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vendredi, 16 février 2018

UN PETIT TOUR SUR LES PENTES

II/VI

Côté Saône.

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On va descendre par la rue de l'Alma (pas de zouave, ici, seulement un souvenir de Crimée, et encore).

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J'ai habité une chambre située au rez-de-chaussée face à ce paysage.

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Avec une bonne loupe, on aperçoit deux explorateurs de bouche en train de parfaire leur technique.

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Arrivée au "Jardin des Plantes" (appellation officielle).

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L'escalier des Carmélites.

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Impasse Fernand Rey (ce conseiller municipal et adjoint au maire, bien connu de ses proches, mort en 1945, a aussi une (petite) rue et même une (toute petite) place).

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La falaise au bout de la rue de la Vieille (qui fut aussi rue du Vieux-Loup, rue de la Monnaie, rue de la Monnaie Saint-Vincent – la paroisse et le quai ne sont pas loin – et rue de la Vieille Monnaie).

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La falaise au-dessus du jardin Saint-Benoît.

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On s'apprête à remonter par le passage Gonin (du nom d'un ancien propriétaire).

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Un jardin, avec quelques salades et quelques nichoirs.

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Montée de Vauzelles (une famille de notables au XVI° siècle).

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Montée Lieutenant-Allouche (assassiné par les Allemands – je devrais dire "nazis", mais – en 1944 à Grenoble).

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Retour à la rue de l'Alma et au plateau.

jeudi, 15 février 2018

DRÔLES DE RUE DE LYON

"C'est pas seulement à Paris que ..." (c'est "L'Assassinat" de Georges Brassens qui commence comme ça).

RUES DE PARIS 1.jpgJ'allais dire : c'est pas seulement à Paris qu'il existe un dictionnaire desRUES DE PARIS 2.jpg rues, nous à Lyon aussi l'on a .... Mais ce n'est pas vrai. D'abord, à Paris, ils ont Jacques Hillairet, et personne ne pourra faire comme si : il existe un et un seul Jacques Hillairet. En plus, son extraordinaire ouvrage (deux volumes augmentés d'un supplément) s'intitule Dictionnaire historique des rues de Paris (Minuit), deuxième raison qui le rend incomparable.

RUES DE LYON MAYNARD.jpgTroisième raison : l'ouvrage de Louis Maynard ne se veut pas "Dictionnaire", encore moins "historique". Beaucoup plus modeste, il seRUES DE LYON VANARIO.jpg propose sous le titre Rues de Lyon (Jean Honoré, 1980), sans plus. Même l'ouvrage de Maurice Vanario, le continuateur de Maynard, ne s'est voulu ni "dictionnaire", ni "historique". Vanario, "Sous-Archiviste", « sous la direction de Henri Hours, Conservateur Municipal des Archives de la Ville de Lyon » a publié presque sous le même titre (Les Rues de Lyon à travers les siècles, LUGD, 1990), une sorte d'inventaire sérieux et complet de toutes les artères qui traversent, aèrent et desservent la cité (y compris les "voies privées").

Cela donne un livre de pas 300 pages in-octavo, dans lequel, hélas, revient comme une rengaine l'expression "origine inconnue", quand l'œuvre de Hillairet – trois volumes de grand format (on dit, paraît-il, "in-quarto"), dont deux très "robustes" (700 et quelques pages sur deux colonnes chacun) – va constamment tout au fond des choses. Si je prends au hasard la rue du Cardinal-Lemoine, voici comment s'annonce l'article : « V° arrondissement. Commence 17 quai de la Tournelle. Finit place de la Contrescarpe. Longueur 680 m. ; largeur 12 à 20 m. » (la rue de Vaugirard s'étale, elle, sur plus de 4km.). On ne saurait être plus précis.

Et l'auteur enchaîne sur un condensé de l'histoire de la voie, puis passe en revue tous les numéros dont il y a quelque chose à dire (parfois fort longuement, en fonction de). J'imagine volontiers que pour rédiger cette œuvre d'une vie, Jacques Hillairet a usé bien des pantalons sur des chaises de bibliothèques ou de salles d'archives. On le voit, le "cahier des charges" n'a rien à voir. Maynard puis Vanario se contentent d'un répertoire.

Il n'est d'ailleurs pas sûr que la capitale des Gaules mériterait que quelqu'un s'engageât dans une telle besogne, d'autant qu'aucun baron Haussmann n'est venu compliquer la tâche en bouleversant à ce point les traces du passé, et que le nombre des gens dignes de figurer dans l'histoire pour y avoir vécu reste d'une modestie provinciale, une fois jetés les noms de Louise Labé, Rabelais, Herriot, Henri Béraud ou Albert Londres. Inutile de nier le pouvoir d'attraction de la capitale. Il y a aussi des Rastignac en puissance chez les "bons gones", et même ches les "mamis que sont pas de cogne-mous" (voir il y a quelques jours).

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Nos rues, avenues, places, boulevards, quais, impasses, montées portent, comme partout ailleurs, des noms en général ordinaires (je veux dire préfet normal, philanthrope obscur, député honnête (!), martyr de la Résistance, aviateur lyonnais, fabricante d'étoffes de soie épouse de Jacques Ray, professeur de minéralogie et géologie, sixième adjoint au maire, imprésario bienfaiteur des œuvres laïques, maître imprimeur, navigateur et autres célébrités mémorables) avec, ici ou là, des curiosités bien propres à appâter l'amateur de couleur locale (rue du Manteau jaune, rue des Quatre chapeaux, rue du Plâtre, etc...).

Je suis cependant curieux d'apprendre s'il existe, dans une seule des 36.000 communes de France, une "Rue des Actionnaires". Oh, ce n'est vraiment pas grand-chose, cette rue : un pâté de maison, tout au nord de la Croix-Rousse, tout en bas des pentes, presque à la limite de Caluire. Bon, c'est vrai, c'est une église dotée de son jardin (Saint-Eucher), mais est-ce que ça justifie ? Et en face, on ne voit aucune entrée d'immeuble. Ça ne fait quand même pas beaucoup d'habitants au mètre linéaire. Je n'ai pas fait attention, mais il n'est pas impossible que la rue des Actionnaires ne comporte aucun numéro ! L'Histoire est une vieille dame cynique, quand on voit la place gargantuesque qu'ont prise les actionnaires (fonds de pension, fonds souverains, fonds spéculatifs, fonds vautours, etc.) dans la marche du monde actuel.

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La voilà, la rue des Actionnaires.

Voici ce que nous indique Maurice Vanario à l'article "Actionnaires" (rue des, 4°) : « Tenant : rue Eugène Pons. Aboutissant : rue Mascrany. En souvenir de la compagnie financière constituée, sous la Restauration, pour créer le quartier Saint-Eucher. Attesté en 1849 (dél. C. M.). Devenue rue du Tribun en 1849 (dél. C. M. 17 janvier). Redevient rue des Actionnaires en 1852 ».

C'est un peu court, vieil homme,

On pouvait dire, oh dieu, bien des choses en somme.

Edmond Rostand (enfin presque).

Mais n'est pas Edmond Hillairet qui veut. 

mercredi, 14 février 2018

UN PETIT TOUR SUR LES PENTES

I/VI

Côté Rhône. 

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Vu de la montée Rater.

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Un petit bout de la montée Bonafous.

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Une des entrées, dit-on, vers les "arêtes de poisson".

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Ci-dessus / ci-dessous :

"Champ-contrechamp" montée Rater / cours d'Herbouville.

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On retourne vers le plateau par la montée Coquillat : avouez que ça fait un peu "dégueuloir", et la falaise des Fantasques au bout, n'encourage pas, et la hauteur des marches a de quoi dissuader, et ....

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La toute petite rue Philibert Delorme.

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Au bout de la rue de Magneval, l'escalier.

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« Ô récompense après une montée

Qu'un long regard sur le calme des lieux. »

Paul Valéry (enfin presque).

dimanche, 11 février 2018

GUIGNOL

"Guignol" est un mot qui appartient à la famille des antonomases célèbres, et compte ainsi dans son cousinage par force des gens aussi estimables que le frigidaire, la poubelle ou le sandwich, substantifs en général issus des nobles lignées qui ont eu le génie de faire don de leur patronyme au Dictionnaire. Je ne vais pas réécrire son histoire : ce serait forcément moins bien que tous ceux qui se sont donné la peine de le célébrer.

Parmi ces gens d'un goût très sûr qui savent reconnaître le génie, on trouve Alfred Jarry, que le Père François (je veux dire le pape, qui me l'a dit en confidence la semaine dernière) s'apprête à canoniser en grandes pompes, à cause du culte sans faille que l'illustre écrivain a rendu à sa majesté l'Absinthe, au point de lui faire le sacrifice de son existence (même si l'hypothèse est controversée ; notez que Christophe Colomb lui-même n'a été recalé qu'à la suite d'un procès en canonisation en bonne et due forme, cf. La Harpe et l'ombre d'Alejo Carpentier). Gloire à Alfred Jarry, saint et martyr, qui a inclus dans ses Minutes de sable mémorial un mémorable Guignol qui prouve en l'instaurant la parenté indubitable de son Ubu avec notre marionnette lyonnaise.

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Photos des marionnettes de Guignol (Chignol pour les intimes) et Gnafron, prises au musée de Gadagne dans les autrefois (années 1970). J'ignore comment elles se présentent, aujourd'hui que l'hôtel de Gadagne a été transformé de fond en comble. 

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Ici, admirez juste la rusticité raffinée du travail du sculpteur et la magnifique teinte vermeille qui orne la trogne de ce misérable buvanvin* de Gnafron. C'en est au point qu'une maison de vin de chez nous avait fait de la marionnette un emblème renommé sous nos latitudes.

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Je me sens mauvais Lyonnais : je ne suis retourné à Gadagne que pour m'asseoir en été à une table des "jardins suspendus", au quatrième étage du musée (photo ci-dessous). Je recommande le lieu, on est à hauteur de toit, accroché à la colline, bien loin des rumeurs et des miasmes urbains. Une riche bonne idée ! Mauvais Lyonnais ? Je n'ai jamais été folkloriste, et ai renoncé à le devenir un jour : les folkloristes m'ennuient autant que les touristes revenus d'ailleurs pour une "soirée diapos".

