mercredi, 23 décembre 2015
ÉDUCATION : LE PROGRÈS FAIT RAGE !
Allons, tout va de mieux en mieux en France.
Cette fois, ça se passe dans l’Education Nationale.
Tout le monde s’était gaussé, il y a quelque temps, du baragouin pédagogiste qui faisait du ballon un « référentiel bondissant », de la piscine un « milieu aquatique profond standardisé », du badminton une « activité duelle de débat médiée par un volant », du kayak une « activité de déplacement d'un support flottant sur un fluide » et des parents d’élèves des « géniteurs d’apprenants », même si cette dernière formule apparaît davantage comme une blague, caustique mais parfaitement ajustée, de Régis Debray.
Mais le Progrès ne saurait s’arrêter en si bon chemin. On en trouve un exemple probant dans le billet d’Offshore (cliquer colonne droite : "blogs à visiter") du 19 décembre. Son auteur a lu une chronique de Jean-Paul Brighelli dans Le Point, qui évoque certains effets de la dernière réforme des collèges éructée par madame Belkacem et sa cohorte de crânes d’œuf sur les pratiques des enseignants. Ce n'est pas une raison pour acheter Le Point.
Quant à Brighelli, je n'avais pas été épastrouillé par sa Fabrique du crétin, malgré la justesse de l'analyse. Au motif que tout ce que les praticiens du métier d'enseignant peuvent dire, leurs paroles sont inopérantes, impondérables, et à jamais vaines. La machine avance, mue par on ne sait trop quel carburant. Le "bon sens" a beau s'insurger aussitôt qu'on entreprend de l'éviscérer, la machine avance.
La « réforme » en question a inventé des EPI (Enseignements Pratiques Interdisciplinaires) qui visent à abattre les cloisons qui compartimentent abusivement les disciplines et les empêchent de "communiquer". Il ne pourra plus en être ainsi, grâces soient rendues aux innovateurs de la pédagogie.
Voici ce qu’écrit Philippe Nauher (une variante de Erehwon ?) dans Offshore :
« Ainsi évoque-t-il la mise en place des EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires). Et de nous dégoter un bijou de transversalité proposé le 10 novembre dernier par un énergumène de l'académie de Lyon, afin de lier littérature et SVT. Voici l'intitulé :
"Madame Bovary mangeait-elle équilibré ? Vous analyserez le menu proposé à son mariage, en expliquant en quoi ce sommet de la gastronomie normande ne satisfait pas les exigences d'une alimentation saine et respectueuse de l'environnement" ».
"Madame Bovary mangeait-elle équilibré ?" Il fallait oser. J'invite le lecteur à découvrir dans Offshore quelques sujets "interdisciplinaires" gratinés improvisés vite fait sur le gaz par l'auteur.
On me dira ce qu'on veut, voilà du sérieux dans les nouvelles façons d'aborder (d'exécuter) la littérature. Ça intimide. De quoi clouer le bec à tous les ennemis de l’innovation pédagogique !
Attention, Najat, j'arrive. Accroche-toi au pinceau, j’enlève l’échelle !
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : france, politique, société, éducation nationale, najat valaud belkacem, jean-paul brighelli, la fabrique du crétin, revue le point, flaubert, madame bovary, jargon pédagogique, parti socialiste, françois hollande, manuel valls
mardi, 22 décembre 2015
FRANCE : UN FOSSILE POLITIQUE (fin)
3
J’ai suggéré récemment quelques moyens à même d’enrayer la machine à fossiliser la vie politique en France, qui marche à plein régime. Cela doit être possible, après tout. C’est-à-dire casser la mécanique de sélection des élites politiques, rien de moins. Pour cela, en tout premier, en finir totalement avec le cumul des mandats, qui permet à monsieur Gérard Collomb de vivre plus que confortablement : sénateur, merdelyon et président de la Commission permanente de la Métropole (je n'ai pas cherché s'il exploitait d'autres gisements : je trouve que ce n'est déjà pas mal).
Où l’on apprend que les journées de monsieur Gérard Collomb durent soixante-douze heures : comment en effet être 100% maire, 100% sénateur et 100% président, si elles n’en ont que vingt-quatre ? Tout le monde n'est pas footballeur, pour déclarer avant le "match décisif" (ils le sont tous), que l'équipe est prête "à 300%". Mais monsieur Collomb est peut-être la réincarnation de la Sainte Trinité qui, à elle toute seule, abattait de la besogne pour trois ? Même s'il pratique l'externalisation des services en sous-traitant à d'obligeants sous-fifres, il fait très fort.
Mais obliger le maire à être à 100% le maire de sa ville, ça ne suffit pas : il ne faut pas qu’il le soit « à vie ». Des types comme Roland Nungesser, maire de Nogent-sur-Marne pendant trente-six ans, quoi qu’on puisse dire au sujet de son honnêteté supposée, ne peut pas être resté dans son fauteuil aussi longtemps sans avoir, avec le temps, trouvé le moyen de durer en achetant les voix, les consciences, les gens : la durée fait la clientèle.
Car en politique, ceux qui durent le plus longtemps (les plus "belles" carrières) sont les plus malins, ceux qui se sont constitué la plus grosse clientèle. Le remède ? Interdire d’exercer plus de deux mandats dans sa vie. Insuffler dans l'opinion publique l'idée que voir toujours les mêmes bonshommes, ce n'est pas normal. Établir un roulement des élus en rendant son mouvement vif à la circulation du sang civique dans toutes les artères, veines, veinules et artérioles du pays. Le sang politique de la France est resté figé trop longtemps. L'embolie guette. L'embolie vote Front National.
Établir une bonne fois que la politique n’est ni un métier ni une carrière, et que la seule profession qu’exerce un citoyen est celle qui assure une fonction économique dans la société civile. Vous auriez l’air de quoi, si, à la question : « Qu’est-ce que vous faites de beau dans la vie ? », il vous fallait répondre : « Politicien » ? Ridicule ! Relisez l’histoire de Cincinnatus, messieurs les politiciens, et prenez-en de la graine ! Et retournez à votre premier métier une fois achevés vos deux mandats, comme Cincinnatus à sa charrue.
Soit dit en passant, si autant de députés sont si souvent absents, c’est d’une part qu’à 577, ils sont beaucoup trop nombreux, et d’autre part que le boulot est beaucoup moins prenant que ce qu’on nous fait croire (ça met à combien l'heure de présence parlementaire physique ?). Le Parlement, tout compris, ça me coûte combien, sur une année ? Pourquoi ne subirait-il pas, à son tour, des restrictions budgétaires ? Tiens, chiche, on appellerait ça « moraliser » la vie politique. Voilà une idée qu'elle est bonne !
De toute évidence, il faut limiter : un seul mandat à la fois, deux mandats dans une vie, puis retour à la vie civile, où l'existence aura commencé par la recherche d'un gagne-pain capable de servir de base de repli. Une Révolution ! C'est ce que certains peuples africains tentent d'obtenir : N'Kurunziza, Sassou Nguesso, Kagamé, Museveni, Mugabe, ... ils les ont assez vus. Pourquoi pas chez nous ?
Ça ne vous semble pas incroyable que la plupart de ces gens que des journalistes obligeants invitent à "causer dans le poste" soient toujours les plus "connus" ? Souvent les plus anciens ? Mais coco, comprends : c'est bon pour l'audimat. Ah, le pied, élire enfin des inconnus : quelle est donc cette paresse qui nous fait toujours mettre la même roue dans la même ornière ? Nos hommes politiques sont des ornières. Ne pas savoir pour qui on vote, qu'est-ce que ça changerait, franchement ? Quelle est donc cette - après tout - indifférence qui fait préférer le (croit-on) connu ? Elus soient les inconnus !
Donc, inciter de nouvelles têtes à solliciter des responsabilités temporaires dans la collectivité, et non plus cirer indéfiniment les pompes à de petits potentats qui ont acquis une mentalité de propriétaires à force d’exercer un pouvoir, fût-il local, pour avoir fait de l’électorat une clientèle fidélisée (il a "bétonné" sa position). Il y a fort à parier que c’est exactement à quoi sert la « Réserve Parlementaire » : qu’est-ce que vous croyez qu’ils en font, les députés, des 80 millions d’euros qu'ils se sont vu attribuer à ce titre en 2014 ? Réponse : les petits cadeaux entretiennent l’amitié. Ce que les « accros » du cumul des mandats métaphorisent du doux nom d’ « ancrage local ».
A cet égard, le pire est à craindre de la façon dont a été menée la réforme territoriale qui a constitué les nouvelles « Grandes Régions » : le grand n’importe quoi. Une France divisée en grandes baronnies. Priorité est donnée au clientélisme (dont le népotisme n’est jamais bien loin : vous savez, l’étape juste avant la corruption à cœur). Remarquez, qui nous dit que la population française, dans l'état moral et intellectuel où elle se trouve, n'attend pas d'être achetée, finalement ?
Un autre et puissant remède à l'éruption programmée du Front National serait que les hommes politiques se donnent les moyens de peser sur le cours de choses. Car l'impression qui domine de la façon la plus claire, avec celle que « rien ne change parce que rien n'est fait », c'est celle de l'impuissance de tous ces gens qui s'agitent dans les médias pour parler une langue en chêne massif (cette incapacité massive à nommer drument les choses !). Que peuvent-ils faire, tous ces élus professionnels, pour prouver qu'ils peuvent quelque chose contre les problèmes qui surgissent ? Pour prouver qu'ils peuvent modeler la réalité ? Que peuvent-ils faire, par exemple, pour faire revenir l'emploi productif (s'il y en a) en France, pour le donner à ceux qui cherchent du travail ? Trop difficile sans doute.
