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dimanche, 15 mai 2022

UNE VIEILLE CONNAISSANCE ...

... LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE.

Un ami m'a insidieusement prêté ce livre : il sait que je suis un peu sensible à tout ce qui touche à la question. Quand il m'a mis le bouquin entre les mains, un petit sourire malicieux s'est dessiné sur son visage. Je me suis demandé pourquoi.

PHILIBERT CEDRIC LA TERRE BRÛLE T ELLE.jpg

Quand je l'ai ouvert, j'ai compris. Ce livre est paru en 1990 ! Ça fait donc trente-deux ans. Et on y trouve déjà à peu près tout ce qu'on sait aujourd'hui sur le sujet (j'exagère bien sûr, mais tous les faits et données accumulés ensuite n'ont fait que confirmer l'état des lieux en aggravant le constat). Bon, il y a des éléments qui ont changé (le trou dans la couche d'ozone, par exemple, n'est plus un problème). Et puis c'est un livre de journaliste, je veux dire qu'il a les inconvénients de ses avantages : l'auteur se sent obligé d'évoquer tous les aspects de la question, au risque de paraître superficiel ou mal argumenté. C'est un survol, si l'on veut, mais qui fait le tour de la question en un peu plus de deux cents pages. 

Et puis les spécialistes du climat n'étaient pas encore organisés comme ils le sont aujourd'hui, les bataillons du futur G.I.E.C. avaient à peine commencé à éplucher les centaines, puis les milliers, puis les dizaines de milliers d'articles scientifiques parus dans des revues « à comité de lecture » et consacrés à tel ou tel aspect plus ou moins large, ou plus ou moins "pointu" du sujet. Le livre ne peut être qualifié de prémonitoire, puisque l'auteur s'appuie sur des faits déjà dûment constatés et répertoriés. Je retiens qu'en 1990, ON SAVAIT DÉJÀ TOUT !!! Ci-dessous, le texte proposé en "quatrième de couv.".

PHILIBERT LA TERRE 4è DE COUV.jpg

C'est curieux comme résonne à mes oreilles le mot "urgence", trente-deux ans après la parution : « Si nous nous dérobons à l'urgence d'un effort rapide et concerté .... ». Hé hé hé !!! Ma parole ! J'ai déjà entendu ça quelque part. Et je me dis : trente-deux ans !!! Et rien n'a bougé ou presque. Ah si, pourtant : le réchauffement climatique est devenu un passage obligé parmi les rubriques des bulletins d'information. Mais concrètement ?

Conclusion et moralité ? Je doute encore plus qu'avant de l'utilité du savoir. A quoi bon, en effet, accumuler des données sur des phénomènes irréfutables et menaçants, si personne n'est là pour faire passer dans les faits les conclusions des observateurs ? On reproche aux gens au pouvoir de ne rien faire. On leur fait même des procès. Il y a même des tribunaux qui condamnent des Etats à cause de la mauvaise volonté qu'ils mettent à réagir. On invente une Greta Thunberg, vous savez, cette surdouée de l'écologie justicière qui apostrophe les puissants de ce monde : « How do you dare ? » ("comment osez-vous ?"). On organise à grand spectacle des "marches des jeunes", des "marches pour le climat", des "marches pour le futur", soi-disant pour mettre les gens au pouvoir au pied du mur. Et rien ne se passe, ou alors si peu que rien. A première vue, cette inaction est extraordinaire. Mais je crois qu'elle s'explique parfaitement.

Ben oui. En démocratie, les gens au pouvoir, on les appelle des élus (ailleurs, l'environnement est le dernier des soucis des régimes autoritaires ou dictatoriaux, regardez comment Poutine considère l'écologie en Ukraine). Et pour être élus, les vieux de la vieille savent que les grands sujets dont il faut parler sont le pouvoir d'achat, le coût de la vie, le logement, les problèmes alimentaires, ce qu'on appelle aujourd'hui les « mobilités » (la voiture, les transports, les échanges transnationaux, etc.) et puis, "last but not least", l'emploi, c'est-à-dire le travail, le revenu, le salaire, les charges, les impôts, l'industrie, l'activité économique, la prospérité, le progrès sans limites et les lendemains meilleurs. La candidate à la présidentielle Marine Le Pen ne s'est pas trompée en tapant sur le clou "pouvoir d'achat".

Pourquoi croyez-vous que Yannick Jadot, le tout fiérot chef des écolos, a obtenu moins de 5% des voix à la présidentielle ? Parce que, si les électeurs ne font qu'une confiance très limitée à Emmanuel Macron pour mettre en œuvre une politique capable de résoudre leurs problèmes, ils savent parfaitement que si la France était gouvernée par des écologistes, ce serait pour eux une véritable catastrophe sur tous les points énumérés ci-dessus. Et je ne parle même pas de la dimension franco-française du débat, rapportée à ce que représente, en termes d'influence, la France dans le monde.

Elle est là, la vérité : la population veut bien accepter de corriger (à la marge) quelques excès qu'elle peut commettre dans sa façon de consommer ; faire des "petits gestes" qui ne servent pas à grand-chose au plan global ; déposer les diverses sortes de déchets dans les poubelles adéquates ; être privée de quelques places de parking pour laisser place à un "verger urbain" (j'ai sous les yeux un charmant pommier tout jeune, et quelques poiriers, cassissiers prometteurs, etc. : ça prend la place de six bagnoles) ; venir déposer ses épluchures dans la caisse à compost gérée par une association du quartier, et autre menues activités sans trop de conséquences ; se déplacer davantage à vélo en ville ; s'abonner à l'A.M.A.P. qui vient tous les mercredis poser ses tréteaux et ses étals pour distribuer ses "paniers" de produits en circuit court. 

Mais ce qu'elle veut en priorité absolue, la population, c'est du boulot qui lui rapporte de quoi vivre au-delà du 15 du mois ; c'est de quoi manger pas cher et nourrir la famille ; c'est de quoi se loger décemment et sans trop de tensions avec le proprio ; c'est de quoi, si possible, partir en vacances pour changer d'air de temps en temps. Voilà déjà tout un programme. Appelons ça la nécessité. Le dur du concret si vous voulez. Voilà les attentes auxquelles ont à faire face les élus, futurs élus et autres hautes éminences responsables du destin d'autrui ou qui aspirent à le devenir.

Bien sûr que la même population, celle qui lit, écoute ou regarde les nouvelles, n'est ni aveugle, ni sourde et que, hormis quelques endurcis de la comprenette, quelques complotistes gothiques et quelques antivax égarés, elle sait désormais que l'atmosphère se réchauffe du fait des activités humaines. Elle sait qu'il faudrait faire quelque chose. Mais allez lui dire qu'elle a tort de vouloir vivre correctement, avec des ressources suffisantes pour ne dépendre de personne, et surtout pas des banques alimentaires ! Vous voyez déjà la réaction !

On a beaucoup entendu, au moment des "gilets jaunes", la litanie : « Fin du mois et fin du monde, c'est kif-kif ! Ecologistes et gilets jaunes, fraternisons ! » Ben non, justement, ce n'est pas du tout la même chose. C'est même l'opposé. Il y a une contradiction flagrante, irréductible entre le projet de bâtir un monde enfin sobre, enfin écologiquement soutenable, enfin débarrassé de toutes les nuisances procurées par la modernité, la technique et la production à-tout-va (ça, c'est les écolos), et puis, en face, la nécessité, par exemple, pour des parents de gagner assez pour bien nourrir les enfants et leur offrir un cadre où ils puissent s'épanouir durablement (ça, c'est les gens ordinaires).

Aucun tribun, aucun meneur d'hommes, aucun chef de parti ne peut espérer rassembler des masses de gens derrière lui s'il balance à la gueule des foules un discours sur la sixième grande extinction, le réchauffement climatique ou la préservation des espèces menacées, car il devra ajouter que ces tableaux apocalyptiques seront forcément accompagnés de terribles restrictions sur la satisfaction des besoins, sur l'assouvissement d'énormément de désirs et sur d'innombrables espoirs d'améliorations et d'agréments promis par le Progrès et la Technique.

Tout laisse à penser que l'homme d'Etat doté d'une assez vaste envergure pour surmonter l'incompatibilité des termes de la contradiction n'est pas près de naître.

Alors, cela étant dit, suis-je pessimiste davantage que réaliste quand je pronostique que la situation de l'humanité ressemble à une nasse aussi vaste et profonde que l'univers ?

Voilà ce que je dis, moi.

Note : Dans toutes les forces qui font de la résistance à la lutte contre le réchauffement climatique, je n'ai pas cité la forteresse dans laquelle sont retranchés les grands acteurs de l'économie mondiale, les chimistes empoisonneurs, les productivistes déforesteurs, les extractivistes fossiles et autres engeances arc-boutées sur la course aux profits infinis. Il va de soi que tous ces gens (on peut à bon droit les appeler "le Système") figurent au premier rang des militants anti-écologistes. Ceux-là, ils n'agissent pas par nécessité, mais par choix. 

lundi, 13 décembre 2021

MESSI, C'EST TOI LE MEILLEUR !!!

Ce matin, j'ouvre innocemment le numéro du Monde Diplomatique d'Octobre 2021 pour y lire l'article de Guillaume Pitron : « Quand le numérique détruit la planète ». Intéressant et instructif, l'article. Un peu catastrophiste par son titre, mais il soulève malgré tout une question que je me pose depuis l'avènement fracassant de Greta Thunberg et des manifestations de jeunes pour le climat : c'est très beau de manifester dans un but louable, mais cela n'entre-t-il pas en minuscule contradiction avec la prédilection de la même jeunesse pour les outils numériques, au premier rang desquels trône le "smartphone" avec, pour entrer dans sa fabrication, l'impressionnante collection de corps chimiques divers, dont les désormais fameuses "terres rares" (lanthanides et actinides dans le tableau de Medeleïev) ? Je pose juste la question. L'article occupe les pages 17 et 18 de la revue, en plus de l'appel de une.

