Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 21 octobre 2018

CLIMAT : LA RECETTE MIRACLE !

Dans la série "Des nouvelles de l'état du monde" (N°66).

Résumé : Corinne Pelluchon et Raphaël Stevens, les invités de Florian Delorme (émission "Culture Monde" sur France Culture, jeudi 18 octobre), ont peut-être compris que le système économique actuel mène l'humanité à la catastrophe. En tout cas, loin de proposer de lutter pour l'empêcher, la philosophe et le prospectiviste ont réfléchi à la façon dont il faudra gérer les populations quand celle-ci se sera produite.

4

Voilà donc tous les apports dont sont capables, dans les circonstances actuelles, les sciences sociales (Pelluchon se dit philosophe) et la futurologie (Stevens se dit "prospectiviste"). C'est bien ce que je disais : les intellos sont définitivement impuissants à modifier le réel, leur travail se réduit à proposer des recettes pour "agir sur les mentalités". Sans avoir les moyens de les mettre en œuvre, à moins qu'un maître puissant les prenne à leur service pour mettre à l'épreuve, contre rémunération, le pouvoir d'influence de leurs trouvailles. Seules les trouvailles jugées "vendables" par le maître puissant (entendez capables de générer du "cash") trouveront grâce à ses yeux. C'est une question de "créneau" et de "marché".

Je veux dire que P. et S. connaissent à fond leur Edward Bernays, l'inventeur (avec quelques autres, Walter Lippmann, ...) de la manipulation des foules, du "gouvernement invisible" et du coup d'éclat publicitaire (il double d'un seul coup le public potentiel de la firme Lucky Strike en 1928 en donnant à une cohorte de femmes payées pour ça la consigne de fumer dans la rue, très ostensiblement, sous l’œil des caméras).

l'état du monde,des nouvelles de l'état du monde,france culture,culture monde,florian delorme,corinne pelluchon,raphaël stevens,comment tout peut s'effondrer,pablo servigne et raphaël stevens,collapsologie,écologie,changement climatique,environnement,edward bernays,beauvois et joule,petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens

l'état du monde,des nouvelles de l'état du monde,france culture,culture monde,florian delorme,corinne pelluchon,raphaël stevens,comment tout peut s'effondrer,pablo servigne et raphaël stevens,collapsologie,écologie,changement climatique,environnement,edward bernays,beauvois et joule,petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens

L'œuvre fondatrice du maître et un extrait de la première page. Autrement dit, l'un des pères de la publicité moderne considère le peuple comme un conglomérat de gogos.

Pelluchon et Stevens s'en remettent aux recettes d'un grand Manitou de la com'. C'est triste : ils sont en train de mettre sur le marché des idées dont ils espèrent de fructueux retours sur investissement. C'est presque une demande d'emploi auprès des industriels de la communication : après tout, le marché du bien-être existe déjà bel et bien. De petits épiciers, finalement. Accessoirement, les rayons de librairie "Développement personnel" n'ont pas fini de s'allonger.

Pelluchon et Stevens sont peut-être au courant de l'émergence de l' « économie comportementale » (récent prix Banque-de-Suède-alias-Nobel d'économie) et d'une de ses facettes, le « nudge marketing », qui amène les consommateurs à modifier sans contrainte leur comportement. Au Danemark (je crois), des urinoirs spéciaux ont été installés (je ne sais pas où ni en quel nombre) : dans la faïence de l'objet, l'image d'une mouche a été insérée au centre. Résultat ? Les frais de nettoyage ont été réduits de 80%, parce que les pisseurs avaient à cœur de viser l'animal avec soin. Ô pauvres hommes si prévisibles ! Ô l'admirable manipulateur !

Je ne rappellerai que pour mémoire la pudeur de vierges effarouchées de Beauvois et Joule qui minimisaient dans leur désormais célébrissime bouquin, que j'avais lu à parution, la portée manipulatoire des inventions de la psychologie sociale (par quel procédé technique obtenir d'un individu qu'il fasse le geste qu'on attend de lui tout en lui laissant croire que ce geste émane de sa seule volonté ?). Ils refusent d'assumer les usages potentiellement pervers ou dévastateurs qui peuvent être faits des expériences qu'ils rapportent par des gens malintentionnés. Un intello ne peut envisager le Mal, qu'on se le dise. Un intello doit toujours proposer des perspectives d'avenir, des ouvertures, des raisons d'espérer. La faute sans doute au formatage préalable, vous savez, le sacro-saint plan "Constat-Cause-Solutions" appris dans toutes les écoles, de l'ENA aux écoles de journalisme (on observe, on analyse, on propose). Un bon rapport, une note de synthèse digne de ce nom ne saurait s'achever sur une note pessimiste.

Pour cela, Beauvois et Joule s'appuient probablement sur le motif bizarroïde qu'une technique n'a rien à voir avec les usages qui en seront faits (c'est aussi l'opinion déplorable de Paul Jorion) : c'est commode de se défausser ainsi sur les spécialistes, les abstractions et les bonnes intentions de l'"ETHIQUE" (Ah que voilà un vocable qu'il est beau !). Commode application du principe de la "division du travail" et de la compartimentation des tâches : chacun chez soi, et les vaches seront bien gardées.

