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samedi, 25 janvier 2020

2020 : UN PATRONAT MODERNE !

Cavanna le dit dans Bête et méchant : c'est dans Hara Kiri (puis Charlie Hebdo) que Cabu, Gébé, Reiser et Wolinski ont inventé une nouvelle forme de reportage (ou de pamphlet, ou ce qu'on voudra). Il appelle cette forme le « récit dessiné ». Une forme qui tient de la bande dessinée, mais délivrée de l'obligation du découpage en cases (vignettes) nettement délimitées.

« "Mon papa", pour Reiser, marquait encore une autre étape. Celle du passage du dessin unique, du classique "dessin-gag", avec ou sans légende, à la suite de dessins racontant une histoire. Pas vraiment la bande dessinée avec ses cases, ses bulles et son découpage-cinéma, mais quelque chose de beaucoup plus leste, de beaucoup plus enlevé, et qui devint vite le genre maison. C'était, si l'on veut, une écriture dessinée, apparemment bâclée comme un croquis – apparemment ! – et terriblement efficace. Gébé y excella, Cabu en fit un outil de reportage où dessins et texte écrit à la main s'entremêlaient. Wolinski devait y trouver le terrain de son épanouissement » (Cavanna, Bête et méchant, Belfond, 1981, pp.207-208).

Il faut voir en effet les pages de ces gars-là : les lignes ne sont pas droites, les dessins se chevauchent, bref : c'est un joyeux bordel. Il n'en reste pas moins que leurs planches vont droit au but, et qu'elles ont plein de choses fortes à nous dire. Bien sûr, c'est inégal, il y a des coups de mou, mais dans l'ensemble, ces pages gardent une tenue de route absolument redoutable.

Le truc de Cabu, c'était le reportage : on ne compte plus les villes (Lille, Marseille, ....) ou les milieux (communauté de Taizé, d'Ardèche, ...) dans lesquels, sur ou sans invitation, il a pointé son nez, dardé son regard et promené son crayon sur son papier pour en rapporter des "impressions de voyage", jamais impartiales, souvent saisissantes, parfois impitoyables, toujours d'une précision chirurgicale quant aux trognes, aux lieux et aux problèmes.

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Un fouillis ordonné.

Un aspect de la double page centrale de Cabu dans Charlie Hebdo du 30 juillet 1973 : la Côte d'Azur en général et Monaco en particulier. J'ai l'impression que les gros traits sont faits après-coup.

Celui de Wolinski n'a rien à voir : qu'il dessine deux bonshommes qui discutent à une table de café devant des petits verres, ou qu'il aborde toutes sortes de "questions de société", il développe des raisonnements complexes pour aboutir à des conclusions percutantes, mais après être passé par des mécanismes retors dans des logiques scabreuses, mais lumineuses.

Le syllogisme est souvent mis à mal : majeure en biais, mineure douteuse, conclusion à l'avenant. Wolinski était l'acrobate du paradoxe et maniait à la perfection l'art de glisser une peau de banane dans la machine bien huilée des langues de bois qu'il retournait comme un gant. Quant à son dessin, les esthètes auront beau dire que c'est n'importe quoi, le lecteur saisit d'emblée le message grâce à l'expressivité du trait. On n'en demande pas plus.

Aujourd'hui, le propos d'un haut représentant du patronat qui n'a rien perdu de ses parties (et réparties) saillantes (Charlie Hebdo, 30 avril 1973). Attention, il faut suivre (chemin de quoi en douze stations).

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Voilà le travail de Wolinski en confesseur. Wolinski était tellement retors qu'il était capable de reproduire avec la plus grande exactitude le raisonnement secret du patronat le plus pourri, mais pour mieux lui faire cracher le gros mensonge véhiculé par la langue de bois qu'il parle quand il est en public. Il avait tout compris.