Ce qui m'intéresse ici, c'est plutôt l'article qui occupe la page 21, signé Marc Billaud : « Le footballeur et le chercheur ». Où l'on apprend que le budget annuel du G.I.E.C. est de six millions d'euros. Dans un premier temps, je me dis que c'est une belle somme, ces millions alloués au "Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat", cet organisme réunissant des milliers de chercheurs dans 195 pays. Et puis j'apprends dans la foulée que la rémunération moyenne des patrons du C.A.C. (Compagnie des Agents de Change) 40 passera de 3,8 millions d'euros en 2020 à 5,3 millions d'euros en 2021. Voilà une idée qu'elle est bonne pour bien faire entrer dans le crâne des scientifiques qu'ils ne sont que des pouilleux et que leurs avis sur la catastrophe prochaine, ils peuvent se les coller quelque part.

Mais le meilleur de l'article restait à venir, où l'on apprend cette fois que certaines rémunérations sont capables de s'élever jusqu'à la stratosphère et de se perdre dans l'espace intersidéral. Lionel Messi, le prodige barcelonais du ballon rond récemment transféré dans l'équipe arabo-pétrolière (Qatar) du Paris-Saint-Germain, a en effet déjà commencé à gagner, au sein de sa nouvelle "team" et quelles que soient ses performances, le modique argent de poche de 110.000 euros par jour. Je répète : 110.000 euros par jour. Autrement dit : quarante millions d'euros par an (je répète : 40.000.000 € par an). Pour un seul bonhomme. Le plus curieux dans cette affaire, c'est que cette information ne suscite pas le moindre débat, la moindre polémique, la moindre récrimination dans la population. Personne pour marcher dans la rue en criant « Halte au scandale des rémunérations délirantes !!! ». Je suis même prêt à parier que les amateurs de spectacles sportifs justifient cette somme totalement déraisonnable par le talent de son bénéficiaire. 

Enfin, tout ça pour dire que voilà où l'on en est, dans le monde d'après : pire que dans le monde d'avant. Quant à l'écologie et à la lutte contre le réchauffement climatique, l'humanité peut se brosser. Tout juste peut-on noter quelques initiatives du côté des communes converties à la couleur verte depuis les dernières municipales : elles ne connaissent qu'un refrain : l'écologie punitive.

On se demandera peut-être pourquoi j'ai classé ce billet dans la catégorie "L'état du monde". J'espère que la réponse ne fait pas de doute. 

Voilà ce que je dis, moi.

mardi, 09 novembre 2021

COP-26 - GRETA THUNBERG : MÊME BLA-BLA

DÉRÈGLEMENT CLIMATIQUE : LE "BLA-BLA" UNIVERSEL.

Ils sont tous bien gentils, ces gouvernements, ces dignitaires, ces chefs d'Etat qui se rassemblent pour engager solennellement la responsabilité de leur pays dans la lutte contre le vilain CO², contre le très vilain CH4, et signer quelques papiers avant de retourner chez eux. Mais c'est vrai aussi qu'ils sont tous bien sympathiques, ces manifestants qui n'en dorment plus de la nuit de se faire du souci pour le climat et en veulent beaucoup aux précédents parce tout ça leur file des insomnies et des brûlures d'estomac. C'est vrai qu'il faut leur secouer les puces, aux puissants de ce monde qui ne font rien ou si peu pour que la température globale moyenne du globe ne grimpe que de 1,5° Celsius.

C'est vrai — tout le monde le sait — que si on laisse filer le thermomètre, il ira se promener 2,7° C (certains disent 4° ou 5° et pourquoi pas plus ?) au-dessus d'aujourd'hui. Et alors le processus deviendra irréversible, avec son cortège de phénomènes météo extrêmes de plus en plus dévastateurs, et de migrations climatiques de masse.

C'est du moins ce que prédisent les spécialistes du climat réunis au sein du GIEC, vous savez, la très sérieuse société presque anonyme de scientifiques dont plus personne n'ignore aujourd'hui l'existence, l'expertise, l'expérience et l'autorité en matière de prévisions climatiques.

Je ne doute absolument pas de l'exactitude des données, de la pertinence de leur interprétation et de la certitude des conclusions que ces milliers de spécialistes en tirent. Ils ont raison de tirer le signal d'alarme (à défaut des oreilles des puissants). Donc, lors de la COP-26 à Glasgow, ce sont les gouvernants qui sont mis en accusation du fait de leur inaction criminelle par les manifestants emmenés par la sémillante Greta Thunberg.

Jusqu'à ce que je l'entende sortir de cette bouche juvénile, je croyais que "bla-bla-bla" était une onomatopée typiquement française. Je suis bien d'accord avec elle : tous ces chefs de quelque chose causent, causent, c'est tout ce qu'ils savent faire.

Remarquez qu'on en entend parfois de drôles, émanées de cette grosse assemblée. J'ai clairement mémorisé cette phrase prononcée fièrement par je ne sais quel responsable : « Il est temps de tenir les promesses et de mettre tout ça sur le papier ! ». De telles affirmations redonneraient le moral aux plus maussades, n'est-ce pas ? 

Donc parlons du "bla-bla-bla" que dénonce avec raison la petite Greta, cette petite sirène à la suédoise que tous les médias du monde s'arrachent. Ouais, parlons-en. Mais qu'est-ce qu'elle fait d'autre que du "bla-bla", la prêtresse Greta ? Elle engueule, elle vaticine, elle fait la morale, elle s'en prend à ceux dont on croit qu'ils tiennent les manettes, mais à la fin des fins, qu'est-ce qu'elle fait, si ce n'est pas causer, causer, causer, tout en désignant ceux qui, selon elle, sont les coupables ? Mais coupables de quoi ? De ne rien faire ? Ah, c'était donc ça ? Mais c'est là que ça devient couillon de les accuser ! Car il y a une solution à la catastrophe annoncée du dérèglement climatique, une seule : la diminution drastique du pillage des ressources et de la consommation d'énergie. 

Moi je dis que ça ne sert à rien d'interpeller, voire de faire condamner des gouvernements, des puissants ou des autorités : c'est la civilisation qui est coupable. Reprenons le raisonnement : à qui ou à quoi est-il dû, le réchauffement climatique ? C'est très simple : il est dû à toi, il est dû à moi, il est dû à nous tous qui achetons des trucs et des machins pour satisfaire nos besoins plus ou moins primaires, plus ou moins secondaires, etc. Il est dû à eux tous qui se démènent pour satisfaire nos besoins primaires, secondaires, etc. quand ils n'accourent pas au-devant à coups d'arguments publicitaires.

Il est dû à ma voiture, à mon frigo, à ma chaudière, à mon lave-vaisselle, etc. Il est dû à ce qui s'est imposé aux Occidentaux comme le mode de vie désirable parce qu'il leur apportait du confort, de la facilité au quotidien, bref : parce que ce mode de vie a progressivement mais massivement transféré la pénibilité du travail de l'homme vers la machine par l'utilisation généralisée du moteur et de diverses sources d'énergie jusqu'au fond de la forêt de nos milliers de gestes ordinaires. Vous imaginez s'il fallait maintenant faire l'opération inverse ? Transférer les tâches des machines vers le travail humain ? Vous vous voyez, la vaisselle et la lessive à la main ?

Tant qu'on n'aura pas vaincu dans l'esprit de l'humanité cet avantage de facilité qu'offre l'usage permanent de machines, d'automatismes et d'énergies que nous ne percevons même plus dans le moindre de nos gestes de la vie concrète tant c'est devenu "naturel", c'est toute l'humanité qui décidera par ses actes que la température du globe doit continuer à grimper de façon déraisonnable. Tant qu'on n'aura pas convaincu l'humanité que la seule issue de secours est de revenir au travail sans les machines, celle-ci votera par ses actes pour le réchauffement, c'est-à-dire contre le refroidissement. Je souhaite bien du plaisir à qui entreprendra pour de bon de convaincre l'humanité de RENONCER à ce que l'humanité a inventé pour améliorer son bien-être et ses conditions de vie.

Tiens, il se trouve que je n'ai personnellement aucune envie de revenir au temps d'avant les machines, les moteurs, tous ces outils magiques où il suffit d'un bouton à actionner pour que la tâche ingrate se réalise de ma part. Et non seulement je ne suis pas le seul à raisonner ainsi, mais à part quelques radicaux illuminés qui refusent que leur maison soit reliée à quelque réseau électrique (il y en a une petite tribu quelque part en Ariège), je crois que c'est l'humanité entière qui demande à toutes les sources d'énergie et à toutes les machines possibles de la décharger du fardeau des travaux pénibles, et même de lui procurer des satisfactions jusque dans des domaines considérés jusque-là comme superflus. Qui est prêt à lâcher ces merveilleuses trouvailles ? Il est là et pas ailleurs, le nœud de l'intrigue.

Elle est là, la quadrature du cercle dans lequel évoluent gouvernants et défenseurs du climat : d'une part les politiques savent qu'ils sont assis sur des sièges éjectables (au moins dans nos "démocraties"), et que s'ils prennent des mesures qui défrisent trop ceux qui les ont mis là par leur vote, c'en est fini pour eux, de la vie dans les palais de la République : les électeurs qui veulent se priver de la voiture, du lave-linge, du lave-vaisselle et de quelques autres commodités offertes (façon de parler, bien sûr) par la société de consommation existent sûrement, mais à l'état d'écrasante MINORITÉ.