En fait, les inventeurs de la technique sont aveugles, et pour les conséquences de leur créativité, ils repassent le bébé à une autorité chargée d'édicter un "code de bonne conduite" et de se déguiser en gendarme en lui disant : « J'invente, je fabrique, et toi, démerde-toi avec ça !». Ils considèrent les techniques comme neutres et innocentes par principe. Ils sont forcément du côté de "L'Empire du Bien" (Philippe Muray). Bien au chaud dans l'évidence nouvelle provoquée par l'innovation, les "Comités d'éthique" leur tiennent compagnie. Oh, Delacroix, c'était quand, déjà, "La Liberté guidant le peuple" ?

BEAUVOIS ET JOULE.jpg

Pelluchon et Stevens parient en réalité sur les techniques les plus sophistiquées de la psychologie sociale, de la publicité (disons : de la propagande) et de la manipulation des foules pour remédier aux conséquences économiques, environnementales et humaines catastrophiques bien concrètes que nous prépare sans faute le système économique globalisé tel qu'il fonctionne aujourd'hui. Comme remède au Mal qui s'annonce, quelle trouvaille ! Du moins c'est ce qu'ils croient. Ou qu'ils font semblant de croire ? Peut-on être naïf à ce point ? Ce qu'ils voudraient, c'est façonner de nouvelles subjectivités de masse capables d'assister à la catastrophe sans se faire trop de souci et sans que les sociétés se transforment en champs de bataille ?

Ce qu'ils voudraient, c'est inspirer à sept milliards d'individus une façon obstinément positive de contempler le désastre quand il se produira. Ils voudraient avant tout que les humains restent bien assis quand les ressources, le confort et les perspectives de vie agréable auront foutu le camp. Ils voudraient leur inculquer la recette pour ne pas se sentir malheureux du malheur. Et surtout, sans doute, éviter le "chacun pour soi".

D'abord, c'est la quadrature du cercle. Ensuite ils ne savent rien de la façon d'arriver à ce magnifique résultat : rendre l'humanité docile à l'idée de son futur avilissement. Comment amener l'humanité à faire le deuil de son train de vie, de son confort, surtout pour ceux qui en constituent la partie nantie ? Comment appeler ceux qui en sont démunis à renoncer aux promesses de perspectives prospères ? A se dépouiller de leurs "grandes espérances" (génial roman de Dickens) ?

A la question insistante et pertinente de l’excellent Florian Delorme (« Mais enfin, comment on fait ? », je souligne la seule question importante), ils n'ont pas de réponse. J'ai juste entendu le pauvre Raphaël Stevens, après un silence, bredouiller quelque chose comme : « Eh bien, euh, continuer le cheminement ... » (texto). Piteux. La baudruche est dégonflée. La Pauvre Corinne Pelluchon clame haut et fort : « Je ne suis pas dans le "Y a qu'à-Faut qu'on" ». Cela dit toutes les solutions qu'elle propose reviennent à du "Y a qu'à-Faut qu'on". C'est risible. Sous leur discours qui déborde de paroles verbales, que reste-t-il de tangible ? Si peu que rien.

En fait, tout le travail de Corinne Pelluchon, de Raphaël Stevens et des gens qui pensent comme eux consiste à enrober, à tourner autour du pot, à euphémiser, à retarder le moment de la prise de conscience par les masses du cataclysme promis. Stevens n'a pas tort quand il dit que ce ne sera pas un événement brutal dans le genre Jour du Jugement Dernier, mais que c'est un processus. Il ne faut pas inquiéter les masses, les masses, c'est imprévisible, on ne sait jamais ce qu'elles sont capables de commettre. P. et S. ne proposent aucun remède à la crise qui s'annonce : ils conjurent les hauts responsables de prendre en compte les risques qu'il y aurait à ne pas prendre en compte les grandes angoisses qui vont aller en augmentant à mesure que les situations concrètes deviendront plus difficiles à vivre.

Très rapides en rythme géologique, mais d'une lenteur imperceptible et désespérante au rythme d'une vie humaine, on constate en effet des phénomènes terribles, mais qui se produisent si lentement et en ordre tellement (de moins en moins) dispersé que personne n'y voit un processus en marche, ni ne fait le lien entre eux, et que le processus avance inexorablement une fois l'attention retombée dans les préoccupations ordinaires. Mais pourquoi Stevens va-t-il se perdre dans les fumées de la propagande et de l’action psychologique ?

