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vendredi, 19 février 2016

I'M A POOR LONESOME COWBOY

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A L'OMBRE DES DERRICKS (N°18)

La seule fois où Jolly Jumper galope en parlant, et où Lucky Luke délaisse son refrain habituel, pour un autre où pointe toute la malice de Goscinny.

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Bon, les sondages, c'est les sondages, celui-ci en particulier (Le Progrès, 18 février) : par internet, alors bon, à prendre avec des pincettes.

Mais il ne faut pas chercher pourquoi les députés ont voté comme un seul homme pour la reconduction de l'état d'urgence jusqu'au 26 mai : ils ont l’œil sur les sondages. Les députés (et les zompolitiks en général) croient aux sondages. Et les journalistes se contentent de benoîtement faire écho au "risque politique" que les zompolitiks courraient s'ils revenaient à l'état de droit. Pensez à ce que voteraient les Français en 2017 en cas d'attentat ! Oui, les zompolitiks ont vraiment la truffe dans le gazon. Leur état est désespéré. Ils chassent le bulletin de vote.

Et les Français, ils n'en ont vraiment plus rien à faire, de l'état de droit ? Dans quel état moral et intellectuel sont-ils ? Ils sont prêts à subir le joug ? Cela veut-il dire qu'ils le subissent déjà ? A mettre en parallèle, peut-être, avec les 4 millions de téléspectateurs branchés tous les soirs sur une émission de divertissement de TF1.

Pendant que j'écris ça, un psy est en train de se gargariser en affirmant que, grâce au vaste mouvement de décomposition de l'archaïque "famille patriarcale" auquel on n'en finit pas d'assister, l'individu est amené à se prendre en charge de plus en plus, sans se référer à des valeurs héritées. Il décide de plus en plus de sa propre vie. Il opère de plus en plus des choix en fonction de ses préférences.

Conclusion du psy : « L'individu se désaliène ». Tu l'as dit, bouffi (comme dit Arsène Lupin en s'adressant à l'inspecteur Ganimard).

Ah bon ? Vraiment ? L'individu se désaliène ? Au moment même où il devient un pantin dont on ne sait quel marionnettiste tire les fils ?

C'est quoi, déjà, "vouloir être libre" ?

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jeudi, 04 février 2016

DÉCHÉANCE FRANÇAISE

Qu’elle était belle, la patrie des droits de l’homme, du temps de … du temps de … de quel temps, au fait ? On n'arrête pas de parler de déchéance de la nationalité, sans se poser aucune question au sujet de la légitimité de la double nationalité. Pourquoi cette possibilité est-elle offerte ? Il y aurait motif à y voir une injustice. Ben oui : à l'égard des pauvres Français qui n'en ont qu'une. Les Franco-Français, quoi.

Déchéance de nationalité, donc. Un moyen de communication très commode pour jeter un brouillard opaque sur la question fondamentale : l'installation durable de la France dans le régime de l'état d'exception. Quelques voix s'élèvent pour alerter sur la fin de l'état de droit que ce coup de force entraîne. On ne les entend guère. C'est toute l'idée que les Français devraient se faire de la France qui, par le fait, déchoit. 

Français, prenons plutôt exemple, une fois n'est pas coutume, sur Tarek Oubrou, l'imam de Bordeaux, qui a reçu des menaces de mort parce qu'il n'est pas assez "islamique", mais que ça n'a pas empêché de refuser la proposition d'une "protection rapprochée", avec gardes du corps. Ne changeons rien à notre façon de vivre. Les "Sentinelles" doivent retourner dans leurs casernes. Et tous les services (police, renseignement, ...) doivent faire leur boulot. Qu'on leur en donne les moyens par autre chose que des pouvoirs accrus.

Regardez-la, aujourd’hui, la patrie des droits de l’homme. L’œil sur les résultats de sondages massivement (paraît-il) favorables aux mesures d’exception, le chien Cerbère (Hollande-Valls-Cazeneuve), depuis le 13 novembre 2015, de ses trois gueules béantes, gronde, aboie, mord tous les "suspects" qui passent à portée de ses crocs. 

Pierre Grimal, dans son irremplaçable Dictionnaire de la mythologie, écrit : « Cerbère est le "chien de l'Hadès", l'un des monstres qui gardaient l'empire des morts et en interdisaient l'entrée aux vivants ».

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Cerbère s’apprête a pérenniser l’état d’urgence en l’inscrivant dans la Constitution. Mais ça ne lui suffit pas : il s’apprête à faire voter une loi sécuritaire – une de plus – destinée à transférer toujours plus de pouvoirs et de liberté d’action des instances judiciaires vers les instances administratives. 

Et s’il faut vraiment croire que les sondages ne sont pas si fantaisistes que j’ai tendance à le croire, les Français applaudissent, réclament toujours plus de sécurité, de répression préventive. Les Français préfèrent les flics à la justice.