Au passage, il faudrait penser aussi à faire disparaître du paysage politique un certain nombre de fromages nationaux, qui ne servent qu’à distribuer des lots de consolation à des recalés du suffrage universel ou à récompenser des serviteurs zélés qui ont bien mérité de leur suzerain mais qui ont cessé de plaire ou de servir.
Par exemple, connaît-on suffisamment la sinécure que représente un siège au Conseil Economique et Social ? Un jour et demi par semaine de présence sur les lieux pour 3000€ par mois. Et ils sont 234 ! Pour rendre des avis consultatifs (traduction : "direction la poubelle") ! Et l’on se demande de quel mal mystérieux la France est atteinte ! Qui fera le ménage dans la haute fonction publique ? Dans les « Commissions » ? Dans les « Observatoires » ? Dans les « Hauts Comités » ? Dans les "attachés parlementaires" ? Dans les "conseillers ministériels" ? Combien de copains y a-t-il encore à caser ? On attend que Marine Le Pen y ajoute les siens ?
Accessoirement, dans les mesures à prendre, on devrait reconnaître au bulletin blanc la dignité de « suffrage exprimé ». En acceptant de les décompter à part, le Parlement n’a pas osé aller jusque-là. S’il voulait vraiment lutter contre l’abstention, le « blanc-suffrage-exprimé » aurait été voté depuis longtemps. Je prends le pari que si les députés se résignent à prendre la décision, on verra le chiffre des abstentionnistes devenir aussitôt aussi raplapla que le "plug anal" de McCarthy place Vendôme. Il m’étonnerait cependant beaucoup que ces êtres pusillanimes prennent le risque : imaginez un moment qu'aucun candidat n'obtienne autant de voix que les « blancs » ! Ça la foutrait mal ! C’est sans doute cette hypothèse qui a retenu leur main.
On peut compter sur eux pour ne toucher à rien, pour perpétuer le statu quo, pour préserver les branches sur lesquelles ils sont assis, même si l’arbre perd ses feuilles et que ses racines ont le plus grand mal à trouver dans le sol où il est planté les substances nourrissantes qui l’empêcheraient de crever. "Après nous le déluge", voilà leur seul credo.
Reste la colère. Reste la haine à l'égard de la caste des politiciens. Le vœu le plus cher du Front National. Le cadavre dont se nourrit goulûment ce parti nécrophage. Comment peut-on se résoudre à voter pour la Mort ? Moi, en tout cas, je ne peux pas.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : france, politique, société, lyon, gérard collomb, cumul des mandats, lyon métropole, roland nungesser, nogent-sur-marne, front national, extrême droite, cincinnatus, chambre des députés, n'kurunziza, sassou nguesso, paul kagamé, népotisme, clientélisme, conseil économique et social, suffrage universel, élection présidentielle, bulletin blanc suffrage exprimé, paul mccarthy plug anal place vendôme
lundi, 21 décembre 2015
FRANCE : UN FOSSILE POLITIQUE
Préambule d'actualité
Le Grand retour de Nanard (ou : Nanard fait son cinéma)
Symptôme du grand délabrement de la vie politique française : Bernard Tapie fait annoncer son retour en politique. Les éditorialistes sont effondrés ce matin, et s'apitoient sur la panouille médiatique dans laquelle Tapie fait mine de revenir patauger. Entonnons avec Orgon le refrain qui scande la scène 4 de l'acte I de Tartuffe : « Le pauvre homme ! ». Enfin, "pauvre", ... ce n'est pas encore fait. Certains préféreront crier, avec les Tunisiens de 2011 contre Ben Ali : « Dégage ! ».
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2
En France, pour autant qu’on soit bien informés, on n’en est pas là : juste un petit Cahuzac de temps en temps. La pourriture (sens premier de "corruption") semble périphérique. Croisons les doigts. On pourrait s’en féliciter. Malheureusement, la France souffre d’un Mal tout aussi térébrant. « Mon mal vient de plus loin », dit Phèdre dans la pièce de Racine (I,3). J’appelle ce Mal, quant à moi, la « Grande Fossilisation ». Certains commentateurs parlent d'une « vie politique congelée ». Une preuve en est fournie par le fait qu’à droite, un rival crédible de Nicolas Sarkozy dans la course à la présidentielle de 2017 a soufflé le 15 août dernier les soixante-dix bougies de son gâteau d’anniversaire. Soixante-douze ans en 2017 ! Soixante-dix-sept en 2022 (fin de mandat, s'il est élu). Comment est-ce possible ?
Tout le monde a l’air de trouver ça normal. En réalité, c’est une énormité, une incongruité, une anomalie, un scandale. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter les propos tenus à ce sujet à l’étranger, où l’on est stupéfait, par exemple, de voir qu’un Alain Juppé (c’était bien lui !) était déjà dans la politique plus de trente ans plus tôt.
MONTAGE PARU DANS AUJOURD'HUI LE PARISIEN DU 21 DÉCEMBRE 2015
Remarquez, il ne fait pas encore aussi bien que Jacques Chirac, dont la carrière politique aura duré quarante ans (1965-2005). Juppé peut encore battre un record. La France politique crève littéralement de ces records de durée. Le renouvellement du personnel politique en France s’opère sur un rythme géologique : dans un million d’années, c’est sûr, les os de Juppé auront subi la pétrification produisant un joli fossile en ordre de marche. Comme diraient Vigneault-Charlebois-Leclerc (4'45") : « Mais nous, nous serons morts, mon frère ». Et Aguigui Mouna (Dupont) ferait inlassablement reprendre en chœur le refrain : « Les-guer-riers-trou-ba-dours/-Les-guer-riers-trou-ba-dours/-Les … » (ça, c'est juste pour ceux qui l'ont connu).
Voilà : plus grave que la corruption, il s’agit là d’une confiscation pure et simple. Disons-le, depuis lurette, contrairement à ce que s'efforcent de nous faire accroire la meute des « journalistes politiques » et autres éditorialistes, il n’y a plus de vie politique en France : elle a été confisquée par une caste, on pourrait dire une mafia, moins la corruption qui va avec (tout au moins à ce qu’on sait, mais certains parleront d'une corruption structurelle, c'est-à-dire fabriquée par le système dans son ensemble). Le débat politique rampe dans le caniveau, et se réduit à des luttes pour le pouvoir. C'est le moment de faire retentir à nouveau le cri de Sade : « Français, encore un effort si vous voulez être républicains ! » (c'est dans La Philosophie dans le boudoir).
La preuve, c’est que lorsqu’un gouvernement fait mine de s'ouvrir à la « Société Civile », les pauvres sur qui ça tombe sont rapidement éjectés (Francis Mer, Léon Schwartzenberg, …) : ils ne sont pas du sérail. Je passe sur les connivences, pour ne pas dire les complicités qui se sont établies entre les élites politiques, les élites des affaires et les élites médiatiques : contentons-nous de ces mœurs proprement confiscatoires qui ont cours dans les centres de la décision politique, accaparés par une petite caste.
Y a-t-il même encore des « hommes politiques » en France ? Tous ou presque ont aujourd’hui, et depuis lurette, des têtes de premiers de la classe (regardez la gueule bien lisse de Macron). Et ces mentions "très bien" se sont tracé un « plan de carrière » : à tel âge, je suis "cadre dirigeant", et j'ai ma Rolex avant cinquante ans. Parmi eux, nul n’a plus l’accent d’un terroir quelconque (je ne parle pas de l’accent du midi). Beaucoup sortent, non pas de la société normale, mais de l’ENA ou d’une « Grande Ecole », parfois plusieurs (François Hollande).
Ces structures sont des bocaux, ils sont ignifugés, et les légumes qu'on y cultive sont mis en conserve après stérilisation. Ils ont appris à « administrer », mais ont-ils appris à « diriger » (au sens marin du verbe « barrer » : donner la direction) ? Même si on n'apprécie guère Pierre Bourdieu, ce serait le moment de faire une large publicité à La Noblesse d'Etat (Minuit, 1989), où il met en évidence l'étroite relation qui s'est établie entre vingt et une Grandes Ecoles et les cercles du pouvoir (politique, entre autres).
Dans leur immense majorité, ce ne sont pas des hommes politiques, mais des administrateurs de biens, des bureaucrates, des cadres, des gestionnaires, des comptables. Et ce sont ces régisseurs, ces fondés de pouvoir, ces managers, ces chefs de bureau et autres "maires du palais" que les Français ont l'inconscience de porter au pouvoir, élection après élection. Qui croit un mot de ce qu’ils disent, quand ils affirment « porter des convictions fortes » ?
Démunis de stratégie à moyen ou long terme, ça ne les empêche pas de marteler à longueur d'antenne : « Le Projet ! Le Projet ! Le Projet ! », en prenant bien soin de ne jamais préciser ce qu'ils mettent dedans concrètement. Diplômés de Science-Po, hommes du verbe, experts de je ne sais quoi, je veux bien l'admettre, mais en aucun cas des "hommes politiques". Ils savent un tas de choses subtiles et savantes, mais ils ignorent le principal : ce qu'il faut faire. Ceux qui ont le pouvoir n’ont pas de convictions. Et les seuls qui sont sincères n’ont aucun pouvoir.
Leurs seules convictions ? Faire preuve, avec un inentamable « sens du travail bien fait », de leur capacité à « traiter un dossier », quand il faudrait des Volontés. Ah ça, on ne peut pas leur refuser ce savoir-faire : constituer un dossier, ils savent. Pour les tactiques et les manœuvres, on peut leur faire confiance. Leur seule méthode ? La « navigation à vue ». Je devrais même dire : le cabotage, vu leur répugnance à s’éloigner des côtes : voir ce qui est « possible ». Ensuite, si ça fait de trop grosses vagues, en rabattre et se réfugier au plus vite dans la crique la plus proche. Ils n’ont pas de radar, pas de destination, pas de port d’attache.
