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vendredi, 11 mai 2012

BOGDANOFFONNERIE 2

Pour revenir aux BOGDANOFFONNERIES, disons que les deux frères ont « soutenu » des « thèses », sans doute « universitaires », puisqu’un « jury » dûment habilité pour cela les a « validées ». Le journal Libération écrit à ce propos : 

 

« En effet, une poignée de mathématiciens et de physiciens théoriciens, probablement aveuglés par les paillettes des aristos du PAF, ont commis l’erreur de les laisser publier un article dans une revue scientifique [la prestigieuse Classical and Quantum Gravity] – article dont certains scientifiques se sont d’abord demandé s’ils n’avaient pas affaire à un canular ». 

 

Fait rarissime, la direction de la revue a publié un communiqué reconnaissant qu’elle n’aurait jamais dû publier ça. Trop tard, le mal est fait. Du coup, j’espère que sa réputation de sérieux en aura pris un coup. Libé a raison de dire « qu’il y a eu dysfonctionnement de la communauté scientifique ». C’est un minimum. 

 

Mais les jumeaux télévisuels sont officiellement titulaires de doctorats. Comment se fait-ce ? L’un des rapporteurs d’une des thèses, IGNATIOS ANTONIADIS, écrit pourtant : « Le langage scientifique était juste une apparence derrière laquelle se cachaient une incompétence et une ignorance de la physique, même de base ». Net et sans bavures. Enfoncés, les funambules BOGDANOFF. 

 

Le physicien URS SCHREIBER, de son côté, dont le nom a été utilisé par les frères comme caution scientifique, écrit au physicien FABIEN BESNARD (sur le site duquel j’invite fortement à aller trouver une illustration lumineuse de l’imposture, pour ceux qui voudraient en avoir le cœur net) : « On ne peut pas nier que les Bogdanovs ont réellement des capacités hors du commun, mais ce n’est malheureusement pas dans le domaine de la physique théorique ». J’ai envie de dire : « Arrêtez le massacre ». 

 

On croit rêver, non ? Sur quelle planète cela se passe-t-il ? C’est peut-être pour ça que, très curieusement, les frères BOGDANOFF ne semblent pas du tout pressés que leurs thèses soient publiées et deviennent alors publiques. Mais de quoi ont-ils peur, ma parole ? Tout simplement, de ce que leurs élucubrations, atterries au milieu du lieu du débat, révèlent leur inconsistance et leur vanité intrinsèque. Leur nature de jargon jargonnant se faisant passer pour un discours solide. 

 

Il est vrai que leurs thèses n’ont reçu que la mention « honorable » qui, contrairement à l'apparence flatteuse, dans le climat hyperconcurrentiel de la recherche universitaire, équivaut à un coup d’arrêt de la carrière (la règle étant la mention « très honorable »). Mais la télévision n’est pas exactement l’université. 

 

Tiens,  sur un plateau de télévision, devant les caméras, essayez un peu de contester  les jumeaux, qui évoluent le plus souvent en formation serrée et sont en plus très aguerris pour ce qui est de donner du spectacle. C'est KONRAD LORENZ, le fondateur de l'éthologie, qui, dans son fameux ouvrage L'Agression, observe que chez les oies cendrées, quand il se forme un couple de mâles (des oies pédés, en quelque sorte), le couple devient presque aussitôt dominant. 

 

Car sur un plateau de télé, le bluff est une arme redoutable. Demandez à NICOLAS SARKOZY (tiens au fait, un copain des BOGDANOFF), qui en connaît un rayon. C’est certain, les frères IGOR & GRICHKA BOGDANOFF ne tiennent pas à ce que des empêcheurs de bluffer en rond viennent nuire à leur commerce. Ils sont très vigilants, je dirais même chatouilleux sur ce point. Ils ne laissent rien passer, et réagissent au quart de tour quand il s’agit de défendre les affaires et l’image de leur boutique. 

