lundi, 21 octobre 2024
LES FRÈRES KOUACHI TUENT ENCORE
C'était avant le 7 janvier 2015. Simon Fieschi gérait le site internet de Charlie Hebdo. Il a été le premier à prendre une balle de kalachnikov des frères Kouachi. Dans la colonne vertébrale, si je me souviens bien. Il avait au moins en partie, et tant bien que mal, contredit le diagnostic sévère des médecins, qui ne le voyaient pas marcher de nouveau.
Or il se trouve que, quand j'ai appris que le corps de Simon Fieschi avait été trouvé sans vie dans sa chambre, j'étais plongé dans la relecture, un demi-siècle après, de cette magnifique revue qui a marqué en profondeur son époque, en même temps que tous ceux qui portaient sur le monde un regard plein de lucidité, de réprobation, voire de dégoût.
Quand j'ai appris la nouvelle, j'ai reçu en pleine gueule le souvenir de l'événement qui, voilà bientôt dix ans, a effacé du nombre des vivants onze hommes et une femme formidables et plongé la nation française tout entière dans un deuil aussi vaste et abyssal qu'un océan. La disparition de Cabu et Wolinski m'avaient particulièrement atteint, qui étaient pour moi de vieux compagnons de voyage.
Ainsi, Simon Fieschi n'est plus. Son nom s'ajoute à la liste macabre. Je pense à lui.
Journal Le Progrès, 20 octobre 2024.
Et je pense aux autres.
Frédéric Boisseau, Agent d’entretien.
Franck Brinsolaro, Policier du Service De La Protection (SDLP).
Jean Cabut, Dessinateur.
Elsa Cayat, Psychanalyste et Chroniqueuse.
Stéphane Charbonnier, dit Charb, Dessinateur et Directeur de CH.
Philippe Honoré, Dessinateur.
Bernard Maris, Economiste et Journaliste.
Ahmed Merabet, Policier.
Mustapha Ourrad, Correcteur.
Michel Renaud, Organisateur d’une exposition à Clermont-Ferrand d’une exposition de dessins de Cabu, à qui il rapportait ses œuvres.
Bernard Verlhac, alias Tignous, Dessinateur.
Georges Wolinski, Dessinateur.
***
25 octobre 2024 : On est touché par les hommages offerts en nombre par toute l'équipe actuelle de Charlie Hebdo à Simon Fieschi dans le numéro du 23 septembre 2024.
Je recommande chaudement, en particulier, le magnifique et fraternel chant funèbre de Philippe Lançon à la mémoire de celui qu'on a retrouvé mort juste deux jours après le verdict qui condamnait Peter Chérif, le possible ou probable concepteur du projet du 7 janvier 2015.
Philippe Lançon, qui n'avait plus de mâchoire après la fusillade des Kouachi, a écrit Le Lambeau, terrible témoignage qui m'a laissé sur le flanc et à bout de souffle.
A saluer aussi : le petit mot adressé à l'équipe par Régis de Jorna, président de la cour d'assises spéciale lors du procès en 1ère instance des attentats de janvier 2015. Il y fait part de l'émotion qu'il a ressentie à l'annonce de la mort de Simon Fieschi.
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : charlie hebdo, attentat charlie hebdo, frères kouachi, cabu, wolinski, frédéric boisseau, franck brinsolaro, elsa cayat, stéphane charbonnier, philippe honoré, bernard maris, ahmed merabet, mustaphé ourrad, bernard verlhac, tignous, simon fieschi, je suis charlie, philippe lançon, lançon le lambeau, régis de jorna
jeudi, 07 janvier 2016
CHARLIE HEBDO : DOUZE MOIS !
In Memoriam CABU, WOLINSKI et LES AUTRES.
« Vous qui voyez la lumière,
De nous vous souvenez-vous ? »
"Pensées des morts", Lamartine, Georges Brassens.
********
Frédéric Boisseau, Agent d’entretien.