Et puis, pas le temps d’aller mettre les mains dans le cambouis de la « Société Civile » : on ne va pas se salir les mains dans la réalité de tout le monde, ce n’est pas pour rien qu’on a été premier de la classe. Ça met à l'abri. Voilà : ils font partie de la secte "Tous aux abris". Leur parcours les a fait passer directement des tables de salles d’examen aux bureaux Second Empire. Leur expérience est d’avoir côtoyé un univers de papier, de mots et de concepts. Jeunes poissons, ils n’ont aucune envie de sortir du bocal pour partir dans des ailleurs exotiques pour respirer le grand miasme putride du monde réel. Le grand remugle fermenté dans le ventre de la complexité du monde. Le politicien ordinaire de niveau moyen, en France, aura eu l'avantage de ne jamais avoir été mis directement en présence des pestilences olfactives libérées par le sphincter anal de la réalité, elle aussi ordinaire, pourtant.
Jeunes chevaliers à peine sortis de l’Ecole, ils n’ont d’autre hâte que d’aller mettre leur épée au service d’un suzerain qui accepte de les adouber, et de leur accorder un fief en apanage, avec le titre d' « attaché parlementaire ». En échange d'une loyauté de vassal impeccable, cela va sans dire. De l’Ecole à la Chambre, sans passer par la réalité ordinaire : la porte peut alors s’ouvrir sur le bel horizon d’une « carrière politique ». Roule Raoul ! La machine à produire les fossiles politiques a de beaux jours devant elle. L'abstention est la manifestation aveuglante du dégoût sans cesse accru de la population envers ces mœurs ahurissantes. Mais qui fera parvenir ce message à leurs oreilles ? A leur cerveau ? A leur conscience ? Mais ont-ils une conscience ?
La machine à produire du Front National se dirige vers un avenir radieux.
Voilà ce que je dis, moi.
Note : suiteetfin demain.
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dimanche, 20 décembre 2015
FRANCE : UN FOSSILE POLITIQUE
1
A quoi bon revenir, une fois de plus, sur l’état de la vie politique en France ? Si ça servait à quelque chose, il y a longtemps que la situation se serait améliorée. Or les commentaires judicieux, les analyses pertinentes et les diagnostics alarmants sont tombés comme à Gravelotte, aux dernières élections. Donc, disons-le, ça ne sert à rien. Eh bien tant pis : ce n’est pas une raison pour ne pas en parler. Le constat est terrible. Beaucoup d’analystes, français ou non, le disent : le système politique français est à bout de souffle. Ce vieillard cacochyme n’aura pas la force de sortir du bourbier pour se régénérer et repartir sur de nouvelles cannes. Là, c'est le fauteuil roulant. Electrique et autodirectionnel à radar si possible.
Le symptôme de cette maladie en phase terminale s’appelle, on l’a deviné, « Front National ». J’ai bien dit : symptôme. Le Front National n’est rien d’autre que la sorte d’éruption cutanée qui signale que la personne développe une scarlatine (ou une autre selon préférence) : si l’on ne soigne pas l’organisme, nulle chance d’endiguer l'invasion de points rouges provoquée par l’éruption. Pour « combattre le Front National », il faut soigner la France. Hélas, ce qui est à craindre, dans la circonstance, c’est le « désert médical ».
Je reviens donc sur la prospérité électorale du Front National, cette incroyable prospérité qui fait lever un vent de panique sur les « partis de gouvernement » ; cette épouvantable prospérité qui fait croire au monde entier que la France est le terrain d’une atroce « montée de l’extrême-droite » (pas d'affolement quand même : 15,06% des inscrits au 2° tour, pour le "premier parti de France", ils n'ont pas intérêt à la ramener, le PS ne fait guère mieux, avec 16%). Tous les mages, Valls en tête, qui nous serinent l’antienne « Il faut combattre le Front National » ne sont que de cyniques salopards qui ne cherchent qu’à détourner l’attention de l’essentiel : il urge de soigner la France.
Mais y a-t-il seulement un (bon) médecin dans la salle ? Etant entendu que le bon médecin est celui qui pose le bon diagnostic. Je ne sais pas si j’aurais fait un bon médecin, mais là, ça crève les yeux : le Front National est un « Golem », ce mannequin de terre sur lequel le magicien trace sa formule cabalistique en hébreu (je pense évidemment au maître livre de Gustav Meyrink). Le Front National ne serait pas sorti de l’inexistence s’il n’avait pas été fabriqué de toutes pièces par le système politique dont il est la créature : comme le Golem, il fait aujourd’hui mine d’échapper à la volonté de ses créateurs.
Je le redis, le Front National est cette baudruche ridicule, dont le raisonnement et la doctrine politiques, qui tiennent à peu de choses près sur un confetti, s’apparentent fort au crachat à la gueule, mais une baudruche devenue un véritable épouvantail à la suite de tortueux calculs politiciens, mais aussi et surtout, de l’incompétence cumulée de décideurs incapables de saisir et de maîtriser les réalités du monde actuel, c’est-à-dire de résoudre les problèmes qui surgissent (faire en sorte, par exemple, que le travail ne foute pas le camp, s'il n'est pas déjà trop tard) ; d’ambitieux sans envergure qui ont vu s’ouvrir devant eux la perspective d’une carrière prometteuse ; de médiocres tâcherons avides de mordre dans le fromage national en y exerçant des pouvoirs de « petits chefs » (en attendant mieux) ; de fonctionnaires incapables d’envisager un horizon politique un peu noble, incapables de faire abstraction de la prochaine échéance électorale pour se forger le corps d’une doctrine d’action à long terme dépassant leur pauvre petite personne.
Incapables de proposer même l’embryon d’une pensée politique un peu formée, tous ces charlots pourraient figurer dans la version modernisée du très glauque et grenouillant Son Excellence Eugène Rougon (Emile Zola, faut-il préciser). Sans cette désespérante médiocrité de gens qui prouvent tous les jours qu’ils se rabattent sur les mots faute de se montrer capables de changer les choses, le Front National en serait resté aux 4 ou 6% dont devait se contenter le vieux Le Pen, avant que Mitterrand lui ouvre, pour ses propres calculs, la porte de l’ascenseur. Bref, le Front National, en plus d'être nourri par les difficultés de plus en plus insolubles auxquelles se heurte toute une population de gens ordinaires, est l'enfant difforme de la médiocrité d'un personnel politique erratique, abâtardi et fonctionnant "en bande organisée".
Ma conviction est que le Front National est la version caricaturale exacerbée des partis qu’il dénonce : un calque, un clone, une créature de l’ « établissement » que le vieux Le Pen faisait semblant de combattre. Ma conviction est que le Front National prospère sur le fumier qu’est devenue la vie politique en France, depuis, disons, Giscard d’Estaing. Ma conviction est que tous les grands dirigeants qui lui ont succédé ont rapetissé la France. Ma conviction est que, sans l’insigne insignifiance des « hommes politiques » français poussés sur le fumier politique, le Front National serait resté une crotte de bique. J’arrête là les anaphores : j’aurais trop honte de tomber dans les « Moi Président … ».
Ce n’est donc pas, j’en suis convaincu, la corruption qui mine la vie politique française. Je n’en dirais pas autant si la France s’appelait le Mexique, l’Espagne ou le Brésil. Luis Barcenas, le trésorier du PP espagnol, est au cœur d’un énorme scandale financier. Au Mexique, la collusion objective entre le monde politique, certaines forces de l’ordre et les gros bonnets et cartels du narcotrafic est telle qu’on se demande si l’on peut encore parler d’un « État ». Quant au Brésil, le scandale « Pétrobras » fait suffisamment de bruit dans nos médias pour qu’il soit utile d’insister.
Et je ne parle pas de certains pays africains, de la Russie, de la Roumanie, etc.
Voilà ce que je dis, moi.
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mardi, 15 décembre 2015
LE VINGTIÈME SIÈCLE ET LES ARTS 10/9
LE VINGTIÈME SIÈCLE ET LES ARTS :
ESSAI DE RECONSTITUTION D’UN ITINÉRAIRE PERSONNEL
(récapitulation songeuse et un peu raisonnée)
POST-SCRIPTUM
Combien de « Justes » à Sodome ?
1
Je l’ai dit : il ne faut pas mettre tout l’art du 20ème siècle dans le même sac. D’abord parce que devenir artiste, avant toute appartenance à une école, démarre sur une idée qui, à bien y regarder, est une idée folle. Une idée totalement individuelle et risquée. J’avais été frappé, à la lecture du célèbre et plus guère lu Jean-Christophe de Romain Rolland, par l’incapacité de l’écrivain à permettre au lecteur de ne serait-ce qu’approcher de loin le mystère de l’acte créateur (« l’inspiration ») au moment où il se produit.
L’auteur (qui a écrit un très gros ouvrage sur Beethoven), bien sûr, dit que Jean-Christophe, sans que ça prévienne, sent venir l’idée. Mais le fait de dire que … ne suffit pas à faire entrer le lecteur dans l’intimité du processus de création. Romain Rolland nous montre Jean-Christophe, dans la rue, se mettre à ne plus voir la réalité ordinaire parce qu'il ressent la poussée de l’idée qui vient et a des gestes et comportements un peu bizarres. Mais tout cela reste didactique. Ce gros livre échoue finalement à faire ressentir au lecteur l’expérience : il l’invite à un spectacle, dont les acteurs sont des marionnettes. On voit les ficelles et le bonhomme qui les tire. C’est en tout cas ainsi que je l’ai perçu.