Je ne suis pas davantage le militant de mes origines. Je laisse ce sale boulot à de pauvres excités insulaires même pas comiques, qui nous emboconnent l'atmosphère avec la singularité que leur confère leur insularité. Certaines "singularités collectives" ressemblent à des phénomènes de foire, vous savez, ces "hommes-trépied", "hommes-tronc", "femmes-serpent", frères siamois ou femmes à barbe, qui ne pouvaient gagner leur pain qu'au cirque. Et je ne suis pas non plus un collectionneur frénétique d'images et de "couleur locale". Je me contente de picorer à l'occasion dans le catalogue des fleurs qui un jour ont poussé sur ces terres.

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Pour parler franchement, les Lyonnais ne parlent plus le lyonnais depuis bien longtemps. Combien savent ce qu'était un trancanoir ? Qui parle encore d'équevilles ? Je ne suis même pas certain qu'ils connaissent un peu le théâtre de Guignol, annexé par les "actions culturelles à destination des enfants", alors que Laurent Mourguet destinait aux seuls adultes les dialogues de ses pièces dont, si je ne me trompe, il n'a pas laissé d'originaux. Remarquez, j'ai l'air de critiquer, comme ça, mais j'ai moi-même glissé les mains dans les gaines de quelques pantins en compagnie d'un oncle, très cher à ma mémoire quoiqu'il fût prêtre, pour distraire petits et moins petits, par quelque après-midi pluvieux (Le Déménagement, Les Embiernes, La Racine d'Amérique, ...). Mais c'était indéniablement lui qui prenait l'accent de par chez nous avec le plus d'authenticité (il n'avait pas son pareil pour glisser dans les conversations des lyonnaiseries : "comme un coq en plâtre", "en tapis noir", etc.).

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Le digne magistrat Jean-Baptiste Onofrio, qui assistait incognito aux représentations de Mourguet en a pieusement recueilli assez de bribes (y compris sur ses manchettes – on pense aux omoplates de chameaux de Mahomet pour le Coran) pour offrir un beau recueil de pièces (1865), imité beaucoup plus tard (1925, ci-dessus) par Les Amis de Guignol, Justin Godart, Mgr Lavarenne, Ernest Neichthauser (qui fabriquait les marionnettes) et d'autres.

Ce n'est pas sous la plume de l'auguste magistrat Onofrio qu'on trouve la pièce de Guignol, hélas méconnue, pochade intitulée Le Sarsifi petafiné, à ne pas mettre entre des mains inaverties. La justification du tirage (ou l'achevé d'imprimer) portait fièrement la phrase : « Cette pièce ne sera jamais réimprimée ». A la lecture, on comprend que les éditeurs étaient des gens d'une extrême pudeur. Le thème, bien qu'autrement formulé, s'en retrouve curieusement dans le film de Claire Denis Trouble every day (2001), avec une Béatrice Dalle pleine de dentition aiguisée et d'hémoglobine. Il est question d'un accident subi par Guignol sur une partie de lui-même à laquelle les messieurs tiennent en général beaucoup. Il serait malséant que j'en dise davantage. On devinera à partir de là le rôle des dents de Béatrice Dalle.

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Le dessinateur Berlion et son scénariste Corbeyran, dont j'ai évoqué les "Sales mioches" récemment, donnent un coup de chapeau à Guignol dans les pages de garde de leurs albums : bien maigre consolation, qui n'offre que le côté caricatural du folklore. Ci-dessous on voit le tandem infernal, avec sa mise en abyme pour faire le lien avec les "mioches". Notez que le cadre est sympathique : le castelet du parc de la Tête d'Or, sur fond de kiosque à fleur de la place Bellecour (je ne suis pas sûr de l'exactitude de ce détail, M. Berlion, d'autant que Guignol est dépourvu de la "tresse" que tout bon canut se devait de porter à l'époque de Mourguet).

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Le vieux, le grand, le magnifique Gotlib avait donné une version autrement "moderne", décapante et "détrancanée" à souhait de la caricature. Mais Gotlib était un peu plus "voyou" dans son dessin, puisqu'il s'en passait de belles dans le castelet (Rubrique-à-brac tome I).

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La tradition des bons gones s'est vaille que vaille maintenue et soutenue jusqu'à la deuxième guerre, grâce à la vigilance active de la Société des Amis de Guignol. A partir de 1945, la France semble avoir brutalement rompu avec l'esprit de "Résistance", puisqu'elle a accueilli à bras ouvert le Grand Débarquement des Nouveautés venues par cargos entiers d'outre-Atlantique. C'est alors que la "culture américaine" (si ce n'est pas un oxymore) a supplanté la vieille Culture Française, à laquelle elle s'est contentée de dire, avec ses gros bras musclés : « Ôte-toi de là que je m'y mette ! ». Exit Guignol.

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C'est dans la publication annuelle de cette honorable société (Almanach des Amis de Guignol) qu'on trouve des récits bien canants, comme l'histoire du pari fait par le Glaudius et le Toni ou celle de la Commode de la cousine Stéphanie (Catherin Bugnard, de célèbre mémoire). Je grossis ci-dessous l'exposé des motifs de cet immortel réservoir de lyonnaiseries.

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Le cogne-mou, ça dit bien ce que ça veut dire, si l'on se représente le monsieur en bûcheron. Et pour 159 sous, il n'y a pas de raison de se priver.

Note : Voici la définition que Nizier du Puitspelu donne de "buvanvin" : « Ivrogne. Jean Brunier (prononcez Bruni), notre granger, était un brave homme, mais quelque peu buvanvin. Un dimanche, à trois heures, mon père le trouve le pouce sur le loquet du Bon Coin, à Saint-Irénée. – Eh, Jean, que faites-vous là ? – Monsu, j'allôve à vêpres. – Au moins, disait mon père, s'il n'avait pas eu le pouce sur le loquet ! ».

lundi, 29 janvier 2018

POURQUOI LA CROIX-ROUSSE ?

POUR ÇA !

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Rue des Pierres plantées. Trop de monde le dimanche après-midi. La faute à la Grande-Côte, qui assure le drainage.

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Rue Pouteau. Là on est sûr d'être plus tranquille.

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Boulevard de la Croix-Rousse. Au fond le Mont Blanc, juste à côté du "Gros Caillou"..

Trois raisons, parmi beaucoup d'autres.

vendredi, 26 janvier 2018

LA BD EN VISITE A LYON (5)

Aujourd'hui : sa Majesté JACQUES TARDI débarque à Lyon.

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Cela commence en gare de Perrache en 1941.

Nul besoin de faire les présentations : Tardi domine le paysage (en compagnie de quelques anciens toujours vivants). Il n'a plus rien à prouver depuis lurette. Et je n'ai pas grand-chose à en dire, puisque ses dessins se passent de commentaires et que ses récits, de Adieu Brindavoine et Rumeurs sur le Rouergue à Moi, René Tardi, en passant par Le Démon des glaces, Adèle Blanc-Sec et les adaptations de Léo Malet, Jean-Patrick Manchette, Daniel Pennac (l'étrange et dérisoire La Débauche, où un tigre de zoo est mis au service d'une vengeance, si je me souviens bien) ou de Géo-Charles Véran (l'implacable Jeux pour mourir) ont assis l'autorité du puissant narrateur visuel.

Je place à part l'énorme travail que Jacques Tardi a consacré à la guerre de 1914-1918, par lequel l'auteur a tenté de venger (mission impossible : ils ne seront jamais vengés) les millions de morts, toutes nations confondues, en leur élevant un cénotaphe digne de la boucherie industrielle à laquelle ils ont été sciemment envoyés (mais c'est la mort qui avait le plus gros appétit).

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Je lui pardonne de n'être pas un Lyonnais pur sucre (« Tout le monde peuvent pas être de Lyon, il en faut ben d'un peu partout », dit La Plaisante sagesse lyonnaise de Catherin Bugnard), même s'il a fait un tour par la rue Neyret (ancien siège de l'Ecole des Beaux-Arts).

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Rue Bellecordière (= Louise Labé).

Je lui sais grand gré d'avoir refusé de se faire introniser "Légionnaire d'Honneur" (dans le cerveau de quelle infâme limule mentale l'idée a-t-elle germé un jour ? La limule étant ce crustacé – pardon : cet arthropode – géant qui envahit un jour les aventures d'Adèle Blanc-Sec – la même qu'Alfred Jarry qualifie de « bête marine la plus esthétiquement horrible », pas Adèle, la limule !).

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Est-ce bien Tardi et sa femme qui font le coup de feu sur les barricades de la Commune (tome 3 de la série Le Cri du peuple) ? Je me suis demandé.

Il a épousé en 1983 (dit l'encyclopédie en ligne) Dominique Grange, fille d'un ophtalmologiste renommé (Jean si je me souviens bien) qui officiait Boulevard des Belges, grand monsieur qui vous examinait avec une gravité bienveillante, et qui était l'ami de mon grand-père, le docteur Paliard. 

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Les Brotteaux.

A vrai dire, Tardi ne parle pas souvent de Lyon dans ses bouquins, mais quand il le fait, c'est comme s'il y avait toujours vécu. En vérité, sauf ignorance de ma part, il en parle dans 120 Rue de la gare, et nulle part ailleurs. 

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Il n'y a plus de bistrot passage de l'Argue.

Bon, ce n'est pas lui qui manifeste son humeur contre Lyon (« Putain de brouillard ! Putain de ville ! »), c'est Léo Malet, l'auteur du roman,

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Pas si gâteux que ça, si j'en crois ses lectures (supposées).

qui fait dire à son Nestor Burma du mal de notre ville, quand celui-ci sort en balade de l'Hôtel-Dieu où il se remet de quelques blessures (il a failli passer sous le train démarrant de Perrache, en voulant en descendre).

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Le péristyle de l'Opéra, bien avant Jean Nouvel.

Le séjour forcé de Burma dans la "capitale des Gaules" donne l'occasion à Malet-Tardi de livrer un portrait de la ville, qu'ils revêtent d'une tonalité étonnamment homogène, quoique peu engageante : le brouillard, l'humidité, le pavé luisant, tout y est déprimant. C'est du dessin en noir sur fond gris, avec très peu de blanc.

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Le superbe pont de la Boucle.