Et à bien y réfléchir, qu'est-ce qui a changé ?

jeudi, 13 septembre 2018

FABRICE NICOLINO ...

...EN GUERRE CONTRE LES PESTICIDES.

Dans la série "Des nouvelles de l'état du monde " (N°61).

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J'ai entendu l'interview de Fabrice Nicolino par Guillaume Erner sur France Culture, dans laquelle il a défendu avec force et éloquence la cause de la vie. Cette fois, il a décidé de partir en guerre frontale contre la folie qui consiste à injecter des poisons dans les sols et dans les plantes, avant leur absorption consciencieuse par les humains dans leur assiette.

Je suis d'accord avec lui à 100% (seul le footballeur est assez crâneur pour affirmer qu'il est à 300% avant le match, après, c'est une autre affaire).

Discutant mercredi au marché du soir sur la petite place de la Croix-Rousse avec une apicultrice qui a 25 ruches sur le plateau du Jura (toute petite exploitation, une région a priori à l'écart des grands épandages de poisons, et donc à l'abri de leurs nuisances), j'ai appris en effet qu'elle n'était pas trop malheureuse. Pensez, elle n'a perdu "que" 30% de son cheptel l'an dernier. Bon, c'est vrai que dans certains endroits, ce sont 80% des abeilles qui ont été exterminées : elle peut donc s'estimer heureuse. Je ne parle pas de l'anéantissement des insectes qui s'écrasaient en masse sur nos pare-brise il y a quarante ans, et qui aujourd'hui les laissent immaculés. Je ne parle pas des masses de nos passereaux (et en particulier les fringilles, ces petits oiseaux qui peuplaient les haies) qui ont d'ores et déjà disparu ou sont en voie de disparition.

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Je n'ai pas besoin de lire l'ouvrage que Fabrice Nicolino et François Veillerette viennent de  consacrer au problème (éditions Les Liens qui Libèrent) pour savoir que parmi les urgences environnementales, il n'y a pas que le réchauffement climatique du fait du rejet aberrant de tous les gaz à effet de serre (nous consommons et détruisons – c'est la même chose – tellement d'énergie !), il y a aussi – et tout aussi immédiate – l'urgence de la menace d'empoisonnement par toutes sortes de pesticides de synthèse qui s'accumulent partout depuis un demi-siècle, avec des effets très largement méconnus par les savants.

En effet, la méthodologie qu'ils appliquent dans leurs études isole soigneusement chaque substance pour mesurer séparément son éventuelle toxicité. Ils n'ont aucune idée de ce qui se passe dans la réalité, quand deux ou plusieurs de ces molécules se rencontrent. Ils ignorent tout de la trilogie :

1 -  Que produisent leurs interactions (que Nicolino appelle "effet cocktail") ? 

2 - Quels effets ont les très faibles doses (allusion à la maxime de Paracelse qui s'est imposée comme une vérité absolue : « C'est la dose qui fait le poison ») ?

3 - De quelle manière varie l'effet de ces produits en fonction de la durée d'exposition

Ce que dit Fabrice Nicolino est d'une grande justesse : de toute façon, ce n'est plus la peine du tout de discuter avec les défenseurs de l'industrie chimique. Tout a été dit et répété. Ce n'est même pas la peine d'exiger que les chimistes fassent la preuve de l'innocuité de leurs produits avant qu'ils soient mis dans le commerce. Tout le monde sait parfaitement qu'un poison est un poison, et qu'il reste poison tout le temps de son existence. Il faut maintenant imposer l'arrêt de cette folie.

Je ne lirai pas le bouquin, étant – depuis quelques dizaines d'années – intimement convaincu que l'humanité creuse sa tombe en confiant la sécurité de son alimentation à l'industrie chimique : autant s'en remettre au bourreau ou au fossoyeur pour assurer sa bonne santé. En revanche, j'ai acheté le dernier numéro de Charlie Hebdo, spécialement consacré au lancement de la campagne contre les pesticides, où Nicolino intervient abondamment. Et là, je me permets une parenthèse, pour m'incliner devant le cercueil de Charlie Hebdo (†), autrefois hebdomadaire effervescent et incandescent, qui a fait mes délices il y a très longtemps. Je suis désolé de le dire, mais je suis stupéfait de la LAIDEUR qui se dégage aujourd'hui de Charlie Hebdo.