C’est de la même manière que l’auditeur fait son chemin dans les musiques qui viennent sonner à ses oreilles. Il faut bien admettre que ce n’est pas facile de démêler le pourquoi du comment de la germination d’une œuvre dans son auteur. Mais il n’est pas facile non plus d’expliquer pourquoi un œil ou une oreille se met à vibrer, à résonner en phase avec ce qu’il voit ou ce qu’elle entend.
Je n'étais pas particulièrement attiré a priori par les œuvres de Marc Rothko. Pour tout dire, les reproductions que j’avais pu en voir m’évoquaient au premier abord une aridité, une gratuité peu sympathique du contenu. Pourtant, quand j’ai visité en direct la grande salle du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris (en 1999 ?) où étaient rassemblés plusieurs dizaines de ses tableaux, j’ai été surpris de percevoir, et même d’éprouver, en me plaçant par hasard à une distance donnée, une sorte de vibration qui semblait émaner de la juxtaposition de ces bandes de couleurs aux contours volontairement dilués, presque noyés. Je me suis dit, tout surpris : « Là, ça le fait ! ». Ces peintures inertes s'étaient mises, en quelque sorte, à "bouger" d'un mouvement qui leur était propre. Il se produisait là un phénomène que je ne connaissais pas et que je découvrais, encore un peu perplexe. La peinture de Rothko a cessé de m'apparaître comme le pur exercice futile et gratuit d'un caprice. Je me suis dit que cet homme était à la poursuite d'une idée : faire vibrer les couleurs.
J’ignore si c’est l’effet que l’artiste avait voulu produire : c’est ainsi que je l’ai perçu et cru comprendre. Je ne situe pas pour autant Marc Rothko parmi mes peintres préférés : je reconnais simplement avoir, à ce moment, à cet endroit, été touché. Il s’était passé quelque chose. Et c’est parce que ses tableaux avaient alors semblé s’adresser à moi comme à une personne, pour me dire vraiment quelque chose, que j’ai rangé leur auteur parmi les « Justes ».
C’est cette façon de percevoir les œuvres picturales et musicales du 20ème siècle qui a fini par me servir de critère de jugement : l’auteur me parle-t-il à moi personnellement ? Ou bien ne fait-il aucune différence entre moi et une potiche ou une plante verte ? Suis-je un être humain ou une « cible » dans un « Plan Com' » ? Est-ce que je suis pour lui un être doté d’une existence propre et de capacités raisonnables de raisonner ? Ou bien un bidasse tout juste bon à s’armer d’une brosse à dents pour nettoyer les chiottes parce que l’adjudant l’a désigné pour la corvée ?
L’auteur se présente-t-il comme un maître qui donne des leçons à un cancre, ou comme un égal qui m’offre de partager quelque chose de beau ? Son œuvre s’apparente-t-elle à ces articles abscons que d’arides revues philosophiques proposent au tout petit nombre d'un public averti de spécialistes hautement spécialisés ? Ou bien se présente-t-elle comme le repas succulent qu'un amphitryon aimable et accueillant a préparé pour un groupe d'amis bons vivants, venus passer chez lui une soirée destinée à laisser à tous un souvenir délectable ?
Jean-Sébastien Bach était peut-être une maître exigeant, austère et intraitable, mais il était assez mathématicien pour, s’il faut en croire les historiens de la musique et John Eliot Gardiner (Musique au château du ciel), cacher dans sa musique des messages et des symboles terriblement élaborés. Ecoutez pour vous en convaincre l'extraordinaire musique que trois musiciens - Emma Kirkby, Carlos Mena et Jose Miguel Moreno - ont extraite, sous le titre de Chaconne-Tombeau, de la célébrissime Chaconne de la deuxième Partita pour violon seul.
Il n'y a pas à tortiller du croupion : Jean-Sébastien Bach est un homme exceptionnel. Et pourtant, ce grand savant, cet Everest, cet homme immense, ce compositeur considérable, cet artiste prodigieux a la simplicité de se mettre à ma portée. Ma gratitude envers lui est démesurée. J'aimerais en avoir une égale à l'égard de l'un de mes contemporains. Ce n'est pas le cas. Excepté - peut-être - Olivier Messiaen. J'ajoute, avec un peu de réserve, dans un autre genre, Thelonious Monk.
Dans son langage extrêmement calculé, millimétré, Jean-Sébastien Bach s'adresse à moi en personne. Il me laisse entrevoir l'espoir que, si je le désire, je peux me hisser loin au-dessus de moi-même pour me rapprocher de ce qu'il me désigne, à la haute altitude où ça se situe. Son attitude humble et familière me rassure. Pour moi, Jean-Sébastien Bach est le parfait exemple du compositeur acceptant de se faire l'intermédiaire entre un monde qui le dépasse et un monde auquel il se donne pour tâche d'insuffler l'esprit dont il a perçu la lueur. C'est un fait : avec Jean-Sébastien Bach, j'ai l'impression de percevoir une lueur. Un espoir de salut.
A cet égard, je suis obligé de reconnaître que Beethoven, ce génie supérieur, est beaucoup moins familier. L'un dit : « Quelqu'un qui travaillerait autant que moi arriverait au même résultat », pendant que l'autre s'emporte : « Est-ce que je me soucie de vos boyaux de chat quand l'inspiration me visite ? » (s'adressant au violoniste Schuppanzigh, qui se plaint de la difficulté d'exécution de sa musique, à ce qu'on raconte). Ça fait une sacrée différence. L'un m'accueille, l'autre me terrasse.
Ce n'est pas ma faute si le 20ème siècle est plein d'artistes arrogants, bas de plafond, imbus de leur "art", coupés de ma réalité à moi et qui me prennent "de haut". Toute ressemblance avec un Mal qui toucherait le discours des hommes politiques en France aujourd'hui (voir plus haut) ne serait peut-être pas fortuite. Ce qui tue l'humanité aujourd'hui, c'est, entre autres, l'arrogance des puissants. L'indifférence impudente des Grands est délétère pour l'espèce humaine.
Quand on est un Grand Monsieur, on n'a pas besoin de le dire. Humilité des Grands. Disons-le : ce n’est pas une théorie. C'est une Morale. C’est une philosophie. L'impeccable existence d'Olivier Messiaen (indispensable biographie de Peter Hill, Fayard), même sans son œuvre, prouve que c'est possible.
Voilà ce que je dis, moi.
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jeudi, 10 décembre 2015
LE VINGTIÈME SIÈCLE ET LES ARTS 5/9
LE VINGTIÈME SIÈCLE ET LES ARTS
ESSAI DE RECONSTITUTION D’UN ITINÉRAIRE PERSONNEL
(récapitulation songeuse et un peu raisonnée)
5/9
Du siècle de la haine.
Comme dit Günther Anders, l’homme, cédant à la tentation de l’ « ὕϐρις » (hubris = démesure) contenue dans la maîtrise de moyens techniques toujours plus puissants, a fini par fabriquer un monde dont il a perdu la maîtrise. Un monde incommensurable avec les moyens proprement et pauvrement humains. Un monde qui a échappé à l'emprise humaine, qui me fait penser au cheval fou lancé sur le marché des Deux Cavaliers de l’orage de Jean Giono, qui détruit tout sur son passage, et que seul le poing formidable de Marceau Jason, d’un seul coup définitif, parvient à stopper en lui brisant le crâne.
Mais existe-t-il un Marceau Jason, pour arrêter le siècle fou ? Restera sans doute le poing dans la gueule. Le 20ème siècle, j’ai enfin commencé à le voir sous son vrai visage : le siècle qui éprouve de la haine pour l’homme. Le siècle de la déshumanisation du monde et de la fin de l’individu, d’émergence pourtant bien récente. Ce que raconte déjà Céline en 1932 dans le Voyage ..., lorsque Bardamu se fait embaucher chez Ford (« Nous n'avons pas besoin d'imaginatifs dans notre usine. C'est de chimpanzés que nous avons besoin »).
Le siècle de la défaite de l’humanité face aux moyens et aux innovations techniques aussi proliférants que la cellule cancéreuse. Le siècle de la défaite aussi face à la marchandisation de tout, y compris du vivant. Le siècle de la défaite, enfin, face à toutes sortes de volontés avides d’exercer le pouvoir sur les semblables. 1) Triomphe de la technique ; 2) triomphe de l’économie ; 3) volonté de pouvoir, le tout a formé, dans une osmose tout à fait logique, un triumvirat de haines conjointes pour combattre l’humanité de l’homme. Pour combattre le sens de la vie.
La technique (alias "l'innovation") à tout prix, le profit à tout prix, le pouvoir à tout prix : voilà la trilogie infernale qui meut le 20ème siècle, le premier qui a montré ce dont est capable l’industrie quand elle est mise au service de la guerre et de la mort, le « grand siècle » des suicides successifs de l’humanité en tant qu’espèce. Quand la machine est lancée et tant qu’elle a du carburant, il n’y a pas de raison qu’elle s’arrête. Le 20ème siècle est un attentat aveugle.
