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samedi, 08 mars 2014

IMAGES AU GRE DE MON GRE

 

 

 

 

 

 

LE LIEU OÙ CES IMAGES ONT ETE FAITES A UNE CERTAINE RENOMMEE DANS LE DOMAINE DE LA PRODUCTION DES IMAGES

 

jeudi, 06 mars 2014

IMAGES AU GRE DE MON GRE

 

VUE PRISE DANS UN RESTAURANT. 

 

LES MAGNOLIAS EN FLEURS.

 

LE RIDEAU DE SCÈNE DES CELESTINS ?

 

 

 

 

 

 

 

PHOTOS GARANTIES SANS OGM ET SANS PHOTOSHOP

mercredi, 05 mars 2014

IMAGES AU GRE DE MON GRE

 

ECHOS DE SOLEIL AU LEVER

 

CHAMBRE D'ECHOS AU MUSEE

 

 

LE FOU QUI REPEINT SON PLAFOND ?

 

JE RESTE COI.

PHOTOS GARANTIES SANS OGM ET SANS PHOTOSHOP

samedi, 18 janvier 2014

13 BALZAC : LA MAISON NUCINGEN

La Maison Nucingen (1838) consiste en un dialogue débridé de quatre amis, tenu dans un des « cabinets particuliers » d’un célèbre cabaret (non nommé) de Paris, et fidèlement reconstitué par le narrateur qui, dans le cabinet mitoyen séparé par une mince cloison, a entendu et mémorisé l’intégralité de la conversation.

Aux voix, il a reconnu les personnages, qui se nomment Blondet, Finot, Couture et Bixiou : « C’était quatre des plus hardis cormorans éclos dans l’écume qui couronne les flots incessamment renouvelés de la génération présente ». Il est utile de préciser que les langues vont bon train, du fait qu’on a fait venir un nombre respectable de bouteilles de champagne, au point qu’à la fin les compères sont un peu gris.

Bixiou raconte à ses amis comment Eugène de Rastignac, qui vivait si pauvrement à la pension Vauquer, vit aujourd’hui confortablement, à la tête d’une fortune de quarante mille livres de rentes, tout en ayant pu richement "doter" ses sœurs, restées au fond de leur province.

Accessoirement, il va dénouer l’écheveau qui rend incompréhensibles au bon peuple les calculs et manœuvres hautement raffinés qu’on voit à l’œuvre dans les milieux de la haute finance, incarnés ici par le richissime banquier alsacien Nucingen. Ah ! les interventions de Nucingen, plus alsaciennes que le vrai : « Hé pien ! ma ponne ami, dit Nucingen à du Tillet en tournant le boulevard, location est pelle bire ébiser Malfina : fous serez le brodecdir teu zette baufre vamile han plires, visse aurez eine vamile, ine indérière ; fous drouferez eine mison doute mondée, et Malfina cerdes esd eine frai dressor ».

Traduction : eh bien mon bon ami, l’occasion est belle pour épouser Malvina : vous serez le protecteur de cette pauvre famille en pleurs, vous aurez une famille, un intérieur ; vous trouverez une maison toute montée, et Malvina certes est un vrai trésor. On trouve dans le Nouveau dictionnaire des œuvres le commentaire suivant : « De plus, Balzac, par un souci exagéré de réalisme, s'obstine à reproduire le singulier jargon parlé par le baron, ce qui rend pénible la lecture des dialogues ».

Pas faux, mais ma parole, si le commentateur met un jour les pieds dans l'Alsace profonde pour dialoguer avec un vieux de la vieille, il verra ce que c'est. Je pense aussi à Victoire, la servante du colonel dans Le Sapeur Camember, et à son accent superlativement alsacien, qui provoque quelques malentendus. Ainsi : « Le colonel est-il visuel, mam'selle Victoire ? - Foui ! mossieu Gamempre, ché fiens te le foir ... tant son gabinet ... il ... é...grivé », dont le dernier mot fait croire au sapeur que le colonel est "crevé". Toute la caserne se précipite chez lui. Comme il est bien vivant, on convoque Victoire : « Oh ! mossieu Gamempre (...) c'est pas chentil te faire arrifer tes misères à une bôvre cheune fille innocente ... Ch'ai pas tit : "Le golonel il est grévé" ... Ch'ai tit : "Le golonel il égrivé ... avec une blume, quoi ! ».

Ailleurs, elle va faire les courses, et fait deviner à Camember ce qu'elle va acheter : « ... ça gommence par un C ». Le sapeur ne trouve pas : « Eh ! pien ! mossieu Gamempre, puisque fous ne tefinez pas : c'est tes cuernouilles et un chigot ! ».  Dans les Contes drolatiques, Balzac se laissera carrément aller à une débauche toute rabelaisienne dans ce genre, en imitant cette fois la langue du XVI° siècle. Revenons à nos moutons.

Je laisse de côté la complexité des tripatouillages boursiers décrits par Bixiou-Balzac, pour en venir à ce que Blondet dit des canuts de Lyon, qui se révoltèrent en 1831 et en 1834 contre le sort qui leur était fait, et dont l’étendard portait en ces journées la fière devise : « Vivre en travaillant ou mourir en combattant ».

Voici ce que déclare Blondet : « Voici, reprit Blondet. On a beaucoup parlé des affaires de Lyon, de la République canonnée dans les rues, personne n’a dit la vérité. La République s’était emparée de l’émeute comme un insurgé s’empare d’un fusil. La vérité, je vous la donne pour drôle et profonde. Le commerce de Lyon est un commerce sans âme, qui ne fait pas fabriquer une aune de soie sans qu’elle soit commandée et que le paiement soit sûr. Quand la commande s’arrête, l’ouvrier meurt de faim, il gagne à peine de quoi vivre en travaillant, les forçats sont plus heureux que lui. Après la Révolution de Juillet, la misère est arrivée à ce point que les CANUTS [sic] ont arboré le drapeau : Du pain ou la mort ! une de ces proclamations que le gouvernement aurait dû étudier, elle était produite par la cherté de la vie à Lyon. Lyon veut bâtir des théâtres et devenir une capitale, de là des Octrois insensés. Les républicains ont flairé cette révolte à propos du pain, et ils ont organisé les Canuts qui se sont battus en partie double. Lyon a eu ses trois jours, mais tout est rentré dans l’ordre, et le Canut dans son taudis. Le Canut, probe jusque-là, rendant en étoffe la soie qu’on lui pesait en bottes, a mis la probité à la porte en songeant que les négociants le victimaient, et a mis de l’huile à ses doigts : il a rendu poids pour poids, mais il a vendu la soie représentée par l’huile, et le commerce des soieries françaises a été infesté d’étoffes graissées, ce qui aurait pu entraîner la perte de Lyon et celle d’une branche de commerce français. Les fabricants et le gouvernement, au lieu de supprimer la cause du mal, ont fait, comme certains médecins, rentrer le mal par un violent topique. Il fallait envoyer à Lyon un homme habile, un de ces gens qu’on appelle immoraux, un abbé Terray, mais l’on a vu le côté militaire ! Les troubles ont donc produit les gros de Naples à quarante sous l’aune. Ces gros de Naples sont aujourd’hui vendus, on peut le dire, et les fabricants ont sans doute inventé quelque moyen de contrôle. Ce système de fabrication sans prévoyance devait arriver dans un pays où Richard Lenoir, un des plus grands citoyens que la France ai eus, s’est ruiné pour avoir fait travailler six mille ouvriers sans commande, les avoir nourris, et avoir rencontré des ministres assez stupides pour le laisser succomber à la Révolution que 1814 a faite dans les prix des tissus. Voilà le seul cas où le négociant mérite une statue. Eh ! bien, cet homme est aujourd’hui l’objet d’une souscription sans souscripteurs, tandis que l’on a donné un million aux enfants du général Foy. Lyon est conséquent : il connaît la France, elle est sans aucun sentiment religieux. L’histoire de Richard Lenoir est une de ces fautes que Fouché trouvait pire qu’un crime ».

Bon d’accord, Blondet finit par laisser tomber les canuts et son propos dérive, mais tout le dialogue est pareillement décousu, mené « à sauts et à gambades » (Montaigne, III, 9). Balzac nous a d’ailleurs prévenus dès le début : « Ce pamphlet contre l’homme que Diderot n’osa pas publier, le Neveu de Rameau ; ce livre débraillé tout exprès pour montrer des plaies, est seul comparable à ce pamphlet dit sans aucune arrière-pensée, où le mot ne respecta même point ce que le penseur discute encore, où l’on ne construisit qu’avec des ruines, où l’on nia tout, où l’on n’admira que ce que le scepticisme adopte : l’omnipotence, l’omniscience, l’omniconvenance de l’argent ». Je confirme : La Maison Nucingen est bien un livre « débraillé ». Les quatre amis se lancent donc dans une longue "improvisation" (le mot est de B.), qui fait penser à la manière dont Béroalde de Verville conduit (ou fait semblant, ou ne conduit pas) son Moyen de parvenir. Et Balzac ajoute à propos de cette improvisation : « … et, quoique souvent interrompue, prise et reprise, elle fut sténographiée par ma mémoire ».

J’ai raconté ici même (31 janvier) l’événement que fut pour la ville de Lyon, ses habitants et ses autorités la venue de Franz Liszt. C’est bien connu : tout ce qui est important se passe à Paris. Ce n’est pas dans La Maison Nucingen que Balzac va nous dire le contraire, même s’il prouvera maintes fois par ailleurs que la vie de province n'a aucun secret pour lui (il faut voir avec quelle jubilation maligne Balzac assaisonne Alençon dans La Vieille fille, avec quelle poétique mélancolie il décrit les rives de l’Indre dans Le Lys dans la vallée, etc., etc.). S’il fait ici référence à Lyon, c’est presque par hasard, au détour d’une conversation entre amis, lancés dans une agréable beuverie.

Ce que dit des canuts le passage cité est trois fois rien. Ce n’est pas une raison pour le bouder.

Voilà ce que je dis, moi.

lundi, 09 décembre 2013

ILLUMINATIONS OU FÊTE DES LUMIERES ?

Le jour du 8 décembre à Lyon, je ne sais rien de la ridicule « Fête des Lumières », improbable célébration spectaculaire-marchande, païenne et maçonnique. En revanche, je sais tout des « ILLUMINATIONS ». Gérard Collomb le franc-maçon a décidé d'éradiquer la tradition lyonnaise pour faire de la ville un centre d'attraction touristique, capable d'avaler les monumentaux cars touristiques venus de Belgique, de Suisse et d'Allemagne. C'est répugnant. Il faut voir la colonne de gogos patienter devant le portail du petit jardin au bout de ma rue pour admirer des LED disposés dans la végétation alors que se font entendre les chants de petits zoziaux sortis d'une machine. Je ne veux rien savoir des autres machines à éblouir ailleurs en ville, devant lesquelles s'agglutinent à s'étouffer d'autres foules de gogos, venus parfois de très loin. Rendez-moi ma ville, monsieur Collomb. Rendez-moi les ILLUMINATIONS.

ILLUMINATIONS 2.JPG

VOUS POUVEZ COMPTER : 51 VERRES, 51 LUMIGNONS. IL FAUT LES IMAGINER SUR LES REBORDS DE FENÊTRES.

LAMPION HOME 1.JPG 

LES PLUS BEAUX VERRES (ET LES PLUS VRAIS) SONT LES CANNELÉS, QUE PLUS PERSONNE NE FABRIQUE. REGARDEZ CETTE ETOILE. ELLE EST PAS BELLE, MON ETOILE ?

Pour mon compte, je me contente de disposer sur les rebords de mes fenêtres les verres garnis de lumignons.

lundi, 02 décembre 2013

LA CROIX-ROUSSE ET SES TROIS OUILLES

 

CROIX-ROUSSE MONTAGNE.jpg

UNE VUE PANORAMIQUE DE LA CROIX-ROUSSE (3541 mètres au-dessus du niveau de la mer), SOUS UN ANGLE INATTENDU.

A NOTER QU'A PROPOS DE OUILLES, ON NE S'Y CONTENTE PAS D'UNE PAIRE.

C'EST D'AILLEURS COMME ÇA DANS LES ONZE MILLE VERGES DU POETE APOLLINAIRE.

APOLLINAIRE.jpg

ON TROUVE CE PETIT POEME D'UNE DELICATESSE QUASI-MYSTIQUE A LA PAGE 120

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 MAIS JE GALÈJE, JE DIS QUE DES GANDOISES ET DES GOGNANDISES. LA SEULE, LA VRAIE CROIX-ROUSSE, JE VEUX DIRE LA PLACE DE LA CROIX-ROUSSE, LA VOICI, TELLE QU'EN SOI-MÊME ENFIN L'ETERNITÉ LA CHANGE.

(VUE DU "SAINT-BERNARD")

PLACE DE LA CROIX ROUSSE.jpg

AVEC L'INEVITABLE ET TERRIBLEMENT BIEN PLACEE TERRASSE DE LA BRASSERIE DES ECOLES, OÙ J'EUS L'INSIGNE PRIVILEGE D'ASSISTER A LA CONCEPTION ET PRESQUE LA NAISSANCE DE L'IMMORTEL CHEF D'OEUVRE DE L'ENIGMATIQUE ET INGENIEUX R. D. PARPIN, LA MAIN VENGERESSE (EDITIONS LE MANUSCRIT, 2005).

lyon,croix-rousse,apollinaire,les onze mille verges,la main vengeresse,érotisme

 

 

 

dimanche, 17 novembre 2013

SANS TITRE

RUE.jpg

QUARTIER D'AINAY, BY NIGHT

vendredi, 15 novembre 2013

QUELQUES NOTES SUR UNE SUITE DE NOTES

 

SAÔNE 1.jpg

LA SAÔNE EN CRUE

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Préambule : Christiane Taubira retranchée de l'espèce humaine ? Il ne faut rien exagérer. Je remarque que l'offensive antiraciste du gouvernement Hollande-Ayrault au grand complet dressé sur ses ergots intervient dans une période de basses-eaux comme jamais vu pour un président à la chair duquel chaque petit événement arrache un petit lambeau. Si ça continue, on aura à faire dans pas longtemps à un squelette de Hollande.

 

Et je me dis que la "une" de Minute tombe à pic pour lui reconstituer un peu d'épiderme sans trou. L'affaire Taubira : une véritable aubaine pour un président en détresse. Hissez bien haut l'étendard des « valeurs » de « gauche ». Aussi longtemps qu'on verra un bonnet rouge à l'horizon. Diversion, vous avez dit ? Ben oui, pour écarter le danger de ma personne présidentielle, rien de tel qu'une bonne affaire lacrymogène.

 

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Résumé : les compositeurs du 20ème siècle, pour s’arracher aux pesanteurs insupportables de la tradition et pour imposer leur idée d’un « Progrès » en musique, ont fait feu sur tous les éléments qui entraient dans la composition de la dite tradition. Schönberg avait déjà bien déblayé en éliminant la tonalité (do majeur, sol septième) pour ne plus voir qu’une seule tête dans la file de douze sons égalitarisés à la tronçonneuse.

