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mercredi, 26 juin 2019

L'ISLAM ET SON PIÈGE 3/3

Je creuse encore le sillon que j'ai commencé à creuser sur l'islam et la place qu'il pourrait éventuellement trouver dans la culture proprement française et européenne. Je dois bien dire que plus j'y réfléchis, moins je trouve des raisons valables de laisser une place à l'islam dans la vie publique en France. Je précise que je ne suis pas un docte : je suis juste un citoyen ordinaire attentif à l'évolution de la société où il est né. Je n'ai pas de théorie ("grand remplacement" ou autre). J'observe, je ressens, et j'essaie de formuler.

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Quoi qu’il en soit, Allah et Mahomet n’exigent du croyant que des devoirs à rendre concrètement, en gestes et en actes : c’est une religion pratique, où la piété doit se montrer (et l'impiété se cacher : j'ai vu, rue Belfort, un maghrébin sortir de l'épicerie avec une grosse bouteille de Coca dans une main, tandis que, de l'autre, il dissimulait dans sa manche une fiasque d'alcool fort, sans doute pour porter discrètement un toast à la santé du Prophète une fois rentré chez lui). On peut même trouver très contraignante l'obligation des cinq prières par jour.

Vous imaginez l'angoisse du soir ? Ai-je bien coché toutes les cases ? Pour un peu, j'irais jusqu'à dire que l'islam est une religion purement formelle : petit musulman, si tu respectes les formes imposées, si tu te comportes conformément aux préceptes sous l'oeil des caméras de surveillance, Allah te promet l'éternel séjour dans "les jardins où les ruisseaux coulent". Peu importe, dans le fond, ce que tu en penses : ce qui compte, c'est ce que tu manifestes concrètement, dans tes gestes et tes comportements. Ce qui compte, c'est ce que tu montres (peut-être une raison de la crispation générale sur le voile "islamique" en France, pays où l'ostentation n'est pas bien vue).

Et cette idée qui me vient laisse à deviner, derrière toute la croyance musulmane, toute la compacité du corps social qu'elle porte et qu'elle édifie. Les gestes qu'on fait, c'est aux yeux des autres. Cela peut paraître bête à dire, mais il n'y a pas de foi musulmane sans l'intégralité organique d'une société musulmane qui observe le croyant. Je ne suis pas le premier, loin de là, à le dire : l'islam est une religion qui joue un rôle de cohésion et de structuration sociale. Les commentateurs parlent bien d'un "islam politique" : en islam, le religieux, le social et le politique semblent indissolublement liés. En insistant là-dessus, je veux juste dire que la vérité individuelle de la croyance, en importance, arrive loin derrière.

Le nombre des croyants garantit la vérité et la force de la croyance. De même, l'ostentation individuelle de la conviction musulmane garantit la validité de la société musulmane. J'ajoute que le nombre des croyants est en lui-même un extraordinaire moyen de faire pression sur l'individu : il faut un culot monstre, le goût du danger et des nerfs en acier pour oser enfreindre l'obligation du jeûne pendant les journées de Ramadan.

Le plus important, à mon avis, c'est que le musulman n'est nullement tenu de vraiment croire (comme on dit "croire" quand on est de culture chrétienne) en Allah et Mahomet : il a juste besoin de faire les gestes commandés, et impérativement en présence de tous les autres membres de la communauté. Pas besoin de croire, il faut faire. Et il faut faire aux yeux des autres, ainsi intronisés témoins et garants de la piété de l'individu qui se plie au rituel.

Moralité : l'islam est la religion la plus laxiste au plan psychologique, en ce qui concerne l'authenticité, la sincérité de la foi, parce que c'est une religion d'ostentation et de démonstration. Une religion de l'extériorité et de la pression sociale. C'est la raison pour laquelle c'est la religion la plus dominatrice qui soit : ta religion, c'est le regard des autres sur toi et sur les gestes que tu fais. Il n'y a pas de religion plus conformiste que l'islam..

Je dirai qu'à la limite, le musulman n'a pas besoin d'être musulman pour être agréable aux yeux d'Allah et de ses semblables, il doit juste se comporter conformément au texte et accomplir les gestes qu'il lui commande. Pas besoin de croire : il faut faire (la "lecture" - ou "récitation", la prière, l'aumône, le pèlerinage, etc.). Si l'on admet cette façon de voir, il devient difficile de prendre l'islam au sérieux (je parle du point de vue chrétien). Religion du concret. Religion du visible, de l'extériorité, de l'ostensible, de l'ostentatoire.

Allah est assez bon pour laisser mon esprit penser ce qu'il veut, pourvu que mes bras, mes mains, mes jambes et mon corps effectuent quotidiennement la chorégraphie exigée : je garde l'esprit libre. Si ce n'est pas complètement idiot, je dirai que l'islam est la religion qui consacre le mime (le masque si vous voulez) comme garant de la vérité. Si cette conception n'est pas fausse de l'islam comme religion de l'extériorité, on comprend aussitôt la profondeur du fossé qui le sépare du christianisme, religion où l'intériorité, la conscience, le "for intérieur" jouent les premiers rôles.

En comparaison, le dieu des chrétiens est d'une violence infiniment plus pernicieuse, qui s'introduit par effraction jusqu'au tréfonds de la conscience du croyant et qui ne cesse de torturer celle-ci pour lui faire avouer, dans un élan de sincérité, qu'elle n'est qu'une pécheresse juste bonne à s'humilier devant son Seigneur. L'islam épargne à ses croyants de telles inquisitions, pourvu qu'ils accomplissent les "gestes". Ah bon, ce n'est que ça ?

Les conditions de l'unité globale sont donc si faciles à remplir que cela ouvre un boulevard à l’ « Oumma » : il s'agit simplement d'accomplir les bons gestes au bon moment dans sa vie quotidienne. Le dieu des chrétiens est, en comparaison, beaucoup plus intrusif, en même temps qu'il laisse le croyant beaucoup plus libre, parce que plus responsable de lui-même, et en même temps beaucoup plus inquiet du fait même de cette responsabilité qui lui incombe.

Le musulman est beaucoup plus tranquille et confortable, puisque non responsable de soi, pourvu qu'il accomplisse les gestes. Si l’on n’attend des gens rien d’autre que des comportements sociaux visibles, on peut aisément se mettre d’accord. Car de toute façon, et le Coran vous le ressasse jusqu'à plus soif : quoi que vous fassiez, Allah sait, et nul ne peut lui cacher quoi que ce soit. 

Dans ces conditions, la diversité des islams peut se donner libre cours : le socle commun (Coran, cinq piliers) est tellement réduit qu'il est indestructible, et qu'il peut à loisir servir de base à une extrême hétérogénéité. Le tronc unique (Coran, cinq piliers) peut développer sans problème plusieurs branches maîtresses qui se subdivisent ensuite en branches, qui se séparent en branchettes, qui se répartissent en rameaux, eux-mêmes fractionnés en brindilles, etc.

Dans ces conditions, la « communauté des croyants » prend une existence tangible : toutes les sectes musulmanes, si différentes et opposées soient-elles, se souviennent du tronc unique dont elles sont issues (Coran, cinq piliers). Elles n'oublient jamais le lien d'étroite parenté avec l'ensemble dont elles constituent un élément. Tout ce qui se déclare musulman est donc musulman, quelles que soient sa conception et sa pratique, classiques ou bizarres, modérées ou fanatiques, de la religion.

Et c’est ainsi que l’islam n’a pas besoin d’une autorité unique (un « pape ») pour intégrer ou excommunier, contrairement au catholicisme. Le Coran et les cinq piliers une fois admis, tout est possible. S’il y a des hérésies ou des incompatibilités, on se fera éventuellement la guerre, mais on la fera avec une grenade dans la main droite et le Coran dans la main gauche. Et en respectant les cinq piliers.

Pas besoin d’un clergé hiérarchisé, de conciles pour unifier un corps de doctrine. D’où, par exemple, la répugnance des musulmans français lors des attentats de 2015 à dénoncer les criminels comme non-musulmans : qui parmi eux, s’ils sont de fervents croyants, s’érigerait en juge de ses coreligionnaires ? Pour eux, les Kouachi et Coulibaly étaient aussi de vrais musulmans. Pour les musulmans français, il était tout à fait évident que les assassins du Bataclan étaient des musulmans : comment auraient-ils pu déclarer, comme beaucoup les sommaient de le faire, que l'islam, ce n'est pas ça (les pancartes « Not in my name ! » ont été de pures velléités) ?

Car la formule « tout ce qui se déclare musulman est musulman » signifie que, du plus pacifique, du plus mystique, du plus contemplatif jusqu’aux plus cruels et sanguinaires des coupeurs de têtes de Daech, nul n'a le droit de dénier aux autres leur qualité de musulmans, pour autant qu’ils s’appuient sur le plus petit commun dénominateur du Coran et des cinq piliers. Tous les musulmans ont raison, toutes les façons d’être musulman sont valides, du point de vue de l’islam.

Il est donc très vain, il est même dangereux de soutenir mordicus, comme le font tant de bonnes âmes, tant de "responsables" et tant de politiciens, la bouche en cul de poule et la main sur le cœur : « Il ne faut pas faire d'amalgame. Il ne faut pas stigmatiser. Il ne faut pas confondre "islam" et "islamisme". » L'a-t-on assez entendu seriner, cette rengaine : "il ne faut pas confondre islam et islamisme" ! En réalité, le guerrier impitoyable ou suicidaire ("djihadiste") et le soufi mystique et inoffensif sont frères de lait. Je veux dire qu'ils ont poussé sur le même arbre, sur des branches certes éloignées, mais intimement apparentées et unies par la même sève qui coule dans leurs veines. Ils sont issus du même tronc, ils ont les mêmes racines.

L'islam est au total une religion tellement rudimentaire et schématique que tout un chacun peut y projeter ce qu'il veut. N'est-ce pas pour cette raison d'ailleurs que le héros de Soumission (Michel Houellebecq, Flammarion, 2015) finit par se faire une raison et se convertir ? « Ce n'est que ça ? », semble-t-il se dire à la fin du roman. Et Dominique Noguez, dans son Houellebecq, en fait (Fayard, 2003), cite Claude Lévi-Strauss, qui voit dans l'islam « une religion de corps de garde ». Une religion si simpliste au fond qu'elle est à la portée du premier abruti venu. Il n'est pas loin, le point où tout être sensé pourrait se dire que l'islam est "la religion la plus stupide" (procès perdu de Dalil Boubakeur contre Houellebecq, à cause de Plateforme).

Les gens de chez nous, modérés, tolérants et bien intentionnés, qui appellent à ne pas faire d’amalgame entre les bons musulmans et les djihadistes, n’ont pas complètement tort : il y a bel et bien des islams. Les pratiques religieuses des Bosniaques ne ressemblent sans doute guère à celles des Tchétchènes, des Ouïghours, des Soudanais ou des Indonésiens. Mais il est encore plus vrai qu’il y a bel et bien un islam.

Ce n'est pas pour rien que, à l'époque des caricatures de Mahomet, des musulmans d'Afrique, du Proche-Orient et d'Indonésie s'étaient violemment insurgés, brûlant au passage un consulat. Oui, l'islam est viscéralement un. On est très valablement fondé à faire des amalgames et à mettre tous les musulmans dans le même sac. Et tant pis pour ceux qui m'accuseront de "stigmatiser" les musulmans : l’islam est en mesure de présenter tous les visages, et tous ces visages sont la vérité de l’islam.

Il est légitime de considérer l'islam en bloc, et de dire qu'il n'a rien à faire en Europe, où le peu qui en a été implanté (Espagne jusqu'en 1492, Balkans) l'a été en lui faisant la guerre. L'islam est en soi totalement inassimilable dans la république ou dans la culture européenne. Son côté protéiforme fait apparaître une infinité de visages divers, aimables ou terribles, mais cette hétérogénéité n'est qu'une apparence : la base qui lui sert de socle est indestructible.

Conclusion : ce qui unit les musulmans du monde entier est infiniment plus puissant que ce qui les sépare. Ce qui fait la force de leur identité commune dépasse de très loin ce qui les différencie. C'est ce que les démocraties occidentales ont un mal fou à comprendre.

