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vendredi, 12 décembre 2014

LYON EN 1992 1/3

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Il était une fois un Palais de la Foire "de proximité" (sur le territoire du 6ème arrondissement de la ville). Charles Meysson (1869-1944) était architecte en chef de la Ville de Lyon. On lui doit aussi, entre autres, la grande grille du Parc de la Tête d'Or et la Bourse du Travail.

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Mais c'était dans les "autres fois" (comme disaient ceux qui parlaient "yonnais").

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Maintenant, c'est à la campagne. Il y a l'aéroport. On peut voir le Mont Blanc par temps clair. C'est fonctionnel. Cela s'appelle Eurexpo.

Que du bonheur !

Quant à l'antédiluvien Palais de la Foire, on a mis ça à la place (je ne vous dis pas le prix du m²).

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Tout ça pour dire que Lyon a le constant souci de faire briller son image de marque, de devenir une "Ville moderne", une "Ville équitable et durable", une "Métropole Européenne", une "Capitale régionale", une ville "qui bouge et qui se bouge". Puisqu'on vous le dit, pourquoi vous en faire ?

samedi, 29 novembre 2014

PAS PHOTOGRAPHE, MAIS ...

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C'est à Lyon.

mercredi, 26 novembre 2014

PAS PHOTOGRAPHE, MAIS ...

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C'est à Lyon. Les habitués reconnaîtront.

dimanche, 23 novembre 2014

PAS PHOTOGRAPHE, MAIS ...

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C'est à Lyon.

samedi, 22 novembre 2014

PAS PHOTOGRAPHE, MAIS ...

PÊCHERIE 2.JPG

C'est à Lyon.

jeudi, 30 octobre 2014

UN « CRÉTIN » PARLE AUX « CRÉTINS » (fin)

Finalement, qu’est-ce qui m’oblige à réagir à l’insulte lancée par un éditorial du journal Le Monde à tous ceux qui n’aiment pas qu’on leur fasse prendre la lanterne rouge d’un minable peloton exsangue pour la vessie natatoire d’un superbe esturgeon de quatre-vingts ans bien tassés, bourré de caviar ? Rien. Mais rien du tout. La gratuité de l’effort ainsi produit, si elle n’échappera à personne, révèle son inanité en se manifestant. A peine une irisation à la surface de l’onde fait que le passant attentif se dit qu’un poisson est venu chercher un peu d’air avant de s’en retourner aux profondeurs obscures.

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Ce qui m’étonne et, finalement, ne passe pas du tout, c’est cette alliance étonnante qui s’est nouée  entre les artistes les plus rebelles, les contestataires les plus virulents et négatifs,  autrefois les « maudits » que toutes les institutions et tous les puissants vouaient aux gémonies et à l'Enfer des musées et des bibliothèques, et les catégories de population les plus favorisées par le sort, celles qui tiennent les leviers de commande, pour résumer : Puissants, Riches et Décideurs.

 

Quelle baguette magique a transformé les bannis de l’Art en Archevêques richement dotés ? Et qui a fait des bourgeois incultes, aveugles aux innovations artistiques, obtus, moqués par les milieux avancés, des exemples incontournables des goûts les plus raffinés et les plus avancés en matière d’Art ? Des parangons de discernement esthétique ?

 

Comment se fait-il que l’Ordre Etabli ait ouvert un Boulevard à toutes les forces artistiques qui se consacraient naguère tout entières à sa destruction ? Qui ne juraient, comme Dada (Zürich, 1916, Cabaret Voltaire, Ball, Tzara, Arp, Huelsenbeck, Taueber, ...) que par l'anéantissement de la Poésie et de la Peinture, enfin de tout ce qui pouvait évoquer le Bourgeois ? Voilà qui ne laisse pas que de m’interloquer la déglutition et de me trapézer l’amygdale du milieu, suscitant tapotements de menton, grattements de tempe et perplexités nocturnes.

 

Que s’est-il donc passé, quel tremblement de terre a eu lieu pour que l’Ordre Etabli en personne brandisse le drapeau noir de l’Anarchie, allant parfois jusqu'à enfourcher le cheval dadaïste ? Que Bernard Arnaud, François Pinault et les joailliers de la place Vendôme se dressent sur de nouvelles barricades (palazzo Grassi, Fondation Vuitton, Paul McCarthy), le couteau de la Révolution entre les dents ? Qu’est-ce qui leur a pris ?

 

Hypothèse : un anticommunisme viscéral et militant. Voulant couper l’herbe sous le pied des révolutionnaires marxistes (soi-disant, mais admettons), les intelligents du camp capitaliste ont simplement chipé la notion d’avant-garde et tout ce qui va avec. Le raisonnement est finalement assez simple : « Puisque c’est à nous qu’ils en ont et au système que nous incarnons, devenons nous-mêmes les plus pointues des avant-gardes, faisons mine de prendre la tête des mouvements qui marchent en tête. Ainsi n’auront-ils plus rien à se mettre sous la dent ». Devenons nous-mêmes forces de destruction. Les anciens stratèges appelaient ça la politique de la terre brûlée.

 

C’est ainsi que Puissants et Décideurs, bardés de leur Autorité, de leurs coffres et de leurs signatures, appuyés sur une maîtrise intégrale de la Légalité, sont devenus le fer de lance des avant-gardes révolutionnaires, les seules labellisées AOC par l’Etat. Désormais, pour faire la Révolution, il faut être détenteur du diplôme officiel qui donne droit à mener la carrière de Contestataire reconnu d’Utilité Publique. Le Ver de la Subversion agit à l’intérieur du fruit avec la bénédiction des Institutions. Finalement, les dites Institutions ont jugé que c’était un moyen beaucoup plus efficace pour gouverner les souveraines masses.

 

Rendez-vous compte : si Bernard Arnaud et François Pinault sont la crème du bolchévisme capitaliste, nul Gramsci, nul Lénine, nul Staline même ne sera en mesure de théoriser le paradoxe. Pensez, les élites au pouvoir ont convoqué à leur service ce qui se fait de mieux en matière de négation de tout pouvoir : les avant-gardes ! Et elles sont passées maîtresses dans l'art d'ériger des monuments à la Destruction. L'aliment et le carburant qui nourrissent et font avancer un tel Système, dont l'entropie est le principe, s'appellent Désagrégation, Ruine. Le Trou Noir s'est métamorphosé en planète luxuriante où surabonde cette force paradoxale de Vie.

 

Visez le filon, il est inépuisable : faisant de l’idée même de Révolution un caniche prêt à leur faire la fête, quand elles rentrent à la maison après une éprouvante journée de gagne-brioche, les élites ont trouvé le moyen de se légitimer définitivement, en tant que pouvoir, en donnant l’impression qu’elles SONT le mouvement porteur du futur, et les masses un troupeau passéiste, définitivement pris dans les glaces de l’immobilisme, de l'archaïsme et des avantages acquis.

 

Avis à la population : les élites au pouvoir sont le mouvement pur, l’élan en personne. Elles ont épousé officiellement le Progrès, en justes noces, en annexant au passage l’innovation extrême, celle qu’on trouve sur les murs des Musées d’Art Contemporain, sur les scènes des théâtres, des Maisons de la Danse, des Opéras, des salles de concerts dédiées aux musiques contemporaines. Mais aussi tous les objets qu'on trouve accrochés aux mains, aux yeux et aux oreilles de tous les passants dans les rues de toutes les villes.

 

Je note juste en passant que les élites évitent de se faire photographier en compagnie d’artistes comme Orlan (dont l’atelier est un bloc opératoire, et les œuvres, les transformations chirurgicales de son propre corps) ou comme les diverses écoles pratiquant le cisaillage d’épiderme et autres techniques de « mise en question du corps humain ». J’en conclus qu’il reste des inassimilables et des intolérables. Disons : des limites.

 

Tout le reste est bel et bien domestiqué, coucouche-panier-papatte-en-rond : l'urinoir de Marcel Duchamp est devenu une œuvre ! Véridique ! Enfin, c'est une des quatorze répliques qui est exposée, elle appartient à un musée en toute propriété. Pas touche. C'est ce que Pierre Pinoncelli a appris à ses dépens quand il s'en est pris à l'objet à coups de marteau. On expose des bites (Ed Fornieles, Biennale Lyon, 2013) et des vagins (Chhiba Reshma, Afrique du Sud, 2013). Tout est permis !

 

Tout cela démontre à suffisance que le peuple simple, le simple peuple, le peuple des simples est congénitalement inapte à se mettre au diapason du mouvement. Le peuple, en particulier celui qui se reconnaissait dans une nation, est profondément, viscéralement, radicalement passéiste. Le simple peuple est dans l’erreur de ne pas adhérer spontanément aux Révolutions Présentes qui promettent à l’humanité, d’ores et déjà, un avenir radieux.

 

Mais laissez faire les élites, enfin ! De quoi avez-vous peur ? Elles savent mieux que vous ce qui est bon pour vous. Le classement du joli mot de « conservatisme » au nombre des vocables radicalement proscrits (analogue au fer rouge qui marquait à vie le galérien sous l’Ancien Régime) par les Nouvelles Saintes Ecritures nous apprend qu’il est dès maintenant peu probable qu’un nouveau Conseil National de la Résistance se mette en place dans les temps prochains et rédige le programme d’une future organisation sociale ouverte, humaine et pas trop injuste.

 

Restons optimistes : c’est bardés de joie que nous marcherons à l’abîme !

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

samedi, 18 octobre 2014

L’ANNÉE 1914 DE RENÉ CHAMBE (4)

énergiquement de monter dans le train il a fallu employer les grands moyens. Elle s’est débattue et a mis une jambe entre le quai et le wagon. Cela a eu pour résultat qu’elle s’est blessée assez sérieusement et qu’elle ne pourra courir  dimanche à Châteaudun. Pégase III le gagnant de Limoges a été claqué par son propriétaire la veille du départ.

         Nous jouissons d’un soleil radieux et j’espère qu’il en est de même pour vous. Il fait même trop chaud et ce matin sur le terrain après le travail du régiment, hommes et bêtes n’en pouvaient plus.

         Hier soir nous avons été au cinématographe où nous avons vu Poincarré à Lyon, passer rue de la République et déposer une palme aux pieds de la statue de Carnot. Hier après-midi de 4h à 7h. nous avons été danser chez les d’Ussel. C’était un peu une folie par un soleil pareil aussi nous avons surtout fait semblant. Le thé d’ailleurs a été avantageusement remplacé par des boissons glacées.

