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samedi, 15 juin 2019

ECOLOGIE = ANTICAPITALISME 2/2

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Donc l’anticapitalisme dont je parle n'est en rien "communiste", mais exclusivement écologique, et l'écologie authentique dont je parle est exclusivement anticapitaliste, sachant qu'il ne s'agit ici en aucune manière d'un choix "politique" au sens pépère (= gauche/droite), tout au plus d'un choix politique, au sens où l'entendaient les Grecs, impliquant la décision de tout le corps social dans le choix de son organisation et de son mode de vie.

Car le seul, l'unique, l'exclusif coupable des crimes écologiques actuels (pillage des ressources, destructions innombrables, poubellisation généralisée, ...), c'est le capitalisme industriel et productiviste. Et ce brillant résultat a été vendu à l’humanité grâce à un argumentaire où scintillaient toutes les promesses miraculeuses : l’arracher à la malédiction biblique de la souffrance et du travail, et lui apporter tout à la fois bonheur, prospérité, confort et raton laveur.

L’économie capitaliste a atteint cet objectif, inutile de le nier, et chacun (moi compris) est heureux ou désireux de profiter de ses apports. Au passage, c'est fou ce qu'elle a pu inventer et fabriquer en matière de ratons laveurs superflus et inutiles, pour amuser, divertir, détendre, détourner l'attention, etc. Et s'enrichir. Je veux évidemment parler des "gadgets" et autres marchandises sans utilité, le raisonnement étant fondé sur : « Qu'est-ce qu'on pourrait bien trouver à leur vendre ? ».

Cette réussite a été rendue possible par l’invention de toutes sortes de moteurs, je veux dire de moyens de produire de la force (vapeur, pétrole, électricité, …) par des moyens artificiels (je fais abstraction du moulin à vent, de la voile ou de la roue à aube, qui ne faisaient qu’utiliser – intelligemment – l’énergie produite par la nature). Avec le moteur, l’homme a forcé la nature à lui donner infiniment plus que ce dont elle était capable spontanément.

Bien sûr, un moteur consomme le potentiel énergétique qu'on lui injecte, et la quête effrénée de sources d'énergie qui en découle est une partie cruciale du problème actuel. Toute la civilisation actuelle repose sur le moteur et son carburant. C'est sur le moteur que l'humanité a fait retomber l'essentiel de la quantité de travail. Enlevez le moteur, que reste-t-il ? Tout le monde à la réponse : de combien de moteurs nous servons-nous dans une journée ?

Le capitalisme a donc réussi, mais d'une part en réservant tous les fruits de la récolte à une infime minorité de privilégiés (pays "riches"), et d'autre part en prenant soin, tout au long de son développement, de glisser sous le tapis toutes les saloperies que la machine qu’il avait mise en route jetait à tous les vents, dans toutes les eaux, dans tous les sols et dans tous les êtres.

Il y a maintenant plus d’un demi-siècle que de grands illuminés (la liste est connue) ont été assez perspicaces pour voir que le "développement" étendu à tous les pays conduisait à une impasse, que le tapis n'était plus assez grand pour tout cacher, et que les saloperies commençaient à déborder par tous les pores de la nouvelle civilisation. Ils furent aussi assez inconscients pour proclamer cette vérité à la face du monde, en tenant pour négligeable de passer pour des rigolos ou des faux prophètes. C’est pourtant eux qui avaient raison, c’est aujourd’hui avéré. Et il est sans doute trop tard pour remédier à la folie qui a produit la catastrophe à laquelle nous assistons sans trop nous en formaliser encore (ça commence à remuer vaguement, mais concrètement ? et à quel rythme ?).

Le capitalisme productiviste et technico-industriel s'est imposé il y a deux siècles. A partir de là, il a répandu le Mal (la démesure). Nos ancêtres y ont goûté : ils ont trouvé le Mal délectable, ils en ont vu les bienfaits présents, les bénéfices futurs et, pour tout dire les « progrès » promis à l’humanité. Ils ont donc accueilli le Mal à bras ouverts, avec joie et fierté, persuadés d’œuvrer pour le Bien. Ils ont bu jusqu'à l'ivresse le philtre d'amour du progrès technico-industriel offert par Méphisto (voir le second Faust, je ne sais plus dans quelle scène), qui devait rendre l'humanité puissante et invulnérable. Tragique erreur. 

Et nous-mêmes en sommes tellement gorgés qu’il est devenu indissociable de notre être. Qu'il est devenu notre chair, notre nature, c'est bizarre, mais c'est comme ça. Nous respirons capitaliste, nous mangeons capitaliste, nous buvons capitaliste, nous forniquons capitaliste, nous déféquons capitaliste, nous dormons capitaliste, nous éduquons capitaliste, nous pensons capitaliste, etc. La moindre de nos cellules est capitaliste jusqu'au noyau. Comment logerait-on un écologiste dans ce milieu hostile ?

En un mot : chacun de nous est tout entier capitaliste, de la tête aux pieds, du sol au plafond, du cœur à la peau, du fond à la surface et de la naissance à la mort. Mieux : chacun de nous (y compris moi) est en soi un capitalisme en réduction, puisqu'il en est le produit, et militant avec ça, puisque le fait de consommer alimente le système (comment faire autrement ?). Chacun de nous se trouve dès sa naissance petit porteur de tout le capitalisme. Chacun de nous devient dès lors une parcelle vivante du système capitaliste.

Nous n'avons pas le choix : au mieux, complices taraudés par le doute ; au pire, partisans enthousiastes. Qu'ils soient velléitaires ou résolus, portés par la mauvaise conscience ou par la haine, tièdes ou bouillants, qu'ils aient la ferme intention de détruire le capitalisme ou qu'ils travaillent à le corriger ou à l'améliorer, les ennemis du système sont eux aussi pris dans le système, et du coup sont bourrés de contradictions.

Je veux dire que nous sommes tous si intimement imprégnés de ce que le capitalisme a fait du monde et des hommes qu’il est absolument inenvisageable de nous enlever la moindre parcelle du système sans nous arracher un morceau vital de chair. Nous hurlerions sous la torture. Il suffit pour s’en rendre compte de voir ce que nous coûtera l’abandon de misères telles que les touillettes, les cotons-tiges, et tous les objets en plastique à usage unique. Ne parlons pas du smartphone.

Alors dans ces conditions, tout ce que proposent sincèrement les gens conscients, actifs et responsables pour que le pire n’arrive jamais, tous les appels aux gouvernants, aux puissants, aux industriels et même aux individus, tout cela n’est que poudre de perlimpinpin, miroir aux alouettes, faux espoirs et charlatanerie. Tous les « Discours de Politique Générale » de tous les Edouard Philippe auront beau se « teinter de vert » (« Plus personne  n’a aujourd’hui le monopole du vert ! », a-t-il textuellement scandé le 12 juin), on restera très loin du compte. Je dirai même : à côté de la plaque.

Et le succès de Yannick Jadot aux élections européennes reste, sur le planisphère des activités humaines, une voie de garage, même s'il indique la persistance d'un sentiment de culpabilité des populations à l'égard de la nature naturelle (enfin, ce qui en subsiste) : à quel taux de probabilité s'élèvent ses capacités d'action efficace ? Ses possibilités de transformer l'existant ? Combien sont-ils, les Verts, au Parlement européen ? Et qu'est-ce que le Parlement européen, dans le vaste chaudron de la mondialisation ?

***

Cette hypocrisie générale, ce mensonge n’est plus de mise. Thomas Piketty a bien raison d'intituler sa chronique du Monde du 9 juin 2019 "L'illusion de l'écologie centriste". Malheureusement, il se contente d'observer les jeux de vilains des politicards en présence, du coup la portée de son papier en souffre. Ce n’est pas de demi-mesures, d'accommodements courtois, de corrections à la marge, de remèdes de surface que l’humanité a besoin : ce serait d’un retour radical et volontaire à une conception raisonnable de tous nos rapports avec le monde. Carrément l'utopie, quoi !

C’est précisément cette conception que nous avons perdue et oubliée depuis deux siècles : nous avons quitté sans retour le monde ancien. Et malgré tous les hypocrites "c'était mieux avant" ou "c'était le bon temps", nous nous félicitons à chaque instant, par nos gestes mêmes, du fait que ce monde ancien nous soit devenu étranger (ringard, vieillot, suranné, etc.). Si par extraordinaire nous décidions de retrouver ce mode de vie (frugalité, sobriété, etc.), l’événement serait d’une violence insoutenable (y compris pour moi).

Vous imaginez la quantité astronomique de travail qui nous retomberait sur le dos ? Ce serait une conversion infiniment douloureuse. De façon plus réaliste, je crois que la perte est définitive et irréversible : on n'arrête pas une machine qui a les dimensions de la planète et qui régente l'existence de (presque) tout le monde..

Et si beaucoup de gens souhaitent "faire des gestes pour la planète" (nous culpabilisons), personne n'a vraiment compris. Je veux dire que personne n'est prêt (moi compris) à perdre tout ce qu'il faudrait pour retrouver l'équilibre perdu. Parce que ce serait individuellement trop coûteux. Sans même parler des efforts constants du système pour accroître sa puissance et son emprise, personne ne peut s'extraire de l'engrenage, même les écologistes convaincus, qui aiment se raconter de belles histoires (consommer "bio", circuits courts, agriculture raisonnée, permaculture, etc.). A quelle hauteur s'élève leur refus du système ? Leurs concessions au système ? Tout ça ressemble à : « Encore quelques minutes, monsieur le bourreau ! ».   

Il nous faudrait réapprendre tout ce que nos ancêtres connaissaient par cœur. Dans quelle école apprendrions-nous aujourd’hui ce dont nous nous sommes dépouillés avec soulagement et enthousiasme il y a deux siècles et dont nous avons perdu la mémoire ? Comment trouverions-nous, sept milliards que nous sommes, un terrain d’entente avec la nature, avec la planète, avec le monde, bref : avec les nécessités irréductibles de la nature et des éléments ?

