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mercredi, 26 juin 2019

L'ISLAM ET SON PIÈGE 3/3

Je creuse encore le sillon que j'ai commencé à creuser sur l'islam et la place qu'il pourrait éventuellement trouver dans la culture proprement française et européenne. Je dois bien dire que plus j'y réfléchis, moins je trouve des raisons valables de laisser une place à l'islam dans la vie publique en France. Je précise que je ne suis pas un docte : je suis juste un citoyen ordinaire attentif à l'évolution de la société où il est né. Je n'ai pas de théorie ("grand remplacement" ou autre). J'observe, je ressens, et j'essaie de formuler.

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Quoi qu’il en soit, Allah et Mahomet n’exigent du croyant que des devoirs à rendre concrètement, en gestes et en actes : c’est une religion pratique, où la piété doit se montrer (et l'impiété se cacher : j'ai vu, rue Belfort, un maghrébin sortir de l'épicerie avec une grosse bouteille de Coca dans une main, tandis que, de l'autre, il dissimulait dans sa manche une fiasque d'alcool fort, sans doute pour porter discrètement un toast à la santé du Prophète une fois rentré chez lui). On peut même trouver très contraignante l'obligation des cinq prières par jour.

Vous imaginez l'angoisse du soir ? Ai-je bien coché toutes les cases ? Pour un peu, j'irais jusqu'à dire que l'islam est une religion purement formelle : petit musulman, si tu respectes les formes imposées, si tu te comportes conformément aux préceptes sous l'oeil des caméras de surveillance, Allah te promet l'éternel séjour dans "les jardins où les ruisseaux coulent". Peu importe, dans le fond, ce que tu en penses : ce qui compte, c'est ce que tu manifestes concrètement, dans tes gestes et tes comportements. Ce qui compte, c'est ce que tu montres (peut-être une raison de la crispation générale sur le voile "islamique" en France, pays où l'ostentation n'est pas bien vue).

Et cette idée qui me vient laisse à deviner, derrière toute la croyance musulmane, toute la compacité du corps social qu'elle porte et qu'elle édifie. Les gestes qu'on fait, c'est aux yeux des autres. Cela peut paraître bête à dire, mais il n'y a pas de foi musulmane sans l'intégralité organique d'une société musulmane qui observe le croyant. Je ne suis pas le premier, loin de là, à le dire : l'islam est une religion qui joue un rôle de cohésion et de structuration sociale. Les commentateurs parlent bien d'un "islam politique" : en islam, le religieux, le social et le politique semblent indissolublement liés. En insistant là-dessus, je veux juste dire que la vérité individuelle de la croyance, en importance, arrive loin derrière.

Le nombre des croyants garantit la vérité et la force de la croyance. De même, l'ostentation individuelle de la conviction musulmane garantit la validité de la société musulmane. J'ajoute que le nombre des croyants est en lui-même un extraordinaire moyen de faire pression sur l'individu : il faut un culot monstre, le goût du danger et des nerfs en acier pour oser enfreindre l'obligation du jeûne pendant les journées de Ramadan.

Le plus important, à mon avis, c'est que le musulman n'est nullement tenu de vraiment croire (comme on dit "croire" quand on est de culture chrétienne) en Allah et Mahomet : il a juste besoin de faire les gestes commandés, et impérativement en présence de tous les autres membres de la communauté. Pas besoin de croire, il faut faire. Et il faut faire aux yeux des autres, ainsi intronisés témoins et garants de la piété de l'individu qui se plie au rituel.

Moralité : l'islam est la religion la plus laxiste au plan psychologique, en ce qui concerne l'authenticité, la sincérité de la foi, parce que c'est une religion d'ostentation et de démonstration. Une religion de l'extériorité et de la pression sociale. C'est la raison pour laquelle c'est la religion la plus dominatrice qui soit : ta religion, c'est le regard des autres sur toi et sur les gestes que tu fais. Il n'y a pas de religion plus conformiste que l'islam..