         En ce moment « je suis de fourrage » la plus sale corvée qd on est de semaine. Cela consiste à surveiller au grand parc à fourrages le chargement en foin, paille et avoine des voitures destinées au régiment et à vérifier scrupuleusement leur poids sur la balance. J’en ai pour jusqu’à 5 heures.

         Je vous embrasse tous bien affectueusement.

                                               René Chambe

 

Je garde le périscope braqué sur l’année 1914 telle qu’elle a été vécue par René Chambe, officier de cavalerie. 

Juillet 1914

        

Ma chère Maman, j’ai répondu télégraphiquement à la lettre de Jo. Vraiment je suis navré de ne pouvoir vous accompagner pendant votre petit voyage.

         J’avais l’intention de demander 15 jours de permission. Le colonel m’a fait savoir qu’il était au regret de ne pouvoir me l’accorder car il ne veut pas que plus d’un officier par escadron soit absent à la fois. Or Desjobert est en permission de 30 jours pour raison de santé. Je resterai donc. Quand irai-je vous voir ? … Mystère. Nous rentrons de manœuvres le 17 sept. Immédiatement de l’Hermitte partira pour un mois à son tour. Ensuite ce sera le mien. J’irai sans doute à la Verpillière ou a Lyon du 17 octobre au 17 novembre. C’est lointain vous voyez. Je le prévoyais d’ailleurs. Les anciens passent les premiers.

         Peut-être d’ici là, aurons-nous enfin cette fameuse guerre. Lisez-vous les journaux ?

Il est difficile de prévoir. Mais je la souhaite sincèrement, ardemment ! Pensez-en ce que vous voudrez, nous en avons besoin. Mais nous ne l’aurons pas allez ! Les hommes sont trop veules, trop indolents, trop soucieux de leurs intérêts, trop couards aussi pour oser affronter une guerre. Quelle bonne lessive cela ferait !

 

         En voilà assez sur ce sujet brûlant. Je vous écrirai encore cette semaine. Aujourd’hui le ciel est gris et triste.

         Bien affectueusement.

                                               René Chambe

 

Parlant de cette permission qu’il voit très lointaine sans trop se plaindre ou se  lamenter, on se demande s’il avait alors déjà fait la connaissance de Suzanne, sa future épouse. Rien ne l’atteste. Ce qui est sûr, c'est que sa situation ne lui disconvient pas trop, et que, dès ce moment peut-être, le Limousin est devenu sa terre d'élection. La région est d'ailleurs restée jusqu’au bout le centre de gravité du ciel de son existence.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

Note : le texte des huit cartes postales « Jové-Espéranto » est ici donné in-extenso, comme le lecteur peut le constater.

mardi, 17 juin 2014

GABRIEL TYR, PEINTRE

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Ce tableau de Gabriel Tyr (1863) n'est pas au musée Crozatier du Puy-en-Velay, où sont rassemblées ses œuvres. Peut-être y sera-t-il un jour. Ci-dessous, un autre portrait (1857) : elle est pas mimi, la dadame au bonnet, avec ses anglaises amidonnées ? Et visez un peu le camée !

Je connais d'autres Gabriel. Peut-être celui auquel je pense avec prédilection parviendra-t-il à échapper, en prenant de l'âge, comme Tyr a su le faire, au fardeau qu'une vaine célébrité fait toujours peser sur ceux qu'elle a choisi d'écraser, et qui, trop souvent, n'ont pas mérité ça. Il ne faudrait jamais que la gloire (de même que le pouvoir) aille à ceux qui l'ont le plus ardemment désirée.

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Gabriel Tyr (1817-1868) : né à Saint-Pal-de-Mons, mort à cinquante et un ans.

Entré à seize ans à l'école des Beaux-Arts de Lyon. Travaillé avec Victor Orsel à la décoration de l'église parisienne de Notre-Dame de Lorette. Avec Alphonse Périn et Hippolyte Flandrin (qui a sa rue à Lyon, ce qui n'est pas une preuve de ... - de quoi, au fait ?).

On parle volontiers de son talent à réaliser pour la religion des œuvres « délicates, pures et lumineuses », mais il a aussi peint de très beaux portraits, dans lesquels il délaisse toute « anecdote » et toute fioriture pour que l'attention se concentre sur l'essentiel.

Saint-Pal-de-Mons est la riante bourgade natale du peintre, située dans l'arrondissement d'Yssingeaux, qui appartient au canton de Sainte-Sigolène, et rattachée à la perception de Saint-Didier-en-Velay.

Au recensement de 1990, mille cinq cent quarante-deux individus peuplaient neuf cent soixante-quinze logements (dont trois cent cinquante-huit résidences secondaires), répartis sur deux mille sept cent onze hectares, ce qui faisait alors une densité de cinquante-six virgule neuf habitants au kilomètre-carré. Il semblerait que la population dépasse aujourd'hui les deux mille âmes.

Les vingt kilomètres qui, en 1990, séparaient la commune de l'accès à l'autoroute n'ont pas dû varier significativement.

Impossible, en l'état actuel des choses, d'en savoir plus. Mais nous promettons au lecteur de le mettre au courant, dès que nous en aurons appris davantage.

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Dernière minute : nous avons de la chance. Nous apprenons qu'il se passe bien des choses à Saint-Pal-de-Mons. Ainsi l'installation sonore de l'église, connue pour ses pénibles effets de réverbération, a été entièrement rénovée. Le système de sonorisation choisi est composé de deux enceintes Rayon 100V Active Audio pour la nef de dix-huit mètres, de deux enceintes SM400i-WH pour le chœur, d'un ampli CXV 225 de Cloud, d'un lecteur CD CDT1U, d'un Furman PLPRODMCE pour la protection des éléments, d'un processeur numérique NUT ainsi que de microphones Clock Audio, dont la nouvelle application "Speech conformer" permet de régler automatiquement la hauteur en fonction de l'orateur. L'ambon a été doté d'un col de cygne C33ERF avec une embase XLR SM10, l'autel d'un col de cygne C34 ERF avec une embase S210. Les célébrations seront animées grâce à deux microphones HF main CW9000C. Ci-dessous un aperçu.

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Dernier arrivage : nous apprenons que Saint-Pal-de-Mons est une commune d'avant-garde. Impatiente d'essayer les merveilleux moyens techniques dont on a doté son église, elle a décidé d'organiser sa "Fête de la Musique" le 14 juin, avec l'excellente fanfare Zigomaclique.

Il était bon que cela fût su. Il est donc nécessaire que cela soit dit.

Voilà ce que je dis, moi.

dimanche, 25 mai 2014

KUNDERA, VIEILLARD JUVENILE

MILAN KUNDERA : LA FÊTE DE L’INSIGNIFIANCE

 

(vient de paraître)

 

PREAMBULE

 

Il m’arrive de lire des romans au moment de leur parution, mais en général j’évite. Pour une raison qui, au moins dans mon esprit, doit paraître évidente : lire ce qui vient à l'instant où ça vient, c’est prendre un risque. Celui d’avoir perdu son temps et son argent. L’impression d’avoir lu des sottises ou des choses inutiles. L’impression de s’être fait avoir, en quelque sorte. Et je suis comme pas mal de gens : je n’aime pas.

 

C'est pourquoi, du moins en général, j'attends que le temps ait fait son œuvre, qu'il ait sassé l'impressionnante moisson romanesque annuelle et séparé le bon grain de l'ivraie. J'avoue, certes, que c'est aussi risquer de passer à côté de merveilleuses pépites littéraires, mais comme les journées n'ont que vingt-quatre heures, je me fais une raison.

 

Je dis tout ça parce qu'il m’est arrivé en quelques occasions de n'avoir qu'une envie, un fois le livre refermé : le mettre à la poubelle. J’ai dit ici, en son temps, tout le mal que je pensais de Qu’as-tu fait de tes frères ?, livre stupide de Claude Arnaud, espèce de rapport de secrétaire de conseil d'administration sur une époque à la mode (mai 68 et la suite), stupidement qualifié de « roman » (genre : « Voilà, mesdames et messieurs ce qui s'est passé, les grands hommes que j'ai rencontrés ... »). Accessoirement petit livre de propagande homosexuelle. Je garde aussi en travers de ma mémoire « littéraire » (si l’on peut dire) Passion simple d’une certaine Annie Ernaux.

 

Je prétends que Passion simple n’est pas un livre, mais une petite crotte déposée sur le trottoir par un animal souffreteux, égrotant, cacochyme et anémié, et d’où monte le délicat fumet d’imposture auquel certains nez contemporains croient être autorisés à reconnaître la fragrance majestueuse de la littérature.

 

Les nez contemporains sont, hélas, massivement induits en erreur par l’I.B.M. (Indice de Bruit Médiatique). Avec des complices bien placés pour répandre la bonne parole du haut de l’autorité que leur confère l’audimat, mais aussi le simple fait d’être payés pour « parler dans le poste », pour quelque raison nauséeuse que je répugne à connaître (vous savez : « il faut bien vivre, il n'y a pas de sot métier ... », slogans faciles auxquels je réplique  : « Il n'y a peut-être pas de sot métier, mais il y a des boulots de merde »). Où est passée la critique littéraire ? On ne voit plus que des tournées de promo, de plateau en plateau, chez des animateurs complaisants, avec des chroniqueurs « littéraires » en valets de ferme.

 

Et je préviens madame Cantonade, qui qu’elle soit, qu’elle aura beau me recommander le Mémé de Philippe Torreton, qui, si l’on en croit Le Monde, « réveille une nostalgie des campagnes d’antan », je suis bien décidé, dans ma grande générosité, à laisser aux amateurs de soupe tous les exemplaires disponibles du livre. J’en fais ici le serment solennel.

 

Et ce ne sont pas les larmes des dames (« la soixantaine, même un peu plus ») bouleversées d’émotion en faisant signer le bouquin (et leur billet de train !) par l’acteur à la librairie L’Armitière, qui me convaincront de le rompre. L'article du Monde (18-19 mai) est consternant sur l'état culturel et littéraire de la population, même si je crois que ce phénomène est moins littéraire qu'identitaire et générationnel.

