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jeudi, 12 février 2015

L'ISLAM N'AIME PAS LA FRANCE (4)

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Certains lecteurs, après ma série de billets « L’Islam n’aime pas la France », m’ont peut-être jugé islamophobe ou raciste. Certains ont jugé mon ton péremptoire. Ils en ont conclu que je manquais de modestie. C’est vrai, je l’avoue, j’ai bien des défauts, mais je ne suis ni islamophobe, ni raciste. Ce n'est pas parce qu'on critique l'Etat d'Israël qu'on est antisémite.

 

Pour moi, une religion est nocive par principe. L'islam pas moins que le catholicisme, ou quelque autre prêtrise qui voudrait nous marteler le crâne et l'âme de la réalité de la présence, quelque part, d'êtres supra-humains, à même d'expliquer à l'homme pourquoi il est malheureux sur terre.

 

Et qu'il est urgent pour lui d'attendre et d'espérer une « autre vie », à condition que ce soit plus tard. Si possible à la fin des temps. Urgent, en attendant, de se soumettre à l'autorité de gens qui ont décidé qu'ils étaient les seuls représentants légitimes de Dieu sur terre. Les seuls à détenir La Vérité révélée. Le problème, c'est qu'il y en a beaucoup, des Vérités révélées. Dans ce supermarché aux croyances, j'ai choisi de ne pas choisir. C'est une croyance comme une autre. On ne peut pas ne croire en rien (cf. Jacques Bouveresse, Peut-on ne pas croire ?) : pour vivre, il faut y croire.

 

Et puis je ne peux pas oublier la phrase décisive que Marcel Gauchet écrit pour présenter Le Désenchantement du mondeAinsi le christianisme aura-t-il été la religion de la sortie de la religion »), qui synthétise et explique en partie la façon dont les Européens ont vu et fabriqué (c'est ce qu'on appelle le « Progrès ») le monde tel qu'il se présente aujourd'hui. Le progrès tel que nous, occidentaux, l'entendons, c'est le christianisme, à commencer par le catholicisme, qui en est la source vive.

 

Que je sois catholique à l’origine n’y change pas grand-chose, si ce n’est toutefois que je me garderai de jeter le bébé de l’héritage culturel prodigieux légué par cette religion, avec l’eau du bain ecclésiastique dans lequel barbotent encore quelques soutanes en compagnie de leurs adeptes. Je suis entièrement tissé de cette culture : il faudra me tuer pour qu'il en soit autrement. Et il va de soi qu'en cas de crise avec l'islam, mon camp est choisi d'avance. J'espère cependant qu'on en est loin. Ce n'est pas complètement sûr.

 

Il se trouve qu’au sujet de l’islam, de sa place sur le territoire français et européen, je me tiens au courant en passant par des canaux classiques : la bonne vieille presse écrite payante, les bons vieux journaux imprimés sur du bon vieux papier qui salit les doigts.

 

Et sans avoir jamais recours aux thèses complotistes ou à celle du « grand remplacement », qu'on trouve, paraît-il, à foison sur la Toile, je m’estime assez informé pour tirer des faits qui sont rapportés dans la presse, quelques analyses de la situation pas trop dénuées de pertinence. Des analyses partagées par des gens raisonnables et pondérés. Des analyses peu optimistes à vrai dire, en ce qui concerne l'irruption de la question islamique. Une question qu'il faut être soit un lâche, soit un menteur, soit un profiteur pour nier qu'elles se posent.

 

J’appartiens à la drôle d’espèce animale qui ne se range ni dans la famille des dieudonnidés ou des zemmouridés, ni dans celle des edwyplenelidés ou des christinefourestidés, encore moins dans celle des hollandidés ou des franmaçonnidés. Bon, c’est vrai que la presse « papier » est loin de nourrir le lecteur comme dans le bon vieux temps, mais il m’arrive encore d’y trouver pâture pour satisfaire mon appétit de substance rationnelle racontant la marche du monde.

 

C’est le cas, précisément, d'une tribune parue dans Libération du 6 février. Passons sur le désolant dessin que le journal (mais Le Monde n’est pas exempt de ce genre de facilité) croit indispensable d’étaler sur la moitié de la double page : toujours ça de moins à écrire. Des journaux d’une terrible pingrerie rédactionnelle : symptôme de fin de race.

