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mercredi, 17 juin 2020

ADIEU FRANCE INTER

« Si j'ai trahi les gros, les joufflus, les obèses, ...», chante Georges Brassens dans Le Bulletin de santé (pas besoin de citer la suite, j'espère). Moi, c'est à France Inter que j'ai fait depuis longtemps une infidélité massive. J'ai divorcé sans états d'âme. J'ai déjà esquissé ici même quelques raisons de ce désamour. Je suis revenu y déposer mes oreilles pendant le confinement, les autres radios nationales ayant été mises en panne. Et ça ne m'a pas fait changer d'avis, je vous assure.

1 – Publicité.

La première des raisons qui m'avaient fait rompre avec la grande chaîne publique – je ne parlerai même pas des radios marchandises RTL, RMC, Europe 1, ennemis publics et interdits de séjour chez moi – était l’invasion progressive du temps d'antenne par l'ogre publicitaire. Je conçois parfaitement que les responsables de Radio France cherchent des ressources financières pour compenser la scélérate diminution des dotations de l'Etat.

Mais ce n'est pas une raison suffisante pour que l'auditeur reste fidèle, d'autant que j'ai cru comprendre que les "animateurs" de belles émissions ont, comme sur France Culture, le statut d'intermittents du spectacle, et qu'ils bénéficient des indemnités chômage au moment de la mise en vacances d'été de toute l'antenne, crise ou non du coronavirus.

Pour moi le scandale est précisément dans l'abandon de la radio publique par les pouvoirs publics aux forces du marché (je ne parlerai surtout pas du retour du règne des comptables dans la "gestion" des hôpitaux parce que là). Et c’est une diarrhée de réclames pour des marchandises (MAF, MMA, Euromaster et autres fadaises crétinisantes)  qui vient polluer mon environnement sonore.

Par exemple, en ce moment sur France Inter, est diffusée une publicité apparemment grande et généreuse : tous les dimanches, Isabelle Autissier vient demander aux auditeurs de ne pas oublier le WWF au moment de rédiger leur testament (« Faites un legs ! »). Autissier vendue à la marchandise régnante ! C’est obscène, immonde et ordurier. Le WWF ne défend pas une cause : c'est une multinationale pratiquant le "greenwashing". J'exagère peut-être, mais.

J'en reste à cette forte maxime martelée en son temps par le grand Charlie Hebdo, attention, pas celui du petit Philippe Val [un temps directeur de France Inter sous Sarkozy], mais le vrai, le beau drageon d’Hara Kiri fait par une bande de vrais complices : « La publicité nous prend pour des cons, la publicité nous rend cons ». C'est une ligne rouge.

A cette occasion, je préviens France Culture que s'il prend aux dirigeants de la chaîne l'envie de truffer l'antenne de tels excréments, je n'hésiterai pas à fermer les écoutilles (mais je ne me fais pas d'illusions : je sais que je fais partie statistiquement des epsilon qui interviennent dans la courbe à partir du troisième zéro après la virgule).

2 – La deuxième des raisons qui m'ont fait quitter le navire France Inter est à la fois plus globale et plus fondamentale. Il y avait, il y a longtemps, des émissions qui retenaient mon attention pour une raison ou pour une autre (je ne détaille pas). Cela a changé. Je n'essaierai pas de reconstituer le fil de l'évolution : juste deux points de repère.

a – Course à l'audience.

D'abord la "course à l'audience". Pour être premier dans les statistiques d’Audimat, il est nécessaire de ratisser le plus large possible. « Ratisser large » ? Pas besoin d'être sorti de l'ENA pour comprendre : le point d'aboutissement, c'est la porcherie de "Loft Story" (1991), autrement nommée "Télé Réalité".

La course à l’audience, c’est ce qu'on appelle le nivellement par le bas : le Peuple de 1789, c'est l'éducation, l'élévation, la Déclaration des Droits de l'Homme, l'abolition des privilèges. La Populace de 1793, c'est la guillotine à plein régime, des droits et du pouvoir à la "canaille" et aux Sans-culottes aussi fiers de tutoyer "Capet" que d'étaler leur ignorance et leur arrogance.

En 2020, France Inter "se met à l'écoute" constante et complaisante des auditeurs, à coups de sondages et d'enquêtes marketing : pas un bulletin d’information sans un petit reportage « sur le terrain » pour recueillir un « son », du « vécu », une ambiance, un témoignage, des réactions « en direct » de « gens ordinaires ». On peut dire que le micro de France Inter, comme toute bonne gagneuse qui se respecte, « fait le trottoir ».

La place prise aujourd'hui par les interventions de tous les M. et Mme tout-le-monde (je parle surtout des tranches d'informations) est telle que l'information elle-même se trouve étouffée ou noyée. Je n'ai jamais appelé et n'appellerai jamais le standard du "Téléphone sonne", et je ne comprends pas l'empressement qui pousse tous ces gens à se bousculer pour "parler dans le poste". S'imaginent-ils ainsi participer au "Grand Débat" social ? Je sais l'epsilon que vaudrait ma voix à partir de l'antenne de France Inter : un simple prénom, un gravier qui fait "floc" en tombant dans la mare aux canards. De toute façon, qui cela peut-il intéresser de savoir que M. Untel regrette amèrement que la plage de Royan soit interdite d'accès pour cause de confinement ? 