Cela veut dire que, pour les consciences européennes scrupuleuses, le problème posé par l’islam en terre de culture très anciennement chrétienne est absolument insoluble. Voilà où se situe le piège : dans la double nature de l'islam, multiple et un, indissolublement et dans le même temps, ce qui lui permet de jouer sur tous les tableaux. Il est tellement multiforme qu'il a réponse à tout et à son contraire. Car pendant que l’islam individuel, pacifique et bon enfant se fait admettre comme un acteur bien intégré dans la société, l’autre islam, l'islam collectif, l'islam global, l'islam militant (voire militaire), l'islam qui ne rêve rien d’autre que la conquête ou la destruction de ce qui n'est pas encore musulman, avance tranquillement. 

Voilà ce que je dis, moi.

mardi, 25 juin 2019

L'ISLAM ET SON PIÈGE 2/3

Avertissement (2 novembre 2019) : à force de revenir sur ce billet, d’y ajouter et d’y modifier des éléments de taille plus ou moins importante, je me vois dans l’obligation, pour une simple question de confort et de lisibilité, de le couper en deux.

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La Communauté des croyants.

C’est la raison pour laquelle, d’après ce que j’en sais, dans l’islam, on ne touche pas à la lettre du Coran : il faut la prendre telle quelle, sans rien y changer. Il semblerait qu’un jour (au dixième ou onzième siècle ?), un calife ait décrété qu’il était formellement interdit de questionner le texte même qu’on avait eu, il est vrai, tant de mal à établir. Ce qui est demandé aux hommes, c’est seulement de se pénétrer de la parole divine en l’apprenant par cœur, et en se la récitant fidèlement.

Cette interdiction de toute interprétation est juste une hypocrisie et une lâcheté, en même temps qu’une outrecuidance et un coup de force. Car comme on pouvait s’y attendre, l’interdit n’a pas du tout empêché la prolifération des interprétations, non explicites mais traduites dans la réalité par la formation d’une multitude de communautés, tendances, sectes et courants.

Car l’islam est une religion éminemment plastique : elle prend racine rapidement et sans difficulté dans n’importe quel sol, comme l’ont prouvé les fulgurantes conquêtes arabes aux 7ème et 8ème siècles (vous savez, celles qui se sont "arrêtées à Poitiers"). Mais si l'islam s'acclimate aisément dans chaque sol où il est semé, celui-ci en retour le marque de son empreinte. D'où un paysage tout à fait composite.

Si l’on regarde le tableau d’ensemble, on voit une sorte de manteau d’Arlequin, un patchwork de traditions liées au lieu, à la coutume locale, aux individus, etc. Cela donne une multiplicité de « communautés », toutes si diverses qu’on peut s’étonner que toutes puissent, d'un seul élan, se réclamer de l’islam. Malek Chebel, grand spécialiste en la matière, musulman lui-même, le disait : « L’islam est une auberge espagnole ».

On peut s’en faire une petite idée dans un opuscule de Boualem Sansal : Gouverner au nom d’Allah (Gallimard, 2013), où l’on constate que la compartimentation de l’islam en cellules séparées confine parfois à ce qu’on observe dans les groupuscules trotskistes : la scissiparité. Tout le monde connaît le fossé qui sépare chiites et sunnites. Mais Sansal ajoute à ces deux frères ennemis le soufisme et le kharidjisme. Et il poursuit en précisant, rien que pour le sunnisme, qu’il existe quatre grands rites, et que ça ne s’arrête pas là : « Ces rites sont : le malékisme, le hanafisme, le chafiisme, le hanbalisme, chaque rite s’étant lui-même scindé en plusieurs branches et rameaux ». N’en jetez plus !

Quant aux chiites, ils ne sont pas en reste. C’est un « courant complexe, à la fois rationaliste, spiritualiste et ésotérique », c’est pire que le sunnisme : il « se divise en quatre branches se divisant elles-mêmes en de nombreuses écoles et sectes dissidentes ». Il y a les duodécimains (ou jafarites), les zaïdites (« exclusivement dans les montagnes du nord-ouest du Yemen »), les ismaéliens, parmi les nombreuses branches desquels on trouve les hétérodoxes druzes (Liban), qui rejettent la charia et croient en la métempsycose. Il y a enfin les ghoulâts, parmi lesquels la secte alaouite de Bachar El Assad. N’en jetez plus !

Et pourtant, au-delà des inimitiés, des guerres et des dissidences, il existe vraiment une « Oumma » (communauté des croyants) où tous les musulmans se rassemblent. Et je trouve incompréhensible qu’une telle hétérogénéité n’ait pas fait éclater cette « Oumma » en mille morceaux définitivement étrangers les uns aux autres, comme le sont par exemple, chez les chrétiens, catholiques romains et orthodoxes. Quel lien coud les pièces du puzzle musulman de façon à les faire tenir ensemble ? Quel facteur leur donne une telle apparence d’unité ?

N’étant ni ouléma, ni mufti, ni musulman, ni même croyant de quelque religion, j’en suis réduit à mon petit raisonnement de citoyen ordinaire. Et je me dis que pour qu’une telle salade russe soit considérée comme « une » (par ses membres comme par ceux qui n’en font pas partie), la seule possibilité, c’est que le dénominateur commun soit réduit au strict minimum. Plus l'accord repose sur un nombre réduit de clauses, plus il est solide. Plus l'accord est minimal, plus il a des chances de durer. Ce sont les pactes subtils et complexes qui sont les plus fragiles.

Vu du dehors, ce dénominateur existe : en dehors du Coran proprement dit, ce sont les « cinq piliers » (on devrait dire : les cinq commandements) : 1 – la profession de foi (s’il est horriblement long et compliqué de se convertir officiellement au judaïsme, pour devenir musulman, c’est simple comme bonjour : une formalité vite expédiée) ; 2 – l’aumône (j’ignore dans quelles conditions) ; 3 – le pèlerinage à La Mecque ; 4 – le jeûne du mois de ramadan ; 5 – les cinq prières par jour. La foi chrétienne me semble infiniment plus exigeante, puisqu'elle veut un engagement de la personne tout entière, extérieure et intérieure. Et puis, sa table de la loi compte dix commandements.

Car je note déjà un point commun : les cinq critères concernent des actes sociaux, et comme tels, ils doivent être visibles, pour ne pas dire ostensibles. Je ne suis pas sûr que les musulmans comprennent ce qui, pour les chrétiens, tourne autour de la « conscience » (cas de, crise de, scrupule de, problème de, examen de, directeur de, liberté de, etc.), je veux dire tout ce qui concerne l’intériorité individuelle, ce lieu de la délibération intime. Et chez les chrétiens, au contraire de l'islam, plus la foi est voyante, plus elle est suspecte (voir la parabole du pharisien et du publicain dans l'évangile de Luc).

Je dis peut-être une bêtise, mais il me semble que la religion musulmane est une religion de la pure extériorité et de la socialité. Le comble de cette extériorité, dans l'islam de France, est évidemment atteint par le "voile islamique". En islam, pas de « for intérieur », cette instance qui soumet le chrétien à son propre jugement et qui, avant même la confession, en attend sincérité et transparence. Allah et Mahomet tolèrent magnifiquement la dissonance entre le geste social et la pensée intime. Je veux dire que, pour eux, l'hypocrisie n'est pas un péché, pourvu que les devoirs soient rendus. L'islam ignore la "conscience", ainsi que la liberté, la délibération et le conflit éventuel qui vont avec. 

Allah considérerait cette liberté comme une offense, et Mahomet la tiendrait pour un sacrilège. Pour Allah et Mahomet, la liberté individuelle est juste une insoutenable pornographie. Cette seule idée en dit long sur la compatibilité de l'islam en général et de la démocratie à l'européenne. Allah et Mahomet conchient, compissent et vomissent la démocratie. D'ailleurs "musulman" signifie "soumis à Dieu". L'individu autonome ? Scandaleux ! Inadmissible !

lundi, 24 juin 2019

L'ISLAM ET SON PIÈGE 1/3

Avertissement : je crois que l’islam façonne la personne humaine tellement en profondeur que les données qui caractérisent la société française le rendent inassimilable. Je crois aussi que cette religion a été façonnée de telle manière par l’histoire que tous ceux qui s’en réclament le font à bon droit, quelles que soient leur conception et la pratique qu’ils en ont. J’en conclus que les modérateurs professionnels qui appellent à ne pas « faire d’amalgame » entre les musulmans pacifiques et le djihadistes fanatiques se trompent. Ils n’ont pas tort de parler de la pluralité des islams, mais on peut et on doit aussi considérer que l’islam est essentiellement un. C’est dans le piège de cette double nature (Janus de la modernité, double visage, double langue) de l’islam que tombent les partisans de l’accueil à bras ouverts et aveugles. En jouant sur tous les tableaux, l'islam gagne à tous les coups.

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Le Coran.

Le Coran est un texte sacré. Attention, on ne plaisante pas : total respect. Les musulmans sont plus que chatouilleux sur le sujet, et sont prêts à tout s’ils pensent que quelqu’un dans le monde a manqué de respect au bouquin ou à l'homme par qui celui-ci est arrivé sur terre (je devrais dire "sur omoplates de camélidés"). Gare aux infidèles qui se moqueraient de l’un ou de l’autre : on peut aller jusqu’à vous brûler quelques ambassades ou à vous couper quelques têtes de mécréants. Cela s’est vu il n’y a pas très longtemps.

Ben mon pote, c’est pas les chrétiens d’aujourd’hui qui feraient ça pour la Bible. Bon, c’est vrai, l’histoire prouve qu’ils ont énormément de sang versé à se faire pardonner. Et puis aussi, il faut dire que le chrétien, ça commence à se faire rare sous nos climats tempérés. Aujourd’hui, franchement, combien de chrétiens sont prêts à jouer les redresseurs de torts ? A mourir pour leur foi ? Pas grand-monde. A croire que la chrétienté n’a plus une grande consistance de nos jours. Bon, il faut dire qu’en termes de composition, les deux bouquins sacrés n’ont pas grand-chose à voir.

Côté Bible (je parle de l’Ancien testament), une réunion de quarante-six "livres" sans beaucoup de liens entre eux, quoique sur une thématique unique, où s’entremêlent des pages d’histoire (exode), des invocations et prières (psaumes), des prescriptions et interdictions (lévitique), etc. Côté Coran, une inspiration unique, certes, mais une inextricable compilation de petits bouts de phrases, des morceaux de paragraphes et cent quatorze chapitres (sourates) répartis du plus long au plus court.

Dans la Bible, au moins, le premier quidam venu peut suivre s’il en fait l’effort : il y a une construction narrative et une unité globale qui lui confère, par comparaison, la cohérence logique d’un traité scientifique ; dans le Coran, le coq-à-l’âne domine, il est même permanent. Ce sont sans cesse des redites et des coupures, une pulvérisation formelle telle qu’il n’est pas possible à un lecteur ordinaire de s’y retrouver. Et puis ça rabâche, ça serine, ça ressasse. Comme si l’auteur voulait enfoncer dans le crâne un petit nombre d’éléments, mais carrément à coups de marteau. Combien de mots et de pages resterait-il dans le Coran si l'on éliminait toutes les répétitions ? Pas lourd.

Résultat pour le lecteur ordinaire : tu nages, tu te noies, tu ne sais pas par quel bout prendre la chose. C’est ce que disait le journaliste Pascal Galinier, quand il rendait compte, dans Le Monde du 24 décembre 2016, de l’essai de Mahmoud Hussein, Les Musulmans au défi de Daech : « Le Livre saint est un texte hermétique pour le commun des mortels, donc sujet à d’infinies interprétations, chacun y piochant ce qu’il veut ». 

Il faut insister sur cet hermétisme du texte, qui tient à sa composition : il a été recueilli sur un nombre invraisemblable de supports divers, tessons, planchettes, omoplates de camélidés, etc. Comment faire tenir tout ça ensemble et donner un semblant de cohérence ? Le puzzle est infernal et infaisable : le comble du saucisson découpé en tranches fines. Imaginez une immense mosaïque antique dont les milliers de petits morceaux (tesselles) auraient été versés en vrac dans une grande caisse : imaginez les trésors d'orfèvrerie méticuleuse qu'il faudrait à une armée de spécialistes pour reconstituer le visage du chef d'œuvre dans son intégralité. Le Coran est dans ce cas, et les orfèvres ont échoué.