Non, ce qu'il faudrait, c'est dire la vérité aux foules et préparer la répression des paniques, des jacqueries et des révoltes populaires massives (dont l'élection de démocrates autoritaires à laquelle on assiste depuis quelques années - Pologne, Hongrie, Amérique, ... - est selon moi un symptôme, voire un signe avant-coureur). La vérité ? Un nombre infinitésimal d'hommes vandalise la planète à son seul profit, s'accaparant des montagnes d'or. Ces quelques hommes bourrés de fric jusqu'aux trous de nez sont incapables de dépenser leur fortune autrement qu'en œuvres d'art qui s'autodétruisent (Banksy) et autres objets ostentatoires et inutiles. Dans le même temps, ils réduisent à la précarité et à la servitude des centaines de millions d'individus qu'ils font mine de vouloir secourir à travers des fondations qui n'émeuvent que les gogos. Mais j'entends les haut-le-cœur : Bill Gates, Jeff Bezos, etc... ah les braves gens, quand même ! Comment osez-vous vous en prendre à ces milliardaires au grand cœur ?

Pelluchon et Stevens, en réalité, crèvent de trouille. Ils savent comment des milliards d'hommes réagiront quand ils verront se resserrer autour de leur cou le nœud coulant de la réalité économique, environnementale et politique. La violence, la haine, la guerre, ils les voient (peut-être) venir, mais cette réalité-là est trop monstrueuse pour être endossée par de dignes universitaires, par des intellos propres sur eux, et qui veulent continuer à être pris au sérieux dans les milieux savants (ils ont pondu un bouquin savant, n'est-ce pas, il faut vendre). Ils ne veulent pas scier la branche sur laquelle ils sont assis. Pour cela, ils n'ont pas renoncé à espérer, même si c'est en faisant semblant. Ils n'ont pas renoncé à "mentir au peuple". S'ils ont l'intelligence que je leur prête, ils ne sont pas près de laisser tomber l'imposture qui les fait vivre. Il faut bien vivre ...

En attendant, ils publient des bouquins très savants qui ressemblent comme des gouttes d'eau à des livres de prière.

Voilà ce que je dis, moi.

samedi, 20 octobre 2018

CLIMAT : LA RECETTE MIRACLE !

Dans la série "Des nouvelles de l'état du monde" (N°65).

*****************

CODICILLE

(« Alors cerné de près par les enterrements,

J'ai cru bon de remettre à jour mon testament,

De me payer un codicille. »)

Tonton Georges.

l'état du monde,des nouvelles de l'état du monde,supplique poour être enterré à la plage de sète,georges brassens,tonton  georges,france culture,culture monde,florian delorme,corinne pelluchon,raphaël stevens,comment tout peut s'effondrer,pablo servigne et raphaël stevens,collapsologie,écologie,changement climatique,environnement,edward bernays,beauvois et joule,petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens,feel good movies

3

J'entendais avant-hier, sur France Culture, dans l'émission "Culture Monde" de Florian Delorme (que j'écoute très régulièrement, et bien souvent avec intérêt), deux ahuris pérorer leurs niaiseries parfois hilarantes au sujet de l'effondrement  (voir ici aux 14 et 15 octobre). Ce fut du moins ma première réaction. Corinne Pelluchon et Raphaël Stevens, deux beaux exemplaires de l'imposture intellectuelle. Deux magnifiques symptômes de l'impuissance des intellos à peser sur les événements. Deux prestidigitateurs capables de faire disparaître la réalité des choses sous le Niagara de leur verbe vide. Accessoirement, Raphaël Stevens se targue d’être « collapsologue », en français : spécialiste dont l’objet d’étude est la notion d’effondrement appliquée à toutes sortes d’objets. Il cherche en particulier à établir scientifiquement les lois qui président aux effondrements des civilisations. Mazette ! Excusez du peu !

Leur grande question, face à l'effondrement inéluctable qui nous menace et qui viendra, est : "comment continuer à vivre bien et à vivre ensemble à mesure que la vie de l’humanité deviendra plus difficile et que celle-ci aura perdu les bienfaits matériels que lui procure encore aujourd'hui la civilisation industrielle ?" Ils répondent grosso modo qu'il est aujourd'hui vital d'agir sur les mentalités si nous ne voulons pas que la dite humanité retourne à sa barbarie initiale et, pourquoi pas, à son animalité originaire. Ils vous apprendront comment faire pour continuer à "valoriser les émotions positives" et à "refréner les émotions négatives". L'industrie du bien-être au service de l'ordre social, quoi. Et sur fond de spectacle de désolation !

Moi je demande comment des gens qui manifestent un peu d'intelligence peuvent tomber à ce point à côté de la plaque. Ils n'ont rien compris à ce qui est en train de se passer. La réalité qui se laisse d'ores et déjà pressentir nous promet des conditions d'existence de plus en plus difficiles : 1 - l'économie est en train de nous préparer, au dire d'un certain nombre de spécialistes (contredits par d'autres), une belle catastrophe ; 2 -  les gaz à effet de serre auxquels il faut ajouter les "apports" de l'industrie chimique à "l'amélioration" de notre alimentation, sont en train de nous préparer une autre catastrophe, environnementale cette fois ; 3 - les circonstances politiques et sociales faites dans beaucoup de pays aux populations (et à certaines en particulier) sont en train de nous concocter une magnifique catastrophe humaine (dont les migrations actuelles ne sont qu'un des signes annonciateurs).