Je dirai qu'à la limite, le musulman n'a pas besoin d'être musulman pour être agréable aux yeux d'Allah et de ses semblables, il doit juste se comporter conformément au texte et accomplir les gestes qu'il lui commande. Pas besoin de croire : il faut faire (la "lecture" - ou "récitation", la prière, l'aumône, le pèlerinage, etc.). Si l'on admet cette façon de voir, il devient difficile de prendre l'islam au sérieux (je parle du point de vue chrétien). Religion du concret. Religion du visible, de l'extériorité, de l'ostensible, de l'ostentatoire.

Allah est assez bon pour laisser mon esprit penser ce qu'il veut, pourvu que mes bras, mes mains, mes jambes et mon corps effectuent quotidiennement la chorégraphie exigée : je garde l'esprit libre. Si ce n'est pas complètement idiot, je dirai que l'islam est la religion qui consacre le mime (le masque si vous voulez) comme garant de la vérité. Si cette conception n'est pas fausse de l'islam comme religion de l'extériorité, on comprend aussitôt la profondeur du fossé qui le sépare du christianisme, religion où l'intériorité, la conscience, le "for intérieur" jouent les premiers rôles.

En comparaison, le dieu des chrétiens est d'une violence infiniment plus pernicieuse, qui s'introduit par effraction jusqu'au tréfonds de la conscience du croyant et qui ne cesse de torturer celle-ci pour lui faire avouer, dans un élan de sincérité, qu'elle n'est qu'une pécheresse juste bonne à s'humilier devant son Seigneur. L'islam épargne à ses croyants de telles inquisitions, pourvu qu'ils accomplissent les "gestes". Ah bon, ce n'est que ça ?

Les conditions de l'unité globale sont donc si faciles à remplir que cela ouvre un boulevard à l’ « Oumma » : il s'agit simplement d'accomplir les bons gestes au bon moment dans sa vie quotidienne. Le dieu des chrétiens est, en comparaison, beaucoup plus intrusif, en même temps qu'il laisse le croyant beaucoup plus libre, parce que plus responsable de lui-même, et en même temps beaucoup plus inquiet du fait même de cette responsabilité qui lui incombe.

Le musulman est beaucoup plus tranquille et confortable, puisque non responsable de soi, pourvu qu'il accomplisse les gestes. Si l’on n’attend des gens rien d’autre que des comportements sociaux visibles, on peut aisément se mettre d’accord. Car de toute façon, et le Coran vous le ressasse jusqu'à plus soif : quoi que vous fassiez, Allah sait, et nul ne peut lui cacher quoi que ce soit. 

Dans ces conditions, la diversité des islams peut se donner libre cours : le socle commun (Coran, cinq piliers) est tellement réduit qu'il est indestructible, et qu'il peut à loisir servir de base à une extrême hétérogénéité. Le tronc unique (Coran, cinq piliers) peut développer sans problème plusieurs branches maîtresses qui se subdivisent ensuite en branches, qui se séparent en branchettes, qui se répartissent en rameaux, eux-mêmes fractionnés en brindilles, etc.

Dans ces conditions, la « communauté des croyants » prend une existence tangible : toutes les sectes musulmanes, si différentes et opposées soient-elles, se souviennent du tronc unique dont elles sont issues (Coran, cinq piliers). Elles n'oublient jamais le lien d'étroite parenté avec l'ensemble dont elles constituent un élément. Tout ce qui se déclare musulman est donc musulman, quelles que soient sa conception et sa pratique, classiques ou bizarres, modérées ou fanatiques, de la religion.

Et c’est ainsi que l’islam n’a pas besoin d’une autorité unique (un « pape ») pour intégrer ou excommunier, contrairement au catholicisme. Le Coran et les cinq piliers une fois admis, tout est possible. S’il y a des hérésies ou des incompatibilités, on se fera éventuellement la guerre, mais on la fera avec une grenade dans la main droite et le Coran dans la main gauche. Et en respectant les cinq piliers.