Mais il paraît que « ça fait plus vrai ». Et ça donne quoi ? Les auditeurs plébiscitent par exemple "La Bande originale" de Nagui, Daniel Morin et consort, consternant, affligeant, déprimant moment de "divertissement" où les animateurs éclatent sans cesse en rires mécaniques parce qu'ils sont payés pour ça, et que ça booste - paraît-il - l’Audimat. Qui nous délivrera de ces "humoristes" ? Pour moi, accepter d'entendre ça sur une chaîne publique, c'est élire domicile dans une poubelle.

b – Le tronçonnement de la durée.

Ensuite, le découpage des tranches horaires en lamelles de plus en plus minces : pas le temps de s'installer dans un sujet que c'est déjà reparti dans une autre direction. Partant du principe que l’auditeur actionne la zappette dès qu’il sent l’ennui pointer le bout de l’oreille, les manitous de la programmation semblent gagnés par une fringale d’interventions extérieures, et multiplient à plaisir des « chroniques » dont le point commun à l’arrivée est qu’on a un mal fou à reconstituer le fil et le contenu : sitôt prononcées, sitôt oubliées. Essayez donc de vous souvenir du thème et du propos précis des chroniques ainsi entendues. Il ne reste rien : un clou chasse l’autre. On a suivi, l'intérêt étant constamment "renouvelé", mais à l'arrivée, plus rien.

3 – L'instrument de propagande gouvernementale.

Le confinement de la population a donc mis en panne bien des services de Radio France, en particulier France Culture, ne laissant émerger en pointe d’iceberg que l’antenne de France Inter (je ne supporte pas France Info pour la raison indiquée ci-dessus). Mais pendant cette période bizarre, il est admirable qu'au premier rang des invités, aient figuré systématiquement (je n’ai pas fait le compte mais) des ministres, des secrétaires d’Etat, des conseillers, des députés de la majorité présidentielle, pour que l’auditeur se rende bien compte que le gouvernement faisait tout ce qui était humainement possible pour « lutter contre la pandémie ». Oui, pendant le confinement, France Inter a bien été "La Voix de son Maître". On peut dire que, grâce à France Inter, la parole officielle a été correctement relayée, copieusement retransmise, abondamment répercutée. Ce débouché offert à la propagande gouvernementale m'a écœuré.

C'est pourquoi je redis aujourd'hui : « Adieu France Inter ! ».

Voilà ce que je dis, moi.

mercredi, 11 mai 2016

UNE BLAGUE DE DANY 3/7

MARIAGE

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Tous aux abris !

La publicité débarque sur France Culture !

Voilà, c'est fait. La pub a posé l'ongle du petit orteil !

Pour le moment, c'est à 6 h 30 : les très riches (on parle de l'ISF) sont invités à penser aux paralytiques au moment de payer leurs impôts. Pour le moment, on nous épargne les sourds, les aveugles, les culs de jatte, mais jusqu'à quand ?

J'imagine qu'il attendent de voir les réactions pour y entrer le pied complet !

Moi, c'est simple, messieurs de France Culture, je vous préviens : je coupe le son.

Sur quelle terre VIERGE DE PUB faudra-t-il émigrer ?

HALTE A LA POLLUTION !!!!!!!!!!!!

jeudi, 09 avril 2015

LES AMOUREUX DU "BIEN PUBLIC"

Le bien public coûte trop cher. Le bien commun est devenu hors de prix. L’Etat n’a plus les moyens. Ce qui « faisait société » se délite de plus en plus vite. Tout ce qui fait l’existence humaine doit rapporter. Cracher du cash. A qui ? A ceux qui réclament du 12 % de rendement annuel. Faut-il les appeler des investisseurs ? Des spéculateurs ? Des requins ? Des vautours ? La réponse à toutes ces questions : privatisons. 

Je ne donnerais pas cher de la peau de Radio France. Si le petit copain et grand protégé de l'onctueux Frédéric Mitterrand, a été mis à sa tête, c’est précisément pour faire ce qui a déclenché la grève. Une grève qui a ouvert en grand les robinets musicaux sur les chaînes de la radio (publique pour combien de temps encore ?). 

La première idée de Mathieu Gallet, quand il est arrivé, était paraît-il de vendre les murs de la « Maison Ronde », pour pouvoir les louer. C’est curieux, au même moment le ministère de la Défense envisageait de vendre des matériels militaires à des investisseurs, qui seraient en quelque sorte devenus des bailleurs de l’armée française. 

L’Etat vend à tour de bras des bâtiments prestigieux pour qu’ils soient transformés en hôtels de grand luxe ou en logements somptueux. Gérard Collomb, merdelyon, a vendu l’Hôtel-Dieu avec sa façade et son dôme de Soufflot. 

D’une main, les « autorités » en charge du bien public, du « vivre ensemble » et autres vieilles lunes passées de mode, font argent de tout, bradent, bazardent, soldent, liquident, alors qu’ils posent l’autre sur leur cœur chaque fois qu’il faut lancer des incantations appelant à « refaire société », à « se rassembler ».  

