un invariant, il est ici. Pendant une quarantaine de minutes, ces « experts », tous très savants, c’est certain, débattent. Oui, parfaitement : il DEBATTENT. C'est précisément là qu'est l'os. ILS DEBATTENT. Suivant les sujets, il leur arrive même de s’engueuler. Voilà l’abus de langage : ces « experts » dans la « science économique », ils sont rarement d’accord, d’une part sur l’analyse à faire d’un phénomène, d’autre part sur les solutions à apporter aux problèmes et les perspectives. Si c'était une science, il n'y aurait pas de débats aussi vifs (et ce ne sont pas les vitupérations du bibendum plein de suffisance arrogante CLAUDE ALLEGRE qui peuvent me convaincre du contraire). Ecoutez un peu, un jour où vous n'avez rien de mieux à faire, ça devient toujours assez drôle, quand ce n’est pas franchement burlesque, quand ces grands spécialistes attaquent la partie « IL FAUT » du débat.
NOURIEL ROUBINI, cet économiste américain d’origine iranienne, s’est terriblement singularisé, début 2008, en prédisant la catastrophe des prêts hypothécaires aux Etats-Unis (« subprimes »). Tous ses collègues l'appelaient Cassandre : à présent, c'est plus un Cassandre, c'est un grand savant. Combien sont-ils dans le monde ? En France, on connaît maintenant PAUL JORION (l’homme au blog), qui avait aussi prévu la crise de 2008. Il prédisait hier la désintégration de l’Europe. Faut-il espérer qu’il se trompe ? De tels économistes, il doit y en avoir quelques autres dans le monde. Mais ils sont l’exception : dans l’ensemble, la profession se trompe régulièrement, incapable de seulement anticiper les événements. Or la profession, ce sont les « experts », et les « experts », ils sont où ? Ils enseignent l’économie, pardi. Ils forment de futurs économistes. Certains deviendront profs à leur tour, et la boucle est bouclée. C’est comme le poisson rouge dans son bocal : il tourne en rond. On serait dans les biotechnologies, on appellerait ça le « clonage ». On n’est pas près d’en sortir.
Je ne m’attarderai pas sur la folie furieuse de l’économie financière, sur la dictature des marchés et des « agences de notation », sur la récente et la peut-être future catastrophe. Je ne suis pas « expert », moi. Je me contente de regarder (et de subir, comme tout un chacun) la voracité de ce tout petit monde qui fait la loi au reste du monde. Je m’intéresse quand même à son fonctionnement, après tout, je suis concerné. J’ai donc mon mot à dire. Des gens plus qualifiés s’y intéressent aussi. ALBERT JACQUARD : J’Accuse l’économie triomphante ; VIVIANE FORRESTER : L’Horreur économique ; EMMANUEL TODD : Illusion économique ; et j’ajoute, pour faire bonne mesure, l’économiste JOHN KENNETH GALBRAITH : Les Mensonges de l’économie. Il n’a pas été Prix Nobel d’économie, celui-là ? Sauf qu’en fait de Prix Nobel (c’est-à-dire ceux fondés par ALFRED NOBEL en personne), il y en a CINQ et pas un de plus : médecine, chimie, physique, paix, littérature. Prix Nobel d’économie : inconnu au bataillon ! Oui, il existe un Prix d’économie, décerné (depuis 1968 ?), par la Banque de Suède, que les journalistes traduisent (faut-il qu’ils soient paresseux !) Prix Nobel. Là encore, donc, un simple ABUS DE LANGAGE. L'économie est bourrée d'abus de langage.
Bref, les quatre auteurs ci-dessus (dont un Prix « Nobel » donc) s’en prennent à l’économie en tant que telle. Todd, par exemple, parle en 1998 du « projet d’une impossible monnaie européenne » (c’est moi qui souligne). Lui aussi, il croit que l'Europe va se désintégrer ? Peut-on parler d’économie quand on n’est pas un « expert » ? La réponse est définitivement OUI ! C’est comme en psychanalyse, où vous avez JACQUES LACAN d’un côté, et de l’autre des gens comme DIDIER ANZIEU. L’un jargonne à qui mieux-mieux, et ça intimide, et ça impressionne les gogos. L’autre explique des choses complexes dans une langue claire qui cherche avant tout à être comprise. La plupart des économistes jargonnent, avec l’intention bien arrêtée de maintenir le profane hors du cercle des initiés. Mais tous ces gens, finalement, n’ont aucune certitude, mais aussi aucun compte à rendre (mais quel responsable, aujourd’hui a des comptes à rendre ?). Ils peuvent, crise après crise, continuer à SE TROMPER (soyons indulgents : en CHANGEANT D'ERREUR à chaque fois, en adoptant une erreur différente, parce que nous, on a oublié la précédente, et c'est bien, parce que, comme ça, tout le monde croit ce qu'ils disent A PRESENT) dans les mêmes médias : voyez le petit ALAIN MINC qui, en tant que « consultant » (ça veut dire « expert » je suppose) grassement rétribué, continue à « conseiller » les puissants.
Moi, ce que je comprends, dans les diverses (et opposées) théories économiques, c’est que le fait même qu’il y ait des théories économiques est en soi une IMPOSTURE. (Je ne reviens pas sur celle que constitue le mot « science ».) Parlons de DOCTRINE, ce sera plus honnête. Le mot « théorie » est fait pour impressionner, rien de plus. En fait, ce que ne disent pas les « experts », c’est que dans leurs « théories », il y a moins d’ ECONOMIE que de POLITIQUE. Les fantoches « politiques » (vous direz que j’abuse des guillemets, mais il les faut) qui défilent sur les écrans et dans les journaux sont précisément cela : des FANTOCHES. Ils nous font croire qu’ils font de la politique, alors que la politique, elle se fait aux derniers étages des GOLDMAN SACHS et autres multinationales, elle se fait dans ces merveilleux endroits répartis sur toute la planète, monde sur lequel l’argent ne se couche jamais (bien content de ma formule). On appelle ça les « bourses » (c’est cruel pour les mâles, mais il est vrai qu’une bourse, ça se remplit et ça se vide : pardon. Il y a bien dans ma belle ville une rue Vide-bourse !).
Sarkozy et ses complices du G 8 font semblant d’être des acteurs, d’avoir du pouvoir, pire : ils nous font croire qu’ils savent ce qu’il font, et qu’ils feront ce qu’ils disent. En réalité, ils courent derrière, en essayant de nous convaincre que « la politique a repris le dessus », et qu’ils sont les meneurs de cet Amoco Cadiz. C’est à cette tâche constante (marteler, bourrer le crâne) que se consacre l’industrie télévisuelle et une bonne part de la presse papier (presse-papier ?). Quand, le soir même de son élection, NICOLAS SARKOZY va passer la soirée au désormais célèbre Fouquet’s, ce n’est pas parce qu’il est ami de quelques milliardaires. Il n’est pas le chef, ce soir-là : il est le LARBIN. Les gars autour de la table, disent : « C’est bien que tu sois élu. Maintenant, tu vas pouvoir faire NOTRE POLITIQUE ». Dites-moi si je me trompe : est-ce que ce n’est pas comme ça que ça s’est passé effectivement ?
Allez : la vie est belle et c’est tant mieux (il faudra que je trouve une formule plus personnelle. « Et c’est ainsi qu’Allah est grand », par exemple. Ah mais je m’aperçois qu’ALEXANDRE VIALATTE me l’a ôtée de la bouche, il y a déjà quelques décennies).
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mercredi, 25 mai 2011
MANIFESTE DES ALEXIPHARMAQUES
Il intrigue, n’est-ce pas, l’intitulé de ce blog. J’imagine que, parmi les quelques lecteurs qui visitent ce blog, ils sont quelques aussi à se demander ce que peut bien vouloir dire « alexipharmaque ». Qu’est-ce que c’est, ce snob qui joue à l’érudit ? Eh bien, je le dis avec franchise, avec force, et même, disons-le, avec conviction : la question est légitime. Pour y répondre, permettez-moi de faire un peu d’archéologie et d’étymologie.
D’abord un peu d’archéologie : le 30 mars 2011, j’ai publié ici même une courte note, agrémentée de quelques photos (il y avait quelques monuments aux morts d’après la guerre de 1914-1918, quelques couvertures d’albums de bandes dessinées, et pour, en quelque sorte, servir de jambon-beurre entre ces deux tranches de pain sec, quelques Carla Bruni photographiée artistement dans le plus simple appareil. Les photos sont bien, la femme, je n’en sais rien.). Cette courte note renvoyait, en lui tressant des couronnes de laurier évidemment, au blog que j’avais inauguré en 2007, puis suspendu en 2008.
Pourquoi l’avais-je alors intitulé « contrepoison », orthographié Kontrepwazon ? J’avoue que j’ai un peu oublié les raisons du choix à l’époque. Mais il y avait sûrement un germe d’esprit de contradiction, de contre-courant, de contre-offensive, de contre-ce que vous voulez. J’y parlais de divers sujets, après avoir commencé sur ce que j’avais appelé Monumorts (voir ci-dessus).
J’ignorais, avant d’ouvrir le présent blog, jusqu’à l’existence du mot « alexipharmaque ». Mais quand s’est profilée l’ouverture dudit présent blog, sur le même présent site, il m’a fallu lui donner une appellation. Comme je n’avais pas été mécontent de la précédente, mais comme je ne pouvais plus accéder à mon propre blog, ayant égaré les clés d’entrée, j’ai été obligé de fouiller dans la véritable malle au trésor que constitue le livre inépuisable d’ Henri Bertaud du Chazeau (Gallimard, collection Quarto, 1853 pages utiles). C’est un Dictionnaire de synonymes et mots de sens voisin.
Dix-sept ans de loyaux services (ajouté le 13 mars 2020).
Vous voulez qu’on parle franchement ? Eh bien, je n’ai jamais vu mieux. Et je m’y connais, en dictionnaires. Le « nec plus ultra ». Alors vous allez voir à « contrepoison », et vous tombez sur le premier synonyme : Alexipharmaque. Vous avez maintenant la clé étymologique de la cuisine. « Alexis », celui qui protège. « Pharmaque », la substance qui empoisonne (un conseil : méfiez-vous du pharmacien).