Je crois me souvenir qu’il a bien fallu deux siècles pour aboutir à un consensus à peu près général et au texte "définitif" ("définitivement provisoire" aurait été plus juste). Il ne faut pas s’étonner qu’à nos yeux celui-ci ne tienne pas debout, tant ça part dans tous les sens. Mais il est stupéfiant d’apprendre qu’un tel salmigondis sert de table de la loi à un milliard et demi d’êtres humains : ça défie toute raison.

Je n’ai pas fait une étude approfondie du Coran, je me suis contenté de le lire intégralement et avec beaucoup d'attention, en lecteur ordinaire, pour me faire une idée personnelle de la chose, et ce n’est déjà pas si mal, tant j’ai trouvé la lecture éprouvante, moi qui suis habitué à des récits reposant sur la continuité (mais je n’ai jamais pu arriver au bout d’une lecture intégrale de la Bible : je dois avoir un problème avec le sacré).

Ma conclusion est que le Coran, ce livre rebutant, n’aime pas les hommes. A se demander si Dieu en personne ne les déteste pas. C’est un livre destiné à la crème des élites qui ont fait bac+12 (et qui par ailleurs détiennent le pouvoir), et qui dit au commun des mortels : "Tu n’es pas en état d’accéder à l’essence de cet enseignement. Sois humble et fais confiance à ceux qui te disent qu'ils savent". L'islam est une religion qui légitime ceux qui ont le savoir et ceux qui sont au pouvoir, et qui fait en sorte que ceux qui n'ont ni l'un ni l'autre se contentent de leur sort. L'islam, par nature, déteste la démocratie.

Je me dis que ma lecture en vaut une autre. Pourquoi serait-on, s’agissant de ce livre, obligé de s’en remettre à l’autorité de quelque savant qui nous expliquerait que nous avons tort, et qui nous apprendrait comment il faut le lire ? C'est un peu la même chose pour la musique contemporaine : le plus grand spécialiste aura beau me bourrer le crâne d'arguments, si ça ne passe pas, ça ne passe pas. Je n'ai jamais aimé que l'on m'impose "ce qu'il faut savoir", et encore moins comment il faut le savoir. Je suis aussi habilité qu’un plus savant que moi à me faire une idée valide de ce que j’ai lu par moi-même.  Les musulmans ne sont pas logés à même enseigne, contraints qu’ils sont de s’en remettre aveuglément à des spécialistes, quand on ne les oblige pas à apprendre le livre par cœur.

Pour ce qui est du « message », je dirais que le Coran assène pesamment, de son début jusqu’à sa fin, des louanges à Dieu. Il vous assomme de prescriptions impérieuses, d’interdictions formelles et de promesses vagues : châtiments cruels aux mauvais croyants (juifs, chrétiens et mauvais musulmans) et récompenses sublimes (jardins où les ruisseaux coulent) à ceux qui se soumettent sans rouspéter (musulman = soumis à Dieu).

En dehors de ça, des allusions fugitives à l’Ancien testament, à des événements ; plus insistantes à des personnages présents dans la Bible (Moïse, Noé, Jésus), etc. Et puis le maître-mot, qui différencie radicalement l’islam du christianisme : Dieu n’a pas été engendré et n’a jamais engendré (sourate 112) ! Rien de plus autoritaire et de plus terrorisant que le Coran. Rien de plus binaire, de plus dichotomique, de plus manichéen que le Coran.

Autre différence entre Bible et Coran : le rapport des croyants au texte qui les guide. Je passe sur tous les types de chrétiens créationnistes, qui prennent la Bible au pied de la lettre, et persistent à penser que le monde a été créé en six jours, il y a environ six mille ans, et autres fadaises. Il faut le reconnaître, la chrétienté n’a pas cessé d’interroger la lettre de la Bible pour en dégager l’esprit. Les chrétiens ont passé beaucoup de temps et d’énergie en exégèses, efforts d’herméneutique, commentaires, …

Thomas Römer, professeur au Collège de France, poursuit son travail monumental : il s’efforce d’identifier, dans les chapitres de la Bible, toutes les strates dont ils sont faits : indo-iraniennes, mazdéennes, mésopotamiennes, etc. Autrement dit, sa démarche consiste à reconnaître ce qui, dans la Bible, n’est pas de la Bible, mais emprunté à des sources étrangères. Les innombrables rédacteurs réels de la Bible ont forcément, selon lui, puisé dans les textes qui circulaient déjà à leur époque.

Ce que Thomas Römer s’efforce d’établir scientifiquement, c’est l’historicité du texte de la Bible, ce à quoi se refusent l’immense majorité des musulmans, qui sont persuadés que le Coran est a-historique, puisque descendant directement de la révélation divine. Que deviendrait la « parole de Dieu » si elle redescendait dans un contexte purement terrien ? Cela risquerait de lui faire perdre son caractère d’absolu, et de la faire tomber dans un relativisme extrêmement dommageable.

Vous vous rendez compte ? Allah avec des dimensions humaines ? Tous les pékins anonymes auraient l’ambition de « devenir califes à la place du calife ». Je me demande d'ailleurs si on ne pourrait pas dire que c'est à ce résultat qu'a fini par aboutir le christianisme qui, avec la sécularisation et la démocratisation, a fait de l'individu une sorte de centre. Simple question en passant.

Voilà ce que je dis, moi.

vendredi, 14 décembre 2018

LE REVOLVER DE CHERIF CHEKATT

L'attentat de Strasbourg est une belle saloperie offerte par l'islamisme à la France, mais je me suis quand même demandé s'il fallait vraiment distinguer islam et islamisme : pour moi, il faut être aveugle pour ne pas voir que tous les islams – du plus pacifique au plus haineux – sont par nature dans l'islam, et sont donc inséparables les uns des autres : ici, le pluriel et le singulier se confondent, n'en déplaise aux tolérantistes.

Cherif Chekatt a été abattu (les flics ne sont pas des pipes en plâtre dans un stand de tir forain). On peut regretter qu'il ne soit plus en vie (bien "cuisiné", il aurait pu dire le pourquoi du comment). Mais ce qui est certain, c'est que, pour la revendication tardive de l'attentat par Daech, il y a du mou dans la corde à nœuds. Je ne suis pas dans le secret des dieux, mais quand j'écoute les informations, je ne les vois pas, mais je les entends.

Et à ce propos, j'ai entendu trois choses qui sont trois vraies informations : 1 - l'arme de Cherif Chekatt datait de 1892 ; 2 - elle est de calibre 8 mm. ; 3 - les victimes ont été atteintes pour l'essentiel par des "tirs à bout touchant". En croisant ces trois éléments, j'arrive à la conclusion (je ne suis pas un spécialiste, mais il m'est arrivé de réfléchir à la question) que l'arme utilisée par le "terroriste" est un vulgaire revolver d'ordonnance "modèle 1892" (toujours classé, si je me souviens bien, comme arme de guerre – avec quelque raison, comme on peut le voir dans le cas présent).

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Car si cette arme n'est certes pas une "pétoire", elle y ressemble diablement aujourd'hui, vu ses performances balistiques (un journal parle de "puissance de tir", mais est-ce la même chose ?), d'une affligeante médiocrité, selon les spécialistes (surtout si le gars ne s'est pas entraîné suffisamment). La munition, en particulier, ne supporte pas la comparaison avec les cartouches 9 mm. du P08 Luger ou les 7,63 mm du C96 Mauser.

Je conclus de tout ça que, si Cherif Chekatt était un "soldat" de l'organisation terroriste Daech, ça voudrait dire que celle-ci n'a plus les moyens d'armer convenablement ses activistes. Je ne sais pas comment Cherif Chekatt a pu dégoter ce tromblon, mais visiblement, il la jouait "petit bras", et ses chances de survie étaient minces. Il a fait du dégât, c'est certain, et je pense aux victimes, mais après une attaque aussi rudimentaire et (apparemment) mal préparée, l'homme ordinaire peut se dire, peut-être, que le pire n'est pas forcément à venir. Et que, après tout, les services de l'Etat ne fonctionnent pas si mal.

Note ajoutée le 17 décembre : il semblerait que ce billet soit dans le vrai à 100%, si j'en crois les informations fournies par de grands organes de presse depuis l'événement. Les meilleurs connaisseurs de ces questions d'armurerie ne comprennent pas par quelle aberration ...

mardi, 20 mars 2018

LE NIAGARA DES MIGRANTS A VENIR

15 juin 2015

Le « migrant » s’est installé à l’avant-scène de l’actualité. Et pas seulement en Méditerranée : les Rohingyas, ces musulmans de Birmanie, ne connaissent pas un sort plus enviable que les Soudanais, Erythréens ou Syriens pressurés dans des filières de passeurs sans scrupules, et qui risquent leur vie dans des embarcations improbables. Je note d’ailleurs que le Bangladesh, l’Indonésie et la Malaisie éprouvent à l’égard des migrants une belle absence d’états d’âme dans leurs réactions. A comparer avec les réactions des Européens, moins inhumaines quoi qu’on en dise. 

Il n’y a jamais eu autant de « migrants » dans le monde, dans toute l’histoire de l’humanité. Depuis quelques années, c’est un flux, un flot, un Niagara de migrants. Leur point commun ? Ils fuient. Parce que la vie, là où ils vivaient, ne leur est plus possible. C’est à cause de la guerre. La question est : pourquoi la guerre ? 

Deux causes, les premières à la portée de ma petite compréhension. La première découle, je crois, assez directement de la guerre froide : la montée de l’islamisme radical. Disons-le : un islamisme combattant. Ça remonte à l’affrontement Russie-Etats-unis en Afghanistan. Les Russes ont piétiné pendant dix ans face à des Afghans (et brigades internationales islamiques) gracieusement armés (et entraînés par sous-traitants interposés) par les Américains. Les Russes quittent l’Afghanistan la queue entre les jambes. Début de la fin de la « guerre froide ». Les combattants aguerris d’Afghanistan se retrouvent chômeurs. Ils cherchent une guerre à faire. Un employeur.

J’avoue que les causes profondes de la résurgence de l’Islam m’échappent pour une large part. Je note cependant que les Russes quittent l’Afghanistan en 1979, au moment où Khomeiny installe la révolution islamique en Iran. Les Américains sont qualifiés de « Grand Satan ». Il y a polarisation : l’Islam devient une arme politique de riposte contre la domination occidentale. Khomeiny est un génie politique. Sa révolution islamique a essaimé largement (FIS, GIA, AQMI, GSPC, … : l’ingéniosité acronymique n’a pas de limite). 

Survient Ben Laden, Al Qaïda, 11 septembre et tout ce qui s’ensuit. C’est la deuxième cause : l’incompétence américaine, magnifiquement incarnée dans le gnome George W. Bush, qui commence par lancer l’armée américaine sur l’inextricable Afghanistan (pays jamais colonisé). En 2003, il sublime la catastrophe en lançant à coups de mensonges son armée sur l’Irak. Consigne impérative : éliminer tout ce qui s’apparente à une parenté baasiste, le parti Baas (Hafez El Assad en Syrie, Saddam Hussein en Irak) étant affublé par les néo-conservateurs américains de toutes sortes de défroques diaboliques. 

C’est là que le responsable américain (que son nom ne soit plus !) signe l’arrêt de mort de la paix au Moyen-Orient : il rend à la vie civile, sans indemnité, non seulement toute l’armée irakienne, mais toute l’administration irakienne, au prétexte que tous ces gens étaient des émanations pestilentielles du baasisme.

De Gaulle était aussi cynique, mais plus intelligent : en 1945, il avait laissé en place l’administration de Vichy, gardant, entre autres Maurice Papon, préfet collaborationniste, et un grand nombre de ses semblables. L’administration, l’armée, la police, sont les colonnes vertébrales des Etats : on ne peut s’en passer. Ça fait partie du bréviaire du dirigeant de « grande nation ». Résultat : des masses de militaires professionnels aguerris se retrouvent chômeurs. Ils cherchent une guerre à faire. Un employeur.

George W. Bush et son général félon ont détruit l’Etat irakien. Merci, monsieur Bush. Daech a été conçu et mis en œuvre par les plus géniaux experts militaires de l’armée de Saddam Hussein (voir l’impressionnant article sur le colonel Haji Bakr, dans Le Monde du 26 avril), que Bush a, d’un trait de plume, renvoyés dans leurs foyers. 