Il se passe avec Radio France ce qui se passe ailleurs depuis quelques dizaines d’années : la Grande Privatisation de Tout. Les Etats défèquent du Bien Commun comme s’ils avaient la colique. L’Etat français mettra combien de temps à tirer la chasse d'eau sur France Inter, France Culture et France Musique ?

J'ai l'impression d'entendre l'ultra-libérale Fleur Pellerin, vous savez, cette fan de l'accord de libre-échange transatlantique TAFTA, murmurer : « Le plus tôt sera le mieux ».

Voilà ce que je dis, moi.

lundi, 10 novembre 2014

LES MATINS DE FRANCE CULTURE

5

 

J’ai donc tiré un trait sur la matinée de France Musique. A regret. Je n’en suis pas encore là avec la Matinale de France Culture. Heureusement. Après avoir cassé tant de sucre sur leur dos, je peux bien dire que Marc Voinchet et Brice Couturier ne sont pas encore tout à fait aussi insupportables que les deux équipes de musiqueux dont j'ai parlé. Qu'il leur arrive même de faire des parcours sans faute. Et même d'être brillants. Ce n'est pas tous les jours, mais après tout c'est normal. 

 

Que les chroniqueurs sont tous plus ou moins intéressants et pertinents. Comme de juste, ça dépend. A la notable exception irrémédiable de l’infernal curé moralisateur, prêcheur et brasseur des grands mots de l’air du temps qui donne des leçons à tout le monde du haut de son « gros doigt grondeur » pointé vers les coupables. (J'emprunte le "gros doigt grondeur" au Sarajevo Tango du dessinateur Hermann.)

 

Je parle du moderne nettoyeur d’écuries, du terrifiant khmer rouge, de ce Saint-Just (Savonarole ? Jochanaan ? On a l'embarras du choix) quoiqu'au petit pied, qui a nom EDWY PLENEL, qui tient en réserve force de piques pour, le jour venu, pouvoir y planter autant de têtes que voudra ce moderne Fouquier-Tinville.

 

Ce n’est pas tant le fait qu'il milite pour une République Irréprochable et qu'il dénonce la corruption des élites politiques. C'est très bien, c'est même louable, mais il le fait sur un ton, mais un ton, … pour tout dire, un ton qui rend indéfendable la cause qu'il défend. Ma parole, il se prend pour Bossuet montant en chaire pour apostropher le Roi et les puissants ! Mais n'est pas qui veut l'Aigle de Meaux, monsieur Plenel. Ne pas confondre l'ampleur de l'éloquence avec l'enflure de la suffisance. La quête morale ne justifie pas ces égarements de l'ego. 

 

Pour tout dire, il le fait dans un tel langage, avec de telles intonations, de tels accents dans la voix que ça me donne envie de corrompre ou d’être corrompu, enfin, de m'enfoncer dans la corruption avec délectation, rien que pour le contredire. Qu'on m'en donne seulement les moyens, et on verra. J’espère pour lui qu’il est vraiment intègre et que son niveau de vie correspond à ses ressources, sans ça je ne serai pas le dernier à manier le bâton (ou alors le « Ciseau à merdre et le Bâton-à-physique » du Père Ubu, j'irai même peut-être jusqu'au « supplice du petit bout de bois dans les oneilles ») à la prochaine prise de la Bastille.

 

Mais en dehors de ce sinistre personnage, les autres chroniqueurs, leurs propos, leurs prises de position, « ça dépend, si y a du vent, si y pleut … » (Fernand Raynaud, Le Fût du canon). Et puis c’est beaucoup affaire de préférences personnelles, de ses sympathies, de ses propres choix de vie, et au total cela m’amène à relativiser : si j’écoute encore les Matins de France Culture, ce n’est pas seulement parce que c’est bien pire sur les autres chaînes de radio, c’est aussi parce que je trouve ici – peu ou prou – mon compte.

 

Les invités aussi sont pour beaucoup dans le résultat final. Je persiste et je maintiens : consacrer certaines émissions à « l’invité politique » est le type de la fausse bonne idée. C’est même une exécrable caricature de bonne idée qui, comme de juste et de bien entendu,  ne saurait offrir autre chose que le son de cloche terriblement convenu et attendu émis par la personne, payée pour tenir le rôle qu’elle joue sur la scène « politique » française, comme en ont administré la preuve les derniers invités, Michel Barnier, Fleur Pellerin et Valérie Rabault. Je fais une petite exception pour Yannick Jadot, mais il n’était pas là seulement pour parler politique.

 

Non, monsieur Voinchet, vous ne leur ferez jamais avouer qu’ils ont eu tort : ils ont retenu la leçon reçue en son temps par Lionel Jospin. Il faut les comprendre : s’ils « fendent l’armure », s’ils font à votre micro preuve de sincérité ou passent aux aveux, ils savent qu’une meute aboyante et impitoyable se lancera aussitôt à leur poursuite, excitée par des piqueurs trop heureux de sonner un hallali et de les voir mis à mort politiquement. Accessoirement de faire de la place pour le gibier suivant.

 

Mettre un politicien devant ses contradictions, c’est toujours peine perdue : il vous servira, au choix, selon son talent de cuisinier et sa conviction d’homme intègre (comment en douter ?), de la langue de bois, de la dénégation, de l’argumentaire alambiqué, du raisonnement amphigourique, ou encore des chiffres qui prouvent irréfutablement qu’il a raison et qu'il n'a jamais, au grand jamais, menti.