Car d'autre part, les populations ordinaires et laborieuses n'ont aucune envie de modifier quoi que ce soit à leur façon de vivre et de consommer. Au contraire : elles attendent de l'avenir qu'il leur facilite de plus en plus l'existence. Vous n'avez qu'à voir comment elles ont accueilli certaines décisions "surprenantes" prises par le maire écolo de Lyon nouvellement élu. Non seulement je les comprends, mais je les approuve : j'en fais partie. Tous ces objets indispensables, et même tous ces objets pas très utiles voire superflus mais agréables qui meublent nos intérieurs, s'il fallait les remplacer par du TRAVAIL, vous vous rendez compte de la révolution à l'envers ? Ne plus faire jaillir la lumière en appuyant sur un bouton ? Couler l'eau potable en actionnant le robinet ? 

Le voilà, le paradoxe. La voilà, la grande contradiction. Le piège ignoble dans lequel toute la civilisation de technique, de production et de consommation a fourré l'humanité : ce sont toutes les activités qui permettent à chacun de vivre plus ou moins agréablement et confortablement (selon ses moyens) qui font grimper la production de CO² et la température de l'atmosphère. La conclusion n'est pas difficile à tirer.

Ceux qui tiennent les manettes, même les plus conscients des enjeux, même les mieux intentionnés, sont piégés : soit ils font la course de lenteur pour les prises de décisions, soit ils dégagent. Quant aux militants, dont des armées tous les jours plus nombreuses se lèvent pour les engueuler, les admonester et les accuser de "bla-bla-bla", de deux choses l'une : soit ils sont aveugles et ne se représentent pas toutes les conséquences de ce qu'ils réclament de leurs dirigeants, à savoir une baisse radicale de la consommation d'énergie, donc de la production de biens matériels, et l'instauration d'un monde de sobriété radicale ou d'ascétisme contraint (rayer la mention inutile) ; soit ils mentent.

Les ingénieurs et autres illuminés font d'incroyables efforts d'imagination pour biaiser avec l'issue fatale. Ils travaillent joyeusement à "augmenter" l'humanité, soit en inventant des oxymores du genre "développement durable", soit en développant les sources d'énergie renouvelables (vent, soleil, géothermie, ...), soit en mettant en place des stratégies encore plus folles de maîtrise des paramètres du climat (géo-ingénierie).

Leur seul objectif : maintenir constante et infinie la courbe ASCENDANTE des activités humaines, c'est-à-dire maintenir la courbe ascendante de la croissance, c'est-à-dire du système actuel de production-consommation-finance, c'est-à-dire du pillage des ressources et de l'incessante recherche de sources d'énergie. Vous les voyez, les pouvoirs en place, trembler rien qu'à l'idée de ce dont seraient capables les peuples qu'ils gouvernent s'ils venaient à leur promettre toutes sortes de rationnements, de restrictions et de privations pour se faire réélire ? Tout porte à penser que les populations ne supporteraient pas cette Vérité sur le climat et se précipiteraient dans les palais du pouvoir pour leur donner une fessée.

La Vérité, c'est qu'un jour viendra où il leur faudra SE RESTREINDRE, y compris les plus ardentes aujourd'hui à réclamer des gouvernants de vraies actions contre le réchauffement climatique. Et tout laisse à penser que le jour où elles se rendront compte qu'elles ne peuvent pas faire autrement que de se passer de tout un tas de trucs et de machins dont elles ne peuvent pas se passer aujourd'hui, elles risquent de le prendre très mal. Et ça risque de faire de gros dégâts. Je ne suis ni Madame Soleil, ni Nostradamus, ni Madame Irma, mais il me vient de cet avenir-là des odeurs de violence.

Voilà ce que je dis, moi.

mercredi, 09 octobre 2019

ECOLOGIE ? VIVA LA MUERTE !

FOUCART STEPHANE.jpg

Jamais la lecture d’un livre ne m’avait mis dans un tel état de colère. Jamais, je crois, je n’avais autant bouilli de rage du fait de ce que je lisais. Je m’empresse d’ajouter que Stéphane Foucart, son auteur, n’y est pour rien : au contraire, son livre est un impeccable acte d'accusation contre tout ce qui tourne autour de l'industrie chimique appliquée à l'agriculture.

Ce qui est un peu désespérant, c'est le mal de chien que se donne l'auteur pour établir la vérité des faits, et pour réfuter avec patience, précaution et méthode les pseudo-arguments de gens qui ne sont rien d'autre que des ennemis de la vie : à quoi sert de faire du "fact-checking" et de disséquer les mensonges quand ceux-ci tiennent le haut du pavé ? Que peut un livre contre les puissances négatives ?

Foucart est loin d’être un inconnu pour les lecteurs du Monde avides d’informations sur l’état physiologique de la planète : il dirige la rubrique où atterrissent toutes les informations sur le réchauffement climatique, la déforestation, la fonte des glaciers, bref : la rubrique « Environnement ». On ne dira jamais assez de bien de cette partie du journal Le Monde : voilà du vrai journalisme !

Dans Et le Monde devint silencieux (Seuil, 2019, le titre rend hommage à Printemps silencieux, livre fondateur du combat écologique de Rachel Carson, paru je crois en 1962 – bientôt soixante ans !!), Stéphane Foucart décrit minutieusement le mécanisme d’un véritable crime contre l’humanité qui se commet impunément depuis les années 1990 dans le monde entier.

L’arme du crime porte un nom difficile : « néonicotinoïdes », souvent apocopé dans le livre en « néonics ». Il s’agit d’un ensemble de molécules mises sur le marché (1993 en France) pour éradiquer définitivement les ennemis désignés des agriculteurs et des récoltes : les insectes ravageurs. C'est nouveau : leur effet principal n'est pas directement létal (= mortel), mais "sublétal" : l'insecte est amoindri (immunité, activité, etc.), mais le résultat est finalement le même.

Ces produits portent des noms imprononçables : imidaclopride, thiaméthoxame, clothianidine, sulfoxaflor, etc. Le fipronil, quant à lui, s’il est un phénylpyrazole (encyclopédie en ligne), appartient à la même bande de tueurs à gages (c'est exactement ça). Cette mafia d’exécuteurs est dirigée par des parrains dont la raison d’être s’appelle l’agrochimie : Bayer, Syngenta, Dow, Monsanto, BASF et quelques autres.

Cette « confrérie » de gens sûrement désintéressés, qui n'est pas loin de monopoliser la production des semences (voir la réglementation européenne des semences), a une seule loi : se rendre indispensable au monde, et devenir son fournisseur exclusif, pour garantir sa mirobolante rente annuelle, celle des royalties énormes qui leur sont versées par le monde en échange de leurs trouvailles « scientifiques » (qualificatif obligé, mais je mets quand même des guillemets), dont quelques noms figurent ci-dessus. Et la planète est disciplinée : tout le monde s'y est mis.

La grande trouvaille que toutes ces entités industrielles ont couvée et fait éclore, et qui a envahi les terres cultivables du monde entier, c’est l’enrobage : chaque graine, au lieu d’être semée comme autrefois pour être aspergée ensuite de divers produits nécessitant le port d'un scaphandre de cosmonaute pour celui qui les répand, est enrobée d’une coque aux vives couleurs, destinée à faire d’elle, quand elle se développera, une plante dont toutes les parties seront toxiques pour les insectes (mais pas que, comme on va le voir). On appelle ça un « insecticide systémique ». On a inventé la plante insecticide ! Fallait y penser.

Le problème, c’est que s’il s’en prend effectivement aux ravageurs, cet insecticide est incapable de les distinguer des non-ravageurs, et que tous les insectes qui s’y frottent, s’y piquent de façon irréversible, quelque bonnes que soient leurs intentions : les effets sont tout à fait indiscriminés. Ce qui veut dire que tout le monde y passe, y compris et surtout la vaste peuplade des pollinisateurs, au milieu desquels on trouve les abeilles de ruche, les abeilles solitaires, les papillons et les bourdons (ceux qui fécondent les reines).

Les études scientifiques dont Stéphane Foucart rend compte mettent en évidence le caractère infinitésimal des doses de produit qui suffisent pour perturber le système de repères des insectes, avec pour point final la mort, parfois en tas, mettant à mal le dogme de Paracelse : « C’est la dose qui fait le poison ». Ainsi, les scientifiques des grandes sociétés agrochimiques se sont montrés excellents dans la recherche de moyens d’extermination de la vermine (tiens, l'expression me rappelle quelque chose). Comme disait une publicité pour lessive il y a quelques décennies : « Touti rikiki, mais maouss costaud ! ».

Le plus étonnant, c’est que le monde fait aujourd’hui mine de s’étonner, et même de se scandaliser (enfin, pas trop quand même) du fait qu’un insecticide accomplisse la tâche pour laquelle il a été fabriqué : tuer les insectes. Il faut savoir ce qu’on veut.

Ce qui me met dans une colère noire, à la lecture du livre de Foucart, c’est d’abord le cynisme des firmes et des « scientifiques » à leur service face aux effets dévastateurs de leurs produits. Le plus scandaleux, c’est l’aplomb avec lequel, non seulement elles mentent, mais se débrouillent par-dessus le marché pour donner à leurs mensonges l’air, le parfum et le goût de la vérité. Le culot des chimistes de l'agriculture va jusqu'à financer généreusement des organisations de défense de l'environnement (p.264). 

Ce qui me met aussi en colère, ce sont les trésors de patience, de méthode, de recherche, d’argumentation qu’est obligé de dépenser Stéphane Foucart, à la suite des scientifiques réellement attachés à la manifestation de la vérité, pour démonter le mécanisme des « vérités alternatives » que voudrait imposer l’industrie agrochimique et pour défaire minutieusement les nœuds dont elle a embrouillé l’approche du problème.