Le 20ème siècle est un long attentat-suicide. Le 20ème siècle est un crime contre l'humanité. Que voulez-vous qu'il fasse, l'art, dans ces conditions ? Ceux qui attendent de la "Culture" un quelconque salut sont des menteurs, ou bien ils font semblant. L'art, la culture, il faut s'en convaincre, n'ont aucun pouvoir : l'art et la culture sont toujours des effets, jamais des causes. Ils n'ont aucune chance de modifier directement la réalité. Surtout au moment où ils sont réduits à n'être que des produits de consommation. Dans l'histoire de l'humanité, l'art a toujours été "en plus", un luxe, après que les besoins vitaux avaient été comblés. L'art et la culture ont toujours été produits dans des collectivités humaines assez prospères pour se considérer comme abouties. Quand la civilisation se dégrade, on ne comprendrait pas que la Culture ne suive pas le mouvement.
Je me suis demandé de quoi pesaient, face à ce champ de ruine, les trésors d’imagination et d’inventivité, l’incessante et considérable créativité dont l’homme a fait preuve au cours de ce siècle damné. Cela vaut-il vraiment la peine, si ça débouche sur des calamités à chaque fois pires que les précédentes ? Un drôle de siècle, en vérité, où l’on a de plus en plus TROUVÉ, tout en sachant de moins en moins ce que l’on GAGNAIT à ces trouvailles (si, mais quoi d’autre, à part le confort, la facilité, l’oisiveté ?). Et en prenant soin d’ignorer ou d’occulter ce qu’on y PERDAIT (la nature, la société, ...). Malheureux ceux qui croient qu’on peut ainsi gagner quelque chose sans perdre ailleurs l'équivalent. Trouver toujours du nouveau est devenu un but en soi. Un Graal matérialiste. Une Dulcinée attendant toutes sortes de Don Quichotte, dans son Toboso crasseux.
Comme dit Baudelaire dans le dernier vers du dernier poème des Fleurs du Mal : « Au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau ». Ce slogan devenu l’emblème de la modernité oublie cependant que la 8ème et dernière section du poème où il est inséré (« Le Voyage ») est tout entière placée sous une brutale invocation, puisqu’elle commence ainsi : « Ô Mort, vieux capitaine, … ».
Cette invocation prémonitoire à la mort jette une lumière terrible sur notre obsession de plus en plus effrénée de la nouveauté, de l’innovation permanente, qui est en réalité comme un tsunami silencieux, mais de tous les instants, jeté sur nos points de repère et nos institutions. Ah, les prosternés devant l’idole du « Monde qui change », qu’ils sont pitoyables et dangereux, ces amoureux de la mort !
Voilà qui devrait nous amener à réfléchir et à y regarder à deux fois, au lieu de nous précipiter comme des moutons carnassiers sur la moindre nouveauté (voir ce qui s’est passé dernièrement, lors de la sortie de l’iPhone 6 d’Apple).
Et puis je me suis demandé de quoi pesait, face aux puissants acteurs et facteurs de la catastrophe, le fourmillement des bonnes volontés qui se portaient au secours des malheureux, des démunis, des victimes. Et quand j’ai vu le rapport des forces en présence, je me suis dit que tout ce dévouement avait quelque chose de pathétique, comme un brave cœur qui aurait l’idée de se mettre à vider l’océan avec une petite cuillère au moment précis où la marée monte. J'ai pensé à ça en écoutant, dans l'émission Terre à Terre du 5 décembre, Martin Pigeon parler à Ruth Stégassy de son action - pathétique de faiblesse - contre l'influence omniprésente et presque toute-puissante des lobbies au cœur des institutions européennes, dans le bocal bruxellois.
Alors, l’art, dans ce sombre panorama ? Dans quel état voulez-vous qu’il soit, l’art ? Que voulez-vous qu’il fasse, l’art ? Libérer ? Faire découvrir ? Embellir ? Décrire ? Rassurer ? Transporter ? Elever ? Fouler aux pieds ? Exprimer ? Provoquer ? Enseigner ? Transgresser ? Transmettre ? Décorer ? Railler ? Enrichir l’imaginaire ? Contester ? Consoler ? Materner ? Faire la morale ? Faire passer un bon moment ? Symboliser ? Former la jeunesse ? Distraire ? Corriger la réalité ? Eveiller le sens esthétique ? Occulter ? Choquer ? Nier ? Faire oublier ? Travailler à l’édification des foules ? (pour la préface de Pierre et Jean, de Maupassant, voir billet d'hier).
Voilà, vous avez compris : l’art au 20ème siècle, c’est devenu tout ça à la fois, un véhicule à l’image de son époque : méchant, aveugle et fou. L’époque a, comme on dit, « pété un câble », fracassant toutes les boussoles. L’art a donc, à son tour, forcément, « pété un câble », obligeant les artistes à perdre le nord, à « débloquer », à ne plus savoir où ils se trouvent, perdus au fond d’une fourmilière étendue aux dimensions du monde.
Beaucoup d'entre eux se sont mis avec enthousiasme à cette nouvelle tâche qu’on leur assignait : « pédaler dans la choucroute » (on peut remplacer le plat alsacien, au choix, par l'ingrédient principal du couscous ou par le petit pot de lait fermenté inventé par les Bulgares).
Voilà ce que je dis, moi.
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mercredi, 09 décembre 2015
LE VINGTIÈME SIÈCLE ET LES ARTS 4/9
LE VINGTIÈME SIÈCLE ET LES ARTS
ESSAI DE RECONSTITUTION D’UN ITINÉRAIRE PERSONNEL
(récapitulation songeuse et un peu raisonnée)
4/9
De pouvoir (ou non) supporter la laideur.
Héritier fidèle, viscéral et obstiné de ces Lumières-là, je demeure un fervent partisan de la liberté en tout, mais, soit dit une fois pour toutes, une liberté régulée. Une liberté contenue dans des bornes. Une liberté qui accepte de se restreindre. Tout n’est pas permis à l’homme, qu’il soit un individu, une collectivité, une société, un Etat, une entreprise. Tous les désirs n'ont pas à être réalisés au prétexte que c'est techniquement possible, que l'occasion s'en présente ou parce que, « après tout, j'y ai droit ».
Même Dieu en personne n'a pas le droit de tout faire, contrairement à ce que serine le Coran (par exemple : « Décide-t-Il d'une chose ? Il Lui suffit de dire : "Sois", et elle est », sourate XL, verset 68). L’individu est doté de liberté, de désirs et de conscience, oui, entièrement d’accord, mais il est aussi socialisé, je veux dire conscient de ses limites et de ses responsabilités à l'égard de ce qui rend sa vie possible, car il reste conscient qu'il n'est rien sans son lien avec le corps social : ça lui confère des droits, mais sûrement pas rien que des ou tous les droits. Je ne suis peut-être pas qualifié pour énumérer les caractères de ce qui fait une civilisation, mais j'ai l'impression d'en avoir dessiné ci-dessus quelques traits caractéristiques.
Autant le dirigisme et l'autoritarisme (quand un autoproclamé se met à parler à l'impératif) sont faits pour maintenir l'individu dans la sujétion, la frustration, la peur et l'immaturité, autant la permissivité, le laxisme, la dérégulation à tout va, qu’il s’agisse d’un individu, d’un Etat, de l'économie ou d’une entreprise, sont des facteurs de déliaison, de morcellement de l'entité collective, d’atomisation des individus, de désagrégation du « corps social » en une infinité d'unités autonomes. Oui, pour qu’il y ait société, il y a des limites à ne pas franchir.
Je dis cela en pensant à tous les fanatiques de la « transgression dérangeante », les adeptes de l’infraction innovante, de la provocation révolutionnaire et de l'outrage rédempteur, les casseurs de normes et de frontières et autres conformistes de l’anticonformisme, je veux dire ceux qui occupent en masse le haut du pavé de tous les terrains culturels subventionnés, de la danse au théâtre, en passant par l’opéra, la musique, la peinture et tout le reste. Toutes ces quilles que la boule impitoyable de Philippe Muray (il les traitait fort pertinemment de « Mutins de Panurge », cette formule géniale) n'a malheureusement pas réussi à abattre. Le pouvait-elle ?
Au surplus, j'ajoute que si je sais que l'intention prioritaire de l'artiste est par-dessus tout de me "déranger", de me provoquer ou de me choquer, je discerne la visée manipulatrice : pas de ça, Lisette ! Fous le camp ! Pauvre artiste en vérité qui se donne pour seul programme de modifier son public (c'était ce que voulait déjà Antonin Artaud, avec son "théâtre de la cruauté", Les Cenci et tout ça ... On a vu comment il a fini. Dire qu'il fascinait les élites culturelles !).
Pauvre artiste, qui se soucie moins de ce qu'il met dans son œuvre que de l'effet qu'elle produira : l'œuvre en question est ravalée au rang de simple instrument de pouvoir. Mégalomanie de l'artiste à la mode (c'était quand, déjà : « Sega, c'est plus fort que toi » ?), ivresse de puissance et, en définitive, un pauvre illusionniste qui s'exténue à chercher sans cesse de nouveaux « tours de magie » pour des gogos qui applaudissent, trop heureux d'y croire un moment, avant de retomber dans la grisaille interminable « d'un quotidien désespérant » (Brassens, "Les Passantes"). Après tout, ça leur aura "changé les idées" !
Je préfère que l'artiste ait le désir, l'énergie et le savoir-faire de créer à mon intention une forme qui me laisse libre de l'apprécier à ma guise. C'est ce que formule Maupassant dans la préface à son roman Pierre et Jean : « En somme, le public est composé de groupes nombreux qui nous crient : "Consolez-moi. Amusez-moi. Attristez-moi. Attendrissez-moi. Faites-moi rêver. Faites-moi rire. Faites-moi frémir. Faites-moi pleurer. Faites-moi penser." – Seuls, quelques esprits d'élite demandent à l'artiste : "Faites-moi quelque chose de beau, dans la forme qui vous conviendra le mieux, suivant votre tempérament" ». C'est parler d'or.