 

Le cas des hommes politiques français pris dans leur ensemble étant désespéré, quel besoin France Culture a-t-il d’entretenir auprès de la population l’illusion qu’ils existent et agissent efficacement en procurant une tribune d’expression à ces gens minuscules qui ne maîtrisent rien d’autre (mais à merveille) que le discours bétonné qu’ils dévident et récitent complaisamment ? Ils sont tous amoureux du statu quo.

 

Pour les autres invités, j’imagine que dénicher des gens très au fait d’une situation, très compétents dans leur domaine et qui sachent à peu près se tenir devant un micro n’est pas une mission des plus facile. Parmi les plus récents, on ne peut nier ces qualités à Yves Coppens, bien qu’il n’ait plus grand-chose de foncièrement nouveau à apporter depuis son formidable Pré-ambules : les premiers pas de l’homme. Mais il a atteint un âge vénérable et mérite le respect. Et toujours le ramener à la découverte de Lucy (si possible in the sky), franchement, ça fait rengaine.

 

Je ne vais pas m’amuser à établir un tableau d’honneur, puis un tableau d’horreur, ce serait ajouter un palmarès personnel aux déjà trop nombreux qui paraissent pour satisfaire l’obsession moderne de l’évaluation et du classement (en notant au passage que c’est le moment que choisissent des « spécialistes » pour proposer d’abolir la notation à l’école : l’époque n’est pas à un paradoxe près).

 

Mais je pense au cas d’Alberto Saviano, dont j’avais lu avec intérêt et inquiétude l’excellent Gomorra. Qu’est-ce qui vous a pris, monsieur Voinchet, de l’interroger sur sa situation personnelle (cible des mafias, gardes du corps, …), alors que le sujet de son livre à lui seul méritait toute la place ? La dérive « people » et « presse à sensation » n’est pas loin.

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N’avait-il donc rien à dire de ses trouvailles sur les tenants et aboutissants des trafics de cocaïne ? Voilà qui aurait été intéressant. « Caramba ! Tout est à recommencer ! » (ou « Caramba ! Encore raté ! », au choix). Sur le même sujet, bien que plus général (l’auteur travaille sur l’économie criminelle et ses circuits financiers), je pense à Jean de Maillart, qu’il me semble au reste avoir entendu aux « Matins », il y a longtemps.

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Donner priorité à l’anecdote sur le fond, c’est d’ailleurs une tendance de l’animateur, qui focalise souvent ses questions sur la personne invitée plutôt que sur le sujet (un ouvrage récemment paru, par exemple) qui a motivé sa venue. Une autre tendance regrettable est cette manie qu’il a de ramener le propos à des formules connues, à des références au passé, à des situations, à des catégories, voire à des lieux communs, alors qu’il faudrait amener la personne à creuser ce que sa démarche et son travail apportent de vraiment nouveau. L’impression qui se dégage de cette façon de procéder est celle d’un échange superficiel : au bout du compte, on a effleuré l’essentiel. J’ajoute que ce n’est pas toujours le cas.

 

Si j'avais un souhait à formuler pour l'avenir, ce serait, monsieur Voinchet, de vous prier d'en finir avec cette impression de sprint permanent, véritable carcan communicationnel. Je ne suis pas sûr que ce soit en votre pouvoir, même si vous êtes d'accord avec moi. Mettons que je ne comprends rien aux nécessités qui commandent aux orientations d'une chaîne de service public, et n'en parlons plus.

 

Dernière observation (attristée) sur l’évolution de France Culture en général et des Matins en particulier : sauf erreur de ma part, en 2013, la « grille d’été » a été mise en place fin juillet, mais en 2014 dès la fin juin, et pour huit ou neuf semaines au lieu de cinq. Sachant que Marc Voinchet et Brice Couturier sont employés comme « Intermittents du Spectacle », j’en conclus que France Culture fait des économies budgétaire, en laissant l'ardoise à l’UNEDIC.

 

Encore bravo, le service public !

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

FIN

 

dimanche, 09 novembre 2014

LES MATINS DE FRANCE MUSIQUE

4

 

Bon, je critique, je critique, mais ça ne m’empêchera pas de continuer à écouter la « Matinale » de France Culture. De toute façon, je souffre d’une allergie si forte à l’intoxication publicitaire et au harcèlement auquel se livre, du trisaïeul à la dernière née en passant par la ribambelle des oncles, tantes et cousins, toute la famille proliférante de l' « Entertainment » qui répand ses ravages dans toute la sphère médiatique en général et dans les chaînes de radio en particulier (même France Inter), qu’en comparaison, France Culture fait figure d’oasis d’intelligence raffinée dans le désert de la vulgarité commerçante et bourreuse de crâne. Je tiens d'autres comparaisons tout aussi flatteuses à la disposition des maîtres de la chaîne.

