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mardi, 17 avril 2018

OGM : LE DOUTE PROFITE AU CRIMINEL

Préambule ajouté le 16 avril 2018.

 

Les choses s'enchaînent parfois de façon curieuse. Par exemple, il se trouve qu'entre le 28 février et le 4 mai 2012, j'ai publié cinq billets qui traitent du même sujet, les OGM. J'imagine que ce qui paraissait dans la presse de l'époque n'est pas étranger à ce regroupement dans le temps. D'un côté, ça a un petit aspect obsessionnel, je veux bien, mais de l'autre, ça me donnait l'occasion de marteler une idée : la haine que nourrissent les industriels pour la science authentique et pour la vérité scientifique, en l'occurrence pour toutes les parties de la science qui tournent autour de l'étude des milieux et de la protection de l'environnement, bref : de l'écologie scientifique.

 

Ils ne veulent à aucun prix que l'on procède à l'étude objective des effets et conséquences de la mise sur le marché, de la diffusion et de la dissémination des produits qui sortent de leurs usines. Autrement dit, ils ne veulent à aucun prix qu'on mette quelque obstacle que ce soit à la recherche du profit pour leurs actionnaires. Et d'en marteler une seconde : dénoncer toutes les stratégies, frontales ou biaises, ou carrément tordues, inventées par les puissants industriels en question et l'armée des juristes ou spécialistes en communication qu'ils ont les moyens de mettre à leur service exclusif, pour contrer l'action de tous les empêcheurs de danser en rond et de s'en mettre plein les poches. 

 

Ce qui se passait (et qui se passe toujours, si j'en crois l'énormité, par exemple, des surfaces brésiliennes où sont cultivés les sojas OGM de Monsanto et autres) en l'occurrence, au sujet des OGM, c'était à mes yeux le cynisme absolu et totalement décomplexé des firmes promouvant ces produits innovants, qui, alors que l'unique préoccupation de toute l'armée de leurs commerciaux était de placer leurs produits éminemment rentables, utilisaient tout leur énorme potentiel juridique à contrecarrer l'action des associations et ONG de défense de l'environnement qui, quant à elles, invoquaient, pour interdire les OGM, le principe de précaution.

 

Je trouvais assez vain, de la part de ces associations et ONG, de se laisser piéger dans l'interminable et faux débat "scientifique" autour de la nocivité éventuelle des OGM sur la santé humaine. A mes yeux, et je suis toujours convaincu de la chose, l'essentiel n'est pas dans le débat scientifique, forcément long, subtil et compliqué, et peut-être indécidable, mais dans une offensive jamais vue auparavant visant à la conquête par des entreprises privées du patrimoine public que constitue la nourriture de l'humanité. Ce qui m'apparaît encore aujourd'hui comme le véritable danger que font courir à l'humanité les firmes OGM, ce n'est rien d'autre que la privatisation de tout ce qui sert à la nourrir, par un petit nombre de firmes à tendance monopolistique (ce que j'appelle la GPT : Grande Privatisation de Tout). Poser sa marque de propriétaire exclusif sur un gène qu'on a fabriqué en laboratoire (ce qu'on appelle la "brevetabilité du vivant"), voilà le véritable scandale. Que cela puisse être simplement imaginable et légal, voilà un autre grand scandale.

 

Autrement dit, attendons la transformation de toutes les filières agricoles mondiales en autant de clients, voués à acheter aux propriétaires des plantes génétiquement modifiées, année après année, les semences qui sont la base de leur activité. Pour le dire encore autrement : la réduction de l'ensemble de l'humanité à l'état de dépendance, pour ce qui touche sa nourriture, à l'égard de mastodontes industriels dictant leurs lois et imposant leurs produits à leur gré. Ce processus, s'il allait à son terme, donnerait aux "inventeurs" des gènes ainsi répandus un pouvoir absolument exorbitant sur l'ensemble des populations humaines. Je voyais là, et j'y vois toujours, l'établissement d'un monstrueux projet totalitaire (raison pour laquelle je parlais, dès 2011, d'"Adolf OGM").

