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dimanche, 06 février 2022

ORPEA ET LE "TURN-OVER"

L'EXPLOITATION DES VIEUX.

Dans le monde en général et en France en particulier, le très grand âge est donc devenu un marché, et un marché juteux. En français : une vache à lait recherchée et avidement traite par les "investisseurs". Ceux-ci sont très regardants : ils tiennent à la "solidité" du "retour sur investissement". En français : je n'ai pas le chiffre du taux de rentabilité de ce genre de placement, mais je me dis que pour rester au plus haut, il faut que le gestionnaire ait pour premier souci de maintenir les coûts de fonctionnement au plus bas.

Coûts de fonctionnement ? Ben c'est très simple : vous évitez de surcharger les services de soins et d'entretien de vos E.H.P.A.D. en personnels compétents et dévoués ; vous évitez de doter vos établissements de toutes sortes de matériels indispensables à entretenir le moral de vos troupes, à leur donner du cœur à l'ouvrage ; vous évitez d'entourer vos pensionnaires de toutes sortes d'attentions et de prévenances à même de leur donner envie de s'accrocher à la vie. 

Tout ça pour reprendre une information entendue sur France Culture le 5 février 2022 : il paraîtrait que dans un E.H.P.A.D. Orpea, le "turn-over" annuel (en français : la mort), non pas du personnel, mais des pensionnaires, se tient aux alentours d'un tiers du total, et qu'en dessous de ce "seuil", la rentabilité en souffrirait, ce qui risquerait fort de mécontenter l'actionnaire.

Ce qui me semble bizarre dans cette information et que j'ai du mal à comprendre, c'est en quoi la mort d'un tiers des pensionnaires d'un E.H.P.A.D. chaque année est un facteur de rentabilité : puisque les familles paient ! Je me dis que l'actionnaire, qui a l'œil bloqué sur son taux de profit, n'a nul besoin d'accélérer le passage de vie à trépas.

Reste, il est vrai, l'indéniable pénurie des personnels et des matériels, dénoncée par Victor Castanet dans son ouvrage Les Fossoyeurs, qui entre dans l'indéniable "impératif de compression des coûts", condition sine qua non du taux de rentabilité, et qui aboutit vraisemblablement à une dégradation de l'état des vieillards plus rapide qu'elle ne serait si tout était fait pour leur confort et leur bien-être. La Grande Privatisation de TOUT conduit mécaniquement à appliquer exclusivement la Loi de l'Actionnaire, dans les soins apportés aux vieillards comme dans la sauvegarde des transports, l'Education Nationale, les hôpitaux publics, etc. Et la voracité de l'actionnaire est sans limite.

La morale à tirer de cette histoire : la France, sous les coups conjugués de l'intégration économique de l'Europe et de la logique ultralibérale importée de pays anglo-saxons qu'il est inutile de nommer, a démantelé ces monstres qui avaient nom P.T.T., S.N.C.F, E.D.F., G.D.F., etc., dont les citoyens étaient sans distinction les usagers, et non pas les clients.

Et que l'on voit dans tous les domaines l'effet produit par la mise en concurrence ("libre et non faussée"), la privatisation de tout et le pressurage intéressé de toutes les activités humaines par des bandits soigneusement dissimulés derrière les appellations mensongères d' "investisseurs", "fonds de pension" et toutes ces sortes d'impostures.

Le résultat ? Dans tous les domaines, déliquescence des notions de "service public" et d'intérêt général, et promotion exaltée de celles de performance et de compétitivité. Dégradation des conditions de vie et de travail de la grande masse des gens ordinaires. 

Comment n'éprouverait-on pas de la haine pour un tel monde ?

Voilà ce que je dis, moi.

dimanche, 03 juin 2018

PROVERBES

« Quand un vieillard meurt, c'est une bibliothèque qui disparaît. »

Proverbe uzvarèche.

L'uzvarèche, langue qu'Alexandre Vialatte était sans doute le seul à parler puisqu'il en était l'inventeur, est sûrement une très belle langue, vu qu'on y trouve formulés de beaux proverbes. Chez nous, ce proverbe confine, hélas, au délire d'interprétation, vu que l'homme "moderne" trouve plus seyant de laisser croupir dans des établissements spécialisés qui coûtent les yeux de la tête de semblables "bibliothèques en voie de disparition" dont nous ne savons plus quoi faire tant elles sont nombreuses. Nous avons un problème de stockage.

Le pire, c'est que nous ne savons plus à quoi les vieillards peuvent bien servir : le passé, dont ils sont les porteurs et les images, nous n'en avons plus rien à faire. C'est donc le capitalisme qui accomplit le programme de l'Internationale Communiste : « Du passé faisons table rase ! ». Beau paradoxe, non ? Les hommes politiques n'en parlent plus que sous l'angle du "problème de la dépendance", un problème qu'ils essaient tant bien que mal de "gérer" à coups de bouts de chandelle rognés à droite et à gauche, pendant que la population vaque à ses affaires, assaillie par les exigences du présent.

J'ai même vu passer une information selon laquelle l'argent des "investisseurs" va de préférence aux établissements où les "services" (à la personne), considérés comme des coûts, c'est-à-dire comme du manque à gagner, sont réduits au minimum. Le raisonnement des "investisseurs" ? « Les vieux à la poubelle, pourvu que ça crache du cash », c'est la logique pure et dure de l'argent. Dans ces conditions, il est tout à fait logique que notre maladie de civilisation soit la maladie d'Alzheimer. D'un certain point de vue, on pourrait dire que c'est drôle : les commémorations et cérémonies du souvenir se suivent à cadence accélérée, pendant que partout (dans les poubelles à vieux et dans les médias de masse), on célèbre tous les jours la victoire écrasante sur le passé d'un présent implacable et d'un futur de plus en plus hypothétique. 

"Une bibliothèque qui disparaît" ? Et que dirait l'uzvarèche de Vialatte au sujet des librairies qui disparaissent ? Il faudrait un proverbe, vous ne croyez pas ? J'ai poussé ici même, en 2013, une plainte aussi longue que vaine sur la disparition des librairies entre Rhône et Saône (on appelle ça la presqu'île). Et puis voilà que la maladie gagne le plateau de la Croix-Rousse. Pensez : Le Livre à Lili a fermé ses portes, chassé par le propriétaire, qui veut, paraît-il, s'y installer (qu'il dit). Trente et un ans de présence rue de Belfort, et voilà (ci-dessous) ce qu'il reste du stock de livres. C'est moche. Bon, il nous reste Vivement dimanche et la Librairie des canuts, et aussi, dans l'ancien, L'Epigraphe et la boutique de la rue Pailleron, mais.

LILI3.JPG

Ci-gît une librairie.

Photo sinistre, à classer dans la série "Après la fermeture" (définitive).

De profundis, Le Livre à Lili.

Quel genre de margoulin va prendre ta place ?