Dans un deuxième temps, me grattant l'occiput d'un index perplexe, je me suis demandé ce qui amenait des gens apparemment instruits à proférer pareilles inepties. Je me suis pris à supposer qu'ils avaient peut-être, malgré tout, bien compris ce qui est en train d'advenir. Je me suis alors demandé par quel cheminement tortueux ils étaient parvenus à ces discours qui se voudraient optimistes et consolateurs. Et je me suis souvenu de la première partie du livre co-publié par Raphaël Stevens et Pablo Servigne Comment tout peut s'effondrer. J'avais dit tout le mal que je pensais, ici-même, des deux dernières parties de ce livre, mais le plus grand bien du constat impeccable et implacable que ses auteurs dressaient auparavant, graphiques à l'appui, de la situation actuelle du monde, d'après de multiples critères qui tous convergeaient vers cette conclusion : "Tout va s'effondrer". Ou même : "Tout est en train de s'effondrer". Mais ils refusaient de renoncer à leur optimisme et d'aller au bout de leur logique.

L'objet de la réflexion de Corinne Pelluchon et Raphaël Stevens, chacun dans son domaine, se situe non pas dans la question "que faire pour empêcher la catastrophe ?", mais dans "comment anticiper l'attitude des hommes pendant et après la catastrophe et prévenir une catastrophe à suivre, sanglante celle-là, qui illustrera en rouge l'expression bien connue "la guerre de tous contre tous" ?" J'avoue que ce déplacement de la question m'a plongé dans un abîme. Si mon hypothèse est bonne, Pelluchon et Stevens tiennent la catastrophe pour inéluctable, voire quasiment acquise. Et ils pensent au "coup d'après" : comment les hommes vivront-ils dans un monde où il n'y aura plus d'argent dans les distributeurs ou plus d'eau dans les robinets ? Plus de lumière quand ils pousseront le bouton ? Plus d’allumage quand ils actionneront le démarreur ?

J'avoue que j'ai mis un peu de temps à comprendre que ça pouvait être ça : si j'ai bien compris, Pelluchon et Stevens (et quelques autres "collapsologues", comme ils se plaisent à se qualifier) auraient compris l'issue fatale qui guette l'humanité productiviste. Et ils aimeraient bien que la suite se passe, disons, "le moins mal possible". Ah bon ? C'était donc ça ?! Eh oui, chers petits enfants (car on l'a compris, c'est à des enfants que s'adressent Pelluchon et Stevens), apprenons à vivre bien ensemble dans la prochaine sauvagerie économique, environnementale et sociale qui a commencé à redessiner le paysage tel qu'il existait avant l'aube de l'humanité. Il me semble qu'ils ont trop visionné de "feel good movies" : mettre du baume sur la plaie encore ouverte, voilà une recette miracle qu'elle est bonne.

Suitetfin demain.

lundi, 09 avril 2018

DOCTEUR, COMMENT VONT LES GENS ?

16 mars 2018

(notablement augmenté le 9 avril)

Des nouvelles de l'état du monde (20).

« Pour répondre à votre question de savoir comment vont les gens ? A vrai dire, cher monsieur, je crois que les gens ne vont pas très bien. – Et qu'est-ce qu'y a qui va pas, à votre avis, mon bon docteur ? – Eh ben, c'est surtout comme si plus personne n'avait de boussole, et que tout le monde avançait à l'aveuglette. On entend de plus en plus de gens appeler : « Aidez-moi » Les gens ne peuvent plus vivre sans aide.

Personnellement, j'ai tendance à ne jamais me plaindre, et je n'aime pas en général entendre des gens qui s'apitoient sur leur sort. Je me suis réconcilié avec Christine Angot quand j'ai appris qu'elle avait fait chialer une femme, sur un plateau de télévision, en répondant : « Eh bien, on se débrouille ! », en répondant à la question du viol. Pensez : victime, quel beau statut ! Angot a eu le cran de refuser le statut gémissant ! Et tout le monde lui est tombé dessus. C'est Christine Angot qui a raison : face aux épreuves de la vie, si dures soient-elles, l'individu adulte et responsable de son existence un seul rôle à jouer : assumer. Faire face. Mais il semblerait aujourd'hui que ça fasse débat.

Des portions de plus en plus impressionnantes de la population demandent chaque jour (contre rétribution) à des gens "supposés savoir" (coaches, psys de toutes obédiences, "consultants" divers plus ou moins improvisés et autoproclamés, nouveaux prêtres et gourous des âmes errantes, etc.) des conseils pour continuer à conduire leur vie. Cela fait sans doute partie de ce qu'il est convenu d'appeler "aide à la personne", comme quoi, il n'y a pas, et loin de là, que les très vieux qui ont besoin qu'on prenne soin d'eux. « Qu'est-ce que j'peux faire ? Chais pas quoi faire » (Anna Karina, dans Pierrot le fou de Jean-Luc Godard, 1965).