« Cette charipe de brouillard » (vous savez, ce truc épais et jaunâtre descendu des Dombes qui a joué des tours au Glodius et au Tony qui, ayant éclusé bien des pots (on mesurait au mètre de comptoir), descendaient la rue Pouteau pour aller aux Terreaux « droits comme des bugnes » et qui se sont retrouvés à la Doua) baigne toutes les scènes extérieures d'un halo poisseux. Peut-être à l'image de l'intrigue, dont je ne me soucie pas ici. Disons juste que Burma croise au Stalag XB le chemin d'un drôle d'amnésique qui va le mener plus loin qu'il pensait, dans une drôle d'affaire. Et même une affaire pas drôle.

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La Ficelle Croix-Paquet avec son "truck", et la gare du même nom.

Ce qui est sûr, c'est que Lyon, tout triste qu'il soit, existe fortement dans le dessin de Tardi. Contrairement à ce qu'on trouve chez Kraehn et Lacaf, dont je parlais dernièrement, la cité est rendue de façon furieusement "ressentie". Elle en acquiert une présence presque tactile et désolée. Attention, c'est le Lyon des années 1940, une sacrée contrainte pour la documentation (Tardi est né en 1946) : il y a des îlots de galets et de gravier au milieu du Rhône, la ligne 7 va de Perrache à Cusset, les voitures circulent à double sens rue de la République et accèdent sans problème à la gare, l'Hôtel-Dieu est un hôpital (et pas un hôtel 5 étoiles), il n'y a pas (encore) de tunnel sous la Croix-Rousse, etc. Tardi est documenté, qu'on se le dise.

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La gare de Perrache, accessible aux voitures.

On se dit qu'il s'est beaucoup baladé. On reconnaît la rue de la Bombarde, on reconnaît la rue de la Monnaie, avec son trottoir et ses dames dessus,

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on reconnaît la rue Eugène Pons, avec son escalier au fond, où habitaient M. et Mme L.-R., un couple de professeurs de philo. Il adresse même un salut fraternel à la rue Petit-David et à l'Adrienne qui y régnait, femme ô combien d'Expérience. Ce Lyon-là est à proximité immédiate et parle la même langue que moi. 

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Adrienne pas loin de sa librairie de la rue Petit-David (mais ce n'était pas en 1941), un vrai lieu de perdition pour les amateurs de BD : retour d'Angoulême, elle vendait 150 francs – une somme à l'époque – le capitaine Cormorant d'Hugo Pratt en sérigraphie. J'avais plongé. J'étais fou de Pratt, que j'avais découvert dans Pif Gadget, mon petit frère y était abonné. Aux avant-dernières nouvelles, il est coté 900 euros (le Pratt, bien sûr, pas mon petit frère). Merci Adrienne.

Le plus convaincant, dans la façon dont Tardi aborde la ville de Lyon, c'est qu'il n'y passe pas en simple touriste : il s'y attarde, il détaille, il insiste, il savoure (avec une moue de dégoût, mais quand même) : son pont de la Boucle n'est pas un simple figurant (c'est un exemple parmi bien d'autres).

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L'ancienne BM de Lyon, non loin du chevet de la cathédrale, où l'on attend 8.000 personnes ce matin pour les obsèques de PAUL BOCUSE. J'y serai, mais juste en bas de la tour des cloches, pour entendre la grosse voix d'Anne-Marie, celle qui retentit pour honorer les défunts (ci-dessous, on n'est pas obligé d'écouter les 9' et quelque). Faites juste l'expérience, si vous êtes sensible à la magnificence d'un son à écouter pour lui-même : attention : juste sous la tour des cloches (un "clocher", quoi : c'est à gauche quand on regarde la façade).


Résultat des courses : en fait de 8.000 personnes, j'ai vu place Saint-Jean environ 150 parapluies qui se couraient après, protégés par autant de CRS et de militaires et autres gendarmes, et à un micro éberlué qui me demandait si j'étais triste, j'ai aussitôt répondu : « Non, je viens juste écouter le bourdon de Saint-Jean ». C'était vrai, mais en fait de bourdon, une armada de hauts-parleurs déversaient à l'extérieur une improvisation à l'orgue qui a failli me gâcher le plaisir. J'ai refait le tour (pas question de traverser sans "accréditation") pour aller faire le poireau sous le clocher, place Sainte-Croix. J'ai quand même eu le concert dont j'étais probablement le seul auditeur. Dommage, on fait sonner Anne-Marie une quinzaine de fois par an, paraît-il, alors autant en profiter, non ?

Par exemple, pour qui a rendu visite à des proches à l'Hôtel-Dieu, avant même toutes les rénovations des lieux, je veux dire à l'époque d'avant les chambres, ce qui est mon cas, c'est comme si on y était, sauf qu'entre-temps, chaque lit de la salle immense avait été doté de rideaux censés isoler le malade du regard des autres (mais pas du brouhaha permanent, ou des odeurs).

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Bravo à Nestor Burma, capable de descendre de face et les mains dans les poches l'escalier qui mène au bas-port : ce n'était pas à la portée de n'importe qui, vu l'angle.

Même chose pour l'ancienne gare des Brotteaux (désormais salle des ventes) ou pour le Pont de la Boucle (belle architecture métallique maintenant détruite). Burma va même se balader sous le péristyle de l'Opéra, c'était bien avant Jean Nouvel, au temps qu'on y trouvait encore des échoppes : côté Puits-Gaillot des tutus et chaussons de danse, des bouquins (mes premiers Jerry Spring et mon Bergson du centenaire aux PUF), des pipes du pipier Nicolas et, du côté Joseph-Serlin, tout pour la philatélie. Tardi ne va pas jusqu'à dessiner la vespasienne à l'angle de la rue Luigini. Tant pis. De toute façon, il n'y a plus de vespasienne à Lyon : Decaux et la publicité en ont fini avec l'édicule pissatoire, maintenant il y a de la place pour huit.

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Le Rhône au pont Morand, sur fond de place Tolozan, quai Saint-Clair et colline de la Croix-Rousse mangée par le brouillard.

De la page 21 à la page 107 de 120 rue de la Gare, Tardi vous fait donc visiter Lyon en vous répétant que c'est une « putain de ville », mais de telle manière que ça donne envie de se sentir chez soi. 

Voilà ce que je dis, moi.

Note : je ne résiste pas au plaisir de citer une vignette de la page 174, où Tardi s'offre la tête de deux philosophes célèbres, présentés comme un « couple insignifiant », aujourd'hui enterrés au cimetière du Montparnasse.

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Si la dame ressemble à une de ses photos de "jeune fille rangée", l'auteur renvoie le monsieur à un anonymat mérité de bon gros à lunettes (au physique de crapaud dans la réalité). Dans La Variante du dragon, Golo, plus explicite et fidèle si l'on veut, n'y était pas allé de main morte. 

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Allez, encore un petit coucou à un vieux de la vieille de la flicaille familière, à qui il fallait toujours cinq minutes de plus à la télé pour trouver la solution de l'énigme, et qui ne s'appelait ni Thomas, ni Petit.

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mercredi, 24 janvier 2018

LA BD EN VISITE A LYON (4)

Aujourd'hui, un nommé LACAF.

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Parmi les BD dont le récit est situé entre Rhône et Saône, il en est une dont le style de dessin ne me plaît guère : rien à voir avec la "ligne claire". L'auteur a le trait épais et le contraste accusé jusqu'à l'expressionnisme, la couleur un peu crade, grasse et glauque. Il tire le décor et les personnages vers un réalisme exacerbé, parfois jusqu'à la violence. L'ensemble ne craint pas de flirter avec la vulgarité. C'est du moins ainsi que je lis la série Macadam de Lacaf (il semblerait que ce soit son vrai nom). Simple question de goût.

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Champ / contre-champ passage Thiaffait, entre Burdeau et René-Leynaud : rien à dire. Avec (en bas) le bout de l'escarpin du malade mental en uniforme de travelo (mais le flic en bas, flanqué de Malika et Farida, deux frangines qui ne se supportent plus à l'idée de s'être succédé dans son lit, ne sait pas que c'est lui).

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On se dit que le sujet n'est pas pour rien dans le choix du style : l'inspecteur Klein (il ne nous laisse pas ignorer qu'il est juif, il évoque avec son père les enfants d'Izieux, « juste avant que Barbie n'envoie tous les enfants à la mort ... en 44 ») est lancé à la poursuite d'un tueur en série particulièrement retors, expéditif dès qu'il s'agit d'échapper à la poursuite, et qui ne recule devant rien, peut-être parce qu'il n'a plus rien à perdre. Il ne faut pas moins de trois épisodes pour en finir (dans le sang) avec le sinistre personnage. Seul le troisième et dernier se déroule dans la "capitale des Gaules", et dans le trente-sixième dessous des bas-fonds sociaux.

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L'inspecteur Klein monte à la Croix-Rousse par la rue Saint-Marie des Terreaux, puis redescend de Fourvière par la montée des Chazeaux, après avoir causé avec son père (par téléphone) sur l'esplanade.

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Personnellement, j'adhère peu à l'histoire, trop "spéciale" si l'on veut, au point de tomber dans la caricature : prenez un assassin complètement à la masse, en liberté dans la bonne ville où coule le beaujolais, faites-en le fils dégénéré de Fernandez, un ancien "soldat" de l'Algérie française auquel quelques musculatures (le sergent Alsarès) sont restées fidèles, faites revenir avec un ponte des Renseignements Généraux, le tout baignant dans la soupe illégale des plus belles fleurs de la pègre lyonnaise, agitez, chauffez, c'est prêt à servir.

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Un rodéo rue Grognard, qui finit tranquillement en compagnie du ponte des RG, juste au-dessus de la rue des Fantasques, véritable balcon avec vue imprenable. Les Fantasques, ce fut aussi un excellent restaurant où, pour bénéficier de la vue, il fallait s'y prendre très à l'avance.

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Rien que l'énumération à la page 37 des "honorables confréries" de l'agglomération fait bien marrer et vaut son pesant de gibelotte à la Bocuse, tout y passe et tout le monde répond à l'appel de "Georges", celui qui réussit à unifier ce beau monde en une assemblée qui diffère en tout point de celle qu'on trouve à la fin de Tintin en Amérique (on comprend l'expression "ligne claire") : « Je peux compter sur la participation de tous ? Les dealers ? - O.K. !... - Les gosses roumains et yougos ? - O.K. ! - Les putes ? - O.K. ! - Les travelos et les pédés ? - O.K. ! - Je m'occupe des jeux clandestins, des clubs et des bordels ! Au boulot ! ». Arrête, on n'en peut plus, coco ! Ils sont unanimes pour dire avec Georges : « Ça veut dire : si on le trouve, on le bute ! C'est clair, non ? ». Il faut les comprendre, ces braves gens : ce malade commence à semer une pagaille noire dans leurs petites affaires. Ce sont des gens d'ordre et au besoin, ils font le ménage.