Oui, me direz-vous, mais pourquoi « contrepoison » ? Là encore, cher lecteur bénévole, la question n’est rien d’autre que légitime. Et je tâche de répondre dare-dare à la question légitime. On va dire que ça fait du temps que je pratique ce vice qu’on appelle « impuni » : la lecture. Des livres, évidemment. Essentiellement. Mais aussi la presse : j’ai passé pas mal de temps et d’argent dans la lecture de toutes sortes de journaux et de revues diverses (j’ai collectionné les revues les plus bizarroïdes, comme l’improbable Géranonymo, le minuscule Surprise, et tant d’autres. Je me rappelle un fanzine, Nyarlathotep, un tout petit machin bricolé par Michallet, un camarade de fac qui avait donné un temps dans les thèses situationnistes, mais qui avait tout de même réussi à soutirer pour sa couverture, un dessin à un inconnu, qui s’appelait Giraud, célèbre aujourd’hui aussi sous les noms de Gir et de Moebius).
Le problème de la presse, des journaux, des revues, ce qu’on appelle « médias de masse », c’est que tout ça finit par donner de notre monde, le monde réel, une drôle d’image. A quoi s’est ajoutée, au fil du temps, une sale contamination du langage. Les Etats-Unis, entre autres virus, nous ont infectés avec celui qui atteint le monde entier : le virus épouvantable du politiquement correct. L’époque s’est convertie (je ne vois pas d’autre mot) à l’euphémisme (vous savez : « Côtes d’Armor » au lieu de « Côtes du Nord », « Alpes de Haute Provence » au lieu de « Basses Alpes », « non voyant » au lieu d’ « aveugle », et « personne à mobilité réduite » au lieu d’ « infirme »). Guy Bedos ajoute avec justesse « non comprenant » au lieu de « con ». Je crois que tout le monde connaît déjà « technicien de surface », « gardienne d’immeuble », « hôtesse de caisse »). J’arrête là. Je ne sais pas vous, mais moi, j’ai du mal à supporter. Je renvoie, en passant, aux livres de Viktor Klemperer et Eric Hazan (voir ma note du 28 avril, sur LTI et LQR).
Tout le monde s’y est mis. Les journalistes, évidemment, comme ils sont les plus exposés aux poursuites pénales, ont été obligés de s’y mettre. Les hommes politiques n’ont pas tardé à emboîter le pas : ça ne vous irrite pas les gencives au plus haut point, quand Martine Aubry annonce qu’elle veut « répondre aux attentes légitimes des Françaises et des Français » ? Delanoë qui parle des « Parisiennes et des Parisiens » ? (Heureusement, il y a le lapsus politique (Rachida Dati, et tout dernièrement Nicolas Sarkozy en personne, à son "e-G8", où il a parlé des "internôtres".) C’est comme un catéchisme appris par cœur et tellement entré dans les neurones et dans l’air ambiant, et qui ressort comme ça, spontanément, comme un réflexe de Pavlov. Ce bréviaire dont on nous rebat les oreilles, et récité avec tant de sérieux par tous ceux qui s’expriment par écrit ou par oral dans les médias, ça finit par tisser une toile d’araignée, un filet qui se resserre sur les mouches qui s’y laissent prendre, je veux dire les lecteurs de journaux, les auditeurs de la radio, les spectateurs de la télévision.
Nous bouffons de la novlangue (1984 d’Orwell), nous sommes abreuvés jusqu’à plus soif de « politiquement correct ». Le présent blog se propose, bien modestement et entre autres sujets, de commenter, d’analyser quelques-uns des insupportables du vocabulaire ambiant, de la « pensée » ambiante (si tant est qu’il s’agisse encore de pensée), de la défaite ambiante de la pensée (j’emprunte au titre de Alain Finkielkraut). Tout ça se passait, aux Etats-Unis, sous l’influence de groupes qui ont fini par acquérir un pouvoir de nuisance, et qu’on appelle les minorités : les « personnes contrariées dans leur croissance verticale » (= les nains), la fabuleuse « minorité » (???) constituée par la moitié de la population (les femmes, tout le monde a compris), les « Africains-Américains » (il paraît que c’est comme ça qu’on dit pour « noirs »), les diverses « minorités sexuelles » (L. G. B. T. est un sigle qui s’est dorénavant imposé, aux premiers rangs desquels les « gays » (il ne faut plus dire « homosexuels », sous peine de …).
Et tout ce beau monde s’est mis à revendiquer ses « droits », à militer pour l’ « égalité », à lutter contre la domination du mâle, contre l’hégémonie du blanc (là, il faut dire qu’il y a quelques raisons), contre la dictature hétérosexuelle, etc. Coalisées, les minorités sont devenues une sorte de majorité. Leur lent travail de sape des libertés générales a fini par payer : le statut de victime (voir ma note précédente) s’est vu ériger une statue (la plus récente étant la nommée Nafissatou Diallo, qui n’est pas une victime de Dominique Strauss-Kahn, mais une plaignante, jusqu’au prononcé du jugement) ; les geôles les plus infâmes, les culs-de-basse-fosse les plus putrides, bientôt les bûchers, au moins médiatiques, sont promis aux êtres infernaux qui « portent atteinte aux droits des minorités », qui oseraient ironiser à propos des handicapés, qui auraient l’infernal culot de se rendre coupables de « sexisme », accusation bientôt confondue avec celle de « racisme » (on croit faire un cauchemar, mais c’est bien réel). Au nom du « respect des différences » et « de l’exigence de « tolérance », nous entrons dans une société de l’intolérance. Les accusateurs publics potentiels sont maintenant légion.
Un exemple gratiné : oser parler de « différence sexuelle » entre hommes et femmes, eh bien, c’est épouvantablement réactionnaire, c’est à remballer dans les catégories de l’humanité cavernicole. C’est une grave atteinte aux « droits des minorités ». Depuis la grande prêtresse Judith Butler et la fondation des études sur le « genre », on a découvert que l’humanité, depuis l’aube des temps avait tout faux. Il faut que ça se sache : le sexe ne repose sur rien de biologique, le sexe est une « construction culturelle » élaborée dans l’unique but de réprimer « les désirs légitimes des Américaines et des Américains », « leur droit légitime au choix d'une orientation sexuelle», et à « l'interdiction de la discrimination à leur égard ». Au fait, comment elle s'appelle, la femme entendue hier sur France Culture qui parlait de « la participation des femmes au montages de la scène érotique » ? De « l'hétérosocialité ludique » (qui traduit sans doute une entreprise de séduction entre homme et femme) ?
Comprenons-nous bien : il est hors de question de revenir à quelque criminalisation que ce soit. Mais j'en suis venu à me demander si l'on n'assiste pas aujourd'hui à l'irruption d'un criminalisation à l'envers. Et cela se passe pour beaucoup dans le langage, avec d'un côté des prescriptions (vous devez utiliser tels mots et expressions), et d'un autre côté des proscriptions (il est interdit de dire ceci ou cela). En somme, le présent blog se propose de décrypter dans le langage (principalement médiatique) quelques stéréotypes qui se présentent aujourd’hui comme des vérités qui doivent absolument s’imposer, y compris à travers des LOIS interdisant l’emploi de certains mots (ces temps-ci, c'est au tour du « populisme»), de certaines expressions, et réprimant toute infraction, rétrécissant de jour en jour, avec le consentement ahurissant de la population, intimidée par tous les flics potentiels, l’espace de ce qui s’est appelé il n’y a pas si longtemps la liberté d'expression.
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mardi, 24 mai 2011
ELOGE DE LA DISCRIMINATION
L'ETAT DES MENTALITES
Ce qui est grand n’est pas petit. Ce qui est bleu n’est pas vert. Ce qui est LÁ n’est pas ICI. Ce qui est loin n’est pas près. Ce qui est A n’est pas B. Ce qui est lourd n’est pas léger. Ce qui est dur n’est pas mou. Ce qui est vivant n’est pas mort. Ce qui est virtuel n’est pas réel. Ce qui est vrai n’est pas faux. Ce qui est devant n’est pas derrière. Ce qui est en haut n’est pas en bas. Ce qui est à gauche n’est pas à droite. Ce qui est jour n’est pas nuit. Ce qui est eau n’est pas terre. Ce qui est pointu n’est pas rond. Ce qui est lisse n’est pas rugueux. Ce qui est vertical n’est pas horizontal. Ce qui est pluie n’est pas soleil. Ce qui est chaud n’est pas froid. Ce qui est obscur n'est pas clair.
Bon, je commence à vous bassiner la cafetière, je sens. J’explique : je viens de faire une liste (minuscule) de discriminations, voilà. C’est une suite de 1 et 0 d’avant la logique mathématique, d’avant l’invasion par le numérique. Discriminer, ça veut dire faire la différence. Vous voulez un exemple ? On a entendu ça sur France Culture, le 24 mai 2011, au bulletin d’information de 7 heures. Ce n’est pas vieux. Un lieutenant colonel de réserve (français) analyse la nouvelle stratégie des forces internationales en Libye, qui consiste à y envoyer des hélicoptères de combat, forcément plus vulnérables que des avions. Ces hélicoptères, je cite : « permettent d’opérer une discrimination plus fine des cibles au sol ». C’est un spécialiste qui parle. Maintenant, je remonte un tout petit peu plus loin : le début de la "Genèse" dans la Bible. Qu'est-ce qu'il fait, Dieu ? Il sépare. Premier jour, il sépare la lumière et les ténèbres. Deuxième jour, le firmament sépare les eaux d'au-dessous des eaux d'au-dessus. Troisième jour, il sépare la Terre et la Mer. Quatrième jour, il sépare le jour et la nuit. Sixième jour, à son image, il créa l'humanité, en ayant soin de préciser : "mâle et femelle". Et après tout ce travail de séparation, il se repose. Si c'est pas de la discrimination, ça.
Le sort indigne qui est fait à ce noble mot de discrimination, le sombre destin qui est devenu le sien de nos jours devraient faire se dresser les cheveux sur la tête de ceux qui en ont, maladie contre laquelle je suis désormais vacciné. Comme d’autres termes dont j’ai déjà parlé (« phobie », « tolérance ») ou dont je parlerai (« racisme », « victime »), le temps présent range le bocal « discrimination » sur le rayon du Mal. A ce titre, il est intolérable, inacceptable, inadmissible. D’ailleurs, c’est fait : il est proscrit. Nous avons en effet, à présent, une H.A.L.D.E. La halde est un petit animal exotique, féroce, qu’on a introduit récemment sur le territoire français pour assurer la pérennité de l’espèce, paraît-il menacée. Une drôle de bestiole quand même. Mais il semblerait que cet effort louable ait été vain : elle est morte. Il est vrai qu’elle a été illico remplacée par un animal autrement imposant : on le nomme « défenseurdesdroits » (sic !).