Pas besoin d’un clergé hiérarchisé, de conciles pour unifier un corps de doctrine. D’où, par exemple, la répugnance des musulmans français lors des attentats de 2015 à dénoncer les criminels comme non-musulmans : qui parmi eux, s’ils sont de fervents croyants, s’érigerait en juge de ses coreligionnaires ? Pour eux, les Kouachi et Coulibaly étaient aussi de vrais musulmans. Pour les musulmans français, il était tout à fait évident que les assassins du Bataclan étaient des musulmans : comment auraient-ils pu déclarer, comme beaucoup les sommaient de le faire, que l'islam, ce n'est pas ça (les pancartes « Not in my name ! » ont été de pures velléités) ?

Car la formule « tout ce qui se déclare musulman est musulman » signifie que, du plus pacifique, du plus mystique, du plus contemplatif jusqu’aux plus cruels et sanguinaires des coupeurs de têtes de Daech, nul n'a le droit de dénier aux autres leur qualité de musulmans, pour autant qu’ils s’appuient sur le plus petit commun dénominateur du Coran et des cinq piliers. Tous les musulmans ont raison, toutes les façons d’être musulman sont valides, du point de vue de l’islam.

Il est donc très vain, il est même dangereux de soutenir mordicus, comme le font tant de bonnes âmes, tant de "responsables" et tant de politiciens, la bouche en cul de poule et la main sur le cœur : « Il ne faut pas faire d'amalgame. Il ne faut pas stigmatiser. Il ne faut pas confondre "islam" et "islamisme". » L'a-t-on assez entendu seriner, cette rengaine : "il ne faut pas confondre islam et islamisme" ! En réalité, le guerrier impitoyable ou suicidaire ("djihadiste") et le soufi mystique et inoffensif sont frères de lait. Je veux dire qu'ils ont poussé sur le même arbre, sur des branches certes éloignées, mais intimement apparentées et unies par la même sève qui coule dans leurs veines. Ils sont issus du même tronc, ils ont les mêmes racines.

L'islam est au total une religion tellement rudimentaire et schématique que tout un chacun peut y projeter ce qu'il veut. N'est-ce pas pour cette raison d'ailleurs que le héros de Soumission (Michel Houellebecq, Flammarion, 2015) finit par se faire une raison et se convertir ? « Ce n'est que ça ? », semble-t-il se dire à la fin du roman. Et Dominique Noguez, dans son Houellebecq, en fait (Fayard, 2003), cite Claude Lévi-Strauss, qui voit dans l'islam « une religion de corps de garde ». Une religion si simpliste au fond qu'elle est à la portée du premier abruti venu. Il n'est pas loin, le point où tout être sensé pourrait se dire que l'islam est "la religion la plus stupide" (procès perdu de Dalil Boubakeur contre Houellebecq, à cause de Plateforme).

Les gens de chez nous, modérés, tolérants et bien intentionnés, qui appellent à ne pas faire d’amalgame entre les bons musulmans et les djihadistes, n’ont pas complètement tort : il y a bel et bien des islams. Les pratiques religieuses des Bosniaques ne ressemblent sans doute guère à celles des Tchétchènes, des Ouïghours, des Soudanais ou des Indonésiens. Mais il est encore plus vrai qu’il y a bel et bien un islam.

Ce n'est pas pour rien que, à l'époque des caricatures de Mahomet, des musulmans d'Afrique, du Proche-Orient et d'Indonésie s'étaient violemment insurgés, brûlant au passage un consulat. Oui, l'islam est viscéralement un. On est très valablement fondé à faire des amalgames et à mettre tous les musulmans dans le même sac. Et tant pis pour ceux qui m'accuseront de "stigmatiser" les musulmans : l’islam est en mesure de présenter tous les visages, et tous ces visages sont la vérité de l’islam.