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On a changé de monde.

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Alors le Lyon de Lacaf, maintenant ? Je dirai la même chose que pour Kraehn : un Lyon parcouru à grandes enjambées, et qui ne sert que de toile de fond. Avec cette différence notable que Lacaf présente beaucoup plus de lieux identifiables que Kraehn. Mais avec quelques menues approximations en passant.

La première est plus une interrogation qu'une affirmation, à propos de la "ficelle" de Fourvière : ce funiculaire est un couple de voitures tenues par un câble ("ficelle") d'acier, qui se croisent au milieu de la pente sur une partie dédoublée de la voie. La gare supérieure abrite le moteur et les poulies qui mettent les deux voitures en mouvement : quand l'une monte, l'autre descend. La question est la suivante : qui conduit ? Il me semble bien que l'initiative revient à une personne depuis une cabine centrale de contrôle, et que le rôle des employés assis dans les deux cabines se réduit à fermer les portes et à signaler au micro que tout est prêt pour le départ. Celui-ci serait donc donné de l'extérieur, l'employé n'étant un "conducteur" que par abus de langage. Si je ne me trompe pas, le "conducteur" peut sans doute freiner d'urgence au cas où, mais il n'a aucun moyen de remettre en route à son gré, comme Lacaf le raconte dans la scène finale (on ne confie aucun véhicule à deux "conducteurs").

Autres approximations, quand il montre la bibliothèque universitaire de Lyon II, incendiée en 1999,

 

Il y aurait comme du flou dans la toiture incendiée (ci-dessous photo Sylvestre en 1886) : tout le monde peut admirer le superbe double arrondi latéral du toit.

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ou l'appartement de canut que le héros retrouve sans trop d'émotion (il est originaire de par là) : « ... et mon appart sous les toits, haut de plafond parce qu'on y entassait les métiers à tisser et les ouvriers qui couchaient sur place pour un salaire de misère ... ». Soit dit en passant, on ne connaît guère à la Croix-Rousse d'appartements de canuts qui soient situés sous les toits, justement à cause de la hauteur (4 m. pour le métier). Il s'agit de s'entendre sur "haut de plafond".

 

Y a du flou dans le canut (notez la hauteur relative des personnages, les tomettes au sol et l'échelle pour monter à la soupente-chambre à coucher : là, on peut dire que c'est "haut de plafond").

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En dehors de quelques cartes postales (Terreaux, Bellecour, le Rhône, ...), l'auteur s'efforce de disséminer dans son récit des "petits faits vrais", mais toute proportion gardée, cela donne plutôt l'impression de ce qu'un sénateur-maire présente comme l'indispensable "ancrage local" pour bien montrer qu'il tient à garder ses deux mandats, et que la règle du non-cumul, il s'assied dessus (n'est-ce pas, M. le ministre Collomb ? Au fait, touchez-vous toujours votre rémunération de sénateur ?). 

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La "Ficelle" de Fourvière, avant l'assassinat du dingue par les anciens copains de son père. Pour "après", voir l'image de couverture, tout en haut.

Entendons-nous, je ne critique pas la volonté de faire "couleur locale", mais ce Lyon-là manque un peu de "ressenti". La gare de Perrache est parfaite, y compris la traversée du "blockhaus" de Louis Pradel jusqu'à la place Carnot, qui rend parfaitement la violence immédiate et absolue du criminel poursuivi ; le champ / contre-champ pour présenter le passage Thiaffait est parfait (voir plus haut).

Ci-dessous, les vignettes (p.28-29) dans l'exacte suite (à une exception près, voir plus haut) qui défrise ma topographie croix-roussienne.

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Droit en face, sur la rive gauche, la petite place d'Helvétie : est-il possible qu'on se trouve dans la montée du Boulevard ?

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Il faut reconnaître ses erreurs : cet escalier se situe dans le haut de la rue Magneval.

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J'avoue mon insuffisance, et adresse mes excuses à Lacaf pour avoir en l'occurrence ignoré un détail que je connaissais par cœur. Une absence, quoi.

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Mais franchement, je n'ai pas compris l'itinéraire suivi par la moto de l'inspecteur Klein : on le suit dans le "direct Croix-Rousse", entrée et sortie, et jusqu'au monument Sully Prudhomme de la place Bellevue, mais après ? Où Lacaf est-il allé chercher le long escalier rectiligne (5) emprunté par le héros, surtout qu'arrivé en bas, il se retrouve juste en dessous de l'église Saint-Bernard (qui est presque à l'altitude du plateau), nez à nez avec les fachos (par où est-il remonté ?), puis bascule dans l'escalier de la rue Grognard, où la voiture des poursuivants se fracasse ? Il fallait tordre la réalité pour les besoins du rodéo ? Bof.

Moralité : la Croix-Rousse est un quartier bien compliqué.

Voilà ce que je dis, moi.

mardi, 23 janvier 2018

LA BD EN VISITE A LYON (3)

Aujourd'hui JEAN-CHARLES KRAEHN.

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Il n'y a pas beaucoup d'auteurs de BD, à ma connaissance, qui se soient intéressés à Lyon dans les histoires qu'ils racontent. J'ai parlé récemment d'Olivier Berlion (ici), qui donne la vieille cité pour cadre à ses intrigues, seul (Rochecardon - Histoires d'en ville, Glénat, trois tomes) ou sur des scénarios d'Eric Corbeyran (Sales mioches, Casterman, sept épisodes parus).

Cette dernière série, qui "marchait" paraît-il assez bien, s'est interrompue pour une raison que j'ignore, et ce qui en restait, du moins à ce que m'a dit un bouquiniste spécialisé, aurait été envoyé au pilon. Si c'est bien vrai, c'est bien bête : le dessin de Berlion donnait une vraie vie aux pentes de la Croix-Rousse, entre Rhône et Saône (et presque jamais au-delà des Terreaux), et savait vous entraîner dans des bambanes de l'île Barbe (Saône) au cours d'Herbouville (Rhône) en passant par les traboules des pentes. 

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Carte postale 1 (vignette inaugurale de la série) :

l'ancienne bibliothèque municipale de l'avenue Adolphe Max, avec Fourvière qui veille dessus.

Ah les traboules ! Bon, les touristes en connaissent UNE (ou plutôt une suite, quasi-obligée) : celle dont leurs grappes disciplinées parcourent l'itinéraire compliqué, et qui va de la cour des Voraces (place Colbert) à la place des Terreaux, après être passée par les rues Imbert-Colomès, Tables-Claudiennes, Burdeau, René-Leynaud, Capucins et Sainte-Marie-des-Terreaux, presque toujours à l'abri de la pluie. Au 10 rue des Capucins (mes excuses : c'est au 6), ils traversent une grande cour intérieure, au fond à droite de laquelle, juste avant l'escalier vers la petite place des Capucins (où mon copain WHKL n'oublie jamais, chaque fois qu'il redescend par la Grande-Côte, de pisser contre la porte de la secte "Scientologie"), on voyait l'enseigne de l'imprimerie Cretin. Au bas de l'escalier de Sainte-Marie des Terreaux créchaient les ambulances Cornillon, dont on voyait en passant les véhicules blancs (des CX dans mes derniers souvenirs de la chose) stationnés dans une cour défendue par les deux battants béants d'une grille impressionnante. 

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Au bout de la rue Tramassac, l'ouverture de la rue du Bœuf avant d'attaquer la montée du Chemin-Neuf.

Mais à part cet itinéraire dûment balisé par l'Office de Tourisme et répertorié dans les guides, pour ce qui est des traboules des pentes, c'est nib de nib, peau de balle et balai de crin. Sauf erreur, toutes les portes et grilles qui, ouvertes, autorisaient autrefois le passage, ont été progressivement verrouillées. Puis ç'a été le tour des entrées d'immeubles de se munir de divers moyens de protéger la frilosité des habitants de toute intrusion des méchants. Mais trêve de bavardage : parlons BD.

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Carte postale 2 :

Les pentes de la Croix-Rousse, vues d'en face.

La série policière aujourd'hui à succès Gil Saint-André a démarré en 1998 avec, au scénario et au dessin des deux premiers épisodes Jean-Charles Kraehn, qui a ensuite confié la partie graphique à Vallée. Le douzième épisode est paru : on ne change pas une équipe qui gagne (en fait, le dessinateur a changé plusieurs fois, ce qui, selon moi, n'est pas très bon signe). Je me contenterai de quelques épisodes initiaux du premier "cycle", ceux qui nous lancent sur des fausses pistes (un maniaque sexuel puis des kidnappeurs d'enfant, vils homosexuels par-dessus le marché) : l'action démarre en effet à Lyon, mais elle bifurque, à partir du troisième, vers la Suisse, après avoir fait étape en Bretagne puis en Belgique, ce qui nous éloigne du sujet.

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La ficelle de Fourvière, avec un rhume à l'intérieur.

Pour faire vite, le héros se fait chourer sa meuf parce qu'elle a, sans le savoir, une sœur jumelle (la mère est une vilaine cachottière, mais elle va le payer cher), et qu'un dangereux réseau de méchants qui a les moyens kidnappe tous les vrais jumeaux qui passent à sa portée pour qu'un savant fou puisse faire des expériences, en vue de fabriquer « la pilule de jouvence éternelle ». Je passe sur les péripéties, finalement anodines.

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Carte postale 3 :

l'immeuble du Vieux-Lyon qu'il n'est pas convenable de ne pas avoir vu, place neuve Saint-Jean. C'est là qu'habite la jeune beurette fliquette qui apporte son aide (et son corps à l'occasion) au héros.