 

14 mars 2012

 

Oui, on a bien lu le titre : le doute ne doit plus profiter à l'accusé, mais au criminel. On pourrait même dire : au criminel impuni, voire encouragé par les puissants. Puisqu'il fait partie des puissants.

 

J’aurai le triomphe modeste, je vous promets, et je ne clamerai pas, d'un air victorieux : « Je vous l'avais bien dit ». Les aimables lecteurs qui auront l’obligeance et la vaillance de se reporter à mes billets des 28 février et 1 mars (comprendre aujourd'hui 15 et 16 avril 2018) le constateront d’eux-mêmes : ce blog est véritablement d’avant-garde, pour ne pas dire prophétique. Mais j’ai juré d’avoir le triomphe modeste. Pour les lecteurs qui n’aiment pas regarder dans le rétroviseur, petit rappel des faits. 

 

Les deux jours précités, j’abordais le problème des OGM en affirmant nettement qu’il ne fallait surtout pas entrer dans la « controverse » scientifique, parce que, selon moi, elle fait partie de la stratégie de firmes mondiales comme Monsanto ou BayerCropScience, et que cette stratégie est purement commerciale, et vise à aplanir les obstacles qui se présentent face au rouleau compresseur de la conquête mercantile du monde. 

 

L’obstacle, en la matière, étant les résultats obtenus de façon rigoureuse dans les laboratoires des scientifiques, qui remettent en question l'innocuité de certains produits et de certaines innovations, il s’agit donc, pour les industriels, qui sont aussi des marchands, de tout faire pour le franchir ou le contourner, cet obstacle que constitue la vérité. En l’occurrence, il s’agit de neutraliser la vérité. De la rendre inopérante dans la durée. Le plus inopérante possible, le plus longtemps possible. 

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Or, il vient de sortir un livre consacré, précisément, à ce sujet. Le titre est en lui-même, sans le savoir, une approbation, bref, en un mot comme en cent, un éloge sans fioritures de ma propre argumentation, rendez-vous compte : Les Marchands de doute. Les auteurs sont beaucoup plus savants que moi : Naomi Oreskes, de l’université de Californie, à San Diego, et Erik M. Conway, du Jet Propulsion Laboratory de la NASA. 

 

Editions Le Pommier, 29 euros, c’est vrai, mais attention, 512 pages, on entre dans le respectable et l’argumenté. Plus documenté, tu meurs.  Claude Allègre peut aller se rhabiller, avec ses impostures médiatiques énoncées avec l’aplomb le plus imperturbable (qui est souvent, soit dit en passant, l’ineffaçable marque du mensonge et masque de la bêtise) et ses « courbes scientifiques » qu’il a lui-même retravaillées au stylo-bille. 

 

Un titre formidable. Le mien (la « stratégie de la controverse ») est trop compliqué. Les Marchands de doute, ça situe tout de suite le problème sur le terrain juste : le FRIC. Mais je l’ai dit, les auteurs sont beaucoup plus savants que moi. En particulier, ils mettent le doigt sur ce qui fait le lien entre des événements qui n’ont aucun lien, en apparence et pour le commun des mortels. 

 

Pensez donc, ils vont du tabac au réchauffement climatique, en passant par les pluies acides et le trou dans la couche d’ozone. Rien à voir, direz-vous, entre tous ces terrains de discussion. Eh bien détrompez-vous ! Mais commençons par le commencement : le tabac. 

 

Pour le tabac, on est dans les années 1950. Certains scientifiques commencent à être emmerdants : ils pointent une sorte de concomitance et de proportionnalité entre d’une part la consommation de tabac et d’autre part la survenue de cancers des voies respiratoires, bronches et poumons principalement. 

 

Pour l’industrie du tabac, il est « vital » (!) de neutraliser l’information scientifique qui commence à se répandre dans le public et, plus grave, dans les sphères politiques, où se prennent les décisions concernant la santé publique. Il est vital que des masses de gens continuent, l'esprit tranquille, à s'adonner à l'inhalation de fumées diverses, et au remplissage des caisses de Philip Morris et d'AJ Reynolds. 