********
Franck Brinsolaro, Policier du Service De La Protection (SDLP).
********
Jean Cabut, dit Cabu, Dessinateur.
********
Elsa Cayat, Psychanalyste et Chroniqueuse.
********
Stéphane Charbonnier, dit Charb, Dessinateur et Directeur de Charlie Hebdo.
********
Philippe Honoré, Dessinateur.
********
Bernard Maris, Economiste et Journaliste.
********
Ahmed Merabet, Policier.
********
Mustapha Ourrad, Correcteur.
********
Michel Renaud, organisateur à Clermont-Ferrand d’une exposition de dessins de Cabu, à qui il les rapportait un certain 7 janvier.
********
Bernard Verlhac, alias Tignous, Dessinateur.
********
Georges Wolinski, Dessinateur.
************
Que des gens à peu près normaux, quoi !
********
« Oui mais jamais au grand jamais
son trou dans l'eau ne se refermait :
cent ans après, coquin de sort,
(cliquer pour 5'46" de chaleur)
*************************************************************************
Ce n'était déjà pas joli, le défilé (en fait, 10 minutes avant de s'esbigner) de chefs d'Etat, le 11 janvier 2015, en hommage à des gens qui vomissaient, sur tous les pouvoirs en place, leurs mots et leurs traits, mais les plaques solennellement dévoilées par notre guignol présidentiel, et avec la grotesque componction et l'imbécile raideur dans lesquelles il aime tant se draper, c'est vraiment très moche. Et je ne parle pas du Y au nom de Wolinski. Il n'a pas vu, Hollande, que c'est marqué "Pas touche !" ? Non : cet homme n'a pas le sens du sacré.
Et ce d'autant plus que, plus le temps passe, plus on découvre que les services de renseignement français ont salement merdé : voir Le Canard enchaîné du 6 janvier sur la disparition du PV mentionnant la présence de Kouachi devant Charlie Hebdo, qui venait en repérage trois mois avant les attentats. Ils font koua, dans leurs bureaux, les flics ? Ils grattent du papier ?
C'est le même Hollande qui, quand il va en Arabie Saoudite, passe l'honneur de la France au kärcher pour que les Arabes lui achètent le plus possible de ses joujoux militaires, en fermant les yeux sur les décapitations, le wahabisme (la frange la plus rétrograde et rigoriste de l'islam sunnite) et la condition faite aux femmes. Et le lendemain, il n'éprouvera nulle honte à en appeler aux "Valeurs de la République". Mais qui peut croire sérieusement à ces "valeurs", quand elles sont proclamées par ce fantoche qui vire à tous les vents ?
Et pendant ce temps, Valls s'assied bonnement sur l'état de droit quand il annonce tranquillement que la démocratie n'en a plus pour longtemps, puisqu'il prépare activement l'installation d'un Etat policier et d'une société de la peur en lieu et place de la République française, en transférant toujours plus de pouvoir de la justice et des juges vers la police et les préfets, au prétexte qu'il faut "lutter contre le terrorisme". Tout en faisant mine de s'inquiéter de la "dérive autoritaire" en cours en Pologne. Les Français sont massivement d'accord, du moins selon les sondages.
Si les sondages ont raison (ça arrive quand même de loin en loin, même si c'est par hasard ou par erreur), il est temps d'avoir la trouille.
06:00 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : charlie hebdo, frères kouachi, frédéric boisseau, franck brinsolaro, cabu, elsa cayat, stéphane charbonnier, charb, philippe honoré, bernard maris, ahmed merabet, mustapha ourrad, michel renaud, bernard verlhac, tignous, wolinski, georges brassens, les copains d'abord, françois hollande
jeudi, 22 janvier 2015
ROBERTO SAVIANO ET CHARLIE
C'était à Lyon le 11 janvier. Pas une manif. Pas de banderoles. Pas de slogans. Pas de cris. Je n'ai jamais vu ça. Je ne savais pas que c'était possible.