Il est légitime de considérer l'islam en bloc, et de dire qu'il n'a rien à faire en Europe, où le peu qui en a été implanté (Espagne jusqu'en 1492, Balkans) l'a été en lui faisant la guerre. L'islam est en soi totalement inassimilable dans la république ou dans la culture européenne. Son côté protéiforme fait apparaître une infinité de visages divers, aimables ou terribles, mais cette hétérogénéité n'est qu'une apparence : la base qui lui sert de socle est indestructible.

Conclusion : ce qui unit les musulmans du monde entier est infiniment plus puissant que ce qui les sépare. Ce qui fait la force de leur identité commune dépasse de très loin ce qui les différencie. C'est ce que les démocraties occidentales ont un mal fou à comprendre.

Cela veut dire que, pour les consciences européennes scrupuleuses, le problème posé par l’islam en terre de culture très anciennement chrétienne est absolument insoluble. Voilà où se situe le piège : dans la double nature de l'islam, multiple et un, indissolublement et dans le même temps, ce qui lui permet de jouer sur tous les tableaux. Il est tellement multiforme qu'il a réponse à tout et à son contraire. Car pendant que l’islam individuel, pacifique et bon enfant se fait admettre comme un acteur bien intégré dans la société, l’autre islam, l'islam collectif, l'islam global, l'islam militant (voire militaire), l'islam qui ne rêve rien d’autre que la conquête ou la destruction de ce qui n'est pas encore musulman, avance tranquillement. 

Voilà ce que je dis, moi.

mardi, 25 juin 2019

L'ISLAM ET SON PIÈGE 2/3

Avertissement (2 novembre 2019) : à force de revenir sur ce billet, d’y ajouter et d’y modifier des éléments de taille plus ou moins importante, je me vois dans l’obligation, pour une simple question de confort et de lisibilité, de le couper en deux.

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La Communauté des croyants.

C’est la raison pour laquelle, d’après ce que j’en sais, dans l’islam, on ne touche pas à la lettre du Coran : il faut la prendre telle quelle, sans rien y changer. Il semblerait qu’un jour (au dixième ou onzième siècle ?), un calife ait décrété qu’il était formellement interdit de questionner le texte même qu’on avait eu, il est vrai, tant de mal à établir. Ce qui est demandé aux hommes, c’est seulement de se pénétrer de la parole divine en l’apprenant par cœur, et en se la récitant fidèlement.

Cette interdiction de toute interprétation est juste une hypocrisie et une lâcheté, en même temps qu’une outrecuidance et un coup de force. Car comme on pouvait s’y attendre, l’interdit n’a pas du tout empêché la prolifération des interprétations, non explicites mais traduites dans la réalité par la formation d’une multitude de communautés, tendances, sectes et courants.

Car l’islam est une religion éminemment plastique : elle prend racine rapidement et sans difficulté dans n’importe quel sol, comme l’ont prouvé les fulgurantes conquêtes arabes aux 7ème et 8ème siècles (vous savez, celles qui se sont "arrêtées à Poitiers"). Mais si l'islam s'acclimate aisément dans chaque sol où il est semé, celui-ci en retour le marque de son empreinte. D'où un paysage tout à fait composite.

Si l’on regarde le tableau d’ensemble, on voit une sorte de manteau d’Arlequin, un patchwork de traditions liées au lieu, à la coutume locale, aux individus, etc. Cela donne une multiplicité de « communautés », toutes si diverses qu’on peut s’étonner que toutes puissent, d'un seul élan, se réclamer de l’islam. Malek Chebel, grand spécialiste en la matière, musulman lui-même, le disait : « L’islam est une auberge espagnole ».

On peut s’en faire une petite idée dans un opuscule de Boualem Sansal : Gouverner au nom d’Allah (Gallimard, 2013), où l’on constate que la compartimentation de l’islam en cellules séparées confine parfois à ce qu’on observe dans les groupuscules trotskistes : la scissiparité. Tout le monde connaît le fossé qui sépare chiites et sunnites. Mais Sansal ajoute à ces deux frères ennemis le soufisme et le kharidjisme. Et il poursuit en précisant, rien que pour le sunnisme, qu’il existe quatre grands rites, et que ça ne s’arrête pas là : « Ces rites sont : le malékisme, le hanafisme, le chafiisme, le hanbalisme, chaque rite s’étant lui-même scindé en plusieurs branches et rameaux ». N’en jetez plus !