 

C’est ainsi qu’ils ont attaqué en justice Monsieur ALAIN RIAZUELO, pour avoir osé, comme je le disais, publier sans leur autorisation une version préliminaire (brouillon ?) d’une de leurs thèses. Sitôt après la plainte (quel empressement !), la police a fait subir au scientifique un interrogatoire impressionnant. Au procès, la présidente de la 31ème chambre correctionnelle du TGI parisien a dit son étonnement devant l’empressement de la police à entendre le « suspect » et du procureur à voir l’affaire jugée. Comme s’il y avait des ordres pour que l'affaire fût traitée en priorité.

 

Car il faut savoir que, s'il y avait une urgence, c'était celle d'empêcher que le "grand" public se rendît compte de l'indigence scientifique des frères B. Tout, quand un commerce dépend de l'image créée à et par la télévision, repose sur la crédibilité. La CREDIBILITE. On n'est pas dans le dur, mais dans le mou. Quand on vise, non la vérité, mais la crédibilité, c'est forcément qu'on s'en remet aux sondages et à la mesure Audimat. 

 

Au final (comme il faut dire aujourd’hui), la juge a rejeté toutes les demandes (lesquelles, au fait, car ce n'est pas dit ?) des BOGDANOFF, sauf une : la publication non autorisée du brouillon de salmigondis qui a servi de base à la thèse d’un des frères. La condamnation est lourde : 1 euro de dommages et 2000 d’amende, mais avec sursis. Elle est lourde, parce qu’il n’y a pas relaxe, tout simplement.

 

J'explique : on a deux personnes qui se proclament des scientifiques, qui attaquent un scientifique dûment répertorié. Pas pour diffamation, peut-être même pas pour contrefaçon, mais pour un motif finalement mineur. C'est révélateur d'une démarche constante chez les faussaires : déplacer le statut de la Vérité du champ scientifique vers le champ juridique. 

 

Conclusion : les frères BOGDANOFF sont des histrions qui utilisent tous les moyens juridiques à leur disposition pour réduire au silence les voix qui seraient tentées de jeter une ombre sur le caractère juteux de leur « petite entreprise » (cf. le regretté BASHUNG) commerciale. Les frères BOGDANOFF sont une boîte de communication. En plus, ce ne sont pas des gentils. 

 

Les scientifiques (je veux dire les vrais) ont commencé à réagir. D’abord un commando de 10 (voir le blog {Sciences²} sur le site de Libération), le 17 avril. A présent, ils sont 170 à avoir signé un texte réclamant le droit de blâmer les frères BOGDANOFF, « pour leurs écrits sans valeur scientifique ».

 

 

Ce qui est drôle, c'est que s'ils avaient fermé leurs gueules, leur business continuait tranquille peinard. Là, pour des gens qui voulaient rester le plus discrets possible sur le contenu de leurs « travaux », ça manque de discrétion et l'on peut penser que tout va être dans un proche avenir sur la place publique. Et vous allez voir que ça n'empêchera pas l'affaire de prospérer. 

 

Mais quand même, quand j’apprends des choses pareilles, je me persuade encore plus que j’ai raison d’avoir très tôt tiré la chasse d’eau sur la télévision : la concentration des menteurs, des faussaires et autres imposteurs au m² y dépasse de très loin mon seuil de tolérance. Cela frise l'occlusion intestinale (je pense bien sûr à la mort de MICHEL PICCOLI dans La Grande bouffe).

 

 

Accessoirement, ce genre d'affaire me renforce dans l'idée que, lorsqu'un « débat » est « relancé » (comme aime le dire dans ses titres le journal Le Monde), qu'une controverse s'ouvre sur une question scientifique, on aurait peut-être intérêt à se demander par la grâce de qui le débat et la controverse atterrissent dans la sphère médiatique, avec une prédilection pour les plateaux de télévision. En quelque sorte : à qui le crime profite. Les BOGDANOFF sont, disent les journalistes prudents, « controversés ». 

 

Je m'excuse de me répéter et d'enfoncer le clou, mais quand il s'agit de science, on voit tout à fait bien à qui profite le brouillard répandu par la CONTROVERSE, quand elle devient éminemment médiatique.  

 

Voilà ce que je dis, moi.