 

Dans le même sac poubelle, ses suiveurs ont jeté les rythmes, les harmonies. Même l’instrument de musique y est passé. Mais ce qui se remarque par-dessus tout, c’est la disparition de la mélodie, c’est-à-dire ce qui permettait à l’amateur de participer à la musique entendue, à sa façon : « La foule les chante un peu distraite en ignorant le nom de l’auteur, sans savoir pour qui battait leur cœur » (Charles Trenet). La mélodie, parfaitement, qui est la marque de la politesse bienveillante du compositeur à l’égard de celui à qui il s’adresse.

 

Dans son livre Les Balesta, que j’ai en ce moment un peu de mal à terminer, Henri Bosco imagine le personnage de Melchior. Il est célibataire, il a soixante ans. Quand il avait 20 ans, il fut amoureux fou d’une fille de « La Haute » qui le lui rendait bien, mais membre d’une noble famille habitant sur le Mourreplat, dans les hauts de Pierrelousse. La dite famille, horrifiée par la mésalliance, mit brutalement fin à ce sentiment réciproque en enfermant la fille au couvent.

 

Melchior ne l’a jamais oubliée. Elle s’appelait Elodie. Très habile de ses doigts, il a sculpté une statue à la taille réelle de l’objet de son amour, une statue comme vivante, et d’une ressemblance hallucinante. Mais il a également construit une harpe magnifique, dont il joue souvent, et dans le bois de laquelle il a gravé ceci : « Elodie Mélodie ». C’est à ce point que je voulais en venir. J’ajoute juste que statue et harpe (et même fantôme de Melchior) jouent un rôle dans L’Epervier, dernier volet de la saga de Pierrelousse.

 

Parmi les plus graves reproches qu’on peut faire à beaucoup de compositeurs du 20ème siècle, c’est d’avoir abandonné lâchement le pilier immémorial de la musique, d’avoir réduit en miettes le socle sur lequel sa statue vivante s’élevait depuis qu’un homo sapiens à peine sorti de l’animalité, avait eu l’idée de se servir des deux cordes blotties au fond de son gosier pour produire autre chose que les syllabes dont il usait dans la conversation courante.

 

En faisant durer le son, en en faisant varier la hauteur et l’intensité, il s’en était servi pour faire quelque chose de totalement incongru : chanter. On a appelé ça « mélodie ». La voix est le premier instrument de musique, bien avant tout autre. Ce n’est qu’après coup (je n’y étais pas, mais …) que l’homme s’est dit que ce serait bien de s’accompagner en tapant sur des objets sonores, en frottant, pinçant ou frappant des cordes tendues, en soufflant dans des objets creux percés de trous.

 

Jusqu’au 20ème siècle, donc, pas d’autre issue pour le musicien que d’aligner sur une portée des notes enchaînées les unes aux autres par la seule logique du chant humain. D’ailleurs, bien des compositeurs ont persisté dans l’écriture mélodique : aucune rupture ne se fait dans l’histoire de quoi que ce soit de façon aussi tranchée et brutale, même la Révolution a pris quatre ans pour s’occuper de la tête de Louis XVI.

 

Il reste que, jusqu’au 20ème siècle, TOUTES les musiques sont faites pour être éventuellement chantées, même celles écrites pour être sonnées (opposition sonate / cantate). Cela ne veut pas dire que la mélodie est la composante exclusive de la musique, c’est bien clair, juste la composante horizontale. Comme nos phrases syllabe après syllabe, les notes se suivent sur une ligne, pour la raison que le gosier ne peut émettre qu’un son à la fois (et qu’on ne me sorte pas ici l’exception des chants diphoniques du Tibet ou d’ailleurs).

 

Mais au fond, qu’est-ce que c’est, une mélodie ? Qu’est-ce qu’elle a de spécial, cette suite de notes ? Cela dit sans vouloir faire de la théorie musicale : j’ai assez sué et bavé sur la Théorie de la musique de Danhauser pour envisager de l’infliger à qui n’aurait pas mérité un châtiment exemplaire pour ses entorses, incartades et autres infractions.

 

Tout ce que je peux faire, en tant qu’auditeur, c’est me référer à quelques-unes des innombrables mélodies qui se sont à jamais gravées dans mon disque dur interne (et qui, publicité ou lied, mouvement d’orchestre ou solo d’alto, ressurgissent parfois selon l’ordre des préférences hiérarchisées qui se sont mises en place avec le temps, parfois selon le désordre du chaos indifférencié qui s’impose tout à coup à ma mémoire).

 

Je pense par exemple à cet air de Purcell (est-ce dans King Arthur ou dans The Indian queen ?) : « How blessed are shepherds, How happy their lasses … ». Ou bien au solo de l’alto dans Roméo et Juliette (accompagnement de harpe, s’il vous plaît) : « Premiers transports que nul n’oublie, Premiers aveux, premiers serments de deux amants, Sous les étoiles d’Italie ; … ». Les paroles sont de Berlioz lui-même, on peut y trouver à boire et à manger. Mais je me récite aussi parfois la sublime mélodie du ländler viennois que forme l’« andante moderato » (2ème mouvement) de la symphonie « Résurrection » de Gustav Mahler.

 

Je ne sais pas comment je pourrais faire partager le plaisir ressenti à chanter de ces mélodies. J’ai d’ailleurs du mal à imaginer qu’il n’en soit pas de même pour tout un chacun, même si je sais qu’il n’en est rien. Je le regrette pour ceux qui, comme mon ami R., chantent épouvantablement faux. Heureusement, il est lucide. Non, ce que je persiste à ne pas comprendre, c’est la haine de beaucoup de compositeurs de la modernité pour tout ce qui pourrait ressembler à une ligne de chant.

 

Comme dans beaucoup des visages qu'a montrés le XX siècle, je vois quelque chose d'inhumain dans les œuvres musicales qu'il a produites. Peut-être est-ce juste un refus de l'humain. Cela reste très peu engageant.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

 

 

dimanche, 30 juin 2013

SALE TEMPS POUR LE LIVRE 1

J’ai grandi parmi et avec les livres. Sans doute aussi grâce à eux. J’en ai même, comme je le disais, « soustrait quelques-uns au commerce légal ». Mais il y a prescription depuis longtemps. Et puis, dans certaines circonstances, n’est-ce pas, « nécessité fait loi ». Passons sur ces temps révolus depuis lurette. Les librairies ont toujours exercé sur moi l’attraction irrésistible que la lueur de la flamme exerce sur le papillon de nuit. De vrais phares dans l’obscurité dont le marin perdu attend le salut. Ou l'autodafé.

 

Je parle d’une époque où la fringue et la banque n’avaient pas atteint le paroxysme de l’arrogance du haut de laquelle elles toisent depuis quelque temps déjà les passants anonymes que nous sommes, à qui elles ne daignent décerner de nom et d’identité qu’au prorata de l’épaisseur des liasses de banknotes (« Je suis Brésilien, j’ai de l’or, et j’arrive de Rio de Janeire. (…) Prenez mes dollars, mes banknotes, mais dites-moi que vous m’aimez ! », chante Dario Moreno, dans La Vie parisienne, d'Offenbach) que les portefeuilles sont prêts à cracher, aligner, allonger ... Je parle du temps d’avant, d’avant que l’argent et le tape-à-l’œil ne se soient rendus presque totalement maîtres de nos espaces, de l’air que nous respirons, et bientôt de nos vies, si ce n'est déjà fait.

 

Je parle du temps où l’amateur de livres, cet inutile essentiel, pour satisfaire ses goûts et sa curiosité, n’avait que trois pas à faire. La presqu’île était farcie de librairies, du minuscule estanco à peine éclairé au quasi-salon de réception façadé de larges baies vitrées, entre lesquelles on avait l’embarras du choix, et où la disposition et l’aménagement des lieux, mais aussi le choix des livres prioritaires, étaient liés à la personnalité propre du libraire, donnant à son local une identité qu’il était seul à posséder.

 

C’est pourquoi il fallait poser un pied dans chacune, donner à chacune sa chance. Si j'avais été naturaliste, j'aurais parlé de l'ère de la « bibliodiversité », bien avant que les espèces se raréfient, voire disparaissent. Parce que, après tout, la biodiversité, c'est bien joli, et ça satisfait le désir de nature de quelques illuminés manquant de lucidité sur le processus en cours, processus qui n'est rien d'autre qu'une éradication en bonne et due forme de la nature.

 

Après ? Quoi après ? Après la mort de la nature, décidée par tous les négateurs de la nature, qu'ils soient spéculateurs financiers ou promoteurs du mariage homosexuel (l'homme détient la toute-puissance sur toutes les formes de liberté, grâce aux marchés, quintessences de la liberté, et la toute-puissance sur toutes les lois de la nature, grâce à la glorification de l'homosexualité), l'homme sera bien obligé de trouver des solutions pour survivre sans la nature.

 

Malheureusement, ce ne sera peut-être pas possible. L'idéologie a toujours le nez plus cassable que la réalité.  Et pour le livre, ce n'est pas comme dans la forêt primaire : il n'y a pas de canopée pour reproduire les espèces rares. Je définis la canopée : « Ce qui était hors de l'atteinte de l'homme ». Je dis "était", à cause des « radeaux des cimes », ces merveilleuses inventions qui se produisent au moment même où on cessera très bientôt d'en avoir besoin.

 

Au motif que même le plus invisible à l'oeil nu des animalcules n'a plus le droit d'échapper à la connaissance scientifique. La civilisation actuelle a horreur du vide : elle a horreur des vides juridiques (« Vite, une loi ! criait Sarkozy) ». Elle a horreur des vides scientifiques qui s'élargissent au moment même où les savoirs se font logiquement plus pointus (« l'avancée même du savoir crée de l'ignorance sur ses propres bords », c'est de moi, ça : relisez cette petite phrase, et dites-moi si j'ai tort ; et dites-vous que, si j'ai raison, c'est l'ignorance qui ne cesse de progresser ; bizarre, vous avez dit bizarre ?). 

 

La biodiversité a existé, mais c'était bien avant que le mot fût fabriqué. Quand le mot n'existait pas, ça voulait dire que la chose existait encore. On n'avait donc pas besoin de la nommer, tout simplement parce qu'elle allait de soi. On commence à vouloir "biodiversifier" quand on se rend compte que tout se bioraréfie. Mais la bioraréfaction est une tendance lourde. 

 

De toute façon, ce n'est que des générations après ceux qui ont commis les actes que l'homme se met à réfléchir aux conséquences, et qu'il commence à accuser les ancêtres des autres de ses malheurs présents. Et, éventuellement, à essayer de tâcher de tenter de corriger le cap du navire, un navire qui met des dizaines d'années, désormais, à infléchir sa route. Etonnant, non ? Mais revenons à la question du livre.

 

Rendez-vous compte que j’ai acheté mon volume de Henri Bergson (Œuvres, édition du centenaire, 1600 pages de papier bible, 43 francs) chez un libraire dont l’échoppe était blottie sous les arcades du péristyle de l’Opéra. J’ajoute que je lui achetais aussi mes Marc Dacier, Jean Valhardi et autres Jerry Spring (dessinateurs Eddy Paape et Jijé) : « Il faut de tout pour faire un monde. – Bien parlé, Madame Michu ». C'étaient des bandes dessinées, il n’y a pas de raison.

 

Il y avait aussi Jacques Glénat-Guttin, le même qui a viré son Guttin pour devenir le Glénat de la grande maison grenobloise de bandes dessinées, celle-là même qui éditait l’excellente revue Circus. Glénat était un copain du libraire, et la feuille périodique qu’il publiait vaillamment (Les Equevilles : le mot « équevilles » désigne, à Lyon, tout ce qu’on destine à la poubelle) égratignait et horripilait le maire d’alors.

 

Le merdalor se nommait Louis Pradel, grand bétonneur, à qui les Lyonnais doivent le « Blockhaus » (alias Centre d’Echanges de Perrache), et à qui tous les automobilistes traverseurs de Lyon chantent des actions de grâce, chaque fois qu’ils se rendent soit sur la Côte d’Azur soit à Paris. Tout le monde a compris que je parle du Tunnel de Fourvière, que le monde entier nous envie. Et tout le monde regrette amèrement que Pradel ait visité Los Angeles, voyage qui lui inocula illico la folie des grandeurs : il voulut à tout prix que l’autoroute traversât la ville, tout comme dans la ville américaine.

 

Je reviens à mon péristyle de l’Opéra : pensez, des boutiques, dont une librairie, installées dans les flancs même de ce temple ! Inimaginable. Heureusement, Jean Nouvel a été appelé pour mettre bon ordre à tout ça, il a viré du péristyle les bouquins, les accessoires de danse, les pipes Nicolas et le marchand de timbres (qui était, lui, côté rue Joseph Serlin, je m’adresse aux quelques « happy few » qui ont connu), comme indignes de l’altitude sinistre et sépulcrale de son « inspiration » architecturale.

 

Jules Vallès (aux Editeurs Français Réunis), on le trouvait, évidemment et tout naturellement, à la « Librairie Nouvelle », qui occupait fièrement l’angle des rues Paul Lintier et Du Plat. Il fallait le faire ! Imagine-t-on aujourd’hui qu’il ait pu y avoir une librairie communiste implantée au cœur du quartier bourgeois par excellence ?

 

J’adorais le vieux qui tenait la boutique : pas trop doctrinaire, voire parfois un peu hérétique. Mais il devait être assez inoffensif, ou alors plus « dans la ligne » que je ne croyais, car il resta jusqu’au transfert de la librairie du Parti, oh, pas très loin, sur le quai Saint-Antoine, à l’angle de la rue du Petit-David, la rue de l’Adrienne de la première librairie « Expérience ». De toute façon, la « Librairie Nouvelle » n'a mis que quelques années à défunter pour de vrai. Comme le parti dont elle était l'émanation et l'instrument de propagande.

 

La « Librairie des Nouveautés » (ne pas confondre), alors tenue par une adorable dame blonde à haut chignon, je l’ai connue toute petite boutique assez sombre, quand elle était le rendez-vous de tous les amateurs de philosophie, dont le célèbre Henri Maldiney, dont le visage (je crois bien que c’était la joue, sans plus en être bien sûr) était gratifié d’une étonnante boule, comme un gros pois chiche. La dame blonde à haut chignon se piquait de poésie, et faisait partie de diverses confréries à ce destinées. La « Librairie des Nouveautés » fut reprise par monsieur B., qui sut en faire un lieu intéressant, voire important et qui a pris sa retraite sur les pentes nord-est de la Croix-Rousse.

 

Les librairies pullulaient donc dans la presqu’île, pour ainsi dire autant que faisans d’élevage un matin d’ouverture de la chasse (évitons, si vous le voulez bien, de parler de ce qu’il en restait le soir même, des faisans d'élevage). Et pour ce qui est de la chasse, on peut dire que les fanatiques du « bibliocide », dûment munis de leurs permis de construire, n’ont pas fait de quartier : ils ont fait feu sur toute oreille de libraire qui dépassait, transformant la presqu’île, peut-être pas en désert, mais pas loin. Seules quelques grosses usines sont restées debout, si elles ne flageolent pas sur leurs cannes. Le tableau n’est pas gai.

 

Voilà ce que je dis, moi.

jeudi, 27 juin 2013

POURQUOI JE LIS

Je ne suis pas un immense lecteur. Je suis même un lecteur un peu laborieux. Ce que je lis, il faut que je le mâche longuement, que je le mastique, que je le contemple en train de s'écraser en nourriture entre mes dents, avant d'aller alimenter et irriguer les canalisations de mon moi littéraire. Si je devais me comparer, je dirais que, dans l’ordre des lecteurs, j’appartiens à la famille placide et patiente des ruminants contemplatifs.