Le héros est un jeune, beau, riche chef d'entreprise. En plus de sa belle réussite sociale, il est plein de talents : il a son brevet de pilote d'avion, il a une vieille voiture mais il tient avec maestria le volant de la Ferrari Testarossa qui lui tombe sous la main, il manie le pistolet avec dextérité, etc. En plus, il a une femme belle, intelligente et charmante, et une petite Sabine adorable. Il habite une belle villa moderne avec piscine, quelque part "sur les hauteurs de Lyon" (sans plus de précision, pas loin de la colline de Fourvière, mais pas loin non plus de l'épicerie de Lakdar, le "p'tit arabe", en bas d'une côte). Et ça finit par faire beaucoup pour un seul homme. Car on a le droit de trouver le portrait un peu "chargé".

bande dessinée

Là, le héros dévale les escaliers du passage Mermet, qui donne sur la rue René Leynaud (poète lyonnais, fusillé par les Allemands en 1944, parce qu'ils n'aimaient pas les "terroristes"). J'aimerais beaucoup qu'on m'explique par quel miracle Gil Saint-André a fait, venant du vieux Lyon (voir image précédente), pour dévaler juste après les pentes de la Croix-Rousse.

En bas à droite on voit les quelques marches qui mènent à la cure de l'église Saint-Polycarpe. Les curés (ce n'étaient plus le père Béal et le père Voyant) avaient laissé pendant quelque temps un clochard installer son matelas sur un demi-palier. Il éteignait ses cigarettes dans un fond de bouteille en plastique rempli d'eau. Il avait effrayé la petite Juliette, qui s'était mise à trembler très fort, le jour où il m'avait hurlé, sans doute à cause de l'église voisine : « Va voir ton Seigneur ! », en élevant encore la voix sur "-gneur". On l'a un jour retrouvé mort de froid sur les marches de l'église. 

Curieusement, Saint-André roule en Simca P60 (Aronde étoile 7), dont la production s'arrête en 1963, mais ce n'est pas encore un modèle "vintage" en 1971, quand le tunnel sous Fourvière est inauguré : ceci pour situer dans le temps. On doute quand même qu'elle puisse être immatriculée 5593 AY 69 en 1959 (début de la production), puisque les plaques du Rhône étaient déjà en AZ en 1958. D'ailleurs, on voit ici ou là des Renault "super 5", Peugeot 205 et Ford Transit : est-ce que ça fait raccord ? Pas évident. De même pour la Ferrari Testarossa : ne pas confondre avec la Testa Rossa de course des années 1950. Si elle est en un seul mot, elle est produite à partir de 1984, et c'est bien celle que Saint-André fauche au malfrat qui vient de se faire refroidir par les flics. Bon, je pinaille, j'ergote, je chicane sur les époques : après tout, pourquoi pas, admettons et passons sur les anachronismes, si c'en sont. Une petite frustration quand même du côté de la documentation.

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Droit au sud par la rive gauche de la Saône et l'autoroute A7.

Au premier plan, de dos, la Simca P60 immatriculée 5593 AY 69.

Dit d'une façon plus générale, le Lyon de Kraehn est avant tout elliptique : la ville sert de toile de fond et de décor, mais ne joue pas de véritable rôle dans l'intrigue, contrairement à ce que font Berlion et Corbeyran, pour qui les pentes sont un personnage à part entière. L'auteur ne dédaigne pas les cartes postales, et le lecteur reste tant soit peu extérieur à tout ça, pas tout à fait comme un touriste, mais il y a de ça, tant le héros, partout où il passe, ne fait précisément que passer. La ville n'est pas "sentie".

La faute peut-être au caractère lisse du personnage principal, qui ne pose certes pas au super-mec (il prend des coups, il se foule la cheville, ...), mais un peu trop d'une seule pièce à mon goût, plein qu'il est de l'amour pour sa femme (mais enfin, l'inspecteur stagiaire, la beurette émancipée Djida a aussi des douceurs et des rondeurs bien placées, "qui vous mettent en forme pour la journée", comme dit son supérieur Fourrier : je suis assez d'accord avec Kraehn, quand ce n'est pas en papier), et aussi de candeur et de courage face aux épreuves. 

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mercredi, 17 janvier 2018

LA BD EN VISITE A LYON (2)

Aujourd'hui : OLIVIER BERLION.

J'ai déjà parlé du travail de l'excellent dessinateur Olivier Berlion (voir 12 décembre 2016, Lie-de-vin, sur un excellent scénario d'Eric Corbeyran, éd. Dargaud). A l'occasion, il est capable de vous ciseler lui-même un scénario d'une belle dignité de structure, de découpage et de conduite (voir 13 décembre 2016, Rochecardon, Histoires d'en ville, en trois tomes, éd. Glénat, déjà situés à Lyon, mais ça se passe plutôt du côté des Terreaux, de Vaise et sur la rive glauque de la Saône).

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La Croix-Rousse, celle du moins du quatrième arrondissement (les pentes sud, au-delà du Boulevard, sont dans le premier, ce mélange impur du bas des pentes et du nord de la presqu'île), c'est environ 35.000 habitants du Rhône à la Saône. Par temps de neige et de grand froid, La Croix-Rousse devient une île inaccessible, pentes et plateau réunis, si l'on excepte la ligne du métro à crémaillère, seul cordon ombilical à l'abri des éléments. 

Le camp de base de Berlion et Corbeyran, c'est donc la Croix-Rousse, mais il faut préciser : davantage les Pentes que le Plateau. Autrement dit le frou-frou un tantinet déclassé, sulfureux à l'occasion, des jupes de la Croix-Rousse qui cascadent vers le Rhône, les Terreaux, la Presqu'île et la Saône, plutôt que la platitude commerçante d'un plateau en voie de « gentryfication » (comme disent urbanistes et journalistes : ne jamais oublier les journalistes dans la diffusion des idées toutes faites, surtout quand elles sont portées par la mode du moment).

Mais n'allons pas trop vite : la série se passe à une époque où il y a encore une vraie (ça veut dire "vraiment-pas-moderne-du-tout") Montée de la Grande-Côte. On ne la voit guère, il est vrai, dans les trois volumes que j'ai. Pas plus qu'on ne voit le cinéma Marly (Croix-Paquet) ou le cinéma Chanteclair (boulevard Croix-Rousse). J'avoue que le cinéma Marly et la façade de l'église Saint-Polycarpe m'ont manqué, moi qui étais du bas des pentes. Même qu'à mon époque, la façade de l'église était encore noire (et le bel orgue était en état de marche).

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Le plateau non plus n'est plus ce qu'il était : « Y a plus que des bicots et des bobos », pestait un jour, devant moi, une vieille Croix-Roussienne bouffie, revêche et visiblement alcoolique, en baladant son chien. Elle exagérait, même si les derniers canuts ont désormais suivi les survivants de 14-18 dans la tombe. Son cabot était d'assez bonne composition pour ne plus se formaliser du torrent d'ordures qui pleuvait sur lui tant qu'il n'avait pas offert son obole au trottoir : « Ah, enfin tu t'y mets ! Pas trop tôt ! ». Elle a fini par l'avoir à l'usure.

Bon, c'est vrai que l'action de "Sales mioches" se passe dans des temps à portée de nostalgie, mais ça, ça ne parle qu'à des gens qui ont connu le peintre Sorokine, le Lituanien qui me racontait la façon rocambolesque dont il avait échappé au régime communiste, dans le fatras poussiéreux de son infâme gourbi sous l'escalier de la rue Pouteau ; ou le clochard P'tit Jo, dont le camp de base était la place Croix-Paquet. Il collectionnait, selon les occasions qui s'offraient, les montres de gousset qu'il trouvait parfois dans les poubelles, et qu'il me montrait en échange de quelques cigarettes. J'en parle sans nostalgie.

Berlion, la Croix-Rousse, il connaît, avec ses voies d'accès, que ce soient pour les piétons (de la Montée Hoche à la rue Soulary, en passant par les Montées de la Muette, du Boulevard, Rater, ...) ou pour les voitures (de la montée des Esses ou de la Butte à la rue Eugène Pons, en passant par la rue Allouche, la montée Bonnafous, etc.). La preuve, c'est qu'il en dessine les lieux avec précision, exactitude et tendresse. Bon, on peut se dire qu'en image, une petite rue en pente est plus évidente et gratifiante pour donner une belle impression de profondeur à une perspective, mais enfin, quand on connaît les lieux, ça fait toujours plaisir.

Je lui ferai un seul reproche : dans le troisième épisode de Sales mioches ("La Ficelle"),lyon,croix-rousse,bande dessinée,olivier berlion,éric corbeyran,éditions dargaud,berlion lie-de-vin,berlion corbeyran sales mioches,éditions glénat,lyon rhône saône,place des terreaux,gentryfication,traboules quand Mig, le "grand" de la bande, a enfilé la magnifique traboule multiple, pas tout à fait labyrinthique (Griffon-Feuillants-Tolozan, que j'ai parcourue en tous sens, mais fermée depuis longtemps à double tour), pour échapper à des poursuivants, il débouche dans l'escalier majestueux de l'immeuble dont on voit l'entrée (non moins majestueuse : je ne sais plus quel consortium de soyeux y avait ses bureaux) à droite, sur une place Tolozan hélas complètement redessinée et resculptée, après la création du métro, du parking souterrain et de la place Louis Pradel. Or l'action se passe dans les années 1960. L'anachronisme est flagrant : le métro, qui franchit le Rhône à l'intérieur du nouveau pont Morand (ce qui explique ci-dessous la perspective un peu bouchée et la montée vers la gauche, vue prise depuis la rue des Feuillants) a été inauguré en 1978. Manifestement, ça ne cadre pas. Bon, on dira : qui le sait ? Je réponds : j'ai juste traîné mes guêtres entre le Tunnel (l'ancien) et les Cordeliers pendant une vingtaine d'années, et moi je sais.

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S'il voulait rester dans l'époque (années 1960 donc), il devait prolonger, avec un décrochement en retrait, la ligne des immeubles à droite jusqu'à l'arrière-plan en laissant le terrain en face absolument horizontal (comme on le voit ci-dessous), avec une rangée de platanes dans l'axe, sous lesquels les voitures se garaient pour se retrouver, si elles restaient trop longtemps, couvertes d'une onctueuse couche blanche déposée par les étourneaux (je me rappelle en particulier une DS que les zoiseaux avaient particulièrement soignée). La photo ci-dessous, prise en contre-champ, le montre bien, quoiqu'elle date d'avant 1940 (ôtez le monument Suchet et ajoutez des voitures et du trottoir, au fond à gauche la rue des Feuillants).

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A droite, le quai Saint-Clair, devenu André Lassagne.

Pour le reste, vraiment rien à dire, c'est parfait. Ci-dessous le bas de la rue Joséphin-Soulary : la maison du poète (1815-1891), avec son buste au-dessus de l'imposte, est tout de suite à main gauche, aujourd'hui occupée par l'ancien libraire des Nouveautés, place Bellecour (M. B.), un gourmand doublé d'un habile peu sympathique. 

