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mardi, 17 avril 2018

OGM : LE DOUTE PROFITE AU CRIMINEL

Préambule ajouté le 16 avril 2018.

 

Les choses s'enchaînent parfois de façon curieuse. Par exemple, il se trouve qu'entre le 28 février et le 4 mai 2012, j'ai publié cinq billets qui traitent du même sujet, les OGM. J'imagine que ce qui paraissait dans la presse de l'époque n'est pas étranger à ce regroupement dans le temps. D'un côté, ça a un petit aspect obsessionnel, je veux bien, mais de l'autre, ça me donnait l'occasion de marteler une idée : la haine que nourrissent les industriels pour la science authentique et pour la vérité scientifique, en l'occurrence pour toutes les parties de la science qui tournent autour de l'étude des milieux et de la protection de l'environnement, bref : de l'écologie scientifique.

 

Ils ne veulent à aucun prix que l'on procède à l'étude objective des effets et conséquences de la mise sur le marché, de la diffusion et de la dissémination des produits qui sortent de leurs usines. Autrement dit, ils ne veulent à aucun prix qu'on mette quelque obstacle que ce soit à la recherche du profit pour leurs actionnaires. Et d'en marteler une seconde : dénoncer toutes les stratégies, frontales ou biaises, ou carrément tordues, inventées par les puissants industriels en question et l'armée des juristes ou spécialistes en communication qu'ils ont les moyens de mettre à leur service exclusif, pour contrer l'action de tous les empêcheurs de danser en rond et de s'en mettre plein les poches. 

 

Ce qui se passait (et qui se passe toujours, si j'en crois l'énormité, par exemple, des surfaces brésiliennes où sont cultivés les sojas OGM de Monsanto et autres) en l'occurrence, au sujet des OGM, c'était à mes yeux le cynisme absolu et totalement décomplexé des firmes promouvant ces produits innovants, qui, alors que l'unique préoccupation de toute l'armée de leurs commerciaux était de placer leurs produits éminemment rentables, utilisaient tout leur énorme potentiel juridique à contrecarrer l'action des associations et ONG de défense de l'environnement qui, quant à elles, invoquaient, pour interdire les OGM, le principe de précaution.

 

Je trouvais assez vain, de la part de ces associations et ONG, de se laisser piéger dans l'interminable et faux débat "scientifique" autour de la nocivité éventuelle des OGM sur la santé humaine. A mes yeux, et je suis toujours convaincu de la chose, l'essentiel n'est pas dans le débat scientifique, forcément long, subtil et compliqué, et peut-être indécidable, mais dans une offensive jamais vue auparavant visant à la conquête par des entreprises privées du patrimoine public que constitue la nourriture de l'humanité. Ce qui m'apparaît encore aujourd'hui comme le véritable danger que font courir à l'humanité les firmes OGM, ce n'est rien d'autre que la privatisation de tout ce qui sert à la nourrir, par un petit nombre de firmes à tendance monopolistique (ce que j'appelle la GPT : Grande Privatisation de Tout). Poser sa marque de propriétaire exclusif sur un gène qu'on a fabriqué en laboratoire (ce qu'on appelle la "brevetabilité du vivant"), voilà le véritable scandale. Que cela puisse être simplement imaginable et légal, voilà un autre grand scandale.

 

Autrement dit, attendons la transformation de toutes les filières agricoles mondiales en autant de clients, voués à acheter aux propriétaires des plantes génétiquement modifiées, année après année, les semences qui sont la base de leur activité. Pour le dire encore autrement : la réduction de l'ensemble de l'humanité à l'état de dépendance, pour ce qui touche sa nourriture, à l'égard de mastodontes industriels dictant leurs lois et imposant leurs produits à leur gré. Ce processus, s'il allait à son terme, donnerait aux "inventeurs" des gènes ainsi répandus un pouvoir absolument exorbitant sur l'ensemble des populations humaines. Je voyais là, et j'y vois toujours, l'établissement d'un monstrueux projet totalitaire (raison pour laquelle je parlais, dès 2011, d'"Adolf OGM").

 

14 mars 2012

 

Oui, on a bien lu le titre : le doute ne doit plus profiter à l'accusé, mais au criminel. On pourrait même dire : au criminel impuni, voire encouragé par les puissants. Puisqu'il fait partie des puissants.

 

J’aurai le triomphe modeste, je vous promets, et je ne clamerai pas, d'un air victorieux : « Je vous l'avais bien dit ». Les aimables lecteurs qui auront l’obligeance et la vaillance de se reporter à mes billets des 28 février et 1 mars (comprendre aujourd'hui 15 et 16 avril 2018) le constateront d’eux-mêmes : ce blog est véritablement d’avant-garde, pour ne pas dire prophétique. Mais j’ai juré d’avoir le triomphe modeste. Pour les lecteurs qui n’aiment pas regarder dans le rétroviseur, petit rappel des faits. 