J'en conclus que, les Français, en conséquence, méritent Cerbère. Ils ne se rendent pas compte que Cerbère fut le gardien des Enfers. Je leur rappelle malgré tout comment finit la phrase de Pierre Grimal citée plus haut : « ... et en interdisait l'entrée aux vivants mais surtout, il empêchait d'en sortir ». A bon entendeur.

Et je crains que les trois têtes de son actuel descendant s’apprêtent à bouffer ce qui reste de leur âme. Et nul Héraclès aux alentours pour museler le monstre.

Cette France-là n’est pas la mienne.

Voilà ce que je dis, moi.

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lundi, 11 mai 2015

LE DERNIER FRED VARGAS

VARGAS TEMPS GLACIAIRES.jpgNote liminaire : je n'avais pas prévu que Le Masque et la plume inscrirait à son programme du 10 mai le dernier livre de Fred Vargas (ceci dit pour ceux qui ont écouté France Inter hier soir). Sur la chose, le modeste (et néanmoins péremptoire) commentaire qui suit était déjà entièrement écrit. 

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Je pensais avoir délaissé le polar pour toujours. Quelqu’un m’a incité, dernièrement, à lire Adieu Lili Marleen, de Christian Roux (Rivages / Thriller, 2015). Désolé, je n’ai pas pu. Cette histoire de pianiste embarqué dans les sales histoires, ça m’est vite tombé des mains. J’ai renoncé. Peut-ROUX CHRISTIAN.jpgêtre à tort, je ne saurai pas, j'accepte l'idée. 

L’argument avancé, le miel qui devait attirer l’ours hors de sa tanière, était pourtant alléchant : la musique, et pas n'importe laquelle. Avec des têtes de chapitres du genre interpellant. Pensez : « Opus 111 ». Mieux encore : « Muss es sein ? – Es muss sein ». Vous vous rendez compte ? Mais si, rappelez-vous : la dernière sonate (op. 111 en ut mineur, 1824) et la dernière œuvre (quatuor op. 135 en fa majeur, composé en 1826) écrites par Ludwig van ! De quoi tilter, évidemment, si le mot a encore un sens aujourd’hui. Ben non, je n’ai pas pu. 

Mais le quelqu’un en question y est allé plus fort ensuite. Elle est têtue : revenant d’une visite au festival « Quais du polar », qui s’est tenu à Lyon récemment, elle m’a offert le dernier Fred Vargas : Temps glaciaires (Flammarion, 2015). C’est connu : « A cheval donné, on ne regarde pas les dents », tout le monde sait ça.

De Vargas, j'avais déjà lu Pars vite et reviens tard (avec sa fin en pirouette décevante), Sous les vents de Neptune (avec son criminel grandiose qui s'échappe à la fin), Un Lieu incertain (avec son ostéopathe et son évocation originale de Dante Gabriel Rossetti), L'Homme à l'envers (avec son Canadien obsédé par les loups du Mercantour). Des polars corrects qui m'ont laissé des souvenirs assez bons. Pas des chefs d'œuvre, mais. J’ai donc ouvert le livre. 

J’ai failli le refermer vite fait. Pour une raison très simple, la même qui m’a fait refermer à toute vitesse Alexandre Dumas, quand j’ai voulu relire dernièrement Les Trois Mousquetaires : le tirage à la ligne. Le moyen est simple : quand vous êtes payé à la ligne, allez à la ligne au bout de trois mots. Les dialogues sont faits pour ça.

Vous organisez une bonne partie de ping-pong verbal entre plusieurs personnages, et vous voilà parti pour un volume épais comme un Bottin de l'ancien temps. C’est flatteur pour vous : vous avez lu cent pages en un temps record. Ici, les personnages ne manquent pas, c'est la brigade que commande le commissaire Adamsberg. A chacun son caractère, et toujours « le petit fait vrai ». C'est merveilleusement interactif. Donc ça permet d'allonger la sauce.

Malheureusement, ça sent le procédé à cent kilomètres. Pourtant, je n’ai pas lâché. A cause d’une circonstance particulière : le livre parle d’Akureyri. Alors là, vaincu, je me suis senti obligé. Je dois quand même dire que si mes chers J. et S. n’étaient pas allés traîner leurs guêtres par là-bas pour guetter les aurores boréales, le nom de la ville serait resté pour moi une suite de sons un peu exotique. Rien de plus. J'aurais laissé tomber.

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Timbre portant le cachet de la poste d'Akureyri.

 

Or il est bel et bien question de l’Islande, dans le roman de Fred Vargas, et de sa région nord : Akureyri, au fond de son fjord, l’île de Grimsey, sur le cercle polaire arctique (66° 66’). Il est question du village de Kirkjubæjarklaustur (ouf !), où est né Almar. Il est aussi question du tölvar, « la sorcière qui compte ». Le tölvar n’est rien d’autre que l’ordinateur, en islandais.