 

Cette tribune est écrite par Soufiane Zitouni, professeur certifié de philosophie. Il est payé par l’Etat français. Il a vingt ans d’exercice du métier. Il est musulman et a appartenu à une communauté soufie (tendance mystique de l'islam). En septembre 2014, il entre au lycée Averroès de Lille, établissement privé musulman sous contrat. Cinq mois après, il démissionne.

 

Il avait publié une première tribune dans le même journal le 15 janvier, suite aux assassinats des 7,8 et 9. Il l’intitulait « Le prophète aussi est Charlie ». Il dénonçait les « pseudo-savants de l’islam » qui interprètent le Coran de la façon la plus étroite et la plus restrictive. Il dénonçait aussi l’absolue imperméabilité de beaucoup de musulmans à l’humour, quand il touche à leur croyance. Le texte avait provoqué quelques remous au lycée.

 

Il évoquait l’absolue absence de distance des musulmans (précisons : ceux qui crient le plus fort) par rapport à un « Sacré » qu’ils se refusent mordicus à relativiser. Par rapport à une croyance qu’ils se refusent mordicus à ramener, comme un cas particulier, au rang de quelques autres. Et c’est vrai que l’islam actuel donne globalement l’impression de ne pas tolérer d’autre Vérité que la sienne.

 

Pour ces gens-là, les non-musulmans ne sont pas dans une autre croyance : ils sont dans l’erreur, un point c’est tout. Il est donc urgent de les en tirer. Le problème des fondamentalistes musulmans, c'est d'être dans l'incapacité d'envisager que d'autres qu'eux puissent seulement envisager de croire en autre chose que ce en quoi ils croient eux-mêmes. La remarque vaut pour les « néo-cons. » et autres fondamentalistes protestants, genre George W. Bush., variante terrifiante de la chrétienté

 

La tribune de Soufiane Zitouni a été plusieurs fois affichée en salle des professeurs, plusieurs fois arrachée. Un jour, il juge la situation intenable et décide de démissionner. C’est ce qu’il explique dans le long texte publié le 6 février par Libération. Je ne vais pas résumer son exposé : le professeur raconte l’établissement, ses collègues, ses élèves, les responsables du lycée.

 

C’est un témoignage.

 

Voilà ce que je dis, moi.

lundi, 05 janvier 2015

LÉGION D’HONNEUR

 

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Petit additif aux propos tenus dans le billet d’hier.

Parmi ceux qui ont refusé de figurer parmi les heureux récipiendaires de la Légion d’Honneur, on relève, hélas, quelques noms que j’aurais crus ou voulus moins soucieux de se préserver de l’infamie en ruban rouge. Parce que je suis obligé d’éprouver le déplaisir de leur reconnaître le droit à une certaine estime de ma part. Parmi ces noms, je relève hélas celui de Brigitte Bardot, mais bon, on ne va pas tirer sur l’ambulance transportant la vieille dame. Surtout sachant cela.

 

Je suis plus marri d’avoir à reconnaître le mérite du refus à une clique de personnages dont la réputation, largement surfaite à mon sens, répand sur toute la culture française du 20ème siècle l’odeur nauséabonde de bien des aspects exécrables de la « modernité ». Je citerai ici les noms de Sartre et Beauvoir, évidemment, ainsi que celui de la plus anodine et anecdotique Geneviève de Fontenay. Je n’aime pas trop le prêcheur Léo Ferré, et son refus de la médaille est bien le minimum syndical que pouvait accomplir cet « anarchiste » autoproclamé.

 

Je mentionne à titre de curiosité la drôle de réponse faite par l’ancien ministre Hervé Morin à Christophe Forcari, journaliste à Libération : « … si j’appartenais au contingent de ceux à qui est attribuée la Légion d’honneur, je la refuserais. Je n’aime pas les décorations. J’ai vu trop de personnes passer mon bureau pour quémander le ruban rouge ». Ce qui confirme, en passant, mon expression d’hier sur le « troupeau des têtes courbées des moutons ». Mais son propos se clôt ainsi : « Pour autant, je ne pense pas qu’il faille revoir les conditions d’attribution ». Faut pas chercher à comprendre.

 

Non, j’aime à compter parmi les vrais « refuzniks » de la Légion d’Honneur, ceux dont l’acceptation m’aurait parue un parjure déshonorant, une tache indélébile sur le blason de leur honneur. Ils s’appellent Jacques Tardi et Thomas Piketty, dont j’ai parlé hier. En leur compagnie, du gratin. Sur le dessus du panier, évidemment, Georges Brassens.