C'en est au point que je crains fort que le fait de confier la défense d'une cause comme celle des pesticides à une revue aussi moche revienne à la saboter purement et simplement (la cause). J'espère que Nicolino a mesuré les risques. Et je suis désolé de le dire, mais je crois que le côté repoussant de la chose incombe à tout ce que la revue compte comme dessinateurs, dont aucun n'arrive au bas de la cheville des grands anciens. La double page centrale est juste répugnante. On me dira que c'est le but de la manœuvre ? Certes.

Mais pour le dessinateur de presse, il s'agit, quoi qu'on en pense, en même temps qu'il veut faire ressentir le plus fort possible le répugnant de la chose qu'il veut dénoncer, de susciter l'adhésion la plus complète possible de ses lecteurs à la cause qu'il entend défendre (en général grâce au rire, donc à la virtuosité de son trait et à l'ingéniosité de son approche). Je ne doute pas de la force de la conviction des dessinateurs actuels de Charlie Hebdo, en revanche, je doute de leur capacité à susciter la même conviction chez le lecteur par le dessin qu'ils proposent. Or cela s'obtient – les jeunes rueurs dans les brancards ne le savent pas assez – par le travail et l'acquisition d'un style personnel.

Mais on ne ressuscitera pas Cabu (†), Gébé (†), Reiser (†), Fournier (†) ou Wolinski (†), qui possédaient à merveille ce qu'on appelle un style. Un STYLE, c'est-à-dire, dans leur cas, le génie d'une forme mise au service d'un esprit. On peut aussi appeler ça le TALENT. Par conséquent, je ne comprends absolument pas comment il se fait que les responsables de la revue laissent la médiocrité des dessins s'étaler grassement sur une telle surface de papier. Pour ce qui est du "visuel", le Charlie Hebdo d'aujourd'hui est encombré de petits tâcherons, autant d'infâmes barbouilleurs qui se contentent d'éjaculer la purulence de leurs humeurs mauvaises, et qui ne sont même pas drôles.

Seul le vieux Willem, vieux copain de Choron, tire encore son épingle du jeu. De profundis donc, et fermons la parenthèse.

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Pour revenir à l'appel de Nicolino, oui, j'ai signé l'appel des 100 (ce qui m'a rappelé cet autre "Appel des cent" étourdiment signé en 1974, et qui m'avait valu de finir mon service militaire bien au frais dans un bataillon de chasseurs alpins). Celui d'aujourd'hui s'intitule "Nous voulons des coquelicots". Car c'est vrai, j'ai imprimé dans ma mémoire tellement de champs de blé ornés du bleu des bleuets et du rouge des coquelicots que la disparition de ces couleurs dans les cultures me donne juste envie de prendre le deuil. "Nous voulons des coquelicots" : je ne sais pas si ce titre peut "percuter". Cela m'est égal : j'y vais.


Cette vidéo, par les choix de mise en forme, a quelque chose d'horripilant, à commencer par la publicité inaugurale (on est chez L'OBS, hélas, je veux dire la gauche-bouse-de-vache, la "bullshit-gôche"), mais tant pis, il faut passer là-dessus : l'essentiel est dans le contenu.

Vas-y, Nicolino, fais péter : tu as la tchatche de Mélanchon, sans éprouver l'ivresse de l'orateur. Alors fonce dans le tas. Je te suis, et apparemment, je ne suis pas tout seul.