Mais foin de cours de zoologie : la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité, est (était) chargée de la Police des Droits. La principale difficulté, c’est le concours d’entrée. Le diplôme s’intitule « B. A. S. V. » : Brevet d’Aptitude au Statut de Victime. Et la refonte en Défenseur des Droits ne va pas faciliter les choses. Il ne suffit pas de se dire victime pour être admis dans le cénacle des victimes, en effet, de même qu’il existe aujourd’hui infiniment plus d’ « artistes » auto-proclamés que d’artistes véritables. Une sélection sévère s’impose (dans la déchetterie actuelle, on utilise le pléonasme « tri sélectif »). Un examen préalable et rigoureux décide si la personne est recevable au statut envié de victime (« envié » car – et c’est flagrant avec le sémillant Nicolas Sarkozy – il « ouvre droit à réparation ». Traduction : « Ça peut rapporter gros. »). Mme Diallo, que tout le monde connaît maintenant, n’est pas, en l’état actuel des choses, une victime de Dominique Strauss-Kahn, mais une plaignante (ben oui, puisqu’elle a porté « plainte » !). Mais j’y reviendrai une autre fois.
Discrimination, c’est la faculté humaine de démêler : le vrai du faux, le fait du droit, le réel du virtuel, l’homme de la femme, etc., je ne vais pas recommencer. Cela a beaucoup à voir, donc, avec la capacité de jugement. Sans discrimination, donc, pas d’espèce humaine (je vais tout de suite à l’essentiel). L’histoire de l’humanité fourmille d’exemples qui montrent qu’être capable de discriminer a été indispensable à son évolution. Tiens, un parmi d’autres : pour nous, la couleur verte, c’est simple, sauf si tu es daltonien. Eh bien, dans le langage d’une tribu d’Amazonie dont j’ai oublié le nom (peut-être existe-t-elle encore), il y a deux cents (200) mots pour la signifier, pour les multiples verts observables dans la forêt, suivant le lieu, le moment de la journée, la plante, la qualité de la lumière, etc. Vous imaginez à quelle subtilité on peut parvenir pour évoquer deux cents nuances possibles d’une même couleur ? Essayez donc : vous en voyez combien de différents, des verts, quand les arbres, au printemps, commencent à pousser leurs feuilles à l’air libre ? Encore un : la botanique a un grand ancêtre, le suédois Carl von Linné (1707-1778), qui a passé sa vie à discriminer : il a dessiné des « arbres », avec des embranchements qui, au fur et à mesure de la description des plantes, se ramifient, pas à l’infini, mais presque. Même chose pour la zoologie évidemment.
Pour pouvoir s’y reconnaître dans ce monde, l’homme a donc eu besoin de classer ses éléments en leur donnant, à chacun, un nom différent. Allez, un dernier exemple pour la route : que serait aujourd’hui la divine informatique sans discrimination ? Car qu’est-ce que c’est, une arborescence informatique, sinon un système de classement, de distinction et de hiérarchisation ? Je n’y peux rien : en zoologie, par exemple, vous avez l’ « ordre » (mettons les falconiformes chez les rapaces diurnes), puis vous avez les « familles » (mettons les accipitridés, chez les mêmes), ensuite vous avez les « genres » (mettons les aigles, pour faire simple), et puis vous avez les « espèces » (mettons l’extraordinaire milan royal, avec sa longue queue rousse échancrée). Et après les espèces, il y a les « individus » (d’une buse variable à l’autre, il reste des différences. Il faudrait dire : la différence fait de la résistance).
Hiérarchiser ! Le sale mot a été lâché ! Hiérarchiser, aujourd’hui, c’est proprement diabolique. C’est drôle : nous passons nos journées à hiérarchiser et à classer (ce que nous voulons faire ou ne pas faire, les informations qui nous intéressent ou non, les personnes que nous souhaitons voir ou ne pas voir, les livres que nous avons envie ou non de lire (je parle pour ceux qui lisent des livres), etc. On appelle souvent ça des « priorités.). Et avec ça, on nous donne des coups de marteau sur le crâne pour nous convaincre que c’est mal ? Mais c’est la schizophrénie à l’état pur, ma parole ! Hiérarchiser, c’est discriminer, et puis c’est nécessaire : est-ce qu’il faut aller à droite ou à gauche ?
Alors aujourd’hui, ce qui prime, c’est la « lutte contre toutes les discriminations » ? « Bon sang, mais c’est bien sûr », disait Raymond Souplex à la fin des Cinq dernières minutes (à mes yeux le seul commissaire Bourrel qui soit, c’est vous dire mon âge). Mais au fait, qu’est-ce qu’on appelle ici « discrimination » ? Jean Yanne, dans un sketch célèbre, proclame sa haine des « routes départementales ». Là, on se rapproche du sens couramment donné à « discrimination » aujourd’hui. Cela veut dire que dans le pays de ce Jean Yanne de permis de conduire, il n’y a que des routes nationales, peut-être ? Bon, c’est évidemment le gag. Mais ça montre en douce que l’idée est tout simplement folle. Intraduisible dans les faits. C’est heureusement en vain qu’Hitler a essayé de purger la race aryenne des éléments juifs qui la corrompaient.
Alors on peut bien rameuter des Vacher de Lapouge, des Gobineau pour introduire dans l’espèce humaine des hiérarchies fondées sur des critères vaseux, voire délirants, pour segmenter l’humanité en catégories homogènes qui seraient naturellement hiérarchisées (vous savez : « supérieur », « inférieur »). Il ne faut pas appeler ces tentatives haineuses et fondées sur la trouille et le fantasme du beau nom de « discrimination ». On a « ségrégation », par exemple, ou « apartheid », qui ont à peu près gardé la force de leur sens. Je ne mentionne pas « exclusion », tout à fait dévitalisé à présent.
Georges Perec a écrit un petit livre intitulé Penser/Classer (Le Seuil) : si on ne classe pas, on ne pense pas : c’est le règne animal. Des allumés du bocal ont prétendu, il y a bien longtemps, exporter la théorie darwinienne de l’évolution dans le domaine social. Mais ces agités de la rampe, genre Spencer, ont allègrement confondu l’ « évolution » dont parlait Darwin avec le « progrès », cette marche inéluctable de l’humanité vers sa propre amélioration (rien que la notion de progrès, d’ailleurs, est aujourd’hui mal en point). Ils ont voulu transformer de simples « faits », produits dans leur lente et longue succession, en « lois », c’est-à-dire en principes devant guider l’action des hommes et des sociétés. Ils ont voulu ériger des « conséquences observables » en « objectifs à atteindre », avant même d’avoir analysé la subtilité des mécanismes mis en jeu dans l’extraordinaire grand mécanisme qu’on appelle l’évolution.
Je crains cependant que le succès du mot « discrimination » pour désigner divers « apartheids » ne soit dû à un mouvement irrésistible. Chose curieuse, en effet, il devient quasiment impossible de lutter contre certaines gangrènes du vocabulaire. D’un côté, vous avez les « différences », qu’il faut absolument respecter, sous peine d’atteinte à la sacro-sainte « tolérance ». D’un côté, donc, il faut « respecter les différences » (nous sommes devenus de constants et talentueux « respecteurs de différences » à tout crin). De l’autre, il ne faut pas faire de « discriminations », sous peine, évidemment, d’atteinte à la sacro-sainte « tolérance ».
Si les mots ont un sens, « différence » et « discrimination » sont strictement superposables. Alors je dis : il faudrait savoir. D’un côté, le mot d’ordre de « créolisation » du monde, l’appel vibrant, insistant au « métissage » culturel (melting pot, world music, tout est dans tout et réciproquement). De l’autre, des revendications d’ « identité » de plus en plus fortes, parfois violentes. il faudrait savoir : « créolisation », « métissage », c’est exactement le contraire de « différence », d’ « identité ». Vous ne trouvez pas ça bizarre ? Incompréhensible ? Abracadabrantesque ? Il y a de quoi vous rendre chèvre !
Si les mots ont un sens, si les mots dessinent les choses qu’ils désignent, il y a, quelque part par là, si je suis gentil, du bourrage de crâne, si je suis moins gentil, la mise en place d’un monde totalitaire, d’autant plus sournois qu’il s’est débrouillé pour susciter l’adhésion enthousiaste du plus grand nombre. Ça ne vous inquiète pas ? Ça ne vous rappelle aucun souvenir ?
Allez, comme disait le bon Jean-Jacques Vannier, « la vie est belle, et c’est tant mieux ».
17:49 Publié dans L'ETAT DU MONDE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : discrimination, différence, littérature, halde, victime, sarkozy, dominique strauss-kahn, langue, vocabulaire, darwin, vacher de lapouge
dimanche, 22 mai 2011
HITLER A CANNES
Ceux qui suivent un peu ce blog, savent que j'ai déjà publié deux notes sur Adolf Hitler (l'eugénisme et l'architecture dans notre monde tout à fait d'aujourd'hui, c'est-à-dire actuel, c'est-à-dire présent). Ma thèse, c'est que Hitler a gagné. Mon argumentation repose sur l'idée que nos grandes démocraties (on sent qu'on approche, tout tremblant, du sacré), en faisant d'Adolf Hitler l'épouvantail number one (on peut faire la liste de ses successeurs, jusqu'à Saddam Hussein et Mouammar Khaddafi), - nos grandes démocraties donc, ont établi durablement un paravent, un écran, qui évite d'avoir à jeter un oeil un peu précis et attentif sur la façon dont elles fonctionnent.
Ma thèse, c'est que les idées d'Adolf Hitler imprègnent aujourd'hui jusqu'au tissu de nos sociétés dites démocratiques. Eh bien, bonne nouvelle, l'épouvantail continue à fonctionner. L'ostracisme et la réprobation universels sont tout prêts à s'abattre comme des vautours sur tous ceux qui font mine de dédouaner le terroriste d'Etat qui a régné de 1933 à 1945 sur l'Allemagne et l'Europe. Le dernier à en faire les frais, c'est, tout le monde a compris, Lars von Trier, au Festival de Cannes. Il a tout compris du monde dans lequel nous vivons : le spectacle, le spectacle et le spectacle forment la Sainte Trinité de ce monde idyllique. Et le diable n'y est pas le bienvenu.