 

Je regrette tout au plus de constater que le prurit du saucissonnage des tranches horaires a gagné d’autres chaînes. Du coup, tout le monde est pris des mêmes démangeaisons : « Est-ce que ça vous chatouille ? Ou bien est-ce que ça vous gratouille ? ». Prenez France Musique entre 8 et 12 heures, qu’est-ce qu’on entend ? On a regroupé dans ce créneau (un morceau de roi, que dis-je, un pavé) deux émissions précédentes : l'une, sur une heure et demie ou deux, de 7 à 9, s'occupait de l'actualité des spectacles de musique ; l'autre, en fin d'après-midi, traitait de l'actualité du disque. On en a fait un parallélépipède compact : quatre heures. Sans doute pour écraser le matin entier d'un seul coup. Un pousse-au-crime, je veux dire une invitation à zapper, et même à couper l'antenne. Ou alors à passer l'aspirateur, pour couvrir.

 

De 8 à 10, un couple très accueillant, très gentil, très gai, très convivial – appelons-les Vincent et Nicolas – se renvoie la baballe, interrogeant Untel ou Unetel, passant du coq à l’âne, puis d’un extrait du Trouvère au dernier rap d’Akhenaton, du chant de la Renaissance au jazz, de Beethoven à Sylvie Vartan. La pop music, la « musique contemporaine » et les « musiques ethniques » ne sont pas oubliées.

 

J’exagère à peine (cherchez l’intruse, et encore, je ne suis pas sûr). « Il en faut pour tous les goûts, monsieur ». Paraît-il. Je réponds que c'est de la pêche au filet à mailles fines, vous savez, celui qui attrape absolument tout, jusqu'aux alevins, quitte à jeter ensuite par-dessus bord l'auditeur qui ne fait pas la maille ou qui appartient à une espèce immangeable.

 

Toujours cette obsession d'ouvrir la chaîne, de conquérir de nouveaux publics, d'accroître l'audience. Sur la base de ce raisonnement infernal : « Celui qui renonce à croître et embellir est condamné à dépérir ». Il faut changer, et on nous l'a seriné : le changement, c'est maintenant. Vivons heureux en attendant la mort, répondait Pierre Desproges. Définitif comme un absolu moral.

 

En fait, il s’agit simplement d’une émission conçue et organisée pour faire la promotion des gens qui font de la musique. Quelle musique ? Toutes les musiques. Quels gens ? Toutes les sortes, je vous jure. Cela fait très bien dans un cahier des charges : pas d'exclusive, on est tolérant, on est très ouverts à tout.

 

Traduire : surtout ne pas choisir, car choisir c'est éliminer, or éliminer c'est juger, or il est interdit de juger, donc on prend tout, sans discrimination – en profanant, sous le coup d’un arrêt pris par les autorités de la novlangue, sans doute sans le savoir, en prostituant le magnifique vocable de « discrimination » aux origines si nobles, et si exact dans son vrai champ d'application : renoncer à discriminer, c'est, au sens propre, perdre le jugement. Mais l'esprit s'est désormais égaré, il bat la campagne. On appelle ça « l'ouverture à tout prix ». On a même ouvert les asiles de fous, c'est vous dire. 

 

On prend tout. Aussi excellent dans un budget prévisionnel que de citer les nanotechnologies dans un dossier en vue d'un financement, quand on est un laboratoire de pointe en quête de subsides pour la recherche (argument décisif par les temps qui courent). Quoi qu’il en soit, attendez-vous à deux heures entièrement coupées en tranches minces, napolitaines. Le principe de fabrication de la pâte feuilletée, sauf que là, les couches, étant incompatibles, ne se mélangeront pas et continueront à vivre chacune dans son ghetto. La mayonnaise fout le camp en vinaigrette.

 

Là encore je citerai la chanson Embrasse-les tous de Georges Brassens : « Cœur d'artichaut, tu donnes une feuille à tout le monde ». Un communautarisme sourcilleux a contaminé France Musique, dans la joie et la gaieté. La recette ? La même que celle qu'appliquent les « DJ » : le « sampling », ou échantillonnage. Vous savez, ça consiste à couper, coller, couper, coller, couper, coller, ... Appelons-ça de la création, et passez muscade.

 

L'invité (l'autre jour le dessinateur Cabu) est même sommé de la boucler pour écouter un intermède musical en direct (le même jour, un guitariste). Cabu est bien gentil de se taire pour écouter une musique dont il n'a strictement rien à cirer. Lui, son truc, c'est Cab Calloway et Charles Trénet. Tiens, demandez-lui de chanter Mam'zelle Clio, la prochaine fois que vous le verrez : « Mam'zelle Clio, Mam'zelle Clio, La première fois, je me rappelle, C'était chez des amis idiots ». Trénet, c'est aussi ma longueur d'onde (entre autres).

 

Mais j'ajoute que nous aussi, auditeurs, nous sommes bien gentils d'écouter des musiques dont nous n'avons rien à faire. - Vous manquez à l'exigence de tolérance, monsieur. - Eh bien tant pis ! J'appuierai sur le bouton pour éteindre votre radio, et vous n'en saurez rien.

 

De 10 à 12, changement d'équipe, mais topo identique, sauf que là, c’est moins la promotion des acteurs vivants de la scène musicale que la publicité pour les traces matérielles et sonores qu’ils laissent ou ont laissées dans l’histoire de la reproduction musicale. En clair : on promotionne le disque. On est payé pour ça : on croule sous les envois des maisons de disques, et toutes attendent au moins une petite fenêtre publicitaire pour leurs produits chéris.