Je suis prêt à y croire (même si, comme Saint Thomas, j'ai besoin d'avoir vu pour croire).

mercredi, 11 février 2015

REISER, LES FEMINISTES ET LE CORAN

En 1979, l'imam Khomeiny prend le pouvoir, chasse le roi (sens du mot Shah), devient le "Guide suprême" de la République Islamique d'Iran. Jean-Marc Reiser commente l'événement, dans le grand, le vrai, le seul Charlie Hebdo, celui d'avant Philippe Val, ce grand pontifiant tourneur de veste, même que c'est à cause de lui que Willem avait déserté toutes les conférences de rédaction. J'en conclus que c'est grâce à ce traître qu'il doit d'avoir la vie sauve.

Nous sommes donc en 1979 : le shah se barre, les mollahs et les ayatollahs prennent le pouvoir. Reiser a tout compris.

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Ben oui, Reiser est un effroyable machiste sexiste. En plus il est islamophobe, voire raciste.

C'est à croire que Houellebecq a piqué l'idée de Soumission à cette BD de Reiser. Qui date de 1979. Trente-six ans !

Voilà ce que je dis, moi.

samedi, 24 janvier 2015

WILLEM, CHARLIE ET LES ECOLOGISTES

Je me refuse à parler de "liberté d'expression", de "provocation", de "blasphème", d' "offense à Mahomet", qui sont des formules toutes faites plus ou moins vidées de leur substance : je voudrais que tout le monde admette une fois pour toutes que chaque citoyen français

 

A LE DROIT DE SE MOQUER DE TOUT.

 

NULLE OPINION NE DOIT CONSTITUER UN DELIT. 

 

Et ce droit est sans limite : l'univers des mots n'a jamais fait et ne fera jamais couler le sang. Cessons de confondre le monde du langage (l'arbitraire du signe, Saussure, signifiant/signifié, tout ça) et le monde de la réalité matérielle (pour Saussure le "référent" : le signifié, disons, pour faire clair, le mot "chien" n'a jamais mordu aucun facteur).

 

Il est honteux d'assimiler quelque parole que ce soit (fût-ce l'incitation à la haine raciale) à un acte, fût-il "en puissance". Le vrai démocrate érige une muraille infranchissable entre, d'une part, le verbe, et d'autre part, la croyance au verbe. Entre la Lettre et l'Esprit de la Lettre. Le vrai démocrate met la Lettre à distance. Il la soumet à examen. 

 

Il est démocratiquement très inquiétant que, sous couvert de respect et de tolérance (et puis quoi, encore ?), des gens par ailleurs instruits confondent la mot avec la chose. Il devrait être interdit d'interdire de prononcer certains mots par crainte de voir certaines choses se produire réellement. Pantagruel le dit à Panurge (Tiers Livre, XX) : « Si les signes vous faschent, ô quant vous fascheront les choses signifiées ».

 

A elle toute seule, la croyance que le mot porte intacte, dans le sens que lui accorde un pauvre dictionnaire particulier et partisan, la VÉRITÉ pure et sans tache, cette croyance est porteuse de mort. Restons vivants : enseignons la polysémie aux affolés dangereux qui restent prosternés au pied de la Lettre.

 

La pénalisation de quelque parole que ce soit, l'interdiction de quelque opinion que ce soit, la condamnation de l'auteur de quelque déclaration que ce soit sont des insultes à la démocratie. Une saloperie pourvoyeuse de haine. Supprimons le délit d'opinion du Code Pénal.

 

 

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Willem doit être un peu asocial : cette infirmité lui a sauvé la vie. Il déteste en effet les conférences de rédaction. Il aurait dû théoriquement se trouver avec les autres. Je ne sais pas quel est aujourd’hui son état d’esprit. Quels sont ses états d’âme (s’il en a une, ce dont il n’est sans doute pas persuadé). Comment il pense à ses copains disparus. Willem est le dernier survivant des "anciens". Aussi précieux désormais qu'un monument historique.