 

Les deux jours précités, j’abordais le problème des OGM en affirmant nettement qu’il ne fallait surtout pas entrer dans la « controverse » scientifique, parce que, selon moi, elle fait partie de la stratégie de firmes mondiales comme Monsanto ou BayerCropScience, et que cette stratégie est purement commerciale, et vise à aplanir les obstacles qui se présentent face au rouleau compresseur de la conquête mercantile du monde. 

 

L’obstacle, en la matière, étant les résultats obtenus de façon rigoureuse dans les laboratoires des scientifiques, qui remettent en question l'innocuité de certains produits et de certaines innovations, il s’agit donc, pour les industriels, qui sont aussi des marchands, de tout faire pour le franchir ou le contourner, cet obstacle que constitue la vérité. En l’occurrence, il s’agit de neutraliser la vérité. De la rendre inopérante dans la durée. Le plus inopérante possible, le plus longtemps possible. 

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Or, il vient de sortir un livre consacré, précisément, à ce sujet. Le titre est en lui-même, sans le savoir, une approbation, bref, en un mot comme en cent, un éloge sans fioritures de ma propre argumentation, rendez-vous compte : Les Marchands de doute. Les auteurs sont beaucoup plus savants que moi : Naomi Oreskes, de l’université de Californie, à San Diego, et Erik M. Conway, du Jet Propulsion Laboratory de la NASA. 

 

Editions Le Pommier, 29 euros, c’est vrai, mais attention, 512 pages, on entre dans le respectable et l’argumenté. Plus documenté, tu meurs.  Claude Allègre peut aller se rhabiller, avec ses impostures médiatiques énoncées avec l’aplomb le plus imperturbable (qui est souvent, soit dit en passant, l’ineffaçable marque du mensonge et masque de la bêtise) et ses « courbes scientifiques » qu’il a lui-même retravaillées au stylo-bille. 

 

Un titre formidable. Le mien (la « stratégie de la controverse ») est trop compliqué. Les Marchands de doute, ça situe tout de suite le problème sur le terrain juste : le FRIC. Mais je l’ai dit, les auteurs sont beaucoup plus savants que moi. En particulier, ils mettent le doigt sur ce qui fait le lien entre des événements qui n’ont aucun lien, en apparence et pour le commun des mortels. 

 

Pensez donc, ils vont du tabac au réchauffement climatique, en passant par les pluies acides et le trou dans la couche d’ozone. Rien à voir, direz-vous, entre tous ces terrains de discussion. Eh bien détrompez-vous ! Mais commençons par le commencement : le tabac. 

 

Pour le tabac, on est dans les années 1950. Certains scientifiques commencent à être emmerdants : ils pointent une sorte de concomitance et de proportionnalité entre d’une part la consommation de tabac et d’autre part la survenue de cancers des voies respiratoires, bronches et poumons principalement. 

 

Pour l’industrie du tabac, il est « vital » (!) de neutraliser l’information scientifique qui commence à se répandre dans le public et, plus grave, dans les sphères politiques, où se prennent les décisions concernant la santé publique. Il est vital que des masses de gens continuent, l'esprit tranquille, à s'adonner à l'inhalation de fumées diverses, et au remplissage des caisses de Philip Morris et d'AJ Reynolds. 

 

Deux vecteurs s’avèrent indispensables pour contrer le danger : la meilleure des agences de communication (ce sera Hill and Knowlton), et des scientifiques prestigieux et politiquement sympathisants. La stratégie consiste à semer le doute sur les résultats de la science. Comment ? On amplifie artificiellement des incertitudes souvent réelles mais limitées, et puis on valorise à tout bout de champ le doute ainsi créé en se servant des réseaux politiques, économiques et médiatiques. 

 

La « stratégie du tabac » fut d'une efficacité redoutable et, à ce titre, servit de modèle : l’industrie cigarettière américaine ne commença à perdre des procès que dans les années 1990. Quarante ans de gagnés, quarante ans de profits. Oui, un sacré délai, tout entier consacré aux profits. C’est d’ailleurs le but principal de la manœuvre. 

 

 

La stratégie fut simplement décalquée et recyclée quand il s’est agi d’autres controverses scientifiques, concernant l’environnement, le réchauffement climatique, et tcétéra. S'étonnera-t-on d'apprendre que les tenants de cette stratégie appartiennent aux couches les plus conservatrices et les plus réactionnaires de la population ? 