Là-dessus arrive le « Printemps arabe ». En Tunisie, belote, rebelote, capot et dix de der. Bravo. Ailleurs ? Fiasco sur toute la ligne : Egypte, Libye, Syrie, Yémen, partout, c’est le régime sévère de la mise au pas de la population. Disons la guerre, et pas froide, la guerre ! L’ordre règne en Egypte, tant bien que mal. Mais alors le Yémen, la Syrie et la Libye, pardon, le souk intégral ! La merde ! Le caca ! Grâce au grain de sel « humanitaire » de Sarkozy-BHL-Brown jeté sur la queue de Kadhafi. Fallait-il laisser massacrer Benghazi ? Non, sans doute, mais je constate ce qui en découle : la pétaudière, la guerre partout, le chaos, la violence. 

Maintenant ajoutez à ce maelstrom que les populations ont partout de plus en plus de mal à vivre ensemble : Dinkas et Nuers au Sud-Soudan, Hutus et Tutsis au Burundi, chiites et sunnites, Serbes et Bosniens, etc. Ajoutez la déliquescence et la corruption qui ont fait des Etats, en de nombreux points du globe, en particulier en Afrique, des fruits pourris jusqu’au cœur. Ajoutez la corne de l’Afrique (chebabs de Somalie), la région du lac Kivu (RDC), peuplée de bandes armées se livrant au trafic de ressources minières, la Centrafrique (Sélékas contre anti-Balakas), le nord du Nigéria (Boko Haram) et tout le coin (Niger, Cameroun, Tchad), le sud algérien et le Mali. Résultat de cette addition : la souffrance, la mort, l’insécurité. La vie devenue invivable. La fuite comme seul espoir de survie.

La conclusion de tout ça ? Elle est évidente : on n’est qu’au début d’une gigantesque vague de migrations qui a commencé à déstabiliser notre monde. Peut-être même le chambouler. On nous annonce 500.000 migrants à l’assaut de l’Europe en 2015 (source OMI, Organisation Maritime Internationale). Et ce n’est qu’un début. 

On n’a pas fini d’entendre les appels à notre générosité, à notre solidarité. Il n'a jamais servi à rien d’élever un « Barrage contre le Pacifique ». On n’arrêtera pas le Niagara d’une humanité chassée de chez elle par la cruauté, la famine ou la guerre. Sans parler de la fertilité, par exemple, des femmes nigériennes qui, avec le secours de notre belle médecine, va amener 50.000.000 en 2050, la population d'un pays dont l'essentiel du territoire consiste en un désert. L'Europe n'a qu'à bien se tenir. Si les guerres s'étendent, comme ça en a pris le chemin depuis 2001, je ne vois pas ce qui pourrait tarir le flot des migrants.

Gare à nous : notre solidarité n'aura pas de limite. De gré ou de force.

Voilà ce que je dis, moi.

samedi, 07 janvier 2017

IN MEMORIAM CHARLIE

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DEUX ANS !

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CABU

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MARIS

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WOLINSKI

Et les autres.

Mais ce sont eux qui me manquent : Cabu et Wolinski pour leurs dessins, Maris pour sa vision lucide et critique de la pseudo-science économique. Oui, Cabu quand même, malgré ce que j'ai pu en écrire ici même à cause des magouilles de Philippe Val dans lesquelles il a accepté de tremper dans la conduite du deuxième Charlie Hebdo (cf. Mohicans de Denis Robert).

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vendredi, 16 septembre 2016

MISE AU POINT

Les curieux qui se hasardent sur ce blog avec une certaine régularité ont peut-être remarqué que les billets traitant de « l’actualité » et du monde comme il va se sont raréfiés, et même, plus généralement, que les billets « rédigés » ont presque disparu depuis le début de l’été, et même avant, le plus souvent remplacés par des photographies (qui valent bien sûr ce qu’elles valent, sans plus quoique sans moins). C'est parce que j'ai l'impression d'achever un tour de piste, et que je n'ai guère envie de recommencer en me répétant ad vitam aeternam, ad libitum et même usque ad nauseam.

Je l’avoue : j’ai de plus en plus de mal à me lancer dans des diatribes contre tout ce qui cloche en France, en Europe et à travers le monde. Et pourtant ce ne sont pas les occasions qui manquent, à commencer par les farces sportives qui se sont relayées pendant les derniers mois pour empêcher les gogos de penser à leur propre destin. Roland-Garros, Tour de France, Jeux Olympiques (et pire : les paralympiques, avec leur rugby-fauteuil (quid des placages ?) et leur sprint pour aveugles). Je précise que je n'ai strictement rien contre les handicapés, que je connais d'assez près : j'en veux juste au spectacle omniprésent, omnipotent, asservissant.

Ne parlons pas des grands « débats » soigneusement montés en mayonnaise par les sphères médiatique et politique (une déclaration de candidature à la primaire de la droite, une non-déclaration très attendue à la primaire de la gauche, une rixe sur une plage corse, la démission surprise d’un jeune loup du gouvernement, etc.). Toujours le spectacle ahurissant d'acteurs qui se démènent sous les yeux de foules invraisemblablement prosternées devant des "exploits" de plus en plus micrométriques. 

Oui, je l’avoue : j’ai de plus en plus de mal. Oh ce n’est pas que la colère ait disparu, bien au contraire : elle est intacte, et même renforcée par certains avis qui convergent (l'extraordinaire phrase de Bernard Moitessier à la fin de La Longue route : « Je porte plainte contre le Monde Moderne ») et aiguisée par les nouvelles qui nous viennent d’à peu près partout, que ce soit de la politique (de plus en plus petite et dérisoire), de l'état de la société française (de plus en plus disloquée), du système économique (de plus en plus dans l’aliénation mentale), du diagnostic posé sur la santé de la planète (de plus en plus de mains sur le signal d’alarme, mais paralysées par des forces de plus en plus contraires).

C’est plutôt une sorte de lassitude : tout le monde (ou à peu près – je parle des gens de bonne foi) est d’accord, tant qu’on en reste au diagnostic : les démocraties sont en danger, et pas seulement pour des raisons extérieures (Daech, Al Qaïda, …), mais aussi à cause d’un essoufflement physiologique qui remet en cause jusqu’à leur existence. C'est quand il s'agit d'adopter des solutions que le consensus vole en éclats et que la Bête "moderne" freine des quatre fers.

Le changement climatique, la pollution, la dévastation de la nature conduisent avec une tranquille certitude et une bonhomie placide l’humanité vers son cataclysme. Quant à l’économie, elle est impatiente de régner sans partage et sans contre-pouvoir, entre les griffes de mastodontes financiers hallucinés et de mastodontes industriels plus puissants que des Etats (les fameux GoogleAppleFacebookAmazon, le colosse Bayer dévorant le mammouth Monsanto), le tout exerçant impunément sa dictature. Je ne parle pas de l’infinité des moyens de contrôle des individus pour les traquer dans tous les moments de leur vie (avec leur consentement empressé), et pour leur imposer la consommation de marchandises comme ultime raison de vivre.

Et pour dire le degré de lassitude, je viens même de cesser d’acheter et de lire la presse écrite, qui était pourtant depuis lurette une habitude invétérée, quasi-addictive. Ce n’est pas qu’on ne puisse trouver quelque article intéressant dans Le Monde, touchant les sciences, l’écologie, quelque interview d’une personne qui a vraiment, pour une fois, quelque chose à dire, quelque chronique nourrie d’un propos consistant, quelque reportage en des contrées plus rares.

Mais le tout-venant de l’actualité politique, le pêle-mêle de l’actualité économique, ajoutés à l’insupportable suffisance et la prétendue « neutralité » journalistique qui, à travers le filtre déformant de son langage expurgé, catégorisé, stéréotypé, jette sur le monde la myopie de ses regards « informés », et interdit de soumettre les propos des responsables et des élus au crible de la critique, tout cela finit par donner la nausée.

Ras-le-bol.

Alors, pour ne pas perdre tout espoir, je me replonge l'esprit dans La Comédie humaine, du Cabinet des antiques à Ursule Mirouët, de "Deux jeunes mariées" à mademoiselle de Cinq-Cygne (Une Ténébreuse affaire), de la demoiselle Cormon de La Vieille fille à M. Bonnet, dans Le Curé de village ; je me baigne l'oreille des harmonies sonores écloses pour le plaisir de l'auditeur, de Janequin, Certon et Sermisy, jusqu'à Mahler, Reger et Messiaen, en passant évidemment par Monteverdi, Bach et Beethoven ; et je me rafraîchis le regard en découpant dans le visible (vieilles plaques photographiques comprises) quelques îlots de choses plaisantes pour mon usage.

Voilà ce que je dis, moi.

jeudi, 30 juin 2016

LEURS TÊTES A COUPER ...

... OU : CHERCHEZ LES INTRUS.

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Ici, c'est un derviche. Le donneur d'ordre est Emin Pacha.

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Le temps passe, le geste reste.

journal des voyages,décapitation,daech,organisation état islamique

« All the lonely people, Where do they all belong ? » (Beatles)

mercredi, 13 janvier 2016

THÉ ET FRATERNITÉ, VRAIMENT ?

L’emprise de l’islam sur les débats nationaux en France est de plus en plus grande. L’islam, un des principaux thèmes de nos controverses préférées, est, en une quinzaine d’années, devenu un centre de gravité de toutes les attentions. Cette omniprésence de la religion musulmane sur le devant de la scène médiatique est, en soi, fondamentalement anormale, et constitue en soi une atteinte à l’identité nationale de la France. Obliger les Français à se situer par rapport à une religion est en soi un formidable retour en arrière.

Ce seul fait donne des raisons légitimes d’en vouloir à l’islam en tant que tel, quelles que soient les modalités des pratiques religieuses de ses fidèles, pour avoir obligé les Français à se préoccuper de ce problème – puisqu’il y a problème. Et les Français auraient raison d’en vouloir à l’islam en tant que tel parce que, à ce qu’il paraît, l’islam, ils n’en ont strictement rien à faire : ils ont d’autres chats à fouetter. Ceux qui vont accrocher des têtes de cochon à la porte des mosquées sont des tarés, c'est entendu : on sait à peu près d'où ils viennent. Ce que les Français ne supportent pas, c'est qu'on leur empuantisse l'atmosphère avec de l'eau bénite, qu'elle vienne de La Mecque ou d'ailleurs.

Le bruit médiatique entretenu autour de l’islam, en France, offre une chambre d’écho absolument inespérée aux propagandistes islamiques de tout poil, y compris ceux qui se rasent le menton tous les matins. Ainsi, cette opération « Portes ouvertes » dans les mosquées le samedi 9 janvier, doublée de l’opération « Thé de la fraternité », doit être considérée comme une opération de propagande en faveur de cette religion intruse : intruse parce que religion suscitant un débat aux effets fratricides. Et notre minuscule président a encore amplifié les effets de cette campagne publicitaire en mettant gratuitement sa haute fonction au service de la Grande Mosquée de Paris. Remarquez qu'il avait déjà fait le coup dans une synagogue. Et personne ne se demande s'il fréquente les églises.

Il paraît qu’il faut « lutter contre l’islamophobie », « combattre la stigmatisation », « fuir les amalgames ». Tels sont les « éléments de langage » que la langue de bois du politiquement correct enjoint à tous d’adopter, sous peine de poursuites judiciaires. Qui est islamophobe, en France ? Suffit-il, pour être ainsi qualifié, de dénoncer la pollution de l’espace public par une question qu’aucun Français ne se poserait si on ne la lui mettait pas sous le nez à chaque instant ? 

Si c’est comme ça, alors oui, j’exige qu’on me considère comme islamophobe. Mais je récuse formellement l’appellation. J’ai le droit de vivre dans un espace public religieusement neutre, et j’exige qu’on le respecte. Or ce droit est violé en permanence par toutes sortes de malfaiteurs, à commencer par celui qui a le culot de prétendre qu’il nous représente en chef. A quelle instance dois-je m'adresser pour porter plainte ?

Et la loi établissant cette neutralité religieuse de l’espace public est allègrement et quotidiennement piétinée par des responsables politiques et médiatiques qui en appellent à la « tolérance » envers des comportements qui la bafouent, effrontément et en toute impunité. Et qui sont prêts à recourir à la force des tribunaux à l’encontre des « fauteurs de troubles » qui ont le toupet de ne pas hurler avec les loups du « consensus national ». En vérité, il n’y a pas de consensus. Il n’y a de consensus que parce qu’on fait taire ceux qui le refusent, en commençant par les traiter de « fachos ». Demandez-vous maintenant pourquoi le Front National prospère dans les urnes.