Quant aux chiites, ils ne sont pas en reste. C’est un « courant complexe, à la fois rationaliste, spiritualiste et ésotérique », c’est pire que le sunnisme : il « se divise en quatre branches se divisant elles-mêmes en de nombreuses écoles et sectes dissidentes ». Il y a les duodécimains (ou jafarites), les zaïdites (« exclusivement dans les montagnes du nord-ouest du Yemen »), les ismaéliens, parmi les nombreuses branches desquels on trouve les hétérodoxes druzes (Liban), qui rejettent la charia et croient en la métempsycose. Il y a enfin les ghoulâts, parmi lesquels la secte alaouite de Bachar El Assad. N’en jetez plus !

Et pourtant, au-delà des inimitiés, des guerres et des dissidences, il existe vraiment une « Oumma » (communauté des croyants) où tous les musulmans se rassemblent. Et je trouve incompréhensible qu’une telle hétérogénéité n’ait pas fait éclater cette « Oumma » en mille morceaux définitivement étrangers les uns aux autres, comme le sont par exemple, chez les chrétiens, catholiques romains et orthodoxes. Quel lien coud les pièces du puzzle musulman de façon à les faire tenir ensemble ? Quel facteur leur donne une telle apparence d’unité ?

N’étant ni ouléma, ni mufti, ni musulman, ni même croyant de quelque religion, j’en suis réduit à mon petit raisonnement de citoyen ordinaire. Et je me dis que pour qu’une telle salade russe soit considérée comme « une » (par ses membres comme par ceux qui n’en font pas partie), la seule possibilité, c’est que le dénominateur commun soit réduit au strict minimum. Plus l'accord repose sur un nombre réduit de clauses, plus il est solide. Plus l'accord est minimal, plus il a des chances de durer. Ce sont les pactes subtils et complexes qui sont les plus fragiles.

Vu du dehors, ce dénominateur existe : en dehors du Coran proprement dit, ce sont les « cinq piliers » (on devrait dire : les cinq commandements) : 1 – la profession de foi (s’il est horriblement long et compliqué de se convertir officiellement au judaïsme, pour devenir musulman, c’est simple comme bonjour : une formalité vite expédiée) ; 2 – l’aumône (j’ignore dans quelles conditions) ; 3 – le pèlerinage à La Mecque ; 4 – le jeûne du mois de ramadan ; 5 – les cinq prières par jour. La foi chrétienne me semble infiniment plus exigeante, puisqu'elle veut un engagement de la personne tout entière, extérieure et intérieure. Et puis, sa table de la loi compte dix commandements.

Car je note déjà un point commun : les cinq critères concernent des actes sociaux, et comme tels, ils doivent être visibles, pour ne pas dire ostensibles. Je ne suis pas sûr que les musulmans comprennent ce qui, pour les chrétiens, tourne autour de la « conscience » (cas de, crise de, scrupule de, problème de, examen de, directeur de, liberté de, etc.), je veux dire tout ce qui concerne l’intériorité individuelle, ce lieu de la délibération intime. Et chez les chrétiens, au contraire de l'islam, plus la foi est voyante, plus elle est suspecte (voir la parabole du pharisien et du publicain dans l'évangile de Luc).

Je dis peut-être une bêtise, mais il me semble que la religion musulmane est une religion de la pure extériorité et de la socialité. Le comble de cette extériorité, dans l'islam de France, est évidemment atteint par le "voile islamique". En islam, pas de « for intérieur », cette instance qui soumet le chrétien à son propre jugement et qui, avant même la confession, en attend sincérité et transparence. Allah et Mahomet tolèrent magnifiquement la dissonance entre le geste social et la pensée intime. Je veux dire que, pour eux, l'hypocrisie n'est pas un péché, pourvu que les devoirs soient rendus. L'islam ignore la "conscience", ainsi que la liberté, la délibération et le conflit éventuel qui vont avec. 