 

A propos de contemplatif, je me consolerais en me disant que Julien Gracq, qui n’a pas couvert de ses œuvres des kilomètres de rayons, a écrit sur le tard ce merveilleux petit bouquin intitulé Les Eaux étroites, qui, en condensant une matière longuement ruminée pour en polir le pur éclat de chacune des facettes, ouvre sur cette sorte d’infini en profondeur que recèle ce paysage minuscule, sa rivière de l’Evre, qui passe à Saint-Florent-le-Vieil. 

 

Le paysage de mes lectures n'est pas aussi vaste, et n'a rien à voir avec les horizons des mers vides à perte de vue, avec ceux des plats pays aux ciels sillonnés de nuages, ou avec ceux de ce désert de sable où se découpe une caravane au sommet de la dune, sur fond de ciel, si possible en contre-jour (en fin de journée). Mes paysages de lecture sont bornés par les arbres qui dressent leur opacité bienfaisante et lumineuse au bout de mon jardin affectif. Même s'il arrive qu'un cachalot pointe sa mandibule débonnaire et souffle ses vapeurs non loin de mon embarcation.

 

Pour dire le vrai, ça fait déjà quelque temps que je n’ai plus envie de lire pour lire. Et même de lire pour avoir lu. Vous savez, ces œuvres qu’il faut avoir lues si l’on ne veut pas mourir idiot. Si, bien sûr, je m’en suis collé, des Mémoires d’Outre-tombe et des Rougon-Macquart. Mais souvent par devoir. Il ne faudrait jamais lire par devoir. Je plains de tout mon coeur les élèves de lycée : pour rien au monde, je n'aurais souhaité être à leur place. Même si ... Comment pourraient-ils aimer la littérature, s'il ne s'agit que « d'avoir 10 en français » ?

 

Pour les Mémoires … de Chateaubriand, j’exagère, car j’ai pris du plaisir en beaucoup d'endroits, - moins pour les tableaux historiques, où l'auteur s’efforce toujours de ne pas dessiner son propre personnage en trop petit dans un coin en bas, comme un vulgaire donateur, tiens, comme un « Chanoine van der Paele » dans un tableau de Jean Van Eyck, comme on faisait à la Renaissance et avant, - que pour les routes européennes (en particulier alpines) parcourues en tout sens et les portraits, en pied ou collectifs, aux contours dessinés d’un beau trait précis.

 

Les 20 Rougon-Macquart, je me les suis avalés dans l’ordre, enfin presque : non, je n’ai pas fini Le Docteur Pascal, c’était au-dessus de mes forces, le curé laïc, sa probité inentamable, son cœur gros comme ça, sa "bonne âme". Mais le docteur Pascal, on sait que c'est Zola en personne, c'est sans doute pour ça que je n'ai pas pu finir l'assiette. 

 

Mais avant d’en arriver à ce dernier épisode, j’avais eu le temps de détester Le Ventre de Paris, Au Bonheur des dames et La Faute de l’abbé Mouret : Zola se serait amusé à décrire par le menu chacune des milliards de milliards de gouttes de pluie pendant les quarante jours et les quarante nuits qu’a durés le Déluge, il ne s’y serait pas pris autrement. De quoi noyer tout lecteur moyennement bien intentionné. Ces énumérations ! Epaisses comme des Dictionnaires de Cuisine, commes des Catalogues de la Redoute ou comme des Traités de Botanique Paradisiaque (dans l'ordre des titres) !

 

Au moins, mon verdict sur les romans de Zola, je ne le tiens de personne d’autre que de moi : tout ça est, à quelques exceptions près, épais, lourd, bourratif et indigeste. Parmi les exceptions, je dirais volontiers qu’il y a quelques friandises délectables à se mettre sous la dent, dans La Débâcle, La Bête humaine, malgré l'obsession gynophobique du héros, mais dont Robert Musil, dans L’Homme sans qualités, s’est peut-être souvenu pour son incroyable personnage de Moosbrugger.

 

Je goûte aussi quelques douceurs cachées dans La Conquête de Plassans, Son Excellence Eugène Rougon, L’Argent, La Curée. Non, tout n’est certes pas à jeter, même si j’aurais eu parfois envie de lui dire : « N’en jetez plus, la cour est pleine ! ». Zola a possédé vraiment la science (à défaut de l'art) d’écrire, mais je regrette qu’il ait écrit sous la dictée de l’idéologie, de la théorie et du poids documentaire. Et cette obsession de l’hérédité, ma parole ! Un vrai petit Lyssenko avant la lettre, vous savez, l'adepte stalinien de la transmission à tout crin des caractères acquis.

 

En revanche, quelqu'un qui n'a jamais lu L'Iris de Suse ne sait pas ce qu'est l'émerveillement. Il est vrai que, lorsque je l'ai ouvert, j'étais tout prêt et disposé, car je m'étais de longtemps familiarisé avec le bonhomme Giono et les concrétions romanesques qu'il a laissées sur son passage, comme par exemple le cycle du capitaine Langlois, ou alors Deux Cavaliers de l'orage, ce livre tout à fait improbable (ce colosse qui abat d'un seul coup de poing un cheval qui sème la panique, mais ça finira mal), ou encore le long cycle d'Angelo, ce héros chéri de Jean Giono (pour qui a lu Le Bonheur fou, est-ce que quelqu'un pourrait me dire pourquoi Angelo enferme son sabre dans un placard avant de sortir dans la rue où il sait que rôdent des spadassins, peut-être envoyés par sa propre mère ?). Giono n'explique rien : il montre. Voilà un romancier.

 

En fait, je peux bien l’avouer, je n’ai jamais lu « pour lire ». Je connais des gens (on en connaît tous, j’imagine) qui ne peuvent pas sortir de chez eux sans un livre à la main. Dans le métro, dans la rue, à la terrasse des cafés, c’est un enfer de livres ouverts, d'écrans de portables et de casques sur les oreilles, comme si les gens ne voulaient pas risquer de communiquer avec les gens présents en y frottant une parcelle de leur corps ou de leur tête, et se servaient de ces moyens pour s’embusquer dans leur tanière impénétrable, toutes griffes dehors.

 

On dirait que les gens se bouchent les oreilles avec leurs casques et les yeux avec leurs livres. Et c’est eux qui, ensuite, cherchent anxieusement l’âme sœur sur quelque site de rencontre. Je me dis que la peau virtuelle sur écran, l'écran fût-il tactile, est moins douce à caresser que celle qu’on vient de frôler, ici, là, dans le métro ou sur le trottoir, au rayon de ce magasin ou à l’arrêt de ce bus, et qu'on se met à suivre, à aborder, ... et plus si affinités. On ne sait jamais.

 

Car la peau qu'on vient de frôler et de laisser se perdre dans la foule, et qui t'inflige ce regret qui te mange le coeur et la mémoire si tu n'as pas fait le geste ou l'effort (Les Passantes, Georges Brassens), cela s'appelle le désir. Mais un désir rétrospectif, celui où tu te dis : « Merde, j'ai loupé l'occase du siècle ! ». Trop tard. Au sujet du regret que nous infligent après coup nos désirs désormais timorés et frileux, voir la rubrique « Transports Amoureux » dans le journal Libération.

 

Je conseille à tous les avanglés (« Te bâfres comme un avanglé ! », trouve-t-on dans Le Littré de la Grand-Côte) de « contact » électronique de relire comme un manuel de savoir-vivre les dernières pages de Ce Cochon de Morin, de Guy de Maupassant, c'est le beau Labarbe qui est envoyé pour arranger la sale affaire de Morin : « ʺJ’avais oublié, Mademoiselle, de vous demander quelque chose à lire.ʺ Elle se débattait ; mais j’ouvris bientôt le livre que je cherchais. Je n’en dirai pas le titre. C’était vraiment le plus merveilleux des romans, et le plus divin des poèmes. Une fois tournée la première page, elle me le laissa parcourir à mon gré ; et j’en feuilletai tant de chapitres que nos bougies s’usèrent jusqu’au bout ». Les bougies, c'était donc ça ! Maupassant ne reculait devant aucun "sacrifice" ! Quel salaud ! Quel macho ! Non : quel homme ! Au moins, lui, il donne envie de "lire" des "livres" !

 

Au lieu de ça, à cause de la musique portable, mais aussi, hélas, du livre de poche, on est dans la civilisation du « On ferme ! », au moment même où celle-ci se proclame à renforts de trompettes « Ouverte 24/24, 7/7 ! ». On n’en a pas fini avec le paradoxe et l’oxymore. Et la morosité tactile, éperdue et portable. Et les petites annonces amères « Transports amoureux » de Libé.

 

Voilà ce que je dis, moi.

mardi, 11 juin 2013

QUI EST NORMAL ?

 

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DES AVEUGLES EN TRAIN DE LIRE, PAR AUGUSTE SANDER

(l'oeuvre de ce photographe vaut qu'on s'y attarde quelque temps)

***

Nous avons vu hier que tout ce qui est normal se situe sur une ligne droite, figurant le déroulement rectiligne du temps, le temps normal, où chaque minute est égale à toutes les autres, précédentes ou suivantes, et que tout segment de droite coupant cette ligne, perpendiculairement ou non, est appelé, selon les cas, « incident », « accident » ou « catastrophe ». C'est ce segment de droite, cette sécante qui personnifie, non, j'exagère, disons qui figure l'anormal.

 

Dans une vie parfaitement et perpétuellement normale, rien n'arriverait. L'ordinaire n'est pas un événement. L'ordinaire exclut l'événement. L'ordinaire, c'est : « Le petit chat est mort ». Ou alors le : « Rien », noté par Louis XVI dans son journal un certain 14 juillet 1789. Lui a-t-on assez reproché !

 

Alors c’est vrai que, jusqu’à présent, j’ai soigneusement évité d’aborder de front les questions qui fâchent. Quand on pose la question : « Qui est normal ? », ou sa frangine bessonne (si si, ça existe, même que ça veut dire "monozygote") : « Qui est anormal ? », tant qu’il s’agit de critères physiques, la réponse est tellement évidente qu’il n’y a pas trop de débats ou d’engueulades. Tout le monde est à peu près d’accord.

 

Je dis « à peu près », parce que ça va déjà commencer à réagir, si je dis que je range parmi les anormaux tous les gens qui se déplacent en fauteuil roulant. Il faudra donc que je précise, si je prends le risque de passer pour un salaud, que l’un des critères de base pour définir une personne normale, est la bipédie qui lui sert de mode de déplacement : deux jambes terminées par deux pieds en état de marche. On sera peut-être d’accord là-dessus, non ?

 

Même chose pour les membres supérieurs. Il m’est arrivé de manger, au 16, quai Tilsitt (1er étage, angle de la rue Sala, en face de l’église Saint-Georges et de la passerelle du même nom), à la table du docteur JD, dont l’épouse fut – avec une autre tante M. – la plus délicieuse vieille dame que j’aie jamais connue. Un bras du docteur JD (droit ou gauche, je ne sais plus) s’arrêtait au-dessus du coude. Pour manger sa viande, il n’avait besoin de personne, mais d’un couteau bien affûté. Un vrai rasoir, mais quand même une belle dextérité.

 

Le docteur JD était-il normal ? J’ai envie de répondre « oui », mais assorti d’un « presque ». Juste parce qu’il était obligé de faire pas tout à fait comme tout le monde. Disons si vous voulez qu’il y avait quelque chose de pas normal chez lui. Un bras en moins, qu’on le veuille ou non, ça suffit pour faire une sacrée différence.

 

Et si certains handicapés sont d’admirables virtuoses du fauteuil roulant, cela n’en fait toujours pas des gens normaux. Sinon il n’y aurait pas lieu, par exemple, d’organiser des Jeux Olympiques spéciaux. Tout simplement parce qu’il faut qu’ils trouvent des solutions, qu’ils luttent, qu’ils compensent, qu’ils surmontent. 

 

Le moindre geste, le moindre mouvement que les gens normaux accomplissent au quotidien sans même y penser, les met face à autant d'épreuves. Qu'on ne me dise pas, dans ces conditions, que les infirmes et autres handicapés sont « comme tout le monde », ou alors en l'assortissant d'un « presque ». Qu'on me comprenne : je ne parle pas d'eux en termes de valeur d'être humain, mais bien de tares (encore un mot qu'on va me reprocher, je sens) physiques. Et de différences concrètes.

 

Les gens normaux n'ont pas à penser à leur corps. Les gens normaux n'ont presque pas de corps. Dans la maladie et le handicap, le corps prend le pouvoir. Et quand c'est le corps qui commande, quand tu es sans arrêt obligé de tenir compte de ses limites, et donc de limiter tes ambitions, la vie devient difficile. Parfois impossible, comme c'est arrivé pas très loin de chez moi récemment. Dans la vie normale, le corps sait se faire oublier, et se contente du rôle ordinaire de simple objet de perception et d'action. De séduction. La vie, quoi.

 

Je signale en passant aux amateurs d’étymologie la curieuse origine du mot « handicap » : il s’agissait d’un jeu anglais consistant à se disputer des objets personnels déposés dans un chapeau, à un prix proposé par un arbitre. Traduit en français, ça donne : « Main dans le chapeau ». En anglais : « Hand in cap ». Et c’est pour égaliser les chances des parieurs que les meilleurs chevaux auraient été lestés de poids variables, « handicaper » devenant synonyme de « amoindrir les chances des meilleurs, pour donner leurs chances aux moins bons, pour donner du palpitant aux paris et faire battre le palpitant des parieurs ». Les sources semblent sérieuses.

 

L’amusant de l’histoire est un éclairage original : l’ « égalité » (à la française) n’est pas exactement l’ « égalité des chances » (à l’anglaise). Chez les uns, l’affaire est politique, donc grave ; chez les autres, c’est de l’ordre du jeu et du plaisir aristocratique. Ah, parlez-moi de l’ « égalité des chances », dans l’Ecole française ! Vincent Peillon, Grand Sorcier, verse-nous ton Mana quotidien d’ « égalité des chances » !

 

Bref, une personne handicapée physique n’est « pas exactement comme tout le monde », c’est-à-dire qu’elle n’est pas normale. Et cela se mesure à son degré de dépendance des autres. Plus elle a besoin des autres, moins elle est normale. Est-ce qu’une telle phrase est obscène ? Alors qu’on me dise ce que c’est, un malade.

 

Une personne handicapée physique est anormale, juste parce qu’elle a une maladie définitive. Juste parce qu’elle n’est pas dans la norme, c’est-à-dire qu’elle se situe hors de l’immense majorité statistique, quelle que soit son habileté dans le maniement du fauteuil roulant.

 

Plus elle dépend des autres, plus elle est anormale, puisque nous raisonnons sur la base de l’autonomie personnelle des individus. Depuis la Révolution de 1789, et plus exactement le 26 août : « Article I : Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux ». C'est une Déclaration qui a fait du bruit, paraît-il.

 

Un socle en basalte, en porphyre, en granit, en ce que vous voulez, mais de toute façon sculpté dans une roche inusable, indestructible. Plus tu es libre, moins tu dépends. Plus tu dépends, moins tu es libre ; moins tu es libre, moins tu es normal. Pas de liberté sans un corps qui sait se faire oublier.