Et que tout le monde sache qu’on n’hésitera pas à se porter partie civile, si ces « fachos » persistent ou font mine de devenir trop visibles. En réalité, toutes ces bonnes âmes qui en appellent au « dialogue apaisé » et à « l’écoute réciproque » dans l’indispensable « débat démocratique », sont incapables de dialoguer, atteintes de surdité profonde et détestent le débat. Elles ne tolèrent votre point de vue que s’il entre exactement dans le moule du leur. Sinon, gare au bâton du gendarme : la panoplie judiciaire est assez complète pour vous tenir en respect et vous contraindre au silence. 

La société et la nation française sont en train de se faire bouffer de l’intérieur à cause, d’une part, de l’appétit des rats qui ont trouvé un succulent fromage et se préparent à un banquet revanchard sans précédent, et d’autre part de pleutres dont l'immonde et tragique lâcheté consiste à refuser de nommer les choses et d’appeler l’ennemi par son nom, sous prétexte de ne vouloir stigmatiser personne.

Celui qui est étranger à notre civilisation, il n’y a pas à tortiller du derrière, c’est l’islam, qu’il soit « modéré » ou « radical », parce qu'il refuse totalement, par principe, de séparer, comme les Européens le font, le religieux, le social et le politique. Il est de notre devoir de ne pas faire semblant de croire que tout est en tout et réciproquement. Il est de notre devoir de ne pas transiger sur les principes (je n'ai pas dit "valeurs") qui fondent notre société.

La civilisation européenne a su instinctivement, dès le départ, pourquoi elle a combattu la civilisation arabe : parce que l'islam lui faisait la guerre et voulait la soumettre et la faire disparaître. Cela fait du christianisme originaire et de l’islam deux univers définitivement incompatibles et irréconciliables. Il est raisonnable de penser que les deux peuvent aujourd'hui vivre en paix, voire en bonne intelligence, mais à condition qu'on se respecte mutuellement, et que l'un des deux partenaires ne passe pas son temps à enfreindre la règle de neutralité religieuse. Il n'y a pas de respect s'il n'y a pas réciprocité.

L’ahurissement me gagne quand j’entends le dessinateur Olivier Ranson, juif revendiqué à l’antenne (France Culture, « Le Secret des sources », 9 janvier), applaudir la couverture du Charlie Hebdo de la semaine, qui proclame : « Un an après, l’assassin court toujours », montrant un dieu indéterminé, un dieu œcuménique et consensuel en quelque sorte, déclarer doctement, la main sur le cœur : « Nous avons tous le même dieu ». Texto !

Tout faux, Ranson ! Menteur ou ignorant, Ranson ! C’est en toutes lettres dans le Coran, dans des affirmations réitérées de nombreuses fois : Dieu est unique, il n’a jamais engendré, c’est être dénégateur que de le prétendre, et il n’a donc aucune progéniture. Maudits soient les « associants » (= chrétiens ou polythéistes) ! Ça, c’est évidemment pour massacrer la Sainte Trinité : les chrétiens adorent un faux dieu. Le lecteur sait peut-être ce que j’en pense et n’en pense pas. Il ne faut pas avoir bac+12 pour se rendre compte que le dieu des chrétiens n’a rien à voir avec celui des musulmans : incompatibilité d’humeur ! Pour le dieu juif, je m’en remets à d’autres compétences, attendu que celui-ci ne fait pas de prosélytisme. A l’heure actuelle, l’islam recrute à tour de bras, ça fait une sacrée différence. 

L’islam est, historiquement, un ennemi religieux du christianisme et du judaïsme, mais c’est aussi un ennemi intellectuel et un ennemi culturel. Un ennemi de civilisation. Nous autres, Européens, n’avons rien à voir avec la religion musulmane, excepté dans des enclaves (Bulgarie, Bosnie, Albanie) qu’il convient de considérer comme des exceptions. L’Européen a inventé l’humanisme et les Lumières PARCE QU’il n’était pas musulman. En terre d'islam, pas de liberté de conscience. En terre d'islam, un Raif Badaoui peut être condamné (1000 coups de fouet + prison) pour "insulte à l'islam". Si l'Europe avait été islamisée, elle en serait restée au moyen âge. Et ce n’est pas parce que, selon Weber, puis Gauchet, le christianisme est « la religion de la sortie de religion », qu’il faut renoncer à cette civilisation que les Européens ont seuls (enfin, pas tout à fait) façonnée et portée à son point sublime (je n'examine pas ce qu'en a fait l'Amérique protestante). 

Toute l’histoire de l’Europe marque un refus de l’islam. Et il faudrait que l'Europe l'accueille benoîtement aujourd'hui ? Qui veut nous faire avaler cette fable ?

Sachons qui nous sommes et d'où nous venons. Et soyons forts, au lieu de nous aveulir comme des gastéropodes.

Voilà ce que je dis, moi.

Note : les attentats islamiques et sexuels qui ont eu lieu à Cologne, Hambourg, Berlin et quelques autres villes allemandes (mais aussi en Suède, en Autriche, en Finlande, où encore ?) pendant la nuit de la Saint-Sylvestre nous apprennent que, si les Européens sont en paix avec tout le monde, des gens bien déterminés ont déclaré la guerre à l'Europe. Et les dirigeants européens seraient peut-être bien inspirés d'envisager sous cet angle-là le problème des « Migrants » dans son ensemble. On érigera un monument aux "Grands Sentiments" quand ils seront devenus des universaux incontestés. En attendant, restons réalistes.

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jeudi, 26 novembre 2015

ÉCRIRE SANS TREMBLER

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Une semaine après les attentats de Paris, Le Monde a eu une très bonne idée, pour son supplément littéraire du vendredi. Il a adressé à des écrivains une demande, joliment formulée : « … vous dont la langue est le métier, prenez la plume, aidez-nous à nommer l’innommable ». Vingt-huit ont répondu à l’appel. Cela donne ce "numéro spécial", sobrement intitulé « Ecrire sans trembler ». Bien entendu, une telle anthologie, faite de pièces et de morceaux hétérogènes, est incapable de produire une impression générale homogène. 

Il est évident que les lecteurs marqueront des préférences, et que les textes entreront en plus ou moins vive résonance avec la perception subjective de la réalité qu’ils ont développée, mais aussi avec leurs goûts littéraires : le style de chaque auteur, la sensibilité avec laquelle chacun a vécu les événements, l’angle sous lequel il envisage de répondre à la demande du journal, tout cela est forcément déterminant. 

Je n’échappe pas à la règle. Ainsi, si on me demande quel est l’intrus qui se cache parmi les invités, je répondrai du tac au tac : c’est une intruse. Mais pourquoi Jean Birnbaum a-t-il prié Christine Angot de se joindre à ce numéro spécial du « Monde des livres » ? Sa présence défigure à elle seule la manifestation, comme une verrue sur la perfection d’un nez grec. 

Je ne vais pas énumérer les interventions, encore moins dresser en deux colonnes tableau d’honneur contre tableau de déshonneur. Tout juste puis-je dire que j’apprécie particulièrement les textes de Jean-Claude Milner (« Le Califat a des lettres »), qui explique pourquoi le choix de Daech s’est porté sur Paris, symbole de civilisation et d'histoire ; d’Olivier Rolin (« Bref dictionnaire des idées reçues »), qui reprend une à une, pour les contester, certaines idées générales complaisamment colportées par des journalistes, des associations, des hommes politiques ; de Laurent Mauvignier (« Regarder la mort en face »), qui explique que continuer à écrire des livres est nécessaire, pour faire vivre l’idée de complexité du monde, contre les simplificateurs mortifères ; de Zurya Shalev, l’Israélienne qui a failli laisser la vie dans un attentat suicide et qui donne un texte d’une grande dignité (« La lamentation de la beauté enterrée sous les cendres »). J’arrête là : il y a quelque chose de beau dans toutes les contributions. A des degrés divers.

Alors, la grosse verrue sur le nez grec ? J'ai vraiment cru à une hallucination en lisant ça. Angot commence par raconter un fait divers de 1822, qui n’a rien à voir, et que raconte Stendhal en 1823 (il écrit : « L’année dernière … ») dans Racine et Shakespeare : le soldat en faction dans la salle d'un théâtre de Baltimore où l’on donne Othello tire sur l’acteur à la fin et lui casse le bras, tout ça parce qu’il n’allait pas laisser un nègre étrangler une blanche ! 

Tout faux, madame Angot. Le soldat a simplement confondu la réalité et la fiction. Il ignorait sans doute en quoi consiste une scène de théâtre, un pièce de théâtre, des acteurs de théâtre. Cela n'empêche pas la dame d'affirmer : « La même chose a eu lieu chez nous, amplifiée, et préméditée ». Quelle niaiserie, madame Angot. Dans quelle réalité mirobolante êtes-vous allée pêcher ce délire ? Alors les tueurs de Daech, selon vous, confondent la réalité et la fiction ? Mais enfin descendez de ce nuage d’autofiction sur le terreau duquel votre prose prospère depuis trop longtemps et sortez de votre bulle narcissique : la réalité est là, atroce, madame. Daech, c’est de la mort bien compacte et bien concrète. 

Je passe sur l’étrangeté de beaucoup d’assertions fumeuses en rapport avec la «civilisation», qui découlent sans doute de la bizarrerie des incroyables lunettes mentales que la dame a adoptées. Pour finir, je citerai le dialogue (intégralement cité par l'auteur, sans doute par souci d'authenticité) par textos dans lequel elle échange avec sa cousine Valérie, « qui habite Châteauroux » : « "Après ce qui s’est passé à Paris, dis-moi simplement si vous allez bien." J’ai répondu : "Oui, Charly et moi étions à la maison, Léonore chez un ami dans le 10°, on lui a dit de ne pas bouger. Aujourd’hui, je devais faire une lecture à la Maison de la poésie, mais tous les établissements de la ville de Paris vont rester fermés. C’est horrible." Elle : "Comme tu dis, c’est horrible. Je ne comprends plus ce monde de fous. C’est lamentable." Moi : "C’est une guerre, Valérie. Daech est en guerre contre nous." Elle : "Oui, je sais, et ça fait peur." Moi : "Il ne faut pas avoir peur, ils vont perdre, faire beaucoup de dégâts mais perdre." Et elle, à ce moment-là : "C’est ce que je me dis aussi. Ils ne peuvent pas dominer le monde et enlever ce que les gens ont dans leur cœur." Moi : "Exactement." ». Alors là, bravo pour la hauteur de l'échange ! A noter que l'utilisation du mot "horrible" par madame Angot vient juste après la fermeture de la Maison de la poésie. Juste après, elle signale « le mail d'une amie » qui regrette de ne pouvoir venir l'entendre faire sa lecture. Juste après, elle parle d'un documentariste : « David Teboul m'a filmée dans le centre-ville de Châteauroux ». N'en jetez plus : on est content pour elle. Je lui ferai simplement remarquer qu'un monde existe autour d'elle, en dehors d'elle.

A noter plus généralement que la dame a tenu à faire figurer dans son intervention la totalité de ce dialogue riche et percutant, cette éclairante et profonde analyse de la situation. Au scalpel. Elle tente de se rattraper dans son dernier paragraphe, en déclarant inaudible l’appel général des politiques à ne pas faire d’amalgame. Mais ça ne sauve pas un texte qui sonne si creux, qui sonne si replié sur soi, qui sonne si niais. 

Quelqu’un qui ressent les attentats de Paris comme un deuil personnel en même temps que national peut-il ne pas sortir de là complètement écœuré ? Monsieur Birnbaum, Le Monde est un journal réputé sérieux. Mais inviter madame Angot après le 13 novembre, alors là non, ce n’est vraiment pas sérieux. 

Si j'avais voulu être méchant, j'aurais regretté que madame Angot ne soit pas assez amatrice de hard rock.

Madame Angot écrit comme on fait pipi.

Voilà ce que je dis, moi.