Voilà un programme qu'il est bon, nom de Zeus ! Je vois bien la contradiction : faut-il que l'artiste se retire dans son laboratoire pour peaufiner son grand œuvre sans se soucier de sa réception ? Faut-il qu'il cherche à plaire, à impressionner, en pensant à un public précis sur la plasticité et la réceptivité duquel il sait qu'il peut compter ? Il y a dilemme : y a-t-il pour autant incompatibilité ? J'essaie de répondre à la question dans un très prochain billet.
Vouloir agir sur le spectateur, c'est une intention de bas étage, de bas-côté, et même de bas-fond (au point que : « ... à peine si j'ose Le dire tellement c'est bas », Tonton Georges, "L'Hécatombe"). La création d'une forme, c'est une autre paire de manches. Les "transgresseurs" sont finalement des pauvres types, des médiocres, des minables destinés à disparaître au moment même de leur épiphanie.
Pour revenir à l'atomisation du corps social, je signale accessoirement que faire des individus autant d’entités autonomes, dégagées de tout apparentement est une visée propre à ce qu’on appelle le totalitarisme. Si on n’y est pas encore, on n’en est pas loin. Le totalitarisme, tout soft, invisible et sournois qu’il soit, dont est imprégnée à son insu notre démocratie (acharnée à nier et refouler cet inconscient-là) ; la frénésie et l’enthousiasme technicistes qui ont fait de l’innovation le seul idéal social encore agissant ; l’ultralibéralisme économique qui instaure la compétition comme seul horizon collectif et la marchandise comme unique accomplissement individuel, voilà, en gros, les trois facettes de notre condition humaine qui ont fini par se fondre dans mon esprit en un tout où l’humanité de l’homme n’a plus sa place. Inutile de le cacher : c’est une vision pessimiste.
Le pire, c’est que ce sont toutes les conditions de la vie collective qui me sont alors apparues comme affreuses. Ceci est assez difficile à exprimer en termes clairs : j’ai eu l’impression (fondée ou erronée, va savoir ...) d’acquérir progressivement une vue globale de la situation imposée à l’humanité par la « modernité ». J’ai acquis la conviction que les formes de ce qu’on appelle depuis plus de soixante ans l’ « art contemporain » ne sont pas une excroissance anormale de leur époque mais, au contraire, leur corollaire absolument logique. La même logique qui fait que l'arbre produit son fruit, et que l'Allemagne en crise produit Hitler. Eh oui, la difformité et l'aberration sont elles aussi produites, et ne sortent pas de nulle part.
Qui adhère avec enthousiasme à l’époque, est logiquement gourmand d’art contemporain, de musique contemporaine. Qui est rebuté par l’art contemporain, en toute logique, devrait diriger sa vindicte contre l’époque dont celui-ci est issu. J’ai mis du temps, mais j’ai fini par y venir. C’est alors que le processus de désaliénation (désintoxication si l’on veut) a pu s’enclencher : qui n’aime pas l’époque ne saurait aimer l’art qu’elle produit. Le lien de cause à effet est indéniable. Moi, je croyais aimer l’art de mon temps parce que je voulais être de mon temps. C’était décidé, il le fallait.
L’art contemporain découle de son époque. Tout ce qui apparaît minable dans l’art contemporain découle logiquement du minable de l’époque qui le produit. Ce n’est pas l’art qui pèche : c’est l’époque. Nous avons l’art que notre époque a mérité. Quand la laideur triomphe, c’est que l’époque désire la laideur : le vert « plug anal » géant de Paul McCarthy en pleine place Vendôme, précisément la place de Paris où sont fabriqués et exposés parmi les plus beaux, les plus précieux bijoux du monde, est logiquement produit par l’époque qui l’a vu naître. Les extrêmes – le sublime et la merde – se tiennent par la barbichette (que le sublime qui n'a jamais tiré la barbichette du merdique avance d'un pas, tiens, il va voir !). Quand il y a neuf « zéros » après le « un » de la fortune, la merde et le diamant se valent. On croit deviner que c'est en toute logique que le bouchon d'anus (sens de "plug") de M. McCarthy suscite l'émoi "esthétique" de la dame qui porte la présente bague (à propos de bague, cf. l'autrement élégante histoire de "L'anneau de Hans Carvel", qu'on trouve chez Rabelais, Tiers Livre, 26, qui donne une recette infaillible à tous les maris qui ne supportent pas l'idée que leur épouse les fasse un jour cocus).
Paul McCarthy est l’humble serviteur de son temps : son œuvre est le revers infâme de la médaille dont la maison Van Cleef & Arpels (ci-contre) décore si luxueusement l’avers. Paul McCarthy est un artiste rationnel : il ne fait que tirer les conclusions qu’on lui demande de tirer. Son message ? "Parlant par respect", comme dit Nizier du Puitspelu dans son très lyonnais Littré de la Grand’Côte, quand il définit des mots et expressions "grossiers" : « Vous l’avez dans le cul ».
Mais si l’on admet que c’est l’époque qui produit cet art déféqué, c’est moins l’art qui est à dénoncer que l’époque qui l’a vu et fait naître, tout entière. De fait, ce n’est pas seulement l’art contemporain, la musique contemporaine, c’est le 20ème siècle dans son entier qui m’est devenu monstrueux. J’ai compris que Günther Anders avait raison : au 20ème siècle, l’humanité a commencé à méticuleusement édifier la laideur d'un monde d’une dimension telle que nulle force humaine n’était plus en mesure d'en comprendre le sens, encore moins d’en contrôler la trajectoire, et encore moins d'y vivre heureux.
Et le raisonnement qu’il tient à propos de la bombe atomique s’applique à tous les autres aspects du « Système » mis en place : c’est le bateau Terre qui, faute de pilote, est devenu ivre.
Voilà ce que je dis, moi.
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mardi, 08 décembre 2015
LES ILLUMINATIONS DE LYON
La "Fête des Lumières", à Lyon, non, je ne connais pas ce produit d'importation récente, et je ne veux pas le connaître : c'est pour les agences de voyages, pour l'invasion de la ville par les cars de touristes venus spécialement, pour les hôtels dont le taux d'occupation grimpe alors en flèche. Je suis très heureux que cette "Fête des lumières" qui n'a jamais été la mienne ait été annulée.
Ce que je connais parfaitement, en revanche, et depuis que je suis tout gone, ce sont les "Illuminations du 8 décembre". Ce que je connais, ce sont les verres cannelés et les lumignons qui vont dedans, à cause du tremblement dont chaque branche de ces étoiles est agitée quand on les regarde du dessus. Ce que je connais, ce sont les barres lumineuses aux rebords des fenêtres, qui scintillent et dessinent leurs lignes droites en façade des nobles immeubles des rives du Rhône et de la Saône, à peine flottantes dans une vague brise de fin d'automne. Pour donner une toute petite idée, voici l'effet que donnent, dans une rue de Lyon, deux rampes lumineuses qui se font face.
Les photos sont exécrables, mais je dédie chacune de ces étoiles à chacun des morts du 13 novembre. Aux morts du 7 janvier : l'équipe de Charlie Hebdo : Cabu, Wolinski, Bernard Maris, Charb, Tignous, ainsi qu'à tous les autres et à ceux de l'Hyper Cacher.
20:06 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : lyon, france, illuminations huit décembre, fête des lumières lyon, charlie hebdo, cabu, wolinski, bernard maris, charb, tignous, hyper cacher, 7 janvier, 13 novembre, bataclan, le carillon
lundi, 07 décembre 2015
LE VINGTIÈME SIÈCLE ET LES ARTS 2/9
ESSAI DE RECONSTITUTION D’UN ITINÉRAIRE PERSONNEL
(récapitulation songeuse et un peu raisonnée)
2/9
Du "Contemporain" comme s'il en pleuvait.
De Marcel Duchamp, je n’ignorais pas grand-chose, depuis ses essais post-impressionnistes du début jusqu’à l’énigme de Etant donnés 1° la chute d’eau 2° le gaz d’éclairage, en passant évidemment par les ready-mades, les « stoppages étalons », le Nu descendant un escalier, la cage de Why not sneeze Rrose Sélavy
(ah, ces cubes de sucre sculptés dans le marbre ! l'os de seiche ! le thermomètre !), les gags de l’ « Objet-dard » et du moulage de la « Feuille de vigne femelle », Marchand du sel (devenu Duchamp du signe), la pelote de ficelle dans l’étau de A bruit secret, le « Grand Verre » (avec ses "neuf moules mâlics", son "élevage de poussière",
son "moulin à eau", sa "broyeuse de chocolat", ses "témoins oculistes", n'en jetez plus), la « Boîte-en-valise », l’attentat de Pierre Pinoncelli sur l’urinoir jadis rebaptisé « Fountain » par un certain R. Mutt alias Duchamp, La Fin tragique de Marcel Duchamp (attentat virtuel d’Aillaud, Arroyo et Recalcati), le goût pour les échecs, le lien avec John Cage, autre grand fusilleur, mais en musique cette fois, et tutti quanti. Il n'y a guère d'artiste du 20ème siècle qui ne soit un enfant de Marcel Duchamp. Qui ne soit né dans le cimetière de l'art que ce moderne Attila a laissé dans son sillage.
J’avais même acquis un disque étrangement intitulé « the entire musical work of Marcel Duchamp », concocté par Petr Kotik (ensemble s.e.m., label ampersand, chicago) sur la base d’un travail de transposition de la méthode duchampienne d’écriture créative dans un univers supposé reproduire en musical le « poétique » de la démarche. Il comporte évidemment un morceau intitulé La Mariée mise à nu par ses célibataires, même (l’alias « Grand Verre »). C’est dire jusqu’où pouvait aller mon audace dans la consommation de produits : rien de ce qui était « moderne » ne devait m’être étranger.