Très bonne tribune de Roberto Saviano (Gomorra, Extra pure) dans Libération du 21 janvier. L’auteur sait ce que veut dire vivre sous protection policière depuis qu’il y a un « contrat » sur sa tête à cause de son bouquin sur la Camorra (Campanie, Naples, …), qui révélait les grosses turpitudes de cette mafia napolitaine. Titre de la tribune : « Rendez-vous au prochain attentat ». C’est sûr que la mort de Cabu, Wolinski et les autres, ça a dû lui donner du souci.
Il doit se dire que la présence policière n’empêchera rien face à un commando organisé, entraîné militairement et déterminé. Il n’a pas tort : quand la routine de cette présence finit par laisser la confiance revenir, on ne s’attend pas à ce qu’il se passe quoi que ce soit. On n’y croit pas. La preuve ? Sigolène Vinson, la chroniqueuse judiciaire de Charlie, l’explique très bien dans Le Monde daté 14 janvier. Elle était là, le 7 janvier. Elle a vu Franck Brinsolaro faire un geste de la main vers l’étui de son arme de service. Son signal d’alarme cérébral a eu à peine le temps de se déclencher. Trop tard. Sa méfiance était en sommeil. Kouachi ne lui a laissé aucune chance.
Je retiens juste ce passage de Saviano : « J’ai été frappé par cette phrase prophétique de Charb : "Je n’ai pas peur des représailles. Je n’ai pas de gosses, pas de femme, pas de voiture, pas de crédit. C’est peut-être un peu pompeux ce que je vais dire, mais je préfère mourir debout que vivre à genoux." On dirait la profession de foi d’un moine soldat, d’un volontaire au combat, quelqu’un qui sait que chacun de ses choix peut coûter cher à ceux qui l’entourent. Charb était dessinateur, il dirigeait Charlie Hebdo, mais ses paroles sont celles d’un homme qui part au front, d’un médecin en mission en plein cœur de l’épidémie ».
Je me dis amèrement que si telle était bien la mentalité qui habitait l’équipe de Charlie sous la direction de Charb, je m’étonne moins de la montée de la haine contre lui dans le monde. A sa manière, il faisait le djihad. Autant je me sentais proche de Charlie Hebdo quand il était fait par des allumés géniaux, par des artistes plus-ou-moins-anars qui savaient avec art se moquer de tout, par des amoureux de la vie et de l’amour, par des rêveurs impénitents d'une société mieux faite, autant je me sens loin de tous les raseurs-nuisibles-qui-ont-une-cause-à-défendre. Très loin, en particulier, d'un type qui se fait un étendard de n'avoir ni gosses, ni femme, ni voiture. Mais bon, paix à ses cendres.
Pour le crédit, je suis prêt à lui faire crédit : tous ceux que leur banque tient en laisse ne peuvent que souhaiter la mort de leur créancier, sans sépulture ni héritier. Pour ce qui est des raseurs nuisibles, je voulais parler, évidemment, des MILITANTS, ces militaires sans uniforme qui agitent des drapeaux au-dessus de leur tête. Un drapeau, c'est déjà un uniforme.
Le vieux Charlie Hebdo ne portait pas d’uniforme, ne brandissait aucun drapeau. Fournier, l'écologiste de La Gueule ouverte et de Charlie avait demandé à tous les gens qui se pressaient à ses manifs de confectionner des drapeaux de toutes sortes et de toutes couleurs. A seule fin que nul drapeau dûment répertorié (tricolore, rouge, noir, rouge et noir, etc.) ne prît le dessus pour s'accaparer le bénéfice de l'événement.
Cabu, Wolinski, Reiser, Gébé, Delfeil de Ton, Choron, Cavanna, Siné, aucun de la bande n’avait envie de jouer au « moine soldat ». Chacun avait sa vie à nourrir et à vivre. Et ils la gagnaient en faisant partager le regard qu’ils portaient sur le monde, la société. En se marrant, en s’engueulant, en picolant (pas tous).