 

Il est d'ailleurs heureux que l'article figure parmi les rubriques des informations générales. La nostalgie n'est pas mon fort. Ceux qui critiquent l'époque ne sont pas forcément adeptes du « tout fout l'camp, mon bon monsieur » et du « c'était mieux avant ». Je demande simplement aux prosélytes du Progrès s'ils sont si sûrs que ça qu'on va vers le Mieux. Dire « c'était mieux avant », j'ai envie de traduire « arrêtons d'aller vers le pire ».

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Je ne lis donc guère de livres au moment de leur publication. Voyez par exemple aujourd’hui même, quelqu’un que j’aime bien m’a vanté les mérites de Living, de l’Argentin Martin Caparros. Je m’y suis mis bravement ce matin, mais après soixante-dix pages, j’ai crié grâce et j’ai rendu le livre : peut-être un bon roman, je ne le saurai jamais, mais pour quelle raison le monsieur est-il aussi bavard ? BAVARD ! J'ai au moins fait la faveur à l'auteur d'avoir tourné soixante-dix pages de son bavardage complaisant. Il a une dette envers moi. Par ici la monnaie : il me doit soixante-dix pages.

 

Comment peut-on être bavard jusqu’à ce boursouflé-là ? Je manque de patience : la prolixité, la volubilité, le luxe des détails et l’abondance verbale, tout ça m’énerve et m’ennuie très vite. Au motif que la personne qui me cause prétend passer avant ce qu'elle veut me dire. M'assujettir, en quelque sorte. J’aime la sobriété, que je considère comme une forme de modestie et de courtoisie.

 

Le camelot parle beaucoup parce qu’il veut me vendre sa camelote en me noyant sous son flot mercantile. Je rappelle que c’est le sens premier du nom du héros de Jean Bruce, OSS 117 : Hubert Bonisseur de la Bath. Le connaisseur d’argot sait que « bonir » signifie "bonimenter". Quant à « bath », je le traduis par « esbroufe », malgré le regretté Bertaud du Chazaud. Je n'ai rien d'un Méditerranéen.

 

Ah, on me dit que Martin Caparros est invité aux Assises Internationales du Roman (AIR) 2014 dans notre bonne ville de Lyon, peut-être invité par le patron de la Villa Gillet, Guy Walter qui, sur une photo publiée dans Le Progrès, se donne l'air bobo d'un Lambert Wilson. Bon, et alors ? Si son histoire avait tenu en deux cents pages, je serais peut-être allé jusqu’au bout, mais plus de cinq cents, alors là non, il ne faut pas exagérer. Ouvrir un livre d’un auteur inconnu est d’abord un acte de confiance et d’espoir.

 

Mais un démarcheur, pensez !!! Si j’ai le malheur d’ouvrir ma porte sur un de ces spécimens indésirables, celle-ci se referme aussitôt. Je suis équipé en aspirateur et en encyclopédies. Le succès ne dispense aucun écrivain d'avoir du style. La prolixité n'est pas un style. Tant pis pour la marchandise, quelle que soit sa valeur. Je sais : je passe à côté de bien des choses intéressantes.

 

Tant pis pour moi.

 

Voilà ce que je dis, moi. 

 

Promis, demain c'est Kundera.

 

samedi, 24 mai 2014

LE MONDE DANS LA VITRE

 

 

DEUX PHOTOS D'UN DES ANCIENS KIOSQUES DE FLEURISTES DE LA PLACE BELLECOUR (avant destruction)

RAYER LA PHOTO INUTILE

 

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Reportage intéressant d'Omar Ouamane sur France Culture ce vendredi soir. On est en Libye. C'est où, la Libye ? Alfred Jarry, avant la première représentation d'Ubu roi, déclarait : « Quant à l'action, qui va commencer, elle se passe en Pologne, c'est-à-dire Nulle Part ». S'agissant de la Libye aujourd'hui, on ne saurait mieux dire.

Ce qui s'est passé en Pologne après la fuite d'Ubu n'a sûrement rien à voir avec ce qui se passe en Libye depuis la mort de Khadafi, ce dernier n'ayant absolument aucun trait en commun avec la marionnette du père de la 'Pataphysique ! Nul n'en doute, j'espère !

C'est donc le moment d'entonner l'hymne d'action de grâce à l'adresse de Nabot-Léon Sarkozy, qui partage avec un Anglais la responsabilité de la situation actuelle. Pour quelle extatique raison ? Mais parce que les Libyens lui doivent une fière chandelle. Et pas seulement les Libyens, mais les Tchadiens, les Tunisiens, les Algériens, les Nigériens et, un peu plus loin, les Maliens et les Centrafricains.

Ben oui, Khadafi, en plus d'être un abominable dictateur, accaparait injustement tout ce qui se faisait en matière d'armes. Il confisquait abusivement le monopole de la détention et du commerce des armes dans toute la région. Que c'en était écoeurant, ce monopole d'Etat. Ah l'Europe a bien raison, vous savez, d'avoir obtenu de la France qu'elle détruise les siens (SNCF, EDF, GDF, ...).

Et regardez maintenant : liberté totale en Libye, mon frère ! Dans la joie, la bonne humeur et l'anarchie bienheureuse. Bakounine ne disait-il pas : « L'anarchie, c'est l'ordre de la vie » ? Eh bien qu'est-ce que ça vit, mon frère, en ce moment en Libye ! Et dans toute la région ! Ça vit énormément, que ce soit au Mali, en Centrafrique. Jusqu'à Boko Aram qui bénéficie de cette nouvelle liberté de circulation des moyens létaux.

Bon, évidemment, à propos de moyens létaux, qu'est-ce que ça meurt aussi ! Ah ça, pour mourir, on ne peut pas dire que les Libyens font les choses à moitié. J'ai entendu dire que les Centrafricains font ça très bien aussi. Tiens, et aussi les Maliens. Mais ça, on dira que c'est vachement collatéral.

La voilà, la fière chandelle qu'ils lui doivent, à Nabot-Léon Sarkozy, les Libyens, les Tchadiens, les Tunisiens, etc. Soit dit en passant, si le chaos règne à Tripoli comme dans tout le pays et s'il n'y a plus vraiment d'Etat, c'est à Benghazi que les islamistes ont pris le pouvoir. Et c'est vers Benghazi que Khadafi avait lancé ses colonnes blindées que les Rafale de Sarkozy ont arrêtées. Ironie, vous avez dit ?

Parodiant Louis XV, Sarko pourrait lancer fièrement : « Après moi le Chaos ! ». Hélas il n'est pas mort ! Et le roquet qui s'est vêtu d'une défroque aux dents aussi longues que le loup qu'il n'est pas, qui n'a donc pas dit son dernier mot, semble avoir l'intention de revenir, dans l'espoir sans doute de faire encore mieux.

NB : je prie le lecteur de pardonner l'emprunt que j'ai fait à Jean-Marie Le Pen, qui avait surnommé Nabot-Léon le dissident du FN, Bruno Mégret, qui aurait voulu se faire aussi gros que le bœuf. Si je l'ai fait, c'est que je trouve le jeu de mot aussi congru qu'approprié à la personne que je vise. Je ne le ferai plus. Enfin, je tâcherai.

 

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Et n'oublions pas, en ce 24 mai 2014,la soirée et la nuit du 24 mai 1968 à Lyon, sur le pont Lafayette, et un certain commissaire Lacroix, qui paya de sa vie la malencontreuse idée de vouloir arrêter un camion jaune, sur l'accélérateur duquel un pavé avait été posé. 

 

mardi, 06 mai 2014

PLACE BELLECOUR

 

 

VU DANS UNE ENTREE D'IMMEUBLE

 

LA MÊME, AVEC ZOOM

jeudi, 03 avril 2014

SALVATORE GURRIERI PEINTRE

SALVATORE GURRIERI : QUEL HORIZON POUR QUELLE LUMIERE ?

QUEL PAYSAGE POUR QUEL ESPACE ?

SPLENDEUR D'UN MONDE SANS HOMMES ?

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SALVATORE GURRIERI

1937 - 2003

IN MEMORIAM

CE M'EST UNE JOIE D'AVOIR EU CET HOMME POUR AMI

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dimanche, 30 mars 2014

JACQUES TRUPHEMUS PEINTRE

 

JACQUES TRUPHEMUS ET LA LUMIERE

 

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LE CAFÉ BELLECOUR, LA "CANTINE" DU PEINTRE

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samedi, 08 mars 2014

IMAGES AU GRE DE MON GRE

 

 

 

 

 

 

LE LIEU OÙ CES IMAGES ONT ETE FAITES A UNE CERTAINE RENOMMEE DANS LE DOMAINE DE LA PRODUCTION DES IMAGES

 

jeudi, 06 mars 2014

IMAGES AU GRE DE MON GRE

 

VUE PRISE DANS UN RESTAURANT. 

 

LES MAGNOLIAS EN FLEURS.

 

LE RIDEAU DE SCÈNE DES CELESTINS ?

 

 

 

 

 

 

 

PHOTOS GARANTIES SANS OGM ET SANS PHOTOSHOP

mercredi, 05 mars 2014

IMAGES AU GRE DE MON GRE

 

ECHOS DE SOLEIL AU LEVER

 

CHAMBRE D'ECHOS AU MUSEE

 

 

LE FOU QUI REPEINT SON PLAFOND ?

 

JE RESTE COI.

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samedi, 18 janvier 2014

13 BALZAC : LA MAISON NUCINGEN

La Maison Nucingen (1838) consiste en un dialogue débridé de quatre amis, tenu dans un des « cabinets particuliers » d’un célèbre cabaret (non nommé) de Paris, et fidèlement reconstitué par le narrateur qui, dans le cabinet mitoyen séparé par une mince cloison, a entendu et mémorisé l’intégralité de la conversation.

Aux voix, il a reconnu les personnages, qui se nomment Blondet, Finot, Couture et Bixiou : « C’était quatre des plus hardis cormorans éclos dans l’écume qui couronne les flots incessamment renouvelés de la génération présente ». Il est utile de préciser que les langues vont bon train, du fait qu’on a fait venir un nombre respectable de bouteilles de champagne, au point qu’à la fin les compères sont un peu gris.

Bixiou raconte à ses amis comment Eugène de Rastignac, qui vivait si pauvrement à la pension Vauquer, vit aujourd’hui confortablement, à la tête d’une fortune de quarante mille livres de rentes, tout en ayant pu richement "doter" ses sœurs, restées au fond de leur province.