Quel coup de baguette magique nous inculquerait le sens et le respect des limites à ne pas dépasser, que l’humanité a respectées pendant pas mal de millénaires, et dont nous avons fait en deux cents ans des guenilles indignes d’être portées, que nous avons jetées aux orties ? L'humanité présente éprouve une haine viscérale des limites, comme le montrent à profusion les inventions des "créateurs culturels" dans leurs spectacles où fourmillent la transgression, l'attentat aux tabous, le franchissement des limites. Après toutes les Déclarations des droits humains, à quand la signature solennelle de la Déclaration Universelle des Limites Humaines ?

L’humanité présente est une Cendrillon qui n’a pas entendu les douze coups de minuit : il nous reste la citrouille, les rats et les trous dans la pantoufle de vair. Grâce à la machine du capitalisme industriel et productiviste, l’humanité retournera dans son taudis avec les pieds écorchés.

Malheureusement, il nous reste quand même, indéracinable, le rêve de la splendeur du palais princier, le rêve des vêtements chamarrés du bal de la cour. Il nous reste le rêve du bonheur définitif, le rêve de l’abondance des biens, le rêve des fontaines où coulent l’or de nos désirs et les diamants de la certitude de pouvoir les assouvir : la créativité humaine (l'innovation technique) reste pour nous infinie, et nous n'avons ni les moyens ni l'envie d'inverser le cours de l'histoire.

L’humanité présente rêve. Elle vit dans un conte de fées. Elle a fait de la planète un Disneyland géant en même temps qu'une poubelle, et n’envisage à aucun prix d’en sortir. L’humanité, qui a les pieds dans la merde, ne renonce pas à ses rêves sublimes, et ce ne sont pas les écologistes qui la réveilleront. La réalité l’attend au coin du bois.

« La mort lui fit au coin d'un bois le coup du père François ».

"Grand-père", Georges Brassens.

En résumé, si, pour être écologiste, il faut détruire le capitalisme, il faudrait en même temps dire comment on fait. Jusqu'ici, le capitalisme a régulièrement prouvé qu'il était increvable : il a tout digéré, y compris ses pires ennemis. Paul Jorion déclarait assez justement que les capitalistes ne feraient quelque chose pour sauver la planète que si ça leur rapportait. Autrement dit : aucune issue. Tant que l'écologie ne consiste qu'en pratiques fort sympathiques, mais infinitésimales, soigneusement montées en épingle par ses partisans, et qu'elle n'a, à part ça, que des mots à opposer au système capitaliste, celui-ci peut dormir tranquille : il ne sera pas dérangé.

Moralité : être écologiste aujourd'hui, ça n'existe pas. Et ça n'est pas près d'exister.

Voilà ce que je dis, moi.

vendredi, 14 juin 2019

ÉCOLOGIE = ANTICAPITALISME 1/2

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Toutes les grandes âmes, politiques ou autres, se rendent compte aujourd’hui que les populations électorales et consommatrices sont de plus en plus préoccupées par l’état de la planète, le changement climatique, l’empoisonnement chimique de l’environnement et autres réalités antipathiques. En un mot, les populations sont de plus en plus sensibles aux questions écologiques.

Pour leur donner l’impression qu’ils gardent un peu la maîtrise des choses, tous les "amis du peuple" qui briguent ses suffrages ont inscrit la protection de l’environnement à leur programme, sous forme de quelques virgules verdâtres, quelques phrases de sinople ou quelques paragraphes smaragdins, bref : des déclarations d'intention. Disons-le : ils veulent juste faire joli, et ça ne tire pas à conséquence. Le programme du parti écologiste lui-même, dont le chef provisoire ne vise rien de moins que la conquête du pouvoir (déclaration récente de Yannick Jadot), est – et c’est logique – entièrement consacré à ce thème. 

Tous ces braves gens mentent effrontément. Ils mentent quand ils parlent de « développement durable ». Ils mentent quand ils parlent de « croissance verte ». Ils mentent quand ils enfourchent le cheval des « énergies renouvelables ». Ils mentent quand ils parlent de « consommateurs responsables » et de « tri sélectif ». Et la chaîne Biocoop se fout de nous, avec son slogan sur le "consommacteur". Pour résumer, dans la vie politique, l'écologie reste une potiche garnie d'une plante verte dans un coin de la scène où pérorent les responsables.

S’agissant d’écologie et de défense de l’environnement, il n’y a qu’une seule vérité : personne n’est écologiste s’il n’est pas résolument anticapitaliste. Aucun humain ne peut se prétendre écologiste s’il ne considère pas le capitalisme comme l’Ennemi à détruire. Toute autre position, qui accepte de transiger avec ce principe est une lâcheté, une tricherie, un mensonge, une imposture. Partant de cette prémisse, on aura beau chercher un écologiste avec une lanterne à la main, on n'en trouvera pas. Cela veut dire accessoirement que tout le monde ment, y compris les écologistes estampillés.

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Le titre de ce billet est en soi un pléonasme. Pour être vraiment écologiste, il faut être un anticapitaliste résolu. J'avoue que, politiquement, le problème est difficile à résoudre. Dans les croyances les plus répandues, se déclarer anticapitaliste, c'est automatiquement être étiqueté bolchevique, marxiste, collectiviste, communiste, et toutes ces vieilles représentations armées d'un couteau entre les dents, où la planification autoritaire voisine avec la police politique, le Goulag, le KGB et les charmants souvenirs qu’a laissés le camarade Staline, petit père des peuples par antiphrase.

Cet anticapitalisme-là est une sinistre farce qui a été soigneusement entretenue par l'armée des agents de l'URSS à l'étranger connus sous le nom de "partis communistes". Car contrairement à la légende, l’URSS n’était pas anticapitaliste (Lénine a réprimé les premiers vrais soviets) : après 1945, elle fut seulement antiaméricaine. Et ça change tout. Ce qu'on nous a présenté pendant presque un siècle comme la patrie de l'anticapitalisme n'était ni plus ni moins qu'un autre système capitaliste, mais un capitalisme d'Etat, c'est-à-dire opposé au capitalisme à l'américaine, fondé, lui, sur la libre entreprise et l'initiative individuelle.

Dans l'un, tout était fait pour favoriser la libération des énergies des hommes entreprenants et courageux, dans l'autre, tout était administré par le couvercle d'une bureaucratie tatillonne et policière. – Soit dit par parenthèse, le rejeton bâtard de l'URSS nommé Nouveau Parti Anticapitaliste (Olivier Besancenot) ne fait que brouiller la donne. Heureusement : qui y croit ? Je ferme la parenthèse.

En dehors de cette différence – cruciale pour ce qui est des droits de l'homme – on aurait pu calquer à peu près le système soviétique sur le système américain : les deux s'entendaient à merveille pour faire de l’industrialisme et du productivisme à outrance l'alpha et l'oméga de la perfection des inventions humaines (voir par exemple la course à la bombe, la course à la Lune, les Jeux olympiques, ...). Le seul moteur qui alimentait l'antagonisme sauvage (quoique mimétique) que tout le monde prenait pour une incompatibilité de nature, une antinomie essentielle, c'était la performance dans tous les domaines possibles.

On se souvient du mythe de Stakhanov, ce "héros" du prolétariat mondial capable de remonter du fond de la mine cinq fois plus de charbon que le communiste ordinaire ; on se souvient de la souveraineté du "Plan" dont, systématiquement, le Soviet suprême concluait a posteriori que "le bilan était globalement positif". L'Amérique et l'URSS se sont simplement tiré la bourre pendant un demi-siècle pour savoir lequel des deux serait capable d'étouffer l'autre sous la masse supérieure de ses performances économiques, scientifiques et militaires chiffrées.

L'URSS a trahi tous les gogos qui ont cru aux "lendemains qui chantent". Une trop longue illusion qui a plongé toutes les gauches et les travailleurs de la planète entière dans la stupeur et le découragement quand l'imposture, au début des années 1990, s'est brutalement révélée pour ce qu'elle était, et que le "communisme" s'est désintégré sous nos yeux, dans une déflagration soudaine, comme par un effet de prestidigitation, où les apparatchiks purs et durs ont su se glisser du jour au lendemain dans le costume rutilant (et mafieux) des "oligarques" gourmands et forcenés. L'URSS abattue a laissé le champ libre aux Etats-Unis, qui ont pu croire que l'ennemi était définitivement à terre, et qu'il ne se relèverait jamais.

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Vignette quasi-conclusive de Les Secrets de la Mer noire, de Bergèse et De Douhet, n°45 de la série "Buck Danny". Le volume est paru en 1994 !!!

Pour ce qui est du productivisme, de l’industrialisme et de la destruction de la nature, USA et URSS s’entendaient comme larrons en foire, avec cependant une prime aux soviétiques qui se souciaient de la vie humaine et de la sauvegarde de l'environnement encore moins que les Américains (c'est tout dire), comme l’ont montré les premières interventions après l’accident de Tchernobyl (voir La Supplication, de Svetlana Alexievitch, Lattès, 1998). Et il paraît qu’il vaut mieux ne pas tremper un orteil dans les eaux de Mourmansk ou de la Mer blanche, à cause des déchets innommables qui y ont été immergés.

Le capitalisme, incarné par son champion américain, est un anti-écologiste endurci, c'est sa nature, on le sait. Mais son ennemi déclaré, la soi-disant anticapitaliste et "communiste" URSS, était encore plus anti-écologiste que lui. L'écologie est le seul anti-capitalisme authentique.

A suivre.

mardi, 28 mai 2019

LA JEUNESSE ET LE CLIMAT

UNE PETITE CONTRADICTION

Je voudrais ici établir une drôle de passerelle entre deux faits que l'actualité récente ne cesse de juxtaposer dans les journaux et tous les moyens de communication et d'information, sans que ceux-ci soulignent jamais la bizarrerie du voisinage, tant ils sont babas d'admiration devant l'audace et l'authenticité déployées par la jeunesse, qui parcourt depuis quelques semaines les avenues du monde en criant aux puissants leurs quatre vérités. On dira peut-être que je cherche la petite bête ... Et alors ?