Quelle idée, aussi, de mimer l'extraordinaire Nuit du chasseur, avec l'inoubliable méchant Robert Mitchum (on a oublié les noms de tous les autres acteurs) ! Quelle idée d'écrire F.U.C.K. sur ses quatre phalanges ! Quelle idée de déclarer sa sympathie pour Adolf Hitler ! Quelle idée de déclarer : "I am a nazi" ! Il a peut-être tout compris au monde dans lequel nous vivons, mais il n'a rien compris au code officiel qui le régit. Là, il a raté son code, et c'est sûr : il n'aura pas son permis.
C'est entendu : nous sommes le royaume du bien inexorable, de la vertu impitoyable, de la perfection dévastatrice. Et tout le monde semble continuer à croire à cette fable. L'émission "Le Masque et la plume", ce soir sur France Inter, perpétue cette fable en entonnant le refrain: par son dérapage, (?) Lars von Trier est un salaud. Vous avez peut-être entendu : c'est l'unanimité. C'est la terrible unanimité, l'insoutenable unanimité de l'être (pardon, maître Kundera). C'est la curée, que dis-je : c'est l'hallali.
Désolé : je ne ferai pas partie de la meute qui se jette sur la bête aux abois, qui est sans doute grillée pour quelque temps. Je ne crie pas bravo à ses propos idiots, et il ne s'agit certes pas de réhabiliter Hitler et le nazisme. Les pauvres types qui ont dernièrement rebaptisé leur "cochon pride" d'un nom plus consensuel (j'ai déjà oublié) devant la cathédrale Saint-Jean, m'apparaissent comme de misérables clowns sinistres. Mais je ne hurle pas haro sur Lars von Trier avec les loups. Si les gens qui sont payés pour avoir la parole regardaient un peu le monde qui les entoure tel qu'il est, peut-être diraient-ils moins de conneries.
21:51 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hitler, festival de cannes, lars von trier, littérature
LES MOTS POLICIERS : PHOBIE
HARO SUR LES PHOBES !
Tout au long de ses Essais (Les Belles lettres, 2010), le grand Philippe Muray tape dès qu’il peut sur ceux qui tapent sur tous les « malades » atteints de diverses « phobies ». Il tape dessus pour une raison bien précise : les dénonciateurs de « phobies » font tout ce qu’ils peuvent pour que des lois interdisent d’être atteint de « phobies », et pour que des lois punissent impitoyablement toutes les manifestations publiques des « phobies » ainsi stigmatisées. Philippe Muray s’attaque ce faisant à la tendance de l’époque qui consiste à faire entrer toutes sortes de vides juridiques dans le Code pénal.
Il est vrai que c’est devenu une véritable manie : quand un fait divers tragique se produit, Nicolas Sarkozy sort sa loi, mais que l’absence de décrets d’application, ou tout simplement parce qu’elle est inapplicable, rend inapplicable. Un fait appelle une loi. Comme des faits, il s’en produit quelques milliards à chaque seconde, je ne sais pas si la distance de la Terre à la Lune suffirait pour calculer l’épaisseur du code pénal qu’il faudrait écrire pour la sécurité de la planète. La moitié de l’humanité serait alors chargée de commettre des faits (autrement dit de vivre). L’autre moitié serait composée de juristes, de juges, de procureurs et d’avocats. On appellerait ça la division du travail pénal.
Trêve de plaisanterie : par curiosité, je suis allé voir ce qui se trame derrière l’écran du mot « phobie ». Le détour est intéressant, et le spectacle est croquignolet. Si l’on s’en tient à la définition médicale, voici ce qu’on trouve dans le Dictionnaire de la psychanalyse d’Elisabeth Roudinesco : « Utilisé en psychiatrie comme substantif vers 1870, le terme désigne une névrose dont le symptôme central est la terreur continue et immotivée du sujet face à un être vivant, un objet ou une situation ne présentant en soi aucun danger ». Je retiens « névrose » et « terreur continue et immotivée ».
Un exemple ? J’ai connu une femme (Mme L.) qui souffrait de deux phobies véritables. Tout le monde connaît la claustrophobie, non ? Elle en souffrait à ce point que prendre l’ascenseur était pour elle, tout simplement, inenvisageable. Elle revenait donc du supermarché le coffre de la voiture plein, mettait tout dans l’ascenseur, appuyait sur le bouton et montait à pied. Bon, elle n'habitait qu'au troisième. Plus grave : elle m’a raconté qu’elle souffrait de « colombophobie », soit, en clair, la terreur des oiseaux. Un jour, elle traverse le pont Lafayette, au-dessus duquel passent et repassent les mouettes. L’une d’elles a le malheur de la frôler. Mme L. ne se souvient rigoureusement de rien, sinon que, lorsqu’elle a repris connaissance, elle était étendue au milieu de la chaussée, au milieu du pont.
Voilà ce que c’est, une vraie phobie, et voilà ce que ça donne : une panique totalement impossible à maîtriser, à réprimer ; une perte de conscience en présence de l’objet d’horreur. C'est ça la maladie qu'on appelle phobie. L’usage du mot, aujourd’hui, dans les médias, est tout simplement abusif. C’est une malversation. Ceux qui en parlent sont des faussaires. On accuse quelqu’un de « phobie » au même titre que Sarkozy accuse les socialistes d’ « immobilisme » et d’ « archaïsme ». Le mot phobie range illico celui qui en est atteint parmi les malades mentaux, atteint des mêmes « maladies mentales » qui servaient de prétexte aux Soviétiques pour enfermer leurs dissidents en asile psychiatrique, où a été inventée la "torture blanche". Rien de mieux pour disqualifier. On appellera ça un hold-up. Cela veut dire accessoirement que l’accusation de « phobie » à tout bout de champ fonctionne aujourd’hui, exactement, comme un argument politique, et que la toile de fond totalitaire sur laquelle l’argument se détache n’a rien de rassurant.
C’est au même genre de malversation que, en 1984, toute la gent à soutane et à crucifix avait kidnappé le mot « libre » pour faire retirer la loi Savary qui stipulait que l’argent public irait désormais à l’enseignement public, l’enseignement privé (l’enseignement dit libre) devant se démerder pour trouver des fonds privés. Le tout, pour arriver à ses fins, comme ce fut le cas en l’occurrence puisque la loi fut retirée par François Mitterrand, le tout, c’est d’arriver à convaincre le plus de monde possible qu’on est, dans l’affaire, la victime. C’est très important, d’être la victime. Ce fut une belle imposture : être libre, cela signifie qu’on ne dépend de personne. Or l’enseignement catholique, puisqu’il faut l’appeler pas son vrai nom, dépend pour son existence de l’argent alloué par l’Etat français. Il est maintenu en vie grâce aux transfusions permanentes et importantes dans ses veines de l'argent du contribuable. Il est parvenu à ses fins en faisant subir aux mots la même inversion que Big Brother dans 1984 du grand George Orwell : « L’esclavage, c’est la liberté ». C’est ça, la Novlangue.
En consultant divers dictionnaires sérieux, j’ai trouvé une vingtaine de phobies dûment répertoriées, médicalement repérées. Une vingtaine, tout mouillé de chaud. Bon, on doit pouvoir en dénicher quelques autres dans les coins ou dans les placards : allons jusqu’à trente. Ensuite, vous allez voir sur l’incontournable Wikipédia. Là c’est du grand spectacle. Que dis-je ? C'est un feu d'artifice. A ce jour, la notice se divise en 9 parties. Je vous épargne l’énumération : disons qu’il y a les phobies au sens restreint, et les phobies au sens étendu (c’est évidemment dans ces dernières qu’il faut chercher l’imposture). J’exclus pour l’instant les mots de la chimie et de la biologie qui désignent des propriétés de corps ou d’organismes.
Au sens restreint, on trouve, attention, tenez-vous bien, quatre-vingt-onze (91) « phobies » (connaissiez-vous la « triskaïdekaphobie » ? Moi non plus. C’est la peur du nombre 13. Et la « plangonophobie », ou peur des poupées ?). Bref, c’est vous dire qu’avec Wikipédia on est dans le sérieux, vous ne trouvez pas ? Là, je me marre. Non, vous avez compris qu'on est dans le grand n'importe quoi. Je suis sûr qu’on peut en ajouter toute une liste, même en ne cherchant pas trop. Au sens étendu, on entre dans ce que la notice appelle « préjugés et discriminations », malheureusement sans dire s'il y a une parenté, et laquelle, avec la vraie phobie (voir l'exemple de Mme L. plus haut). On y trouve l’ « hispanophobie » (oui, pour introduire le paragraphe), puis, dans l’ordre alphabétique (juste quelques-uns, pour goûter) : « biphobie », « christiannophobie », « éphébiphobie », « gérontophobie », « hétérophobie », « homophobie », « islamophobie », etc. Il y en a douze, vous pouvez vérifier dès maintenant. Au total, ça fait cent trois (103) : une phobie de moins que les symphonies du grand Joseph Haydn. On est clairement dans la fantaisie, l’improvisation et l’imagination. C'est le grand n'importe quoi. On est clairement dans l’imposture.
Cette liste me fait penser à un article déjà ancien paru dans Le Monde diplomatique, intitulé « Pour vendre des médicaments, inventons des maladies », où l’auteur dénonçait la frénésie purement commerciale des firmes pharmaceutiques, désireuses de mettre en application le principe énoncé par Jules Romains, en 1923 s'il-vous-plaît, par la bouche du personnage central de sa pièce Knock : « Tout homme bien portant est un malade qui s’ignore ». Knock rêve en effet de transformer la petite ville dans laquelle il exerce en un vaste hôpital. De même, les inventeurs de « phobies » rêvent de transformer les gens normaux : « Toute personne normale est un phobique qui s’ignore ». On invente des « phobies » pour en faire tomber le maximum sous le coup de la loi, et punir les coupables.