Accessoirement, il va dénouer l’écheveau qui rend incompréhensibles au bon peuple les calculs et manœuvres hautement raffinés qu’on voit à l’œuvre dans les milieux de la haute finance, incarnés ici par le richissime banquier alsacien Nucingen. Ah ! les interventions de Nucingen, plus alsaciennes que le vrai : « Hé pien ! ma ponne ami, dit Nucingen à du Tillet en tournant le boulevard, location est pelle bire ébiser Malfina : fous serez le brodecdir teu zette baufre vamile han plires, visse aurez eine vamile, ine indérière ; fous drouferez eine mison doute mondée, et Malfina cerdes esd eine frai dressor ».

Traduction : eh bien mon bon ami, l’occasion est belle pour épouser Malvina : vous serez le protecteur de cette pauvre famille en pleurs, vous aurez une famille, un intérieur ; vous trouverez une maison toute montée, et Malvina certes est un vrai trésor. On trouve dans le Nouveau dictionnaire des œuvres le commentaire suivant : « De plus, Balzac, par un souci exagéré de réalisme, s'obstine à reproduire le singulier jargon parlé par le baron, ce qui rend pénible la lecture des dialogues ».

Pas faux, mais ma parole, si le commentateur met un jour les pieds dans l'Alsace profonde pour dialoguer avec un vieux de la vieille, il verra ce que c'est. Je pense aussi à Victoire, la servante du colonel dans Le Sapeur Camember, et à son accent superlativement alsacien, qui provoque quelques malentendus. Ainsi : « Le colonel est-il visuel, mam'selle Victoire ? - Foui ! mossieu Gamempre, ché fiens te le foir ... tant son gabinet ... il ... é...grivé », dont le dernier mot fait croire au sapeur que le colonel est "crevé". Toute la caserne se précipite chez lui. Comme il est bien vivant, on convoque Victoire : « Oh ! mossieu Gamempre (...) c'est pas chentil te faire arrifer tes misères à une bôvre cheune fille innocente ... Ch'ai pas tit : "Le golonel il est grévé" ... Ch'ai tit : "Le golonel il égrivé ... avec une blume, quoi ! ».

Ailleurs, elle va faire les courses, et fait deviner à Camember ce qu'elle va acheter : « ... ça gommence par un C ». Le sapeur ne trouve pas : « Eh ! pien ! mossieu Gamempre, puisque fous ne tefinez pas : c'est tes cuernouilles et un chigot ! ».  Dans les Contes drolatiques, Balzac se laissera carrément aller à une débauche toute rabelaisienne dans ce genre, en imitant cette fois la langue du XVI° siècle. Revenons à nos moutons.

Je laisse de côté la complexité des tripatouillages boursiers décrits par Bixiou-Balzac, pour en venir à ce que Blondet dit des canuts de Lyon, qui se révoltèrent en 1831 et en 1834 contre le sort qui leur était fait, et dont l’étendard portait en ces journées la fière devise : « Vivre en travaillant ou mourir en combattant ».

Voici ce que déclare Blondet : « Voici, reprit Blondet. On a beaucoup parlé des affaires de Lyon, de la République canonnée dans les rues, personne n’a dit la vérité. La République s’était emparée de l’émeute comme un insurgé s’empare d’un fusil. La vérité, je vous la donne pour drôle et profonde. Le commerce de Lyon est un commerce sans âme, qui ne fait pas fabriquer une aune de soie sans qu’elle soit commandée et que le paiement soit sûr. Quand la commande s’arrête, l’ouvrier meurt de faim, il gagne à peine de quoi vivre en travaillant, les forçats sont plus heureux que lui. Après la Révolution de Juillet, la misère est arrivée à ce point que les CANUTS [sic] ont arboré le drapeau : Du pain ou la mort ! une de ces proclamations que le gouvernement aurait dû étudier, elle était produite par la cherté de la vie à Lyon. Lyon veut bâtir des théâtres et devenir une capitale, de là des Octrois insensés. Les républicains ont flairé cette révolte à propos du pain, et ils ont organisé les Canuts qui se sont battus en partie double. Lyon a eu ses trois jours, mais tout est rentré dans l’ordre, et le Canut dans son taudis. Le Canut, probe jusque-là, rendant en étoffe la soie qu’on lui pesait en bottes, a mis la probité à la porte en songeant que les négociants le victimaient, et a mis de l’huile à ses doigts : il a rendu poids pour poids, mais il a vendu la soie représentée par l’huile, et le commerce des soieries françaises a été infesté d’étoffes graissées, ce qui aurait pu entraîner la perte de Lyon et celle d’une branche de commerce français. Les fabricants et le gouvernement, au lieu de supprimer la cause du mal, ont fait, comme certains médecins, rentrer le mal par un violent topique. Il fallait envoyer à Lyon un homme habile, un de ces gens qu’on appelle immoraux, un abbé Terray, mais l’on a vu le côté militaire ! Les troubles ont donc produit les gros de Naples à quarante sous l’aune. Ces gros de Naples sont aujourd’hui vendus, on peut le dire, et les fabricants ont sans doute inventé quelque moyen de contrôle. Ce système de fabrication sans prévoyance devait arriver dans un pays où Richard Lenoir, un des plus grands citoyens que la France ai eus, s’est ruiné pour avoir fait travailler six mille ouvriers sans commande, les avoir nourris, et avoir rencontré des ministres assez stupides pour le laisser succomber à la Révolution que 1814 a faite dans les prix des tissus. Voilà le seul cas où le négociant mérite une statue. Eh ! bien, cet homme est aujourd’hui l’objet d’une souscription sans souscripteurs, tandis que l’on a donné un million aux enfants du général Foy. Lyon est conséquent : il connaît la France, elle est sans aucun sentiment religieux. L’histoire de Richard Lenoir est une de ces fautes que Fouché trouvait pire qu’un crime ».

Bon d’accord, Blondet finit par laisser tomber les canuts et son propos dérive, mais tout le dialogue est pareillement décousu, mené « à sauts et à gambades » (Montaigne, III, 9). Balzac nous a d’ailleurs prévenus dès le début : « Ce pamphlet contre l’homme que Diderot n’osa pas publier, le Neveu de Rameau ; ce livre débraillé tout exprès pour montrer des plaies, est seul comparable à ce pamphlet dit sans aucune arrière-pensée, où le mot ne respecta même point ce que le penseur discute encore, où l’on ne construisit qu’avec des ruines, où l’on nia tout, où l’on n’admira que ce que le scepticisme adopte : l’omnipotence, l’omniscience, l’omniconvenance de l’argent ». Je confirme : La Maison Nucingen est bien un livre « débraillé ». Les quatre amis se lancent donc dans une longue "improvisation" (le mot est de B.), qui fait penser à la manière dont Béroalde de Verville conduit (ou fait semblant, ou ne conduit pas) son Moyen de parvenir. Et Balzac ajoute à propos de cette improvisation : « … et, quoique souvent interrompue, prise et reprise, elle fut sténographiée par ma mémoire ».

J’ai raconté ici même (31 janvier) l’événement que fut pour la ville de Lyon, ses habitants et ses autorités la venue de Franz Liszt. C’est bien connu : tout ce qui est important se passe à Paris. Ce n’est pas dans La Maison Nucingen que Balzac va nous dire le contraire, même s’il prouvera maintes fois par ailleurs que la vie de province n'a aucun secret pour lui (il faut voir avec quelle jubilation maligne Balzac assaisonne Alençon dans La Vieille fille, avec quelle poétique mélancolie il décrit les rives de l’Indre dans Le Lys dans la vallée, etc., etc.). S’il fait ici référence à Lyon, c’est presque par hasard, au détour d’une conversation entre amis, lancés dans une agréable beuverie.

Ce que dit des canuts le passage cité est trois fois rien. Ce n’est pas une raison pour le bouder.

Voilà ce que je dis, moi.

lundi, 09 décembre 2013

ILLUMINATIONS OU FÊTE DES LUMIERES ?

Le jour du 8 décembre à Lyon, je ne sais rien de la ridicule « Fête des Lumières », improbable célébration spectaculaire-marchande, païenne et maçonnique. En revanche, je sais tout des « ILLUMINATIONS ». Gérard Collomb le franc-maçon a décidé d'éradiquer la tradition lyonnaise pour faire de la ville un centre d'attraction touristique, capable d'avaler les monumentaux cars touristiques venus de Belgique, de Suisse et d'Allemagne. C'est répugnant. Il faut voir la colonne de gogos patienter devant le portail du petit jardin au bout de ma rue pour admirer des LED disposés dans la végétation alors que se font entendre les chants de petits zoziaux sortis d'une machine. Je ne veux rien savoir des autres machines à éblouir ailleurs en ville, devant lesquelles s'agglutinent à s'étouffer d'autres foules de gogos, venus parfois de très loin. Rendez-moi ma ville, monsieur Collomb. Rendez-moi les ILLUMINATIONS.

ILLUMINATIONS 2.JPG

VOUS POUVEZ COMPTER : 51 VERRES, 51 LUMIGNONS. IL FAUT LES IMAGINER SUR LES REBORDS DE FENÊTRES.

LAMPION HOME 1.JPG 

LES PLUS BEAUX VERRES (ET LES PLUS VRAIS) SONT LES CANNELÉS, QUE PLUS PERSONNE NE FABRIQUE. REGARDEZ CETTE ETOILE. ELLE EST PAS BELLE, MON ETOILE ?

Pour mon compte, je me contente de disposer sur les rebords de mes fenêtres les verres garnis de lumignons.

lundi, 02 décembre 2013

LA CROIX-ROUSSE ET SES TROIS OUILLES

 

CROIX-ROUSSE MONTAGNE.jpg

UNE VUE PANORAMIQUE DE LA CROIX-ROUSSE (3541 mètres au-dessus du niveau de la mer), SOUS UN ANGLE INATTENDU.

A NOTER QU'A PROPOS DE OUILLES, ON NE S'Y CONTENTE PAS D'UNE PAIRE.

C'EST D'AILLEURS COMME ÇA DANS LES ONZE MILLE VERGES DU POETE APOLLINAIRE.

APOLLINAIRE.jpg

ON TROUVE CE PETIT POEME D'UNE DELICATESSE QUASI-MYSTIQUE A LA PAGE 120

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 MAIS JE GALÈJE, JE DIS QUE DES GANDOISES ET DES GOGNANDISES. LA SEULE, LA VRAIE CROIX-ROUSSE, JE VEUX DIRE LA PLACE DE LA CROIX-ROUSSE, LA VOICI, TELLE QU'EN SOI-MÊME ENFIN L'ETERNITÉ LA CHANGE.