 

Deux vecteurs s’avèrent indispensables pour contrer le danger : la meilleure des agences de communication (ce sera Hill and Knowlton), et des scientifiques prestigieux et politiquement sympathisants. La stratégie consiste à semer le doute sur les résultats de la science. Comment ? On amplifie artificiellement des incertitudes souvent réelles mais limitées, et puis on valorise à tout bout de champ le doute ainsi créé en se servant des réseaux politiques, économiques et médiatiques. 

 

La « stratégie du tabac » fut d'une efficacité redoutable et, à ce titre, servit de modèle : l’industrie cigarettière américaine ne commença à perdre des procès que dans les années 1990. Quarante ans de gagnés, quarante ans de profits. Oui, un sacré délai, tout entier consacré aux profits. C’est d’ailleurs le but principal de la manœuvre. 

 

 

La stratégie fut simplement décalquée et recyclée quand il s’est agi d’autres controverses scientifiques, concernant l’environnement, le réchauffement climatique, et tcétéra. S'étonnera-t-on d'apprendre que les tenants de cette stratégie appartiennent aux couches les plus conservatrices et les plus réactionnaires de la population ? 

 

Les Marchands de doute le dit : certes, le doute fait partie intégrante de la démarche scientifique, mais en l’occurrence, il est, tout simplement, instrumentalisé. « Vous pouviez utiliser cette incertitude scientifique normale pour miner le statut de la connaissance scientifique véritable ». 

 

Un « mémoire » produit par l’un des dirigeants de l’industrie du tabac en 1969 titrait : « Notre produit, c'est le doute ». Et le doute, en la matière, reste le meilleur moyen de contrer l’ensemble des faits et, dans le fond, d’anéantir la réalité de ces faits. 

 

Je n’ai parlé, fin février-début mars, que des OGM. Soyons sûrs que la stratégie actuelle de Monsanto et des climato-sceptiques ne diffère en rien de celle qu’expose Les Marchands de doute, de Naomi Oreskes et Eric Conway 

 

L’aspect le plus redoutable de ce doute-là, qui n’a rien de scientifique, c’est qu’il est efficace. Et s’il est efficace, c’est pour une raison très précise : il interdit au politique de prendre la décision d’interdire le produit. 

 

Avec ce doute-là, oui, il est interdit d'interdire. Tiens, ça me rappelle quelque chose. Drôle de retournement des choses, cinquante ans après, vous ne trouvez pas ? 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

Demain : des nouvelles d'Adolf OGM.

mardi, 16 octobre 2012

VOUS AVEZ DIT IDENTITE NATIONALE ?

Pensée du jour : « C'est en flattant les hommes et les peuples qu'on les perd ».

LEON BOITEL (cité par ROLAND THEVENET, L'Esprit canut, n°18)

 

 

Ceux qui ont suivi les deux notes précédentes ont sans doute deviné où je voulais en venir en abordant la question de l’identité nationale. C’est entendu, NICOLAS SARKOZY, en lançant son soi-disant débat, a voulu faire un coup médiatique : de la « com », comme on a pris l’habitude de dire et d’entendre, quand il s’agit de propagande politique. Quelques vagues violentes pendant une dizaine de jours, et tout retomba dans le silence. Qui n’aurait pas dû être seulement troublé.

 

L’identité nationale, c’est donc quelque chose de très difficile à caractériser. Mais c’est aussi quelque chose de très fort, qui atteint des profondeurs insoupçonnées. Il n’y a qu’à voir les éclats auxquels le « débat » a donné lieu. Je fais abstraction des efforts du Front National pour récupérer à son profit toute cette énergie mise en œuvre, singulièrement pour attirer les troupes mouvantes de l’UMP sur son terrain. Tiens, au fait, où ça en est, le rapprochement ?