 

Message en passant à tous les adeptes du SM, ces malades de dominer ou de soumettre, qui le prendront comme ils voudront, et qui pourront toujours me répliquer qu’une déviance est une preuve de créativité par rapport à la norme, donc une preuve de liberté. Ouais. Pourquoi pas ? Bien sûr. Certainement. Si vous y tenez.

 

On ne m'enlèvera pas de l'idée qu'il est anormal d'être incapable d'avoir un orgasme sans infliger ou se faire infliger des souffrances physiques ou morales, à coups de fouet ou d'humiliation. Disons le mot : c'est une déviance. Osons le mot "perversion". J'espère que les gens qui s'adonnent à ces « plaisirs » le font comme s'ils étaient dans un jeu de rôles. Mais cela n'est pas certain. Ce n'est d'ailleurs pas exclusif. 

 

Loin de moi l'idée de faire je ne sais quelle police des moeurs, mais je n'aime pas qu'on veuille me faire prendre ma vessie pour une lanterne. « Et alors ? - Et alors il se brûle » (Pierre Dac et Francis Blanche, Le Sâr Rabindranath Duval).

 

Consentants, certes, légalement majeurs, certes, mais pour accéder à la qualité de "humainement majeur", l'âge administratif ne suffit pas. Et puis "majorité humaine", ça ne figure ni sur la carte d'identité, ni dans le casier judiciaire. Nulle part. Est-ce un tort ? Et qui aurait l'autorité et la hauteur de vue pour en décider ? L'égalité, qu'elle soit un but, une condition préalable ou un processus administratif, exclut de son champ la condition humaine, puisque, formulée ainsi, c'est-à-dire philosophiquement, elle est strictement la même pour tous. Mais je me dis que la notion de "majorité humaine" n'est pas complètement vide de sens.

 

Accessoirement, je note que, de nombreuses années après que l'homosexualité a été supprimée de la liste des affections mentales, l'APA (American Psychiatric Association) vient de pondre un dictionnaire des désordres mentaux (DSM 5). Je crois bien avoir lu qu'ils en ont trouvé 500. Coluche aurait dit : « Jusqu'où s'arrêteront-ils ? ». Je pose la question : les psychiatres de l'APA sont-ils normaux ? Beaucoup de psychiatres français semblent penser que non.

 

Il y a des jours où je me félicite d'être né sur le « Vieux Continent ». Jusqu'au jour, si je ne meurs pas avant, où je serai devenu le « Vieil Incontinent ».

 

Quoi, ça ne vous fait pas rire ? Moi si. Positivement, vous ne me voyez pas, mais là, je me marre.

Voilà ce que je dis, moi. 

jeudi, 16 mai 2013

AH ! FAIRE SOCIETE !

 

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***

 

« Vivrensemble ! Vivrensemble ! Ouais ! Ouais ! » Un joli slogan, coquet, seyant, qui fait très bien sur la banderole, et que les défileurs des rues manifestantes ne rechignent jamais à gueuler de tout leur enthousiasme, y compris dans le mégaphone badgé CGT. Une mode qui se porte ample, près-du-corps ou moulante : tous les goûts sont dans l’égout. Corollaire : toute la nature est dans la nature. Et comme il y a de moins en moins de nature, il ne reste plus que l’égout.

 

Non, sérieux, qui est-ce qui en veut, aujourd’hui, du « vivrensemble » ? Qui en veut vraiment ? La vie fait à tout le monde des trajectoires parallèles. Or les parallèles ne se rencontrent qu’à l’infini. Oh si, ça s’entrecroise bien à l’occasion, mais chacun avance sur ses rails. On s'entrecroise moins qu'on ne se frôle.

 

Le lien social, aujourd'hui, c'est l'effleurement, comme le prouve le téléphone portable, qui autorise votre ami à interrompre votre conversation, au risque de perdre le fil, et qui montre qu'à ses yeux, vous n'avez pas l'importance vitale qu'il vient de vous déclarer les yeux dans les yeux. Les conséquences peuvent être beaucoup plus embêtantes si vous étiez en train de faire l'amour avec votre petite amie. Faire société ne fait plus sens. Pourquoi sommes-nous ensemble ? Tout le monde se le demande. Pourquoi ceux-ci et pas ceux-là, après tout, puisque « je le vaux bien » ?

 

Après tout, la vie privée donne l’exemple : pourquoi épouser celle-ci plutôt que celle-là ? De toute façon, ne nous marions pas, parce que ça finira par un divorce. Ou alors, marions-nous avec des gens de même sexe, pour surfer sur la vague du dernier cri de la modernité. Vivons le temps que nous pourrons avec quelqu’un, tant que ça nous satisfait. Après ? « Vous vous changez ? Changez de Kelton », disait une vieille pub pour des montres. Au fait, qu'est-ce que c'est devenu, Kelton ?

 

Même chose avec les gens : vous en avez marre « de lui voir tout le temps le nez au milieu de la figure » (Tonton Georges) ? Changez ! De montre, de voiture, de look, de compagnon ou de compagne, de smartphone, ce que vous voulez, mais changez. Tout le monde est interchangeable : pas besoin de se gêner. Faire société ? C’est quoi, cette fatrasie ?

 

De toute façon, le « faire société » se délite, alors comme il faut bien vivre, jetons les valeurs communes (la nation) ; jetons-nous dans « l’associatif » pour retrouver de la proximité et du semblable homogène, et laissons privatiser les biens communs. Privatiser : le bien commun est devenu un investissement rentable.

 

HÔTEL DIEU 3.jpgGérard Collomb, « grand-maire » de Lyon, a vendu le quartier Grolée à Cargill, 49 immeubles de la rue de la République au fonds d’investissement du duc de Westminster. Entre-temps, il a eu l’occasion de vendre l’Hôtel-Dieu, monument historique avec son dôme de Soufflot, pour en faire un hôtel de luxe : de l’Hôtel-Dieu à l’hôtel de luxe.HÔTEL DIEU 4 PROJET.png Moralité ? Pas de moralité. On brade le bien commun. On privatise. Les dirigeants donnent l’exemple : on ne veut plus « faire société ». Ci-dessus (côté quai) l'état d'origine, et ci-contre (côté rue Bellecordière), l'état futur (!!!) de ces vénérables bâtiments.

 

Regardez la Grèce. Sans parler d’une fille Onassis qui, à 28 ans, vend l’île de Skorpios héritée de son (arrière ?) grand-père, parce qu’elle en a marre de son pays, ce qui est son droit, le gouvernement a vendu l’Acropole, non, pas celui d’Athènes, quand même, mais celui d’une petite ville à côté de Corfou sur l’Adriatique, pour y laisser construire un hôtel de luxe. Remarquez, ils ont bien vendu le port du Pirée aux Chinois.

 

Regardez les semences agricoles : Monsanto vient d’obtenir un arrêt superbe de la Cour Suprême des Etats-Unis pour commercialiser en toute liberté (et surtout en toute exclusivité) ses variétés inventées et dûment brevetées, et s’apprête, après de gros efforts de lobbying, à en inonder l’Europe. On appelle ça la privatisation du vivant.

 

Où en reste-t-il, du bien commun ? En vérité, je vous le dis : il est à vendre. C’est bien la preuve qu’il ne reste plus grand-chose pour « faire société », non ? D’abord, on est trop nombreux. Ensuite on est trop différents. Enfin on est trop indifférents. Comment voulez-vous « faire société » ?

 

On en est là. Avouez que ça commence à faire beaucoup, pour ce qui est de « faire société » : la décomposition est en voie d’achèvement. Un : pulvérisation du « corps social » en « associations » et autres « communautés » (geek, religieuses, orientation sexuelle et autres petites ou grandes manies, …). Deux : dissolution de la nation et de son histoire dans le grand bain mondial indifférencié. Trois : la grande privatisation du bien commun. Et c'est pas fini.

 

Et on parle encore de « société ».

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

jeudi, 11 avril 2013

POLITIQUES : TOUS POURRIS 1/3

 

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ON EST PEU DE CHOSE, MESSIEURS

 

***

Vous vous rappelez cet appel : « Dieu, si tu existes, envoie-moi un signe ! ». C’était Raymond Devos. Un prodigieux, celui-là. Eh bien à mon tour, je lance un appel solennel :

 

« Hollande, si tu existes, envoie-nous un signe ! ».

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En fait, je devrais plutôt demander à Madame Politique, si elle existe, de nous envoyer un signe, parce que Hollande, en ce moment, a plutôt l’air d’un petit rat pris au piège. Madame Politique n’est pas mieux lotie, vous me direz. Existe-t-elle encore ? J’en doute fort.

 

Je les entends, tous les curés laïques et toutes les grandes consciences républicaines et démocratiques, dressés « contre le Front National » : « Il ne faut pas entonner le refrain du "tous pourris". Ça fait le lit de tous les populismes » (ah, ce pluriel à "populisme" !). Eh bien moi, je dis que, s’il est vrai que les individus qui composent le « personnel politique » ne sont pas tous corrompus, ils sont arrivés à leur poste grâce à un système de sélection des élites politiques qui est corrompu jusqu’au trognon.

 

Le personnel politique est (peut-être) individuellement honnête, mais pourri collectivement. C'est le système en soi qui est malhonnête. Et c'est parce que le système est malhonnête qu'il est tout à fait légitime de crier : « TOUS POURRIS ! ».

 

Regardez le tableau de la vie dite politique en France, depuis … depuis … depuis … non, je renonce à dater : encéphalogramme plat ou presque. Enfin, moi, je n’appelle pas ça « faire de la politique ». Non, qu’on appelle ça « soigner sa carrière », je veux bien, mais « politique », non monsieur. « Je fais carrière dans la politique », ça sonne tout de suite plus vrai. Et « carrière politique », c’est aussi un oxymore : une contradiction dans les termes.

 

On commence par conseiller municipal, on continue maire, on poursuit conseiller général ou régional, puis président du conseil général ou régional, pour atterrir un jour, couronnement des ambitions, sur les bancs de l’Assemblée Nationale ou du Sénat. Certains voient plus loin, mais c’est donné à quelques rares auxquels, s’ils sont passés par Sciences-Po Paris, HEC et l’ENA (la promotion se porte très près du "Voltaire" en ce moment), les plus grands espoirs sont permis. Sans oublier que les fils ont tendance à s'installer sur le siège tout chaud laissé par les pères.

 

Résultat de ce parcours ? On voit toujours les mêmes bonshommes. Le casting ne varie pas d’un iota d’une élection à l’autre. Quand il entre en maison de retraite, le Français aura vu les mêmes trombines depuis qu’il est né, ou presque. Et le plus fort, c’est qu’on trouve ça tout naturel.

 

Les journalistes s’extasient, comme un chœur d’imbéciles : « Député depuis quarante ans de la même circonscription, c’est extraordinaire ! Comment faites-vous ? ». Mais non, bande de crétins congénitaux : non seulement ce n’est pas naturel, mais ce n’est pas NORMAL. C’est même de ça qu’elle est morte, la vie politique en France : la durée des carrières politiques.

 

Même chose quand ils s’adressent à Gérard Collomb : « Maire de Lyon ! Président de la Communauté Urbaine ! Sénateur du Rhône ! C’est extraordinaire ! Comment faites-vous ? ». Au passage, allez comprendre pourquoi aucun de ces fieffés imbéciles n’abrège Communauté Urbaine de Lyon en C. U. L., on se demande pourquoi. Au total, avec ses trois fonctions, une rémunération plus que confortable. C'est aussi de ça que la politique est morte : la surface politique occupée indûment par Gérard Collomb (et il n'est pas le seul).

 

Il faut savoir qu’avant d’occuper ces places officielles et électives (j’oubliais maire du 9ème arrondissement, mais c’était avant), il avait assez nagé dans toutes les eaux du PS, même les plus usées (Pierre Mauroy, si je me souviens bien), pour se voir confier je ne sais plus quelle fondation. Ah ça, on pourra dire qu’il les a gravis, les échelons de la « carrière ». En a-t-il assez sué pour arriver là où il est (merdelion) ! C’est sûr qu’ « il en a voulu ». Moi qui l’ai connu à la fac (si, si), je peux témoigner qu’il « en voulait » déjà. Passons.

 

Le problème de la politique en France, vous voulez que je vous dise, il est là et pas ailleurs. Et c’est un problème de temps et d’espace. Plus exactement de durée et de surface. Et pour résoudre, un seul moyen : réduire, comprimer, restreindre, limiter, circonscrire, borner. Empêcher la tache d’huile de se répandre dans l’espace et dans le temps. Empêcher qu’un citoyen ait la possibilité de « faire carrière » dans la politique.

 

Réduire la durée. Réduire la surface. Si Hollande existe, comme il persiste à vouloir nous en persuader, s’il veut entrer dans le club très fermé des « grands présidents », il fera une seule, mais une grande, une immense chose : briser les reins à toute « carrière politique ». Autrement dit : casser la durée et l’espace ouverts aux citoyens avides de pouvoir, d’honneur et de ..., non rien.

 

Comment casser toute carrière politique ? En réduisant la durée d’un parcours politique à deux mandats, mettons dix ans. On n’arrivera pas à me convaincre que s’occuper des affaires d’une collectivité (locale, territoriale ou nationale) puisse constituer l’objectif de toute une vie.

 

Non, « politique », ce n’est ni une profession, ni un métier.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

samedi, 08 décembre 2012

LA PESTE DE LA FÊTE DES LUMIERES

Pensée du jour :

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LA BEAUTE SELON CHRISTIAN VOGT

 

« Le désert engendre les dieux. "Jouez hautbois, résonnez musettes", c'est des sables de Palestine que nous viennent les chants des bergers ; c'est du ciel du désert qu'arrivent les anges en blanc qui sonnent dans des trompettes en or ; c'est sur les dunes de Jordanie ridées du vent, ourlées par lui, brodée comme un ouvrage de dames, que s'imptiment les pas des rois mages et que s'élève une odeur d'encens. Terre aride. On a dit que le soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face. Et le désert, c'est le soleil et la mort. Une autre dimension de la terre. Le pur espace des géomètres. Et c'est ce sol qui ne produit rien qui donne les dieux. L'esprit souffle sur lui. L'esprit désincarné ».

 

ALEXANDRE VIALATTE

 

 

 

J’interromps momentanément ma série sur EDWARD BERNAYS, mais c’est pour une bonne cause : il y a urgence. Demain soir, il sera trop tard !  

 

 

Oui, ALERTE !!! Lyon est submergé depuis deux jours par des hordes (on parle de 2.000.000 sur quatre jours) de gens affairés qui, le nez dans un plan de la ville, cherchent avidement le lieu où se passe la "Fête des Lumières".

 

 

En tant que vieux Lyonnais dûment estampillé, je voudrais ouvrir leurs yeux et dénoncer l'imposture. Une partie de mon argent de contribuable s'évanouit dans des machines sophistiquées, qui projettent sur des façades illustres (Palais des Beaux Arts, Saint Nizier, ...) le produit lumineux, dégénéré et coûteux conçu dans l'esprit tordu de quelques "artistes" autoproclamés. Je m'insurge, je me gendarme et je crie au scandale.

 

 

Qu'on se le dise : Lyon est le lieu exclusif des

 

ILLUMINATIONS DU 8 DECEMBRE.