(VUE DU "SAINT-BERNARD")

PLACE DE LA CROIX ROUSSE.jpg

AVEC L'INEVITABLE ET TERRIBLEMENT BIEN PLACEE TERRASSE DE LA BRASSERIE DES ECOLES, OÙ J'EUS L'INSIGNE PRIVILEGE D'ASSISTER A LA CONCEPTION ET PRESQUE LA NAISSANCE DE L'IMMORTEL CHEF D'OEUVRE DE L'ENIGMATIQUE ET INGENIEUX R. D. PARPIN, LA MAIN VENGERESSE (EDITIONS LE MANUSCRIT, 2005).

lyon,croix-rousse,apollinaire,les onze mille verges,la main vengeresse,érotisme

 

 

 

dimanche, 17 novembre 2013

SANS TITRE

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QUARTIER D'AINAY, BY NIGHT

vendredi, 15 novembre 2013

QUELQUES NOTES SUR UNE SUITE DE NOTES

 

SAÔNE 1.jpg

LA SAÔNE EN CRUE

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Préambule : Christiane Taubira retranchée de l'espèce humaine ? Il ne faut rien exagérer. Je remarque que l'offensive antiraciste du gouvernement Hollande-Ayrault au grand complet dressé sur ses ergots intervient dans une période de basses-eaux comme jamais vu pour un président à la chair duquel chaque petit événement arrache un petit lambeau. Si ça continue, on aura à faire dans pas longtemps à un squelette de Hollande.

 

Et je me dis que la "une" de Minute tombe à pic pour lui reconstituer un peu d'épiderme sans trou. L'affaire Taubira : une véritable aubaine pour un président en détresse. Hissez bien haut l'étendard des « valeurs » de « gauche ». Aussi longtemps qu'on verra un bonnet rouge à l'horizon. Diversion, vous avez dit ? Ben oui, pour écarter le danger de ma personne présidentielle, rien de tel qu'une bonne affaire lacrymogène.

 

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Résumé : les compositeurs du 20ème siècle, pour s’arracher aux pesanteurs insupportables de la tradition et pour imposer leur idée d’un « Progrès » en musique, ont fait feu sur tous les éléments qui entraient dans la composition de la dite tradition. Schönberg avait déjà bien déblayé en éliminant la tonalité (do majeur, sol septième) pour ne plus voir qu’une seule tête dans la file de douze sons égalitarisés à la tronçonneuse.

 

Dans le même sac poubelle, ses suiveurs ont jeté les rythmes, les harmonies. Même l’instrument de musique y est passé. Mais ce qui se remarque par-dessus tout, c’est la disparition de la mélodie, c’est-à-dire ce qui permettait à l’amateur de participer à la musique entendue, à sa façon : « La foule les chante un peu distraite en ignorant le nom de l’auteur, sans savoir pour qui battait leur cœur » (Charles Trenet). La mélodie, parfaitement, qui est la marque de la politesse bienveillante du compositeur à l’égard de celui à qui il s’adresse.

 

Dans son livre Les Balesta, que j’ai en ce moment un peu de mal à terminer, Henri Bosco imagine le personnage de Melchior. Il est célibataire, il a soixante ans. Quand il avait 20 ans, il fut amoureux fou d’une fille de « La Haute » qui le lui rendait bien, mais membre d’une noble famille habitant sur le Mourreplat, dans les hauts de Pierrelousse. La dite famille, horrifiée par la mésalliance, mit brutalement fin à ce sentiment réciproque en enfermant la fille au couvent.

 

Melchior ne l’a jamais oubliée. Elle s’appelait Elodie. Très habile de ses doigts, il a sculpté une statue à la taille réelle de l’objet de son amour, une statue comme vivante, et d’une ressemblance hallucinante. Mais il a également construit une harpe magnifique, dont il joue souvent, et dans le bois de laquelle il a gravé ceci : « Elodie Mélodie ». C’est à ce point que je voulais en venir. J’ajoute juste que statue et harpe (et même fantôme de Melchior) jouent un rôle dans L’Epervier, dernier volet de la saga de Pierrelousse.

 

Parmi les plus graves reproches qu’on peut faire à beaucoup de compositeurs du 20ème siècle, c’est d’avoir abandonné lâchement le pilier immémorial de la musique, d’avoir réduit en miettes le socle sur lequel sa statue vivante s’élevait depuis qu’un homo sapiens à peine sorti de l’animalité, avait eu l’idée de se servir des deux cordes blotties au fond de son gosier pour produire autre chose que les syllabes dont il usait dans la conversation courante.

 

En faisant durer le son, en en faisant varier la hauteur et l’intensité, il s’en était servi pour faire quelque chose de totalement incongru : chanter. On a appelé ça « mélodie ». La voix est le premier instrument de musique, bien avant tout autre. Ce n’est qu’après coup (je n’y étais pas, mais …) que l’homme s’est dit que ce serait bien de s’accompagner en tapant sur des objets sonores, en frottant, pinçant ou frappant des cordes tendues, en soufflant dans des objets creux percés de trous.

 

Jusqu’au 20ème siècle, donc, pas d’autre issue pour le musicien que d’aligner sur une portée des notes enchaînées les unes aux autres par la seule logique du chant humain. D’ailleurs, bien des compositeurs ont persisté dans l’écriture mélodique : aucune rupture ne se fait dans l’histoire de quoi que ce soit de façon aussi tranchée et brutale, même la Révolution a pris quatre ans pour s’occuper de la tête de Louis XVI.

 

Il reste que, jusqu’au 20ème siècle, TOUTES les musiques sont faites pour être éventuellement chantées, même celles écrites pour être sonnées (opposition sonate / cantate). Cela ne veut pas dire que la mélodie est la composante exclusive de la musique, c’est bien clair, juste la composante horizontale. Comme nos phrases syllabe après syllabe, les notes se suivent sur une ligne, pour la raison que le gosier ne peut émettre qu’un son à la fois (et qu’on ne me sorte pas ici l’exception des chants diphoniques du Tibet ou d’ailleurs).

 

Mais au fond, qu’est-ce que c’est, une mélodie ? Qu’est-ce qu’elle a de spécial, cette suite de notes ? Cela dit sans vouloir faire de la théorie musicale : j’ai assez sué et bavé sur la Théorie de la musique de Danhauser pour envisager de l’infliger à qui n’aurait pas mérité un châtiment exemplaire pour ses entorses, incartades et autres infractions.

 

Tout ce que je peux faire, en tant qu’auditeur, c’est me référer à quelques-unes des innombrables mélodies qui se sont à jamais gravées dans mon disque dur interne (et qui, publicité ou lied, mouvement d’orchestre ou solo d’alto, ressurgissent parfois selon l’ordre des préférences hiérarchisées qui se sont mises en place avec le temps, parfois selon le désordre du chaos indifférencié qui s’impose tout à coup à ma mémoire).

 

Je pense par exemple à cet air de Purcell (est-ce dans King Arthur ou dans The Indian queen ?) : « How blessed are shepherds, How happy their lasses … ». Ou bien au solo de l’alto dans Roméo et Juliette (accompagnement de harpe, s’il vous plaît) : « Premiers transports que nul n’oublie, Premiers aveux, premiers serments de deux amants, Sous les étoiles d’Italie ; … ». Les paroles sont de Berlioz lui-même, on peut y trouver à boire et à manger. Mais je me récite aussi parfois la sublime mélodie du ländler viennois que forme l’« andante moderato » (2ème mouvement) de la symphonie « Résurrection » de Gustav Mahler.

 

Je ne sais pas comment je pourrais faire partager le plaisir ressenti à chanter de ces mélodies. J’ai d’ailleurs du mal à imaginer qu’il n’en soit pas de même pour tout un chacun, même si je sais qu’il n’en est rien. Je le regrette pour ceux qui, comme mon ami R., chantent épouvantablement faux. Heureusement, il est lucide. Non, ce que je persiste à ne pas comprendre, c’est la haine de beaucoup de compositeurs de la modernité pour tout ce qui pourrait ressembler à une ligne de chant.

 

Comme dans beaucoup des visages qu'a montrés le XX siècle, je vois quelque chose d'inhumain dans les œuvres musicales qu'il a produites. Peut-être est-ce juste un refus de l'humain. Cela reste très peu engageant.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

 

 

dimanche, 30 juin 2013

SALE TEMPS POUR LE LIVRE 1

J’ai grandi parmi et avec les livres. Sans doute aussi grâce à eux. J’en ai même, comme je le disais, « soustrait quelques-uns au commerce légal ». Mais il y a prescription depuis longtemps. Et puis, dans certaines circonstances, n’est-ce pas, « nécessité fait loi ». Passons sur ces temps révolus depuis lurette. Les librairies ont toujours exercé sur moi l’attraction irrésistible que la lueur de la flamme exerce sur le papillon de nuit. De vrais phares dans l’obscurité dont le marin perdu attend le salut. Ou l'autodafé.

 

Je parle d’une époque où la fringue et la banque n’avaient pas atteint le paroxysme de l’arrogance du haut de laquelle elles toisent depuis quelque temps déjà les passants anonymes que nous sommes, à qui elles ne daignent décerner de nom et d’identité qu’au prorata de l’épaisseur des liasses de banknotes (« Je suis Brésilien, j’ai de l’or, et j’arrive de Rio de Janeire. (…) Prenez mes dollars, mes banknotes, mais dites-moi que vous m’aimez ! », chante Dario Moreno, dans La Vie parisienne, d'Offenbach) que les portefeuilles sont prêts à cracher, aligner, allonger ... Je parle du temps d’avant, d’avant que l’argent et le tape-à-l’œil ne se soient rendus presque totalement maîtres de nos espaces, de l’air que nous respirons, et bientôt de nos vies, si ce n'est déjà fait.

 

Je parle du temps où l’amateur de livres, cet inutile essentiel, pour satisfaire ses goûts et sa curiosité, n’avait que trois pas à faire. La presqu’île était farcie de librairies, du minuscule estanco à peine éclairé au quasi-salon de réception façadé de larges baies vitrées, entre lesquelles on avait l’embarras du choix, et où la disposition et l’aménagement des lieux, mais aussi le choix des livres prioritaires, étaient liés à la personnalité propre du libraire, donnant à son local une identité qu’il était seul à posséder.