J’étais assidu aux vernissages d’expositions d’artistes contemporains, et je ne manquais aucune Biennale, aucune manifestation du Centre d’arts plastiques de Saint-Fons, où œuvrait l’ami Jean-Claude Guillaumon (j’y ai même participé, dans une manifeste erreur de casting). J'étais prêt à tout applaudir, y compris les quarante ou cinquante traversins suspendus au plafond par je ne sais plus quel abruti (Gwenaël Morin ?), qui en avait orné la partie visible par le public des prénoms de toutes les filles et femmes qui étaient censées y avoir posé la tête. Mais la Ville de Sérusclat faisait bien les choses : le buffet était copieux, le vin coulait. Ça aide à faire passer. Ou à fermer les yeux.
Je savais aussi pas mal de choses, en musique, de l’ « Ecole de Vienne », du trio Schönberg-Berg-Webern, du sérialisme, du dodéca(ca)phonisme et tout le tremblement. J’écoutais alors volontiers les pièces op. 11 et op. 19 de Schönberg par Pollini, la 2ème Sonate de Pierre Boulez par Claude Helffer, le Stimmung de Stockhausen, en essayant de me convaincre que j’étais à la pointe du « Progrès » en musique. Rien que du pur. Je me disais qu’il fallait que je me persuadasse que c’était ça, la beauté moderne.
Ça avait commencé tôt. Je passe sur l'incompréhensible engouement qui me saisit à l'écoute de A Jackson in your House, de l'Art Ensemble of Chicago car, si je le mettais à plein tube, c'était plutôt pour faire sentir à mes parents combien ma génération n'en avait rien à faire de la leur : dans l'adolescence, même finissante, bien des aberrations s'expliquent ainsi.
J’étais là, à l’orchestre, à l’Opéra de Lyon, en 1970, avec une bande de barbus-chevelus, au milieu des effarouchés smokings-nœuds-papillons-robes-de-soirée, lors des débuts gauchistes de l’ « Opéra-nouveau » (Louis Erlo), pour la première du Wozzeck de Berg : les places, en ce soir inaugural, avaient provisoirement cessé d’être hiérarchisées. C’est un souvenir plutôt rigolo, mais je dois bien dire que, sur le moment, je n’avais entravé que pouic à la tragédie de cet humain de base qui ne savait dire que : « Jawohl, Herr Hauptmann ! », tuer sa maîtresse et se suicider. Je me sentais un peu diplodocus. Comme vexé de me voir en retard d'une extinction des espèces. Je réclamais ma part. Je voulais participer. Diplodocus, aujourd'hui, j'en suis un, mais je le sais, j'assume la chose, et même je la revendique. Et c'est le siècle qui a tort.
Je courais les concerts de musique contemporaine, les festivals lyonnais : « Musique nouvelle », manifestation inventée par le sincère et modeste Dominique Dubreuil, « Musiques en scène »,
du très smart James Giroudon et du sympathique Pierre-Alain Jaffrenou, les animateurs de Grame, qui avaient écrit un petit « opéra » sur la gémellité, Jumelles, donné en 1989 au Théâtre de la
Renaissance à Oullins, une salle bourrée pour un soir de sœurs jumelles attirées par le titre, sans doute ("bourrée", j'exagère : six ou huit paires de jumelles n'ont jamais fait un public, pardon).
Bref, j’étais « moderne » et en phase avec mon temps. Je croyais au « Progrès », à la bousculade inventive de l’ordre établi, au chamboulement fondateur, à la « destruction créatrice » (le concept-phare des théories économiques ultralibérales de Joseph Schumpeter). J’étais immergé dans l’expérimental novateur. Autrement dit, je n’avais rien compris. J’étais un âne, bête à manger du "son", par la bouche, par les yeux et par les oreilles.
Et puis j’ai viré ma cuti, retourné ma veste, changé mon fusil d’épaule, jeté la défroque aux orties, brûlé ce que j’avais adoré. En un mot comme en cent : je me suis efforcé de « me dépouiller du vieil homme corrompu » et de « revêtir l’homme nouveau » (épître aux Ephésiens, IV, 22 et suiv.). Cela m’a pris beaucoup trop de temps pour y arriver, mais s’est produit dans un temps relativement bref. Le fruit devait être arrivé à pleine maturité. Suis-je moins bête pour autant ? Va savoir … En tout cas, aujourd’hui, je suis un peu plus sûr de ce que j’aime.
Et de ce que je n'aime pas.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans L'ARCON, MUSIQUE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, art contemporain, marcel duchamp, nu descendant un escalier, why not sneeze rrose sélavy, marchand du sel, duchamp du signe, à bruit secret, pierre pinoncelli duchamp, le grand verre, la mariée mise à nu par ses célibataires, john cage, jean-claude guillaumon, wozzeck alban berg, opéra de lyon, opéra nouveau louis erlo, dominique dubreuil, grame lyon, james giroudon, pierre-alain jaffrenou, théâtre renaissance oullins, joseph schumpeter, épitre aux éphésiens, arnold schönberg, alban berg, anton webern, maurizio pollini, pierre boulez, claude helffer, karlheinz stockhausen, aillaud arroyo recalcati, jawohl herr hauptmann, musique, peinture, france, françois hollande, nicolas sarkozy, front national, élections régionales, parti socialiste, parti les républicains, laurent wauquiez, christian estrosi, livre des monstres, manuel valls, politique, laurent fabius
samedi, 05 décembre 2015
I'M A POOR LONESOME COWBOY
L'ESCORTE (N°28)
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COP 21
Le dilemme est d'une simplicité angélique : si Rodrigue venge son père, il perd Chimène. S'il veut garder Chimène, il perd l'honneur de son père et de sa famille, il se déshonore lui-même. Ayant perdu son honneur, il devient alors haïssable aux yeux de Chimène. Sale temps pour l'amoureux.
Même choix cornélien pour le changement climatique : ce sera la croissance ou la planète. Pas les deux. Personne ne sauvera la planète en sauvant la croissance. A Paris, ils sont tous à tortiller du croupion pour ne pas nommer l'obstacle, pour tourner autour de cette réalité. Ah, que le « Développement durable » est joli ! Ah, l' « Economie décarbonée » ! Ah, les « Energies renouvelables » ! Quels beaux contes de fées pour grands enfants ! Que de jolies fables n'inventerait-on pas pour éviter d'affoler les foules !
Quelques illuminés, stipendiés des entreprises transnationales, clament aux quatre vents que c'est de la technique que viendra le salut. Ils ont lancé le concept époustouflant de « Géo-ingénierie » : ensemencer les océans avec du fer, envoyer dans l'espace des particules de je ne sais plus quoi pour diminuer le rayonnement solaire, ....
Ils ont raison : une seule solution pour résoudre les problèmes engendrés exclusivement par la technique et l'industrialisation à outrance :
LA FUITE EN AVANT.
Surtout, ne changeons rien au système !
Allons, enfants de la planète, le jour de gloire est arrivé ...
09:00 Publié dans BANDE DESSINEE, DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : france, société, politique, bande dessinée, lucky luke, morris goscinny, lucky luke l'escorte, humour, cop 21, défense de l'environnement, choix cornélien, le cid, rodrigue et chimène, écologie, développement durable, économie décarbonée, éneergies renouvelables, réchauffement climatique, changement climatique, géo-ingénierie
mercredi, 02 décembre 2015
I'M A POOR LONESOME COWBOY
LA VILLE FANTÔME (N°25)
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Il y a 164 ans aujourd'hui, Louis-Napoléon Bonaparte, neveu du grand, président de la République française, prend le pouvoir, devenant alors le très fameux "Napoléon-le-petit". Aujourd'hui, sous le règne de François-le-tout-petit, un autre coup d'Etat vient d'être commis : l'état d'urgence. L'état d'urgence est un coup d'Etat permanent.
Si encore ce dispositif d'exception pouvait nous jurer qu'il élève, entre la France et les futurs terroristes, un mur absolument infranchissable, passe encore. Mais rien n'est moins sûr, bien au contraire. A voir l'efficacité du dispositif mis en place par François-le-tout-petit après la tragédie de Charlie Hebdo en janvier, il est non seulement permis d'en douter, mais il est fort à craindre que la France ne finisse pas de si tôt de pleurer ses morts.
Qu'est-ce qu'il fera, au prochain attentat, François-le-tout-petit ? Qu'est-ce qu'il fera, Manuel Valls, alias "Monsieur menton-en-avant" ? Est-ce qu'ils peuvent nous promettre qu'ils se feront hara kiri ? En place publique ? Pas que ça pourrait nous consoler, mais ce serait justice minimum.
Vive l'Etat de droit ! A bas l'état d'urgence !
09:00 Publié dans BANDE DESSINEE | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : état d'urgence, coup d'état permanent, françois hollande, coup d'état du 2 décembre, napoléon le petit, louis-napoléon bonaparte, napoléon iii, charlie hebdo, cabu, wolinski, bernard maris, attentats paris, bataclan, 13 novembre, lucky luke, bande dessinée, morris goscinny, humour, lucky luke la ville fantôme, france, société, politique, victor hugo, manuel valls
mardi, 01 décembre 2015
I'M A POOR LONESOME COWBOY
LA CARAVANE (N°24)
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Petite information entendue ce matin : du côté de Rennes, un ancien militant d'extrême-gauche a été assigné à résidence (on le soupçonne de dangerosité potentielle !). Quand l'assignation lui a été délivrée, il était chez lui, avec sa femme et ses enfants, mais les policiers n'ont pas sonné : ils ont démoli la porte. Résultat : 6000 €. de dégâts. Source : Ligue des droits de l'homme.