 

Et "illuminer" consiste essentiellement dans l'alignement, au soir de ce 8 décembre (et seulement ce soir-là), sur le rebord des fenêtres, de petits verres cannelés à l'intérieur desquels tremble la flamme d'un lumignon.

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Il faut avoir vu danser, sur le rebord de sa propre fenêtre, les huit ou douze rais de lumière échappés de la modeste chose modestement posée, soumise aux aléas de la brise, de la bise, de la neige et de la pluie. Qu'on est heureux, en rentrant de la Brasserie Georges où l'on a fini la promenade du soir, en constatant que les modestes flammes ont résisté.

 

 

Je plains tous ceux qui, se promenant sur les quais du Rhône et de la Saône, n’ont jamais été pris dans l’incroyable magie de milliers de flammes vacillantes, que les cannelures de verres spécialement dédiés à cette occasion démultiplient. De vraies rampes lumineuses qui traversaient la ville de part en part, voilà ce que c'était, les « Illuminations ».

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Pour savoir ce que sont les VRAIES, les AUTHENTIQUES « Illuminations » de Lyon le 8 décembre, j’en suis désolé pour les autres, il faut avoir été témoin du temps où la ville n’avait pas encore été transformée en gigantesque attrape-touriste, en colossal parc d’attraction à l’américaine, en monstrueux espace « spectaculaire-marchand » (GUY DEBORD), en gros mensonge infantile, technique et malfaisant.

 

 

Voilà ce que je dis, moi, à monsieur GERARD COLLOMB.

 

 

P.S. Voilà ce que ça doit donner, les vrais lampions du 8 décembre à Lyon (ceux-là sont particulièrement bien dotés : 14 rais de lumière, qu'il faut imaginer tout tremblants, dès le plus léger souffle d'air) :

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Et rien d'autre.

 

Voilà tout.  

 

 

 

mardi, 13 novembre 2012

L'INDUSTRIE DU MONUMENT AUX MORTS

Pensée du jour :

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"POURTRAIT" N°3

 

« Catastrophe inouïe de Messine [30 décembre 1908] entièrement détruite, il y a deux jours, fête des Saints Innocents, par un tremblement de terre, en même temps que Reggio et quelques autres villes ou villages. On évalue à deux cent mille le nombre des morts. Cela commence ».

 

LÉON BLOY

 

Résumé : après un petit tour, dans l’ « île du souvenir », au monument aux morts de Lyon, dans le parc de la Tête d’or, je commençais à évoquer le boom de l’industrie du monument aux morts au cours de la décennie 1920. Des sculpteurs conçurent et élaborèrent plusieurs modèles, que les industriels diffusèrent en plus ou moins grand nombre, en fonction de la demande.

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FOUILLOY 80

 

Au palmarès des modèles les plus demandés, figure le « Poilu au repos» (que j’avais appelé « sentinelle »), qui a été sculpté par ETIENNE CAMUS (né en 1867, impossible de trouver la date de son décès, j'en ai conclu logiquement qu'il est toujours vivant), de Toulouse, et qui figure au sommet, paraît-il, de plusieurs centaines de monuments français.

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COURRIERES 62

 

Au point que les fonderies ont dû s’y mettre à plusieurs pour satisfaire la demande : Tusey (Meuse), Guichard à Castelnaudary, Jacomet (Vaucluse), peut-être Val d’Osne à Paris. Mais on connaît d’autres « poilus » de la même veine, dont celui de CHARLES-HENRI POURQUET (1877-1943).

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SAINT SAUVEUR DE PEYRE 48 

Un autre modèle eut beaucoup de succès : le poilu brandissant une couronne de lauriers, œuvre du sculpteur EUGÈNE BENET. Fondu chez Durenne à Sommevoire (Haute-Marne), il fut peut-être diffusé à 900 exemplaires (« peut-être », le chiffre étant extrapolé à partir d’un nombre non précisé de mairies interrogées).

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CORDELLE 42

 

Le « poilu » qui se dresse fièrement en travers du chemin de l’ennemi, le fusil tenu de façon à lui barrer le chemin de la Patrie, est du déjà cité CHARLES-HENRI POURQUET, sculpture qu’on trouve une peu partout en France (j’en ai 56 dans ma besace). Le « poilu » qui se cabre, à l’arrivée de l’ennemi, en serrant convulsivement son drapeau sur son cœur, a été sculpté par CHARLES BRETON (j’en ai collecté une vingtaine au total).

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ARVILLERS 80

 

Des modèles, j’en citerai encore un autre : le « poilu » en personne, qui fait barrage de tout son corps, les bras en croix, que j’avais baptisé : « On ne passe pas !». C’est sûr que l’exaltation de l’héroïsme n’est pas vraiment ma tasse de thé, et la réflexion qui me vient, au sujet de ces trois modèles, c’est qu’il y eut dans la décennie 1920 une énorme opération de propagande patriotique.

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SAINT-JEURES 43

 

Dans ses travaux sur le monument aux morts de 14-18, ANTOINE PROST montre, entre bien d’autres choses, que le budget municipal fut loin d’être proportionnel à la dimension et à la beauté du monument, et que des communes relativement pauvres eurent à cœur d’ériger une œuvre qui fût à la hauteur de l’idée qu’elles se faisaient de l’hommage à rendre à leurs morts.

 

 

Ce véritable rouleau compresseur était sans doute destiné à faire taire les velléités révolutionnaires qui se faisaient jour dans le peuple en France et en Allemagne. Je rappelle que le mouvement Spartakus (avec les personnalités emblématiques de ROSA LUXEMBURG et KARL LIEBKNECHT) fut écrasé dans le sang en 1919.

 

 

Personnellement, je préfère les monuments aux morts qui mettent en scène (pour ceux qui portent une figure) ceux qui restent, ceux qui continuent à vivre avec la perte d’un ou plusieurs membres de la famille : les parents, les veuves, les enfants. Dans certaines communes, le monument affiche jusqu’à sept fois le même nom. Regardez Maniquerville (76) : trois cent quarante-huit habitants en 1990, douze noms, 2 DESPREZ, 3 LEMAITRE, 2 LEVARAY. Reste cinq.

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MANIQUERVILLE 76

 

La Vie et rien d'autre, on vous dit, avec BERTRAND TAVERNIER.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

lundi, 12 novembre 2012

MONUMORTS A LA CHAÎNE

Pensée du jour :

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"MUR" N°11

 

« Je méprise profondément ceux qui aiment marcher en rang sur une musique : ce ne peut être que par erreur qu'ils ont reçu un cerveau ; une moelle épinière leur suffirait amplement ».

 

ALBERT EINSTEIN

 

 

Voyez comme le hasard fait bien les choses (en fait le hasard n’y est pas pour grand-chose) : hier je célèbre à ma façon le 11 novembre, en publiant une note sur le monument aux morts de la ville de LyonMONUMORT LYON COULEUR.jpg, dans la petite île du parc de la Tête d’or, et voilà-t-il pas que Le Progrès daté du même 11 novembre donne en pages locales (6ème arrondissement) des nouvelles de sa restauration.

 

 

Tiens, soit dit par parenthèse, c’est très "tendance" de mettre tout dans le même sac : après l'imposture du « mariage pour tous », voici la forfaiture de la « commémoration pour tous », depuis la loi qui fait du 11 novembre la date de commémoration de tous les « morts pour la France ».

 

 

Pourtant, est-ce qu’il est « mort pour la France », le soldat de métier qui tombe en Afghanistan, qui a choisi de risquer de mourir ? Quoi de commun avec le grand massacre de la paysannerie française en 14-18 ? Demandez à un juif s'il peut renoncer à proclamer le caractère UNIQUE de l'holocauste, et vous verrez. C'est du même ordre : la partie massacrée de la population en 14-18 était composée de civils.

 

 

Revenons au Progrès. Non seulement on est tenu au courant de l’avancement des travaux, mais on apprend des choses. D’abord, que la pierre de 1920 était du calcaire, que l’acidité des pluies a vite fait de défigurer, comme l’acné qu’un adolescent perturbé ne cesse de labourer à coups d’ongles.

 

 

Ensuite, que les nouvelles plaques (toujours au nombre de 76) sont en pierre de Hauteville, assez dure pour que les Américains aient eu l’idée de s’en servir pour construire l’Empire State Building. Croisons les doigts. Lyon, à l'époque, a sans doute reculé devant la dépense d'une pierre résistante.

 

 

On apprend aussi que le « temple » – je ne vois pas d’autre mot pour désigner l’ensemble de la construction, soubassement, plaques portant les noms, bas-reliefs, « crypte » à ciel ouvert (!), monument proprement dit – est l’œuvre de TONY GARNIER, qui est aussi l’auteur de la Halle qui porte son nom à Gerland (les anciens abattoirs, où je faisais des livraisons dans d'autres temps) et des "Gratte-Ciel" de Villeurbanne.

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ET MOI QUI DISAIS "QUASIMENT HAUTEUR D'HOMME" !

EN FAIT, C'EST LARGEMENT HAUTEUR D'HOMME

(état après restauration)

 

On apprend enfin que c’est DAVID PENALVA (MOF 1997) qui a été retenu pour graver les 10.600 noms (augmentés de ceux que les historiens ont rétablis dans leurs droits), à la micro-meuleuse, dans cette pierre très dure, à raison de 40 à 50 lettres romaines par jour, qu’il s’est attelé à la tâche pour une première tranche de 2004 à 2005, et que la seconde a débuté en 2007 (j’imagine que la municipalité n’a pas voulu tout engager d’un seul coup et voulait juger sur pièce), pour s’achever en 2014, juste à temps pour fêter le centenaire de la première grande boucherie industrielle de l’histoire.

 

 

Que l’on puisse de nouveau lire distinctement tous les noms des morts, voilà enfin, parmi plusieurs autres moins reluisants (quartier Grolée sinistré, Hôtel-Dieu bradé, …), monsieur le Maire GÉRARD COLLOMB (que j'ai croisé à la glorieuse époque de la "Salle 3"), un acte digne pour lequel les Lyonnais vous devront un minimum de reconnaissance.

 

 

J’en arrive à mon sujet du jour. Dans la décennie 1920, la France a érigé, dans ses moindres patelins, bleds paumés et trous perdus, 36.000 monuments aux morts. Enfin, pas tout à fait, car il faut retrancher les quelques communes qui, n’ayant envoyé au combat aucun de ses hommes ou nul n’y ayant perdu la vie, ont échappé à la règle générale.

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PALAZINGES, SA MAIRIE, SON EGLISE : POURQUOI MOURIR ? ON SE DEMANDE

 

Parmi elles, citons Palazinges (Corrèze, 115 habitants au recensement de 1990), et Les Plans (Hérault, 265 habitants en 1999). Cette dernière municipalité a la particularité de n’avoir eu aucun mort à déplorer, pas plus en 14-18 qu’en 1870 ou en 39-45. Il y en a sûrement d'autres, mais combien ?

 

 

Il a donc fallu que, dans 36.000 conseils municipaux, ait lieu une délibération au sujet du budget à consacrer à cette édification et de la façon dont on allait s’y prendre. Dans pas mal d’endroits bénéficiant de la présence d’un sculpteur (ou tailleur de pierre) local, les gens se sont arrangés pour que leur monument soit unique. La plupart du temps, ce fut vite vu, pour des raisons pécuniaires, et l’on se contenta d’un obélisque, souvent orné d’une palme, d’une croix de guerre ou d’un coq. C’est ce qu’on voit dans l’immense majorité des localités françaises.

 

 

Mais cette flambée d’érections sur la totalité du territoire suscita l’imagination et l’appétit d’un certain nombre d’entrepreneurs avisés, qui virent là un formidable marché potentiel. Se mettant au travail, ils furent rapidement en mesure de proposer un véritable catalogue aux 36.000 maires de la nation, au point qu’on peut vraiment parler d’une industrie du monument aux morts. 

 

 

Ce catalogue comportait différents modèles dus à des sculpteurs professionnels, et ils y étaient déclinés en plusieurs versions, de la fonte de fer ciselée et bronzée (« absolument inaltérable ») à la pierre reconstituée, que les communes choisissaient en fonction du budget alloué et du montant qu’avait rapporté la souscription municipale.

 

 

Et les affaires marchaient du tonnerre de Dieu : « L’âge d’or, mon cher ami, l’âge d’or. Jamais vu ça, depuis les Grecs, depuis les cathédrales.Même ceux qui ont une main de merde ont de la commande. Vous vous rendez compte ? Un monument par village. 35.000 communes pour 300 sculpteurs ! Tout le monde veut son poilu, sa veuve, sa pyramide, ses marbres. On ne fournit pas. La ronde-bosse, le bas-relief, la lettre, tout ça ronfle comme une usine. Mieux que la Renaissance, mon cher, la Résurrection. – Grâce à nos morts. – Ouais, grâce à nos morts, merci à eux ». C’est le sculpteur Mercadot qui dit ça à PHILIPPE NOIRET, dans le poignant La Vie et rien d’autre, de BERTRAND TAVERNIER (1989).

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Il faut avoir vu ce film, tout en lumières vaguement bleues ou grises, en clartés humides ou brumeuses, où NOIRET et SABINE AZEMA font merveille, et où TAVERNIER touche très juste.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.


 

dimanche, 11 novembre 2012

UN TOUR DANS L'ÎLE DU SOUVENIR

Pensée du jour :

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"POURTRAIT" N°1

 

« L'homme se prouve par le chapeau mou, qui le distingue des autres primates. Mais, même prouvé par le chapeau mou, l'homme a beau être réellement homme, l'Italien l'est encore plus que lui. D'abord parce qu'il ajoute des plumes au chapeau mou, des plumes vertes qui font lyrique. Rien n'est plus beau que de le voir se marier dans cette parure ornithologique. En chantant Sole mio. On dirait l'oiseau-lyre. J'ai eu ce bonheur en Italie. C'est un tableau qu'on n'oublie pas ».

 

ALEXANDRE VIALATTE

 

 

Je ne peux pas laisser passer un 11 novembre sans ajouter mon petit gravier à l'édifice national commémoratif, n'est-ce pas ? J'invite d'abord le lecteur à faire un détour par les albums ci-contre, ne serait-ce que pour marquer le coup, en faisant observer que je me suis arrêté aux communes françaises dont le nom commence par la première lettre de l'alphabet, et que je n'ai inséré qu'une faible partie (139 photos) des 942 images dont je dispose. Je me suis permis d'ajouter un album des photos que j'ai prises au cours de mes pérégrinations en France et autour de Lyon.

 

 

 

GEORGES BRASSENS chante : « Un 22 septembre, au diable vous partîtes, Et depuis chaque année, à la date susdite, Je mouillais mon mouchoir en souvenir de vous, Mais nous y revoilà, et je reste de pierre, Pas une seule larme à me mettre aux paupières. Le 22 septembre, aujourd’hui, je m’en fous ». J’espère que nul Européen ne cédera à cette tentation du désamour, s’agissant du premier suicide de sa terre natale.

 

 

Car il s’agit bien de la guerre de 1914-1918, et la chanson de BRASSENS n’était qu’un prétexte pour parler à nouveau de la « Grande Guerre », de la « Der des Der », bref, de la Première Guerre Mondiale. Et cette guerre n’a jamais été Un long dimanche de fiançailles (JEAN-PIERRE JEUNET, 2004, avec AUDREY TAUTOU), non, elle fut le premier « long suicide européen ».