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En révisant mes vieux Charlie Hebdo, je suis tombé sur cette page parue le 3 juillet 1972 (n°85). Et je trouve épatant et incroyable que, dans la même revue, aient pu écrire et dessiner des gens aussi dissemblables et opposés que ce Hollandais qui estropie le français dans la joie et la bonne humeur, et des gens comme Cabu, cet écolo précoce, et Pierre Fournier, l’oublié, tué il y a bien longtemps par le surmenage imposé par la gestion du destin de La Gueule ouverte. Un intransigeant de l’écologie, lui.

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C’est peut-être à Fournier que Willem répondait dans la page que j’essaie de restituer ici, découpée tant bien que mal pour les besoins de la cause. On a compris : l’écologie, ce n’est carrément pas son truc.

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Mais le plus génial dans cette page, selon moi, sous le coup de griffe caricatural donné aux purs et durs de la nature, c’est tout de même la prophétie qu’elle contient.

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Car pensez-y, les débats sur le réchauffement climatique tournent autour de quoi, en définitive ? Rien d’autre que l’avance des pays développés sur les pays en développement, en termes de progrès technique et de confort matériel. Ou alors l'inverse : le retard de ceux-ci sur ceux-là.

 

Enfin ça, c'est la phraséologie officielle, surtout chez les tiers-mondistes et autres O-N-G-istes soucieux de « porter secours aux déshérités de la planète ». Je précise que je n'ai rien contre les déshérités de la planète. J'ai juste envie de vivre ma vie le mieux possible. Mon égoïsme foncier n'est pas pire que celui des milliards d'autres humains.

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« Dans dix ans nous aurons te dépassé », dit le personnage. Dix non,  quarante, c'est sûr.

Suivez mon raisonnement, il sera simple. Les pays pauvres veulent du développement pour rejoindre les pays déjà développés. Donc ils veulent de la croissance économique.

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Donc les pays pauvres veulent de l’énergie pour faire marcher des industries et pour produire et vendre des biens. Pour s'enrichir et améliorer leur sort.

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Donc les pays pauvres veulent du réchauffement climatique. Puisque l'énergie pour faire marcher des industries, c'est précisément ce qui a produit le réchauffement climatique. C’est mathématique.

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Le pire, c’est qu’au nom de la justice et de l’égalité, ils y ont droit. Nous ne pouvons pas leur refuser, si nous croyons que notre façon de faire est un modèle. Nous sommes coincés. L'humanité est dans la nasse.

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C’est rassurant : quand tous les pays du monde seront développés, le monde sera mort. Bon, c’est vrai, Willem se trompe dans sa conclusion : les anciens pays pauvres seront aussi morts que les riches.

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La marque de la voiture rappellera quelque chose à certains. Nul doute qu'ils seront sensibles à l'ironie de Willem. Peut-être même que ça les amusera.

Mais si cette page de 1972 n’explique pas tout, elle explique un peu du monde tel qu’il se présente aujourd’hui à nos yeux émerveillés et terrifiés. Bon courage aux négociateurs de Paris-Climat-2015, la conférence qui doit avoir lieu en décembre prochain..

 

Bon courage à l'humanité.

 

Voilà ce que je dis moi.

mardi, 27 août 2013

LA MORT DE VIRGILE

La Mort de Virgile. Ce livre de Hermann Broch est présenté comme un roman, c’est marqué sur la couverture. Après l’avoir refermé, autant le dire tout de suite, je dis : « Roman mon œil ! ». Mon ami Yves me l’a rendu juste après l’avoir commencé (je ne sais pas s'il a lu vingt pages), en le qualifiant de « roman philosophique ». Je ne peux pas dire qu’il ait complètement tort, mais ce n’est encore pas ça. Les trois ingrédients principaux d’un roman sont, d’après ce que j’en sais, des personnages, des situations et des péripéties.