Il est encore question d’un esprit dangereux et impérieux qu’on nomme l’afturganga, qui lance des appels irrésistibles à certains, même très éloignés, et qui châtie à coups de brume absolument impénétrable ceux qui s’attardent chez lui sans son accord. Rögnvar : « L'afturganga ne convoque jamais en vain. Et son offrande conduit toujours sur un chemin » (p. 406). A bon entendeur, salut ! C'est la majestueuse et puissante Retancourt qui sauve in extremis l'équipe et l'enquête. Rögnvar avait raison.

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Voilà. Je ne vais pas résumer l’intrigue. Je dois avouer qu’elle est surprenante. En refermant le bouquin, j’ai envie de dire à madame Vargas : « Bien joué ! ». Il est vrai qu’il faut passer par-dessus l’horripilation produite par le choix du mode de relation des faits (le dialogue). La lecture épouse de l'intérieur toutes les circonvolutions cérébrales de l'équipe, les hésitations, conflits plus ou moins larvés entre ses membres, retours en arrière des personnages réunis autour d'Adamsberg. Disons-le : ça peut lasser, si l'on n'est pas prévenu. 

L’avantage de l’inconvénient de ce choix narratif, c’est la maîtrise totale du rythme du récit par l’écrivain. Et c’est vrai que ça commence plan-plan, et même que ça se traîne au début. Et puis, insensiblement, ça accélère, ça devient fiévreux, un coup de barre à bâbord, puis à tribord, le vent forcit, la mer se creuse, et ça finit dans les coups de vent et la tempête. Va pour le dialogue, en fin de compte. Je ne suis quand même pas sûr que cette façon d'installer un "climat" soit absolument nécessaire.

A mentionner, le passage par une improbable association d’amoureux de la Révolution française en général et de Robespierre en particulier, qui s’ingénient, à dates fixes, à rejouer les grandes séances des Assemblées, depuis la Constituante jusqu’à la Convention. En perruque et costume, s’il vous plaît. Beaucoup d’adhérents, comme s’ils revivaient les passions de l’époque, se laissent emporter par l’exaltation historique. C’est assez impressionnant. Mettons : original.

Au sujet du bouquin, j’avais lu dans un Monde des Livres un commentaire condescendant d’Eric Chevillard, écrivain de petite renommée hébergé par les Editions de Minuit. J’imagine que dire du mal de la production de Fred Vargas n’est pas un enjeu majeur dans le microcosme littéraire parisien, et que Chevillard ne risque pas grand-chose à flinguer sa consœur. Passons. Quoi qu’il en soit, je sais gré à la dame de s’y être prise assez adroitement pour m’amener à m’intéresser à l’histoire, jusqu’à me permettre de surmonter ma répugnance à affronter tant de parlotes. 

Tout juste ai-je noté quelques préciosités de vocabulaire (« alenti », p. 126 ; « étrécies », p. 203) ; quelques bourdes grammaticales ici ou là (« et celle de François Château qui, oui, lui semblait-il, le reconnaissait », au lieu manifestement de « qu’il reconnaissait », p. 193 ; « substituer » au lieu de « subsister », p. 221). Une étourderie scientifique : que je sache, le manchot empereur n'a rien à voir avec les « oiseaux nordiques » (p. 192).  Rien de bien grave, comme on voit. Dernière précision : je n'ai jamais vu, dans aucun polar, mettre en œuvre une fausse piste aussi énorme.

Je finirai sur une préoccupation du moment. Manuel Valls, premier ministre, et Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, en plein débat sur la « loi renseignement », ne désavoueraient certainement pas cette parole de Robespierre rapportée p. 331 : « Je dis que quiconque tremble en ce moment est coupable ; car jamais l’innocence ne redoute la surveillance publique ». Robespierre était pour la transparence totale des individus.

Ça fait froid dans le dos, quand on y réfléchit un peu : quand on est innocent, on n'a rien à craindre des intrusions policières. Ça pourrait même faire un argument pour Valls et Cazeneuve : ceux qui protestent contre la « loi renseignement », c'est parce qu'ils sont coupables. Valls + Cazeneuve (+ Hollande) = Robespierre. Drôle d'équation, non ?

Avis à tous les "innocents" qui raisonnent en se disant : « Oh, moi, du moment que je n'ai rien à me reprocher, ils peuvent bien faire ce qu'ils veulent ». En ces temps d'espionnage généralisé et de collecte intégrale des données personnelles, la phrase de Robespierre est d’actualité ou je ne m’y connais pas. 

Ne pas oublier que la période où "l'Incorruptible" dominait porte encore le nom de Terreur. Heureusement, il y eut le 9 thermidor an II (27 juillet 1794). Avis aux actuels adeptes de la « surveillance publique ». 

Voilà ce que je dis, moi. 

 

MP5.jpgNote : le sanglier visible sur la couverture est un vrai personnage. Il s'appelle Marc. Il protège Céleste. Il a une hure douce comme un bec de canard. Il est à deux doigts d'y passer, à coups de rafales de MP5 (ci-contre) (cliquez pour 1'48"). On est content qu'il survive. Même si les infirmiers ne sont pas contents. Un sanglier à l'hôpital ? Vous n'y pensez pas !!!