J'enrage des précautions de Sioux que Foucart est obligé de prendre pour n'être pas pris en flagrant délit d'erreur, de négligence ou d'oubli par des bandits sans scrupule. Quelle énergie gaspillée dans le démêlage des écheveaux emberlificotés à dessein et à plaisir par les firmes industrielles !!! Les premiers abusés, bien sûr, c’est le public en général, mais aussi, pas loin derrière, les décideurs en dernière instance, pour le coup supposés s’être fait une opinion sur des bases solides avant d'apposer leur signature au bas d'un décret.

Les criminels ont développé pour cela des stratégies qui ont quelque chose de diabolique. La première est d’admettre que leurs produits ont peut-être des effets néfastes, mais de noyer cette cause possible dans un océan d’autres causes éventuelles (« causalités alternatives »). Je n'énumère pas, mais les chimistes ont en particulier désigné à la vindicte les ravages que fait dans les ruches une bestiole nommée « varroa », parasite effectivement peu sympathique, mais dont les dégâts sont loin de suffire à expliquer l’ampleur du désastre. Cela s'appelle "faire diversion".

La deuxième stratégie est tout aussi maligne. Elle consiste à constater, comme tout le monde, qu’il y a un problème, mais qu’en l’état actuel des connaissances dûment établies, on n’en sait pas assez pour trancher dans un sens ou dans l’autre. Il faut continuer la recherche, inlassablement (sous-entendu : interminablement). Il faut faire des efforts pour parvenir bientôt (?) à une certitude incontestable.

Encore un gros mensonge : les malfaiteurs s’efforcent en réalité, dans des articles qui ont toutes les apparences du sérieux, d’asséner benoîtement leurs vérités en occultant les dizaines ou les centaines d’études plus récentes parues dans des « revues à comité de lecture » qui prouvent à coup sûr que les coupables sont les néonicotinoïdes : « Les ressources de l'industrie des pesticides, sa capacité à générer de la controverse et à pénétrer le débat public pour créer le doute sont sans limites » (p.283).

La troisième stratégie, qui me met encore plus en rogne, prend pour cible les instances administratives et les cercles de la décision, qui ont en théorie le pouvoir (et le devoir) de réglementer les mises sur le marché, et d’interdire éventuellement tout ce qui est susceptible de nuire à la santé des hommes et à la qualité de leurs aliments et de leur environnement. Le seul message des industriels : entretenir le doute (voir Naomi Oreskes et Erik Conway, Les Marchands de doute, Le Pommier, 2012, commenté ici même en février 2012 ; à noter que, sauf erreur de ma part, Foucart ne mentionne nulle part ce livre important : c'est bizarre). Rien n'est sûr, faut voir, ptêt ben qu'oui, p'têt ben qu'non.

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Administrateurs et politiciens sont obligés, pour les questions où ils sont incompétents, de s’en remettre à des connaisseurs, des professionnels, des spécialistes, bref, des experts. L’essentiel se passe alors au sein de comités (commissions, agences, cellules, etc.) chargés de rassembler une documentation complète et des informations sûres, puis de transmettre aux autorités le dossier, assorti d’un avis supposé autorisé. L'art des industriels consiste ici à introduire leurs affidés dans les instances officielles pour orienter les décisions. A cet égard, ils sont d'une remarquable efficacité.

Car il se passe quelque chose d’étrange dans la circulation des personnes qui composent ce comité : on appelle ça les « portes tournantes ». Telle spécialiste (le nom importe peu) reconnue par tous ses pairs dans sa discipline, après avoir travaillé pour telle grande firme, est désignée pour diriger le comité en question. avant de continuer sa belle carrière au sein d'une autre multinationale qui produit les insecticides en question. Comme par hasard, le rapport rendu au commanditaire n’est pas défavorable aux « néonics ». Que croyez-vous qu’il arrive ? L’interdiction attendra. Comment qu'on torde la chose, cela s'appelle être juge et partie (ou "conflit d'intérêts", ou "manger à deux râteliers" si vous voulez).

L'interdiction attendra d’autant plus longtemps que le comité en question suggère de « continuer la recherche ». On n’en sait jamais assez, n’est-ce pas. « More research », voilà une litanie qui permet aux industriels de la chimie agricole de gagner de précieuses années et de diffuser en abondance leurs produits de par le monde, quitte à rendre leur usage irréversible.

Dernier argument des chimistes : réfuter les expériences des scientifiques extérieurs aux entreprises sur les effets de leurs produits, au motif qu’elles se déroulent à l’abri des conditions réelles, derrière les murs des laboratoires, et non « en plein champ ». Or, et Foucart le sait, c’est là que le bât blesse. Comment en effet conduire un protocole expérimental en toute rigueur dans un environnement où abondent les interactions, les facteurs adventices, les données inanalysables ? C’est horriblement difficile : « "obtenir des preuves en situation réelle" signifie en réalité, bien souvent, "ne pas pouvoir obtenir de preuves" » (p.239).

Moi, je connais le seul moyen de contrer cette stratégie, mais je sais aussi qu’il est totalement utopique : ce serait d’inverser la charge de la preuve. Exiger des marchands de poisons qu’ils démontrent scientifiquement, avant de les mettre sur le marché, l’innocuité de leurs substances pour les populations, pour les sols, pour les insectes pollinisateurs – et pour les oiseaux. Ce n’est pas pour demain la veille. Et pourtant, il est incompréhensible qu'il soit plus facile de faire circuler dans la nature 100.000 (cent mille !!!) molécules chimiques que d'en interdire quelques-unes (projet REACH savamment torpillé).

Vous avez dit "Oiseaux" ? Après avoir méticuleusement exploré les raisons pour lesquelles les pare-brise de nos voitures sont encore transparents après des centaines de kilomètres, Stéphane Foucart complète le tableau avec un aperçu sur la conséquence logique de la disparition des insectes : la disparition des oiseaux. Cette conséquence est tellement évidente (les oiseaux de nos campagnes se nourrissent pour une bonne part d’insectes et de graines) qu’on devrait pouvoir se passer de la décrire. Mais les dégâts sont réels, et prouvés : l'assassin de la vie n'est pas un individu ou une entreprise, fût-elle de dimension mondiale. C'est un système : celui sur la base duquel tout notre mode de vie s'est édifié (pour faire court : industrialisation de tout).

Un espoir cependant. Certaines machines administratives sont particulièrement lourdes à mouvoir. Tout ce qui est institutionnel est, on l'a vu, susceptible d'être infiltré par des agents de l'agro-industrie. C'est pour contourner l'obstacle qu'un groupe de volontaires se met en place en 2010 : le Task Force on Systemic Pesticides, TFSP. D'abord une dizaine, le collectif s'étoffe, se structure et se propose d'inventorier tout le savoir sûr accumulé sur les néonicotinoïdes.

Deux personnes seulement connaissent la liste des membres : tout le monde sait la puissance de feu, d'intimidation, voire de terreur de l'industrie : « L'ampleur de l'influence des firmes sur les organismes de recherche ou d'expertise, nationaux ou internationaux, voire sur les grandes ONG de conservation de la nature, donne toute sa valeur à la TFSP » (p.268). Ces travaux (qu'il faut bien qualifier de militants, tant ils se déroulent en milieu hostile, pour ne pas dire guerrier : il faut avoir le courage bien accroché), quand ils sont publiés, suscitent des levées de boucliers, des accusations,  des insinuations, des manœuvres douteuses, des campagnes malveillantes. On voit clairement qui est aux manettes.

Je le disais, le livre de Stéphane Foucart est un acte d'accusation. L'essai est irréfutable : sur les effets des "néonics", sur l'hallucinante guerre livrée par les firmes agrochimiques à la vérité scientifique et à la vie sur terre, sur l'exténuante lutte des gens honnêtes pour donner force de loi à la vérité scientifique, l'accumulation des données factuelles est telle qu'il est impossible de douter.

Et tout ça pour quel bénéfice agricole en fin de compte ? Le titre du dernier chapitre le laisse entrevoir : "Un mal inutile" (on est loin du petit conte scabreux de Voltaire : Un Petit mal pour un grand bien).

L'incroyable, l'inadmissible, le scandaleux, c'est que nous voilà un quart de siècle (1994) après les premières alertes sur les néonicotinoïdes par des apiculteurs français, et qu'une foule de décideurs en sont encore à pinailler sur les solutions, et même sur le diagnostic. Combien de claques faudra-t-il leur envoyer dans la figure avant qu'ils consentent à montrer un peu de courage ? Comment faire rendre gorge à des ennemis du genre humain qui ont fait des paysans des complices de leur crime ?

Je serais Greta Thunberg, j'aurais des sanglots dans la voix, et ça me ferait pleurer en public à la tribune de l'ONU. Bon, peut-être qu'elle devrait, mais étant au four du réchauffement climatique, elle ne peut pas être aussi au moulin de l'empoisonnement chimique. Il se trouve, heureusement, que je ne suis pas cette détestable comédienne (elle ose lancer : « How dare you ? You have stolen my dreams ! », et puis quoi encore ? On croit rêver.) qui se fait applaudir par les gens qu'elle vient d'accuser. 

Avec mon optimisme légendaire, je me mets dans la peau de M. Monsanto-Bayer-Syngenta, et je pose la question stalinoïde et stalinoïforme : « Stéphane Foucart, combien de divisions ? ».

J'ai, hélas, la réponse.

Voilà ce que je dis, moi.

Note 1 : sur la prévision (qui n'est pas une prédiction) de la manifestation de l'effet de serre du fait des activités humaines, voir les terribles pages 19 et suivantes de Stéphane Foucart : « Dans les années 1980, toute la connaissance sur le réchauffement n'était certes pas réunie. Mais toute la connaissance nécessaire pour agir était là » (p.20). « L'échec de la lutte contre le changement climatique, c'est l'échec d'une médecine qui craint plus l'erreur de diagnostic que la mort du patient » p.22).

