xTaBhN

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vendredi, 22 mai 2020

QUAND MACRON CAUSE ...

... L'AUDITEUR SE MARRE.

En l'absence de France Culture pour cause de confinement, j'ai écouté France Inter, faute de mieux, comme je l'ai dit ici (20 avril). C'est une radio qui se fait un point d'honneur de rester constamment à l'écoute de ses auditeurs, et pour cela de se mettre à leur hauteur et de donner toute priorité à la satisfaction de la "demande". C'en est devenu un fléau, une nuisance, une calamité. Même la conception que la chaîne se fait de l'information se soumet à la dictature de l'audience, et hume l'actualité à hauteur de pâquerette. 

Non seulement on a droit à un "micro-trottoir" au moindre bulletin d'information (tu parles d'une information !), mais la chaîne consacre des temps d'antenne appréciables à "donner la parole" aux auditeurs ("le téléphone sonne"). J'imagine que les gens ont besoin de s'exprimer, comme les "réseaux sociaux" en donnent à tout instant une preuve écrabouillante et consternante. Ils ne se rendent pas compte que les mots qu'ils déversent dans leur téléphone coulent dans une canalisation qui débouche dans le tonneau des Danaïdes.

Bon, c'est vrai, les mots que j'imprime sur cet écran suivent sans doute le même chemin, mais moi, je ne me fais pas d'illusion : hormis dans quelques cas de prises de contact, j'ignore si quelqu'un est au bout du fil pour me donner l'impression qu'on m'écoute : au diable l'avarice. Je suis résolument infoutu d'installer un "compteur", genre Google Analytics ou Xiti. Ah oui, Tonton Georges a bien raison de dire qu' « aujourd'hui la manie de l'acte gratuit se développe » (c'est dans Concurrence déloyale).

Heureusement, France Inter pose régulièrement ses micros devant la bouche de gens importants, ceux qui ont vraiment quelque chose à nous prêcher. En l'occurrence, le 9 mai dernier autour de 12 heures 18' (c'est un "duel" entre un "progressiste" (Gilles Finkelstein) et une "réac" (Natacha Polony), arbitré par Ali Baddou), elle les a posés devant Emmanuel Macron en personne, et l'on a pu entendre, sortant de l'auguste organe oraculaire de Jupiter, les propos suivants :

« Les vrais idéalistes sont des grands pragmatiques. Quand Robinson part, il part pas avec de grandes idées de poésie ou de récit, il va dans la cale chercher ce qui va lui permettre de survivre : du fromage, du jambon, des choses très concrètes. Robinson, quand le naufrage est là, il se prend pas les mains dans la tête en essayant de faire une grande théorie du naufrage » (citation absolument textuelle ; je précise que l'expression a laissé de marbre Baddou, Finkelstein et Polony ). 

"Il se prend pas les mains dans la tête".

Merci, monsieur Macron, de m'avoir offert sur un plateau cet instant de bonne humeur sur la morne plaine où se fabrique notre quotidien : j'ai essayé de faire le geste, mais en vain. En fait, c'est une rediffusion d'une séquence déjà enregistrée, selon le principe de l' « illustration », mais ça ne change rien au fait que Macron a vraiment dit ça. Je passe sur le fait qu'une fois de plus, ce premier de la classe à qui tout a réussi se permet de faire la leçon aux Français.

MASQUES PLAGE.jpg

Photo de Sébastien Husson, vue sur Facebook.

Cela ne veut pas dire, hélas, que les Français sont assez grands pour savoir ce qu'ils doivent faire : on a trouvé, sur les plages récemment entrouvertes, des ribambelles de masques (chirurgicaux, en tissu, etc.), et on apprend que les gens s'agglutinent par grappes compactes dans les rues de Giverny, dans la rue du Mont-Saint-Michel (au fait, que devient la Mère Poulard ?), au bord du canal Saint-Martin et sur diverses étendues de sable. Il y a même eu, paraît-il, un embouteillage en forêt de Fontainebleau.

Allons, tout va bien : C'EST REPARTI.

Voilà ce que je dis, moi.