NB : Il paraît que Un Amour impossible, le dernier livre de Christine Angot, s'est déjà vendu à 100.000 exemplaires. Ma parole, dans quel état moral et intellectuel se trouve une population qui fait ainsi fête à un auteur de cet acabit ? Pauvre littérature française, jusqu'où tomberas-tu ?

vendredi, 20 novembre 2015

I’M A POOR LONESOME COWBOY

 

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LUCKY LUKE CONTRE JOSS JAMON (N°11)

Ce "Lucky Luke" est le seul (de Morris et Goscinny !) où l'on voit à la fin le héros marcher vers le soleil couchant en dirigeant Jolly Jumper vers la gauche de l'image : je n'en tire aucune conclusion.

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Oui, je suis vraiment, et plus que jamais, de ce pays.

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Ici, un lien vers la liste complète des victimes des attentats de vendredi 13 novembre (merci à Mediapart).

Lisez les 123 noms (sur 129) les uns après les autres.

Dites ces mots : "Leur vie" et retenez vos larmes, si vous pouvez (Aragon + Brassens, 3'32").

 

jeudi, 19 novembre 2015

LIRE LE CORAN

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KHEIREDDINE SAHBI, musicien algérien, 29 ans, mort le vendredi 13 novembre 2015 au Bataclan, à Paris.

Sans doute Allah qui en a décidé ainsi.

 

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Drapeau-France.jpgLE CORAN : IMPRESSIONS DE LECTURE D'UN INCROYANT  

 

Cela faisait longtemps que je voulais en avoir le cœur net. J’avais déjà fait quelques tentatives, mais à chaque fois découragées par le rébarbatif de l’entreprise. Et puis, surmontant enfin ma répugnance, j’ai attaqué le monument par la face nord, je veux dire la première sourate. Cette fois c’est la bonne : je lis le Coran. CORAN 1.jpg

Et cela dans la traduction d’un éminent connaisseur de la langue et de la civilisation arabes : Jacques Berque. L’édition est belle, le papier de qualité, la reliure solide : on peut avoir confiance. Si j’en crois l’abondance et l’érudition (souvent énigmatique pour le néophyte que je suis) des notes de bas de page, je soupçonne le monsieur d’avoir au préalable épluché une bonne partie de la monstrueuse littérature (commentaire, glose, exégèse, interprétation, ...) que le bouquin a suscitée au cours de l’histoire. Et j'estime en avoir lu désormais suffisamment pour commencer à livrer mes impressions de lecture. Et je vais vous dire : si ce n’est pas triste, c’est juste parce que c’est effrayant, le Coran. 

Première impression : tout ça n’a ni queue ni tête. Le Coran se présente sous la forme d’un innommable fatras, « éparpillé façon puzzle ». Le propos est horriblement décousu, passant à chaque instant d’une idée à l’autre, d’un thème à un autre. Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’auteur, qui qu’il puisse être, aurait voulu embrouiller le lecteur, il ne s’y serait pas pris autrement. De quoi se demander d’ailleurs si ce n’est pas le but recherché. 

Il est rare qu’une sourate comporte la moindre homogénéité, la moindre cohérence, la moindre continuité de son début jusqu’à sa fin (j’excepte à la rigueur la sourate Yusuf, qui raconte à peu près, quoiqu’à sa manière – il faut suivre –, l’histoire de Joseph et de ses frères). Pour l’essentiel, ce sont des pièces et des morceaux rassemblés à la diable. Rares sont les phrases qui vont du début à la fin sans s’interrompre. Comme le dit lui-même Tarek Oubrou (imam de la mosquée de Bordeaux) invité chez Finkielkraut, c’est l’anarchie qui règne. Ce qui m'étonne c'est que ça n’a pas l’air de l’embêter. 

En plus de me dire que l'islam a quelque chose à voir avec le désordre, j’en tire la réflexion suivante : je me dis que tous les musulmans sincères et assidus, en particulier ceux qui apprennent le Coran par cœur (il paraît qu’ils sont nombreux à s’infliger le pensum), ont la tête farcie de cette bouillie intellectuelle. Comment peut fonctionner un cerveau qui a longuement baigné dans un tel jus de puzzle ? Il y a de quoi avoir peur. 

Deuxième impression : le Coran n’apporte strictement rien de neuf par rapport à l’Ancien Testament comme au Nouveau. Tout juste cite-t-il des bribes de l’un comme de l’autre, de temps à autres, sans qu’on sache à quelle logique ces parachutages obéissent. Ainsi le livre est-il parsemé de crottes plus ou moins volumineuses de la Torah et des Evangiles, avec une référence obstinée à Abraham, toujours considéré comme le « croyant originel », celui dont l’existence précède jusqu’à « la descente de la Torah comme de l’Evangile » (en contestant au passage la chronologie habituelle). 

De toute façon, le Coran vient « accomplir » ce que n’ont pas voulu accomplir les juifs et les chrétiens (appelés « les Gens du Livre ») : « Enfin Nous avons fait descendre sur toi l’Ecrit, dans le Vrai, pour avérer ce qui était en cours, en l’englobant ». Traduction : toi le mécréant, j’espère que tu as compris que le Coran est supérieur à l’Ancien et au Nouveau Testaments réunis, puisqu’il les englobe ! 

Troisième impression : l’infernal ressassement de certaines formules, de certaines affirmations, de certaines idées. Comme si le même marteau voulait vous enfoncer le même clou dans le crâne. A tous les détours des pages, on tombe sur « Dieu est Tout pardon, Miséricordieux ». On tombe aussi sur le « jardin sous lequel les ruisseaux coulent » promis à tous ceux qui adorent Dieu ; sur « Quant aux dénégateurs, eh bien ! Je les châtierai de durs châtiments dans ce monde et dans l’autre ». Bref : apprendre le Coran par cœur, c’est apprendre à rabâcher une Vérité simplissime jusqu’à vous crever les yeux. 

Jacques Berque, le traducteur, le signale d’ailleurs en note de la sourate XV : « Peut-être qu’il est seulement question des duplications et itérations de l’exposé coranique » (p.277). Va donc pour les duplications et itérations. Le plus curieux ici, c’est que cette composition extrêmement insistante dans la répétition m’a rappelé l’impression que j’avais éprouvée en ouvrant le célèbre et totalement méconnu Mein Kampf, d’un certain Adolf Hitler. Je n'en tire pas de conclusion décisive.

Une composition, en quelque sorte, organisée en spirale, où les mêmes thèmes reviennent constamment sous des habits un peu différents, comme si l’auteur passait son temps à avancer, tout en récapitulant ce qui a précédé. Jacques Berque, dans ses notes de bas de page, ne parle pas de construction en spirale, il parle d’ « entrelacs » : « Le thème du châtiment des peuples passés n’occupe pas ici la même place que dans "Les Poètes", mais devient partie intégrante d’un discours à entrelacs » (p.271). Va pour les entrelacs. 

Quant au style, on trouve très peu de phrases simplement déclaratives, mais constamment des exhortations, des impératifs. A chacun d'en tirer les conclusions.

Quatrième impression : l’humanité se divise en deux. D’un côté ceux qui croient en Dieu, de l’autre le reste de l’humanité. Parmi les composantes de ce dernier (le "reste"), un sort particulier est fait aux « Gens du Livre », autrement dit aux juifs et aux chrétiens, mais l’essentiel, qui est seriné à presque toutes les lignes, c’est l’espèce de mur infranchissable que la « Parole » élève entre les croyants et les autres, irréconciliables par essence. J'attends qu'on m'explique où l'on peut trouver des références communes entre les adorateurs de ce livre-là et les Européens enracinés dans un sol d'origine chrétienne.

Toutefois, le Coran fait une distinction : si les chrétiens sont plutôt des « égarés » (sous-entendu : qu’on peut espérer ramener dans le bon troupeau), les juifs sont quant à eux des « réprouvés ». Leur destin est tout tracé : « Tandis que les dénégateurs, à rien ne leur serviront auprès de Dieu biens ni progéniture. Ceux-là seront les compagnons du Feu : ils y seront pour l’éternité » (sourate III verset 116). 

Et pourtant, on lit ailleurs : « Ceux qui croient, ceux qui suivent le Judaïsme, les Chrétiens, les Mandéens, quiconque croit en Dieu et au Jour dernier, effectue l’œuvre salutaire, ceux-là trouveront leur salaire auprès de leur Seigneur. Il n’est pour eux de crainte à nourrir, et ils n’éprouveront nul regret » (sourate II, verset 62). Allez comprendre ! Même que Jacques Berque commente en note : « Verset œcuménique avant la lettre ! » (p.34). 

Ce qu’il faut retenir ici, c’est que cette division de l’humanité entre le camp du Bien (les croyants) et le camp du Mal (les autres) est rappelée à tout instant, martelée, serinée, parfois trois fois par page. 

Que ceci soit bien entendu : je ne dis pas que ma lecture est complète, ni qu’elle est neutre. J’ai commencé, je ne sais pas quand je finirai (il me reste à peu près la moitié à ingurgiter). De plus, ma lecture est sans doute pleine de préjugés, voire de partis pris. Mais je ne suis pas a priori islamophobe. Je l’ai dit : ce sont des impressions de lecture. Ma conclusion : imbuvable.

Je dis seulement que ce que j'ai lu du Coran ne m'encourage pas à l'islamophilie, bien au contraire.

J’ai lu la Bible. Elle me fait moins peur que le Coran.

Voilà ce que je dis, moi.

Note : j'y reviendrai sans doute quand j'aurai achevé la lecture.

mardi, 17 novembre 2015

QUAND LE DERNIER VERRE SE VIDE ...


(cliquer ci-dessus pour entendre cette mémorable chanson (3'50") de 

JACQUES DEBRONCKART)

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L'auditeur lambda des informations ne pourra pas dire qu'on ne l'informe pas : les attachés de presse de l'armée ont fait savoir à messieurs et mesdames les journalistes que les avions français ont largué, dans un premier temps, vingt bombes sur des installations de Daech, et dans un deuxième temps seize bombes. L'auditeur lambda est heureux d'entendre messieurs et mesdames les journalistes répercuter très consciencieusement ces informations indispensables.

lundi, 16 novembre 2015

ILS SONT MORTS

GUILLAUME B. DECHERF, journaliste, 43 ans.

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HALIMA SAADI, mère de deux enfants, 37 ans (et sa sœur HOUDA).

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VALENTIN RIBET, avocat, 26 ans.

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AURÉLIE DE PERETTI, infographiste, 33 ans.

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PIERRE INNOCENTI, restaurateur, 40 ans.

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THIERRY HARDOUIN, policier, 36 ans.

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Six parmi tant d’autres morts !

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Dans Libération du 16 novembre.

Romain DIDIER, Lamia MONDEGUER, Marie MOSSER, Alban DENUIT, Thomas DUPERRON, Elsa DELPLACE et sa mère Patricia NUNEZ, Quentin BOULENGER, Mathieu HOCHE, Milko JOZIC et son amie Elif DOGAN, Nick ALEXANDER, Thomas AYAD, Cédric MAUDUIT, Elodie BREUIL, Manu PEREZ, Lola SALINES, Nohémi GONZALEZ, Nicolas CLASSEAU, Mathieu GIROUD, ...

Tant d'autres, qui avaient un âge, qui avaient un nom, qui avaient un visage ! 

Ils avaient tous une vie, et une seule ! 

Ils n'étaient pas en guerre.

Et encore : Fabrice DUBOIS, Juan GARRIDO, Quentin MOURIER, Hélène MUYAL, David PERCHIRIN, Hugo SARRADE, Valeria SOLESIN, Anna LIEFFRIG, Véronique de BOURGIES, Asta DIAKITÉ, Victor MUÑOZ, Grégory FOSSE, ...

J'essaie de me consoler comme je peux. Ici, l'impeccable Ensemble Arpeggiata de Christina Pluhar, joue La Lyra d'Orfeo, de Luigi Rossi. 

Dans le viseur : 1h 16' 29" de sérénité.

samedi, 14 novembre 2015

C'EST LA GUERRE !

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Je ne suis en guerre avec personne, mais quelqu'un m'a déclaré la guerre.

 

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Il se trouve que quelques fanatiques viennent d'appliquer au pied de la lettre une partie du texte de la prière (tirée de la sourate Al-Fatiha) que tous les musulmans récitent cinq fois par jour. 

Quand ceux qui prêchent la tolérance et l'ouverture à la religion des autres ouvriront-ils les yeux ?