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Là, on a une vue exactement documentée sur l'entrée du cinéma associatif, autrefois paroissial, entre l'église Saint-Denis et l'hôpital de la Croix-Rousse, un des rares (si ce n'est le seul) de Lyon à être resté intact et, qui plus est, dans son jus, y compris les fauteuils en velours rouge et la flèche indiquant le balcon.

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Là encore, Berlion est irréprochable : on voit la gare inférieure de la "ficelle" de la rue Terme, funiculaire à deux voies (à Minimes, Fourvière et Croix-Paquet, la voie unique se dédouble pour permettre aux deux voitures de se croiser). Mais il pose une date encore plus certaine sur l'époque de l'action : la ligne a été supprimée en 1967, pour être remplacée par le "Direct Croix-Rousse", tunnel en pente raide qui permet aux voitures d'accéder sans tortiller de l'échappement au boulevard du même nom.

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D'ailleurs, on aperçoit ci-dessous une des trouées à ciel ouvert du dit "direct Croix-Rousse". On est au "Jardin des Plantes", sur le trajet de la ligne n°6, où circulaient des trolleybus raccourcis : il fallait pouvoir manœuvrer dans les rues étroites des pentes. Les nouveaux sont également courts, mais ils ont été "paysagés" : il était impératif de satisfaire le goût des touristes pour l' "authentique" et le "typique".

Ici dans le sens de la montée.

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Là un peu plus haut, après le virage des Trois Gaules, un "paysagé".

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Ci-dessous, toujours le 6, à la descente cette fois. On le voit serpenter, virant sec dans la rue Imbert-Colomès (échevin, commandant de la ville en 1789), après avoir tourné de la rue Diderot vers l'arrêt "Pouteau". On a intérêt à ne pas être pressé certains matins, à cause des camions de livraison, des voitures mal garées ou du camion-poubelle (lui aussi raccourci, mais en plus rétréci, on comprend quand on a vu). On voit ici la bande de gones descendre l'escalier du haut de la rue Pouteau (chirurgien-major de l'Hôtel-Dieu, 1724-1775). Juste en bas, sous la "bulle", l'entrée du 16, où siégeait la 44ème Guy de Larigaudie (je parle de scoutisme).

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Ici, on bascule du côté Saône, la nuit. On n'est pas loin de l'écluse de l'Île Barbe (2 km quand même), et les quatre silhouettes ont quitté la péniche "L'Atalante" et s'apprêtent à escalader la rue d'Ypres, cette rue invraisemblable, pour porter secours à leur copain Mig, à qui des gros méchants font plein de misères. Ypres débouche sur la rue Philippe-de-la-Salle, entre les deux cimetières (l'ancien et le nouveau-eau-eau). Je signale juste comme ça à Olivier Berlion, que j'ai parfois du mal à saisir l'itinéraire qu'il fait prendre à ses personnages : certaines successions de lieux me semblent décousues, acrobatiques ou tarabiscotées, quand elles ne sont pas carrément infaisables. Au choix.

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lundi, 15 janvier 2018

HEURTOIR A LA CROIX-ROUSSE

Les petits métiers qui disparaissent : heurtoir de porte.

CEUX QUI SONT PARTIS ...

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... ont parfois laissé des traces, sauf quand la porte est devenue moderne, ou bien carrément métallique, ou encore vitrifiée (bien que pas toujours transparente) ...

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... ET CEUX QUI RESTENT (voir 4 décembre dernier).

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La porte du haut semble régulièrement nettoyée (même le nettoyage laisse des traces, à force). Celle du milieu regorge de messages d'affection ou d'amour, du moins essayé-je de m'en convaincre. Celle du bas, en dehors d'une telle déclaration de flamme, qui figure pourtant hors-champ, saisit le spectateur par le tracé audacieux et sobre des sentiments exprimés (ah, la symbolique rupestre du triangle pointe en bas !).

Petite histoire ancienne de heurtoir : elle remonte aux années 1970. Il était une fois une fille très baba-cool qui habitait dans le dernier immeuble de la rue du Doyenné (Lyon 5) un appartement couvert d'étoffes orientales, de coussins et d'odeurs d'encens. Ses fenêtres donnaient sur la rue Saint-Georges.

L'édifice faisant partie d'un projet de "réhabilitation" complet de ce quartier ancien, et tous les occupants ayant quitté les lieux, elle s'en trouvait la seule et unique habitante. Du coup, elle fermait systématiquement la porte de l'allée (à Paris, il paraît qu'on dit "entrée d'immeuble"), en ces temps où personne encore ne la verrouillait.

Ceux qui lui rendaient visite ne disposaient pas d'interphone pour la joindre ou de digicode pour ouvrir. Seul restait le heurtoir de la porte massive, dont les coups résonnaient dans la cage vide de l'escalier. Il leur fallait compter sur la finesse de son ouïe ou bien s'armer de patience au cas où elle aurait écouté de la musique.

Je crois bien qu'elle avait fini par quitter l'appartement : elle l'avait pris en horreur après avoir découvert, en rentrant chez elle, pendu à une poutre, le corps d'un copain qu'elle hébergeait.

samedi, 13 janvier 2018

LACK MI "EN MARCHE"

Il existe à Strasbourg un lieu – cabaret, café, restaurant – qui ne ressemble à aucun autre. D'abord et principalement parce que c'est un lieu spécifiquement alsacien, dirigé depuis quelques décennies par un authentique Alsacien (il répétait sur tous les tons qu'il est « né-dans-le-val-de-Villé-la-plus-jolie-des-vallées », il a peut-être mis le refrain en veilleuse depuis le temps).

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Le village de Villé (67).

Le lieu, c'est La Choucrouterie, l'Alsacien s'appelle Roger Siffer. Il est recommandé de comprendre le dialecte de par là-bas, si l'on veut apprécier à sa juste valeur. Car l'un des derniers spectacles proposés perdrait beaucoup de son sel sans cela. Rien que le titre de ce spectacle est en effet une excellente illustration de l'humour alsacien, qui se distingue, comme on sait, par son exceptionnelle légèreté, sa subtilité sans égale et son parfait raffinement : « Lak mi "en marche" ».

Entendant la formule, l'alsacophone – bientôt rejoint par l'homme de goût, pour qui il a fallu traduire – éclate d'un rire complice et bon enfant, malgré la finesse de l'allusion. Son esprit affûté a compris qu'elle se réfère à la vie politique française telle qu'elle se présente depuis l'irruption du flamboyant Emmanuel Macron, tout en décalquant, moyennant une légère approximation due à l'accent de Strasbourg, n'en doutons pas, une expression dialectale que tout le monde connaît là-bas depuis qu'il sait ce que parler veut dire : "Lack mi am Arsch".

Mot à mot (le pudique Puitspelu du Littré de la Grand'Côte ajouterait "parlant par respect") : « Lèche-moi le cul ». L'alsacien est un idiome bourré d'images, et je connais des gens capables en le parlant de faire plier en deux un auditoire conséquent de gens sérieux, même si je ne comprends qu'un mot par phrase : le rire est contagieux, n'est-ce pas.

En oyant l'expression « Lack mi "En Marche" », votre pas se fait soudain plus allègre, cela vous donne tout de suite plus d'allant dans la démarche, et met un peu de piment dans l'assiette de l'innovation "disruptive" que constitue la "Révolution macronienne", en l'agrémentant de délicates fragrances et colorations irisées, voire moirées, du plus bel effet. Accessoirement, cela vous replace le bonhomme dont il est question à une altitude moins "jupitérienne". 

Ce que ne savent peut-être pas les Alsaciens eux-mêmes, c'est qu'un certain Wolfgang Amadeus Mozart a composé un canon, intitulé cette fois "Leck mich im Arsch", c'est-à-dire "Lèche-moi dans le cul". L'homme de goût aussitôt se récrie horrifié : comment est-ce possible, oubliant un peu vite que Mozart ne détestait pas la scatologie, comme on peut s'en rendre compte dans sa correspondance. Je me souviens en particulier de quelques lettres gratinées, adressées à sa sœur par le jeune prodige.


 

vendredi, 05 janvier 2018

JE L'AI RETROUVÉ ...

... L'ANCIEN KIOSQUE A FLEURS, PLACE BELLECOUR,

... avec ses marronniers superbes.

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Photo sur papier, prise il y a bien longtemps avec les moyens du bord, puis scannée de même. J'avais à l'époque un petit Voigtländer acheté 50 DM à Annweiler-am-Trifels (Rheinland-Pfalz), dont le format 18x24 permettait de faire 72 photos à peu près potables (optique fixe, assez rustique donc, mais Zeiss !) sur une pellicule de 36, et qui a fini son existence sur une maladresse impardonnable : il a peut-être mal supporté la température de l'eau du torrent franchi au cours de la belle traversée de Sixt à Chamonix. Peut-être l'eau tout court, après tout, allez savoir, avec les appareils photo ? Du matériel allemand, pourtant ! 

Comme l'accident s'est produit au moment de quitter le sentier du plan et des chalets de Sales pour bifurquer vers le col et les chalets d'Anterne (n'oublions pas le lac), c'est-à-dire à peu de choses près au début du parcours ou pas loin (j'avais fait le même, mais en sens inverse, quelques années auparavant), l'aventure s'est vue privée d'une immortalisation méritée, la pellicule mouillée ayant fait apparaître au développement (il ne faut jamais perdre espoir) d'intéressantes formes gaufrées, intéressantes pour qui apprécie ce qui ressemblerait aux nids d'abeilles, mais impropres à produire quelque image un peu déchiffrable, si l'on reste attaché à la représentation figurative.

Il n'y avait pas que des kiosques à fleurs, à Lyon. Il y avait aussi des « kiosques de musique » sur les places (Bellecour, Morand, devenue Liautey, Monplaisir rebaptisée Ambroise Courtois, ...). Quand j'étais gamin, on voyait encore ces kiosques, mais plus personne n'y jouait de musique, et sans doute depuis longtemps. La radio l'avait déjà apportée à la maison : on n'en avait plus besoin au-dehors. Manquent-ils ? Pas forcément, quand on voit, sur la carte postale ci-dessous, qui faisait la musique. Quel genre de musiciens se hasarderait aujourd'hui à jouer en képi (et en uniforme) ? La légende : "L'heure de la musique à Bellecour".