Note 2 : sur le programme du livre : « ... les firmes agrochimiques exercent aujourd'hui, directement ou non, une influence sur le financement de la recherche, sur l'expertise, sur la construction des normes réglementaires, sur la structuration du savoir au sein de sociétés savantes, des universités et des organismes de recherche publics. Et même sur les organismes de défense de la nature » (p. 25). On est tout de suite fixé, même si certaines turpitudes (c'est tout le contenu du livre) dépassent l'entendement.

mardi, 24 septembre 2019

LA CAUSE ÉCOLOGISTE RIDICULISÉE ...

... PAR SES PROPRES MILITANTS.

S’agissant d’écologie, je suis terrifié. Il y a bien des raisons pour que l’affolement me gagne, mais la dernière n’est pas la moins bonne. Je vous explique. Je traitais ici même, le 24 juillet dernier, la petite Greta Thunberg de clown. Le 22 septembre, j’ai non seulement récidivé, mais aggravé mon cas, en m’apitoyant sur la santé mentale et la maturité affective du rédacteur en chef du journal Le Progrès, qui avait laissé passer ce titre de « une » surréaliste : « Les enfants au secours du monde ».

J’intitulais mon billet : « L’écologie devient une farce ». Je me disais que la cause écologique, en se popularisant au point d’accaparer l’attention des journaux, l’œil des radios, l’oreille des télévisions, le trou du cul des réseaux sociaux et même le neurone que des partis politiques en déroute mettent en commun aux moments de crise, faute de ressources propres, – que la cause écologique, disais-je, tout en entrant dans les discussions des familles réunies autour de la table, risquait de se muer en un grand n’importe quoi. Comme aime à le dire Alexandre Vialatte : « même une chatte n'y reconnaîtrait pas ses petits ». C’est en train de devenir chose faite.

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Pauvre climat ! Cela s'appelle "lui faire sa fête".

J’en veux pour preuve le titre et la photo qui annoncent l’article du Progrès du dimanche 22 septembre où Marie Redortier (qui a pris la photo ci-dessus) rend compte de la « marche pour le climat » qui a eu lieu la veille à Lyon. Le titre d’abord : un slogan sans doute piqué sur une banderole du défilé ou un slogan vaillamment scandé au mégaphone : « Macron, si t’es champion, arrête la pollution ! ». Je vous le dis en face : je suis terrassé par l’épaisseur de la bêtise de l’injonction. Le meilleur moyen d'empêcher de prendre la cause écologique au sérieux. Il faut en finir avec la dérision. Macron doit bien rigoler à ce spectacle, et se dire qu'il n'y a rien à craindre de toutes les manifs de bouffons. Avec les gilets jaunes, c'est une autre paire de manche (il envoie un peu plus de policiers).

Cette bêtise me fait penser à un sketch ancien de Raymond Devos : « Dieu ! Si tu existes, envoie-moi un signe ! ». Sauf qu’ici, je n’arrive pas, même à la jumelle, à voir le bout de la queue d’un poil d’oreille de l’humour propre à maître Devos. Quel geste magique l’auteur du slogan attend-il de Macron ? Mystère. Il veut que Macron marche sur les eaux ? Sur les mains ? Sur la tête ?

On me dira : c’est le propre d’une « manifestation bon enfant ». Je répondrai : « Est-ce que ça enlève quoi que ce soit à la connerie de la chose ? Y en a marre des manifs "bon enfant" ». Il faut de l’humour ? Mais ceux qui sont en face, vous croyez qu’ils en ont, de l’humour ? On me dira : « Il faut bien de la com', c'est pour les journaux, c'est pour la télé ». Je répondrai : « Faire de l'écologie un objet de com', ça revient à la fusiller ». 

Quoi qu'en dise Edward Bernays (Propaganda, éd. La Découverte, disponible et pas cher), ce n'est pas par une « stratégie de com' » qu'on convaincra les masses de cesser d'être consommatrices. Et je suis franchement d'accord avec moi (c'est mon opinion et je la partage, disent les Dupondt) : tout ce qui est bon pour la croissance est ruineux pour la nature (la preuve est faite), et tout ce qui est bon pour la nature est ruineux pour la croissance, donc mauvais pour l'économie, détestable pour le travail et haïssable pour l'emploi. En quelle langue faut-il l'écrire ? L'économie capitaliste est l'ennemie radicale de la préservation de la nature. J'ajoute que malheureusement ce sont l'économie capitaliste, le travail capitaliste, l'emploi capitaliste qui gouvernent le monde et qui tiennent l'humanité à la gorge. Quel prix faudra-t-il payer pour les mettre à bas ?

Je l'ai dit il y a quelque temps : l'écologie est par nature anticapitaliste. Comment convaincre les masses laborieuses des pays riches que la croissance – qui leur donne de l'emploi, de l'argent, du confort, une vie meilleure –, c'est bon pour l'emploi (et encore), mais horriblement mauvais pour la nature, la planète et la santé ? Comment les persuader d'adopter l'écologie qui, si l'humanité se décide à l'accomplir, vouera l'humanité à plus de travail (ben oui!), moins de confort et plus d'insécurité ? Comment leur fera-t-on admettre que, plus elles conformeront leurs pratiques quotidiennes à des normes inspirées de la nature, plus la croissance démographique des populations de la planète les obligera à se retreindre en tout, pour que l'existence de l'humanité globale soit préservée ?

Après le titre, la photo. Ce qui crève le cœur, l’écran, les yeux (et en passant, le plafond de la stupidité), c’est évidemment le nez rouge, dont se sont affublés les joyeux drilles qui disent qu'ils « luttent contre le réchauffement climatique ». Je ne savais pas qu’il fallait un nez rouge pour faire baisser la température. Et j’étais à au moins cinq kilomètres et demi (une petite heure de marche) de penser que quelqu’un prendrait à ce point mon idée de « clown » au pied de la lettre.

Le coquelicot, vous savez, celui que Fabrice Nicolino a lancé en même temps que sa campagne contre les pesticides, le coquelicot a beau être une belle idée, ça ne l’a pas empêché de faire un énorme flop médiatique. Alors vous pensez, un nez rouge !!!!!! C’est pire que la cravate de travers de l’orateur enflammé ou du candidat qui se laisse interviewer en gros plan avec une tache de jaune d’œuf sur sa chemise ou un reste de laitue sur une incisive. Et ces clowns ne font rire personne. Et eux-mêmes font semblant, comme tous les clowns.

Voilà ce que je dis, moi.

dimanche, 22 septembre 2019

L'ECOLOGIE DEVIENT UNE FARCE

Une farce qui ne me fait pas rire.

Si la population du monde soucieuse de son avenir voulait démontrer qu'en réalité elle n'en a rien à foutre, la "une" du Progrès du vendredi 20 septembre 2019 en apporterait, sinon une preuve irréfutable, du moins un témoignage probant. L'air du temps, il est là : la vérité sort de la bouche des enfants. Les adultes sont disqualifiés d'office, les enfants sont portés au pinacle. Le spectacle de cette grappe de "grandes personnes" agrippées aux nattes pas si blondes du petit clown suédois qui fait la leçon au monde entier me laisse stupéfait.

Regardez-les tous : ils sont armés d'appareils à la pointe du progrès technique (en haut, sauf erreur, un capteur de sons sophistiqué) pour enregistrer la présence et le message d'une petite marionnette céleste venue ici-bas prêcher la bonne parole. A en lire son gros titre de "une", le journal Le Progrès n'est pas le dernier des groupies à s'agenouiller devant l'idole : où le rédac'chef est-il allé chercher une telle ânerie ? J'en suis encore tout baba déconfit.

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Un monde qui se prosterne devant un enfant ne fait que s'accrocher au pinceau pendant que la dure réalité enlève l'échelle. Pour gage de leur bonne foi, la première chose à demander aux extasiés de la petite Greta Thunberg serait de jeter leurs smartphones, ces magasins de terres rares tellement difficiles à seulement recycler vu la complexité de leur fabrication.

Plus généralement, il faudrait leur demander desquels des éléments de confort domestique que leur a vendus – au prix de leur travail – notre flambant progrès technique ils seraient prêts à se priver : c'est à ce genre de sacrifices qu'on pourrait mesurer la sincérité et l'authenticité de leur engagement contre le réchauffement climatique.

Qu'en est-il des centaines de milliers, peut-être des millions de gens qui participent aux si sympathiques "marches pour le climat" à travers le monde ? Ils ne font que gesticuler. Se rendent-ils seulement compte des conséquences qu'auraient sur leur mode de vie les décisions qu'ils somment à grands cris de prendre les gouvernants et dirigeants de la planète ?

Il y a de fortes chances pour que, si ces puissants prenaient les seules décisions qui s'imposent logiquement, tous ces "marcheurs" se lanceraient aussitôt dans des insurrections violentes contre cette agression caractérisée (voir l'origine des gilets jaunes). Ce qu'ils disent en réalité, c'est quelque chose du genre : « Faites quelque chose, mais surtout sans toucher à notre mode de vie ». C'est demander tout et le contraire de tout, puisque c'est précisément le mode de vie à l'occidentale, c'est tout le mode de vie des pays riches – et que tous les autres pays nous envient et tentent d'acquérir – qui est à l'origine du désastre écologique.

La seule manière de ne pas épuiser les ressources est de les laisser là où elles sont. La seule lutte contre le réchauffement climatique (je ne parle pas des divers empoisonnements dont nous gratifie l'industrie chimique) suppose que l'humanité cesse de se servir dans le patrimoine vivant comme si c'était un garde-manger américain. Que l'humanité cesse de marcher à la production d'énergie et au moteur. Que l'humanité retourne à l'état d'humilité qui était le sien avant les révolutions industrielles. Qui serait d'accord pour aller à de telles extrémités ?