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JE N'INVENTE RIEN : JE TIRE CE TABLEAU DE LA REVUE BT2

(n°53, novembre 1973, revue du réseau CELESTIN FREINET)

 

Un suicide intrépidement poursuivi en 1939-1945 (avec une tendance à l’exportation), et probablement en train de se consommer aujourd’hui. L’ironie de l’Histoire est féroce : c’est au moment où elle croit qu’elle va parachever son édification (la « construction européenne ») que l’Europe a sans doute signé son propre permis d’inhumer, et commencé à creuser son propre trou de ses propres mains.

 

 

Et c’est épouvantablement normal : cette Europe-là est un mensonge qui remonte au coït inaugural de ses premiers parents, quand ils l'ont conçue comme un piédestal pour la Grande Privatisation du bien commun (qui portait en France le nom devenu dramatiquement ringard de "Service Public"). Passons.

 

 

Pour revenir à 14-18, nous commémorons aujourd’hui la fin du premier massacre industriel de l’histoire, une énorme broyeuse des enfants mâles de grands pays. Un massacre que GEORGES BRASSENS a célébré à sa manière dans une chanson plus connue que celle ci-dessus. 

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Le journal Le Progrès le fait – de façon assez digne, je dois dire – dans son numéro lyonnais du 9 novembre (dans les pages locales), en citant les noms de l’initiateur et du sculpteur auxquels le quartier de Montchat doit, selon lui, de posséder le premier monument aux morts (il porte 170 noms !). Vous avez dit « premier » ? Mais premier de quoi ? En France ? A Lyon ? Aucune idée. D’ailleurs, peu importe.

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PARC TÊTE D'OR : NOTRE "ÎLE DES MORTS" EST AU MILIEU DU LAC

 

L’important est d’y penser. Rien qu’un jour par an, ce n’est pas beaucoup. Et encore, un petit moment dans la journée. Le monument de Lyon a les dimensions d’un temple. Il fallait bien ça. Il a été élevé à partir de 1920. Il occupe l’intégralité de l’ « île du souvenir », au milieu du lac du Parc de la Tête d’or. Il est en forme de rectangle très allongé. On y accède par un tunnel qui passe sous le lac : il faut descendre des marches, remonter des marches (quand la grille n'est pas fermée, ou alors il y a la nage).

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On commence par faire le tour du « temple », pour prendre conscience - on en est effaré ! - du trou que la guerre a creusé dans la population mâle de la ville : tous les prénoms et les noms ont été gravés méticuleusement, l'un derrière l'autre, sur des plaques qui ceinturent l’espace du monument proprement dit.

 

Pour vous faire une idée, dites-vous, en regardant la photo ci-dessous, que toutes les parties rectilignes extérieures du quadrilatère sont couvertes de noms, quasiment à hauteur d'homme.  De quoi peupler une ville mieux que moyenne.

 

Au total, ce sont 10.600 noms qui figurent ici, et 76 plaques ont été nécessaires. Il faut penser à ces milliers de noms comme à des hommes encore debout. Je vais vous dire : ça ferait du monde aujourd'hui. Et l'histoire du "regroupement familial" ne serait qu'une mauvaise blague, absolument incompréhensible (la remarque s'adresse à ceux qui pensent qu'on peut refaire l'histoire).

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MERCI MALGRE TOUT A GOGOL

 

Je ne sais pas quelle est la pierre qui a servi à fabriquer les plaques, en tout cas, elle est assez friable pour avoir rendu nécessaire une restauration générale qui sera achevée (théoriquement) en 2013 : la plupart étaient devenus illisibles, au point que certains venaient compléter un nom ou un prénom au feutre noir, façon comme une autre, finalement, de rendre hommage à un mort. L'opération aura coûté 800.000 euros aux contribuables lyonnais, si le devis est respecté. La mémoire, ça se paie.

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Pour accéder au monument, il y a encore quelques marches à monter. L’esplanade est vaste. Le « saint des saints » (si l’on veut) du temple est situé dans la partie nord, et se compose de deux parties. Une sculpture représentant des hommes (six, je crois) portant sur leurs épaules un cercueil revêtu d’un long voile (un drapeau ?) qui semble flotter lourdement ; et puis une sorte de crypte : il faut descendre plusieurs marches pour se trouver face à un livre ouvert, protégé par des vitres. Je crois bien, sauf erreur (je ne le jure pas) que les pages portent elles aussi les noms des morts.

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A l’occasion du 11 novembre 2012, j’espère que vous ne m’en voulez pas trop d’avoir proposé cette petite visite dans « l’île du souvenir ».

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

lundi, 08 octobre 2012

DANS LES PROFONDEURS DU REFLET

Pensée du jour : « L'eau du bénitier résout tous les maux de l'humanité crédule ».

PROVERBE VATICANAIS

 

 

Résumé : j'ai la faiblesse, comme des milliards de Japonais devant la Joconde, d'aimer actionner, convulsivement, le déclencheur de mon appareil photo. Mon attention s'est portée, à une époque, sur les richesses insoupçonnées du reflet complexe. Que je me suis mis à mitrailler.

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Car dans le fond, ce paysage urbain où foisonnent les miroirs, des miroirs que des milliers de magasins tendent obligeamment aux passants, particulièrement aux passantes, est en soi un piège destiné à se refermer sur les gens, considérés comme une simple clientèle payante. Bien sûr, en passant, tout le monde ou presque jette un œil sur l’image que la vitrine lui renvoie de lui-même. Le verre est une invention satanique. La toile d'une araignée vorace.

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Je serais taliban ou salafiste (ou georgebushiste), je ferais, en bon intégriste, une grande "nuit de cristal", étendue à TOUT ce qui reflète. Il faudrait même punir les mares aux canards, à cause du ciel qu'on voit dedans, c'est vous dire jusqu'où j'irais si j'étais croyant. 

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Mais j’ai l’impression, à force de voir les gens marcher devant les immenses baies vitrées de l’école de danse en face de chez moi, que le regard des femmes est quasiment aimanté par ce qu'elles voient d'elles-mêmes dans le miroir, alors que les hommes y sont davantage indifférents. Imaginez si elles étaient en niqab : les risques de damnation de leur âme seraient réduits à néant. Ce serait un indéniable progrès, non ?

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LA PAIRE DE SEINS EST EN PAPIER

Je galèje. Mais il est vrai que, statistiquement, la femme est plus sensible à son image. Les psys ont dit tant de choses du narcissisme féminin. Mais surtout, la pression sociale sur l'humanité femelle est si forte, quand il s'agit de se montrer en public, qu'elle se sent obligée d'entourer son apparence de toutes sortes de soins et de précautions, l'humanité femelle ! Des soins et précautions devant son miroir, précisément.

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CETTE PHOTO, IL M'A FALLU REGARDER ATTENTIVEMENT, POUR LA VOIR

 

Certains reflets me sont même apparus comme des puits de poésie et de rêverie sans fond, éminemment composites, pour ne pas dire incompréhensibles, car faits d’une tranche de vue directe entre deux tranches de vue reflétée (ci-dessus). Comme si le reflet avait un effet multiplicateur sur la réalité banale, en étendant le champ de ses possibles, en ouvrant dans son dos des lignes de fuite insoupçonnées.

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Ce qui m’a bien intéressé dans tout ça, c’est que ça m’a fourni l’occasion de me poser la question, non pas abstraite et philosophique, mais tout à fait concrète : « Qu’est-ce qui est réel ? ». Je me suis bien gardé, vous pensez bien, de répondre à la question. Pour la simple raison que le reflet duplique le réel. Mais il ne fait pas que le dupliquer : il l'inverse, il le modifie, il le virtualise. Il le bouleverse. Il le fausse. Il brouille les pistes. Le reflet poétise, voire déréalise le monde réel.

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LE FANTÔME DE L'OPERA ? NON, UNE VITRINE CARDIN

Qu'est-ce qui arrive du réel dans notre conscience ? Je suis sûr que, quelque part en-deçà de la conscience, pas très loin dans la mémoire, cette énigme visuelle que constitue, finalement, le reflet, s’installe comme chez elle et, en plus de ses bagages, pose ses conditions après avoir posé ses paysages complexes dans lesquels le passant, parfois jusqu’au désespoir, cherche la trace de sa présence dans ce monde (trace de présence qu'il n'est pas près d'y trouver). Dites-moi, ce ne serait pas philosophique, par hasard, tout ça ?

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C'EST DOMMAGE : JE NE SAIS PLUS A QUELLE ADRESSE HABITE CE REFLET

Ces images, forcément imprimées quelque part, ne façonnent-elles pas la conscience hors de tout contrôle de celle-ci ? A son insu ? A peine a-t-on parfois une chance d'entrapercevoir le fantôme du photographe (ci-dessous).

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AUTOPORTRAIT DU FANTÔME EN EPISODE DE VISIBILITÉ

Pour l'anecdote, je l'avoue, j'ai fait développer et tirer mes photos par l'intermédiaire de la FNAC, qui fait dans l'industriel. Mais qui avait aussi, à l'époque, un code d'honneur : un photo ratée n'était pas facturée (c'était le bon temps), et portait une pastille auto-collante ainsi libellée : "photo non facturée".

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Qu'est-ce que j'en ai fait, des photos ratées !!! J'en étais venu à me rengorger quand, venant chercher mes clichés dans le service compétent, je voyais que 32 photos sur 36 portaient la dite pastille qui me dispensait 32 fois de payer les tirages. Mine de rien, j'en ai fait, des économies ! Surtout que les pastilles étaient devenues aisément détachables.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

dimanche, 07 octobre 2012

DE LA PROFONDEUR DU REFLET

Pensée du jour : « Et encore, qu'il y a une grande différence entre une statue et une photographie ; c'est que presque toujours, le modèle qui a servi à faire la statue ne veut pas et ne peut pas être reconnu, tandis que la photographie nous représente une personne vivante, que l'on peut avoir, ou tout au moins voir pour de l'argent, et qui est à vendre ou à louer des pieds à la tête.

          Ainsi, la photographie donne publiquement la preuve qu'une personne humaine peut être avilie, le savoir, et, néanmoins, sourire ».

 

ALAIN 

 

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Je ne suis pas photographe. Je prends seulement des photos. Comme tout le monde. Il m’arrive, de loin en loin, de réussir un portrait à peu près potable. Il y a déjà quelque temps, je me suis pris de passion pour les reflets.

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Attention, pas le reflet de bas étage, le reflet bas de gamme, le reflet de solderie. Non, moi, je veux le reflet d’élite, le reflet compliqué, le reflet savant. Or il faut le savoir, pour un esprit simple comme le mien, le reflet savant est compliqué à trouver. Je ne joue pas sur les mots : c’est vrai.

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QUATRE NIVEAUX DE GRILLE, QUI DIT MIEUX ?

(vous pouvez vérifier)

Le reflet, chez moi, ç’a été une crise. Mettons que ça a duré un an, à tout casser. Un an à écumer les vitrines de la ville, les paradoxes et les énigmes visuels qu’elles offraient. Creuser l'idée du reflet m'a donné l'occasion d'amener au jour, au sein même de la platitude du réel, quelque chose d'une part mystérieuse ayant à voir avec le rêve. C'est du moins ce qui m'a intéressé, dans l'affaire.

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 Car on ne se doute pas des mille-feuilles optiques proposés, au regard de qui veut bien les percevoir, par les sites dont regorge le centre-ville marchand des grandes cités.

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Le reflet a commencé assez bêtement, place des Jacobins, quand j’ai repéré un toutou à sa mémère (voir tout en haut) derrière la porte d’un magasin. Je me suis dit que je tenais une piste : ce chien traversé par les lignes des joints du carrelage, ça m’a plu. Alors j'ai continué.

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VOUS AVEZ DÉJÀ ASSISTÉ A UN LEVER DES SOLEILS ?

(le troisième, il faut vouloir le voir)

La suite n’a été qu’une histoire de marche à pied, je dirai même d’errance, de jour comme de nuit, par beau temps comme par temps gris. Avec des succès divers. J'ai la faiblesse de penser que quelques clichés au moins ne sont pas trop ratés, quant au regard (ne parlons pas de la technique).

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Ce ne sont donc pas des photos de photographe : je ne suis qu'un utlisateur de la technique, je me suis contenté de marcher, de regarder, de m’arrêter et d’appuyer sur le bouton. Je n’ai pas cherché à « faire œuvre », et pour cause. Quant à introduire des trucages, encore eût-il fallu que je le pusse. J’ai juste essayé de creuser dans le tas de réel que j'avais jusque-là regardé sans voir (ou vu sans regarder).

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KIOSQUE PLACE BELLECOUR

(avant les travaux)

 

Du coup, le réel se revêt d'une pellicule énigmatique, sur laquelle viennent s'aplatir toutes les strates de la profondeur de champ (augmentée comme par magie de tout ce qui se situe en arrière de l'objectif), mieux que si on écrasait un insecte entre deux plaques de verre pour observer le résultat au microscope. L'intérieur du lieu fait irruption dans l'extérieur, et inversement. Une synthèse de la complexité, quoi.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

Il y aura une suite. A demain.

 

 

 

 

vendredi, 14 septembre 2012

HANDICAP ET CULPABILITE COLLECTIVE

Pensée du jour : « Un idiot pauvre est un idiot. Un idiot riche est un riche ».

 

PAUL LAFFITTE

 

 

Tiens, pensez à un détail : une loi récente oblige tous les bâtiments qui se construisent à prévoir des équipements spéciaux pour les handicapés (ascenseurs, plans inclinés, issues de secours, …). Imaginez un moment ce que ça représente concrètement. Rien qu’en surcoût de construction. Que la loi fasse une place aux handicapés, c’est rien que du normal. Mais que ce soit le handicap qui dicte la loi et impose ses propres normes à l’ensemble des citoyens, ce n’est plus normal du tout.

 

 

Que le handicap, après avoir été relégué dans les oubliettes, devienne législateur (une loi est par principe de portée universelle), cela ressemble à une aberration. Que l’architecture soit même pensée tout entière en fonction du handicap me semble tout simplement anormal. On apprend que 15 % des établissements publics seront équipés à temps pour accueillir les gens dits « à mobilité réduite », pour se conformer à la loi. Je le déplore évidemment et forcément, mais combien ça coûte aux collectivités ? « On vous obligera à être tolérants », dit l’adjudant (ou le commissaire du peuple).

 

 

L’affaire du mariage et de l’adoption ouverts aux homosexuels tient d’une logique comparable, fondée sur un fantasme d’égalitarisme absolu (et dépravé, confondant différence et inégalité). Une logique sous-tendue par une idée que je trouve dangereuse : l’interchangeabilité de tout individu par n’importe quel autre (« Tout homme en vaut un autre »). C’est ce que dit en filigrane le « flyer » glissé sous l’essuie-glace des voitures occupant indûment les emplacements « spécial handicapés » : « Si tu prends ma place, prends aussi mon handicap ». Alors que « ma place », en ville, est déserte 23, 5 heures sur 24. Mais c'est vrai qu'ils ne sont pas rares les goujats qui n'en ont que pour trois minutes, je vous le jure, monsieur l'agent.