Le mot qu’on met sur la chose découle souvent d’un choix idéologique. Entre 1940 et 1945, on savait dans quel camp vous étiez suivant que vous disiez « terroriste » ou « résistant ». Les mots qu’on utilise révèlent quelque chose de la personne qui les prononce. J’ai parlé ici le 10 mai de l’accusation de racisme portée contre Laurent Blanc. En voilà, un mot qu’on met à toutes les sauces, comme si quelqu’un, en l’appliquant à n'importe quoi, voulait en finir avec la notion même de racisme en la diluant tellement, comme dans les médicaments homéopathiques, qu’elle perd à l’arrivée toute signification.
Reste un mécanisme et une structure. Il faut trois acteurs : un accusateur déguisé en victime, un accusé, et le Code pénal. L’exemple récent des prières, le vendredi, dans certaines rues de Paris et de Marseille l’a bien montré. L’accusateur déguisé en victime, ce sont les musulmans de France, l’accusé, c’est Claude Guéant, coupable en l’occurrence d’ « islamophobie », et le levier, c’est bien le Code pénal. Je me garderai de prendre la défense du ministre de l’Intérieur. Houellebecq s’en est pris un jour à « la religion la plus bête du monde ». Un professeur de philo, Robert Redeker, a pris en 2006, une volée médiatique de bois vert quand il a osé dénoncer la violence prônée dans le Coran. Le fait seul qu’il ait aussitôt reçu des menaces de mort prouve qu’il avait raison. L’Islam en France est d’abord un fait. Même chose pour la judéophobie : celui qui en est taxé devient ipso facto un dégueulasse antisémite, parce qu’il a osé, comme Edgar Morin il y a quelque temps, critiquer la politique des Israéliens envers les Palestiniens. Même chose pour une des « phobies » qui ont le vent en poupe en ce moment : l’ « homophobie ».
Loin de moi l’idée d’approuver Guéant, Houëllebecq ou Redeker. Quant à l’homosexualité, elle est aussi vieille que l’humanité : elle est un fait. Il n’est évidemment pas question de persécuter les musulmans, les juifs ou les homosexuels : persécuter est un acte, et comme tel, il est intolérable. Ce qui est inquiétant dans toute cette affaire de mots, c’est qu’on a l’impression qu’ils sont assiégés, guettés, surveillés étroitement par des gardes-chiourme. Or, si les mots sont l’expression de la pensée, ils ne sauraient être considérés comme des actes, et encore moins jugés au même titre que des actes. Est-on sûr que développer à outrance la surveillance policière des mots soit le meilleur moyen de faire définitivement disparaître les actes contre les mosquées ou les tombes musulmanes, contre tel cimetière juif, contre les homosexuels ? Je suis très loin d’en être convaincu.
Quand la police prend le pouvoir, on peut voir ce que ça donne, par exemple en ce moment, dans la Syrie de Bachar el Assad.
jeudi, 19 mai 2011
A TRES BONNE ECOLE (LA VRAIE ?)
FORMATONS INITIAL OU FORMATONS CONTINU ?
Je veux ici dénoncer l’injustice profonde dont sont victimes les hommes, dans cette société, paraît-il, égalitaire.
Nous les hommes n’avons pas assez l’idée de mettre le nez dans ce qu’il est convenu d’appeler la PRESSE FEMININE. C’est un tort. Il m’est arrivé d’acheter, de loin en loin, quelques revues du genre Jeune et jolie, avec l’idée de me faire une idée de ce qu’avaient dans la tête les jeunes personnes auxquelles j’avais à faire. Je ne me rappelle pas tout, loin de là : ce serait trop me demander. La revue doit s’adresser à des filles de douze à quatorze ans, je ne suis pas spécialiste du ciblage marketing. Je n’ai pas été déçu du voyage. J’ai retenu, entre autres joyeusetés « modernes », des conseils pour, par exemple, se raser le pubis de façon à laisser des poils en forme de point d’interrogation, et teindre les poils restants dans un beau rouge profond (ou éclatant : ça dépend des goûts). La revue proposait aussi, dans un autre numéro, aux filles qui désiraient essayer, une recette pour se faire sodomiser sans douleur (je jure que c’est vrai : j’imagine que c’était en direction des jeunes maghrébines, plus sourcilleuses peut-être sur la question de la virginité jusqu’au mariage).
Vous savez à quoi je compare toutes ces revues ? Vous ne devinerez jamais : à des « établissements privés d’enseignement secondaire, chargés de la FORMATION INITIALE ». Il faut absolument considérer Jeune et jolie comme un COLLEGE. Mais un collège aux dimensions nationales, bien sûr. Dans l’ensemble, strictement rien n’est omis de ce qu’une fille d’aujourd’hui doit savoir : il s’agit d’une véritable FORMATION INITIALE des filles pré-pubères et des adolescentes. Tout ce qu’il faut savoir pour vivre au quotidien est, mois après mois, minutieusement décrit, mettant ainsi la jeune lectrice en possession de tout le code, concernant les rapports entre garçons et filles, les rapports entre filles, le soin qu’il faut apporter à son aspect extérieur, et tout et tout. Comment la jeune fille a-t-elle vécu ses premières règles ? Que doit-elle penser des regards appuyés de ce garçon de la classe qui ne lui adresse jamais la parole ? Accessoirement, quels produits doit-elle acheter pour s’enduire le visage avant de partir pour le collège ? Doit-elle opter pour le transparent quand elle va en soirée ? Bref : qu’est-ce qui l’attend, dans le monde où elle vit ? De tels « collèges » pullulent. L’offre d’enseignement est surabondante, et les revues, comme on dit dans le domaine politique, « se tirent la bourre ». Mais l’offre existerait-elle sans la demande complémentaire ?
Les femmes, de leur côté, font face à une offre encore plus variée et nombreuse, en matière de tels « établissements d’enseignement en FORMATION CONTINUE ». La longueur des rayons consacrés à la presse féminine : vous avez déjà vu, forcément. Je n’insiste pas. Les hommes ne lisent pas assez les revues féminines, ou alors feuillettent distraitement, dans les salles d’attente, l’œil vaguement allumé, les pages consacrées aux dessous affriolants de l’année prochaine, aux maillots de bain qu’il faudra absolument porter, parce qu’on y voit, en quadrichromie, un peu de peau lisse et soyeuse et des formes, intéressantes du fait de leur jeunesse, rarement une vraie chatte, rarement une vraie fesse. Mais il faut lire le reste, les conseils, les portraits en quizz (quelle cuisinière, quelle amie, quelle bricoleuse, quelle amoureuse, quelle bête de sexe êtes-vous ? Cochez la case.), les articles « de fond » (si !), si l’on veut espérer approcher, un tout petit peu, ce que les femmes, aujourd’hui, ont dans la tête : dans quelle sorte d’univers intérieur elles évoluent. Pas toutes, évidemment. Mais enfin, cela dessine un ensemble, disons pour parler lourd, de « repères culturels » que toutes sont amenées à côtoyer, même si elles n’y sont pas immergées. C’est ce que le Ministère de l’Education Nationale appelle la FORMATION CONTINUE.
Mais les hommes, qu’est-ce qu’ils ont, sans même parler de FORMATION CONTINUE, oui : qu’est-ce qu’ils ont comme revues, en matière de FORMATION INITIALE ? Petits, ils ont lu, éventuellement, les publications de Fleurus ou de Bayard presse (Je Bouquine), résolument unisexes, c’est-à-dire non sexuées, encore perdues dans les limbes de l’innocence de l’enfance (c’est la même chose pour les filles). Un peu plus grands, ils vont peut-être s’intéresser aux arts picturaux (les revues consacrées aux tagueurs et grapheurs), aux sports (revues sur le skate, les rollers et autres « sports de glisse », à la rigueur le football). Plus tard encore, on attaque les sports mécaniques (revues sur la bagnole, la moto). Mais je fais remarquer que toutes ces revues ne sont masculines qu’IMPLICITEMENT : aucune ne s’adresse explicitement au viril des garçons, mais à ce qu’ils sont supposés aimer à leur âge, jamais au sexe masculin, en tant que tel. Il n’y a pas de PRESSE MASCULINE.
Conclusion : la FORMATION INITIALE des garçons est laissée, honteusement, à l’abandon. C’est un terrain totalement en déshérence. Et même arrivés à l’âge de la FORMATION CONTINUE, qu’est-ce qu’ils trouveront ? Des revues « de charme » ? Certes, mais quel rapport avec cet énorme effort éditorial en direction de toutes les filles, de toutes les femmes, dans la FORMATION, tant INITIALE que CONTINUE, où elles apprennent COMMENT IL FAUT ÊTRE ? Comment il faut paraître ? Les revues destinées aux garçons, elles, leur apprennent A QUOI ILS DOIVENT S’INTERESSER, quasiment pas à ÊTRE. Il y a là quelque chose de profondément injuste et inégalitaire : ils sont laissés, pour se former à ce qu’il faut savoir pour vivre en société, dans le brouillard du hasard, l’incertitude des rencontres, les aléas des groupes auxquels ils s’agrègent, disons-le en un mot : à l’IMPROVISATION.
Je pose la question : pourquoi, comme c’est fait largement pour les filles, n’ouvrirait-on pas des « établissements privés d’enseignement secondaire pour la FORMATION INITIALE » destinés aux garçons ? Je veux parler de revues qui leur donneraient les clés : ça veut dire quoi, l’érection au réveil ? Qu’est-ce qu’elle veut, celle qui ne te regarde jamais, mais qui se débrouille pour n’être jamais loin de toi ? Comment fait-elle pour te voir sans jamais te regarder ? Bref : livrer quelques secrets au sujet de l’adversaire. Non : c’est vroum-vroum et pouët-pouët. Et l’on s’étonne que les garçons soient un peu bêtes, quand les filles sont de véritables initiées, en comparaison. C'est simple : ELLES SAVENT TOUT, grâce au collège qu'elles trouvent dans les maisons de la presse. Les garçons, c’est la grande faiblesse du MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT EN MAGASINS DE JOURNAUX.
14:05 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : presse féminine, femme, homme, sexe, news magazines, filles, girls, garçons, formation initiale, formation continue, puberté, littérature, sexisme
lundi, 16 mai 2011
VOUS AVEZ DIT PSYCHANALYSE ?