A l'heure où l'autonomie est devenue un impératif individuel absolu, de moins en moins de gens sont assez autonomes pour marcher sans béquille. On a l'impression que plus personne ne peut affronter les petites et grandes épreuves de son existence sans s'en remettre à une « cellule de prise en charge psychologique ». Et je ne parle pas des attentats terroristes comme au Bataclan en 2015, où une femme qui n'a pas été tuée ou blessée gravement (les journalistes appellent les "survivants") s'est trouvée confrontée à l'insupportable sentiment de culpabilité d'être encore en vie.

Je l'ai su bien malgré moi : j'avais fait ici même l'éloge de cet homme, qui était son fiancé (je n'ai pas oublié son nom, mais appelons-le V. R.), qui s'est jeté sur elle pour la protéger et qui a peut-être à sa place pris la balle mortelle. C'est ici un cas extrême : j'avais été ému par le geste héroïque du jeune homme, et j'avais été sommé de retirer de mon blog l'éloge nominal que j'avais fait de sa personne et de son nom. J'avais été stupéfait que la fiancée de l'assassiné ait été incapable de partager avec moi le sentiment d'admiration suscité par le geste magnifique qu'avait fait l'homme de sa vie pour la lui sauver. Comme si la vulnérabilité psychologique nouvelle de la population fournissait un argument décisif pour ce que je suis obligé d'appeler de la censure.

Au-delà de ce cas extrême, on ne peut nier cependant, d'une façon très générale, que la « cellule de prise en charge psychologique » est devenue un incontournable de tous les événements - accidents ou autres - qui viennent heurter le mouvement linéaire normal du déroulement normal des individus normaux dans leur vie normale. Je présente ici quelques plaques professionnelles et affiches de vitrines aperçues lors de mes déambulations dans mon quartier : indubitablement, le marché de la béquille psychologique est florissant. Ce qui en dit long sur l'état moral et sur l'équilibre psychologique de la population : on appelle ça un symptôme, mon cher monsieur. – Eh bien, cher docteur, je ne sais pas si j'ai très envie de vous remercier de ce diagnostic impitoyable ».

La fragilisation des personnes semble se répandre au rythme de la précarisation croissante des conditions d'existence. J'aimerais qu'on m'explique ce paradoxe : comment se fait-il que, plus les individus se décrètent indépendants, libres et autonomes, plus ils tombent dans un déplorable état de dépendance ? Ce qui fait peur ici, c'est que, sur le papier, nous avons toujours officiellement des "citoyens" (avec tout ce que cela suppose), mais que dans la réalité, tout ce que cela suppose (responsabilité personnelle, capacité de faire face, maturité adulte, ....) a tendance à s'effacer derrière d'impalpables mais puissantes relations de dépendance. Et que cette population vote, consomme du réseau social jusqu'à plus soif, gobe de la propagande comme jamais auparavant. Pas de quoi inspirer confiance dans l'avenir.

COACHING3.JPG

Le "coaching" est partout ! Quant à "consultation philosophique", le doute m'habite.

COACHING2.JPG

Drôle d'époque, vraiment ! Jamais les individus ne se sont voulus ou prétendus aussi libres, et jamais ils n'ont eu autant besoin d'aide pour se guider dans la vie, pour se rassurer sur eux-mêmes, sur le monde, sur le sens de la vie et sur le sexe des anges. Les parents font appel à un "coach" pour qu'il leur explique qui sont leurs enfants et comment il faut faire avec eux.

COACHING4.JPG

Un symptôme parmi tant d'autres de ce mal de vivre se trouve par exemple dans les deux heures et demie de programmes quotidiens de la chaîne France Inter où de consternants humoristes sont payés pour dérider un public venu là pour se faire dérider coûte que coûte : ce sont les "travaux forcés du rire".

COACHING5.JPG

Car il faut se "déstresser", tant la vie quotidienne est devenue "stressante".

COACHING1.JPG

L'enthousiasme de commande est devenu le principal du cahier des charges imposé aux "animateurs" d'émissions radio et télé.

MIROIRS2.JPG

Les parents font appel à un "coach" pour qu'il leur explique qui sont leurs enfants et comment il faut faire avec eux.

On pourrait ajouter que les innombrables libertés ainsi octroyées sont allées de pair avec leur exact contraire : jamais les gens n'ont autant "fait comme tout le monde", dans un conformisme frénétique dont ils ne se rendent même pas compte,  agglutinés comme des mouches sur les incontournables du moment : plages, supermarchés, touiteur, fesse-bouc, smartphones, réseaux sociaux, hashtags, "libération de la parole", comme si ce conformisme méticuleux était le corollaire obligé de l'abolition des limites. On peut se demander ce que veut dire le mot "liberté" pour une grande masse de gens. Qu'on ne vienne pas les emmerder ? Chacun dans son bocal avec ceux qu'il estime être seuls ses semblables ? 

MIROIRS4 1.JPG

Appréciez "sororité".