 

Définir l’identité nationale de la France ? Un pari stupide. Si je reprends le bien modeste propos d’hier à propos de l’identité individuelle (tout ce qu’on a hérité et vécu, toutes les personnes rencontrées, bref, toute une vie), la France est une espèce de monument qui porte la marque de tout ce qu’elle a été, fait et vécu au cours de son histoire. Ce qui fait l’identité nationale de la France, c’est son passé. Tout son passé. Maintenant, allez vous débrouiller avec ça. Comment voulez-vous ?

 

Parce que s’il avait fallu accorder la nationalité française à ceux qui portent effectivement l'intégralité de ce bagage, il y aurait eu dans l’histoire entre cinq Français un quart et dix Français et demi. Guère plus. Pour qu’il y ait nation, il faut davantage.

 

La nation, si vous regardez ce que dit le Robert : « Groupe humain, généralement assez vaste, qui se caractérise par la conscience de son unité et la volonté de vivre en commun ». Dieu du ciel ! Quelle précision ! Quel sens de l’observation ! M’enfin, comme dirait Gaston Lagaffe, c’est mieux que rien : conscience d’une unité, volonté de vivre ensemble. Certes, il ne parle pas directement de l’identité, mais de la nation.

 

Il faut aborder, je crois, les choses autrement. Et je reviens à mes dadas : l’appartenance et la différenciation. A quelle idée de la France ont le sentiment d’appartenir ceux qui vivent sur son sol ? Combien ont le sentiment d’être Français ? Le moins qu’on puisse dire, c’est que, si ce sentiment existe, il est mitigé. Et ce n’est pas le défilé du 14 juillet ou les cérémonies du 11 novembre qui y changent quoi que ce soit : ce qui est sur le papier diffère de ce qu’il y a dans les cœurs. Appelons-le le "sentiment national".

 

Et qu’est-ce qu’il y a dans les cœurs ? Difficile à dire. Les facteurs de perturbation n’ont pas manqué. A commencer par l’Europe. Que devient une nation, quand elle doit se fondre dans l’ensemble plus vaste, quand cette fusion n’est pas voulue du fond du cœur par les populations qui la peuplent ? Réponse : la fusion se fera sans elles, par-dessus leurs têtes, au mépris de leurs désirs, et sans leur donner le temps de désirer quoi que ce soit. Et s’il leur prend de dire « non », on leur mettra au cul (cf. 2005).

 

On fera des « Traités », on signera des accords entre gouvernements, on s’entendra entre dirigeants : parce qu’un certain nombre de gens très compétents, très intelligents ont décidé que c’est bon pour les peuples. Et basta !

 

Tout ça parce que des bureaucrates passés par des ENA quelconques ont conclu à la nécessité d’administrer, au gré des lubies du fanatisme libéral (la « concurrence libre et non faussée »), les centaines de millions de gens que les hasards de l’histoire et l’arbitraire de leur formation avaient placées en leur pouvoir. Et décrété : « Il faut faire l’Europe », en tapant des pieds et en allumant leur briquet. Une variante, sans doute, de ce qu’on appelle le « concert des nations ».

 

Mais y a-t-il une « nation européenne » ? La réponse est évidemment négative. Il n’y a pas de nation européenne. Toujours est-il que le matraquage de « l’idée européenne » a forcément fait des dégâts dans les esprits sur la notion qu’ils avaient de la « nation française », vous ne croyez pas ? Il y a de la dilution dans l’air. Encore, tant qu’on s’est contenté de six ou dix Etats membres, chaque Etat pouvait encore se considérer comme un individu, mais VINGT-SEPT !!!!

 

Diluée, la nation française. Dissoute, l’identité nationale française. Délayé, le "sentiment national". Regardez ce qui s’est passé après la chute du mur entre Tchéquie et Slovaquie, regardez l’éclatement de la Yougoslavie. Regardez maintenant ce qui se passe entre la Catalogne et l’Espagne, entre la Flandre et la Belgique. Ajoutons l'Ecosse et la Grande-Bretagne, pour faire bonne mesure.