Quoi que puisse en dire le nouveau pape auto-proclamé de la philosophie Michel Onfray dans Le Crépuscule d’une idole (sous-titré « l’affabulation freudienne »), la théorie freudienne n’a pas disparu, submergée, paraît-il, par ses « affabulations ». En passant, de même que Nicolae Ceaucescu était de son vivant immortalisé dans la formule « Danube de la pensée », on pourrait surnommer Michel Onfray « Amazone de la philosophie », si j’en juge au débit du fleuve éditorial qu’il fait couler : wikipédia indique, depuis l’an 2000, pas moins de 49 titres d’ouvrages. Cet homme-là doit être quadrumane et insomniaque : il faut des mains au bout des bras et des jambes et travailler 24/24, 7/7. Six titres en 2008, cinq titres en 2010 : Comment fait-il ? Ce n’est plus de la pensée. On appelle ça « logorrhée ». C’est une pathologie. Mais revenons à Sigmund Freud.
L’effort d’Onfray pour abolir la psychanalyse est pathétique, et peut-être pathologique : je ne me prononce pas (enfin : presque pas). Il est sûr que Freud, avec la psychanalyse, aura réussi à contrarier, à emmerder le maximum de monde, et les tentatives d’annulation sont innombrables, indénombrables et insubmersibles. Aussi insubmersibles que la psychanalyse elle-même. Je me souviens du chapitre que le grand René Girard consacre au freudisme dans son grand ouvrage La Violence et le sacré (Grasset, 1972) : il estime que sa théorie du « désir mimétique » englobe et invalide celle du « complexe d’Œdipe ». Je n’entre pas ici dans le débat.
Ce qui m’intéresse, c’est l’incomparable succès, l’invraisemblable prospérité, l’inimaginable fortune accumulée par la théorie psychanalytique : je n’exagère pas. C’est une véritable caverne d'Ali Baba. Si un lecteur frotté de psychanalyse découvre cette affirmation, il doit déjà être en train de se tapoter la tempe droite avec l’index (s’il est droitier). Certes, il y a de l’argent, dans les circuits, tous « psys » confondus (y compris la saloperie importée d’Amérique qu’on appelle « cognitivo-comportementale », dont la principale finalité est de fonctionner comme les « camps de réadaptation » mis en place en Chine sous Mao, sauf que là, il faut, en plus, payer le tortionnaire), mais moins que dans la poche de Zinedine Zidane. Et puis surtout, la caverne est métaphorique et même involontaire. C’en est au point que Sigmund Freud lui-même n’aurait pour rien au monde voulu ça, s’il avait pu le prévoir (enfin j’espère).
C’est comme Pierre et Marie Curie : s’ils avaient pu prévoir quels usages seraient faits du « radium » et de la radioactivité, peut-être auraient-ils laissé en plan leurs travaux, un demi-siècle avant Hiroshima. S’ils avaient pu deviner les dégâts que causerait, du vivant même de Marie, un médicament comme le Radithor (on lit distinctement sur l’étiquette : « radioactive water »), ils auraient sans doute fermé leur laboratoire. C’est la même chose pour la psychanalyse : quel cerveau de psychanalyste malade, qu’il fût orthodoxe ou hétérodoxe, aurait pu imaginer que quelques piliers de la théorie serviraient un jour à la plus gigantesque entreprise de domestication des peuples ? J’exagère à peine, comme je vais essayer de le montrer.
On n’est jamais si bien trahi que par les siens, et personne n’est parfait : Sigmund Freud a un neveu, et plutôt deux fois qu’une, puisque fils de sa sœur et du frère de sa femme (une variante, sans doute, de la double peine). Freud épouse Martha Bernays. Monsieur Bernays épouse Anna, sœur de Freud. Naîtra de cette union, en 1891, le petit Edward, Eddy pour les intimes, qui portera donc, et pendant 103 ans, le nom d’Edward Bernays (il est mort en 1995 : y a de la veine que pour la canaille). Cela valait le coup de s’attarder un peu : vous allez voir. Je ne sais pas quand sa famille a émigré en Amérique. Toujours est-il qu’il a eu le génie d’organiser un drôle de mariage entre les Etats-Unis et la vieille Europe, un mariage d’une originalité inouïe, jugez plutôt.
D’un côté, la théorie révolutionnaire d’un Autrichien qui dévoile les petits secrets bien cachés de l’âme humaine (c’est de tonton Freud que je parle). De l’autre, l’industrieuse et industrielle Amérique, en plein processus d’invention de la future « société de consommation ». D’un côté, la découverte de l’inconscient, du subconscient, bref, des motivations secrètes des individus. De l’autre, la découverte du moyen le plus moderne de s’enrichir : produire en masse, donc vendre en masse. D’un côté, une connaissance qui ira en s’affinant et se perfectionnant sans cesse des ressorts secrets du psychisme. De l’autre, le besoin pressant des industriels de convaincre le plus de gens possible d’acheter toutes affaires cessantes les marchandises produites.
Edward Bernay est encore bien jeune quand il fait partie d’un groupe mis en place par le président américain, chargé de trouver les moyens de convaincre la population du bien-fondé d’une entrée des Etats-Unis dans la 1ère guerre mondiale. Très tôt donc, il est mis en face de la question : comment amener une masse de gens à changer d’avis sur des questions importantes ? Autrement dit : comment agir sur l’esprit et le comportement des hommes, sans que ceux-ci s’en rendent compte ? Dit encore autrement : comment manipuler les esprits ? Et il était malin, le bougre, et s’était fait une doctrine solide sur les masses, considérées comme incapables de penser, tout juste capables d’exprimer des pulsions. C’est là que les idées de son tonton vont lui être très utiles : pour agir sur les foules, il ne faut surtout pas s’adresser à la Raison, par un Discours. C’est peine perdue.
Bon, c’est vrai qu’il n’est pas tout seul à penser ainsi : Walter Lippmann, par exemple, qui se demande, on est dans les années 1920, comment « fabriquer du consentement » (manufacture of consent, en langue originale). Années 1920 : c’est dire combien tout cela a été mûrement, longuement réfléchi, mis au point dans les moindres détails, et combien le travail sur les effets attendus a été minutieusement conduit, longtemps avant Patrick Champagne (Faire l’opinion, 1990) qui, lui, se contente de « décrypter » les données d’une pratique (les sondages) qui s’est tellement banalisée qu’elle en a acquis la force de l’évidence. Alors que des gens comme Lippmann et Bernays, entre autres, ont établi les codes qui servent encore de base à tout ce qui travaille sur l’opinion.
Bref : l’idée est certainement dans l’air, comme on dit. Donc, il s’agit de s’adresser tout de suite à l’en-deçà de la conscience, qu’on appelle le « subconscient ». On ne va pas construire des raisonnements et des discours comme dans l’ancien temps (vous savez, les vieilles lunes de la rhétorique classique : « inventio, dispositio, elocutio »). On va montrer des images, des formes symboliques : c’est d’autant plus facile que les moyens de communication sont en train de faire un véritable bond technologique (les « médias de masse »). Par exemple, Bernays, qui travailla pour l’industrie de la cigarette, va utiliser le « symbole phallique » (merci tonton Freud) pour étendre l’usage de ladite cigarette à l’autre moitié de la population américaine, celle pour laquelle fumer était très vilain, autrement dit à ce « gisement inexploité », ce « marché potentiel » constitué par les femmes. Et ça marche ! A coups de défilés de jeunes et jolies fumeuses (« les torches de la liberté », selon la notice wikipédia) : la femme aussi est libre de se goudronner les poumons.
C’est donc ça, la publicité ? Oui : ni plus ni moins. Et ça marche. Et depuis toutes ces dizaines d’années. Public opinion de Walter Lippmann date de 1922. Edward Bernays publie son ouvrage principal en 1928, sous le titre Propaganda. Propagande : le mot sert aujourd’hui dans les petites joutes politiques pour accuser l’adversaire de « bourrer le crâne », ou alors il est censuré, rhabillé en « publicité », en « communication », en « communication politique » : cela s’appelle des euphémisme (vous savez : « non voyant », « à mobilité réduite », etc.). J’ai déjà parlé de la « propagande », dont un pape fut l’inventeur en 1622, quand il s’agissait de propager la « vraie foi » (autrement dit de convertir les mécréants). Il n’y a aucun hasard si Joseph Goebbels, « ministre du Reich à l’éducation et à la Propagande », s’inspirera de la théorie d’Edward Bernays, de même que Staline.
Cela veut dire quelque chose de finalement assez simple : En quoi, aujourd’hui, se différencient régime de terreur et régime « démocratique » ? Dans l'un comme dans l'autre, le principal problème d’un gouvernement, c’est de savoir comment diriger une population (on ne parle évidemment plus du tout de « peuple ») : susciter son adhésion, spontanée ou imposée, à ceux qui gouvernent, lui faire admettre la domination des dominants. Face à la « nécessité » d’adapter l’idée démocratique à la complexité du système économique, donc à la « nécessité » de gérer les foules, Edward Bernays et Walter Lippmann, par des chemins différents, ont abouti aux mêmes conclusions : il est indispensable de façonner les esprits, de manipuler les gens, de les amener à penser et à agir dans le sens voulu par les dirigeants. C'est pour avoir compris ça que le capitalisme a triomphé du communisme.
Cela veut dire aussi que la « démocratie » repose aujourd’hui sur une industrie qui, grâce à la psychanalyse, s’est développée en allant débusquer dans la tête des gens le moindre détail de leurs désirs plus ou moins secrets et de leurs motivations intimes : l'industrie de la propagande, tant dans la politique que dans le commerce marchand (pardon pour le pléonasme). Il n’y a plus aucun secret pour ceux qui gouvernent (président d’un pays ou d’une grande société commerciale) : après leur enquête dans les tréfonds autrefois obscurs de l’individu (le « subconscient »), ils élaborent en laboratoire des produits qui sont ensuite vendus au même gogo, qui ne se demande même pas : « Mais comment ont-ils fait pour deviner ce dont j’avais envie ? », et qui paie pour se procurer la marchandise qu’on a, en réalité, tirée de lui-même (à la caisse du supermarché ou dans l’urne électorale : le processus est strictement le même, et Edward Bernays, le père du marketing, vendra ses « conseils » aussi bien aux hommes politiques qu’aux grandes entreprises). Faut-il vous l’envelopper, votre « idéal du moi » ? De quelle couleur la voulez-vous, votre « libido » ? Nos créatifs ont fait de gros efforts sur le packaging de votre « refoulé ». Mes yaourts sont-ils assez « narcissiques » ?