Allah considérerait cette liberté comme une offense, et Mahomet la tiendrait pour un sacrilège. Pour Allah et Mahomet, la liberté individuelle est juste une insoutenable pornographie. Cette seule idée en dit long sur la compatibilité de l'islam en général et de la démocratie à l'européenne. Allah et Mahomet conchient, compissent et vomissent la démocratie. D'ailleurs "musulman" signifie "soumis à Dieu". L'individu autonome ? Scandaleux ! Inadmissible !

lundi, 24 juin 2019

L'ISLAM ET SON PIÈGE 1/3

Avertissement : je crois que l’islam façonne la personne humaine tellement en profondeur que les données qui caractérisent la société française le rendent inassimilable. Je crois aussi que cette religion a été façonnée de telle manière par l’histoire que tous ceux qui s’en réclament le font à bon droit, quelles que soient leur conception et la pratique qu’ils en ont. J’en conclus que les modérateurs professionnels qui appellent à ne pas « faire d’amalgame » entre les musulmans pacifiques et le djihadistes fanatiques se trompent. Ils n’ont pas tort de parler de la pluralité des islams, mais on peut et on doit aussi considérer que l’islam est essentiellement un. C’est dans le piège de cette double nature (Janus de la modernité, double visage, double langue) de l’islam que tombent les partisans de l’accueil à bras ouverts et aveugles. En jouant sur tous les tableaux, l'islam gagne à tous les coups.

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Le Coran.

Le Coran est un texte sacré. Attention, on ne plaisante pas : total respect. Les musulmans sont plus que chatouilleux sur le sujet, et sont prêts à tout s’ils pensent que quelqu’un dans le monde a manqué de respect au bouquin ou à l'homme par qui celui-ci est arrivé sur terre (je devrais dire "sur omoplates de camélidés"). Gare aux infidèles qui se moqueraient de l’un ou de l’autre : on peut aller jusqu’à vous brûler quelques ambassades ou à vous couper quelques têtes de mécréants. Cela s’est vu il n’y a pas très longtemps.

Ben mon pote, c’est pas les chrétiens d’aujourd’hui qui feraient ça pour la Bible. Bon, c’est vrai, l’histoire prouve qu’ils ont énormément de sang versé à se faire pardonner. Et puis aussi, il faut dire que le chrétien, ça commence à se faire rare sous nos climats tempérés. Aujourd’hui, franchement, combien de chrétiens sont prêts à jouer les redresseurs de torts ? A mourir pour leur foi ? Pas grand-monde. A croire que la chrétienté n’a plus une grande consistance de nos jours. Bon, il faut dire qu’en termes de composition, les deux bouquins sacrés n’ont pas grand-chose à voir.

Côté Bible (je parle de l’Ancien testament), une réunion de quarante-six "livres" sans beaucoup de liens entre eux, quoique sur une thématique unique, où s’entremêlent des pages d’histoire (exode), des invocations et prières (psaumes), des prescriptions et interdictions (lévitique), etc. Côté Coran, une inspiration unique, certes, mais une inextricable compilation de petits bouts de phrases, des morceaux de paragraphes et cent quatorze chapitres (sourates) répartis du plus long au plus court.

Dans la Bible, au moins, le premier quidam venu peut suivre s’il en fait l’effort : il y a une construction narrative et une unité globale qui lui confère, par comparaison, la cohérence logique d’un traité scientifique ; dans le Coran, le coq-à-l’âne domine, il est même permanent. Ce sont sans cesse des redites et des coupures, une pulvérisation formelle telle qu’il n’est pas possible à un lecteur ordinaire de s’y retrouver. Et puis ça rabâche, ça serine, ça ressasse. Comme si l’auteur voulait enfoncer dans le crâne un petit nombre d’éléments, mais carrément à coups de marteau. Combien de mots et de pages resterait-il dans le Coran si l'on éliminait toutes les répétitions ? Pas lourd.