 

Mais je suis heureux d’inscrire au tableau d’honneur des refusants de la Légion des gens aussi divers et prestigieux que Gustave Courbet, Marcel Aymé, Georges Bernanos, Guy de Maupassant, Emile Littré, Bourvil, Hector Berlioz, et, pourquoi pas, George Sand. Dans une sorte de deuxième cercle, j’inscrirais encore volontiers le philosophe Jacques Bouveresse, les écrivains Eugène Le Roy (Jacquou le croquant) et Bernard Clavel (quoique, ce dernier …), l’organiste Jean Guillou et, pourquoi pas, Philippe Séguin, au motif qu'il était souverainiste. Avec, mais juste pour l’anecdote, Jean-Marie Vianney, alias le curé d’Ars.

 

Maintenant, ce qui m’intéresse aussi, ce sont bien sûr les raisons de ces refus. On peut s’incliner devant celles qui poussent Annie Thébaud-Mony (directrice de recherche – cancer – à l’Inserm) : « J’ai été choquée d’être mise devant le fait accompli. Malgré trente ans d’activités scientifiques et citoyennes sur la santé au travail, ce n’était pas le type de reconnaissance auquel je m’attendais ». Elle aurait presque pu dire qu’elle s’était sentie « stigmatisée ».

 

J’aime aussi grandement les motifs de monsieur Henri Torre, ancien ministre de Messmer, dans la charrette duquel figuraient  les vieux chanteurs de variétés Stone et Charden (« Il y a du soleil sur la France ») et qui, pour cette raison, s’est fâché contre « la nomination de n’importe qui » : « Quand on voit que des Takieddine et compagnie l’ont obtenue, je m’excuse mais ce n’est pas mon monde à moi » (voir les « fripouilles » dont je parlais hier). Cher monsieur Torre, ce motif est tout à votre honneur, même si Stone et Charden ne sont pas à proprement parler des fripouilles.

 

La Légion d’Honneur ? D’abord, conduire sa vie comme il faut. Ensuite, ne rien faire pour mériter d'être décoré. Ensuite, surtout ne jamais la demander. Enfin, oui, à la rigueur : comme objet de collection, pour l'esthétique du geste et de la chose.

 

Voilà ce que je dis, moi.

dimanche, 14 août 2011

CIORAN : N'IMPORTE QUOI, MAIS QUEL STYLE !

Allez, je termine sur EMIL CIORAN.

 

Après Sur les cimes du désespoir, que j’ai considéré à la lecture un peu comme de la bouillie, j’ai attaqué Le Livre des leurres. Mais je ne suis pas sorti de la bouillie. En lisant : « Pour ceux qui ont dépassé la vie sans le vouloir… », je me pose la question : « Par la droite ? ». Et que pensez-vous de ceci : « Réjouis-toi de pouvoir, dans la confusion intérieure, être total ; de pouvoir en un instant actualiser tous les plans spirituels et toutes les oppositions. » ? 

 

A partir de là, tout sera TOTAL : « Pourquoi vivre dans des fragments de temps, des bribes d’expériences alors que je suis capable à tout instant d’être tout en entier, de rendre actuelles toutes mes réalités et mes possibilités ? ». Ce ne sera plus que « paroxysme », « effervescence totale », « inquiétude totale », « expériences totales », « inquiétude absolue ». Il fait une différence entre « ceux qui sont tout à fait seuls » et « ceux qui le sont absolument ». 

 

Ma parole, il y est resté, sur les cimes : « …ivre d’orgueil et d’extase vers les cimes ultimes de l’être… ». Il s’interroge plus loin : « La pensée ne mène-t-elle pas à tout ? ». J’ajoute : « A condition d’en sortir. ». Il note encore : « Ne pas oublier que les coups de poing, les cris, les gifles, la marche, le sport, les femmes, la vulgarité, sont à notre portée et que, par eux, nous pouvons gagner le combat dans le temps. ». Tiens, il a oublié le raton laveur. 

 

Et puis, cette obsession du « nous », comme si ce qu’il ressentait était valable pour l’humanité entière, alors même qu’il déclare (p. 583) : « Il me suffit d’entendre quelqu’un parler sincèrement d’idéal, d’avenir, de philosophie, de l’entendre dire « nous » avec une inflexion d’assurance, d’invoquer les « autres », et de s’en estimer l’interprète, – pour que je le considère mon ennemi. ». La contradiction est ici aveuglante. 