Même moi, qui crois être un peu lucide, je ne tiens pas du tout à me passer de mon frigo, de mon lave-linge et de mon lave-vaisselle. Je tiens à la lumière que j'allume le soir en rentrant, à l'eau potable (y compris dans la chasse d'eau) qui coule quand j'ouvre le robinet. Je tiens à l'eau chaude (à volonté) de ma douche. Je tiens à ma voiture, si peu que j'en fasse usage. Je n'ai aucune envie d'aller m'établir au Malawi (capitale Lilongwe), pays privé de tous ces avantages.

Et je ne crois pas être très différent de tout un chacun. Comme les hommes ordinaires, j'aime l'écologie tant qu'elle reste un ornement, une valeur ajoutée, une couleur à embellir le paysage et une saveur à mieux goûter les aliments. Mais je ne veux en aucun cas que ma vie entière devienne écologique. La dépendance est trop forte, et la conversion serait trop brutale. Je sais que le monde est de plus en plus invivable, mais c'est mon monde et j'y tiens. L'échéance est inéluctable. Tout ce que j'espère, c'est que l'humanité trouve le moyen de la retarder le plus possible.

Le nœud du problème :

JE SAIS, MAIS JE NE VEUX PAS.

Voilà l'impasse. 

***

Résultat du sondage internet quotidien du Progrès au sujet de Greta Thunberg, paru le 21 septembre 2019.

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Je le sais bien, que ce genre de sondage est hautement fantaisiste, mais du coup je me sens moins seul (8063,06 personnes sont d'accord avec moi au sujet de la petite suédoise).

lundi, 29 juillet 2019

VIALATTE ET GRETA THUNBERG

Antonin Magne a déclaré : « Il fait chaud » en arrivant au sommet de j'ignore quelle étape du Tour de France de j'ignore quelle année (années 1930). L'affirmation audacieuse n'était pas tombée sous la plume d'un sourd. Alexandre Vialatte n'est pas sourd. Il répercute le scoop dès le 25 février 1968 dans sa chronique hebdomadaire de La Montagne. Comme il le dit dans la première phrase de la même chronique : « L'homme s'est, de tout temps, intéressé à l'homme ». Il ajoute, un peu plus loin : « Il sait comment le coureur Robic ouvre le robinet de sa baignoire, se savonne, se rince et s'essuie, et qu'au sommet de la fameuse côte qui décidait de la énième étape, Antonin Magne a dit très nettement : "Il fait chaud". » Nous y voilà.

Dubouillon, dans son compte rendu dessiné de la semaine du journal Le Progrès (dimanche 28 juillet) a donc pris le relais d'Alexandre Vialatte pour répercuter auprès du grand public les paroles qui marquent une époque. Il les met cette fois dans la bouche de Greta Thunberg. J'ai parlé ces jours-ci (voir mon billet du 24 juillet) de cet épisode farcesque de notre vie politique : une gamine en tresses invitée à faire la leçon aux élus chargés de rédiger les lois de la république, voilà qui ne manque pas de piquant. J'imagine que les députés de gauche qui sont à l'origine de l'affaire (je crois) n'attendaient qu'une occasion pour faire un coup médiatique fumant. 

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Plutôt bien vu, je trouve.

Le regard de Dubouillon, un Lyonnais bien de chez nous, me semble pertinent : dans l'hémicycle, les uns applaudissent, les autres commentent au moyen de paroles profondes. Eh oui, mon bon monsieur : la vérité sort de la bouche des enfants. J'en conclus : « Les enfants au pouvoir ». Il est cependant à craindre que l'éventuelle exécution de ce mot d'ordre risque de se terminer de la même façon que le séjour des enfants dans l'île de Sa Majesté des mouches, de William Golding (qui avertissait les dévots de la royauté de l'enfance : les enfants sont capables de tout, et même du pire).

Question subsidiaire : la jeune Suédoise, qui exige que les journalistes qui veulent enregistrer ses prophéties s'acheminent jusqu'à Stockholm en empruntant le chemin de fer (authentique), dispose-t-elle ou non d'un smartphone ? 

***

On aura compris que ce billet, ainsi que son titre, est dû à une simple coïncidence.

mercredi, 24 juillet 2019

GRETA THUNBERG, CLOWN.

Pour mettre les deux pieds, les deux mains dans la farce écologiste, regardez Greta Thunberg, écoutez Greta Thunberg, caressez Greta Thunberg dans le sens du poil. Tout le monde en est gaga.

Aurélien Barrau, astrophysicien de son état et défenseur du climat, est tombé raide dingue de la petite morveuse. Il l’a dit bien fort sur l’antenne de France Culture le mardi 23 juillet (citation textuelle, copiée sur le site) : « Je crois réellement que ceux qui nous dirigent n'ont absolument pas compris l'ampleur du problème. Ils sont totalement à côté de la plaque. Ils pensent que de petits ajustements, de petits gestes, de petites choses pourront venir à bout du problème alors que nous sommes face à une crise existentielle majeure. Les quelques députés frondeurs devraient comprendre que la science, le sérieux, la raison sont précisément du côté de Greta. Je trouve leur attitude scandaleuse et même indigne. On sait depuis 40 ans que nous sommes dans une situation critique. Tous ceux qui s'y intéressent le savent. 15 000 scientifiques ont alerté sur la gravité de situation. Rien n'a été fait. Les experts internationaux alertent, rien n'est fait, et là, ils s'indignent du fait qu'une jeune femme vienne précisément relayer ce message ?! Soyons bien clairs, la Science est du côté de Greta.» Sur l'irresponsabilité des responsables, le monsieur frappe au cœur de la cible de la vérité. Mais au sujet de la messagère, pour un scientifique, je le trouve un tantinet fébrile, au spectacle des tresses blondes.

Faut-il que l'humanité soit devenue bien infirme de l'intelligence et du caractère pour placer dans une gamine de 16 ans ses derniers espoirs de freiner le changement climatique ! Greta Thunberg a été invitée à faire la leçon à nos élites politiques, à tancer d’importance les plus hauts dirigeants de la planète, et à leur donner la fessée s’ils ne font rien pour calmer les ardeurs du climat terrestre.

Vous savez ce qu’ils en pensent, de Greta Thunberg, les plus hauts dirigeants de la planète ? Je ne le dis pas, ça risquerait de choquer les âmes sensibles, les cœurs altruistes et les esprits des écologistes les plus tièdes. Je note que les députés ont écouté la harangue d'une militante écolo pure et dure (vegan), juste avant de voter un accord international (le CETA) qui promet bien des gaz à effet de serre et autres joyeusetés.

Qu’est-ce qu’elle vient leur dire, aux grands de ce monde, la petite suédoise ? Que le réchauffement climatique, c’est pas bien et qu’il faut qu’ils se décident à faire quelque chose contre, parce que ça commence à urger. – C’est tout ? – Oui, c’est tout. – Et c’est pour ça que vous me réveillez ? – Oui, c’est pour ça. – Ben vous ne manquez pas de culot ! – Ah non, quand même, pas tout à fait : elle dit aussi que les vieux méprisent assez la jeunesse pour lui léguer une planète en aussi mauvais état. – Ah ben ça, si nos propres parents n'avaient pas commencé à la saloper, on n'en serait pas là ! Et les parents de nos parents, et ainsi de suite : c'est pas moi qui l'ai inventé, le système. Moi, je n'ai fait que mettre mes pas dans leurs pas.

Parlons sérieusement. Je ne sais pas qui pilote ce petit missile adolescent et j’ignore tout des vraies cibles qui sont dans son collimateur. Ce que je sais, c’est que Greta Thunberg est juste un petit clown qui a été propulsé sur le devant de la scène pour amuser la galerie. Je ne plaisante qu'à peine, regardez pourquoi ça s'étripe en place publique : on a complètement oublié le réchauffement climatique pour s'extasier sur le cas d'une jeune fille assez crâne pour garder la langue bien pendue en présence des sommités de ce monde. Le messager occupe toute la scène, et le message a disparu corps et bien. L'époque a réussi à fabriquer une icône consacrée, objet de la vénération ou de l'aversion des foules. Ce n'est plus "pour ou contre le réchauffement climatique", c'est "pour ou contre Greta Thunberg".

Car ça sert à quoi, de sermonner les puissants pour qu’ils fassent quelque chose si on ne dit pas en même temps aux gens ordinaires, aux jeunes si empressés, aux populations laborieuses les sacrifices que leur coûteront bien concrètement les mesures qu’ils somment les dits puissants de prendre urgemment ? Comme si ces mesures ne devaient avoir des effets que loin de chez eux. Comme si le changement climatique, ils n'y étaient pas en plein dedans. Comme si, en fin de compte, ils regardaient un film, bien installés dans un fauteuil.

Moi, je me dis que les gens ne se rendent pas compte. Beaucoup de responsables politiques ne demanderaient pas mieux, je crois, dans leur for intérieur, que d’agir fortement en faveur de la modération climatique. Mais que penseraient les foules qui plébiscitent Greta Thunberg si elles avaient conscience des conséquences très concrètes pour elles des mesures - exigées un peu inconsidérément ?

Qu’est-ce qui empêche les dirigeants d'agir ? Oui, pourquoi les responsables politiques de bonne volonté (il y en a, ça existe sûrement) ne se lancent-ils pas dans la course aux économies d’énergie, dans la construction à outrance de villes à énergie positive ? Pourquoi donnent-ils cette impression d’immobilisme dont les accusent les accusateurs, les jeunes, Aurélien Barreau l’astrophysicien, Nicolas Hulot et les mânes de René Dumont ?

Ce qui les empêche ? C’est visible à l’œil nu, et même de nuit dans le brouillard. Les responsables politiques, en réalité, sont cernés : vous aurez beau les cravacher, ils ne peuvent pas grand-chose. Greta Thunberg et ses thuriféraires ignorent (ou font semblant d'ignorer) quels sont les éléments qui précèdent et conditionnent une décision politique, surtout quand elle touche un domaine crucial comme celui des conditions de vie. C'est tout un calcul millimétré, la question principale étant : « Est-ce que ma décision suscitera l'adhésion générale ? ». Et c'est précisément là que le bât blesse l'animal politique.