 

J’en oublie : écriture, composition, etc. Certes, il y a des personnages, dans La Mort de Virgile, et pas des moindres : Virgile bien sûr, mais aussi l’empereur Auguste en personne, et puis quelques autres : les amis proches du poète, Plotius Tucca et Lucius Varius, le médecin Charondas. Mais il y a aussi un jeune garçon, Lysanias, dont on ne sait à la fin s’il a vraiment existé ou s'il n'était qu'une rétroprojection du poète jusqu'aux temps de sa jeunesse. De même, Plotia, la femme aimée mais échappée. Et puis un esclave. Ces trois personnages à l’existence fantomatique parlent-ils en réalité dans la chambre de Virgile ? Ou lui parlent-ils dans sa tête seule ? Aucune certitude.

 

La situation est très simple et restera la même du début à la fin : Virgile était à Athènes, mais Auguste lui a demandé impérieusement de rentrer avec lui en Italie, au motif que l’écrivain est malade et qu’il lui faut se faire soigner. Le livre commence un soir avec l’arrivée du convoi majestueux des navires impériaux dans le port de Brundisium (écrit parfois Brindisium). Il se termine le lendemain matin.

 

Dans ce laps de temps on ne peut plus court, que s’est-il passé ? Quelles péripéties ? Il s’est passé que Virgile, après mûre réflexion – mais on pourrait dire aussi « en proie aux pensées les plus noires » –, a décidé de descendre sur la plage et de brûler le manuscrit de L’Enéide, son manuscrit presque achevé, mais pas tout à fait. Il le conserve précieusement dans un coffre en cuir.

 

Cette décision horrifie évidemment ses amis Plotius et Varius, puis le médecin Charondas, et pour finir, Auguste lui-même. Quoi, l’auteur brûlerait son pur chef d’œuvre ? C’est non seulement impensable, mais inacceptable. Après une longue entrevue avec l’empereur, Virgile renoncera à son funeste projet. Voilà l’intrigue. Un peu « ledge », non ? Oui, vraiment léger. Hermann Broch écrit pourtant un livre de plus de 400 pages.

 

La première question qui vient à l’esprit est : comment fait-il ? Et nous voici au cœur du problème. Car ce livre est un problème pour le lecteur que je suis. J’avais tenté une première fois d’en venir à bout, en vain, je m’étais arrêté à la première centaine de pages. Et puis j’ai lu Le Tentateur, dont j’ai un peu parlé ici, et auquel je crois qu’il faudra que je revienne. Alors je me suis dit que c’est trop bête de reculer devant la difficulté.

 

Qu’on se le dise, parmi les sommets littéraires, si celui-ci n’est pas le plus haut, c’est celui dont la paroi est la plus raide qu’il m’ait été donné de gravir. Broch ne fait aucun cadeau au lecteur, aucune concession, aucune gentillesse. Ce livre met le lecteur au défi, à l’épreuve, ce que vous voulez : il faut le mériter, il faut le conquérir. A aucun moment, il ne se laisse amadouer. Aucun encouragement en cours de route. Ce n’est pas un livre dédaigneux, c’est un livre hautain, au meilleur sens du terme. Hautain et sûr de lui, il va son chemin, sans se préoccuper du reste.

 

S’il me fallait dire, au fond du fond, ce qu’il y a dans ce bouquin, je commencerais par dire ma perplexité. C’est un livre qui me dépasse, et je n’en ai pas perçu tous les enjeux avec la netteté suffisante. Le plus simple est de dire ce qui m’en reste. Comme le Docteur, le narrateur dans Le Tentateur, mais de façon incommensurable, Virgile, quelques heures avant de mourir, se sent transpercé par deux flèches, l’une verticale, l’autre horizontale. L’espace et le temps, tous deux infinis.