 

Qu’est-ce qu’ils disent, tous ces gens ? Ils disent tous : « Nous voulons être nous-mêmes ». C'est ça, le sentiment national. Un peu le même qui anime les Longevernes et les Velrans dans La Guerre des boutons. Je ne vois pas d'inconvénient à appeler ça du "repli sur soi".

 

En France, les revendications régionalistes émanent de quelques allumés : personne, à part quelques Corses ou quelques Basques, ne réclame l’indépendance. Cela devrait vouloir dire que tout le monde adhère à l’identité nationale française. Or, face à la dilution européenne, les médias laissent s’exprimer avec condescendance et apitoiement quelques illuminés qu’ils appellent dédaigneusement  « souverainistes », mais ceux-ci restent marginaux (NICOLAS DUPONT-AIGNAN), si l’on excepte le Front National.

 

Cette absence de sursaut collectif signifie, je crois bien, que l’identité nationale française est déjà salement diluée. Le sentiment national est d’ores et déjà, majoritairement, perdu. Tout au moins – s’il existe encore, présent et vivace –, il est globalement inaudible. Sans doute on le fait taire, qui sait ? Car il a suffi qu’un ludion politique (NICOLAS SARKOZY) lui offre une tribune, à l’occasion des « débats » sur l’identité nationale française, pour qu’une bourrasque imprévue se mette à souffler.

 

Vous ne trouvez pas ça étrange ? On s’est rendu compte à cette occasion, que quelque chose était à vif, comme une plaie, mais maintenu délibérément hors-champ. Par qui ? Qui la défend, l'identité nationale française ? Des hauts responsables ? Vous n'y êtes pas. Juste des gens qui n'ont pas la parole. Rappelez-vous, les promoteurs de ces débats, tout d'un coup effarés et effrayés par le monstre qu’ils avaient eux-mêmes suscité. Et la tribune des « débats » mis en scène par SARKOZY s’est écroulée.

 

On ne m’enlèvera pas de l’idée qu’au quotidien, la population française vit, pense, s’exprime, mais qu’on fait peser sur cette vie, cette pensée et cette expression la loi d’un tabou radical. Le « on » serait à creuser. En attendant, je suis frappé par le fait que des groupes qui se font appeler « identitaires » soient automatiquement classés à l’extrême-droite (sous-entendu, c’est ba-caca, méchant et compagnie), pour ne pas dire chez les fascistes et autres nazis. Cela en dit long. Qui a associé l'idée de « repli » à ce qui est identitaire ?

 

Cela veut dire, si je comprends bien, qu'être soi-même, c'est avoir peur du monde extérieur ? C'est évidemment un mensonge : tous ces gens malintentionnés confondent à plaisir « être soi-même » et « se replier sur soi-même » (voir ci-dessus). Cela tombe sous le sens.

 

Voilà ce que je dis, moi.

jeudi, 26 mai 2011

L'IMPOSTURE ECONOMISTE

Dans le zoo fou qu’est devenue la planète, l’économiste occupe une pace de choix. Que dis-je : l'animal tient le haut du pavé du centre de l'échiquier. Comme ils disent eux-mêmes, ils sont « incontournables ». Ce sont, disent-ils, des « spécialistes ». Leur spécialité, c’est l’économie. Une « science », paraît-il. Drôle de science quand même. La science, on sait ce que c’est, le Grand Robert le dit : « connaissance exacte et approfondie ». « Exacte » ? Alors l’économie N’EST PAS UNE SCIENCE. Qu’il y ait des invariants, c’est certain : plus on fabrique de la monnaie, plus les prix augmentent ; quand on détient un monopole, on s’enrichit plus que quand la vraie concurrence fait rage ; etc. J'ai quelques notions quand même, faut pas croire. Mais un des caractères infaillibles qui définit une science, c’est qu’elle est capable de PREDIRE les phénomènes (si tu es à 0 mètre, et si tu mets de l'eau sur du feu, elle bouillira à cent degrés Celsius, par exemple).