***

Le 5 mai, Mathilde Munos, à l'antenne du même France Inter entre 5 et 7h, avait sorti, peut-être au cours d'une interview, cette jolie perle : « Au déconfinement, les gens n'auront pas le droit d'aller à plus de 100 km/h de chez eux ».

jeudi, 06 novembre 2014

LES MATINS DE FRANCE CULTURE

FRANZ KULTUR EXISTE, JE L’AI RENCONTRÉ

 

1

 

C’est vraiment devenu quelque chose de pas grand-chose, « Les Matins de France Culture ». Et moi qui m’y étais réfugié pour fuir certaines dérives de France Inter qui, en dehors de quelques îlots où la survie est encore possible, rendent trop souvent la chaîne inécoutable ! Je ne parle même pas de RTL, Europe 1, RMC et tutti quanti, dont les avenues si fréquentées sont jonchées de tant de légions de cadavres publicitaires que la simple odeur putride de leur écoute est depuis longtemps insoutenable et rédhibitoire.

 

Depuis que les décideurs ont décidé d’ « ouvrir la chaîne » (sans doute jugée trop « élitiste » par quelque instance suprême, alors que moi, qui ne fais pas partie de l’élite, je la trouvais de loin la plus « écoutable ») et d’ « accroître son audience », je ne sais plus où fourrer mon oreille le matin pour trouver quelques échos du monde qui ne soient pas dictés par l’urgence de l’actualité, les derniers rebondissements intervenus dans tous les feuilletons guerriers qu'elle tourne en permanence ou les exigences de l’audimat. Les échos du monde, je les apprécie quand la vague de l'urgence s'est retirée, quand la mousse de l'écume s'est évanouie, quand on peut enfin commencer à essayer de comprendre ce qui s'est passé.

 

J’exagère, je sais. Et ce n'est pas fini, peut-être que c’est devenu une habitude. Mais il fut un temps, peut-être pas si ancien, où l’auditeur avait le temps de prendre son temps : celui d’écouter un(e) invité(e), très souvent remarquable, qui venait pour éclairer, approfondir, développer. Longuement.

 

Maintenant, il faut paraît-il faire comme Jean-Luc Delarue qui animait jadis l’émission télé « Ça se discute », et qui invitait sur son plateau, par exemple, un juif et un nazi. L’esprit de ce genre d’émission est très simple : il faut que ça castagne, que ça cogne, que ça saigne. Sur la base du raisonnement primaire « Les gens veulent du spectacle, on va leur en donner ». Avec (qui sait ?) en ligne de mire l’audimat et les flots de pubs et d’argent qui vont avec. Résultat, mon copain Franz Kultur a l’haleine chargée. J'exagère, je sais. Je sais surtout que c'est pire ailleurs.

 

Du temps de Nicolas Demorand, d’Ali Baddou (déjà parfois agaçants de frénésie) et même, si je me souviens bien, de Marc Voinchet à ses débuts, on était à l’abri de ce canardage en règle, soigneusement programmé. Il n’en est plus de même. Voilà que France Culture se met à courir après l’audimat. Et sa « Matinale » à partir dans tous les sens : l’invité est désormais au nombre minimum de deux, souvent davantage. Tu comprends, coco, il faut proposer à l’auditeur la pluralité des points de vue.  

 

Mais pour le coup je le dis tout net à monsieur Poivre d’Arvor (Olivier), directeur : « Ça se discute, monsieur ! ». Il ne faudrait pas confondre l'étendue et la profondeur. Le pilote de l'émission a choisi l'étendue. Je préfère la profondeur, au motif (arithmétique) que plus c'est étendu, moins c'est profond. C'est comme la confiture culturelle : moins c'est épais, plus il faut l'étaler. Sans compter qu'inviter un « spécialiste » en le flanquant de plusieurs autres pourrait à bon droit être considéré par lui comme une marque de défiance et/ou de manque de considération.

 

Et puis, monsieur, pourquoi faut-il à tout prix « élargir l'audience »  : « Chers auditeurs [Tewfik Hakem l'autre matin, tout fiérot], merci d'être de plus en plus nombreux à nous écouter et à nous podcaster » ? Mais qu'est-ce que ça peut me faire, l'audience, si je trouve mon compte à entendre ce que j'entends ? On dirait que le gars est payé au rendement, ma parole. Intéressé au résultat, peut-être ?