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A l'appel de Greta Thunberg, une force nouvelle à l'apparence impressionnante s'est mise en branle pour éveiller la conscience mondiale d'adultes assoupis dans leur confort satisfait, et pour interpeller des gouvernements trop pusillanimes dans leurs actions (ou plutôt inactions) pour empêcher le climat de déraisonner au point de rendre la vie de l'humanité plus difficile, et peut-être impossible.

Semaine après semaine, voilà que se sont installées, juxtaposées à celles des gilets jaunes, des "marches pour le climat" où sont tonitrués des slogans vindicatifs censés faire sortir les responsables politiques de leur coupable léthargie : agissez pour le climat ! tonnent les centaines et les milliers de jeunes qui marchent dans les rues dans l'espoir d'influer sur le cours catastrophique des choses. Ces marches sont, comme de juste, célébrées et magnifiées par la rumeur publique, par la gent médiato-journalistique (qui voit là un nouveau biscuit à se mettre sous la dent), et même par l' "establishment" politique, ravi semble-t-il de se trouver bousculé par la "fougueuse jeunesse".

Remarquez, on dit "les jeunes" mais il n'y a pas que des jeunes. Soit dit en passant, pas plus tard que vendredi 24 mai, rentrant chez moi en passant par la rue Dumenge, j'ai assisté à une scène intéressante : d'une voiture garée contre le trottoir, un homme dans la quarantaine extrayait de curieux objets, tous disposant d'un manche et doté d'un carré de tissu vert qu'il disposait contre le mur d'un immeuble, sans doute pour remiser tout ça dans sa cave.

Le dernier objet consistait en une immense toile verte dont les deux extrémités latérales étaient fixées sur de longs manches. Sur tous ces bouts de tissu vert, une inscription de grande taille : Greenpeace. La multinationale industrielle de la défense de l’environnement ne reste pas inactive, me suis-je dit "in petto". Non, il n'y a pas que la jeunesse : des passagers clandestins ont pris le train en marche, une aubaine qui passait à portée de main. De quoi profiter pour se faire une bonne publicité et gagner encore en "visibilité", voire faire de la bonne vieille récupération de mouvement social. Remarquez qu'en matière de passagers clandestins qui ont pris le train en marche, les gilets jaunes (je parle de ceux du début) savent parfaitement de quoi on parle.

L'enthousiasme des jeunes, disons-le, a quelque chose de sympathique, voire de puissant. Les vieux chevaux de mon espèce se disent que non, tout n'est peut-être pas perdu et qu'il est encore possible de ne pas désespérer de l'espèce humaine en général, et en particulier de la partie qui s'apprête à prendre les commandes de l'engin planétaire à la suite de ceux qui ont fait leur temps et dont les agissements prédateurs ont détérioré la nature au risque d'y rendre la vie de plus en plus invivable. J'éprouve de la gratitude et de l'émotion à entendre les appels pressants d'une génération souvent considérée comme insouciante et dépourvue de sens des responsabilités.

Cela dit, le vieux sceptique que je suis ne peux s'empêcher de se gratter le crâne pour en faire sortir quelques points d'interrogation et de discerner, au milieu du métal le plus pur, la paille qui un jour ou l'autre verra se rompre brutalement la pièce usinée avec tant d'enthousiasme. Car …

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On voit se livrer en ce moment une sanglante guerre entre deux mastodontes, les Etats-Unis et la Chine, pour savoir à qui reviendront les principaux bénéfices et la maîtrise d'un nouvel outil – "révolutionnaire", selon quelques journalistes spécialisés dans l'extase professionnelle à chaque fois que surgissent les innovations technologiques –, un outil qu'on a baptisé d'un nom aux connotations sûrement érotiques : « La 5G ».

Un de ces journalistes, entendu sur France Culture, déclarait qu'un spectateur de match de football pourrait, grâce à cet outil révolutionnaire, pointer son "iPhone" de dernière génération sur un des joueurs courant sur la pelouse, et que s'afficheraient sur son écran des informations aussi vitales et passionnantes que sa vitesse à l'instant "t", son rythme cardiaque, le nombre de kilomètres parcourus depuis le début du match et autres informations dont nul homme normal ne saurait bientôt se passer.

Je le dis sans ambages : j’étais à deux doigts de me pisser dessus à force de rigolade, tant l’utilité de la « 5G » dans cet exemple crevait, non pas les yeux, mais  tous les plafonds de la sottise. L'émerveillement technologique de gens supposés sérieux a toujours pour moi le rutilant éclat de l'exaltation splendide du gamin qui rêve tout éveillé, à Noël, devant la vitrine enchantée du magasin de jouets où s'amoncellent, dans une ambiance éblouissante, toutes sortes d'objets fascinants. Le même émerveillement à l'âge adulte relève selon moi d'une forme assez compacte de crétinisme.

Car c'est quoi, la "5G" ? D'abord le coffre-fort que vous trimbalerez sur vous 7/7 et 24/24 (mais ça, on connaît déjà avec le matériel existant), un coffre-fort qui contient absolument tout ce qu'on peut apprendre de vous sans vous connaître et sans avoir la permission. Mais un coffre-fort qui est en réalité une passoire, ou plutôt un tuyau, puisque tout ce qu'il sait de vous, il se hâte de le transférer à une banque centrale (on appelle ça "banque de données" ou "big data"), qui fait collection de coffres-forts pour leur faire cracher le plus possible de juteuses retombées.

Et vous, qui aurez étourdiment confié toutes sortes de secrets à une machine (pauvres secrets en général, mais n'est-ce pas le lot ordinaire de l'humain ?), vous ne vous étonnerez même pas d'être devenu si prévisible, presque transparent. Je dis "presque", parce que personne au monde, si puissant soit-il, ne peut accéder à l'opacité indestructible qui gît au fond de chacun. Certes, la "5G" fouillera plus profond et sera capable de je ne sais trop quels recoupements aptes à remplir les poches des actionnaires : elle butera au bout du compte sur un noyau d’indéchiffrable. 

Mais il n'y a pas que le coffre-fort, la banque centrale et la banque de données. Il y a l'objet technologique que vous tiendrez dans votre main. Et cet objet, si vous réfléchissez deux minutes avec un cerveau écologique, vous vous dites que c'est une authentique saloperie, une ordure de la pire espèce, pour une raison assez précise. Car pour le fabriquer, le fabricant a été obligé d'aller puiser dans toutes sortes de ressources, des habituelles et des moins habituelles. On appelle ces dernières les "terres rares". Inutile de vous dire que, pour la possession de ces terres rares, tous les moyens sont bons. Et la Chine est plus forte à ce jeu.

Mais ce n'est pas fini : l'utilisateur ordinaire d'un iPhone (smartphone si vous voulez) n'a aucune idée de l'invraisemblable amalgame de matériaux divers qu'il tient dans la main. Des plus savants que moi ont calculé que, si l'on voulait procéder au recyclage de cet objet (c'est-à-dire à la séparation de tous les éléments et matières préalablement amalgamés) dans des conditions économiquement acceptables, on pourrait espérer en récupérer tout au plus 15% : s’occuper du reste reviendrait beaucoup trop cher. 

Et vu le rythme auquel les fabricants renouvellent leurs produits pour rendre obsolètes les modèles précédents, entretenir la flamme de la nouveauté dans le désir de leurs clients et alimenter les portefeuilles d’actionnaires, la masse des smartphones n’a pas fini de submerger les déchetteries et d’empuantir l’environnement. De ce point de vue, le smartphone est par excellence une caricature de l’ennemi public n°1 de la nature. L'anti-matière ultime de l'écologie.

Bon, on me dira qu’il faut aussi compter avec l’empoisonnement de l’humanité par l'agro-industrie chimique, l'élevage chimique, industriel et de masse, la déforestation massive, l’invasion des océans par les plastiques, l'extermination programmée des insectes, puis des oiseaux, et toutes les réjouissances découlant de cette loi cartésienne présentant l’homme comme « maître et possesseur de la nature ». Il reste que le smartphone représente aujourd’hui le nec plus ultra de l’objet anti-écologique.

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Alors voilà, je pose une question à tous les jeunes qu’on voit prêts à s’engager dans les brigades internationales pour secourir le climat menacé : faudra-t-il vous couper le bras pour que vous consentiez à vous séparer de cet objet dont vous n’acceptez à grand-peine de vous séparer qu’au moment où il faut bien dormir ? Pour la réponse, je crains le pire, si j’en crois la panique qui gagne la totalité des gens au moment où ils se rendent compte qu’ils ont oublié leur compagnon à la maison.

Je reste totalement sidéré face à la place centrale, vitale et essentielle que ce petit rectangle occupe dans la vie d’une masse de gens. Et je me dis que si les jeunes qui manifestent en nombre pour la défense du climat considèrent ce simple objet comme une partie d’eux-mêmes, comme un membre qui prolonge leur organisme comme s’il était une partie organique de leur être, ils ne sont pas près de comprendre ce qu’implique pour eux-mêmes la lutte contre le changement climatique d’origine anthropique.

Ils n’ont pas encore compris que s’ils veulent vraiment agir, s’ils veulent participer directement à la correction de trajectoire des activités humaines en direction d’un monde habitable, ils devront tirer un trait radical sur tout un tas de joujoux sans lesquels ils ne sauraient envisager pour l’instant de vivre, au premier rang desquels le smartphone. D’un certain côté je les comprends : ils sont nés dans cet univers où des marchands d’illusions passent leur temps à leur faire prendre des vessies pour des lanternes (ce que condense à merveille l’expression oxymorique « réalité virtuelle »). Qu’ils soient pris dans toutes sortes de mirages produits par la technologie, je peux le comprendre : l'un des effets produits par les objets techniques les plus sophistiqués dont nous faisons usage n'est-il pas de faire disparaître la réalité sordide des choses derrière un écran d'images plaisantes ?