 

C’est vrai qu’il y a du choix, je veux dire que le couple là encore très accueillant, très gai, etc... qui mène l’embarcation – appelons-les Emilie et Rodolphe (que Denisa Kerchova appelait "rudolfino", ce qui n'avait pas l'air de lui plaire) – s’efforce de faire partager les goûts très éclectiques de l’un ajoutés aux goûts très éclectiques de l’autre, le tout additionné de ce que la maison reçoit des labels de production. Moralité : il y en a pour tous les éclectismes : du plus contemporain au plus préhistorique. Plus éclectique, tu meurs !

 

Le mot d'ordre impérial, impérieux et impératif, c'est : « Gloire au Multicul ! Tout pour le Multicul ».  J’exagère à peine : « multi » devant « culture », c'est aussi impressionnant pour les donneurs d'ordre et les accordeurs de budget que « nano » devant « technologie ». Nous sommes enjoints (par qui ?) de favoriser l'avènement de la « Société multiculturelle ».

 

Or il n'y a pas plus multiculturel que moi. Simplement, ça me dégoûte quand ce qui devrait se contenter de rester un simple fait observable, tout juste un effet découlant d'une longue pratique, devient un Commandement dans de nouvelles Tables de la Loi. Quand ce qui aurait dû rester une modeste, une humble conséquence découlant de certains choix d'existence est statufié pour être élevé sur le piédestal majestueux des Buts, des Fins et des Conditions sine qua non (expression qu'il faut écrire "sinéquanone" pour faire moderne). Quand l'effet se divinise en Principe et en Exigence.

 

Bref, entre la promotion des personnes (8-10) qui font la « musique vivante » et la promotion des disques (10-12) sûrement mémorables qui viennent de paraître, sachez que désormais, sur France Musique, pas moyen d’échapper à la publicité, à l’interview complaisante, à l’émerveillement dévotieux et à toutes les manifestations possibles d’admiration fervente. Un petit sucre cependant dans l'acidité de cette remarque : Munéra et Bruneau-Boulmier ne se gênent pas pour aligner les disques, chefs d'orchestre ou solistes dont la tête ne leur revient pas. Il faut dire qu'il ne les ont pas en direct, et ça, ça facilité peut-être.

 

Qu’on se le dise : les Matins de France Musique sont une succursale de Publicis, Havas et Séguéla (l'auteur inénarrable mais révélateur comme un aveu de classe de : « Quand on n'a pas de Rolex à cinquante ans .... ») et compagnie.

 

On pourrait dire aussi que France Musique le matin, c’est l’équivalent radiophonique de « Télé-Achat ». Il faut vendre. Quels terribles temps nous vivons !

 

J’ai tiré un trait sur France Musique le matin.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

samedi, 08 novembre 2014

LES MATINS DE FRANCE CULTURE

UNE PENSÉE POUR CHRISTINE GOÉMÉ

 

3

 

Je garde en mémoire les noms d’Henri Laurens, de Mireille Delmas-Marty, d’Yves Lacoste, d’autres. Le premier, hélas invité parmi d’autres, avait malgré tout eu un peu de temps pour expliquer que le Proche-Orient est un problème désespérément insoluble (multiplicité des intérêts divergents ou incompatibles, renversements d'alliances extraordinaires, calculs politiques, ...). Mais je connaissais un peu ses travaux, irréfutables et d'une précision diabolique. La seconde avait évoqué les entorses faites aux principes démocratiques sous prétexte de sécurité.

 

Le dernier avait éclairé (entre autres) les différences des tracés frontaliers effectués respectivement sur les cartes par les officiers de l’infanterie et ceux de la marine. Eclairage très drôle, quoique peu à l'avantage des premiers, davantage portés  (paraît-il) sur l'abus de la ligne droite. Les gens qui ont quelque chose d’intéressant à dire – ceux qui connaissent à fond une question, pas les habitués des micros et des caméras – ont besoin de la durée, de la continuité, bref, d’une température pas trop élevée de l’atmosphère.

 

Mais avant la "Matinale" (ancienne manière), j’écoutais aussi avidement l’émission qui précédait (je suis un « lève-très-tôt »). Mais c’était avant l’intrusion dans mes petits matins de « Un autre jour est possible », piloté par le multiculturaliste Tewfik Hakem, émission de divertissement et de promotion de l’actualité culturelle, s’efforçant consciencieusement de coller à l'événement en train de se produire, en vendant tout ce qui se fait de mieux en termes de modernité esthétique et sociétale.

 

Cette émission lente et posée, supplantée par l'air du temps, s’appelait « Eloge du savoir ». Elle était produite par une dame sûrement un peu ennuyeuse, qui a pour nom Christine Goémé, mais qui savait s’abreuver (et abreuver l’auditeur dans la foulée) aux plus hautes sources. Son émission était absolument formidable, partagée entre des cours au Collège de France et des conférences de haut niveau données dans le cadre d’ « Université de tous les savoirs ».