 

Ça crève donc les yeux : l’économie n’est considérée comme une science que par un abus de langage, un mensonge soigneusement entretenu par la corporation des économistes. Drôle de corporation, à vrai dire. Il se trouve que j’écoute de temps en temps l’émission du samedi matin à 8 heures sur France Culture, intitulée « L’Economie en questions ». Ils sont quatre ou cinq, ils sont appelés des « experts », ils discutent de deux sujets principaux. Et s’il y a un invariant, il est ici. Pendant une quarantaine de minutes, ces « experts », tous très savants, c’est certain, débattent. Oui, parfaitement : il DEBATTENT. C'est précisément là qu'est l'os. ILS DEBATTENT. Suivant les sujets, il leur arrive même de s’engueuler. Voilà l’abus de langage : ces « experts » dans la « science économique », ils sont rarement d’accord, d’une part sur l’analyse à faire d’un phénomène, d’autre part sur les solutions à apporter aux problèmes et les perspectives. Si c'était une science, il n'y aurait pas de débats aussi vifs (et ce ne sont pas les vitupérations du bibendum plein de suffisance arrogante CLAUDE ALLEGRE qui peuvent me convaincre du contraire). Ecoutez un peu, un jour où vous n'avez rien de mieux à faire, ça devient toujours assez drôle, quand ce n’est pas franchement burlesque, quand ces grands spécialistes attaquent la partie « IL FAUT » du débat.

 

NOURIEL ROUBINI, cet économiste américain d’origine iranienne, s’est terriblement singularisé, début 2008, en prédisant la catastrophe des prêts hypothécaires aux Etats-Unis (« subprimes »). Tous ses collègues l'appelaient Cassandre : à présent, c'est plus un Cassandre, c'est un grand savant. Combien sont-ils dans le monde ? En France, on connaît maintenant PAUL JORION (l’homme au blog), qui avait aussi prévu la crise de 2008. Il prédisait hier la désintégration de l’Europe. Faut-il espérer qu’il se trompe ? De tels économistes, il doit y en avoir quelques autres dans le monde. Mais ils sont l’exception : dans l’ensemble, la profession se trompe régulièrement, incapable de seulement anticiper les événements. Or la profession, ce sont les « experts », et les « experts », ils sont où ? Ils enseignent l’économie, pardi. Ils forment de futurs économistes. Certains deviendront profs à leur tour, et la boucle est bouclée. C’est comme le poisson rouge dans son bocal : il tourne en rond. On serait dans les biotechnologies, on appellerait ça le « clonage ». On n’est pas près d’en sortir.

 

Je ne m’attarderai pas sur la folie furieuse de l’économie financière, sur la dictature des marchés et des « agences de notation », sur la récente et la peut-être future catastrophe. Je ne suis pas « expert », moi. Je me contente de regarder (et de subir, comme tout un chacun) la voracité de ce tout petit monde qui fait la loi au reste du monde. Je m’intéresse quand même à son fonctionnement, après tout, je suis concerné. J’ai donc mon mot à dire. Des gens plus qualifiés s’y intéressent aussi. ALBERT JACQUARD : J’Accuse l’économie triomphante ; VIVIANE FORRESTER : L’Horreur économique ; EMMANUEL TODD : Illusion économique ; et j’ajoute, pour faire bonne mesure, l’économiste JOHN KENNETH GALBRAITH : Les Mensonges de l’économie. Il n’a pas été Prix Nobel d’économie, celui-là ? Sauf qu’en fait de Prix Nobel (c’est-à-dire ceux fondés par ALFRED NOBEL en personne), il y en a CINQ et pas un de plus : médecine, chimie, physique, paix, littérature. Prix Nobel d’économie : inconnu au bataillon ! Oui, il existe un Prix d’économie, décerné (depuis 1968 ?), par la Banque de Suède, que les journalistes traduisent (faut-il qu’ils soient paresseux !) Prix Nobel. Là encore, donc, un simple ABUS DE LANGAGE. L'économie est bourrée d'abus de langage.