Mais gare au moment de la désillusion. Gare au moment où ils réaliseront qu’en acceptant les joujoux si captivants avec lesquels ils ont grandi et qui leur semblent faire partie intégrante de la « nature », ils ont signé le grand, l’énorme permis de polluer dont bénéficie le système économique ravageur contre lequel ils disent qu’ils se battent. Car sans en avoir clairement conscience, ils sont partie prenante, par leur consommation, de l'entreprise qui modifie le climat en profondeur. En un mot : les jeunes polluent.

En réalité, ce n’est pas contre ce système qu’ils se battent : ils se contentent d’en appeler aux politiques, aux hommes d’Etat, aux responsables auxquels ils gueulent : « Bougez-vous ! ». Qu’attendent-ils, d’ailleurs, des politiciens ? Il faut être aveugle pour ne pas se rendre compte que les vrais responsables ne sont pas ces fantoches, ces gens qui dépensent des trésors d’ingéniosité et d’énergie pour acquérir et si possible conserver une parcelle de pouvoir. Ils ne sont pas le vent, mais les moulins que le vent fait tourner.

Tant que la jeunesse n’affrontera pas le vent lui-même, je veux parler de la force qui fait tourner depuis les coulisses toutes les machines à détruire le climat, elle ira de déconvenue en déconvenue. Tout au moins aussi longtemps qu’elle n’aura pas compris à quels sacrifices personnels coûteux (confort, facilité, ubiquité, etc.) elle devra se résoudre si elle tient au fond d’elle-même à atteindre réellement les nobles buts qu’elle se proclame. La jeunesse devra consentir à s'amputer de bien des gadgets.

De même qu’on ne peut se prétendre un vrai communiste et être propriétaire d’un bel appartement situé tout près du Parc de la Tête d’Or (D.B. pour ne nommer personne, en plein quartier bourge à plus de 5.000€ le m²), de même, on ne peut pas se prétendre un authentique écologiste défenseur du climat et consommer en même temps toutes sortes de gadgets techniques, fort séduisants par le formidable potentiel de mise en relation, mais dont la logique de production dissimule soigneusement chacun des effets destructeurs qu’on observe à toutes les étapes de la chaîne, et dont ils ne sont que le point d'aboutissement scintillant.

Je souhaite à la jeunesse de comprendre que ce qui a déréglé le climat qu'elle affirme vouloir protéger, ce n'est rien d'autre que le système où elle est née, et qui lui a procuré le monde de confort, de facilité, de paix et d'abondance (apparente) dans lequel elle a grandi. Je souhaite qu'elle en vienne à inclure son propre mode de vie dans les changements à imposer à toutes nos façons de faire, inutilement dispendieuses, et même ruineuses. Je ne suis pas sûr qu'elle y soit prête.

Voilà ce que je dis, moi.

jeudi, 20 décembre 2018

PRISE DE CONSCIENCE ?

EN FAIT, L'ÉCOLOGIE EST UNE POTICHE.

Vraiment ? Vous y croyez, vous, à ce qu'on raconte ? Selon Le Monde (daté 18 décembre, suite à la "COP 24" de Katovice), il faudrait croire que les populations sont convaincues qu'il est indispensable de procéder à la désormais fameuse "transition écologique" et que, si ça coince, c'est la faute aux "politiques", aux gouvernements, aux Etats : « Le philosophe Dominique Bourg souligne la distorsion entre la prise de conscience des populations et l'inertie politique » (ce n'est pas Le Monde qui parle, c'est juste annoncé en une, mais c'est renforcé par l'éditorial, qui dénonce la pusillanimité des Etats). Ma foi, je suis comme les Normands de Goscinny et Uderzo.

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Pour ce qui est des gouvernants, je crois que c'est incontestable : sans même parler de la Pologne, de la Chine ou de l'Inde encharbonnées, de Donald Trump ou de Bolsonaro, pour dire en quelle considération notre président tient la cause de l'écologie, il a suffi d'un problème de politique intérieure (non négligeable, c'est certain) pour qu'Emmanuel Macron, sacré champion de la cause écologique (mais c'était avant la démission de monsieur Hulot), envoie à Katovice un sous-fifre avec mission de représenter la France, et encore, pas pendant toute la durée de la conférence. Avec la "déception" générale à l'arrivée (n'en déplaise à madame Sylvie Goulard).

Mais je me dis que si les gouvernants se permettent cette grande désinvolture à l'égard du climat, c'est certes parce que leurs pays sont engagés dans la grande compétition économique mondiale (les producteurs de pétrole ne tiennent pas à voir se tarir la manne procurée par l'or noir), mais c'est sans doute aussi parce que, politiquement, ils auraient du mal à "vendre" l'argument écologique à leurs populations, plus soucieuses – et on les comprend ! – de préserver ou d'améliorer leurs conditions matérielles d'existence que de sauvegarder la nature.

Prenons les gilets jaunes : qu'est-ce qui a mis le feu à la sainte-barbe du navire France ?

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C'est la taxe dite "écologique" sur les carburants. C'est vrai qu'il faut faire payer les émissions de CO2 par ceux qui les fabriquent, mais il fallait être totalement ignorant, inconscient et irresponsable pour déguiser en argument écologique une vulgaire taxe envoyée dans les gencives de populations déjà mises en difficulté par ce que les nécessités quotidiennes et les dépenses contraintes leur coûtent chaque mois. Macron aurait voulu griller la cause écologique dans l'esprit des populations qu'il ne s'y serait pas pris autrement. Pas la peine de rappeler le sort finalement fait à l' "écotaxe" de notre Ségolène nationale. Politiquement, l'écologie est bien une "potiche" avec une plante verte pour faire joli dans le décor, mais tellement recollée, raccommodée et rafistolée que plus personne n'est prêt à parier un kopeck sur son avenir. De profundis, l'écologie "politique". L'écologie n'a aucune chance si elle se fait parti politique, elle en garde quelques-unes si elle se fait SOCIÉTÉ.

Car la vérité de l'urgence écologique est là. Jean Jouzel, ancien président du GIEC, cet organe qui rassemble les résultats des recherches de je ne sais plus combien de climatologues, laissait percer son inquiétude, à la clôture de la "COP 24". Il faut impérativement, selon lui, faire en sorte que le climat ne se réchauffe pas de plus d'1,5° dans les années à venir, sous peine d'irréversibilité catastrophique du processus. Pour cela, il faut réduire la production de gaz à effet de serre. Pour cela, la plupart des gens pensent qu'il faudrait se tourner vers les énergies renouvelables. 

Voilà qui est bien parlé, disent certains, mais d'abord, avez-vous pensé à l'empreinte carbone laissée par la fabrication d'un panneau photovoltaïque ? Par l'usinage des énormes pièces métalliques des éoliennes ? Ensuite, est-ce qu'il n'y a pas mieux à faire qu'à s'obstiner à produire (et consommer) toujours plus d'énergie ? Les responsables continuent à seriner que, pour faire disparaître le chômage, il faut toujours plus de croissance : lâcher tous les freins au "dynamisme de l'économie". 

C'est précisément là que rien ne va plus. Les optimistes ont beau faire des sourires à la "croissance verte", cette idée a priori pas si folle apparaîtra tôt ou tard pour ce qu'elle est : une fumisterie. Car la croissance, ça signifie toujours plus d'énergie pour produire toujours davantage de biens. Or, qui dit "énergie" et "production" dit prédation des ressources en énergies et en matières premières : le serpent se mord la queue. Le mécanisme reste à l'œuvre.

Il ne faut pas se faire d'illusion : l'humanité actuelle est revenue à l'époque préhistorique lointaine où chaque clan de néandertaliens ou de sapiens survivait de pêche, de chasse et de cueillette. Voilà ce qu'on appelle "économie de prédation". Aujourd'hui, notre système  (économie de production-consommation) a rejoint la préhistorique économie de prédation , en mille fois pire. Car ce qui était viable quand un tout petit nombre d'humains prenait à la nature – et tout à la main, s'il vous plaît, ce qui limite les prouesses de tous les Stakhanov, qu'ils soient de simples hommes ou des machines géantes – ce qu'il lui fallait pour assurer sa pérennité (et pas plus, faute de savoir le conserver et le stocker) est devenu un fléau, quand sept (bientôt neuf) milliards d'humains pratiquent la prédation à grande échelle et à grands coups de mécanocratie aveugle, en dépassant outrageusement les limites du nécessaire, un fléau qui est une vraie menace pour la survie de l'espèce.

On lit ici ou là, on entend aussi de plus en plus souvent des slogans du genre : "Faites quelque chose pour la planète !". Mais elle s'en tamponne, la planète : ce n'est pas elle qui est menacée, c'est l'ensemble des mammifères bipèdes qui s'agitent dessus. "Gaia" (Isabelle Stengers et quelques autres) est totalement indifférente à ce qui peut leur arriver. Elle en a vu bien d'autres, et, quand l'humanité aura disparu de sa surface, elle continuera son existence, ni plus ni moins que comme avant, jusqu'à son absorption dans la "géante rouge" que sera devenu le soleil, dans quelques milliards d'années. S'il y a une solution à trouver, ce n'est pas pour elle : c'est pour nous. Ce qui nous paraît nécessaire et suffisant, à nous autres pays riches, est décidément trop : nous sommes non seulement en train de vider notre garde-manger, mais aussi de le détruire, le garde-manger.