D’un côté, vous avez toute l’industrie, je veux dire la machine à produire et à vendre, l'économie. On a du mal, citoyen ordinaire, à se représenter l’invraisemblable puissance de cette machine qui sert, au moins en partie, à générer les profits dont se gavent les plus riches. Je n’examine même pas l’hypothèse qui ferait de nos brillants élus des complices de l’opulence des hautes classes sociales.

De l’autre côté, vous avez les populations, l’ensemble des gens qui travaillent, des gens qui chôment, des gens qui râlent, etc. Mais surtout, vous avez la masse des électeurs qui attendent un boulot, qui voudraient gagner plus, qui achèteraient bien une maison ; la masse de ceux qui voudraient travailler moins longtemps parce que travailler, ça use ; la masse des consommateurs qui voudraient pouvoir consommer davantage pour améliorer leur confort, se rendre la vie plus facile et satisfaire quelques petites envies.

Vous avez le problème en main : susciter l'adhésion. Qu'est-ce qui est politiquement possible ? De quelque côté qu’il regarde, le responsable politique est ligoté. D’un côté, il voit les gens, peu nombreux, qui ont financé ses campagnes, qui ont facilité son accession au pouvoir et qui attendent un juste retour sur investissement. De l’autre, vous avez la masse de ceux qui détiennent l’autre clé de cette accession au pouvoir, indispensable en démocratie : le bulletin de vote.

On ne voit pas le candidat cracher dans la main qui lui tend les billets de banque pour tenir sa réunion électorale dans cette salle qui coûte un prix fou. Mais on ne voit pas davantage le candidat à n’importe quelle élection cracher dans la gueule de ceux dont il réclame le suffrage : « C'est vous les coupables ! Pour ralentir le réchauffement climatique, il va falloir que vous rangiez la voiture au garage définitivement ; fini le lavage en machine ; fini le smartphone ; fini les voyages en avion : il va falloir vous serrer sacrément la ceinture. Il va falloir revenir à la bougie ». Avec ce genre de promesse électorale, le gars passe aux oubliettes pour quelques siècles. Alors même que c’est la pure, la seule, l’unique vérité, il se taira parce qu'il sait que s'il le dit, il a soixante millions de gilets jaunes dans la rue le lendemain. Les gens adulent la messagère, mais ils maudissent le message.

Ce que le responsable politique ne peut dire ni aux populations, ni à ses bailleurs de fonds, c’est qu’il faut en finir le plus vite possible avec la folie industrielle de la production à tout va. Ce qu’il ne peut pas dire, c’est que le réchauffement climatique, nous le devons au système productiviste industriel, celui-là même qui est à l’origine de la prospérité apparente des pays riches, et au fait que tous les jours, fidèlement, des millions de militants du système (vous et moi) mettent volontairement du carburant dans la machine. Tous les consommateurs sont des militants du système.

Alors tous les gens qui n’ont à la bouche que le nom de Greta Thunberg, cette « Jeanne d’Arc du climat », me font hurler de rire et de rage. Je leur dis : « Mais laissez-la donc tranquille, cette môme. Elle n’a pas mérité la tyrannie qui pèse maintenant sur ses épaules ». Tout le monde qui lui emboîte le pas sans se demander quels intérêts elle sert fait semblant de croire que les « hommes politiques » de la Terre entière sont des populations différentes de celles qui les portent au pouvoir. Mais non mon pote, les gens qui sont au pouvoir sont l’émanation directe des gens qui n'y sont pas. Que faut-il se raconter comme histoire pour croire que, tout d’un coup, les hommes politiques détiendraient un pouvoir venu d’ailleurs ? 

Cher monsieur Aurélien Barrau, voulez-vous que je vous dise ce que je pense de votre dévotion enthousiaste envers la jeune Greta Thunberg ? Elle montre que, pour ce qui est du scientifique, vous avez tout compris. Mais que vous vous en preniez aux responsables politiques montre que vous n’avez rien compris aux réalités de la vie quotidienne des gens – qui sont aussi et surtout des électeurs aux yeux des politiques – qui ont quelque légitimité à désirer l’amélioration de leur sort, à refuser que la qualité de leur vie quotidienne régresse (il a suffit de 4 centimes de plus à la pompe pour fabriquer les gilets jaunes), et à exiger de leurs élus qu'ils fassent quelque chose pour cela.

Ils ne se rendent pas compte que le réchauffement climatique, ils le doivent à la somme des éléments de confort qui font le quotidien de leur cadre de vie ? Ils ne se rendent pas compte qu’ils sont eux-mêmes la cause du problème que vous dénoncez ? La belle affaire : au lieu de vous en prendre niaisement à l’inaction des hommes politiques, dites-leur, vous, aux gens ordinaires, que c’est leur mode de vie de nababs qui fiche en l’air les conditions de l’existence de la vie sur la Terre. Vous verrez comment ils prennent le mot "nababs". Vous verrez ce qu'il en coûte de "désespérer Billancourt" (on disait ça dans les années 1970).

C'est nous tous, nous autres des pays riches (et puissants des pays pauvres), qui sommes coupables de ce qui arrive. Et les choses ne feront qu’empirer aussi longtemps que la masse des gens ne se convaincront pas que c’est leur mode de vie qui dégrade l’environnement. Aussi longtemps qu’ils se croiront innocents. Aussi longtemps qu'ils se croiront dispensés de tout effort pénible.  Croyez-vous sérieusement, monsieur Aurélien Barrau, qu’ils sont prêts à entendre ce genre de discours ?

Il est juste impossible aux responsables politiques (du moins ceux qui auraient une claire conscience des enjeux) de dire aux foules la vérité sur les mesures à prendre pour enrayer le réchauffement climatique : les foules veulent bien "faire un geste" pour la planète, mais elles ne veulent en aucun cas qu'on touche à leur mode de vie. Et ce ne sont pas les sommations culottées de Greta Thunberg aux dirigeants qui changeront quoi que ce soit aux données du problème.

Pour changer ça, il faudrait commencer par définir un idéal de vie qui ne se réduise pas au bonheur matériel. Et pour cela, il faudrait ... il faudrait ... il faudrait ... (je vous laisse meubler les points de suspension).

Voilà ce que je dis, moi.

mardi, 28 mai 2019

LA JEUNESSE ET LE CLIMAT

UNE PETITE CONTRADICTION

Je voudrais ici établir une drôle de passerelle entre deux faits que l'actualité récente ne cesse de juxtaposer dans les journaux et tous les moyens de communication et d'information, sans que ceux-ci soulignent jamais la bizarrerie du voisinage, tant ils sont babas d'admiration devant l'audace et l'authenticité déployées par la jeunesse, qui parcourt depuis quelques semaines les avenues du monde en criant aux puissants leurs quatre vérités. On dira peut-être que je cherche la petite bête ... Et alors ?

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A l'appel de Greta Thunberg, une force nouvelle à l'apparence impressionnante s'est mise en branle pour éveiller la conscience mondiale d'adultes assoupis dans leur confort satisfait, et pour interpeller des gouvernements trop pusillanimes dans leurs actions (ou plutôt inactions) pour empêcher le climat de déraisonner au point de rendre la vie de l'humanité plus difficile, et peut-être impossible.

Semaine après semaine, voilà que se sont installées, juxtaposées à celles des gilets jaunes, des "marches pour le climat" où sont tonitrués des slogans vindicatifs censés faire sortir les responsables politiques de leur coupable léthargie : agissez pour le climat ! tonnent les centaines et les milliers de jeunes qui marchent dans les rues dans l'espoir d'influer sur le cours catastrophique des choses. Ces marches sont, comme de juste, célébrées et magnifiées par la rumeur publique, par la gent médiato-journalistique (qui voit là un nouveau biscuit à se mettre sous la dent), et même par l' "establishment" politique, ravi semble-t-il de se trouver bousculé par la "fougueuse jeunesse".

Remarquez, on dit "les jeunes" mais il n'y a pas que des jeunes. Soit dit en passant, pas plus tard que vendredi 24 mai, rentrant chez moi en passant par la rue Dumenge, j'ai assisté à une scène intéressante : d'une voiture garée contre le trottoir, un homme dans la quarantaine extrayait de curieux objets, tous disposant d'un manche et doté d'un carré de tissu vert qu'il disposait contre le mur d'un immeuble, sans doute pour remiser tout ça dans sa cave.

Le dernier objet consistait en une immense toile verte dont les deux extrémités latérales étaient fixées sur de longs manches. Sur tous ces bouts de tissu vert, une inscription de grande taille : Greenpeace. La multinationale industrielle de la défense de l’environnement ne reste pas inactive, me suis-je dit "in petto". Non, il n'y a pas que la jeunesse : des passagers clandestins ont pris le train en marche, une aubaine qui passait à portée de main. De quoi profiter pour se faire une bonne publicité et gagner encore en "visibilité", voire faire de la bonne vieille récupération de mouvement social. Remarquez qu'en matière de passagers clandestins qui ont pris le train en marche, les gilets jaunes (je parle de ceux du début) savent parfaitement de quoi on parle.

L'enthousiasme des jeunes, disons-le, a quelque chose de sympathique, voire de puissant. Les vieux chevaux de mon espèce se disent que non, tout n'est peut-être pas perdu et qu'il est encore possible de ne pas désespérer de l'espèce humaine en général, et en particulier de la partie qui s'apprête à prendre les commandes de l'engin planétaire à la suite de ceux qui ont fait leur temps et dont les agissements prédateurs ont détérioré la nature au risque d'y rendre la vie de plus en plus invivable. J'éprouve de la gratitude et de l'émotion à entendre les appels pressants d'une génération souvent considérée comme insouciante et dépourvue de sens des responsabilités.