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mercredi, 03 janvier 2018

UN "M" QUE LE MONDE N'AURA PAS

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, le magazine du Monde, consent noblement à publier chaque semaine une photo prise quelque part dans le vaste monde par un de ses lecteurs. Une photo représentant obligatoirement, c'est la condition, un M, en même temps ou au choix, original et majestueux, allusif et spectaculaire, remarquable et modeste, douteux et péremptoire, drôle et surprenant, mais qui autocélèbre la revue, si possible de la façon la plus valorisante. Et ça marche ! Les lecteurs, magnanimes ou fiérots, consentent à abandonner entre les mains de M-le-magazine les œuvres que le hasard ou leur recherche fiévreuse leur a fournies.

C'est le même principe qui pousse les adeptes de la consommation à se promener dans les rues, au sortir de leurs achats, en portant un grand sac en papier avec en gros, gras, grand, épais et large le nom de la marque qu'ils viennent de subventionner de leurs deniers. En récompense de leur emplette plus ou moins onéreuse, la dite marque les autorise à faire pour elle de la publicité, en leur permettant de déambuler en ville, au vu et au su de tous, avec au bout du bras l'aveu de leur défaite morale en lettres énormes. Car on l'admettra, il ne faut pas une grande force de caractère pour, en plus d'avoir fait l'honneur au commerçant d'acheter le vêtement chez lui, se sentir honoré qu'on lui permette de jouer les hommes-sandwichs au bénéfice de celui-ci. On s'étonne de voir des gens distingués ou cossus, ou qui veulent le paraître, arborer comme des étendards, avec une feinte indifférence ou une authentique fatuité, leurs maroquineries Louis Vuitton.

En quelque sorte, photographier des "M" de toute sorte pour les envoyer à la revue à des fins de publication éventuelles, en dehors de se chatouiller l'ego à peu de frais, revient à subventionner sans rétribution la campagne publicitaire pour un véhicule de cadre supérieur, dont la rutilante carrosserie, dessinée par quelque styliste à la mode, laisse longuement résonner dans l'espace, après son passage, la même longue réverbération creuse que le pas du vicaire désœuvré qui arpente les dalles de sa cathédrale désaffectée en se demandant ce qu'il fait là.

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J'ai donc ici l'honneur de déclarer à la face du Monde que j'autorise son magazine du samedi, le plus souvent plein à ras bord de la vacuité de l'air du temps, de la mode et des gens en vue, à ne pas publier la photo ci-dessus : l'enduit plus très blanc d'un passage piéton lyonnais, qui n'avait que le tort d'avoir été encore un peu tendre au passage d'un pneu forcément malveillant et trop pressé. 

dimanche, 24 décembre 2017

JE VOUS PARLE D'UN TEMPS ...

 

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On peut voir une autre photo du même sujet ici (11 septembre dernier).

Je vous parle d'un temps où il était permis de se gausser doucement de ces salauds de fonctionnaires qui, comme des rats dans un fromage, se la coulaient douce, narguant les honnêtes travailleurs à la chaîne en fournissant, depuis une embauche de copinage jusqu'à une retraite de feignant – et sans trop se forcer –, leur Petit Travail Tranquille. On en a heureusement fini avec ces temps obscurs. Pour cela, on a recouru à d'épais badigeons qui ont mis l'époque en phase avec son époque, en recouvrant la précédente d'une bonne couche d'oubli (enfin presque : il aurait fallu y mettre les moyens, mais). Place a ainsi été faite à la Modernité, place à l'Entreprise, place à la Productivité, place à la Rentabilité, place à la Concurrence. Bref, disons-le une fois pour toutes : place au Management décomplexé.

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Dans cette perspective, la photo ci-dessus (lumière rasante, 19 août 2017 à 19h 29) est à considérer comme une espèce singulière de "retour du refoulé".

samedi, 16 décembre 2017

MURS DE LA CROIX-ROUSSE

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Cette ballerine a eu plus de chance que ses petites sœurs. La sélection naturelle est impitoyable.

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vendredi, 08 décembre 2017

FIDÈLE MALGRÉ TOUT

Trop de vent ce soir pour le tremblotement de nos flammes.

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Le 8 décembre (et seulement le 8 décembre, et non le long week end dont les Lyonnais subissent les hordes de touristes qui rendent toute la presqu'île absolument infréquentable), le 8 décembre, donc, pour un Lyonnais de souche, passe par le lampion, et si possible dans son verre cannelé, à l'exclusion de tout autre moyen de fêter la lumière. L'effet des lampions alignés sur les fenêtres, ça avait tout de même une autre gueule que les actuelles débauches de technologies lumineuses à prétentions créatrices. Ci-dessous, en 1959 : c'est banal, c'est simple et c'est pas cher : ça vient des gens qui habitent là. C'est la population en personne qui existe.

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Le verre cannelé, multiplicateur de flamme (voir plus haut) : pas sûr qu'on en trouve encore dans le commerce. Chez les brocanteurs, peut-être ? Ici, garni de son lumignon.

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mercredi, 06 décembre 2017

JOHNNY A LA CROIX-ROUSSE

La Croix-Rousse n'est pas connue pour constituer le repaire central de la johnnylâtrie, c'est vrai, mais on y trouve le "Lorada bar", sorte de caverne au trésor, creusée il y a fort longtemps par le père du tenancier actuel dans un immeuble de la rue du Mail, qui avait la belle gueule et les santiags du rocker endurci, et qui a passé le flambeau il y a déjà plusieurs années. "Lorada" était le nom de la villa de 1000m² que Johnny avait à Ramatuelle. Quand il a succédé, le fiston a procédé à un nettoyage quasi industriel pour effacer les traces.

[En relisant ça, j'ai honte : j'aurais dû me renseigner un peu. Disons que le fiston, après avoir repris l'affaire, a repensé les lieux à sa façon personnelle. Mais je me demande quand même si, chez lui, Johnny est l'objet d'une passion aussi tonitruante que l'a vécue son père.] 

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Il faut dire que Papa, Bernard Page, n'avait pas lésiné : les murs étaient couverts des affiches de l'idole et des souvenirs glanés au fil du temps. Impossible d'échapper. Ce fan absolu avait même installé des tables dont le plateau de chacune, sans exception, portait, inclus dans l'épaisseur de la matière du plateau (si si ! enfin, il me semble), autant d'images du visage de Johnny Halliday. En entrant pour boire un verre, on n'avait pas intérêt à émettre le moindre commentaire désobligeant sur la déco. L'héritier a, en quelque sorte, "tué le père" en débarrassant les lieux de presque tous les souvenirs accumulés par Papa. Il a fait des lieux un café semblable à tous les autres.

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[Mes excuses au fiston, Cyril : après vérification, je reconnais qu'il a laissé aux murs des traces significatives de la passion de son père, et que la mort de l'idole a retenti comme un glas dans l'établissement, où le téléphone, paraît-il, n'a pas arrêté de sonner toute la journée.]

Sans être un fanatique de la "chanson de variété", comme j'écoutais beaucoup la radio, j'ai évidemment entendu Johnny Halliday, au moins dans ses succès successifs. Mais je me souviens comme si c'était hier de la première fois que j'ai entendu le chanteur mort cette nuit. C'était à la Croix-Rousse, déjà, mais dans le local des scouts de la 44ème Guy de Larigaudie, au 16 rue Pouteau, vous savez, la rue moitié chaussée moitié escaliers, sur les "Pentes", qui descend de la rue Jean-Baptiste Say à la rue Burdeau (et à la rue René-Leynaud par le passage Thiaffait ou le passage Mermet). 

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La rue Pouteau vue d'en bas.

Le 16 est presque en face de l'arrêt "Pouteau" de la ligne S6 (Hôtel de ville-Place Croix-rousse). A part ce détail, inutile de chercher le local : les lieux sont aujourd'hui méconnaissables, ils n'en reste que de pauvres moignons défigurés (il faut dire "modernisés"), et l'entrée est désormais bien à l'abri d'un digicode.

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On y accédait par une trentaine de marches qui conduisaient à une cour silencieuse, sauf quand le club des "Jeunes des Terreaux" se réunissait dans un autre local paroissial, voisin du nôtre. Qui avait apporté son Teppaz ? Qui avait acheté le 45 tours ? Aucune importance. Mais quand Marc, CP des "Ecureuils", a posé celui-ci sur l'appareil, puis le bras sur la galette, j'ai été, je dois le dire, saisi par le choc. Ce qui résonnait là s'appelait "Elle est terrible" (Regarde un peu celle qui vient, c'est la plus belle de tout le quartier, elle affole mes amis, même les plus petits ...). 

L'énergique tandem guitare basse-batterie qui domine le début venait de fracasser le mur de mes sons coutumiers. Les paupières de mes oreilles se sont ouvertes sur un monde qui est devenu un compartiment à part entière de ma passion pour la musique. C'était ma première aventure hors de l'univers Chopin-Beethoven. Celle-ci n'a pas réussi à faire de moi un converti monomaniaque et johnnylâtre, mais elle a créé un espace qui ne s'est pas refermé. Johnny, franchement, je ne porte aucun jugement, parce que je n'en pense rien.

Il se trouve que je n'ai jamais acheté un seul disque de celui que tout le monde reconnaît aujourd'hui comme une « bête de scène ». Mais il n'est pas sûr qu'on puisse le considérer comme un rocker pur et dur, tant il a chanté dans toutes sortes de styles. Johnny s'est adapté à toutes les modes qui marchaient, et n'est identifiable à aucun style en particulier. Classons-le plutôt dans la "variété". Or mon intérêt pour la "variété française", pour les yéyés et pour tout ce qui a suivi a toujours été poli et distant, et toujours par ondes radiophoniques interposées. Parmi les vrais rockers (et ce qui s'en rapproche) qui ont suivi, Duane Eddy et sa guitare spéciale (mais avec un saxo souvent bienvenu), le "Surfin' bird" des Trashmen (clip en costar chic et franchement bestial), et toute la smala d'Abd El Kader (ou la caravane d'Attila) des noms plus connus. Non, pas "toute", pour être sincère.

Version originale (ou presque).

Version "en public" (avec une prise de son catastrophique).