 

Les Marchands de doute le dit : certes, le doute fait partie intégrante de la démarche scientifique, mais en l’occurrence, il est, tout simplement, instrumentalisé. « Vous pouviez utiliser cette incertitude scientifique normale pour miner le statut de la connaissance scientifique véritable ». 

 

Un « mémoire » produit par l’un des dirigeants de l’industrie du tabac en 1969 titrait : « Notre produit, c'est le doute ». Et le doute, en la matière, reste le meilleur moyen de contrer l’ensemble des faits et, dans le fond, d’anéantir la réalité de ces faits. 

 

Je n’ai parlé, fin février-début mars, que des OGM. Soyons sûrs que la stratégie actuelle de Monsanto et des climato-sceptiques ne diffère en rien de celle qu’expose Les Marchands de doute, de Naomi Oreskes et Eric Conway 

 

L’aspect le plus redoutable de ce doute-là, qui n’a rien de scientifique, c’est qu’il est efficace. Et s’il est efficace, c’est pour une raison très précise : il interdit au politique de prendre la décision d’interdire le produit. 

 

Avec ce doute-là, oui, il est interdit d'interdire. Tiens, ça me rappelle quelque chose. Drôle de retournement des choses, cinquante ans après, vous ne trouvez pas ? 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

Demain : des nouvelles d'Adolf OGM.

vendredi, 11 mai 2012

BOGDANOFFONNERIE 2

Pour revenir aux BOGDANOFFONNERIES, disons que les deux frères ont « soutenu » des « thèses », sans doute « universitaires », puisqu’un « jury » dûment habilité pour cela les a « validées ». Le journal Libération écrit à ce propos : 

 

« En effet, une poignée de mathématiciens et de physiciens théoriciens, probablement aveuglés par les paillettes des aristos du PAF, ont commis l’erreur de les laisser publier un article dans une revue scientifique [la prestigieuse Classical and Quantum Gravity] – article dont certains scientifiques se sont d’abord demandé s’ils n’avaient pas affaire à un canular ». 

 

Fait rarissime, la direction de la revue a publié un communiqué reconnaissant qu’elle n’aurait jamais dû publier ça. Trop tard, le mal est fait. Du coup, j’espère que sa réputation de sérieux en aura pris un coup. Libé a raison de dire « qu’il y a eu dysfonctionnement de la communauté scientifique ». C’est un minimum. 

 

Mais les jumeaux télévisuels sont officiellement titulaires de doctorats. Comment se fait-ce ? L’un des rapporteurs d’une des thèses, IGNATIOS ANTONIADIS, écrit pourtant : « Le langage scientifique était juste une apparence derrière laquelle se cachaient une incompétence et une ignorance de la physique, même de base ». Net et sans bavures. Enfoncés, les funambules BOGDANOFF. 

 

Le physicien URS SCHREIBER, de son côté, dont le nom a été utilisé par les frères comme caution scientifique, écrit au physicien FABIEN BESNARD (sur le site duquel j’invite fortement à aller trouver une illustration lumineuse de l’imposture, pour ceux qui voudraient en avoir le cœur net) : « On ne peut pas nier que les Bogdanovs ont réellement des capacités hors du commun, mais ce n’est malheureusement pas dans le domaine de la physique théorique ». J’ai envie de dire : « Arrêtez le massacre ». 

 

On croit rêver, non ? Sur quelle planète cela se passe-t-il ? C’est peut-être pour ça que, très curieusement, les frères BOGDANOFF ne semblent pas du tout pressés que leurs thèses soient publiées et deviennent alors publiques. Mais de quoi ont-ils peur, ma parole ? Tout simplement, de ce que leurs élucubrations, atterries au milieu du lieu du débat, révèlent leur inconsistance et leur vanité intrinsèque. Leur nature de jargon jargonnant se faisant passer pour un discours solide. 

 

Il est vrai que leurs thèses n’ont reçu que la mention « honorable » qui, contrairement à l'apparence flatteuse, dans le climat hyperconcurrentiel de la recherche universitaire, équivaut à un coup d’arrêt de la carrière (la règle étant la mention « très honorable »). Mais la télévision n’est pas exactement l’université. 

 

Tiens,  sur un plateau de télévision, devant les caméras, essayez un peu de contester  les jumeaux, qui évoluent le plus souvent en formation serrée et sont en plus très aguerris pour ce qui est de donner du spectacle. C'est KONRAD LORENZ, le fondateur de l'éthologie, qui, dans son fameux ouvrage L'Agression, observe que chez les oies cendrées, quand il se forme un couple de mâles (des oies pédés, en quelque sorte), le couple devient presque aussitôt dominant. 