Et la solution, elle n'est certainement pas dans l'innovation : elle est dans le renoncement. Ce que tout le monde appelle "transition écologique" (je mets les guillemets), ça va dans le sens de l'innovation. Ce qui veut dire que ceux qui soutiennent cette perspective ne contestent rien du modèle économique en vigueur, qui est précisément cet insatiable prédateur et accapareur qui est la cause de tout le mal, sous l'apparence séduisante et menteuse du confort, de l'abondance et de la facilité. Et ça veut dire qu'ils n'ont rien compris au phénomène actuel. Pour eux, c'est un modèle incontestable et toujours valide. Cela veut dire qu'ils en sont restés au bon vieux schéma qui consiste à "aller de l'avant" (c'est l'industrie triomphante, c'est Renault-Billancourt, ou c'est le poilu en pantalon rouge qui part à l'assaut sous les balles).

« Ciel ! ce sont les machines,

Les machines divines,

Qui nous crient "en avant"

En langue de savant. »

Guy Béart, Le Grand chambardement (1968).

Alors le renoncement, maintenant. Pour donner une chance à l'humanité de survivre encore quelques centaines d'années (?), elle est là, la solution : renoncer aux facilités. Je veux de la lumière : j'appuie sur un bouton, et la lumière est. Je veux laver ma chemise : j'appuie sur un bouton, et ma chemise est propre. Je veux laver mon assiette : j'appuie sur un bouton, et mon assiette m'est rendue nickel. J'ai un peu froid chez moi : j'appuie sur un bouton, et l'atmosphère se fait agréable et tempérée. J'ai un peu trop chaud en été : j'appuie sur un bouton, et une fraîcheur de bon aloi s'installe. Je dois impérativement aller de Lyon à Molinet ou Strasbourg en voiture : j'actionne le démarreur (une variante du bouton), et j'arrive bientôt à destination. 

Voilà exactement la raison pour laquelle nous autres humains (« Frères humains qui après nous vivez, N'ayez le cœur contre nous endurci »), nous épuisons les ressources qui nous permettent aujourd'hui de vivre agréablement, mais plus pour longtemps. Voilà en réalité à quoi il faut convaincre les populations qu'elles devront renoncer si elles tiennent vraiment à ce que la vie humaine reste envisageable sur terre et à ce que leurs lointains descendants puissent continuer à ne pas avoir très envie de mourir, vu les conditions de vie. Il faut leur dire qu'elles n'ont pas fini d'en baver ! On comprend devant quel mur politique sont placés les responsables : convaincre je ne sais combien de milliards de citoyens de renoncer aux avantages matériels dont ils bénéficient déjà (pays "avancés"), ou dont ils rêvent et se sont fait un programme d'existence (les autres pays, encore plus de milliards de personnes).

Mais qui est prêt à renoncer aux commodités que l'épanouissement économique (et géopolitique) de l'Occident lui a finalement procurées, le plus souvent après d'âpres luttes sociales ? Moi-même, je n'ai guère de sympathie pour cette perspective, bien que (parce que) je sois loin d'être le plus gros prédateur. On fait briller de mille feux l'euphémisme de la "transition écologique" pour ne pas effaroucher les populations.

Comment celles-ci prendront-elles des discours de vérité quand on leur annoncera qu'il faut se serrer la ceinture ? Quand on leur expliquera qu'en réalité, la seule vraie "transition écologique" consiste en un appauvrissement généralisé ? Quand on leur dira que, pour que les générations à venir aient une chance de survivre, il va falloir qu'elles vivent avec moins de confort ? On vient d'en avoir un petit échantillon sur les ronds-points du territoire français à cause d'une petite taxe sur les carburants. Parce qu'on ne sortira pas de cette autre vérité : chaque mois, il faut arriver à la fin du mois.

Alors on pourrait se tourner vers les plus authentiques, les plus gros, les plus gras prédateurs, non ? Bêtement, on a envie de se dire qu'elle est là, la solution. J'imagine le scénario. Là non plus, ce ne sera pas facile, et d'autant plus difficile, compliqué, voire insurmontable que là, il s'agit de s'attaquer au siège du vrai pouvoir. S'attaquer aux populations, ça pose déjà problème. Alors s'attaquer aux puissants, on comprend très vite quelle sera l'issue de la bataille.

A part ça, tout va bien : la COP 24 se termine en pet de lapin ; la production de gaz à effet de serre a battu son propre record l'an dernier ; et sur 577 députés, 491 étaient absents le 30 mai 2018, jour où a été rejetée l'interdiction du glyphosate (il n'y a pas que le climat, il y a aussi la chimie) par l'Assemblée Nationale. Et l'on n'a jamais autant parlé d'environnement, d'écologie, de "gestes pour la planète". 

Si j'étais linguiste, je m'inspirerais du célèbre titre de John Langshaw Austin, Quand Dire c'est faire. Il mettait en évidence les caractéristiques des "énoncés performatifs", ces mots qui déclenchent une action. J'appellerais l'antithèse radicale entre discours écologique et réalité de la lutte pour l'environnement un énoncé contre-performatif : l'environnement, c'est comme l'amour, plus on en parle, moins on le fait. Allez, ne parlons plus de l'environnement, du changement climatique, de l'urgence écologique : laissons advenir ce qui doit advenir.

Non, ce n'est pas une bonne nouvelle.

Voilà ce que je dis, moi. 

dimanche, 21 octobre 2018

CLIMAT : LA RECETTE MIRACLE !

Dans la série "Des nouvelles de l'état du monde" (N°66).

Résumé : Corinne Pelluchon et Raphaël Stevens, les invités de Florian Delorme (émission "Culture Monde" sur France Culture, jeudi 18 octobre), ont peut-être compris que le système économique actuel mène l'humanité à la catastrophe. En tout cas, loin de proposer de lutter pour l'empêcher, la philosophe et le prospectiviste ont réfléchi à la façon dont il faudra gérer les populations quand celle-ci se sera produite.

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Voilà donc tous les apports dont sont capables, dans les circonstances actuelles, les sciences sociales (Pelluchon se dit philosophe) et la futurologie (Stevens se dit "prospectiviste"). C'est bien ce que je disais : les intellos sont définitivement impuissants à modifier le réel, leur travail se réduit à proposer des recettes pour "agir sur les mentalités". Sans avoir les moyens de les mettre en œuvre, à moins qu'un maître puissant les prenne à leur service pour mettre à l'épreuve, contre rémunération, le pouvoir d'influence de leurs trouvailles. Seules les trouvailles jugées "vendables" par le maître puissant (entendez capables de générer du "cash") trouveront grâce à ses yeux. C'est une question de "créneau" et de "marché".

Je veux dire que P. et S. connaissent à fond leur Edward Bernays, l'inventeur (avec quelques autres, Walter Lippmann, ...) de la manipulation des foules, du "gouvernement invisible" et du coup d'éclat publicitaire (il double d'un seul coup le public potentiel de la firme Lucky Strike en 1928 en donnant à une cohorte de femmes payées pour ça la consigne de fumer dans la rue, très ostensiblement, sous l’œil des caméras).

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L'œuvre fondatrice du maître et un extrait de la première page. Autrement dit, l'un des pères de la publicité moderne considère le peuple comme un conglomérat de gogos.

Pelluchon et Stevens s'en remettent aux recettes d'un grand Manitou de la com'. C'est triste : ils sont en train de mettre sur le marché des idées dont ils espèrent de fructueux retours sur investissement. C'est presque une demande d'emploi auprès des industriels de la communication : après tout, le marché du bien-être existe déjà bel et bien. De petits épiciers, finalement. Accessoirement, les rayons de librairie "Développement personnel" n'ont pas fini de s'allonger.

Pelluchon et Stevens sont peut-être au courant de l'émergence de l' « économie comportementale » (récent prix Banque-de-Suède-alias-Nobel d'économie) et d'une de ses facettes, le « nudge marketing », qui amène les consommateurs à modifier sans contrainte leur comportement. Au Danemark (je crois), des urinoirs spéciaux ont été installés (je ne sais pas où ni en quel nombre) : dans la faïence de l'objet, l'image d'une mouche a été insérée au centre. Résultat ? Les frais de nettoyage ont été réduits de 80%, parce que les pisseurs avaient à cœur de viser l'animal avec soin. Ô pauvres hommes si prévisibles ! Ô l'admirable manipulateur !

Je ne rappellerai que pour mémoire la pudeur de vierges effarouchées de Beauvois et Joule qui minimisaient dans leur désormais célébrissime bouquin, que j'avais lu à parution, la portée manipulatoire des inventions de la psychologie sociale (par quel procédé technique obtenir d'un individu qu'il fasse le geste qu'on attend de lui tout en lui laissant croire que ce geste émane de sa seule volonté ?). Ils refusent d'assumer les usages potentiellement pervers ou dévastateurs qui peuvent être faits des expériences qu'ils rapportent par des gens malintentionnés. Un intello ne peut envisager le Mal, qu'on se le dise. Un intello doit toujours proposer des perspectives d'avenir, des ouvertures, des raisons d'espérer. La faute sans doute au formatage préalable, vous savez, le sacro-saint plan "Constat-Cause-Solutions" appris dans toutes les écoles, de l'ENA aux écoles de journalisme (on observe, on analyse, on propose). Un bon rapport, une note de synthèse digne de ce nom ne saurait s'achever sur une note pessimiste.

Pour cela, Beauvois et Joule s'appuient probablement sur le motif bizarroïde qu'une technique n'a rien à voir avec les usages qui en seront faits (c'est aussi l'opinion déplorable de Paul Jorion) : c'est commode de se défausser ainsi sur les spécialistes, les abstractions et les bonnes intentions de l'"ETHIQUE" (Ah que voilà un vocable qu'il est beau !). Commode application du principe de la "division du travail" et de la compartimentation des tâches : chacun chez soi, et les vaches seront bien gardées.

En fait, les inventeurs de la technique sont aveugles, et pour les conséquences de leur créativité, ils repassent le bébé à une autorité chargée d'édicter un "code de bonne conduite" et de se déguiser en gendarme en lui disant : « J'invente, je fabrique, et toi, démerde-toi avec ça !». Ils considèrent les techniques comme neutres et innocentes par principe. Ils sont forcément du côté de "L'Empire du Bien" (Philippe Muray). Bien au chaud dans l'évidence nouvelle provoquée par l'innovation, les "Comités d'éthique" leur tiennent compagnie. Oh, Delacroix, c'était quand, déjà, "La Liberté guidant le peuple" ?