 

C’est pourquoi il fallait poser un pied dans chacune, donner à chacune sa chance. Si j'avais été naturaliste, j'aurais parlé de l'ère de la « bibliodiversité », bien avant que les espèces se raréfient, voire disparaissent. Parce que, après tout, la biodiversité, c'est bien joli, et ça satisfait le désir de nature de quelques illuminés manquant de lucidité sur le processus en cours, processus qui n'est rien d'autre qu'une éradication en bonne et due forme de la nature.

 

Après ? Quoi après ? Après la mort de la nature, décidée par tous les négateurs de la nature, qu'ils soient spéculateurs financiers ou promoteurs du mariage homosexuel (l'homme détient la toute-puissance sur toutes les formes de liberté, grâce aux marchés, quintessences de la liberté, et la toute-puissance sur toutes les lois de la nature, grâce à la glorification de l'homosexualité), l'homme sera bien obligé de trouver des solutions pour survivre sans la nature.

 

Malheureusement, ce ne sera peut-être pas possible. L'idéologie a toujours le nez plus cassable que la réalité.  Et pour le livre, ce n'est pas comme dans la forêt primaire : il n'y a pas de canopée pour reproduire les espèces rares. Je définis la canopée : « Ce qui était hors de l'atteinte de l'homme ». Je dis "était", à cause des « radeaux des cimes », ces merveilleuses inventions qui se produisent au moment même où on cessera très bientôt d'en avoir besoin.

 

Au motif que même le plus invisible à l'oeil nu des animalcules n'a plus le droit d'échapper à la connaissance scientifique. La civilisation actuelle a horreur du vide : elle a horreur des vides juridiques (« Vite, une loi ! criait Sarkozy) ». Elle a horreur des vides scientifiques qui s'élargissent au moment même où les savoirs se font logiquement plus pointus (« l'avancée même du savoir crée de l'ignorance sur ses propres bords », c'est de moi, ça : relisez cette petite phrase, et dites-moi si j'ai tort ; et dites-vous que, si j'ai raison, c'est l'ignorance qui ne cesse de progresser ; bizarre, vous avez dit bizarre ?). 

 

La biodiversité a existé, mais c'était bien avant que le mot fût fabriqué. Quand le mot n'existait pas, ça voulait dire que la chose existait encore. On n'avait donc pas besoin de la nommer, tout simplement parce qu'elle allait de soi. On commence à vouloir "biodiversifier" quand on se rend compte que tout se bioraréfie. Mais la bioraréfaction est une tendance lourde. 

 

De toute façon, ce n'est que des générations après ceux qui ont commis les actes que l'homme se met à réfléchir aux conséquences, et qu'il commence à accuser les ancêtres des autres de ses malheurs présents. Et, éventuellement, à essayer de tâcher de tenter de corriger le cap du navire, un navire qui met des dizaines d'années, désormais, à infléchir sa route. Etonnant, non ? Mais revenons à la question du livre.

 

Rendez-vous compte que j’ai acheté mon volume de Henri Bergson (Œuvres, édition du centenaire, 1600 pages de papier bible, 43 francs) chez un libraire dont l’échoppe était blottie sous les arcades du péristyle de l’Opéra. J’ajoute que je lui achetais aussi mes Marc Dacier, Jean Valhardi et autres Jerry Spring (dessinateurs Eddy Paape et Jijé) : « Il faut de tout pour faire un monde. – Bien parlé, Madame Michu ». C'étaient des bandes dessinées, il n’y a pas de raison.

 

Il y avait aussi Jacques Glénat-Guttin, le même qui a viré son Guttin pour devenir le Glénat de la grande maison grenobloise de bandes dessinées, celle-là même qui éditait l’excellente revue Circus. Glénat était un copain du libraire, et la feuille périodique qu’il publiait vaillamment (Les Equevilles : le mot « équevilles » désigne, à Lyon, tout ce qu’on destine à la poubelle) égratignait et horripilait le maire d’alors.

 

Le merdalor se nommait Louis Pradel, grand bétonneur, à qui les Lyonnais doivent le « Blockhaus » (alias Centre d’Echanges de Perrache), et à qui tous les automobilistes traverseurs de Lyon chantent des actions de grâce, chaque fois qu’ils se rendent soit sur la Côte d’Azur soit à Paris. Tout le monde a compris que je parle du Tunnel de Fourvière, que le monde entier nous envie. Et tout le monde regrette amèrement que Pradel ait visité Los Angeles, voyage qui lui inocula illico la folie des grandeurs : il voulut à tout prix que l’autoroute traversât la ville, tout comme dans la ville américaine.

 

Je reviens à mon péristyle de l’Opéra : pensez, des boutiques, dont une librairie, installées dans les flancs même de ce temple ! Inimaginable. Heureusement, Jean Nouvel a été appelé pour mettre bon ordre à tout ça, il a viré du péristyle les bouquins, les accessoires de danse, les pipes Nicolas et le marchand de timbres (qui était, lui, côté rue Joseph Serlin, je m’adresse aux quelques « happy few » qui ont connu), comme indignes de l’altitude sinistre et sépulcrale de son « inspiration » architecturale.

 

Jules Vallès (aux Editeurs Français Réunis), on le trouvait, évidemment et tout naturellement, à la « Librairie Nouvelle », qui occupait fièrement l’angle des rues Paul Lintier et Du Plat. Il fallait le faire ! Imagine-t-on aujourd’hui qu’il ait pu y avoir une librairie communiste implantée au cœur du quartier bourgeois par excellence ?

 

J’adorais le vieux qui tenait la boutique : pas trop doctrinaire, voire parfois un peu hérétique. Mais il devait être assez inoffensif, ou alors plus « dans la ligne » que je ne croyais, car il resta jusqu’au transfert de la librairie du Parti, oh, pas très loin, sur le quai Saint-Antoine, à l’angle de la rue du Petit-David, la rue de l’Adrienne de la première librairie « Expérience ». De toute façon, la « Librairie Nouvelle » n'a mis que quelques années à défunter pour de vrai. Comme le parti dont elle était l'émanation et l'instrument de propagande.

 

La « Librairie des Nouveautés » (ne pas confondre), alors tenue par une adorable dame blonde à haut chignon, je l’ai connue toute petite boutique assez sombre, quand elle était le rendez-vous de tous les amateurs de philosophie, dont le célèbre Henri Maldiney, dont le visage (je crois bien que c’était la joue, sans plus en être bien sûr) était gratifié d’une étonnante boule, comme un gros pois chiche. La dame blonde à haut chignon se piquait de poésie, et faisait partie de diverses confréries à ce destinées. La « Librairie des Nouveautés » fut reprise par monsieur B., qui sut en faire un lieu intéressant, voire important et qui a pris sa retraite sur les pentes nord-est de la Croix-Rousse.

 

Les librairies pullulaient donc dans la presqu’île, pour ainsi dire autant que faisans d’élevage un matin d’ouverture de la chasse (évitons, si vous le voulez bien, de parler de ce qu’il en restait le soir même, des faisans d'élevage). Et pour ce qui est de la chasse, on peut dire que les fanatiques du « bibliocide », dûment munis de leurs permis de construire, n’ont pas fait de quartier : ils ont fait feu sur toute oreille de libraire qui dépassait, transformant la presqu’île, peut-être pas en désert, mais pas loin. Seules quelques grosses usines sont restées debout, si elles ne flageolent pas sur leurs cannes. Le tableau n’est pas gai.

 

Voilà ce que je dis, moi.

jeudi, 27 juin 2013

POURQUOI JE LIS

Je ne suis pas un immense lecteur. Je suis même un lecteur un peu laborieux. Ce que je lis, il faut que je le mâche longuement, que je le mastique, que je le contemple en train de s'écraser en nourriture entre mes dents, avant d'aller alimenter et irriguer les canalisations de mon moi littéraire. Si je devais me comparer, je dirais que, dans l’ordre des lecteurs, j’appartiens à la famille placide et patiente des ruminants contemplatifs.

 

A propos de contemplatif, je me consolerais en me disant que Julien Gracq, qui n’a pas couvert de ses œuvres des kilomètres de rayons, a écrit sur le tard ce merveilleux petit bouquin intitulé Les Eaux étroites, qui, en condensant une matière longuement ruminée pour en polir le pur éclat de chacune des facettes, ouvre sur cette sorte d’infini en profondeur que recèle ce paysage minuscule, sa rivière de l’Evre, qui passe à Saint-Florent-le-Vieil. 

 

Le paysage de mes lectures n'est pas aussi vaste, et n'a rien à voir avec les horizons des mers vides à perte de vue, avec ceux des plats pays aux ciels sillonnés de nuages, ou avec ceux de ce désert de sable où se découpe une caravane au sommet de la dune, sur fond de ciel, si possible en contre-jour (en fin de journée). Mes paysages de lecture sont bornés par les arbres qui dressent leur opacité bienfaisante et lumineuse au bout de mon jardin affectif. Même s'il arrive qu'un cachalot pointe sa mandibule débonnaire et souffle ses vapeurs non loin de mon embarcation.

 

Pour dire le vrai, ça fait déjà quelque temps que je n’ai plus envie de lire pour lire. Et même de lire pour avoir lu. Vous savez, ces œuvres qu’il faut avoir lues si l’on ne veut pas mourir idiot. Si, bien sûr, je m’en suis collé, des Mémoires d’Outre-tombe et des Rougon-Macquart. Mais souvent par devoir. Il ne faudrait jamais lire par devoir. Je plains de tout mon coeur les élèves de lycée : pour rien au monde, je n'aurais souhaité être à leur place. Même si ... Comment pourraient-ils aimer la littérature, s'il ne s'agit que « d'avoir 10 en français » ?

 

Pour les Mémoires … de Chateaubriand, j’exagère, car j’ai pris du plaisir en beaucoup d'endroits, - moins pour les tableaux historiques, où l'auteur s’efforce toujours de ne pas dessiner son propre personnage en trop petit dans un coin en bas, comme un vulgaire donateur, tiens, comme un « Chanoine van der Paele » dans un tableau de Jean Van Eyck, comme on faisait à la Renaissance et avant, - que pour les routes européennes (en particulier alpines) parcourues en tout sens et les portraits, en pied ou collectifs, aux contours dessinés d’un beau trait précis.