 

Je perdrais sans doute mon temps à expliquer tout ce que j’ai ainsi appris dans cette tranche horaire de 6h – 7h (eh oui, c’est aux aurores, mais c’est justement ça qui me convient), sur des sujets aussi divers que le recrutement des Janissaires à l’époque de l’Empire Ottoman triomphant, les origines composites de bien des récits de l'Ancien Testament, les religions indo-iraniennes, le contexte de civilisation européenne dans lequel a pu prospérer un mythe comme celui de Perceval, combien d’autres ? … Cette émission suait par tous les pores le miel délectable et embaumé de la Haute Culture.

 

L’agression a commencé avec la déprogrammation de l’émission, l'exil à 0h, et son remplacement par le nommé Tewfik Hakem et sa tambouille culturalo-moderne de « promotion » de l’air du temps, ce qui s’appelle, pour le coup, « sauter sur l’actualité » (comme la Légion Etrangère sur Kolwesi). Sans compter la demi-heure de bonus accordée à la « Matinale » de Marc Voinchet, sans doute pour favoriser une émission qui « dopait l’audience ».

 

J’ai bien été obligé de faire mon deuil et de me les accrocher en bandoulière (je parle des cours du Collège de France, qu’alliez-vous penser ?). Exit Christine Goémé, exit L’Eloge du savoir, précipités « Dans l’grand trou noir d’ousse qu’on n’revient jamais » (Chanson du décervelage, on la trouve dans toute bonne Bible de la 'Pataphysique).

 

On me dira que je n’ai qu’à veiller ou à me brancher sur franceculture.fr pour écouter ? Et puis quoi encore ? Cette placardisation brutale de la culture sur France Culture, sans doute pour crime d’ « élitisme », m’avait déjà semblé de mauvais augure. Le râteau à ratisser large, cela s’appelle un attrape-tout. Pour trouver, c'est facile, vous ne pouvez pas vous tromper : c’est juste avant le grand n’importe quoi.

 

C’est aussi quand France Culture, sous prétexte de « s’adapter à la modernité », de « suivre le mouvement de la société », commence à sacrifier la culture.

 

Encore un bel exemple de « Négation de soi » (voir quelques billets précédents).

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

Note : j'entends dire que madame Christine Goémé ne va pas bien. Une pensée pour elle. 

jeudi, 06 novembre 2014

LES MATINS DE FRANCE CULTURE

FRANZ KULTUR EXISTE, JE L’AI RENCONTRÉ

 

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C’est vraiment devenu quelque chose de pas grand-chose, « Les Matins de France Culture ». Et moi qui m’y étais réfugié pour fuir certaines dérives de France Inter qui, en dehors de quelques îlots où la survie est encore possible, rendent trop souvent la chaîne inécoutable ! Je ne parle même pas de RTL, Europe 1, RMC et tutti quanti, dont les avenues si fréquentées sont jonchées de tant de légions de cadavres publicitaires que la simple odeur putride de leur écoute est depuis longtemps insoutenable et rédhibitoire.

 

Depuis que les décideurs ont décidé d’ « ouvrir la chaîne » (sans doute jugée trop « élitiste » par quelque instance suprême, alors que moi, qui ne fais pas partie de l’élite, je la trouvais de loin la plus « écoutable ») et d’ « accroître son audience », je ne sais plus où fourrer mon oreille le matin pour trouver quelques échos du monde qui ne soient pas dictés par l’urgence de l’actualité, les derniers rebondissements intervenus dans tous les feuilletons guerriers qu'elle tourne en permanence ou les exigences de l’audimat. Les échos du monde, je les apprécie quand la vague de l'urgence s'est retirée, quand la mousse de l'écume s'est évanouie, quand on peut enfin commencer à essayer de comprendre ce qui s'est passé.

 

J’exagère, je sais. Et ce n'est pas fini, peut-être que c’est devenu une habitude. Mais il fut un temps, peut-être pas si ancien, où l’auditeur avait le temps de prendre son temps : celui d’écouter un(e) invité(e), très souvent remarquable, qui venait pour éclairer, approfondir, développer. Longuement.

 

Maintenant, il faut paraît-il faire comme Jean-Luc Delarue qui animait jadis l’émission télé « Ça se discute », et qui invitait sur son plateau, par exemple, un juif et un nazi. L’esprit de ce genre d’émission est très simple : il faut que ça castagne, que ça cogne, que ça saigne. Sur la base du raisonnement primaire « Les gens veulent du spectacle, on va leur en donner ». Avec (qui sait ?) en ligne de mire l’audimat et les flots de pubs et d’argent qui vont avec. Résultat, mon copain Franz Kultur a l’haleine chargée. J'exagère, je sais. Je sais surtout que c'est pire ailleurs.

 

Du temps de Nicolas Demorand, d’Ali Baddou (déjà parfois agaçants de frénésie) et même, si je me souviens bien, de Marc Voinchet à ses débuts, on était à l’abri de ce canardage en règle, soigneusement programmé. Il n’en est plus de même. Voilà que France Culture se met à courir après l’audimat. Et sa « Matinale » à partir dans tous les sens : l’invité est désormais au nombre minimum de deux, souvent davantage. Tu comprends, coco, il faut proposer à l’auditeur la pluralité des points de vue.  