Mais il y a encore un autre paradoxe : dans nos pays économiquement et politiquement favorisés, jamais la revendication d'autonomie et la fierté d'être soi (avec au premier rang la  "marche des fiertés") n'ont été aussi hautement proclamées, et jamais on n'a vu un tel déferlement de plaintes de toutes sortes jaillies d'innombrables poitrines. 

MIROIRS4.JPG 

Des plaintes de deux sortes, émanées soit de suppliants, soit de vengeurs. Dit autrement : d'un côté les plaintifs, de l'autre les plaignants. D'un côté ceux qui réclament des indemnités pour les préjudices qu'ils ont subis.

PLAQUE DESSOULLES URVILLE.JPG

De l'autre, ceux qui réclament la condamnation des coupables pour les sévices qu'ils ont subis. Les uns gémissent, les autres rugissent. Les uns pleurent, les autres mordent. Le point commun, on le voit, c'est que tous ont subi. Tous revendiquent le statut de victimes. Ceux qui ne se plaignent de rien (appelons-les les gens normaux) sont les dindons de la farce. Et ils n'ont pas intérêt à dire publiquement que cet amoncellement de "victimes" finit par rendre impossible la vie de tous avec tous.

MIROIRS1 DU CIEL RUE BELFORT.JPG 

Cercles de femmes, cercles d'hommes : on ne se sent bien qu'entre soi. Il faut se tenir chaud. Comme projet de société, ça se pose là.

omme si la vulnérabilité morale, l'angoisse, la rancœur ou la détresse étaient la rançon à payer pour cette liberté si fièrement revendiquée. L'homme occidental est à cet égard un authentique paradoxe : plus il veut être "libre", "autonome" et ne dépendre que de sa propre initiative pour la conduite de son existence, plus il a besoin de s'en remettre à des "sujets supposés savoirs" (comme on dit en psychanalyse) ou à l'autorité de la loi pour ce qui est de la direction à prendre.

MIROIRS5.JPG

C'est même devenu un marché florissant : plus les gens sont "libres", plus ils abdiquent leur soi-disant libre-arbitre entre les mains de gens qui les persuadent, contre rémunération, qu'ils détiennent la solution à leurs problèmes : c'est ainsi qu'on voit fleurir aux portes des immeubles toutes sortes de plaques de spécialistes autoproclamés de la guérison des âmes en souffrance.

MUSA8.JPG

Notez tous les petits ®.

Après la disparition des curés, des confesseurs et de l'Eglise, après la disparition du paradis communiste, après la floraison des "psychanalystes", des "psychologues" et des "psychothérapeutes" de toutes obédiences, on voit proliférer les professions innovantes, à commencer par les "consultants", les "conseillers de vie" en tout genre, dont l'activité principale consiste à "conseiller" la foule des gens qui ne savent plus qui ils sont, où ils vont, ce qu'ils font et pourquoi ils le font. Le mot "coaching" a contaminé le vocabulaire courant.

MUSA10.JPG 

Cela signifie une chose : plus une société fait des individus des entités autonomes, plus ces entités sont perdues, du fait qu'elles sont livrées à elles-mêmes pour décider de leur propre sort. Corollaire : moins ces individus éprouvent un sentiment d'appartenance à la collectivité.

PLAQUE BELLEGO PAVILLON.JPG

Traduction toute personnelle (quoique ...) : la solitude morale est directement proportionnelle au degré d'autonomie revendiquée. Certains appelleront ce phénomène "mobilité du moi". D'autres seraient cependant fondés à le nommer "déréliction" (Michel Houellebecq, notre scalpel littéraire, dit quelque part (Interventions ?) que l'individu occidental contemporain est un être vide et sans consistance : je ne suis pas sûr qu'on puisse lui donner tort). Et c'est cela qui est le plus effrayant, car c'est bien le signe que notre société rend la vie ordinaire de plus en plus difficile à supporter.

l'état du monde,coaching philosophique,coaching,psychothérapie,méditation,sexe des anges,access bars,constellations familiales énergétiques,cercle d'hommes,psychanalyse,michel houellebecq

Même les chamans ont compris le profit très concret qu'ils peuvent tirer de la décrépitude spirituelle, intellectuelle et morale dans laquelle errent les occidentaux (je connais quelqu'un qui à fait le voyage - organisé, cela va de soi).

Moralité : eh bien vous savez, docteur, cette population, qui d'un côté réclame à grands cris (souvent vindicatifs, voire agressifs) toutes sortes de "droits" nouveaux à exercer et qui, d'un autre côté, et selon une tendance lourde et durable, appelle au secours au moindre accident de la vie en brandissant l'étendard de « Victime », eh bien je vais vous dire : cette population me fait peur. Vous savez pourquoi ? Parce que je me dis qu'une telle contradiction est un obstacle infranchissable s'il s'agit d'édifier ce que je persisterai à appeler une SOCIÉTÉ. Une collection d'entités individuelles indéfiniment autonomes ne sera jamais faite pour constituer un CORPS SOCIAL. Et j'ai comme l'impression que ce désastre n'a pas de précédent dans l'histoire de l'humanité.