Résultat pour le lecteur ordinaire : tu nages, tu te noies, tu ne sais pas par quel bout prendre la chose. C’est ce que disait le journaliste Pascal Galinier, quand il rendait compte, dans Le Monde du 24 décembre 2016, de l’essai de Mahmoud Hussein, Les Musulmans au défi de Daech : « Le Livre saint est un texte hermétique pour le commun des mortels, donc sujet à d’infinies interprétations, chacun y piochant ce qu’il veut ». 

Il faut insister sur cet hermétisme du texte, qui tient à sa composition : il a été recueilli sur un nombre invraisemblable de supports divers, tessons, planchettes, omoplates de camélidés, etc. Comment faire tenir tout ça ensemble et donner un semblant de cohérence ? Le puzzle est infernal et infaisable : le comble du saucisson découpé en tranches fines. Imaginez une immense mosaïque antique dont les milliers de petits morceaux (tesselles) auraient été versés en vrac dans une grande caisse : imaginez les trésors d'orfèvrerie méticuleuse qu'il faudrait à une armée de spécialistes pour reconstituer le visage du chef d'œuvre dans son intégralité. Le Coran est dans ce cas, et les orfèvres ont échoué.

Je crois me souvenir qu’il a bien fallu deux siècles pour aboutir à un consensus à peu près général et au texte "définitif" ("définitivement provisoire" aurait été plus juste). Il ne faut pas s’étonner qu’à nos yeux celui-ci ne tienne pas debout, tant ça part dans tous les sens. Mais il est stupéfiant d’apprendre qu’un tel salmigondis sert de table de la loi à un milliard et demi d’êtres humains : ça défie toute raison.

Je n’ai pas fait une étude approfondie du Coran, je me suis contenté de le lire intégralement et avec beaucoup d'attention, en lecteur ordinaire, pour me faire une idée personnelle de la chose, et ce n’est déjà pas si mal, tant j’ai trouvé la lecture éprouvante, moi qui suis habitué à des récits reposant sur la continuité (mais je n’ai jamais pu arriver au bout d’une lecture intégrale de la Bible : je dois avoir un problème avec le sacré).

Ma conclusion est que le Coran, ce livre rebutant, n’aime pas les hommes. A se demander si Dieu en personne ne les déteste pas. C’est un livre destiné à la crème des élites qui ont fait bac+12 (et qui par ailleurs détiennent le pouvoir), et qui dit au commun des mortels : "Tu n’es pas en état d’accéder à l’essence de cet enseignement. Sois humble et fais confiance à ceux qui te disent qu'ils savent". L'islam est une religion qui légitime ceux qui ont le savoir et ceux qui sont au pouvoir, et qui fait en sorte que ceux qui n'ont ni l'un ni l'autre se contentent de leur sort. L'islam, par nature, déteste la démocratie.

Je me dis que ma lecture en vaut une autre. Pourquoi serait-on, s’agissant de ce livre, obligé de s’en remettre à l’autorité de quelque savant qui nous expliquerait que nous avons tort, et qui nous apprendrait comment il faut le lire ? C'est un peu la même chose pour la musique contemporaine : le plus grand spécialiste aura beau me bourrer le crâne d'arguments, si ça ne passe pas, ça ne passe pas. Je n'ai jamais aimé que l'on m'impose "ce qu'il faut savoir", et encore moins comment il faut le savoir. Je suis aussi habilité qu’un plus savant que moi à me faire une idée valide de ce que j’ai lu par moi-même.  Les musulmans ne sont pas logés à même enseigne, contraints qu’ils sont de s’en remettre aveuglément à des spécialistes, quand on ne les oblige pas à apprendre le livre par cœur.