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C'est la sourate 1, intitulée : « Ouverture ».

Traduction 1 (André Chouraki).

 

  1.     Au nom d’Allah, le Matriciant, le Matriciel.
  2.     La désirance d’Allah, Rabb des univers,
  3.     le Matriciant, le Matriciel,
  4.     souverain au jour de la Créance :
  5.     Toi, nous te servons, Toi, nous te sollicitons.
  6.     Guide-nous sur le chemin ascendant,
  7.     le chemin de ceux que tu ravis,non pas celui des courroucés ni des fourvoyés.

 

Traduction 2 (Jacques Berque)

 

1 Au nom de Dieu, le Tout miséricorde, le Miséricordieux

2 Louange à Dieu, Seigneur des univers

3 le Tout miséricorde, le Miséricordieux

4 le roi du jour de l’allégeance.

5 C’est Toi que nous adorons, Toi de qui le secours implorons.

6 Guide-nous sur la voie de rectitude

7 la voie de ceux que Tu as gratifiés, non pas celle des réprouvés, non plus que de ceux qui s’égarent.

 

Etant entendu, le plus souvent, que les "réprouvés" et les "égarés" sont respectivement les juifs et les chrétiens.

lundi, 05 octobre 2015

TROISIÈME GUERRE MONDIALE

Des responsables de grandes nations, grandes voix autorisées s’il en est, disent craindre une troisième guerre mondiale et affirment tout faire pour que cela n’arrive pas. Visiblement, ils tiennent à éviter de semer la panique dans les populations. Parce que cette guerre mondiale, les apparences montrent qu'elle a déjà commencé. C'est parti mon kiki. Le constat crève les yeux : entre l’Irak et la Syrie, on ne dénombre pas moins de quatre-vingts nationalités en présence. Quatre-vingts nationalités ! Ce n'est pas mondial, ça ?

Il y a cent quatre-vingt-treize "Etats" représentés à l'ONU, mais est-on obligé de compter comme Etats les Kiribati (80.000 habitants), Palau (19.000), Nauru (11.500) ou Tuvalu (10.000), pour ne regarder que du côté des "Etats" (des croupions, en vérité) du continent océanien ? A l'ONU, pour dire la vérité, combien de ces "Etats" n'ont été "reconnus" que pour apporter des voix aux Etats-Unis lors des assemblées générales ?

La règle "un Etat = une voix" se moque allègrement du monde. Et je ne m'attarderai pas sur le pouvoir exorbitant que l' "Europe" actuelle accorde aux petits Etats (baltes et autres) qu'elle a intégrés en son sein en appliquant le même absurde principe. Les Révolutionnaires de 1789 avaient fait un petit pas en admettant le "doublement du Tiers" ! A quand, en Europe, le vote par tête ? Tout ça pour dire qu'avec quatre-vingts nationalités représentées dans les combattants du champ de bataille irako-syrien, je ne vois pas pourquoi on ne qualifierait pas le conflit de "mondial". Passons (pardon pour la digression).

Je ne devrais d’ailleurs pas mettre l’Irak et la Syrie dans le même sac, même si les situations ont fini par se confondre en un magnifique écheveau de fils désormais totalement indémêlables. Si l’on a d’un côté un dictateur en guerre contre « son peuple » (sic !) qui, au départ, réclamait un peu de reconnaissance et de démocratie (les « printemps arabes »), on a de l’autre le résultat américain d’une véritable folie furieuse, voire criminelle. 

C’est sur l’ordre du trio infernal George W. Bush-Dick Cheney-Donald Rumsfeld qu’un certain proconsul en Irak nommé Paul Bremer a signé dès 2003 l’ordre de dissolution de tous les militaires baasistes de Saddam Hussein et de toutes les polices qu’il avait mises en place, au motif que leur affectation précédente les avait rendus infréquentables et inemployables. Rendus de force à la vie civile sans indemnité, que croyez-vous qu’il arriva ? Ils sont tous devenus, du jour au lendemain, des ennemis jurés des "envahisseurs". C'est quoi, Daech ? Pour une large part, l'ancienne armée de Saddam Hussein. Encore bravo !

On dira ce qu’on veut de l’armée irakienne du temps du dictateur : tout le haut commandement était composé d’officiers avisés et d’excellents stratèges. Il ne faut pas chercher ailleurs ce qui forme le gros des chefs de Daech (que le grotesque Hollande prononce « Dache » (cf. « c'est à dache »), comme Mitterrand prononçait « Mastrik »). Ces gens savent ce que sont une manœuvre militaire, un repli tactique, un but de guerre. Comme professionnels de la guerre, ils se posent un peu là. Et dire qu’on se demande comment il se fait qu’ils ne sont pas encore anéantis ! 

Bon, c’est vrai, si les deux situations n’ont rien à voir au départ, ces deux chaudrons du diable n’en forment aujourd’hui plus qu’un, et personne n’est en mesure de prédire quel goût aura la mixture qu’un nombre chaque jour grandissant d’acteurs, officiels ou masqués s'ingénient à touiller tout en jetant de l'huile sur le feu : Iran, Qatar, Arabie saoudite, Russie, USA, Al Qaïda, … on ne sait plus qui roule pour qui, les seuls à ne pas avoir d'alliés pour leur fournir armes et assistance sont les démocrates qui manifestaient pacifiquement en 2011 !

Ce qui est sûr, c’est que chaque fois, au 20ème siècle, qu’un conflit a opposé de nombreuses nations, on a appelé ça des « Guerres mondiales ». Alors c'est vrai, le champ de bataille, pour une fois, n’est pas situé en Europe (encore que … : Charlie Hebdo, Hyper Casher, attentats divers, Ukraine). Mais ce n’est pas une raison pour ne pas appeler les choses par leur nom. 

Vous voulez que je vous dise ? La Troisième Guerre mondiale est commencée. 

Voilà ce que je dis, moi.

samedi, 27 juin 2015

L'ISLAM NE PEUT AIMER LA FRANCE

2/2 

J'en étais à énumérer les branches du sunnisme, d'après Gouverner auSANSAL BOUALEM GOUVERNER.jpg nom d'Allah, de Boualem Sansal. J'observe, avant de poursuivre, que les médias véhiculent davantage d'informations sur les divers courants de l'islam (nul n'ignore aujourd'hui, s'il se tient au courant, les termes "wahabite", "salafiste", "djihad", "halal" et compagnie) que les vieux chrétiens du continent n'en connaissent sur les multiples courants et débats qui traversaient la vieille religion européenne.

Je rappelle juste que cette chose désormais enterrée (ou à peu près) s'appelait le christianisme. C'est de ce tissu que nous sommes faits, que nous ayons ou non la foi. Et quand on cite le pape ou le Vatican, c'est pour en dénoncer le conservatisme. Car on le sait : les Etats musulmans, de leur côté, sont les grands progressistes de la modernité. Rendez-vous compte : les femmes seront peut-être autorisées à conduire des voitures dans trois ou quatre décennies. En terre islamique, le Progrès fonce à toute allure. Traduction : comme ils sont riches, ils peuvent tout s'acheter, à commencer par les clubs de foot, et par voie de conséquence, les consciences et les identités qui vont avec.

Grâce aux médias, le quidam français en sait aujourd'hui beaucoup sur l'islam. On ne lui laisse rien ignorer du ramadan, de l'aïd el kébir, de l'aïd el fitr. Pessah, Soukkot, Yom kippour, etc. viennent juste après. Bons derniers : l'Assomption, l'Ascension, l'Annonciation. Le quidam ne se dit pas, apparemment, que, après avoir eu tant de mal à se débarrasser des curés, il ne va pas se laisser emmerder par des curés d'un nouveau genre, mais tout aussi problématiques (ça se reconnaît souvent à la soutane). La soutane islamique (hébraïque ?) sera-t-elle l'avenir de l'Europe ? Tolérance, solidarité, acceptation de l'autre, on vous dit. Sinon, vous êtes des salauds et des fachos.

Cela dit, il faut être convaincu que le gouvernement français, quoi qu'il arrive, demeurera intraitable et intransigeant sur le respect de la laïcité. Farpaitement ! Ouais !

En attendant, l'injure faite aux incroyants, agnostiques, athées, est constante, permanente et massive. Et je n'ai pas encore porté plainte ! Qu'est-ce que je suis tolérant !

*****

Le malékisme prêche un islam orthodoxe austère, très ritualiste (20 % des sunnites). Le hanafisme, plus libéral et rationaliste, est la branche la plus nombreuse aujourd’hui, répandue en Inde, Bangladesh, Chine. Le chafiisme, répandu en Egypte, Indonésie, Malaisie, Philippines, impose l’excision des filles. Le hanbalisme est une école de pensée rigoriste très conservatrice, développée au Proche Orient, en particulier l’Arabie Saoudite, où un certain Abdel Wahab a encore durci la doctrine, donnant le wahabisme qu’on voit à l’œuvre, militairement et politiquement. Voilà pour les sunnites.

Quant à ce qui se passe chez les chiites, un « courant complexe, à la fois rationaliste, spiritualiste et ésotérique », c’est pire que le sunnisme : il « se divise en quatre branches se divisant elles-mêmes en de nombreuses écoles et sectes dissidentes ». Le pape lui-même n’y retrouverait pas son bénitier. Il y a les duodécimains (ou jafarites). Il y a les zaïdites (« exclusivement dans les montagnes du nord-ouest du Yemen »). Il y a les ismaéliens, parmi les nombreuses branches desquels on trouve les hétérodoxes druzes (Liban), qui rejettent la charia et croient en la métempsycose. Il y a enfin les ghoulâts, parmi lesquels la secte alaouite de Bachar El Assad. Ouf, ne jetez plus rien dans le panier de crabes. 

Je ne vous embarque pas dans les subtilités du soufisme, qui est organisé en confréries, parfois autarciques. Pour les sunnites et chiites les soufis ne sont pas des musulmans (mais que faire, si eux-mêmes se prétendent musulmans ?). Ils sont censés ne pas se mêler de politique, mais il me semble avoir entendu ici ou là des informations contredisant cette thèse. Le kharidjisme existe dans le sultanat d’Oman. Ce courant dissident ancien, qui conteste sunnisme et chiisme, subsiste dans quelques « poches ». J’arrête là. 

Tout ça pour dire quoi ? Que l’islam, en dehors du Coran et des cinq piliers, est un immense et profond chaudron où bouillonnent et cohabitent (quand elles ne cherchent pas à s'éliminer mutuellement) une infinité de sauces musulmanes. Comment s’y retrouver ? Selon moi, c’est très simple : est musulman tout homme qui se revendique musulman, quels que soient son catéchisme, son obédience, ses références territoriales, et surtout quelle que soit la lecture qu’il fait du Coran.

Tous les musulmans, y compris les frères Kouachi et Amédy Coulibaly, y compris ceux qui, avec Daech, prêchent l'islam à coups de bulldozer, de kalachnikov ou de cimeterre (ou pire), ils sont tous musulmans. Un seul sac, je fais. C'est épouvantablement simpliste et caricatural, mais je crois que ça permet de clarifier le problème de l'islam : si tu admets l'islam, tu admets tous les islams. L'islam, c'est simple, tu ne peux pas le scinder comme le christianisme (catholiques / protestants, pour rester en Europe), car il consiste en un seul morceau, mais fait d'une multitude de morceaux. Il n'y a pas les bons et les mauvais musulmans. Il y a les musulmans, point barre.

Tous ceux qui se confessent musulmans sont musulmans. Quels que soient les préceptes, les sourates, les versets qu’ils préfèrent. Et quelle que soit l’interprétation qu’ils donnent à tout ça et le rapport qu’ils entretiennent avec le texte (littéral, métaphorique, allégorique, poétique, mystique, ...). Violent ou pacifique, totalitaire ou humaniste, mangeant du porc ou faisant vomir sa petite sœur de cinq ans qui vient d'avaler une lichette de jambon (je l'ai vu), un musulman est d'abord et essentiellement musulman. C'est la dominante identitaire.

Qu’il sorte du chapeau la boule blanche de la paix ou la boule noire de la guerre, c’est toujours l’islam : un bloc compact à prendre dans son entier, en même temps qu’un tas de sable dont les grains échappent des mains de qui veut le saisir. De toute façon, le Coran, c'est comme la langue d'Esope : la meilleure et la pire des choses. Car il y a tout, dans le Coran : du pacifisme le plus héroïque au bellicisme le plus haineux (ne pas oublier que Mahomet fut un chef de guerre). 