 

Les 20 Rougon-Macquart, je me les suis avalés dans l’ordre, enfin presque : non, je n’ai pas fini Le Docteur Pascal, c’était au-dessus de mes forces, le curé laïc, sa probité inentamable, son cœur gros comme ça, sa "bonne âme". Mais le docteur Pascal, on sait que c'est Zola en personne, c'est sans doute pour ça que je n'ai pas pu finir l'assiette. 

 

Mais avant d’en arriver à ce dernier épisode, j’avais eu le temps de détester Le Ventre de Paris, Au Bonheur des dames et La Faute de l’abbé Mouret : Zola se serait amusé à décrire par le menu chacune des milliards de milliards de gouttes de pluie pendant les quarante jours et les quarante nuits qu’a durés le Déluge, il ne s’y serait pas pris autrement. De quoi noyer tout lecteur moyennement bien intentionné. Ces énumérations ! Epaisses comme des Dictionnaires de Cuisine, commes des Catalogues de la Redoute ou comme des Traités de Botanique Paradisiaque (dans l'ordre des titres) !

 

Au moins, mon verdict sur les romans de Zola, je ne le tiens de personne d’autre que de moi : tout ça est, à quelques exceptions près, épais, lourd, bourratif et indigeste. Parmi les exceptions, je dirais volontiers qu’il y a quelques friandises délectables à se mettre sous la dent, dans La Débâcle, La Bête humaine, malgré l'obsession gynophobique du héros, mais dont Robert Musil, dans L’Homme sans qualités, s’est peut-être souvenu pour son incroyable personnage de Moosbrugger.

 

Je goûte aussi quelques douceurs cachées dans La Conquête de Plassans, Son Excellence Eugène Rougon, L’Argent, La Curée. Non, tout n’est certes pas à jeter, même si j’aurais eu parfois envie de lui dire : « N’en jetez plus, la cour est pleine ! ». Zola a possédé vraiment la science (à défaut de l'art) d’écrire, mais je regrette qu’il ait écrit sous la dictée de l’idéologie, de la théorie et du poids documentaire. Et cette obsession de l’hérédité, ma parole ! Un vrai petit Lyssenko avant la lettre, vous savez, l'adepte stalinien de la transmission à tout crin des caractères acquis.

 

En revanche, quelqu'un qui n'a jamais lu L'Iris de Suse ne sait pas ce qu'est l'émerveillement. Il est vrai que, lorsque je l'ai ouvert, j'étais tout prêt et disposé, car je m'étais de longtemps familiarisé avec le bonhomme Giono et les concrétions romanesques qu'il a laissées sur son passage, comme par exemple le cycle du capitaine Langlois, ou alors Deux Cavaliers de l'orage, ce livre tout à fait improbable (ce colosse qui abat d'un seul coup de poing un cheval qui sème la panique, mais ça finira mal), ou encore le long cycle d'Angelo, ce héros chéri de Jean Giono (pour qui a lu Le Bonheur fou, est-ce que quelqu'un pourrait me dire pourquoi Angelo enferme son sabre dans un placard avant de sortir dans la rue où il sait que rôdent des spadassins, peut-être envoyés par sa propre mère ?). Giono n'explique rien : il montre. Voilà un romancier.

 

En fait, je peux bien l’avouer, je n’ai jamais lu « pour lire ». Je connais des gens (on en connaît tous, j’imagine) qui ne peuvent pas sortir de chez eux sans un livre à la main. Dans le métro, dans la rue, à la terrasse des cafés, c’est un enfer de livres ouverts, d'écrans de portables et de casques sur les oreilles, comme si les gens ne voulaient pas risquer de communiquer avec les gens présents en y frottant une parcelle de leur corps ou de leur tête, et se servaient de ces moyens pour s’embusquer dans leur tanière impénétrable, toutes griffes dehors.

 

On dirait que les gens se bouchent les oreilles avec leurs casques et les yeux avec leurs livres. Et c’est eux qui, ensuite, cherchent anxieusement l’âme sœur sur quelque site de rencontre. Je me dis que la peau virtuelle sur écran, l'écran fût-il tactile, est moins douce à caresser que celle qu’on vient de frôler, ici, là, dans le métro ou sur le trottoir, au rayon de ce magasin ou à l’arrêt de ce bus, et qu'on se met à suivre, à aborder, ... et plus si affinités. On ne sait jamais.

 

Car la peau qu'on vient de frôler et de laisser se perdre dans la foule, et qui t'inflige ce regret qui te mange le coeur et la mémoire si tu n'as pas fait le geste ou l'effort (Les Passantes, Georges Brassens), cela s'appelle le désir. Mais un désir rétrospectif, celui où tu te dis : « Merde, j'ai loupé l'occase du siècle ! ». Trop tard. Au sujet du regret que nous infligent après coup nos désirs désormais timorés et frileux, voir la rubrique « Transports Amoureux » dans le journal Libération.

 

Je conseille à tous les avanglés (« Te bâfres comme un avanglé ! », trouve-t-on dans Le Littré de la Grand-Côte) de « contact » électronique de relire comme un manuel de savoir-vivre les dernières pages de Ce Cochon de Morin, de Guy de Maupassant, c'est le beau Labarbe qui est envoyé pour arranger la sale affaire de Morin : « ʺJ’avais oublié, Mademoiselle, de vous demander quelque chose à lire.ʺ Elle se débattait ; mais j’ouvris bientôt le livre que je cherchais. Je n’en dirai pas le titre. C’était vraiment le plus merveilleux des romans, et le plus divin des poèmes. Une fois tournée la première page, elle me le laissa parcourir à mon gré ; et j’en feuilletai tant de chapitres que nos bougies s’usèrent jusqu’au bout ». Les bougies, c'était donc ça ! Maupassant ne reculait devant aucun "sacrifice" ! Quel salaud ! Quel macho ! Non : quel homme ! Au moins, lui, il donne envie de "lire" des "livres" !

 

Au lieu de ça, à cause de la musique portable, mais aussi, hélas, du livre de poche, on est dans la civilisation du « On ferme ! », au moment même où celle-ci se proclame à renforts de trompettes « Ouverte 24/24, 7/7 ! ». On n’en a pas fini avec le paradoxe et l’oxymore. Et la morosité tactile, éperdue et portable. Et les petites annonces amères « Transports amoureux » de Libé.

 

Voilà ce que je dis, moi.

mardi, 11 juin 2013

QUI EST NORMAL ?

 

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DES AVEUGLES EN TRAIN DE LIRE, PAR AUGUSTE SANDER

(l'oeuvre de ce photographe vaut qu'on s'y attarde quelque temps)

***

Nous avons vu hier que tout ce qui est normal se situe sur une ligne droite, figurant le déroulement rectiligne du temps, le temps normal, où chaque minute est égale à toutes les autres, précédentes ou suivantes, et que tout segment de droite coupant cette ligne, perpendiculairement ou non, est appelé, selon les cas, « incident », « accident » ou « catastrophe ». C'est ce segment de droite, cette sécante qui personnifie, non, j'exagère, disons qui figure l'anormal.

 

Dans une vie parfaitement et perpétuellement normale, rien n'arriverait. L'ordinaire n'est pas un événement. L'ordinaire exclut l'événement. L'ordinaire, c'est : « Le petit chat est mort ». Ou alors le : « Rien », noté par Louis XVI dans son journal un certain 14 juillet 1789. Lui a-t-on assez reproché !

 

Alors c’est vrai que, jusqu’à présent, j’ai soigneusement évité d’aborder de front les questions qui fâchent. Quand on pose la question : « Qui est normal ? », ou sa frangine bessonne (si si, ça existe, même que ça veut dire "monozygote") : « Qui est anormal ? », tant qu’il s’agit de critères physiques, la réponse est tellement évidente qu’il n’y a pas trop de débats ou d’engueulades. Tout le monde est à peu près d’accord.

 

Je dis « à peu près », parce que ça va déjà commencer à réagir, si je dis que je range parmi les anormaux tous les gens qui se déplacent en fauteuil roulant. Il faudra donc que je précise, si je prends le risque de passer pour un salaud, que l’un des critères de base pour définir une personne normale, est la bipédie qui lui sert de mode de déplacement : deux jambes terminées par deux pieds en état de marche. On sera peut-être d’accord là-dessus, non ?

 

Même chose pour les membres supérieurs. Il m’est arrivé de manger, au 16, quai Tilsitt (1er étage, angle de la rue Sala, en face de l’église Saint-Georges et de la passerelle du même nom), à la table du docteur JD, dont l’épouse fut – avec une autre tante M. – la plus délicieuse vieille dame que j’aie jamais connue. Un bras du docteur JD (droit ou gauche, je ne sais plus) s’arrêtait au-dessus du coude. Pour manger sa viande, il n’avait besoin de personne, mais d’un couteau bien affûté. Un vrai rasoir, mais quand même une belle dextérité.

 

Le docteur JD était-il normal ? J’ai envie de répondre « oui », mais assorti d’un « presque ». Juste parce qu’il était obligé de faire pas tout à fait comme tout le monde. Disons si vous voulez qu’il y avait quelque chose de pas normal chez lui. Un bras en moins, qu’on le veuille ou non, ça suffit pour faire une sacrée différence.

 

Et si certains handicapés sont d’admirables virtuoses du fauteuil roulant, cela n’en fait toujours pas des gens normaux. Sinon il n’y aurait pas lieu, par exemple, d’organiser des Jeux Olympiques spéciaux. Tout simplement parce qu’il faut qu’ils trouvent des solutions, qu’ils luttent, qu’ils compensent, qu’ils surmontent. 

 

Le moindre geste, le moindre mouvement que les gens normaux accomplissent au quotidien sans même y penser, les met face à autant d'épreuves. Qu'on ne me dise pas, dans ces conditions, que les infirmes et autres handicapés sont « comme tout le monde », ou alors en l'assortissant d'un « presque ». Qu'on me comprenne : je ne parle pas d'eux en termes de valeur d'être humain, mais bien de tares (encore un mot qu'on va me reprocher, je sens) physiques. Et de différences concrètes.

 

Les gens normaux n'ont pas à penser à leur corps. Les gens normaux n'ont presque pas de corps. Dans la maladie et le handicap, le corps prend le pouvoir. Et quand c'est le corps qui commande, quand tu es sans arrêt obligé de tenir compte de ses limites, et donc de limiter tes ambitions, la vie devient difficile. Parfois impossible, comme c'est arrivé pas très loin de chez moi récemment. Dans la vie normale, le corps sait se faire oublier, et se contente du rôle ordinaire de simple objet de perception et d'action. De séduction. La vie, quoi.