Pour ce qui est du « message », je dirais que le Coran assène pesamment, de son début jusqu’à sa fin, des louanges à Dieu. Il vous assomme de prescriptions impérieuses, d’interdictions formelles et de promesses vagues : châtiments cruels aux mauvais croyants (juifs, chrétiens et mauvais musulmans) et récompenses sublimes (jardins où les ruisseaux coulent) à ceux qui se soumettent sans rouspéter (musulman = soumis à Dieu).

En dehors de ça, des allusions fugitives à l’Ancien testament, à des événements ; plus insistantes à des personnages présents dans la Bible (Moïse, Noé, Jésus), etc. Et puis le maître-mot, qui différencie radicalement l’islam du christianisme : Dieu n’a pas été engendré et n’a jamais engendré (sourate 112) ! Rien de plus autoritaire et de plus terrorisant que le Coran. Rien de plus binaire, de plus dichotomique, de plus manichéen que le Coran.

Autre différence entre Bible et Coran : le rapport des croyants au texte qui les guide. Je passe sur tous les types de chrétiens créationnistes, qui prennent la Bible au pied de la lettre, et persistent à penser que le monde a été créé en six jours, il y a environ six mille ans, et autres fadaises. Il faut le reconnaître, la chrétienté n’a pas cessé d’interroger la lettre de la Bible pour en dégager l’esprit. Les chrétiens ont passé beaucoup de temps et d’énergie en exégèses, efforts d’herméneutique, commentaires, …

Thomas Römer, professeur au Collège de France, poursuit son travail monumental : il s’efforce d’identifier, dans les chapitres de la Bible, toutes les strates dont ils sont faits : indo-iraniennes, mazdéennes, mésopotamiennes, etc. Autrement dit, sa démarche consiste à reconnaître ce qui, dans la Bible, n’est pas de la Bible, mais emprunté à des sources étrangères. Les innombrables rédacteurs réels de la Bible ont forcément, selon lui, puisé dans les textes qui circulaient déjà à leur époque.

Ce que Thomas Römer s’efforce d’établir scientifiquement, c’est l’historicité du texte de la Bible, ce à quoi se refusent l’immense majorité des musulmans, qui sont persuadés que le Coran est a-historique, puisque descendant directement de la révélation divine. Que deviendrait la « parole de Dieu » si elle redescendait dans un contexte purement terrien ? Cela risquerait de lui faire perdre son caractère d’absolu, et de la faire tomber dans un relativisme extrêmement dommageable.

Vous vous rendez compte ? Allah avec des dimensions humaines ? Tous les pékins anonymes auraient l’ambition de « devenir califes à la place du calife ». Je me demande d'ailleurs si on ne pourrait pas dire que c'est à ce résultat qu'a fini par aboutir le christianisme qui, avec la sécularisation et la démocratisation, a fait de l'individu une sorte de centre. Simple question en passant.

Voilà ce que je dis, moi.

mercredi, 11 février 2015

REISER, LES FEMINISTES ET LE CORAN

En 1979, l'imam Khomeiny prend le pouvoir, chasse le roi (sens du mot Shah), devient le "Guide suprême" de la République Islamique d'Iran. Jean-Marc Reiser commente l'événement, dans le grand, le vrai, le seul Charlie Hebdo, celui d'avant Philippe Val, ce grand pontifiant tourneur de veste, même que c'est à cause de lui que Willem avait déserté toutes les conférences de rédaction. J'en conclus que c'est grâce à ce traître qu'il doit d'avoir la vie sauve.

Nous sommes donc en 1979 : le shah se barre, les mollahs et les ayatollahs prennent le pouvoir. Reiser a tout compris.

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Ben oui, Reiser est un effroyable machiste sexiste. En plus il est islamophobe, voire raciste.

C'est à croire que Houellebecq a piqué l'idée de Soumission à cette BD de Reiser. Qui date de 1979. Trente-six ans !

Voilà ce que je dis, moi.