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Pelluchon et Stevens parient en réalité sur les techniques les plus sophistiquées de la psychologie sociale, de la publicité (disons : de la propagande) et de la manipulation des foules pour remédier aux conséquences économiques, environnementales et humaines catastrophiques bien concrètes que nous prépare sans faute le système économique globalisé tel qu'il fonctionne aujourd'hui. Comme remède au Mal qui s'annonce, quelle trouvaille ! Du moins c'est ce qu'ils croient. Ou qu'ils font semblant de croire ? Peut-on être naïf à ce point ? Ce qu'ils voudraient, c'est façonner de nouvelles subjectivités de masse capables d'assister à la catastrophe sans se faire trop de souci et sans que les sociétés se transforment en champs de bataille ?

Ce qu'ils voudraient, c'est inspirer à sept milliards d'individus une façon obstinément positive de contempler le désastre quand il se produira. Ils voudraient avant tout que les humains restent bien assis quand les ressources, le confort et les perspectives de vie agréable auront foutu le camp. Ils voudraient leur inculquer la recette pour ne pas se sentir malheureux du malheur. Et surtout, sans doute, éviter le "chacun pour soi".

D'abord, c'est la quadrature du cercle. Ensuite ils ne savent rien de la façon d'arriver à ce magnifique résultat : rendre l'humanité docile à l'idée de son futur avilissement. Comment amener l'humanité à faire le deuil de son train de vie, de son confort, surtout pour ceux qui en constituent la partie nantie ? Comment appeler ceux qui en sont démunis à renoncer aux promesses de perspectives prospères ? A se dépouiller de leurs "grandes espérances" (génial roman de Dickens) ?

A la question insistante et pertinente de l’excellent Florian Delorme (« Mais enfin, comment on fait ? », je souligne la seule question importante), ils n'ont pas de réponse. J'ai juste entendu le pauvre Raphaël Stevens, après un silence, bredouiller quelque chose comme : « Eh bien, euh, continuer le cheminement ... » (texto). Piteux. La baudruche est dégonflée. La Pauvre Corinne Pelluchon clame haut et fort : « Je ne suis pas dans le "Y a qu'à-Faut qu'on" ». Cela dit toutes les solutions qu'elle propose reviennent à du "Y a qu'à-Faut qu'on". C'est risible. Sous leur discours qui déborde de paroles verbales, que reste-t-il de tangible ? Si peu que rien.

En fait, tout le travail de Corinne Pelluchon, de Raphaël Stevens et des gens qui pensent comme eux consiste à enrober, à tourner autour du pot, à euphémiser, à retarder le moment de la prise de conscience par les masses du cataclysme promis. Stevens n'a pas tort quand il dit que ce ne sera pas un événement brutal dans le genre Jour du Jugement Dernier, mais que c'est un processus. Il ne faut pas inquiéter les masses, les masses, c'est imprévisible, on ne sait jamais ce qu'elles sont capables de commettre. P. et S. ne proposent aucun remède à la crise qui s'annonce : ils conjurent les hauts responsables de prendre en compte les risques qu'il y aurait à ne pas prendre en compte les grandes angoisses qui vont aller en augmentant à mesure que les situations concrètes deviendront plus difficiles à vivre.

Très rapides en rythme géologique, mais d'une lenteur imperceptible et désespérante au rythme d'une vie humaine, on constate en effet des phénomènes terribles, mais qui se produisent si lentement et en ordre tellement (de moins en moins) dispersé que personne n'y voit un processus en marche, ni ne fait le lien entre eux, et que le processus avance inexorablement une fois l'attention retombée dans les préoccupations ordinaires. Mais pourquoi Stevens va-t-il se perdre dans les fumées de la propagande et de l’action psychologique ?

Non, ce qu'il faudrait, c'est dire la vérité aux foules et préparer la répression des paniques, des jacqueries et des révoltes populaires massives (dont l'élection de démocrates autoritaires à laquelle on assiste depuis quelques années - Pologne, Hongrie, Amérique, ... - est selon moi un symptôme, voire un signe avant-coureur). La vérité ? Un nombre infinitésimal d'hommes vandalise la planète à son seul profit, s'accaparant des montagnes d'or. Ces quelques hommes bourrés de fric jusqu'aux trous de nez sont incapables de dépenser leur fortune autrement qu'en œuvres d'art qui s'autodétruisent (Banksy) et autres objets ostentatoires et inutiles. Dans le même temps, ils réduisent à la précarité et à la servitude des centaines de millions d'individus qu'ils font mine de vouloir secourir à travers des fondations qui n'émeuvent que les gogos. Mais j'entends les haut-le-cœur : Bill Gates, Jeff Bezos, etc... ah les braves gens, quand même ! Comment osez-vous vous en prendre à ces milliardaires au grand cœur ?

Pelluchon et Stevens, en réalité, crèvent de trouille. Ils savent comment des milliards d'hommes réagiront quand ils verront se resserrer autour de leur cou le nœud coulant de la réalité économique, environnementale et politique. La violence, la haine, la guerre, ils les voient (peut-être) venir, mais cette réalité-là est trop monstrueuse pour être endossée par de dignes universitaires, par des intellos propres sur eux, et qui veulent continuer à être pris au sérieux dans les milieux savants (ils ont pondu un bouquin savant, n'est-ce pas, il faut vendre). Ils ne veulent pas scier la branche sur laquelle ils sont assis. Pour cela, ils n'ont pas renoncé à espérer, même si c'est en faisant semblant. Ils n'ont pas renoncé à "mentir au peuple". S'ils ont l'intelligence que je leur prête, ils ne sont pas près de laisser tomber l'imposture qui les fait vivre. Il faut bien vivre ...

En attendant, ils publient des bouquins très savants qui ressemblent comme des gouttes d'eau à des livres de prière.

Voilà ce que je dis, moi.

samedi, 20 octobre 2018

CLIMAT : LA RECETTE MIRACLE !

Dans la série "Des nouvelles de l'état du monde" (N°65).

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CODICILLE

(« Alors cerné de près par les enterrements,

J'ai cru bon de remettre à jour mon testament,

De me payer un codicille. »)

Tonton Georges.

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J'entendais avant-hier, sur France Culture, dans l'émission "Culture Monde" de Florian Delorme (que j'écoute très régulièrement, et bien souvent avec intérêt), deux ahuris pérorer leurs niaiseries parfois hilarantes au sujet de l'effondrement  (voir ici aux 14 et 15 octobre). Ce fut du moins ma première réaction. Corinne Pelluchon et Raphaël Stevens, deux beaux exemplaires de l'imposture intellectuelle. Deux magnifiques symptômes de l'impuissance des intellos à peser sur les événements. Deux prestidigitateurs capables de faire disparaître la réalité des choses sous le Niagara de leur verbe vide. Accessoirement, Raphaël Stevens se targue d’être « collapsologue », en français : spécialiste dont l’objet d’étude est la notion d’effondrement appliquée à toutes sortes d’objets. Il cherche en particulier à établir scientifiquement les lois qui président aux effondrements des civilisations. Mazette ! Excusez du peu !

Leur grande question, face à l'effondrement inéluctable qui nous menace et qui viendra, est : "comment continuer à vivre bien et à vivre ensemble à mesure que la vie de l’humanité deviendra plus difficile et que celle-ci aura perdu les bienfaits matériels que lui procure encore aujourd'hui la civilisation industrielle ?" Ils répondent grosso modo qu'il est aujourd'hui vital d'agir sur les mentalités si nous ne voulons pas que la dite humanité retourne à sa barbarie initiale et, pourquoi pas, à son animalité originaire. Ils vous apprendront comment faire pour continuer à "valoriser les émotions positives" et à "refréner les émotions négatives". L'industrie du bien-être au service de l'ordre social, quoi. Et sur fond de spectacle de désolation !

Moi je demande comment des gens qui manifestent un peu d'intelligence peuvent tomber à ce point à côté de la plaque. Ils n'ont rien compris à ce qui est en train de se passer. La réalité qui se laisse d'ores et déjà pressentir nous promet des conditions d'existence de plus en plus difficiles : 1 - l'économie est en train de nous préparer, au dire d'un certain nombre de spécialistes (contredits par d'autres), une belle catastrophe ; 2 -  les gaz à effet de serre auxquels il faut ajouter les "apports" de l'industrie chimique à "l'amélioration" de notre alimentation, sont en train de nous préparer une autre catastrophe, environnementale cette fois ; 3 - les circonstances politiques et sociales faites dans beaucoup de pays aux populations (et à certaines en particulier) sont en train de nous concocter une magnifique catastrophe humaine (dont les migrations actuelles ne sont qu'un des signes annonciateurs).

Dans un deuxième temps, me grattant l'occiput d'un index perplexe, je me suis demandé ce qui amenait des gens apparemment instruits à proférer pareilles inepties. Je me suis pris à supposer qu'ils avaient peut-être, malgré tout, bien compris ce qui est en train d'advenir. Je me suis alors demandé par quel cheminement tortueux ils étaient parvenus à ces discours qui se voudraient optimistes et consolateurs. Et je me suis souvenu de la première partie du livre co-publié par Raphaël Stevens et Pablo Servigne Comment tout peut s'effondrer. J'avais dit tout le mal que je pensais, ici-même, des deux dernières parties de ce livre, mais le plus grand bien du constat impeccable et implacable que ses auteurs dressaient auparavant, graphiques à l'appui, de la situation actuelle du monde, d'après de multiples critères qui tous convergeaient vers cette conclusion : "Tout va s'effondrer". Ou même : "Tout est en train de s'effondrer". Mais ils refusaient de renoncer à leur optimisme et d'aller au bout de leur logique.