 

Mais pour le coup je le dis tout net à monsieur Poivre d’Arvor (Olivier), directeur : « Ça se discute, monsieur ! ». Il ne faudrait pas confondre l'étendue et la profondeur. Le pilote de l'émission a choisi l'étendue. Je préfère la profondeur, au motif (arithmétique) que plus c'est étendu, moins c'est profond. C'est comme la confiture culturelle : moins c'est épais, plus il faut l'étaler. Sans compter qu'inviter un « spécialiste » en le flanquant de plusieurs autres pourrait à bon droit être considéré par lui comme une marque de défiance et/ou de manque de considération.

 

Et puis, monsieur, pourquoi faut-il à tout prix « élargir l'audience »  : « Chers auditeurs [Tewfik Hakem l'autre matin, tout fiérot], merci d'être de plus en plus nombreux à nous écouter et à nous podcaster » ? Mais qu'est-ce que ça peut me faire, l'audience, si je trouve mon compte à entendre ce que j'entends ? On dirait que le gars est payé au rendement, ma parole. Intéressé au résultat, peut-être ?

 

En dehors d’exceptions notables (le juge Marc Trévidic un de ces derniers matins, et encore, le secret des enquêtes lui mettait un bœuf sur la langue), l’auditeur est privé de sa sonate du matin, pour se voir forcé d’ingurgiter un pâté sym-caco-phonique orchestré par un descendant de Bruckner ou de Boulez, qui n’a d’équivalent comestible que le kouign-amann breton ou le christmas pudding grand-breton, dont il est bien connu qu'il faut l'attaquer au burin. Il faut en effet se farcir … se farcir quoi, au fait ?

 

Dans le meilleur des cas, ça passe. Prenez lundi 3 novembre, deux fins connaisseurs du Burkina Faso, un militaire-ancien-ambassadeur à « Ouaga » (la capitale, à ne pas confondre avec « Bobo » (Bobodioulasso), dont les habitants, c’est bien connu, sont les « Bobolais ») et un anthropologue très au fait des tenants et des aboutissants de la situation : un régal, parce qu'à la fin, vous avez saisi au moins quelques fils de l’embrouillamini dans lequel la France a fourré les doigts (Blaise Compaoré grand ami de la France !).

 

Prenez maintenant mercredi 5, avec trois intervenants. Très intéressant, l'essentiel a été dit, je crois, sur ce qui bloque au barrage de Sivens. Cette fois, ce sont les deux animateurs qui, sous couleur de jouer les « avocats du diable » et de ne pas laisser les invités dérouler des discours convenus, nous ont « brouillé l'écoute ». Il ne faut pas confondre "empêcher le doctrinaire de ronronner" et "concert de casseroles pendant le quatuor à cordes". Mais, à part le bouton de la radio, l'auditeur est assez démuni de moyens de les faire taire.

 

Car autant le dire : le meilleur des cas est rare. La plupart du temps, ça donne une panouille (qui peut virer à l'exécrable) dont l’animateur essaie de garder les fils conducteurs en main, mais dont l’auditeur sort frustré, exténué, furieux, pantelant. Et surtout perdant. L’animateur tâche tant bien que mal de distribuer la parole, mais je vais vous dire, ce genre de saute-moutons est le plus souvent pénible à suivre. A cause de la segmentation due à la pluralité des invités.

 

Car si vous faites le compte (20 minutes de 7h 40 à 8h + 30 de 8h 15 à 8h 45 = 50 minutes), plus vous avez invité de monde (« plus on est de fous, plus on rit »), moins chacun a le temps de s’exprimer. Il faudrait d’ailleurs minuter le temps de parole de l’animateur. Ah, l’animateur, rien qu’à l’entendre couper la parole sans peur, sans cesse et sans vergogne, qu’est-ce qu’il a besoin de s’exprimer ou de montrer qu’il a bossé son sujet ! On le prendrait parfois pour l'invité principal. Qu'est-ce qu'il cause, Marc Voinchet ! Brice Couturier, son âme damnée, est plus discret, mais il lui arrive à l'occasion d'être envahissant et même étonnamment péremptoire ou imbu de sa vérité.

 

Je suis sûr que si Voinchet s’invitait lui-même, il serait intarissable. Il serait capable de se couper la parole avant d'avoir eu le temps de se répondre. Il devrait s’inspirer du juge Roy Bean (Le Juge, un Lucky Luke, Dupuis, édition souple, p. 44) qui, lors du procès qu’il dirige contre lui-même, se tait après la question, le temps de faire le tour pour se mettre à la place de l’accusé, avant de reprendre, en refaisant le tour, la place du juge : ça repose le lecteur. En plus, ça l'amuse. On appelle ça le « rythme » (vif-lent-vif), qu'il ne faut pas confondre avec le « tempo » (la noire à 120).

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Je sais bien que vous avez l’œil sur votre sacro-saint « conducteur », mais lâchez un peu la pression, monsieur Voinchet : la vraie culture a besoin de sérénité. Cessez de donner à tous les échanges cette inutile et horripilante couleur d’urgence. Ça finit par être du harcèlement sonore. Ou alors faites comme le Parti Socialiste, l'UMP ou le Front National : changez de nom. S'agissant de France Culture, il faudrait juste supprimer le deuxième terme. J'exagère, je sais.

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Prenez exemple, monsieur Voinchet.

Voilà ce que je dis, moi.