Et tiens, puisque j'en suis à Johnny, voilà que je retrouve une BD parue en 1973 (oui, çalyon,croix-rousse,johnny halliday,scoutisme,rue pouteau,croix-rousse les pentes,musique,rock'n roll,lorada,tourne-disque teppaz,johnny halliday elle est terrible,bande dessinée,revue pilote,pilote annuel 1973,jean-louis goussé,sylvie vartan,françoise hardy,sheila,claude françois commence à faire) dans le "Pilote annuel", sous la plume impertinente de Jean-Louis Goussé. Sous le titre "D'hier, d'aujourd'hui et de demain" : apparaissent quelques figures marquantes de la "Génération Yéyé" : Sylvie Vartan, Françoise Hardy, Sheila et Claude François.

Mais au premier rang, à tout seigneur etc., sa majesté Johnny Halliday.

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Note : je me souviens d'une première version de "Dadou-ron-ron", qui était chantée par un certain Lucky Blondo (ou je ne sais qui d'autre).  Quand Johnny avait repris la chanson à son compte, grande avait été ma déconvenue. Et je sais toujours par cœur la première strophe de "L'idole des jeunes".

lundi, 04 décembre 2017

UNE CROIX-ROUSSE

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Il n'y a plus beaucoup de marteaux de porte à la Croix-Rousse. Il en reste.

mardi, 28 novembre 2017

APRÈS LE JOUR ?

Et si la nuit ne revenait pas ?

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18h 20'

Qu'on se rassure, la nuit revient.

On est bien à la Croix-Rousse. La ville et sa modernité lumineuse ne sont pas loin.

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18h 33'

(Je préfère la photo du haut, bien sûr.)

mercredi, 22 novembre 2017

C’ÉTAIT UNE CROIX-ROUSSE

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J'ai tort d'en parler à l'imparfait : c'est encore visible à la Croix-Rousse, mais pour combien de temps ? Avant le panneau bleu et rouge visible à l'intérieur depuis de nombreux mois, on voyait l'arrière d'une vieille Renault R5 immatriculée PK 69, autrement dit, qui datait au moins du début des années 1990. Qu'est-il arrivé au propriétaire, que j'apercevais de loin en loin en train de sortir ou de rentrer son véhicule ? Mystère. Ce n'est sûrement pas Domenico, le sympathique ancien couvreur, vieux pote à José, mais qui est décédé l'an dernier. Domenico, qui habitait dans la même rue, mais qui avait une belle voiture, lui.

Le temps vieillit tout, même les voitures, même la Croix-Rousse.

mercredi, 01 novembre 2017

IL Y EUT UNE CROIX-ROUSSE

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ANGLE NUITS-DUMONT-D'URVILLE 2011 (Photo prise au 20 mm.)

Noter qu'on a déjà pris soin de sectionner la vigne vierge à mi-hauteur.

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ANGLE NUITS-DUMONT-D'URVILLE 2017

La boîte aux lettres a disparu.

L'angle n'est pas le même, mais le cœur y est.

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CHANTIER TRÈS BIENTÔT LIVRÉ, RUE CLAUDIUS-LINOSSIER 2017

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GROS OEUVRE TERMINÉ, ANGLE LINOSSIER-THÉVENET 2017

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DÉMOLITION TERMINÉE, ANGLE CHARIOT-D'OR-THÉVENET (LIVRAISON 2018 ?)

... ET CE N'EST PAS FINI : ATTENTION A CE QUI SE PRÉPARE RUE DU MAIL, RUE DE CUIRE, ETC.

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Non, pas de regret du passé : juste la banalité immobilière qui marque la transformation d'un quartier, et qui fait monter les prix.

dimanche, 08 octobre 2017

ILS SONT FOUS CES CATALANS

Bon, les Catalans ne veulent plus être espagnols : ils veulent redevenir des Catalanistes pur sucre pour restaurer la grande identité nationale catalaniste. Plus catalanissime qu’eux, tu meurs. Eh bien nous voilà beaux ! Je trouve que si l'idée n'est pas drôle du tout, c'est quand même une drôle d'idée. En fait, je n'ai jamais compris la manie séparatiste, d'où qu'elle vienne (les Slovaques d'avec les Tchèques, les Ecossais d'avec les Anglais, les Britanniques d'avec les Européens, les Lombards d'avec les Italiens, etc.).

La revendication identitaire m'est totalement incompréhensible, du seul fait qu'elle nécessite de s'élever contre quelque chose ou quelqu'un. Cela fait belle lurette que s'affirmer Français ne présuppose plus la haine de l'Allemand. Mais pour être "pour" sans être "contre", il faut rester sur une ligne de crête difficile à tenir. C'est pourquoi il faut être bien sûr de la solide consistance de soi. Quelle arrogance, après tout, cette façon d'imposer aux autres sa personne identitaire. Dans le temps, ça s'appelait "rouler les mécaniques". Se rendent-ils compte que tout ça ne m'intéresse pas, et même aurait plutôt tendance à m'énerver ? 

Me viendrait-il jamais l'idée de brandir mon drapeau d'une improbable "République croix-roussienne" (quoique chez nous sévisse une très folklorique "République des canuts") ? En France, il y a les Corses et les Basques, ensuite les Bretons et les Alsaciens sur un mode mineur, plus loin les Savoisiens, etc, jusqu'à l'entité matricielle : Clochemerle ? Avant l’ultime et logique « reductio a minima », selon la loi dialectique et maoïste du petit livre rouge "un se divise en deux" : moi, moi, moi seul. Et encore : aurons-nous longtemps envie de cohabiter avec nous-même ? Il y a des jours comme ça, en effet, où je m'insupporte gravement. A ce train-là, il y aura bientôt autant de nations que d'individus : vous imaginez sept milliards de nations représentées à l'ONU ? Et sait-on où peut s'arrêter cette logique de la scissiparité ? Sept milliards d'indiviDIEUX ?

Car le mot d’ordre qui semble se généraliser à tous les étages des sociétés ressemble à ceci : tous les liens sont des chaînes. J'ai bien dit : tous les liens, qu’ils soient conjugaux, familiaux, sociaux, politiques. Tout ce qui nous attache à quelque chose ou à quelqu'un est un obstacle à la libre expression de notre moi profond, de notre être essentiel. Dès lors, brisons toutes les chaînes qui nous lient et soyons enfin pleinement nous-mêmes. Enfin libres. Pleinement nous-mêmes, vraiment ? Libres, vraiment ?

Ce fantasme n'amène aucune "destruction créatrice", ce concept imbécile inventé par l'économiste Joseph Schumpeter (calqué sur ce qui est observable dans la nature : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme, "imbécile" en ce qu'il transpose dans la sphère proprement humaine, dont la perspective est a priori "ouverte" et créatrice de nouveau à tout moment (on appelle ça l'Histoire), ce qu'il y a de cyclique, répétitif et déterminé dans la nature), c'est une maladie incurable : cette quête ne peut avoir de fin. 

Moi, ça me fait doucement rigoler, cette folie de vouloir se tricoter une identité plus petite que la grande, une identité somme toute plus ringarde, plus particulière, plus restreinte. Sans aller jusqu'à la fusion dans "le grand tout universel", il doit y avoir moyen de s'entendre sur un moyen terme. Mais "se tricoter" n'est pas tout à fait exact : ce serait plutôt "repriser", comme grand-mère faisait les chaussettes. C'est plutôt du genre "restauration à l'ancienne", "retour aux origines, aux vraies racines" et toutes sortes de blablas. Les Catalanistes, je les vois un peu comme ces militants matagrabolisés de la cervelle (voyez Rabelais) qui, se considérant comme seuls au monde et détenteurs d’une Vérité qui leur est propre, montent à l’assaut de l’injustice atroce qui leur est faite au seul motif qu’ils sont dans le seul Vrai qui vaille : le leur. Il y a du pathétique dans cette demande impérative de reconnaissance, qui lance à tout le monde (Europe comprise) cette commination : aimez-moi pour ce que je vous dis que je suis, ou je fais un malheur.

Je note l’extraordinaire indulgence des médias français, qui présentent Mariano Rajoy et le roi Felipe VI comme ayant tous les torts, comme des gens autoritaires et fermés à tout dialogue, et les indépendantistes comme des gens pacifiques présentant avec humilité de modestes revendications, alors même que les Catalans vivent dans un régime régi par la constitution espagnole, c’est-à-dire un texte qui définit la légalité. Je suis estomaqué de la connotation des termes employés par les journalistes français que j’ai entendus, qui légitiment avant tout examen les « aspirations » du « peuple catalan », alors même que, s’ils crient beaucoup plus fort que tous les autres réunis, les indépendantistes n’en restent pas moins minoritaires en Catalogne, et qu’ils compensent par le bruit des casseroles, les vociférations hypnotiques et les intimidations menaçantes. Il y a du putschiste dans toute cette attitude. Du bolchevique. Les médias français aiment peut-être les putschistes, mais seulement quand ça se passe ailleurs que chez eux.

Mais je note aussi l'incroyable bêtise politique du premier ministre espagnol Mariano Rajoy d'avoir offert sur un plateau le thème des "violences policières" aux séparatistes. Ce bas de plafond, au lieu de traiter l'affaire comme la bulle de savon qu'elle est en réalité, a trouvé le moyen de renforcer le camp des indépendantistes en allant faire entendre à Barcelone des bruits de bottes et donner au camp adverse l'occasion de diffuser sur tous les réseaux sociaux l'image des visages ensanglantés. Mariano Rajoy est à coup sûr, dans les choses d'un peu d'envergure, un nain politique et un grand niais.

Il n'empêche que, si la Catalogne devient un Etat indépendant, Carles Puigdemont, l'exalté fauteur de troubles en chef, devra inventer une monnaie (retour au peso en attendant l'éventualité d'une adhésion à l'Union européenne), constituer une armée, développer une diplomatie autonome lui permettant d'envoyer des ambassadeurs dans les pays qui l'auront reconnu officiellement, etc. Je lui souhaite bon courage.

lundi, 11 septembre 2017

VU À LA CROIX-ROUSSE

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Que reste-t-il du temps où il y avait des

SERVICES PUBLICS en France ?

Voici ce que m'évoque (de très loin, mais quand même) le relief du badigeon.

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Comment l'artiste a-t-il su à ce point poser un tel drapé sur les seins, sur le ventre, sur les cuisses ?

jeudi, 07 septembre 2017

DRÔLES DE NUAGES

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lundi, 04 septembre 2017

VU À LA CROIX-ROUSSE

UN GRAFFITI AMÉLIORÉ

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