La peste soit des militants qui se sont mis au service exclusif d'une cause. La peste soit des causes à défendre. Dans le Timbuktu de Abderrahmane Sissako (Cavanna disait : je l'ai pas lu, je l'ai pas vu, mais j'en ai entendu causer), le vieil imam est seul dans le vrai, qui a mené le « djihad » en priorité sur lui-même, quand les jeunes exaltés, totalement ignorants, bornés et incultes, coupent des mains, détruisent des sanctuaires, brûlent des manuscrits anciens.
Qu'est-ce qu'un monde qui oblige les braves gens à se muer en défenseurs de causes ? Une cause à défendre ? Mais elles se bousculent au portillon, elles se marchent sur les pieds, tellement elles sont nombreuses, et se livrent une concurrence acharnée pour capter les créneaux médiatiques disponibles (pour « sensibiliser et alerter les consciences ») et les ressources qui en découleront.
Qui est capable de voir un peu clair dans le maquis emberlificoté des causes à défendre ? Et que veut dire l'empressement des foules à expulser de leurs préoccupations l'énorme masse des causes à défendre, pour en élire une seule et unique, selon l'arbitraire de leur bon plaisir, à laquelle elles se dévouent corps et âme, jetant ainsi toutes les autres à la poubelle ?
Je ne vais pas en faire la liste : on en aurait jusqu'à demain.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : 11 janvier, charlie hebdo, je suis charlie, lyon, cabu, wolinski, charb, union nationale, roberto saviano, gomorra, extra pure, camorra napolitaine, mafia, journal libération, journal le monde, sigolène vinson, franck brinsolaro, frères kouachi, pierre fournier, la gueule ouverte, reiser, gébé, delfeil de ton, professeur choron, cavanna, siné, hara kiri hebdo, hara kiri, timbuktu, abderrahmane sissako, djihad, tombouctou
vendredi, 09 janvier 2015
POUR CHARLIE HEBDO
Ma pile de Charlie Hebdo (attention, la première série 1970-1981, avec le n°1, un peu amoché, sur le dessus, avec le dessin de Gébé).
Une idée géniale, il vaut mieux en être l'inventeur que le repreneur, le trouveur que l'épigone, le créateur que le suiveur. Il vaut mieux en être l'origine que la continuation.
*********************************
IN MEMORIAM
Frédéric Boisseau, Agent d’entretien.
Franck Brinsolaro, Policier du Service De La Protection (SDLP).
Jean Cabut, Dessinateur.
Elsa Cayat, Psychanalyste et Chroniqueuse.
Stéphane Charbonnier, dit Charb, Dessinateur et Directeur de CH.
Philippe Honoré, Dessinateur.
Bernard Maris, Economiste et Journaliste.
Ahmed Merabet, Policier.
Mustapha Ourrad, Correcteur.
Michel Renaud, Organisateur d’une exposition à Clermont-Ferrand d’une exposition de dessins de Cabu, à qui il rapportait ses œuvres.
Bernard Verlhac, alias Tignous, Dessinateur.
Georges Wolinski, Dessinateur.
Je dois beaucoup à Charlie Hebdo. Je dois beaucoup, en particulier, à Cabu. A force de le fréquenter depuis si longtemps, il était devenu comme un compagnon de route.
Des fascistes nous ont déclaré la guerre.
Je ne crie pas de slogans. Je ne suis pas Charlie. Je ne suis pas Cabu. Ce que je sais, c'est que la mort de Cabu a soudain creusé un gros trou dans ma mémoire et dans ma vie.
Même si lui ne l'a jamais su, aujourd'hui je suis en deuil.
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : france, politique, islamisme, charlie hebdo, frédéric boisseau, franck brinsolaro, cabu, elsa cayat, charb, honoré, bernard maris, oncle bernard, ahmed merabet, mustapha ourrad, michel renaud, tignous, wolinski, liberté de la presse, humour, dessin humoristique, terrorisme, reiser