Cela veut dire, enfin, qu’une découverte majeure du 20ème siècle, la psychanalyse, même si elle reste tout à fait controversée dans ses principes, ses modalités, son efficacité, son prix, tant qu’on se limite à son domaine (thérapeutique des névroses), s’est répandue très concrètement dans tous les aspects et tous les moments de la vie quotidienne, tout simplement parce qu’Edward Bernays (et quelques autres) ont compris à quoi elle pouvait très concrètement servir : gérer les masses humaines. Et je me demande pour finir, si ce n’est pas exactement la même chose pour toutes les disciplines qu’on appelle « sciences humaines ». Il ne s’est passé rien d’autre dans les sciences « dures » : aurait-on eu la bombe H sans la physique ? La dernière catastrophe financière sans les mathématiques ? Le contrôle social le plus dur sans la puce électronique ? L’explosion démographique sans la médecine ? Aurait-on eu l’infamie publicitaire sans Sigmund Freud (c’est vrai qu’il est loin d’être tout seul) ?
Le savant est tout à fait inoffensif, dans son laboratoire, avec sa blouse blanche, son air gentil, tout obsédé de compréhension et de connaissance, et pour qui le monde dans lequel il vit est une entité vague et vaguement abstraite. Mais il y a son double démoniaque : l’aventurier, l’explorateur, l’homme d’action, tout avide de richesse, de gloire et de puissance, qui guette tout ce qui va sortir de ce « bureau d’études » pour en tirer le maximum, très concrètement. C’est un médecin, le docteur Freud, qui a inventé la psychanalyse, dans le but de soigner l’homme, peut-être même de le guérir. C’est un homme d’action, son neveu Edward Bernays, qui va mettre à profit (au sens plein du terme) la découverte, très concrètement. D'un côté, la connaissance, qu'on nous vend comme le bien suprême. De l'autre, l'action, mot dont les médias regorgent dans le registre positif. Mais soigeusement séparés : on appelle ça la division du travail : que ma main gauche, surtout, ignore ce que fait ma main droite. La "main gauche" (Freud) s'appelle la science. La "main droite" (Edward Bernays) s'appelle la technique.
C’est Edward Bernays qui déclara : « L’ingénierie du consentement est l’essence même de la démocratie, la liberté de persuader et de suggérer ». Et « La propagande est l’organe exécutif du gouvernement invisible ». C’est cet homme qui est souvent considéré comme un des personnages les plus influents du 20ème siècle.
Elle est pas belle, ma « démocratie » ? Allez, quoi : achetez !!!
A suivre …
13:44 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : michel onfray, psychanalyse, edward bernays, sigmund freud, rené girard, littérature, société, progrès, science, sciences humaines
dimanche, 15 mai 2011
L'ETAU SE RESSERRE
Je vous raconte le dessin de SERGUEI paru, p. 15, dans Le Monde daté 15-16 mai 2011 (c’est du tout frais pondu, la maison travaille « à flux tendu », bien qu’elle ait pas mal de stock en magasin). Le titre : « Sécurité routière ». Le soleil braque un radar. Un épouvantail dissimule une caméra. Un gendarme manoeuvre son radar. Deux autres boîtiers mal identifiés, mais sûrement peu sympathiques. La femme dit à son mari, qui conduit : « Tu as bien mis ta ceinture ? Tu as enlevé l’avertisseur ? Tu n’as rien bu ? Tu n’as pas dépassé les 50 ? ». Le mari répond, tétanisé sur son volant : « On n’est plus en sécurité ».
Il se trouve que, ce matin même, l’excellente (pas toujours, mais le plus souvent) émission de RUTH STEGASSI « Terre à Terre », sur France Culture, rendait compte d’une rencontre avec Gérard Pagès, Sébastien Delpech, Anna Labrousse et Babette Védoit. Ils sont tous ELEVEURS DE MOUTONS (dans le sud ouest de la France, à ce que j’ai compris). Lecteur bénévole, je sais, tu te demandes : « Quel rapport, Alexipharmaque, avec les contrôles pour la sécurité routière ? » Là, moi, je dis : « On est en plein dans le même sujet. – Prouve-le, blogueur ! – Je le prouve, lecteur : tous ces éleveurs de moutons ont déposé les statuts d’une association intitulée FAUT PAS PUCER. »
J’explique : l’Europe, en dehors de réglementer la longueur et la résistance des PRESERVATIFS MASCULINS, le diamètre et la qualité des VIS et des ECROUS, la consistance et le goût des YAOURTS, elle distribue des subventions dans le cadre de la P. A. C. (Politique Agricole Commune). Et alors, dira-t-on ? Eh bien, en tant que dispensatrice de rémunérations aux agriculteurs, elle veut savoir exactement où va son bel argent, et si la dépense est justifiée. Après avoir admis que ceci n’est pas complètement absurde, je note quand même le statut du petit (ou du moyen) paysan (il paraît que ce dernier mot n’a plus cours : on dit « agriculteur ») : il est devenu un MENDIANT. Quelle que soit l’analyse qu’on peut faire du phénomène, quelqu’un dont l’existence ne pourrait pas continuer sur le même mode sans l’argent que quelqu’un lui procure, on appelle ça un MENDIANT (voir tous les festivals, associations, institutions, groupements à VISEES CULTURELLES, dont l’une des activités les plus prenantes consiste à rechercher les « partenariats », les « sponsors » et autres « mécènes », ou a attendre, à réclamer LA subvention, mais ne nous égarons pas).
L’Europe, pour savoir si l’argent dispensé va bien où elle a voulu qu’il aille, il est indispensable qu’elle CONTROLE. Alors là, le lecteur commence à comprendre le lien entre sécurité routière et élevage de moutons. Je précise : Madame Europe a trouvé un moyen imparable : la PUCE « R. F. I. D ». (Radio Frequency Identification, en anglais). Je traduis : le mouton est immédiatement, électroniquement repérable et comptabilisable. La bête se dématérialise. L’éleveur aussi. D’ailleurs, au surplus, tout ça montre qu’il est d’abord un SUSPECT a priori, un fraudeur en puissance. Comme le dit un des éleveurs interrogés, l’animal vivant devient un flux de données informatiques. L’éleveur de moutons est exactement dans la même situation que le conducteur de SERGUEI. Et tout se passe en « temps réel ». La photo aérienne est mise à contribution pour établir les surfaces, le nombre des piquets qui délimitent ces surfaces, le nombre des bêtes qui y paissent, enfin tout. La réputation officielle du mouton (tu sais, lecteur : Panurge, moutonnier, grégaire, politiquement correct, bien-pensant...) n'avait vraiment pas besoin de ça.
Voilà le monde qui se présente : au nom des morts sur les routes, au nom de la traçabilité, au nom de la transparence, au nom de l’hygiène des poumons, au nom de la santé (le foie, le cœur, le côlon transverse et le grand côlon, la prostate, et que sais-je ?), au nom de la sécurité des innocents dans les aéroports et des citadins dans les rues des villes, bref : au nom du BIEN qu’on nous veut, on rétrécit l’espace vital et respirable de chacun. Mais, objecteras-tu, lecteur bénévole, si on n’a rien à se reprocher, quel mal y a-t-il à ça ? Je répondrai, lecteur insouciant, qu’avec un raisonnement comme celui-là, on va très loin.
Réfléchis. Un tel argument amène tôt ou tard, forcément, celui qui guette derrière son écran de contrôle à zoomer sur des détails de plus en plus fins, précis de ce qui constitue ton existence. Il viendra épier les plus menues circonstances de ton quotidien pour vérifier si rien ne cloche, si TOUT ce que tu fais est bien CONFORME aux règles édictées « démocratiquement » par la collectivité pour LE BIEN DE TOUS. Le filet moral se referme sur toi. La police est entrée dans ta propre personne. Le gendarme n’a plus besoin de se déplacer, ni même de se montrer : tout citoyen vit en permanence avec l’œil de ce moderne BIG BROTHER dans la tête. Pendant ce temps, tout dérapage par rapport à la GRANDE CONFORMITÉ est désigné, dénoncé, attaqué avec le plus d’unanimité possible, dans le bue de conforter le conforme.
FRANZ KAFKA écrit quelque part (Lettre sur l’éducation des enfants ?) que l’ultime liberté de l’individu est la liberté de disparaître. Ce qui ne renvoie pas forcément au suicide : disparaître, ça concerne quelques milliers de personnes par an, en France. Une autre liberté essentielle consiste à MAL AGIR, c’est-à-dire à choisir délibérément de s’écarter de la norme, pas forcément de façon terrible et voyante, et d’aller à l’encontre de ce que la règle ordonne (traverser en dehors des clous, ne pas céder sa place assise à une vieille dame, taguer un mur tout neuf et tout vierge, tirer les oreilles de la petite sœur, etc.) : de ne pas faire bien. Juste une petite infraction comme ça, gentille et en passant, pour mesurer ce qui reste d'espace libre et respirable. Juste une petite entorse au règlement, pour se faire plaisir. Juste une petite transgression de l'ordre établi pour réchauffer le désir d'exister. Ne me dis pas, lecteur, que tu te l'interdis 24/24 et 7/7. Mais si un espion de la loi est installé en toi au poste de commande, que vas-tu FAIRE de ces libertés ? Et ces libertés, si tu n’en fais pas usage, A QUOI ÇA TE SERT D’ÊTRE LIBRE ? Le jour où chacun de nous sera "équipé" d'une puce R. F. I. D., la société BIG BROTHER aura fait définitivement main basse sur les morceaux d'humain vraiment vivants qui restaient de nous.
07:55 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : le monde, ruth stegassi, faut pas pucer, sécurité, liberté, littérature
jeudi, 12 mai 2011
EUGENISME : HITLER A GAGNE
Adolf Hitler : tout le monde a sa photo dans l’esprit, tout le monde a son nom à la bouche. C’en est au point que les « Guignols de l’info » avaient un temps, si je me souviens bien, baptisé la marionnette figurant Le Pen : « Adolf », avant d’être sommés d’abandonner cette idée, tant par l’intéressé lui-même que du fait de l’exagération manifeste : n’est pas Adolf Hitler qui veut.