 

La première lui fait prendre conscience de l’infini de l’espace au-dessus et au-dessous de lui, ainsi que des confins les plus lointains qui se présentent à sa vue, au-devant et en arrière. La seconde figure la trajectoire de sa propre vie à travers les temps, depuis la première enfance, toute rurale, à Andes, jusqu’à cette heure dernière, en passant par Mantoue, puis par tous les êtres qu’il a croisés en chemin, en particulier Plotia, mais aussi Alexis, le bel adolescent dont il n’est pas dit grand-chose, mais dont on devine les traits sensuels, et Cébès, le jeune garçon qui devient son élève en poésie.

 

Hermann Broch se débrouille pour que, à aucun moment du récit, le lecteur ne perde de vue l’immensité de l'espace qui entoure le personnage, mais aussi qu'il n’oublie jamais que chacun s’inscrit (se circonscrit), à chaque instant, dans une durée immémoriale, au-devant et en arrière. Pour l’auteur, l’homme a besoin de ces deux infinis.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

jeudi, 24 mai 2012

LA GUERRE DES DESSINS

Cela fait une éternité que le journal Le Monde s’est converti à la publicité, à la photographie et au dessin de presse. Une éternité qu’il s’est mis à publier les cours de la bourse. Une éternité qu’il a cédé à la pipolisation, imitant en cela la dernière page de Libération, en publiant des portraits curieusement neutres et alléchants de personnalités plus ou moins fêtées dans les médias.  

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Une éternité que Le Monde s’est adapté à la modernité, je veux dire à la « nécessité » d’aérer de toutes les manières possibles des contenus d’une sévère austérité, d’une densité fatigante, et pour tout dire capables de flanquer des indigestions carabinées. Une éternité qu’il propose pour remédier à ces défauts des articles allégés de toute matière grasse.

 

 

Bref : le « journal de référence » a suivi le cours des choses pour s’adapter à un public de « jeunes cadres dynamiques », d’une allègre modernité, et qui, pour cette raison, consacrent trop de temps à leur jogging, à leur(s) maîtresse(s), à leur ordinateurs pour en perdre à vouloir s’informer en allant trop au fond des choses. On ne sait jamais : peut-être que ça colle aux doigts.

 

 

De son côté, le journal Libération n’est pas resté inactif, et a su accompagner souplement l’évolution des mœurs. Cela fait en effet une éternité que, sous la houlette inspirée, quoiqu’énergique, de SERGE JULY (le journaliste devenu patron qui, à ce titre, fut considéré comme acheté, avant d’être « à jeter »), il a abandonné la Révolution à son triste sort.

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Une éternité qu’il a délaissé la futilité de ses célèbres « petites annonces » pour s’intéresser à son tour aux personnes dignes d’intérêt, c’est-à-dire celles qui portent l’étiquette « vu à la télé ». Une éternité qu’il a jeté dehors l’extraordinaire, génial et décoiffant  supplément Un regard moderne où le collectif Bazooka portait le visuel à ébullition. Adieu CHRISTIAN CHAPIRON (Kiki Picasso), JEAN-LOUIS DUPRÉ (Loulou Picasso) et OLIVIA CLAVEL (Electric Clito).

 

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 ET ÇA REMONTE A 1978 !

 

Je ne sais pas si c’est le mot « ébullition » qui s’impose, parce que je pourrais aussi bien parler d’explosion, de dynamitage, mais on me reprocherait l’outrance. Au sujet de Bazooka, il ne saurait y avoir d’outrance, puisqu’aucune ne serait en mesure d’égaler la leur, à l’époque.

 

 

Si je peux donner mon avis, je pense que Bazooka, en son temps, a fait basculer l’univers graphique dans l’infini émiettement de la marchandise, du fait du triomphe de la consommation comme mode de vie. Pour ce qui est du graphique, je dirai que personne mieux que Bazooka Production n’a compris (ou reflété, ce serait peut-être plus juste) le sens de l’époque qui s’ouvrait (avec à la clé récupération des détournements situationnistes).