 

Dans ce Précis de décomposition, je sauverai quand même le premier chapitre, « Généalogie du fanatisme », qui me semble poser très bien ce qui est sous-jacent dans toute croyance : l’intégrisme. Si j’étais croyant, je serais fanatique, sauvagement intégriste, car toute croyance aspire à la totalité. C’est normal, puisque croire, c’est détenir LA Vérité. Pour tout croyant qui se respecte, il importe donc de combattre pour que tous l’admettent. Toute croyance a vocation universelle. Toute croyance est de nature totalitaire. Mais peut-on pour autant ne croire en rien ? C’est vrai que JACQUES BOUVERESSE a écrit un livre (Peut-on ne pas croire ? Agone, 2007) sur « la Vérité, la croyance et la foi ». Mais il est de fait que beaucoup déclarent ne croire en rien.  

 

On a compris : je suis TOTALEMENT étranger à ce discours, et même d’un hermétisme brutal. Dans ces conditions, je ne vais pas continuer sur cette lancée à propos de Des Larmes et des saints, de Le Crépuscule des pensées, de Bréviaire des vaincus et de Précis de décomposition. Vous m’aurez laissé tomber bien avant. Pour résumer, je suis incapable de voir dans ce langage le récit d’une expérience intérieure : j’y vois des mots et, selon l’expression inventée par Le Canard enchaîné, des « paroles verbales ». 

 

Allez, encore une gorgée de ce breuvage. « Comment pourrais-je oublier que je suis, quand l’excès de mort me délie de la mort ? » (Crépuscule). Quelqu’un peut-il me dire ce que signifie : « Un naufragé battu par toutes les vagues, projeté contre tous les rochers, aspiré par toutes les obscurités – et qui tiendrait le soleil dans ses bras ! » Et c'est le même gars qui dit pis que pendre de la poésie ! « La vie est éthérée et funèbre comme un suicide de papillon. » J’ai failli le dire ! « Je suis poète par tous les vers que je n’ai jamais écrits. » Et moi donc ! 

 

Et : « Pourvu que les cieux s’écroulent avant la ruine de l’esprit ! ». Et : « Même le suicide n’est qu’un hommage que nous rendons à nous-mêmes. » Ma foi, pourquoi pas ? La poésie ? « Elle nous fait descendre vers le suprême. » Il me l’ôte de la bouche. « Ne l’obligeons-nous pas [la mer] au reflux lorsque nous la regardons avec des yeux sans chagrin ? » « L’homme est le plus court chemin entre la vie et la mort. » Ça, ça me fait carrément marrer. 

 

Bon, je ne vais pas m’acharner. EMIL CIORAN a sa statue, ses admirateurs. Ce que je peux dire, c’est qu’il est sans arrêt dans le paradoxe, l’exaltation, l’emphase, la généralisation, l’oxymore et la tautologie (« On croit sans croire et l’on vit sans vivre. »). 

 

Alors, vous allez me demander pourquoi j’ai lu 737 pages des œuvres qui me sont à ce point étrangères. La question est légitime. Je répondrai d’abord qu’il y a quelque chose de fascinant dans la CONSTANCE du langage et du regard, dans la COHERENCE du propos. C’est étrange, mais il part d’une obsession, et il s’y tient, sans dévier d’un pouce de sa trajectoire. On peut considérer ce qu’il dit comme le symptôme d’une maladie, mais ce qui est sûr, c’est qu’il a trouvé une voie qui n’appartient qu’à lui, et qu’il explore avec la plus grande obstination. 

 

Je répondrai ensuite que si je m’y suis tenu sur plus de 700 pages, c’est qu’il y a quelque chose d’unique dans le STYLE. En lisant Précis de décomposition, je vais vous dire, je suis fier d’être Français. Enfin quoi, voilà un Roumain qui se met à écrire en français avec la pureté de langue qu’on trouve dans Paradoxe sur le comédien de DIDEROT, et face à ça, tous les petits écrivailleurs que nos éditeurs actuels publient à tour de bras ne s’ensevelissent pas sous la honte des pelures de pommes de terre qui sortent de leur plume ! 

 

Moralité, quel dommage que CIORAN … que CIORAN quoi, au fait ? Non, rien.