Bref, ce sinistre personnage (là, tout le monde est d’accord) occupe aujourd’hui la place d’épouvantail number one, cette place, bien d’autres ont espéré s'en emparer, et ont fait quelques réels efforts pour y parvenir. Ils ont nom Pol pot ou, jusqu’à hier, Oussama Ben Laden. Mais c’est comme avec les guerres, dans la chanson de Georges Brassens : « Chacune a quelque chose pour plaire, chacune a son petit mérite, mais mon colon celle que je préfère, c’est la guerre de quatorze-dix-huit ». Bon je ne vais pas me mettre à fredonner : « Moi le tyran que je préfère, c’est la gueule d’Adolf Hitler» (notez que ça rime).
Mais je remarque au passage que c’est la gueule qui se présente en général la première quand n'importe qui veut faire comprendre ce qu'est pour lui le Mal absolu. C’est une sorte de fascination bizarre, dont l’effet est de rejeter le nommé Adolf Hitler dans une anti-humanité, somme toute commode : tout le monde est d’accord pour dire que c’est un monstre. Conclusion obligatoire : donc il n’est pas humain. C’est logique : s’il est un monstre, il n’a rien à voir avec nous, les humains ordinaires, et pour tout dire normaux. Ça rassure, c’est d’ailleurs fait pour ça. Cela arrange tout le monde, de se dire qu’il n’est pas du tout comme nous, pas du tout du tout du tout, je vous jure. La gueule d’Adolf Hitler a ceci de commode qu’elle incarne le mal hors de chacun de nous. Et puis c’est de l’histoire ancienne, et puis il est mort, et puis « plus jamais ça » (le refrain).
Le problème, c’est que les monstres se sont mis à proliférer, et de façon tellement sournoise qu’ils se sont fondus dans la population, au point de ressembler à tout le monde : ça pourrait être n’importe qui, ça fout l’angoisse. Finalement, c’était bien commode, une gueule d’Adolf Hitler : tous les projectiles lancés par la bonne conscience pouvaient se concentrer sur elle avec une touchante unanimité. Mais il y a eu Dutroux, il y a eu Fourniret, il y a eu Priklopil (celui-là s’est fait voler la vedette par sa victime Natascha Kampusch : c'en serait presque injuste !). Il y a eu Outreau, avec sa rafale de monstres (lisez le portrait de Cherif Delay, fils de Myriam Badaoui, dans Libération du samedi 7 mai 2011). En fait de monstres, on a aujourd’hui l’embarras du choix : un comble !
Et le doute gagne : et s’il y avait du monstre en chacun ? Et si le « Bien » et le « Mal » coexistaient par nature à l’intérieur de tout individu ? Ça la fout mal. Mme Opinion Publique (c’est qui ?), à cette idée révoltante, s’emporte, bronche, proteste. Il n’y a qu’à voir le « débat » qui a accompagné le succès des Bienveillantes de Jonathan Littell : comment peut-on se mettre dans la peau d’un nazi ? Dans quel cerveau malade une telle idée a-t-elle pu germer ? Et le « débat » suscité par le film La Chute. Le monstre, jusqu’à récemment au moins, c’était une sorte d’ « Alien » radicalement autre.
Relisez la description de Quasimodo dans Notre-Dame de Paris. Feuilletez à l’occasion le passionnant ouvrage de Martin Monestier, Les monstres (Editions du Pont Neuf, refondu sous le même titre aux éditions du Cherche Midi) : splendide collection de toutes les sortes d’aberrations qui touchaient les fœtus humains (et animaux, éventuellement), avant que la science ne triomphât. Voyez ou revoyez le film – ô combien célèbre et peu regardé – de Tod Browning : Freaks, où Madame Tetrallini déclare au propriétaire du terrain où jouent plusieurs monstres microcéphales, ce qui scandalise le contremaître : « Mes enfants ne font pas de mal. – Vos « enfants » ? murmure le propriétaire, avant d’autoriser cette présence pour le moins inhabituelle.
Relisez ce passage de Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez, dans lequel un bébé né avec une vraie queue (= prolongement osseux de la colonne vertébrale) se la voit tranchée au hachoir sur une table de cuisine. On savait alors ce que voulait dire le mot anormal, et la réaction première, face à cela était : « On n’en veut pas. », ou alors dans des cirques, comme phénomènes propres à attirer les foules qui payaient autant pour se faire peur que pour se rassurer. Trop différents, ils sont humains, mais en partie seulement, à moitié, au quart, que sais-je ? Ci-dessous Pasqual Piñon et Prince Randian (il faut voir ce dernier, dans Freaks, allumer sa cigarette seulement avec la bouche : essayez voir, pour comprendre l'exploit).
C’est là que je reviens à Adolf Hitler. On sait que l’une de ses obsessions, c’était de restaurer la pureté de la race, en particulier en éliminant purement et simplement les anormaux, qui constituaient autant d’impuretés porteuses de dégénérescence. Intolérable, je vous dis ! Cette manie mortifère porte un nom : Eugénisme. Il s’inspirait sans doute des pratiques en vigueur à Sparte, dans l’antiquité grecque, où l’on éliminait sans sourciller, après examen (néonatal, notez bien), les individus jugés non conformes. C’est aussi là que je reviens sur la touchante unanimité qui fait condamner avec horreur la folie de Adolf Hitler : qui aurait l’insanité aujourd’hui de soutenir qu’il faisait bien ? Qui oserait risquer de se faire étriper par la foule en soutenant qu’il avait raison ? Qui voudrait passer aujourd’hui pour un odieux nazi ? C'est vrai qu'ils sont quelques-uns à oser. Mais dans l'ensemble, le Bien a triomphé de Adolf Hitler, c’est donc une affaire entendue : L'eugénisme, c'est le mal, l'eugénisme est un crime.
Or, si l’on se contente du seul registre de l’eugénisme, Adolf Hitler a gagné. Pour l’instant, laissons de côté les autres aspects, pour nous intéresser à cette seule exigence : contrôler la normalité de ceux qui vont naître. Notre si douce époque est devenue capable, grâce à ses prouesses techniques, à ses exploits scientifiques, de prédire (pas toujours) dans quel état naîtra l’être humain encore à l’état fœtal. On avait l’amniocentèse, on a maintenant l’échographie pour observer en direct ce qui se passe dans le ventre de la future mère. En Inde, ils ont vite compris tout le bénéfice qu’ils pouvaient en tirer, eux qui trouvent que les filles coûtent beaucoup trop cher aux familles, et qui avaient fait de l’échographie un moyen d’élimination des filles, avant que le gouvernement y mette le holà (avec quel succès ?).
Chez nous, autrefois, on conservait dans les sous-sols des hôpitaux les rangées de bocaux remplis de formol et d’anormaux, ces humains qui osaient naître monstrueux. Mais aujourd’hui, dans notre époque qui a sans arrêt plein la bouche de tolérance, de droit à la différence, de métissage, et de bien d'autres grands principes, dites-moi, combien de monstres et d'anormaux sont autorisés par les autorités scientifiques et médicales à seulement apparaître à la surface de la Terre, et à y demeurer (ne parlons pas des éventuelles conditions qui leur seraient faites : même les cirques sont devenus bien-pensants) ? Et l'exception de ce bébé à deux têtes qui vient de naître en Chine, au Si Chuan, confirme globalement la règle. Ci-dessous, un autre au Bangla Desh.
La règle, au moins dans nos pays (industriels, développés, déliquescents), reste : on a trouvé le moyen légal, admissible selon les « critères moraux » officiels, d’éliminer l’humain jugé anormal, avant même qu’il ait aperçu la lumière du jour. Toutes les procédures qui le permettent portent des noms savants, les seuls capables de faire passer l’amertume de cette terrible pilule. Cela s’appelle « diagnostic prénatal », « avortement thérapeutique » ; cela s’appelle même maintenant « médecine prédictive » : on se propose d’analyser l’ADN des futurs parents, pour repérer les éventuels gènes défectueux qui risquent de déclencher on ne sait quelles maladies autour de trente ou quarante ans. Le contrôle de normalité accroît sans cesse ses pouvoirs. Et c’est un processus en marche, qu’on se le dise.
On me rétorquera que donner la vie à un individu anormal transforme en enfer l’existence de ses malheureux parents. Je suis totalement d’accord (et très bien placé pour le savoir, par-dessus le marché). Mais il faut savoir : si j’approuve ce qui est aujourd'hui le contrôle de normalité, logiquement, je dois cesser de renvoyer l’épouvantail Adolf Hitler hors de l’espèce humaine, de le considérer comme un monstre inhumain. Je suis obligé de le réintégrer parmi les hommes. En somme, il faut admettre Adolf Hitler au sein de l’espèce humaine. Son très grand tort fut de s’en prendre à des humains déjà dotés d’un nom, d’une histoire personnelle, et d’un état civil. Mais sur le fond, en quoi sommes-nous différents des nazis ? Nous nous glorifions d’avoir progressé : les abattoirs qui alimentent nos boucheries sont tous carrelés de blanc, et c’est à peine si l’animal y meurt. On y pratique la « mort douce » (ça veut dire euthanasie, même si Jacques Pohier, un jésuite, a écrit La Mort opportune). Et à l’ombre des murs de nos très modernes et progressistes hôpitaux, il se passe …
En matière d’eugénisme, ce qui différencie le régime nazi de nos façons de faire modernes et démocratiques, ce n’est même pas la méthode (élimination pure et simple) : c’est que, chez nous, aujourd’hui, ceux que nous éliminons, simplement, nous ne les avons pas encore vus. Ils n’ont encore accédé ni à l’existence ni, surtout, à l’état-civil. Somme toute, on ne fait qu'éliminer du rien. Même si les motivations semblent (je dis bien « semblent ») moralement ou socialement acceptables, la finalité et le résultat sont identiques : empêcher des humains jugés défectueux d’accéder à l’existence. Ce cousinage a de quoi gêner et laisser perplexe, et de quoi nous interroger : si notre monde est vraiment meilleur qu’avant, n’a-t-il pas, aussi, quelque chose du Meilleur des mondes ?
N’y a-t-il pas quelques raisons d’affirmer, comme je le fais dans mon titre, que, au moins en ce qui concerne l’eugénisme, Adolf Hitler a gagné ?
08:56 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hitler, eugénisme, histoire, littérature, pol pot, dutroux, fourniret