 

Je signale en passant aux amateurs d’étymologie la curieuse origine du mot « handicap » : il s’agissait d’un jeu anglais consistant à se disputer des objets personnels déposés dans un chapeau, à un prix proposé par un arbitre. Traduit en français, ça donne : « Main dans le chapeau ». En anglais : « Hand in cap ». Et c’est pour égaliser les chances des parieurs que les meilleurs chevaux auraient été lestés de poids variables, « handicaper » devenant synonyme de « amoindrir les chances des meilleurs, pour donner leurs chances aux moins bons, pour donner du palpitant aux paris et faire battre le palpitant des parieurs ». Les sources semblent sérieuses.

 

L’amusant de l’histoire est un éclairage original : l’ « égalité » (à la française) n’est pas exactement l’ « égalité des chances » (à l’anglaise). Chez les uns, l’affaire est politique, donc grave ; chez les autres, c’est de l’ordre du jeu et du plaisir aristocratique. Ah, parlez-moi de l’ « égalité des chances », dans l’Ecole française ! Vincent Peillon, Grand Sorcier, verse-nous ton Mana quotidien d’ « égalité des chances » !

 

Bref, une personne handicapée physique n’est « pas exactement comme tout le monde », c’est-à-dire qu’elle n’est pas normale. Et cela se mesure à son degré de dépendance des autres. Plus elle a besoin des autres, moins elle est normale. Est-ce qu’une telle phrase est obscène ? Alors qu’on me dise ce que c’est, un malade.

 

Une personne handicapée physique est anormale, juste parce qu’elle a une maladie définitive. Juste parce qu’elle n’est pas dans la norme, c’est-à-dire qu’elle se situe hors de l’immense majorité statistique, quelle que soit son habileté dans le maniement du fauteuil roulant.

 

Plus elle dépend des autres, plus elle est anormale, puisque nous raisonnons sur la base de l’autonomie personnelle des individus. Depuis la Révolution de 1789, et plus exactement le 26 août : « Article I : Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux ». C'est une Déclaration qui a fait du bruit, paraît-il.

 

Un socle en basalte, en porphyre, en granit, en ce que vous voulez, mais de toute façon sculpté dans une roche inusable, indestructible. Plus tu es libre, moins tu dépends. Plus tu dépends, moins tu es libre ; moins tu es libre, moins tu es normal. Pas de liberté sans un corps qui sait se faire oublier.

 

Message en passant à tous les adeptes du SM, ces malades de dominer ou de soumettre, qui le prendront comme ils voudront, et qui pourront toujours me répliquer qu’une déviance est une preuve de créativité par rapport à la norme, donc une preuve de liberté. Ouais. Pourquoi pas ? Bien sûr. Certainement. Si vous y tenez.

 

On ne m'enlèvera pas de l'idée qu'il est anormal d'être incapable d'avoir un orgasme sans infliger ou se faire infliger des souffrances physiques ou morales, à coups de fouet ou d'humiliation. Disons le mot : c'est une déviance. Osons le mot "perversion". J'espère que les gens qui s'adonnent à ces « plaisirs » le font comme s'ils étaient dans un jeu de rôles. Mais cela n'est pas certain. Ce n'est d'ailleurs pas exclusif. 

 

Loin de moi l'idée de faire je ne sais quelle police des moeurs, mais je n'aime pas qu'on veuille me faire prendre ma vessie pour une lanterne. « Et alors ? - Et alors il se brûle » (Pierre Dac et Francis Blanche, Le Sâr Rabindranath Duval).

 

Consentants, certes, légalement majeurs, certes, mais pour accéder à la qualité de "humainement majeur", l'âge administratif ne suffit pas. Et puis "majorité humaine", ça ne figure ni sur la carte d'identité, ni dans le casier judiciaire. Nulle part. Est-ce un tort ? Et qui aurait l'autorité et la hauteur de vue pour en décider ? L'égalité, qu'elle soit un but, une condition préalable ou un processus administratif, exclut de son champ la condition humaine, puisque, formulée ainsi, c'est-à-dire philosophiquement, elle est strictement la même pour tous. Mais je me dis que la notion de "majorité humaine" n'est pas complètement vide de sens.

 

Accessoirement, je note que, de nombreuses années après que l'homosexualité a été supprimée de la liste des affections mentales, l'APA (American Psychiatric Association) vient de pondre un dictionnaire des désordres mentaux (DSM 5). Je crois bien avoir lu qu'ils en ont trouvé 500. Coluche aurait dit : « Jusqu'où s'arrêteront-ils ? ». Je pose la question : les psychiatres de l'APA sont-ils normaux ? Beaucoup de psychiatres français semblent penser que non.

 

Il y a des jours où je me félicite d'être né sur le « Vieux Continent ». Jusqu'au jour, si je ne meurs pas avant, où je serai devenu le « Vieil Incontinent ».

 

Quoi, ça ne vous fait pas rire ? Moi si. Positivement, vous ne me voyez pas, mais là, je me marre.

Voilà ce que je dis, moi. 

jeudi, 16 mai 2013

AH ! FAIRE SOCIETE !

 

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***

 

« Vivrensemble ! Vivrensemble ! Ouais ! Ouais ! » Un joli slogan, coquet, seyant, qui fait très bien sur la banderole, et que les défileurs des rues manifestantes ne rechignent jamais à gueuler de tout leur enthousiasme, y compris dans le mégaphone badgé CGT. Une mode qui se porte ample, près-du-corps ou moulante : tous les goûts sont dans l’égout. Corollaire : toute la nature est dans la nature. Et comme il y a de moins en moins de nature, il ne reste plus que l’égout.

 

Non, sérieux, qui est-ce qui en veut, aujourd’hui, du « vivrensemble » ? Qui en veut vraiment ? La vie fait à tout le monde des trajectoires parallèles. Or les parallèles ne se rencontrent qu’à l’infini. Oh si, ça s’entrecroise bien à l’occasion, mais chacun avance sur ses rails. On s'entrecroise moins qu'on ne se frôle.

 

Le lien social, aujourd'hui, c'est l'effleurement, comme le prouve le téléphone portable, qui autorise votre ami à interrompre votre conversation, au risque de perdre le fil, et qui montre qu'à ses yeux, vous n'avez pas l'importance vitale qu'il vient de vous déclarer les yeux dans les yeux. Les conséquences peuvent être beaucoup plus embêtantes si vous étiez en train de faire l'amour avec votre petite amie. Faire société ne fait plus sens. Pourquoi sommes-nous ensemble ? Tout le monde se le demande. Pourquoi ceux-ci et pas ceux-là, après tout, puisque « je le vaux bien » ?

 

Après tout, la vie privée donne l’exemple : pourquoi épouser celle-ci plutôt que celle-là ? De toute façon, ne nous marions pas, parce que ça finira par un divorce. Ou alors, marions-nous avec des gens de même sexe, pour surfer sur la vague du dernier cri de la modernité. Vivons le temps que nous pourrons avec quelqu’un, tant que ça nous satisfait. Après ? « Vous vous changez ? Changez de Kelton », disait une vieille pub pour des montres. Au fait, qu'est-ce que c'est devenu, Kelton ?

 

Même chose avec les gens : vous en avez marre « de lui voir tout le temps le nez au milieu de la figure » (Tonton Georges) ? Changez ! De montre, de voiture, de look, de compagnon ou de compagne, de smartphone, ce que vous voulez, mais changez. Tout le monde est interchangeable : pas besoin de se gêner. Faire société ? C’est quoi, cette fatrasie ?

 

De toute façon, le « faire société » se délite, alors comme il faut bien vivre, jetons les valeurs communes (la nation) ; jetons-nous dans « l’associatif » pour retrouver de la proximité et du semblable homogène, et laissons privatiser les biens communs. Privatiser : le bien commun est devenu un investissement rentable.

 

HÔTEL DIEU 3.jpgGérard Collomb, « grand-maire » de Lyon, a vendu le quartier Grolée à Cargill, 49 immeubles de la rue de la République au fonds d’investissement du duc de Westminster. Entre-temps, il a eu l’occasion de vendre l’Hôtel-Dieu, monument historique avec son dôme de Soufflot, pour en faire un hôtel de luxe : de l’Hôtel-Dieu à l’hôtel de luxe.HÔTEL DIEU 4 PROJET.png Moralité ? Pas de moralité. On brade le bien commun. On privatise. Les dirigeants donnent l’exemple : on ne veut plus « faire société ». Ci-dessus (côté quai) l'état d'origine, et ci-contre (côté rue Bellecordière), l'état futur (!!!) de ces vénérables bâtiments.

 

Regardez la Grèce. Sans parler d’une fille Onassis qui, à 28 ans, vend l’île de Skorpios héritée de son (arrière ?) grand-père, parce qu’elle en a marre de son pays, ce qui est son droit, le gouvernement a vendu l’Acropole, non, pas celui d’Athènes, quand même, mais celui d’une petite ville à côté de Corfou sur l’Adriatique, pour y laisser construire un hôtel de luxe. Remarquez, ils ont bien vendu le port du Pirée aux Chinois.

 

Regardez les semences agricoles : Monsanto vient d’obtenir un arrêt superbe de la Cour Suprême des Etats-Unis pour commercialiser en toute liberté (et surtout en toute exclusivité) ses variétés inventées et dûment brevetées, et s’apprête, après de gros efforts de lobbying, à en inonder l’Europe. On appelle ça la privatisation du vivant.

 

Où en reste-t-il, du bien commun ? En vérité, je vous le dis : il est à vendre. C’est bien la preuve qu’il ne reste plus grand-chose pour « faire société », non ? D’abord, on est trop nombreux. Ensuite on est trop différents. Enfin on est trop indifférents. Comment voulez-vous « faire société » ?

 

On en est là. Avouez que ça commence à faire beaucoup, pour ce qui est de « faire société » : la décomposition est en voie d’achèvement. Un : pulvérisation du « corps social » en « associations » et autres « communautés » (geek, religieuses, orientation sexuelle et autres petites ou grandes manies, …). Deux : dissolution de la nation et de son histoire dans le grand bain mondial indifférencié. Trois : la grande privatisation du bien commun. Et c'est pas fini.

 

Et on parle encore de « société ».

 

Voilà ce que je dis, moi.