 

 

Conditionner la vie de TOUS au bien-être de QUELQUES-UNS (les bonnes âmes vertueuses parlent d’ « intégration », sous le noble prétexte d’éviter toute « exclusion »), pardonnez-moi, mais c’est trop. Et les bonnes âmes vertueuses ont cessé définitivement de m’amuser : elles me courent durablement sur le haricot, qu’elles font semblant de ne pas voir qu’elles me le "brisent menu" (citation d’un film réalisé par GEORGES LAUTNER, dialogué par MICHEL AUDIARD, et bénéficiant d'une certaine notoriété). C'est fou le nombre de gens qui, du haut de leur âme vertueuse, font la leçon à tout le monde et, à l'occasion, la police de la pensée.

 

 

A cet égard, merci aux juristes (les impeccables et rigoureux MIREILLE DELMAS-MARTY ou MARIO BETTATI, par exemple) qui ne cessent de rappeler qu’aucune loi ne saurait se réclamer d’un particularisme et que toute loi s’applique indépendamment de tout particularisme, ce qui peut produire parfois des effets d'aubaine (le raisonnement est le même pour le mariage homosexuel, la filiation post mortem, la fin de vie, …).

 

 

Car la loi institue en général, c'est-à-dire indépendamment des cas. Plus une loi est spécifique et particulière (un fait divers ? Une loi ! raisonnait NICOLAS SARKOZY), motivée par une circonstance précise, plus est grand le risque d'abus de droit. Tiens, comment s'appelle-t-il, ce député de la France qui a fait passer un amendement exonérant je ne sais plus quel investissement de toute fiscalité, exonération qui, comme par hasard, bénéficie à la commune dont il est l'élu (merci au cumul des mandats et à l' « ancrage local » cher à ses adeptes fanatiques) ?

 

 

D’accord pour que la société institue, par l’éducation et l’instruction, le respect  envers toutes les « minorités » qu’on voudra. Mais je ne suis plus d’accord quand il s’agit de faire passer la majorité de la population sous les fourches caudines (les fourches caudines, ça fait toujours très bien, très culturel, même si on a oublié qu'elles concernent les Romains, vaincus par les Samnites en - 321) de groupes (lobbies) dont l’habileté consiste à se présenter comme des « victimes » de cette majorité. Pire encore : « victimes » d’une « discrimination » intolérable.

 

 

On aura beau torturer les mots et les phrases, les handicapés sont, par accident ou par la naissance, des êtres physiquement (ou mentalement) diminués. Que la société fasse des efforts pour leur faire une place digne est un signe et une preuve de civilisation. VALÉRY GISCARD D’ESTAING (oui, c’est vieux) le disait déjà. On n’est plus à Sparte, où le bébé mal formé était supprimé.

 

 

Plus près de nous dans le temps, l’humanité a vu des horreurs. Espérons ne pas assister à de tels retours de l’enfer. Mais que TOUS les bords de trottoirs (déjà surbaissés pour la commodité des poussettes) soient munis de « bandes podotactiles » (comme cela s'appelle à Lyon) destinées aux cannes des aveugles, je n’y peux rien, cela me pose question (ne serait-ce qu'à propos de l'argent public que cela représente, mais peut-être suis-je un monstre).

 

 

La société a donc un devoir, celui de rendre aux handicapés la vie supportable et plus facile. Mais pas plus qu’on ne lui demande de donner aux gens le bonheur, en aucun cas elle ne saurait être tenue d’instaurer une égalité absolue entre les valides et les handicapés. Obligation de moyens, tant qu'on veut, obligation de résultat, jamais de la vie. Que le handicap, inné ou acquis, donne lieu à une compensation relative, c’est bien. Que le handicap finisse par conditionner la vie de la collectivité entière, il ne serait pas bon qu'on y arrive (si on n'y est pas déjà).

 

 

Dans le régime politique de la démocratie, l’élection donne à une majorité, par la Constitution, le droit et l’autorité de faire les lois. En démocratie, la minorité électorale est obligée de se soumettre, bon gré mal gré, à la majorité (personne n'a attenté à la vie de SARKOZY, bien que l'envie n'en manquât pas à beaucoup de gens). Il est curieux d’assister, à l’occasion de débats sociétaux (place des handicapés, place des immigrés, mariage homosexuel, …), à une inversion de la loi démocratique, et de voir une minorité dicter sa loi à la majorité. Par l'indimidation et la culpabilisation.

 

 

En régime démocratique, les personnes, qu’elles soient physiquement ou mentalement complètes ou diminuées, sont juridiquement égales. On ne sort pas de là. Ensuite, jusqu’où faut-il aller ? Je pose la question.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.


 

mardi, 11 septembre 2012

L'ART D'AGATHE DAVID

Pensée du jour : « Notre siècle est celui de la précision. Appuyée par la statistique. La statistique est une science étonnante. Elle donne des certitudes chiffrées. Elle a prouvé que dans huit cas sur dix les boulangers sont des hommes qui fabriquent du pain ».

ALEXANDRE VIALATTE

 

 

 

 

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« Toute la Gaule est occupée par les Romains … Toute ? Non ! Un village peuplé d’irréductibles Gaulois résiste encore et toujours à l’envahisseur. » ASTERIX FRONTISPICE.jpgAinsi commence tout album des aventures d’Astérix. Dans le monde de l’art, on observe de telles résistances. Qui consolent. Car il n’y a pas que des GWENAËL MORIN, cet "artiste" d'une grande subtilité esthétique, qui suspend au plafond des dizaines de traversins, chacun portant le prénom de celle qui y a posé la tête la nuit précédente. On acclame. 

 

 

Je veux dire qu’il n’y a pas que des gens qui ont des IDEES. Qu'on acclame parce qu'elles sont faites pour l'estrade et l'enthousiasme badaud. Bravo ! Très fort ! Chapeau l'artiste ! Il y a aussi des gens qui TRAVAILLENT. De leurs mains. Qui s’efforcent d’avancer dans la maîtrise technique de leur main, et de peaufiner l'aigu et l'énergique de leur oeil. DAVID 4.jpg

 

 

 

C’est le cas d’AGATHE DAVID. Ses outils ? Papier, crayons, stylos. On ne peut guère se contenter de moins. Être plus économe. Oh, ce n’est pas MICHEL-ANGE. Ci-contre, est-ce l'Oiseau Rock ? Ou le Simorgh de la mystique Conférence des oiseaux, de FARID UDDIN ATTAR ? Ne trouvez-vous pas qu'il y a quelque chose de persan ? D'une miniature persane ?

 

 

Moi qui ai un peu fréquenté les poètes d’aujourd’hui, vous savez, ceux qui tirent à 300 exemplaires et qui chuchotent pieusement leurs petites messes basses en petits comités secrets de carbonari honteux dans des petits lieux à demi clandestins, je dirai qu'AGATHE DAVID œuvre quelque part à l’écart des chemins fréquentés, un peu à l’ombre. En tout cas pas sous les feux de l’actualité. Cela n’a pas empêché la revue Beaux-Arts de lui consacrer un espace il n’y a pas longtemps.

 

 

 

DAVID 7.jpgSes motifs ? Les traits d'écailles d'un reptile ou d'un poisson. Le trait des plumes d'un oiseau. Comme si les bestioles portaient sur le corps les tuiles du toit qui les protège des intempéries. Car il y a chez AGATHE DAVID une fascination pour l’effet de tuilage que produisent les peaux ou les plumes de ces animaux. Regardez ci-contre : ne dirait-on pas que les plumes et les couleurs pleuvent de l'animal ?

 

 

Alors pourquoi pas l’écorce de certains arbres ? Non, le végétal n’est pas l’animal. Mais on ne s'interdit rien. L’animal est mouvant. C’est ce mouvant-là qu’elle rend visible.

 

 

 

La figure du serpent, du poisson, du coquillage se découpe sur le blanc du papier avec une netteté de ciseau. Tout est tracé, avec vigueur et souplesse. La main qui pense le tableau est certainement féminine : il y a quelque chose de velouté, d’onctueux, jusqu'à du tendre, dans les enroulements, les infléchissements, les torsades.

 

DAVID 5.jpg 

 

La texture a de la transparence dans le moiré, la couche s’ajoute à la précédente sans la dissimuler, dans une sorte de mille-feuilles coloré qui fascine l’œil quand il s’approche au plus près. C’est certain, on est fort loin de ce qu’on appelle le « geste ». Ici, l’art est de patience et de précision. Peut-être en faudrait-il peu pour basculer dans l’obsessionnel, à la façon d’un REQUICHOT SPIRALES.jpgBERNARD REQUICHOT (ci-contre), mais non, on reste dans le concerté, dans le calculé. On est presque dans le japonais pour ce qui est de l'élaboration esthétique. Presque japonaise, en effet, la présence esthétique au monde.

 

 

 

Les spécialistes, quand ils examinent un tableau de JOACHIM PATINIR (1475-1524), s’étonnent de l’étroitesse de certains coups de pinceau, difficilement imaginable. C’est un minutieux à la recherche de l'infime. AGATHE DAVID a cette minutie, mais moins pour le détail cultivé pour lui-même que pour l’effet produit par la superposition transparente des couleurs.

 

DAVID 8 PSAUMES.jpg 

Ajoutons qu'elle s'est inspirée, pour élaborer ses figures, des Psaumes de David (avec quelques incursions dans Daniel, Ezéchiel et Isaïe). Je n'ai pas pensé à lui demander s'il y avait un lien avec son propre nom. Ce qui est certain, contrairement à ce qu'en dit bizarrement le galeriste en personne (« Vous comprenez, ce genre, ce n'est pas dans mes habitudes »), la mise en résonance du texte et de l'image fonctionne à merveille : ils dialoguent comme de vieilles connaissances.art,dessin,peinture,artiste,agathe david,alexandre vialatte,astérix,beaux arts

 

La taille et la calligraphie des citations sont assez sobres (neutres) pour ne porter aucun ombrage aux images, et vice-versa. Les citations elles-mêmes se réfèrent au règne animal : « Leur venin est semblable au venin du serpent, de la vipère sourde qui ferme ses oreilles » (selon la traduction du chanoine CRAMPON). « C'est toi qui as écrasé les têtes du Léviathan, et l'as donné en pâture aux peuples du désert ». L'animal est visiblement un ami de longue date, qu'AGATHE DAVID a eu le loisir d'observer de près. Sans que le végétal soit rayé du paysage (ci-contre, le volatile artichaut d'une "floraison").

 

On passe en revue, au gré des fragments, tout un bestiaire biblique, de la précision entomologique du papillon et de la sauterelle au lyrisme fantastique des créatures marines, en passant par le torturé du reptile et de la pieuvre, dans un dessin fouillé, libéré de l'exactitude académique.

DAVID 9.jpg 

L'ensemble des oeuvres présentées offre à contempler l'unité certaine de la conception, dans la simplicité apparente de la réalisation : leur complexité se révèle en aggravant l'attention portée. Que le regard se fasse distant ou centimétrique, il voit que tout est en place, dans une sorte d'ailleurs familier.

 

Respect. Et merci à XAVIER LEBLANC de me l'avoir fait connaître.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

lundi, 10 septembre 2012

L'ART D'AGATHE DAVID (PREAMBULE)

Pensée du jour : « Achras : Ô mais, c'est qué - y a point d'idée du tout de s'installer comme ça chez les gens. C'est une imposture manifeste ...

M. Ubu : Une posture magnifique ! Parfaitement, monsieur : vous avez dit vrai une fois dans votre vie ».

 

ALFRED JARRY

 

 

Je signalais, il y a quelques jours en bas de page, l'exposition AGATHE DAVID qui a lieu depuis jeudi à la Galerie Gilbert Riou (1, place d'Ainay, mais l'entrée est située rue Vaubecour).

 

GALERIE GILBERT RIOU.jpg 

 

AGATHE DAVID est une artiste. Comme je les aime. Car, contrairement à tous les « artistes » figurant dans mon album « art con et temporain » (ci-contre, n’hésitez pas à découvrir 80 façons de tuer l'art, à m’engueuler, voire à mépriser le néandertalien que je suis éventuellement), AGATHE DAVID ne désespère pas de la création artistique. Cette rareté attire forcément l'attention et la curiosité.

 

 

 

C’est vrai, aujourd’hui, la plupart des « artistes » ont emboîté le pas à MARCEL DUCHAMP. S'il n'est pas en personne le meurtrier, il en est l’emblème et le héraut. Le porte-parole et le messager. Le ready made (ci-contre, la "roue de bicyclette") agathe david,art,dessin,exposition,galerie gilbert riou,lyon,art contemporain,marcel duchamp,andy warhol,jeff koons,cicciolina,ready made,une charogne,baudelaire,georges brassens,campbell soup,zombie,mort-vivant,pierre tombal,hardy et cauvina mis le point final au parcours millénaire de l’Art. Or le ready made, c'est l'appel de trompette après lequel il n’y a plus qu’à déclarer : « L’ART est mort ! Il est temps de vous repentir ! ». Pour la suite, voir l'Apocalypse de Jean.

 

 

Mais celui qui souffle dans la trompette (et la cohorte de ceux qui le suivent), en même temps qu'il sonne "Aux Morts", comme un 11 novembre ordinaire, ouvre un extraordinaire marché à toutes sortes d’hommes d’affaires. Certains protestent en vociférant : « TOUT EST ART ». Mais je rétorque : « Et alors ? Quelle différence ? ». Et toc ! C'est vrai, ça : si la réalité, la nature, nos objets sont de l'art, où il se trouve, l'art artistique ? Si vraiment tout est art, ça signifie juste que plus rien n'est art.

 

 

« Art con et temporain », donc : en plaçant JEFF KOONS à la porte d'entrée de l’album ainsi intitulé, en train de saillir (il n'y a pas d'autre mot, n'est-ce pas ?) sa femme, l’actrice porno CICCIOLINA, c'est une modalité de la mort de l'ART que je voulais illustrer. 

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On constate  pourtant, éberlué, que le cadavre de l'ART a revêtu, depuis les « audaces » de DUCHAMP (1913 et après, avec l'invention du READY MADE, qu'il soit "aidé" ou non : PORTE BOUTEILLES 2.jpgporte-bouteilles, "fontaine", stoppage-étalon, ... On en fête bientôt le centenaire, préparez-vous, il est temps de vous repentir), une infinité de cadavres bien vivants, dont l’énumération gonflerait inutilement cette modeste note.

 

 

Il n’y a pas besoin d'un couple forniquant pour confirmer l’obscénité essentielle, pour ne pas dire la pornographie d’une bonne part de ce qu’il est convenu d’appeler « art » contemporain. Disons que cette copulation symbolise assez bien une des grandes tendances de l' « art » contemporain : j'ai nommé le FOUTAGE DE GUEULE. DUCHAMP 20 FONTAINE 2.jpg

 

 

Il est peut-être bon de rappeler que JEFF KOONS a commencé comme « courtier en matières premières » à Wall Street, et que s’il a changé d’orientation « professionnelle », s’il s’est lancé dans l’art, c’est, je le cite : « en tant que vecteur privilégié de mechandising ». On n’est pas plus « honnête ». Il ne s’agit de rien d’autre que de « glorifier des produits de consommation ». Comme son prédécesseur et mentor ANDY WARHOL.