 

Car sur un plateau de télé, le bluff est une arme redoutable. Demandez à NICOLAS SARKOZY (tiens au fait, un copain des BOGDANOFF), qui en connaît un rayon. C’est certain, les frères IGOR & GRICHKA BOGDANOFF ne tiennent pas à ce que des empêcheurs de bluffer en rond viennent nuire à leur commerce. Ils sont très vigilants, je dirais même chatouilleux sur ce point. Ils ne laissent rien passer, et réagissent au quart de tour quand il s’agit de défendre les affaires et l’image de leur boutique. 

 

C’est ainsi qu’ils ont attaqué en justice Monsieur ALAIN RIAZUELO, pour avoir osé, comme je le disais, publier sans leur autorisation une version préliminaire (brouillon ?) d’une de leurs thèses. Sitôt après la plainte (quel empressement !), la police a fait subir au scientifique un interrogatoire impressionnant. Au procès, la présidente de la 31ème chambre correctionnelle du TGI parisien a dit son étonnement devant l’empressement de la police à entendre le « suspect » et du procureur à voir l’affaire jugée. Comme s’il y avait des ordres pour que l'affaire fût traitée en priorité.

 

Car il faut savoir que, s'il y avait une urgence, c'était celle d'empêcher que le "grand" public se rendît compte de l'indigence scientifique des frères B. Tout, quand un commerce dépend de l'image créée à et par la télévision, repose sur la crédibilité. La CREDIBILITE. On n'est pas dans le dur, mais dans le mou. Quand on vise, non la vérité, mais la crédibilité, c'est forcément qu'on s'en remet aux sondages et à la mesure Audimat. 

 

Au final (comme il faut dire aujourd’hui), la juge a rejeté toutes les demandes (lesquelles, au fait, car ce n'est pas dit ?) des BOGDANOFF, sauf une : la publication non autorisée du brouillon de salmigondis qui a servi de base à la thèse d’un des frères. La condamnation est lourde : 1 euro de dommages et 2000 d’amende, mais avec sursis. Elle est lourde, parce qu’il n’y a pas relaxe, tout simplement.

 

J'explique : on a deux personnes qui se proclament des scientifiques, qui attaquent un scientifique dûment répertorié. Pas pour diffamation, peut-être même pas pour contrefaçon, mais pour un motif finalement mineur. C'est révélateur d'une démarche constante chez les faussaires : déplacer le statut de la Vérité du champ scientifique vers le champ juridique. 

 

Conclusion : les frères BOGDANOFF sont des histrions qui utilisent tous les moyens juridiques à leur disposition pour réduire au silence les voix qui seraient tentées de jeter une ombre sur le caractère juteux de leur « petite entreprise » (cf. le regretté BASHUNG) commerciale. Les frères BOGDANOFF sont une boîte de communication. En plus, ce ne sont pas des gentils. 

 

Les scientifiques (je veux dire les vrais) ont commencé à réagir. D’abord un commando de 10 (voir le blog {Sciences²} sur le site de Libération), le 17 avril. A présent, ils sont 170 à avoir signé un texte réclamant le droit de blâmer les frères BOGDANOFF, « pour leurs écrits sans valeur scientifique ».

 

 

Ce qui est drôle, c'est que s'ils avaient fermé leurs gueules, leur business continuait tranquille peinard. Là, pour des gens qui voulaient rester le plus discrets possible sur le contenu de leurs « travaux », ça manque de discrétion et l'on peut penser que tout va être dans un proche avenir sur la place publique. Et vous allez voir que ça n'empêchera pas l'affaire de prospérer. 

 

Mais quand même, quand j’apprends des choses pareilles, je me persuade encore plus que j’ai raison d’avoir très tôt tiré la chasse d’eau sur la télévision : la concentration des menteurs, des faussaires et autres imposteurs au m² y dépasse de très loin mon seuil de tolérance. Cela frise l'occlusion intestinale (je pense bien sûr à la mort de MICHEL PICCOLI dans La Grande bouffe).

 

 

Accessoirement, ce genre d'affaire me renforce dans l'idée que, lorsqu'un « débat » est « relancé » (comme aime le dire dans ses titres le journal Le Monde), qu'une controverse s'ouvre sur une question scientifique, on aurait peut-être intérêt à se demander par la grâce de qui le débat et la controverse atterrissent dans la sphère médiatique, avec une prédilection pour les plateaux de télévision. En quelque sorte : à qui le crime profite. Les BOGDANOFF sont, disent les journalistes prudents, « controversés ». 

 

Je m'excuse de me répéter et d'enfoncer le clou, mais quand il s'agit de science, on voit tout à fait bien à qui profite le brouillard répandu par la CONTROVERSE, quand elle devient éminemment médiatique.  

 

Voilà ce que je dis, moi.