Cela dit, le vieux sceptique que je suis ne peux s'empêcher de se gratter le crâne pour en faire sortir quelques points d'interrogation et de discerner, au milieu du métal le plus pur, la paille qui un jour ou l'autre verra se rompre brutalement la pièce usinée avec tant d'enthousiasme. Car …

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On voit se livrer en ce moment une sanglante guerre entre deux mastodontes, les Etats-Unis et la Chine, pour savoir à qui reviendront les principaux bénéfices et la maîtrise d'un nouvel outil – "révolutionnaire", selon quelques journalistes spécialisés dans l'extase professionnelle à chaque fois que surgissent les innovations technologiques –, un outil qu'on a baptisé d'un nom aux connotations sûrement érotiques : « La 5G ».

Un de ces journalistes, entendu sur France Culture, déclarait qu'un spectateur de match de football pourrait, grâce à cet outil révolutionnaire, pointer son "iPhone" de dernière génération sur un des joueurs courant sur la pelouse, et que s'afficheraient sur son écran des informations aussi vitales et passionnantes que sa vitesse à l'instant "t", son rythme cardiaque, le nombre de kilomètres parcourus depuis le début du match et autres informations dont nul homme normal ne saurait bientôt se passer.

Je le dis sans ambages : j’étais à deux doigts de me pisser dessus à force de rigolade, tant l’utilité de la « 5G » dans cet exemple crevait, non pas les yeux, mais  tous les plafonds de la sottise. L'émerveillement technologique de gens supposés sérieux a toujours pour moi le rutilant éclat de l'exaltation splendide du gamin qui rêve tout éveillé, à Noël, devant la vitrine enchantée du magasin de jouets où s'amoncellent, dans une ambiance éblouissante, toutes sortes d'objets fascinants. Le même émerveillement à l'âge adulte relève selon moi d'une forme assez compacte de crétinisme.

Car c'est quoi, la "5G" ? D'abord le coffre-fort que vous trimbalerez sur vous 7/7 et 24/24 (mais ça, on connaît déjà avec le matériel existant), un coffre-fort qui contient absolument tout ce qu'on peut apprendre de vous sans vous connaître et sans avoir la permission. Mais un coffre-fort qui est en réalité une passoire, ou plutôt un tuyau, puisque tout ce qu'il sait de vous, il se hâte de le transférer à une banque centrale (on appelle ça "banque de données" ou "big data"), qui fait collection de coffres-forts pour leur faire cracher le plus possible de juteuses retombées.

Et vous, qui aurez étourdiment confié toutes sortes de secrets à une machine (pauvres secrets en général, mais n'est-ce pas le lot ordinaire de l'humain ?), vous ne vous étonnerez même pas d'être devenu si prévisible, presque transparent. Je dis "presque", parce que personne au monde, si puissant soit-il, ne peut accéder à l'opacité indestructible qui gît au fond de chacun. Certes, la "5G" fouillera plus profond et sera capable de je ne sais trop quels recoupements aptes à remplir les poches des actionnaires : elle butera au bout du compte sur un noyau d’indéchiffrable. 

Mais il n'y a pas que le coffre-fort, la banque centrale et la banque de données. Il y a l'objet technologique que vous tiendrez dans votre main. Et cet objet, si vous réfléchissez deux minutes avec un cerveau écologique, vous vous dites que c'est une authentique saloperie, une ordure de la pire espèce, pour une raison assez précise. Car pour le fabriquer, le fabricant a été obligé d'aller puiser dans toutes sortes de ressources, des habituelles et des moins habituelles. On appelle ces dernières les "terres rares". Inutile de vous dire que, pour la possession de ces terres rares, tous les moyens sont bons. Et la Chine est plus forte à ce jeu.

Mais ce n'est pas fini : l'utilisateur ordinaire d'un iPhone (smartphone si vous voulez) n'a aucune idée de l'invraisemblable amalgame de matériaux divers qu'il tient dans la main. Des plus savants que moi ont calculé que, si l'on voulait procéder au recyclage de cet objet (c'est-à-dire à la séparation de tous les éléments et matières préalablement amalgamés) dans des conditions économiquement acceptables, on pourrait espérer en récupérer tout au plus 15% : s’occuper du reste reviendrait beaucoup trop cher. 

Et vu le rythme auquel les fabricants renouvellent leurs produits pour rendre obsolètes les modèles précédents, entretenir la flamme de la nouveauté dans le désir de leurs clients et alimenter les portefeuilles d’actionnaires, la masse des smartphones n’a pas fini de submerger les déchetteries et d’empuantir l’environnement. De ce point de vue, le smartphone est par excellence une caricature de l’ennemi public n°1 de la nature. L'anti-matière ultime de l'écologie.

Bon, on me dira qu’il faut aussi compter avec l’empoisonnement de l’humanité par l'agro-industrie chimique, l'élevage chimique, industriel et de masse, la déforestation massive, l’invasion des océans par les plastiques, l'extermination programmée des insectes, puis des oiseaux, et toutes les réjouissances découlant de cette loi cartésienne présentant l’homme comme « maître et possesseur de la nature ». Il reste que le smartphone représente aujourd’hui le nec plus ultra de l’objet anti-écologique.

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Alors voilà, je pose une question à tous les jeunes qu’on voit prêts à s’engager dans les brigades internationales pour secourir le climat menacé : faudra-t-il vous couper le bras pour que vous consentiez à vous séparer de cet objet dont vous n’acceptez à grand-peine de vous séparer qu’au moment où il faut bien dormir ? Pour la réponse, je crains le pire, si j’en crois la panique qui gagne la totalité des gens au moment où ils se rendent compte qu’ils ont oublié leur compagnon à la maison.

Je reste totalement sidéré face à la place centrale, vitale et essentielle que ce petit rectangle occupe dans la vie d’une masse de gens. Et je me dis que si les jeunes qui manifestent en nombre pour la défense du climat considèrent ce simple objet comme une partie d’eux-mêmes, comme un membre qui prolonge leur organisme comme s’il était une partie organique de leur être, ils ne sont pas près de comprendre ce qu’implique pour eux-mêmes la lutte contre le changement climatique d’origine anthropique.

Ils n’ont pas encore compris que s’ils veulent vraiment agir, s’ils veulent participer directement à la correction de trajectoire des activités humaines en direction d’un monde habitable, ils devront tirer un trait radical sur tout un tas de joujoux sans lesquels ils ne sauraient envisager pour l’instant de vivre, au premier rang desquels le smartphone. D’un certain côté je les comprends : ils sont nés dans cet univers où des marchands d’illusions passent leur temps à leur faire prendre des vessies pour des lanternes (ce que condense à merveille l’expression oxymorique « réalité virtuelle »). Qu’ils soient pris dans toutes sortes de mirages produits par la technologie, je peux le comprendre : l'un des effets produits par les objets techniques les plus sophistiqués dont nous faisons usage n'est-il pas de faire disparaître la réalité sordide des choses derrière un écran d'images plaisantes ?

Mais gare au moment de la désillusion. Gare au moment où ils réaliseront qu’en acceptant les joujoux si captivants avec lesquels ils ont grandi et qui leur semblent faire partie intégrante de la « nature », ils ont signé le grand, l’énorme permis de polluer dont bénéficie le système économique ravageur contre lequel ils disent qu’ils se battent. Car sans en avoir clairement conscience, ils sont partie prenante, par leur consommation, de l'entreprise qui modifie le climat en profondeur. En un mot : les jeunes polluent.

En réalité, ce n’est pas contre ce système qu’ils se battent : ils se contentent d’en appeler aux politiques, aux hommes d’Etat, aux responsables auxquels ils gueulent : « Bougez-vous ! ». Qu’attendent-ils, d’ailleurs, des politiciens ? Il faut être aveugle pour ne pas se rendre compte que les vrais responsables ne sont pas ces fantoches, ces gens qui dépensent des trésors d’ingéniosité et d’énergie pour acquérir et si possible conserver une parcelle de pouvoir. Ils ne sont pas le vent, mais les moulins que le vent fait tourner.

Tant que la jeunesse n’affrontera pas le vent lui-même, je veux parler de la force qui fait tourner depuis les coulisses toutes les machines à détruire le climat, elle ira de déconvenue en déconvenue. Tout au moins aussi longtemps qu’elle n’aura pas compris à quels sacrifices personnels coûteux (confort, facilité, ubiquité, etc.) elle devra se résoudre si elle tient au fond d’elle-même à atteindre réellement les nobles buts qu’elle se proclame. La jeunesse devra consentir à s'amputer de bien des gadgets.

De même qu’on ne peut se prétendre un vrai communiste et être propriétaire d’un bel appartement situé tout près du Parc de la Tête d’Or (D.B. pour ne nommer personne, en plein quartier bourge à plus de 5.000€ le m²), de même, on ne peut pas se prétendre un authentique écologiste défenseur du climat et consommer en même temps toutes sortes de gadgets techniques, fort séduisants par le formidable potentiel de mise en relation, mais dont la logique de production dissimule soigneusement chacun des effets destructeurs qu’on observe à toutes les étapes de la chaîne, et dont ils ne sont que le point d'aboutissement scintillant.

Je souhaite à la jeunesse de comprendre que ce qui a déréglé le climat qu'elle affirme vouloir protéger, ce n'est rien d'autre que le système où elle est née, et qui lui a procuré le monde de confort, de facilité, de paix et d'abondance (apparente) dans lequel elle a grandi. Je souhaite qu'elle en vienne à inclure son propre mode de vie dans les changements à imposer à toutes nos façons de faire, inutilement dispendieuses, et même ruineuses. Je ne suis pas sûr qu'elle y soit prête.

Voilà ce que je dis, moi.