Note : les illustrations de ce billet ont été sélectionnées dans un périmètre restreint. Leur point commun, pour la plupart, est d'être apparues sur nos murs dans des temps très récents. 

lundi, 02 avril 2018

DOCTEUR, COMMENT VA LE MONDE ?

27 février 2018

Des nouvelles de l’état du monde (19).

(Voir ici billet 18.)

Nous en étions ici : le monde va de mieux en mieux, disent les indécrottables optimistes ; le monde va vers sa perte, soutiennent les insupportables pessimistes. Pour en finir avec cette lutte fratricide et savoir une fois pour toutes qui a tort et qui a raison, en homme de l’art consciencieux, nous prenons quelques températures et quelques tensions à droite et à gauche, dans l’espoir que l’ensemble des données sera un indicateur fiable.

Nous étions donc en présence d’un patient : le monde. C’est au nombre des alertes qu’on évaluera son état de santé, c’est à l’intensité de l’effort humanitaire qu’on mesure la violence qui s’abat sur le monde, c’est à l’intensité du bruit qu’elles produisent qu’on mesurera l’étendue de la prise de conscience, et c’est à la vitesse dont les trajectoires s’infléchissent et dont les corrections s’effectuent que l’on supputera les chances de guérison. Aujourd’hui, on parle de l’état de santé physique de la planète.

2 – Le symptôme planétaire.

Oui, bien sûr, il y a le réchauffement climatique. On sait. On sait tout, en fait. Et c’est ça qui effraie le plus : le pire, avec le réchauffement, c’est qu’on sait tout, et que ça ne sert à rien. Oui, on nous bassine avec le réchauffement, mais il n’y a pas besoin d’avoir vu Al Gore sur scène, dans son film Une Vérité qui dérange, actionner son élévateur de chantier pour mettre en évidence la radicale rupture de pente de la courbe montrant l’augmentation vertigineuse (en rythme géologique) de la courbe des températures moyennes.

Le réchauffement, aujourd’hui, on est largement au courant : il suffit de regarder ce que sont devenus en quelques dizaines d’années, rien que chez nous, le glacier d’Argentière, la Mer de glace, le glacier des Bossons, le glacier de Taconnaz. Et puis la banquise. Et puis le Groenland. Et puis les glaciers de l’Himalaya. Et puis l’Antarctique. Et puis les Maldiviens, à qui il arrive d'avoir de l’eau jusqu’aux genoux. Oui, on sait que des centaines de millions de gens habitant dans les régions littorales du globe seront chassés de chez eux : devinez l’ailleurs où ils essaieront d’aller vivre mieux.

Le réchauffement, aujourd’hui, on sait aussi que c’est l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes extrêmes : ici des sécheresses toujours pires que les précédentes, là des inondations de plus en plus catastrophiques, ailleurs des cyclones, ouragans ou typhons de plus en plus dévastateurs, jusque sous des latitudes jamais vues auparavant (l’Irlande à la fin de 2017). Chez nous, espèces animales et végétales migrent vers le nord. Un effet secondaire parmi d’autres : certains vins de la vallée du Rhône se mettent à titrer couramment 14,5°, et l’on a commencé à planter des vignes au sud de l’Angleterre ! Le réchauffement, ça se voit à l’œil nu !

Des cris d’alarme, oh ça, il y en a eu ! Mais encore aujourd’hui, on peut appeler ça « Vox clamans in deserto » : il y en a eu, des Bernard Charbonneau, des Jacques Ellul, des Günther Anders, pour alerter sur les dégâts humains, sociaux et environnementaux qu’entraîne la civilisation technicienne, mais ces voix ont crié dans le désert. Les Amis de la Terre, La Gueule ouverte, tous ceux qui voulaient vivre autrement, on les prenait en général pour des agités du bocal, des illuminés, des communautaristes barbus retournés à la terre, des antinucléaires fanatiques, des Larzaciens antimilitaristes. Quarante ans après, on sait qu’ils avaient raison, les allumés !

Et s’il n’y avait que le réchauffement, ce serait moins pire. Mais on sait aussi, depuis Chirac, que « les emmerdes, ça vole en escadrille ». Parce que la « civilisation technicienne » forme un système cohérent, dont les divers aspects, qui n’ont en apparence aucun lien entre eux (je dis à ma main droite d'ignorer ce que fait ma main gauche, et pareil pour les pieds, les narines, les oreilles, les yeux, ...),  s’entendent comme larrons en foire pour produire des effets qui, loin de se contrarier, agissent de concert.

C’en est au point qu’on pourrait voir (rétrospectivement) dans toute l’histoire de notre si belle « civilisation technicienne » la simple histoire d'une destruction méthodique : à partir du moment où le propre, l’essence, le fondement, j’allais dire le destin de la civilisation s’incarne dans la technique, au point de s'y résumer, la limite de l’effort humain est abolie et les folies de l’homme peuvent alors se donner libre cours. Vue comme ça, l’histoire du « Progrès technique » après la révolution industrielle, c’est celle de la mise en œuvre d’une malédiction collective. L’histoire d’un suicide massivement consenti.