 

En dehors d’exceptions notables (le juge Marc Trévidic un de ces derniers matins, et encore, le secret des enquêtes lui mettait un bœuf sur la langue), l’auditeur est privé de sa sonate du matin, pour se voir forcé d’ingurgiter un pâté sym-caco-phonique orchestré par un descendant de Bruckner ou de Boulez, qui n’a d’équivalent comestible que le kouign-amann breton ou le christmas pudding grand-breton, dont il est bien connu qu'il faut l'attaquer au burin. Il faut en effet se farcir … se farcir quoi, au fait ?

 

Dans le meilleur des cas, ça passe. Prenez lundi 3 novembre, deux fins connaisseurs du Burkina Faso, un militaire-ancien-ambassadeur à « Ouaga » (la capitale, à ne pas confondre avec « Bobo » (Bobodioulasso), dont les habitants, c’est bien connu, sont les « Bobolais ») et un anthropologue très au fait des tenants et des aboutissants de la situation : un régal, parce qu'à la fin, vous avez saisi au moins quelques fils de l’embrouillamini dans lequel la France a fourré les doigts (Blaise Compaoré grand ami de la France !).

 

Prenez maintenant mercredi 5, avec trois intervenants. Très intéressant, l'essentiel a été dit, je crois, sur ce qui bloque au barrage de Sivens. Cette fois, ce sont les deux animateurs qui, sous couleur de jouer les « avocats du diable » et de ne pas laisser les invités dérouler des discours convenus, nous ont « brouillé l'écoute ». Il ne faut pas confondre "empêcher le doctrinaire de ronronner" et "concert de casseroles pendant le quatuor à cordes". Mais, à part le bouton de la radio, l'auditeur est assez démuni de moyens de les faire taire.

 

Car autant le dire : le meilleur des cas est rare. La plupart du temps, ça donne une panouille (qui peut virer à l'exécrable) dont l’animateur essaie de garder les fils conducteurs en main, mais dont l’auditeur sort frustré, exténué, furieux, pantelant. Et surtout perdant. L’animateur tâche tant bien que mal de distribuer la parole, mais je vais vous dire, ce genre de saute-moutons est le plus souvent pénible à suivre. A cause de la segmentation due à la pluralité des invités.

 

Car si vous faites le compte (20 minutes de 7h 40 à 8h + 30 de 8h 15 à 8h 45 = 50 minutes), plus vous avez invité de monde (« plus on est de fous, plus on rit »), moins chacun a le temps de s’exprimer. Il faudrait d’ailleurs minuter le temps de parole de l’animateur. Ah, l’animateur, rien qu’à l’entendre couper la parole sans peur, sans cesse et sans vergogne, qu’est-ce qu’il a besoin de s’exprimer ou de montrer qu’il a bossé son sujet ! On le prendrait parfois pour l'invité principal. Qu'est-ce qu'il cause, Marc Voinchet ! Brice Couturier, son âme damnée, est plus discret, mais il lui arrive à l'occasion d'être envahissant et même étonnamment péremptoire ou imbu de sa vérité.

 

Je suis sûr que si Voinchet s’invitait lui-même, il serait intarissable. Il serait capable de se couper la parole avant d'avoir eu le temps de se répondre. Il devrait s’inspirer du juge Roy Bean (Le Juge, un Lucky Luke, Dupuis, édition souple, p. 44) qui, lors du procès qu’il dirige contre lui-même, se tait après la question, le temps de faire le tour pour se mettre à la place de l’accusé, avant de reprendre, en refaisant le tour, la place du juge : ça repose le lecteur. En plus, ça l'amuse. On appelle ça le « rythme » (vif-lent-vif), qu'il ne faut pas confondre avec le « tempo » (la noire à 120).

LE JUGE 1 PROCES.jpg

Je sais bien que vous avez l’œil sur votre sacro-saint « conducteur », mais lâchez un peu la pression, monsieur Voinchet : la vraie culture a besoin de sérénité. Cessez de donner à tous les échanges cette inutile et horripilante couleur d’urgence. Ça finit par être du harcèlement sonore. Ou alors faites comme le Parti Socialiste, l'UMP ou le Front National : changez de nom. S'agissant de France Culture, il faudrait juste supprimer le deuxième terme. J'exagère, je sais.

LE JUGE 3.jpg

Prenez exemple, monsieur Voinchet.

Voilà ce que je dis, moi.