 

Bref, les quatre auteurs ci-dessus (dont un Prix « Nobel » donc) s’en prennent à l’économie en tant que telle. Todd, par exemple, parle en 1998 du « projet d’une impossible monnaie européenne » (c’est moi qui souligne). Lui aussi, il croit que l'Europe va se désintégrer ? Peut-on parler d’économie quand on n’est pas un « expert » ? La réponse est définitivement OUI ! C’est comme en psychanalyse, où vous avez JACQUES LACAN d’un côté, et de l’autre des gens comme DIDIER ANZIEU. L’un jargonne à qui mieux-mieux, et ça intimide, et ça impressionne les gogos. L’autre explique des choses complexes dans une langue claire qui cherche avant tout à être comprise. La plupart des économistes jargonnent, avec l’intention bien arrêtée de maintenir le profane hors du cercle des initiés. Mais tous ces gens, finalement, n’ont aucune certitude, mais aussi aucun compte à rendre (mais quel responsable, aujourd’hui a des comptes à rendre ?). Ils peuvent, crise après crise, continuer à SE TROMPER (soyons indulgents : en CHANGEANT D'ERREUR à chaque fois, en adoptant une erreur différente, parce que nous, on a oublié la précédente, et c'est bien, parce  que, comme ça, tout le monde croit ce qu'ils disent A PRESENT) dans les mêmes médias : voyez le petit ALAIN MINC qui, en tant que « consultant » (ça veut dire « expert » je suppose) grassement rétribué, continue à « conseiller » les puissants.

 

Moi, ce que je comprends, dans les diverses (et opposées) théories économiques, c’est que le fait même qu’il y ait des théories économiques est en soi une IMPOSTURE. (Je ne reviens pas sur celle que constitue le mot « science ».) Parlons de DOCTRINE, ce sera plus honnête. Le mot « théorie » est fait pour impressionner, rien de plus. En fait, ce que ne disent pas les « experts », c’est que dans leurs « théories », il y a moins d’ ECONOMIE que de POLITIQUE. Les fantoches « politiques » (vous direz que j’abuse des guillemets, mais il les faut) qui défilent sur les écrans et dans les journaux sont précisément cela : des FANTOCHES. Ils nous font croire qu’ils font de la politique, alors que la politique, elle se fait aux derniers étages des GOLDMAN SACHS et autres multinationales, elle se fait dans ces merveilleux endroits répartis sur toute la planète, monde sur lequel l’argent ne se couche jamais (bien content de ma formule). On appelle ça les « bourses » (c’est cruel pour les mâles, mais il est vrai qu’une bourse, ça se remplit et ça se vide : pardon. Il y a bien dans ma belle ville une rue Vide-bourse !).

 

Sarkozy et ses complices du G 8 font semblant d’être des acteurs, d’avoir du pouvoir, pire : ils nous font croire qu’ils savent ce qu’il font, et qu’ils feront ce qu’ils disent. En réalité, ils courent derrière, en essayant de nous convaincre que « la politique a repris le dessus », et qu’ils sont les meneurs de cet Amoco Cadiz. C’est à cette tâche constante (marteler, bourrer le crâne) que se consacre l’industrie télévisuelle et une bonne part de la presse papier (presse-papier ?). Quand, le soir même de son élection, NICOLAS SARKOZY va passer la soirée au désormais célèbre Fouquet’s, ce n’est pas parce qu’il est ami de quelques milliardaires. Il n’est pas le chef, ce soir-là : il est le LARBIN. Les gars autour de la table, disent : « C’est bien que tu sois élu. Maintenant, tu vas pouvoir faire NOTRE POLITIQUE ». Dites-moi si je me trompe : est-ce que ce n’est pas comme ça que ça s’est passé effectivement ?

 

Allez : la vie est belle et c’est tant mieux (il faudra que je trouve une formule plus personnelle. « Et c’est ainsi qu’Allah est grand », par exemple. Ah mais je m’aperçois qu’ALEXANDRE VIALATTE me l’a ôtée de la bouche, il y a déjà quelques décennies).