Ce n'est pas complètement faux : tant que la vitesse à laquelle on peut se déplacer n’est pas en mesure de dépasser celle du pas de l’homme ou du cheval (le vent sur mer), une nécessité absolue s’impose au monde, que nul génie de la technique n’a enfreinte depuis les origines. L’avènement du moteur (à vapeur, à pétrole, à ce qu'on veut) fait croire à l’humanité qu’elle est tout d’un coup entièrement et définitivement débarrassée de cette basse et humiliante contingence qui entravait ses ambitions. Comme dit l'autre, "Passées les bornes, y a plus de limites".

L’accélération constante de la vitesse à laquelle on se déplace abolit la frontière qui définit les limites de l’homme. Le moteur – multiplicateur de puissance – libère l’humanité de sa dépendance des forces naturelles. Avec le moteur, l’humanité n’en a plus rien à faire, de la nature. Le moteur, et avec lui l’alimentation en énergie, est une arme de destruction massive. L'homme se croit tout-puissant et fabrique une source d'énergie (le nucléaire) dont les dangers potentiels dépassent toutes les pauvres parades qu'il pourrait inventer pour en limiter les dégâts (Tchernobyl, Fukushima, et bientôt le site de Bure et ses réserves de radiations pour quelques milliers d'années à venir).

La différence avec toutes les époques qui ont précédé l'avènement de la société industrielle (vers 1750) est nette. Car si les activités humaines – mettons depuis le néolithique – provoquaient des nuisances, celles-ci (mégisseries, tanneries, ...), circonscrites dans un périmètre limité, n’avaient rien à voir avec ce qu’a apporté la production industrielle de biens destinés à satisfaire les besoins.

La notion de « besoin » elle-même s’est trouvée chamboulée : puisqu’on est capable de produire plus que le nécessaire (c’est-à-dire trop), grâce au moteur et à l’énergie, il est désormais nécessaire d’écouler la marchandise excédentaire, éveiller de nouveaux désirs, inventer des besoins. C’est le rôle de la publicité : susciter une consommation qui puisse justifier la production de biens en masse. Il faut se poser la question : « Qu’est-ce qu’on pourrait inventer qui puisse être vendu en masse aux masses ? ». Une façon de lancer la course désespérée à l’innovation la plus innovante.

Une société de gavés en même temps qu’une société de frustrés, puisque la limite du désir se situe toujours (un peu ou très) au-delà de l’envisageable. Même pas besoin de s’appesantir sur la marchandisation de tout, l’accumulation du capital et autres fadaises liées à la matérialisation infinie de la civilisation ou aux appétits de richesse : le franchissement indéfini des limites est inscrit dans la motorisation de l’espèce humaine. La saturation de l’espace disponible de la planète est inscrite dans la première révolution industrielle et dans la course à la production.

Tous les êtres et toutes les choses doivent être mis à contribution pour la grande marche vers le plus. Tout ce qui entrave l’augmentation et la croissance doit être combattu par tous les moyens. Tout ce qui permet de gagner en temps, en argent et en efficacité économique doit être privilégié. Tout ce qui est humain doit devenir fonctionnel, productif et lucratif, pour que l’humanité puisse un jour ressembler à la parfaite machine à produire. Tout ce qui est la Terre doit cracher des richesses.

Jusqu’à ce que mort s’ensuive. 

Il n'y a pas très longtemps (Le Monde, 14 novembre 2017), les scientifiques se sont mis à quinze mille (15.000) pour sonner le tocsin de l'urgence. 15.000 personnes qui savent de quoi elles parlent ont poussé un cri : il y a urgence !

LA UNE.jpg

En 2011, les éditions La Découverte (+ Arte éditions) publiaient Notre Poison quotidien, de Marie-Monique Robin, celle-là même dont un documentaire célèbre ferraillait contre la firme tentaculaire Monsanto. L'auteur énumère dans son livre bourré d'informations tout ce que les industriels de la chimie s'entendent pour injecter dans ce que nous mangeons, végétal ou animal.

écologie,l'état du monde,optimistes pessimistes,réchauffement climatique

En octobre 2017, François Jarrige et Thomas Le Roux vont plus loin (si l'on peut dire) : dans La Contamination du monde, une histoire des pollutions à l'âge industriel, ils disent (en très gros) que ce que nous appelons "pollution" n'est pas séparable de la mise en place de la production industrielle. Ils n'y vont pas de main morte, intitulant leur troisième partie "Démesure et pollution : un siècle toxique (1914-1973)". 

écologie,l'état du monde,optimistes pessimistes,réchauffement climatique

C'est toute notre civilisation technique qui est dans l'erreur.

Voilà où nous en sommes : ça crie "Au fou !" de tous les côtés, et ça ne sert à rien. On sait tout. Tous ceux qui veulent savoir savent. Malheureusement, ceux qui savent n'ont aucun moyen d'action, et ceux qui pourraient faire ne veulent rien faire.

Alors docteur, comment va le malade ? Quel diagnostic au sujet du symptôme planétaire ?