L'objet de la réflexion de Corinne Pelluchon et Raphaël Stevens, chacun dans son domaine, se situe non pas dans la question "que faire pour empêcher la catastrophe ?", mais dans "comment anticiper l'attitude des hommes pendant et après la catastrophe et prévenir une catastrophe à suivre, sanglante celle-là, qui illustrera en rouge l'expression bien connue "la guerre de tous contre tous" ?" J'avoue que ce déplacement de la question m'a plongé dans un abîme. Si mon hypothèse est bonne, Pelluchon et Stevens tiennent la catastrophe pour inéluctable, voire quasiment acquise. Et ils pensent au "coup d'après" : comment les hommes vivront-ils dans un monde où il n'y aura plus d'argent dans les distributeurs ou plus d'eau dans les robinets ? Plus de lumière quand ils pousseront le bouton ? Plus d’allumage quand ils actionneront le démarreur ?

J'avoue que j'ai mis un peu de temps à comprendre que ça pouvait être ça : si j'ai bien compris, Pelluchon et Stevens (et quelques autres "collapsologues", comme ils se plaisent à se qualifier) auraient compris l'issue fatale qui guette l'humanité productiviste. Et ils aimeraient bien que la suite se passe, disons, "le moins mal possible". Ah bon ? C'était donc ça ?! Eh oui, chers petits enfants (car on l'a compris, c'est à des enfants que s'adressent Pelluchon et Stevens), apprenons à vivre bien ensemble dans la prochaine sauvagerie économique, environnementale et sociale qui a commencé à redessiner le paysage tel qu'il existait avant l'aube de l'humanité. Il me semble qu'ils ont trop visionné de "feel good movies" : mettre du baume sur la plaie encore ouverte, voilà une recette miracle qu'elle est bonne.

Suitetfin demain.

mardi, 11 septembre 2018

LA DÉFAITE DE L'ENVIRONNEMENT

Dans la série "Des nouvelles de l'état du monde" (N°60).

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Décidément, c'est devenu une mode. C'est très "tendance". Ceux qui ont fait le plus fort, ce sont les 15.000 scientifiques qui ont signé l'appel de novembre 2017 dans Le Monde. Contre les inégalités, en décembre de la même année, les 100 économistes ont aussi tapé dur : s'agissant d'économie, trouver 100 spécialistes pour signer le même texte n'était pas un mince affaire (on est plus habitué aux célèbres disputes sur France Inter entre Bernard Maris (†) et Jean-Marc Sylvestre le vendredi matin, ou aux cacophonies du samedi matin sur France culture dans l'émission de Dominique Rousset).

L'appel récent de 200 personnalités "culturelles" pour le climat, en revanche, a fait un trou dans l'eau très vite refermé. Les cris d'alarme se suivent et se ressemblent : les mots ne sont décidément pas des actes. Les discours ne peuvent remplacer la volonté concrète d'agir sur les choses. Or, ceux qui peuvent agir (en théorie) sur les choses sont les gens qui sont au pouvoir (oligarchies gouvernementales et chefs d'entreprises géantes, qui fonctionnent par échanges de services). 

Le sort de l'environnement est indissolublement lié aux gens qui détiennent les divers vrais leviers du pouvoir. L'avenir de la planète dépend pour l'essentiel de ces gestionnaires de haut vol et de ces décisionnaires qui n'ont, le plus souvent, qu'un seul but dans la vie : rester à leur poste et accroître leur pouvoir et leur richesse.

Alors sachant cela, quel sort la réalité réelle du monde réservera-t-elle au SOS de 700 scientifiques publié par Libération samedi 8 septembre sur une "une" incendiée ? Ira-t-il rejoindre à la poubelle les nombreux cris d'alarme que poussent les écologistes depuis quarante et quelques années ? Ou la fréquence inédite des appels à laquelle on assiste depuis quelque temps est-elle le signe que les consciences sont en train de s'ouvrir à l'inquiétante réalité à venir ?

En effet, Le Monde vient de consacrer en une semaine une série de dossiers fouillés à quelques sites rendus définitivement inhabitables par l'homme ; le monde "culturel" s'est mis à frissonner d'horreur ; Libé se met à pointer le doigt sur l'indifférence générale aux catastrophes qui se produisent déjà ; une frange de la population (10.000 personnes à Lyon) est capable de consacrer son samedi après-midi à manifester son inquiétude.

Cela commence à faire beaucoup en très peu de temps. Est-ce une coïncidence, un simple effet de mode ou, plus sérieusement, le signe d'un mouvement progressif des consciences ? Je n'ai pas de boule de cristal pour le dire. Je me contente de noter la curieuse concentration de ces manifestations dans un temps très court. En tout cas une course est lancée. Qui va gagner ? Est-ce que ce seront les forces démesurées de l'ordre économique et politique établi ? Autrement dit, est-ce que ce seront les élites gouvernementales au pouvoir et les dirigeants d'entreprises géantes plus puissantes que les Etats puissants ? Ou bien la "vox populi" garde-t-elle quelques chances ?

Sachant qu'il s'agit d'une course de vitesse (et ça va de plus en plus vite) et mesurant les gabarits respectifs des deux compétiteurs, j'ai malheureusement peu d'espoir. Parce que, supposons juste qu'un jour une majorité de Français, et même – rêvons un peu – d'Européens seront convaincus de la nécessité de réduire drastiquement la voilure de leur mode de vie. A partir de là, comment s'y prendra-t-on pour convaincre les Africains du Malawi ou du Niger (populations parmi les plus pauvres du monde), les Chinois, les Turcs, les Boliviens, les Indiens ? 

La réponse est déjà dans la question. 

dimanche, 25 mars 2018

QU’EST-CE QU’UN ÉCOLOGISTE ? 4/4

20 octobre 2017

Des nouvelles de l'état du monde (4).

4

Alors tout bien considéré, qu'est-ce qu'un écologiste ? C'est un être malheureux, mécontent d'être malheureux, malheureux d'être mécontent. Selon moi, c'est un désespéré qui aime la vie, et qui est désespéré pour cette raison : il regarde le monde réel avec un peu trop de lucidité. C'est quelqu'un qui se raconte qu'il est peut-être encore possible d'arrêter la machine infernale et qui, pour la même raison, persiste à chercher, écrire, s'égosiller, courir, gesticuler, se démener, bref : "faire quelque chose", tout en étant persuadé que non, au point où l'on en est arrivé, c'est cuit, mais qui a verrouillé cette certitude dans le cabinet secret de tout au fond, dont il a jeté la clé au motif qu'il ne faut pas injurier l'avenir. "On ne sait jamais", se dit-il à la manière de ceux qui "n'y croient pas", mais que ça n'empêche pas, semaine après semaine, de remplir leur grille de loto.

Et puis s'il fallait cesser de vivre à chaque fois que meurt un proche, on serait mort depuis longtemps, se dit-il. Voilà : est un écologiste quelqu'un qui se prépare à porter deuils après deuils et qui, pour continuer à sourire à la vie, fredonne sans se lasser : « J'ai des tombeaux en abondance, Des sépultures à discrétion, Dans tout cimetière de quelque importance, J'ai ma petite concession. » (tonton Georges). D'une certaine manière, ce que je fais ici même présentement, c'est un peu "remplir ma grille de loto" : on ne sait jamais ! C'est vous dire l'état d'esprit.

Le tableau de la « mouvance » (« sensibilité » se porte aussi assez bien cette année) écologiste que j'ai essayé depuis quelques jours de dresser est sûrement incomplet, partiel et partial. J’ai seulement voulu en parcourir ce qui m’en a semblé les principaux aspects. Quel avenir ce tableau sommaire des préoccupations écologiques laisse-t-il entrevoir pour la planète ? J’ai envie de dire que, s’il y a une indéniable prise de conscience au sein de la communauté scientifique et parmi un certain nombre de voix en mesure de résonner dans les médias (je n'ai pas dit : en mesure de faire bouger les choses), le rapport des forces en présence et la lenteur pesante de l'évolution des consciences (ne parlons pas des intérêts en jeu, qui font résolument barrage) laissent mal augurer de nos lendemains. 

Qu’est-ce qui autorise un tel pessimisme ? D’abord la faiblesse structurelle due à l’inorganisation du camp des défenseurs de l’environnement. J'ai dit pourquoi hier, en parlant de la relation au pouvoir. Car les défenseurs sont multiples et hétérogènes, aussi multiples et hétérogènes que les problèmes qui menacent la survie de la vie sur terre. Car il n'y a pas que le réchauffement climatique dans la vie, il faut varier les plaisirs : il y a aussi l'agonie des sols cultivables de la planète, due à un productivisme agricole halluciné, qui consomme frénétiquement toutes sortes d'intrants chimiques (voir les travaux de Claude Bourguignon, ingénieur agronome) ; il y a, depuis trente ans en Europe, la division par cinq (- 80 %) des effectifs d'insectes volants, vous savez, ceux qui s'écrasaient sur les pare-brise, forçant l'automobiliste à s'arrêter souvent pour le nettoyer (je vous parle d'un temps que les moins de ...), catastrophe pour laquelle les scientifiques incriminent les mêmes intrants ; il y a la déforestation massive de certaines régions au profit de plantations autrement plus rentables (palmier à huile, eucalyptus, végétaux OGM, ...) ; il y a l'acidification de la surface des océans, qui rend problématique la survie des récifs coralliens et des planctons ; il y a l'empoisonnement de la chair des hommes par toutes sortes de molécules chimiques, qui n'est sûrement pas étranger à l'explosion des maladies chroniques, dont le cancer (les spécialistes parlent d'une épidémie : voir Notre Poison quotidien, de Marie-Annick Robin, La Découverte, 2013) ; il y a la mortalité humaine due à la pollution : neuf millions de personnes en 2015, selon une étude qui vient de paraître dans The Lancet, la grande revue scientifique britannique. Il y a ... Il y a ... Il y a ... Tout ça, ça fait des combats disparates, des luttes manquant de cohérence, des résistances tirant à hue et à dia. Cela ne fait pas une force.