L'islam est impénétrable, parce qu'il est tout à la fois d'une compacité inentamable et d'un émiettement infini. C'est ce qui fait sa force : il est à la fois extrêmement simple (cinq piliers, cinq prières, Coran) et extrêmement mosaïqué. C’est le paradoxe infernal qui dépasse tous les responsables politiques de France et d’Europe (et tout homme de bon sens) : tout à la fois un bloc de marbre et une infinité de grains de sable dans le sablier, sans aucun lien entre eux ("Ah mais ce n'est pas mon islam !", entendu à satiété dans la bouche des musulmans "intégrés", après les attentats du 7 janvier). A moins de se convertir, aucun occidental n'est en mesure de comprendre l'islam. L'islam ne se comprend pas : il se vit, ou on le rejette. 

LA MECQUE 2.jpg

Une altérité radicale est radicalement inassimilable.

Seul le respect, à condition de réciprocité, ...

 

Ce que je retiens, c’est qu’aucune religion n’est plus plastique que la musulmane : elle est bonne à tout, elle s’adapte à toutes les situations. Toujours, partout où elle s’est implantée, elle a introduit ses racines dans le sol. Avec une facilité surprenante, puisqu'elle ne fait pas appel à la conscience individuelle (ni examen de conscience, ni directeur de conscience, ni confesseur, ...).

Toujours, partout où elle n’a pas réussi à s’implanter, c’est parce qu’une croyance fortement constituée s’est opposée à elle, souvent par les armes. Si l’islam s’implante en France, c’est sans doute que, vidée d’une bonne partie de sa substance, celle-ci n’a plus grand-chose à lui opposer. Ce qui est sûr, c’est que l’islam n’a rien à enseigner à la France. 

La France a, semble-t-il, cessé de croire en elle-même. Imaginez ce qu’il reste d’humanisme et de Lumières. Imaginez ce qu’il reste de combat identitaire, immédiatement affecté de la hideuse mention "Extrême Droite". C'est curieux : on n'a plus le droit de se revendiquer "Français". Jour après jour, on cherche à nous persuader que, dans l'appellation "Français", il y a un peu de tout, c'est-à-dire de n'importe quoi. Tiens, L'Express publie un dossier, c'est peut-être un signe ? Et tout le monde comprend ce qui se passe, quand des "Français" sifflent la Marseillaise ou brûlent le drapeau tricolore. Mais on n'a pas le droit de le dire. Et l'on fait semblant de s'étonner du nombre des volontaires qui partent pour la Syrie, l'Irak, Daech et le Djihad.

Imaginez maintenant, par-dessus tout ça, la revendication musulmane. Touillez le tout : vous avez la conclusion tirée par Houellebecq dans son roman Soumission (paru le 6 janvier 2015, la veille de ... ) : l'élection d'un président musulman à la tête de la "République Française". C’est pour ça qu’il a fait scandale : « Le premier qui dit la vérité … ». 

Finissez sans moi : quelque chose me coupe l'appétit. 

Voilà ce que je dis, moi.

vendredi, 19 juin 2015

L'ANARCHIE DES VALEURS 2

2/2 

VALADIER PAUL.jpgDe toute façon, je crois que les subtilités conceptuelles des « penseurs » sont de fort peu d’effet sur le concret des humains, vu que la pensée de la chose vient toujours après l’existence de la chose. En gros, si vous voulez, le penseur arrive comme les carabiniers (après la bagarre), pour essayer, tant bien que mal, de reconstituer les faits. Le penseur court après le réel, après l’histoire en train de se faire. Il est une sorte de flic : il vient sur les lieux du crime, pour tenter de donner une signification au drame de l’existence. Bien sûr, ça peut être utile. Et puis on ne sait jamais : ça peut rassurer ceux qui restent.

Pour ce qui est des valeurs, donc, à quoi les hommes peuvent-ils se raccrocher ? Du livre de Valadier, je retire trois possiblités. Soit on assiste à la « guerre des dieux » : mon absolu n’est pas ton absolu, la solution c’est qu’on se foute sur la gueule, et que le plus fort gagne. Soit on s’en remet à la Raison du devoir de fonder les valeurs, et dès lors, c’est la Science qui est chargée de régler la question morale (et ce n'est pas de la tarte !). Soit encore on fait du sujet la source unique de la valeur, et l’on débouche sur un relativisme généralisé, qui interdit de penser qu’il puisse y avoir une « communauté humaine ». Ceci dit pour simplifier, pour résumer et pour traduire. Et finalement, ce n'est pas si compliqué que ça. Pourquoi les gens s'embêtent-ils à emberlificoter ? Mais on n'y peut rien : les complications sont là.

On le voit : c’est la bouteille à l’encre ajoutée au combat de nègres dans un tunnel. On peut aussi penser au tableau « Récolte de la tomate par des cardinaux apoplectiques au bord de la Mer Rouge », d'Alphonse Allais, immortel précurseur des monochromistes Kazimir Malevitch, Yves Klein et consort. On y voit toujours aussi clair.

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Archimède disait, paraît-il : « Donnez-moi un point fixe, et je soulève l’univers ». Mais il n’y a pas de point fixe. Le monde humain est en constant mouvement. C’est Montaigne qui le dit : « Le monde n’est qu’une branloire perenne. Toutes choses y branlent sans cesse : la terre, les rochers du Caucase, les pyramides d’Ægypte, et du branle public et du leur. La constance mesme n’est autre chose qu’un branle plus languissant. Je ne puis assurer mon object. Il va trouble et chancelant, d’une yvresse naturelle » (Essais, III, 2, chapitre « Du repentir »). A quoi se raccrocher, donc ? Sur quoi l’ensemble des hommes peut-il espérer se mettre d’accord ? 

Ce n’est pas évident. Paul Valadier lui-même, après avoir noté : « … la situation ontologique ainsi atteinte est plutôt celle de l’ "aliénation" (Arendt), du désarroi et du déboussolement de l’homme », écrit : « Parce qu’il ne peut plus adhérer à la problématique ancienne, si admirable qu’elle ait été, et parce qu’il ne peut y adhérer pour des raisons structurelles, non pas nécessairement par immoralisme ou par dédain de Dieu ou de la tradition, il est renvoyé à lui-même en tant que source de valeur, évidemment relative, mais comme seul levier d’Archimède à partir duquel soulever désormais son monde » (p. 55-56). 

Faut-il se référer à des valeurs ? Il n’est même pas évident que ce soit nécessaire. Je dis une énormité, c’est certain, mais si on regarde le monde actuel, on ne voit que frénésie : l’économie en folie, la soif de pouvoir, tout est bon pour provoquer des conflits, des guerres, la mort. Discute-t-on avec tyrans et dictateurs pour autre chose que faire des affaires ? Pour discuter, il faudrait que la tyrannie soit fondée sur la Raison, le logos. On sait ce qu'il en est.

Tous les raisonnements ne m’enlèveront pas de l’idée que ce qui prime dans le monde (et ça ne date pas d’aujourd’hui), ce sont les rapports de forces. On aura beau tenir à Al Baghdadi des discours pertinents, forts et argumentés, il est probable que Daech continuera à terroriser les populations tombées en son pouvoir. Hors de l'état de paix, la Raison perd tous ses droits. Le livre de Valadier, fondé sur l'hypothèse que le monde est civilisé, reste muet au sujet des rapports de force. 

Curieusement, Paul Valadier réintroduit dans son dernier chapitre l’universel qu’il avait semblé fuir jusque-là : « Seule la "nature" ou la raison universelle offre un recours suprahistorique, et par là même non violent, puisqu’elles illuminent d’une lumière qui irradie en tout homme » (p. 172). Il s’en prend alors à diverses façons de contester l’universalisme, que ce soit le « relativisme moral » (p. 178) : « … tes choix relèvent de toi seul, personne d’autre ne peut et ne doit en juger (…) tu ne dois rien imposer aux autres car leur vie est leur affaire … » (synthèse percutante des croyances des générations les plus actuelles), ou l’Américain Richard Rorty (libertarien jusqu'à l'extrémité des paturons, si j'ai bien compris), dont j’avoue que j’ai découvert le nom à la page 180 du bouquin, mais qui ne laisse pas que de tracer un sillon mortifère là où il passe. 

Bref, Paul Valadier offre dans son dernier chapitre un véritable plaidoyer pour l’universalité de certaines valeurs, même si : « Il n’y a pas de position de surplomb à partir de laquelle certains, occidentaux ou non, pourraient juger et trancher en toute certitude » (p. 205). Ce n’est pas un hasard s’il cite Montaigne (encore lui !) : « Chaque homme porte la forme entiere de l’humaine condition » (Essais, III, 2). 

Il va même jusqu’à s’appuyer sur des propos d’Eric Weil, qui soutient que, puisque la tradition européenne et occidentale est la seule qui ait été capable de se critiquer elle-même, elle est une « Tradition qui ne se satisfait pas de la tradition (…), notre tradition est la tradition qui met sans cesse en question sa propre validité, qui à chaque moment de son destin historique a eu à décider, et continuera d’avoir à décider, ce que nous devons faire pour nous rapprocher de la vérité, de la justice, de la sagesse » (p. 202). Et Valadier de conclure : « Or l’universel, n’est-ce pas essentiellement cette recherche permanente et jamais assurée de la justice et de la sagesse ? » (ibid.). C’est évidemment conceptuellement magnifique. Je note juste qu’il y a un peu de pain sur la planche. 

Tout ça pour ça, donc : pour arriver à l’éloge de l’esprit critique. Pour réaffirmer, si j'ai bien compris, la supériorité de la vision européenne et occidentale du monde. De quoi se demander à quoi peut servir un tel livre : c’est bien joli de s’interroger sur des concepts, mais j’ai parfois l’impression, quand je me risque dans ce genre d’entreprise, de perdre le contact avec la réalité tangible. 

Plus je regarde la réalité catastrophique, plus j'ai tendance à regarder d'un œil goguenard quelqu'un qui intellectualise. Il est possible, je l'ai dit, que ce soit une infirmité. 

Voilà ce que je dis, moi.

dimanche, 11 janvier 2015

POUR CHARLIE HEBDO

Non, pas de « marche blanche ». Non, pas de forêt de crayons et de bougies brandis au-dessus des têtes. Pas de démonstration de « volonté de résistance au terrorisme », de « l'unité nationale ». Pas de manifestation, gesticulante et hurlante ou grave et silencieuse de République à Nation, comme aux plus beaux temps des 1er Mai de la CGT et du PCF conquérants. De toute façon, quelle unité nationale ? On a bien vu le feu de paille de la fiction de « l'unité nationale » lors de la victoire de l'équipe de France en 1998 et de la célébration de cette France « black, blanc, beur ».

Non, ce qu'il aurait fallu, c'est une grandiose

OPÉRATION

FRANCE MORTE.

Pas un bruit, pas une voiture dans les rues, pas un mouvement, pas un cinéma ouvert, pas une seule émission de télévision, de radio. Tous les magasins fermés. Tous les écrans noirs.

LA PARALYSIE TOTALE.

Là oui, c'est une manifestation qui en aurait eu, de la gueule. Et qui voudrait dire quelque chose.

Là, en plus, on les verrait, ceux qui n'en veulent pas, de « l'unité nationale ». Comme le nez au milieu de la figure. Une belle démonstration, ce serait. Du genre mathématique.

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C'ÉTAIT

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QU'ON PRENNE L'ÉVÉNEMENT COMME ON VOUDRA,

 

charlie hedo,terrorisme,cabu,charb,wolinski,tignous,honoré,

 

c'est fini. Une revue, on me dira ce qu'on voudra, ressemble comme deux gouttes d'eau aux individus qui la font, qui l'animent. On ne remplacera pas les disparus.

On a définitivement changé d'époque.

Je n'oublie rien de ce qui a été.

Il faut maintenant se préparer à ce qui va arriver.

Activement.

J'ajoute cependant que tout ça n'est en aucun cas une raison pour renoncer à un baroud d'honneur de la revue : rien de ce qui a été fait ne saurait être effacé par l'action de quelques fascistes en guerre contre les démocraties.