 

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Bref, ça fait une éternité que Libération s’est converti à la social-démocratie « responsable », que la social-démocratie « responsable » s’est convertie à l’économie de marché, et que l’économie de marché s’est convertie à l’intégrisme libéral et à la lutte de tous contre tous (THOMAS HOBBES, Léviathan). Rassurons-nous : la destruction du monde par l’économie est en cours.

 

 

Tout ça pour en venir à quoi, vous demandez-vous peut-être ? A ceci : en dehors du fait que la presse française n’a cessé de décliner et de perdre des forces et du caractère, les deux journaux cités ci-dessus cultivent une tradition : le dessin de presse. Et c’est là que leurs chemins se séparent. Au Monde, le dessinateur s’appelle PLANTU (son vrai nom est JEAN PLANTUREUX, si, si, je vous assure). A Libération, il s’appelle WILLEM (BERNARD WILLEM HOLTROP).

 

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DESSINS PARUS LE 21 MAI 

 

La différence entre les dessinateurs reflète exactement la différence entre les journaux. Pendant que PLANTU adopte la couleur conformiste de la feuille qui le rémunère, et se prend pour un nouveau DAUMIER (y compris pour la sculpture) et pour le porte-drapeau internationaliste de la liberté de la presse (« cartooning for peace », créé en 2006) et de l’humanisme journalistique, avec bonnes intentions et certificat de belle âme, le rigolard WILLEM, plus individu, donc infiniment préférable, promène son regard et son ricanement vaguement désenchanté dans toutes sortes d’endroits plus ou moins mal famés, couchant sur le papier les vachardises plus ou moins prononcées de son ironie plus ou moins féroce.

 

 

Une autre différence entre les deux dessinateurs est que, dans Le Monde, il est publié en « une », alors que dans Libération, il faut le chercher en pages intérieures. Mais la grande différence est dans la teneur elle-même des dessins. PLANTU est effroyablement gentil. Bon sang, que ses dessins sont sages. C’est énervant à force d’être sympa. Je me demande si cette gentillesse est propre à l’individu, ou si c’est la « ligne » du journal qui commande.

 

 

Sans doute un peu les deux, mon général : Le Monde n’aurait jamais demandé, par exemple, à CABU un dessin de « une ». CABU, c’est tout juste bon pour un hebdomadaire satirique paraissant le mercredi ou pour Charlie Hebdo.  CABU est trop méchant pour travailler au Monde. Regardez comme il arrange SARKOZY (et BERNADETTE CHIRAC au passage).

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COMME DIT LINO VENTURA : C'EST DU BRUTAL !

(et très bien vu, je trouve)

 

 

Cette gentillesse de PLANTU fait en général son dessin lisse et mou : il manque des piquants, bon sang de bonsoir ! Et puis, cette petite souris qu’il ajoute à tous ses dessins, est-ce qu’il ne l’a pas tout simplement piquée à GOTLIB ? Bon, c’est vrai, chez GOTLIB, ce n’est pas une souris, mais une coccinelle, mais elle a une véritable existence, elle devient un vrai personnage, qui vit des aventures. La souris de PLANTU ne sert à rien. Clin d’œil, si vous voulez, mais sans signification.

 

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 Tiens, regardez un peu ce que PLANTU et WILLEM dessinent le 7 mai, lendemain du 6 (vous vous rappelez ? Ah bon, moi, j’ai déjà oublié). Si vous voulez mon avis, PLANTU joue les « chambres d’écho » pour les événements, alors que WILLEM est davantage dans le commentaire politique. Le dessin de WILLEM est en actif ce que celui de PLANTU est en passif.

 

 

 

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Voilà ce que je dis, moi.

 

 

P. S. : j'aime beaucoup aussi ce portrait de NICOLAS SARKOZY :

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 BEAU PORTRAIT CUBISTE, ET TRES RESSEMBLANT