Le changement climatique reste quand même la menace la plus globale et la plus visible (voir les ouragans récents, dont le dernier, certes dégradé en "tempête tropicale", a frappé l'Irlande (une tempête tropicale sur l'Irlande !!! Et peut-être bientôt « un oranger sur le sol irlandais », salut Bourvil), après avoir suivi une trajectoire qui sidère les météorologistes !), mais la guerre des hommes contre la planète a bien d'autres visages. Et cette guerre a été déclarée il y a un peu plus de deux siècles, quand les progrès techniques et le machinisme naissant ont opéré le passage d'une économie de subsistance à une économie de production de masse. Il paraît clair que l'accroissement de la puissance économique a été fidèlement suivie comme son ombre par un accroissement identique et synchrone de la pollution et de la dégradation des environnements. En bout de course, plus les pays du monde ont été nombreux à s'industrialiser, plus se sont multipliés les agents destructeurs. Plus l'homme a créé des richesses, plus il a nui à la nature. 

C’est maintenant indéniable : la gravité et l’intensité des pollutions découlent directement de la croissance industrielle. C’est l’industrie sous toutes ses formes qui nous a donné les agréments dont nous jouissons depuis toujours. C’est l’industrie qui, pour nous offrir tant de biens, a opéré, dans le même mouvement, la dévastation de la biosphère, dont nous voyons aujourd’hui la gravité. La pollution est directement le prix que nous faisons payer à la planète pour acheter notre confort. Plus nous vivons confortablement, plus nous sommes nuisibles : voilà l'équation. 

Pour être sûr de la chose, il suffit de regarder les changements intervenus en Chine depuis quarante ans : plus le pays s'est enrichi et industrialisé, plus massives ont été les pollutions. La Chine a expérimenté en quatre décennies ce que les pays anciennement industrialisés ont fait en deux siècles. Les atteintes à l'environnement sont à la mesure de la démesure du pays (l'Inde suit à petite distance : à eux deux, une petite moitié de l'humanité). Peut-être pour ça que c’est en Asie que la prise de conscience est la plus rapide au niveau de la population, peut-être aussi des dirigeants. C'est d'autant plus urgent que, si la planète pouvait supporter le "développement" à l'époque où il concernait cinq cent millions de "privilégiés", elle menace de crever la gueule ouverte au moment où chacune des sept milliards de fourmis qui encombrent sa surface se mettent à rêver de "vivre à l'américaine". 

Quid des populations occidentales ? Laquelle (moi compris) est prête à renoncer à quoi que ce soit de son confort et de ses facilités quotidiennes ? Quid des industriels, lancés dans la féroce compétition mondiale ? Lequel est disposé à se rogner les griffes pour faire plaisir aux écologistes ? Quid des financiers, traders et autres spéculateurs, dont l’unique obsession est de faire grimper toujours le taux de leurs profits ? Lequel de ces vautours est prêt à dire : « J’arrête » ? Tout cela fait système : chacun des éléments tient à tous les autres et n’existe que parce que les autres existent. En un mot, chacun des éléments est solidaire de tous les autres. Quand une machine est ainsi construite, allez donc la mettre en panne ou, simplement, la ralentir dans sa marche.

Qu’y a-t-il en face de ce monstre compact ? Des forces dispersées, plus ou moins vaguement organisées. Le GIEC ? On demande aux scientifiques de conduire des recherches et de produire des rapports. Pas de prendre les décisions que ces rapports appelleraient. Les ONG ? Elles peuvent avoir une influence éventuelle, c’est certain, mais ont-elles seulement le pouvoir d'infléchir la trajectoire ? Greenpeace tire un feu d’artifice dans l’enceinte de la centrale nucléaire de Cattenom ? La belle affaire : c’est mauvais pour l’image d’EDF, mais quoi d'autre ? Tout le monde a déjà oublié.

Les associations de militants ? Mais chacun des GPI ("Grands Projets Inutiles", genre ND des Landes, Lyon-Turin, …) voit se former à chaque fois des associations à objet spécifique, déconnectées de toutes les autres : comment ces forces éparpillées pourraient-elles se fondre en un ensemble qui pourrait rivaliser en cohérence et en puissance, mettons avec un animal aussi stratégiquement structuré que le Forum de Davos (on pourrait encore mieux parler du groupe Bilderberg, ou même de la Trilatérale, qui en est l'émanation), où les membres de la fine fleur des élites mondiales se tiennent par la barbichette, se serrent les coudes et ricanent au spectacle des petits agités qui prétendent les empêcher de danser en rond ? Les vaguelettes de surface n'ont jamais mis en danger les gros navires. Pour s'en persuader, il n'y a qu'à observer la vitesse à laquelle la limace européenne s'achemine vers l'interdiction du glyphosate. Sans parler de la brusque volte-face du clown américain en matière de réchauffement climatique.

Que peut-on faire en définitive pour s'opposer efficacement au processus global de cet ordre des choses ? D'excellents esprits disent, au motif qu'il faut toujours "finir sur une note d'espoir" : « Il ne faut pas se décourager. Il faut garder l'espoir. Tout est toujours possible. Nul ne connaît l'avenir. » (Hubert Reeves, Paul Jorion et plein d'autres volontaristes). Mais je ne suis pas volontariste. Je suis de l'avis de Günther Anders parlant d'Ernst Bloch, l'auteur de Le Principe Espérance : « Il n'a pas eu le courage de cesser d'espérer ». Je crois au contraire qu'il faut avoir le courage de cesser d'espérer : l'espoir est une telle machine à entretenir l'illusion qu'il rend aveugle sur ce qui est possible, ici et maintenant. Cette philosophie n'est pas confortable, j'en conviens, mais c'est la seule qui vaille : cessons de nous projeter dans l'avenir, et occupons-nous du présent, si c'est possible.

Et au présent, que peut-on faire ? Pas grand-chose, je le crains. Et si lentement ! La tâche est démesurée, et chacun se demande par quel bout commencer et quel fil il faudrait tirer pour faire obstacle au pire. Toutes ces montagnes à soulever ! Et pour obtenir quel résultat ! Et si encore la "croissance" se déroulait dans une atmosphère paisible et tranquille ! Mais pensez-vous ! Partout, c'est la concurrence, la compétition, le conflit, la guerre. Non, franchement, tout bien considéré, c'est mal parti. La destruction fait partie du programme.

D’accord, je ne suis pas un optimiste, mais j’ai le pessimisme un peu argumenté malgré tout. Non, ça ne me console pas. Bien obligé de faire avec. Ce qui me console, c'est ce rouge du domaine Gallety 2015 (un Saint-Montan) qui arrosait l'autre jour un sublime brie à la truffe de chez Galland, en même temps que les amygdales de quelques lurons pas tristes. 

Voilà ce que je dis, moi.

samedi, 05 décembre 2015

I'M A POOR LONESOME COWBOY

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L'ESCORTE (N°28)

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COP 21

Le dilemme est d'une simplicité angélique : si Rodrigue venge son père, il perd Chimène. S'il veut garder Chimène, il perd l'honneur de son père et de sa famille, il se déshonore lui-même. Ayant perdu son honneur, il devient alors haïssable aux yeux de Chimène. Sale temps pour l'amoureux.

Même choix cornélien pour le changement climatique : ce sera la croissance ou la planète. Pas les deux. Personne ne sauvera la planète en sauvant la croissance. A Paris, ils sont tous à tortiller du croupion pour ne pas nommer l'obstacle, pour tourner autour de cette réalité. Ah, que le « Développement durable » est joli ! Ah, l' « Economie décarbonée » ! Ah, les « Energies renouvelables » ! Quels beaux contes de fées pour grands enfants ! Que de jolies fables n'inventerait-on pas pour éviter d'affoler les foules !

Quelques illuminés, stipendiés des entreprises transnationales, clament aux quatre vents que c'est de la technique que viendra le salut. Ils ont lancé le concept époustouflant de « Géo-ingénierie » : ensemencer les océans avec du fer, envoyer dans l'espace des particules de je ne sais plus quoi pour diminuer le rayonnement solaire, ....

Ils ont raison : une seule solution pour résoudre les problèmes engendrés exclusivement par la technique et l'industrialisation à outrance :

LA FUITE EN AVANT.

Surtout, ne changeons rien au système !

Allons, enfants de la planète, le jour de gloire est arrivé ...

jeudi, 03 décembre 2015

I'M A POOR LONESOME COWBOY

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LES DALTON SE RACHÈTENT (N°26)

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21ème "COnférence des Parties".

Autrement dit :

COP21

C'est entendu, tout le monde voudrait bien sauver la planète.

Mais petit problème : ceux qui ont quelque chose ne veulent rien perdre, et ceux qui n'ont rien aimeraient bien acquérir quelque chose.

Ne nous faisons pas d'illusions : les riches feront tout pour continuer à s'enrichir, les pauvres feront des pieds et des mains pour s'éloigner de la pauvreté.

Pendant ce temps, de quel droit exigerait-on des industriels qu'ils cessent de faire des affaires et le plus de profit possible ? Qu'ils cessent de polluer l'air que nous respirons, l'eau que nous buvons, les sols qui nous nourrissent ? Qu'ils cessent d'empoisonner les hommes ? 

Autrement dit : personne ne veut décroître, tout le monde veut de la croissance. C'est l'incantation universelle.

Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur la plaine : croissons ! Croissons !

Croassons !

CHERCHEZ L'ERREUR !

Pendant ce temps, la planète ... Quoi, la planète ?

QUELLE PLANÈTE ?

« C'est quoi, une planète ? - Bof, pas grand-chose : une boule dans l'espace avec de la vie dessus, de très très loin en très très loin. Et encore, on n'est pas sûr. Laisse tomber, ça vaut mieux. »