 

 

 

Disons le fond des choses : l’artiste con et temporain n'est en général qu'un pervers nécrophile, qu'une  chair nécrosée congénitale. Il prospère sur le cadavre de l’Art, comme l’insecte nécrophage sur la dépouille animale gisant au bord du chemin :

 

« Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme,

Ce beau matin d’été si doux :

Au détour d’un sentier une charogne infâme

Sur un lit semé de cailloux,

 

Les jambes en l’air, comme une femme lubrique,

Brûlante et suant les poisons,

Ouvrait d’une façon nonchalante et cynique

Son ventre plein d’exhalaisons ».

 

CHARLES B. (je vous laisse deviner)

 

Après la mort de l’ART, donc, voici l’ « art-mort ». Debout les morts, entendait-on dans les tranchées de 1914. Eh bien qu'on se rassure : c'est chose faite ! Et qu'on se le dise, le cadavre se porte comme un charme :

 

« On eût dit que le corps, enflé d’un souffle vague,

Vivait en se multipliant ».

 

 

Si GEORGES BRASSENS pouvait parler, il dirait : « On s’aperçut que le mort avait fait des petits ».  Car après le second coup de grâce dans la nuque de l'ART, porté par ANDY WARHOL, le cadavre se met à vivre sa vie, pleinement, joyeusement et « artistement » : « J’ai commencé comme artiste commercial, je veux finir comme artiste d’affaires » (WARHOL).WARHOL 7.jpg

 

 

DUCHAMP ayant rédigé l’acte de décès à coups de « ready mades », WARHOL pouvait introduire la dépouille mortelle de l’Art dans l’univers de la marchandise et de la publicité, et le marchand d’ « art-mort » commercialiser ses charognes « pleines d’exhalaisons ». Car je pense qu'on sera d'accord : il n'y a rien de plus mort qu'une marchandise. Pire : une marchandise érigée en être vivant.

 

 

Si vous n’avez jamais vu un cimetière en effervescence, prenez un billet pour Le Caire, où beaucoup de drôles de silhouettes, de jour comme de nuit, errent entre les tombes. Elles ont investi les caveaux et les pierres tombales. Les gens normaux s'interrogent. Les cimetières du Caire connaissent une belle animation, même si elle est encore honteusement minimisée par les tour opérateurs. Vous verrez qu’il n’y a pas plus vivant qu’un cimetière.

 

 

 

L’art contemporain, c’est pareil : un univers de ZOMBIES, de morts-vivants, qui s’activent, s’affairent, font des affaires, essaient de « percer ».agathe david,art,dessin,exposition,galerie gilbert riou,lyon,art contemporain,marcel duchamp,andy warhol,jeff koons,cicciolina,pornographie,ready made,une charogne,baudelaire,georges brassens,campbell soup,zombie,mort-vivant,pierre tombal,hardy et cauvin Une seule solution : l'évacuation. Tirez la chasse. S'il n'est pas trop tard.

 

 

A la rigueur, reportez-vous à Trou dans la couche d’os jaunes, dans PIERRE TOMBAL 4.jpgla série « Pierre Tombal », de HARDY & CAUVIN, éd. Dupuis.

 

 

 

L'art con et temporain est plus mort-vivant que jamais.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre, AGATHE DAVID.

 

 

 

lundi, 03 septembre 2012

QUOI DE NEUF DANS LES NOUVELLES ?

Pensée du jour : « Le but inavoué de ces articles étant de flatter les puissants, je chanterai les magnats de la presse. C'est une conduite avilissante : je m'en promets mille prospérités ».

 

ALEXANDRE VIALATTE

 

 

 

DÉCÈS DU JOUR

 

 

Désolé, j’ai une très mauvaise nouvelle : Java est morte. Elle avait 67 ans. La plus vieille femelle en captivité dans un zoo européen. Je vous présente la malheureuse. C’était au parc de la Tête d’Or, au temps de sa splendeur.

 

ELEPHANT TÊTE D'OR.jpg

AU PARC DE LA TÊTE D'OR

 

Elle habitait là depuis 1964. On pense que la tuberculose l’a tuée. Le centre vétérinaire de Marcy l’Etoile rendra prochainement les résultats de ses analyses. Des engins de levage ont été dépêchés sur place à cette fin. L’éléphant avait été donné par le cirque Amar (et j’en aurais, des choses à dire, sur le cirque Amar !).

 

*

 

LE TOURISME ORIENTAL ET LE SANG

 

 

Pour la Syrie, j’emprunte à un très vieux sketch de ROBERT LAMOUREUX : « Et l’année suivante, BACHAR EL ASSAD était toujours vivant ». Attendons l’année prochaine. D’ici là, le nombre des réfugiés, des morts et des blessés aura eu le temps d’exploser, comme le proclame la presse : le journaliste sociologiquement ordinaire aime à faire exploser les nombres.

 

BACHAR EL ASSAD.jpg

 

Quoi, je me permets de rire ? Que voulez-vous que je fasse, avec la foule de ceux qui sont cramponnés au signal d’alarme et qui écrasent le frein ? Alors qu'ils sont aussi nombreux et forts, ceux qui enfoncent la pédale d'accélérateur ? C'est pour ça que le train de la mort continue, cahin-caha, vaille que vaille, son bonhomme de boulot.

 

*

 

ROMS EN VILLEGIATURE EN FRANCE

 

 

En France, pour les vacances, les Roms continuent à privilégier le départ sur les routes. Ces GM (Gentils Membres) d’un nouveau genre y sont incités par ceux qu’on appellerait GO au Club Méditerranée (Gentils Organisateurs), qui veillent à ce que la tradition du voyage, propre à cette population, ne se perde pas.

 

 

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Une tradition d’autant plus symbolique qu’elle est inscrite dans le drapeau qu’elle s’est choisi librement en 1971.

 

 

En revanche, la science et la police se perdent en conjectures sur la composition réelle (et la fonction, sans doute religieuse) d’une mystérieuse « ESENȚǍ DE ROM » : serait-ce une sorte de teinture-mère obtenue par distillation de quelques individus de l'ethnie en vue de quelque expérience philosophale ? Un arôme destiné à la pâtisserie ?

 

ROM 2.JPG

PEU LISIBLE, MAIS JE GARANTIS L'AUTHENTICITE

 

Aucune hypothèse n’est écartée. Et que signifie cette date du 15 mai 1990 qui figure sur l’étiquette ? Mystère. En tout cas, le Rom est partout. Ci-dessus la photo suspecte.

 

 

Quoi ? Je ris du malheur des autres ? Et alors, la foule des grandes âmes et des bonnes consciences (de gôôôôche, comme par hasard) est si compacte que je n’aurais pas pu y introduire une feuille de papier à cigarettes (si j’avais eu du papier à cigarettes), et encore moins à m’y faire une place sans être dans la minute écrasé.

 

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

vendredi, 17 février 2012

LE DEPUTE, RAPPORT QUALITE / PRIX

Qu'est-ce qu'un DEPUTÉ, dans le fond, quand on pose la question sous l'angle du rapport qualité / prix ?

 

 

Dans le commerce, dans notre merveilleuse société de consommation, pour toute marchandise vendue, on est en mesure de calculer le « rapport qualité / prix ». A cet égard, n’importe quel objet vraiment durable, et vendu à prix modique, peut être considérée comme d’un bon rapport qualité / prix. De ce point de vue, le coût d’un député peut être jugé exorbitant.

 

 

Le rapport qualité / prix du député ne se mesure pas tout à fait comme celui d’un produit de lavage, parce que la date limite de vente est fixée une fois pour toutes à cinq ans. Mais renouvelables. Indéfiniment renouvelables, pour être précis. Certains députés sont des rentiers.

 

 

Observons le député commun, le député officinal, pour ainsi dire, certifié sans O. G. M. Qu’est-ce qu’il rapporte, au consommateur qui l’a acheté (« élu » est le terme habituel) ? Il rapporte des lois. Du moins il est supposé le faire. Voyons cela.

 

 

Vous avez désormais pris l’habitude de voir le Président, NICOLAS SARKOZY, sauter sur chaque fait divers dramatique pour rassurer l’opinion publique alarmée par « la montée de l’insécurité ».  Vite fait sur le gaz, vite écrite sur un coin de table, il fait rapidement pondre par quelques volailles une loi « ad hoc » (ou « loi de circonstance »), la fait inscrire et voter selon la procédure « d’urgence » (une seule lecture) au Parlement.

 

 

La télévision est contente, elle a eu sa dose de spectacle, de discours martiaux du Président et de ses sbires gouvernementaux, genre « je ne tolérerai plus », et le soufflé n’a pas eu le temps de retomber que – abracadabra ! – la loi est votée et l’opinion publique rassurée. « Trop fort ! », s’exclame-t-on unanimement dans la salle commune de la maison de retraite, lieu habituel, on le sait, de déchaînement soudain de la violence aveugle.

 

 

Or ce qu’il faut savoir, c’est que, quand une loi est votée, elle reste lettre morte si son adoption n’est pas suivie de la signature de divers décrets d’application et arrêtés. Vous vous souvenez de l’élu présidentiel de 2007 ? Faut-il vraiment redire son nom ici ?

 

 

Eh bien c’est tout simple, pour l’année 2007-2008, 24,6 % des textes réglementaires sont entrés en application. Pour les lois déclarées en « urgence », le taux d’application tombe à 10 %. Résultat ? Les lois n’entrent pas en vigueur (source : Sénat). Et je ne crois pas que le rendement, les années suivantes, se soit beaucoup amélioré.

 

 

Certains députés se sont émus de la chose, disant qu’on leur faisait faire un travail de singe, à voter dans la précipitation des textes de loi mal rédigés et qui n’ont guère de chances d’entrer en vigueur faute des décrets d’application subséquents.

 

 

Conclusion, quant à la « qualité », le député officinal se situe très bas sur l’échelle. Des esprits malintentionnés pourraient même aller jusqu’à interpeller le député officinal et lui demander : « A quoi sers-tu ? ». Je ne pense pas me tromper beaucoup en supposant qu’il protesterait énergiquement.

 

 

On le comprend, on ne quitterait pas sans de vifs regrets une table où le menu offre invariablement fromage ET dessert. Le repas est si plantureux qu’il sert, forcément et par définition, à quelque chose.

 

 

Il faudrait ajouter, pour être honnête, que la Constitution de la 5ème République ne place pas le député, mais le Président au premier plan. Le gouvernement apporte des « projets de loi », les députés apportent des « propositions de loi ». Mais combien de « propositions » sont en fait des « projets », induits par les amicales pressions du Président ou susurrés à tel ou tel par le gouvernement ?

 

 

De toute façon, quand on voit la discipline quasi-militaire que fait régner le pouvoir dans la majorité parlementaire, en usant tour à tour du charme (« si tu es gentil, je peux te faire avoir un poste intéressant à la Cour des Comptes ») et de la menace (« si tu n’es pas gentil, tu sais que j’ai la haute main sur la commission de validation des candidatures aux prochaines législatives, réfléchis bien »), on a tendance à voir dans le député un « obscur », un « sans-grade », simple masse de manœuvre mise en place grâce à une pure et simple légalité.

 

 

Au surplus, une petite moitié des lois votées sont seulement des transpositions de directives européennes dans le droit français. J’ai envie de dire : n’en jetez plus. D’ici qu’on ne voie dans le député français qu’une potiche, un simple décor de théâtre, il n’y a pas loin. L’efficacité du député tend vers zéro. Nous allons voir maintenant que son coût, s’il ne tend pas vers l’infini, en prend le chemin.

 

 

Oui, après la « qualité », examinons le « prix » : l’indemnité d’un parlementaire en France est de 7100 €, cumulable avec une indemnité reçue à titre local dans la limite de 8272 € et une queue de cerise. GERARD COLLOMB, qui est sénateur et maire de la ville de Lyon, perçoit donc cette somme. Il est également Président de la COmmunauté URbaine de LYon, mais ses services refusent de communiquer sur le sujet.

 

 

Le site Politiquemania indique cependant le chiffre de 5.512 €. Je vous laisse faire le calcul. Je ne me trompais pas trop en parlant de fromage ET dessert, mais là, s’il les touche effectivement, c’est carrément la « ronde des desserts ».

 

 

On comprend que monsieur GERARD COLLOMB soit un farouche partisan du cumul des mandats. On n’est pas obligé de croire monsieur GERARD FACON (http://lafitte-vigordane-le-citoyen-vigile.over-blog.com/article-voyage-chez-les-forcats-de-la-republique-96735508.html), qui évalue sur son blog les sommes reçues chaque mois par GERARD COLLOMB à 19.385 €. Sûrement un jaloux. Un élu, un notable de la « surface » de COLLOMB peut-il s’affranchir de la règle du plafonnement ? Je pose juste la question.

 

 

Loin de moi l’intention de jeter l’anathème sur la fonction d’élu du peuple, mais, une fois rassemblées les quelques données ci-dessus, je finirais presque par trouver que le député est décidément hors de prix.

 

 

Et je me pose la question : « Est-ce que, au prix qu’elle la paie et vu la faible qualité des résultats obtenus, la France a les moyens de rester une démocratie ? ». Oui, la France ne vit-elle pas au-dessus de ses moyens en entretenant des institutions coûteuses et surtout lourdes et  inefficaces ? Sans parler de la « crise » …

 

 

Je me rassure en me disant que, de toute façon, l’idée démocratique elle-même est dans un tel état que, un peu plus, un peu moins …

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

 

 

 

 

mardi, 24 janvier 2012

ALERTE AUX CANUTS !

Alerte à la Croix-Rousse. Voilà-t-il pas que L’ESPRIT CANUT déboule dans le journal, pas plus tard qu’aujourd’hui même. C’est en page 20 du Progrès. Je parlais il y a deux jours de l’idée de musée des canuts que l’association s’efforçait de promouvoir, en laissant entendre qu’elle était loin d’être acquise.

 

 

Il en faut plus pour décourager le président, BERNARD WARIN, qui se démène comme un beau diable pour pousser l’idée dans l’esprit des décideurs. Il organise une « table ronde » à laquelle il les invite. Ça se passe à la maison des associations, rue Denfert-Rochereau. THERESE RABATEL, adjointe au maire du 4ème, a fait le déplacement. Ce n’est pas rien.

 

 

On sait maintenant que plusieurs commissions de travail planchent sur le sujet. C’est mieux que rien, même si je ne sais plus qui disait que pour enterrer une question, le mieux était de créer une commission. Ne soyons pas systématiquement négatif.

 

 

Mais c’est vrai que le Canut étant au centre de l’histoire de la ville, ça paraît un peu idiot de ne pas disposer d’un LIEU regroupant tout ce qui a trait à cet aspect précis. Aujourd’hui, on est perdu : musée Gadagne, musée des tissus, maison des canuts, soierie vivante, ça fait beaucoup, ne serait-ce qu’en distance à parcourir pour aller de l’un à l’autre.

 

 

D’autant plus que, BERNARD WARIN en tête, l’association L’ESPRIT CANUT tient beaucoup à la mise en avant de la question sociale qu’illustre parfaitement la corporation des tisseurs. Le président se veut finalement positif, en acceptant l’idée d’un « pôle muséal de la soie », composé de différents lieux. Moi je veux bien, Bernard, c’est mieux que rien. Comme les lieux existent déjà, la mairie n'a donc plus un sou à mettre là-dedans.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.