Il est urgent de contrôler la police. Il est urgent d'en finir avec l'état d'urgence. Vive l'état de droit.
Et c'est le moment choisi par Manuel Valls pour annoncer qu'il faudra peut-être prolonger l'état d'urgence ! Déjà qu'il est prévu jusqu'au 26 février. Les démocrates, les républicains (rien à voir avec "Les Républicains") peuvent commencer à avoir froid dans le dos.
D'autant que ceux qui soutiennent ou acceptent d'admettre (ou font semblant de croire) que l'état d'urgence va mettre en sécurité la France et les Français profèrent un pur et simple mensonge.
09:00 Publié dans BANDE DESSINEE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bande dessinée, lucky luke, morris goscinny, humour, lucky luke la caravane, ligue des droits de l'homme, état d'urgence, assignation à résidence, france, politique, société, manuel valls, françois hollande, contre l'état d'urgence
dimanche, 29 novembre 2015
PANIQUE À BORD !
En janvier, ce fut un massacre : l’équipe de Charlie Hebdo, les clients de l’Hyper Cacher, tous des innocents qui ont payé de leur vie le fait d’être ce qu’ils étaient : des caricaturistes, des juifs, des polémistes, des vigiles, des rubriquards, des clients d’un magasin, … Le 11 janvier, une manifestation monstre de tous les révoltés par cet attentat. Au premier rang, un minuscule président de notre république, et un ex-président qui, toujours aussi hystérique, tente en vain de se frayer un chemin vers le premier rang et la grande photo inoubliable des acteurs de l’événement.
Tout sera fait pour « assurer la sécurité des Français », fut-il assené dans la foulée de ces meurtres. On ajouta au déjà immémorial « plan Vigipirate » le « plan Sentinelle » qui devait « assurer la sécurité des Français », nous fut-il seriné. Depuis le 13 novembre, on sait ce que nous a valu cette empilement de plans de sécurité, qui devaient théoriquement « assurer la sécurité des Français » (désolé de la répétition, c’est pour rendre l'incantatoire de la chose). Pour donner l’impression qu’il agit, le politichien moderne affiche des « mesures » destinées à figurer, une fois imprimées en photos martiales dans les journaux et dans l’esprit des gens, autant de preuves de l’efficacité du politichien.
Malheureusement pour notre misérable « chef des armées », ce petit curé balbutiant, cet orateur larvaire, ce lumignon éteint, ce panache gris dépourvu de panache, les attentats du 13 novembre lui ont fait éclater à la figure les preuves de son incompétence et de son ignorance. Mais comment cette catastrophe a-t-elle été rendue possible ?
Au risque de me répéter, bien que je ne sois pas spécialiste des questions de sécurité, et en m’appuyant sur ce que la mode correcte interdit désormais qu’on appelle le « simple bon sens », la France disposait d’un service de renseignement très efficace et performant : les RG ou Renseignements Généraux. Ce service était honni par tout ce que le pays comptait de gauchistes, il n'avait pas forcément les mains propres, mais il quadrillait le territoire à la façon d’un filet à mailles fines. Les hommes connaissaient bien le terrain, peu de poissons échappaient à leur vigilance, les informations remontaient.
Le frénétique-à-tics qui a gouverné la France pendant cinq ans, non content de sa fabuleuse invention de la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques – en clair : non-remplacement d’un retraité sur deux dans la fonction publique d’Etat, qui a coûté 50.000 bonshommes à la police, à la gendarmerie et à l'armée), s’est mis en tête, sans doute pour gratter sur les budgets, de faire fusionner les RG (renseignement intérieur) et la DST (contre-espionnage). Le résultat le plus sûr de cette fusion forcée fut une désorganisation complète des services désormais placés sous l’étiquette DGSI. Les « cultures professionnelles », les façons de procéder des deux services étaient tellement différentes qu’il ne pouvait pas en être autrement. Comme de l'huile avec de l'eau, le mélange des deux n'a pas fait une mayonnaise, à peine une vinaigrette : si vous mettez de la vinaigrette dans un moteur, le moteur casse. Les autorités ont tout misé sur la « collecte des données » (moyens techniques, électroniques, informatiques). On voit ce qui en est sorti.
Or le point commun de tous les types qui flinguent depuis Mohammed Mehra, c’est qu’ils étaient bien fichés, mais qu’il n’y avait plus personne sur le terrain pour tirer le signal au moment où une action se préparait. J’en conclus que la décision de Nicolas Sarkozy de fusionner RG et DST a eu des conséquences criminelles. Je sais bien que si cette décision est une cause indéniable, elle n’est pas la seule, mais on peut être sûr qu’elle est pour une bonne part responsable des tragédies de 2015 en France.
Alors maintenant, est-ce que le minuscule Hollande a fait mieux ? La réponse est clairement « Non » ! Qu’est-ce qu’il a fait, après Charlie Hebdo ? Après l’Hyper Cacher ? Il a mis plein de soldats et de policiers (Sentinelle + Vigipirate) dans les rues, dans les gares, devant les églises et les synagogues. Il a transformé l'armée française en un corps de plantons. Là encore, on a vu le 13 novembre le résultat de ce déploiement ostentatoire des forces de l’ordre et des forces armées, on a constaté l’efficacité de ce dispositif impressionnant, qui n’était là en vérité, une fois de plus, que pour que les journaux publient des photos permettant aux lecteurs de croire qu’ils étaient protégés par les mesures prises par les « autorités ».
Qu’est-ce que c’est, une « collecte des données », quand il n’y a personne sur le terrain, personne pour les analyser, personne pour en tirer des conclusions pertinentes ? Ils sont très beaux, les moyens techniques dont disposent les services de renseignement, surtout depuis le vote récent de la loi qui porte ce nom, mais il n’empêche que le récipient où on les entasse est tellement plein de trous qu'une ménagère appellerait ça une passoire. Personne n’a rien vu venir. Pas plus que les Américains n’ont vu venir les pilotes-suicides des avions jetés sur le WTC. Mais il fallait rogner sur les moyens humains, sur les budgets, faire confiance aux experts du numérique. Ah, la technique, que c'est beau, la technique !
Alors maintenant l’état d’urgence. Je dis que l'état d'urgence est l'ultime branche à laquelle se raccrochent des gouvernants aux abois, dans une ultime tentative de dissimuler leur incompétence et leur lâcheté. Je ne peux m’empêcher de me référer au livre de Mireille Delmas-Marty Libertés et sûreté dans un monde dangereux (Seuil, 2010, voir mon billet du 3 mai 2015), où elle s’inquiète de ce que les lois pénales tendent à substituer à la répression d’infractions dûment constatées une répression préventive, fondée sur la dangerosité potentielle et supposée des individus. Ça permet de ratisser très large, au risque de "dommages collatéraux" contre des gens qui n'ont rien à se reprocher.
Une démocratie est un milieu ouvert à tous les vents, un « open space ». La verrouiller, c'est la mettre à mort. Je ne dis pas qu'elle ne doit pas se défendre, je dis que pour se défendre elle doit se doter de bons outils : monsieur Hollande, ne commencez pas par faire disparaître l'état de droit, commencez par remettre ces outils (armée, police, renseignement) en état.
Dans Le Monde du 6 juin 2015, Delmas-Marty enfonçait le clou : « En France, le grand tournant remonte à la loi de 2008 sur la rétention de sûreté, adoptée par une "droite décomplexée" qui n’hésite pas à copier le modèle d’une loi allemande de la période nazie ». Tiens, encore un coup de Sarkozy (notez que le nom rime avec le dernier mot de la citation, regrettable hasard). De quoi se faire du mouron : l’état d’urgence est l’ennemi de l’Etat de droit. Les bien nommés passe-droits qu’il autorise sont autant de menaces en direction de la liberté.
Je sais bien que les gens ont peur, je sais bien que Daech et ses sbires ne sont pas des plaisantins, mais je n’ai pas l’intention de changer d’un iota ma façon de vivre du fait du risque terroriste. S'il y a un risque, tant pis : j'assume. Et faites bien attention à ceci : qui m’expliquera pourquoi des militants écologistes ont reçu des assignations à résidence ? Et quid de l’arbitraire et de la violence gratuite commise par les forces de l’ordre au cours des « perquisitions administratives » (voir les articles paraissant ces jours-ci dans l’excellente rubrique « Observatoire de l’état d’urgence » du Monde) ?
Dans l’état d’urgence, ce qui me fait peur, ce qui nous menace tous, ce sont les abus qui se commettent sous son couvert, ce dont des policiers eux-mêmes reconnaissent qu’ils profitent comme d’autant d’ « effets d’aubaine ». Je n’ai pas confiance dans des policiers qu’on laisse les mains libres et la bride sur le cou. Les terroristes ont d’ores et déjà gagné : la panique règne, au moins en haut lieu. Rien de pire qu’un régime qui règne en laissant régner la peur, et en appuyant sur ce redoutable accélérateur. Gardons-nous de céder à la panique. Quel espace va-t-il rester pour les partisans de la liberté ? Quel espace pour la liberté ? Faire face au danger, ça commence par ne rien changer à notre façon de vivre. A y changer quoi que ce soit, nous avons tout à perdre.
Oui, je suis inquiet : j'ai peur que les terroristes ne réussissent à nous rendre semblables à eux-mêmes (écoutez ici la remarquable explication (15' environ) de Tobie Nathan à ce sujet : il parle du Cambodge de Douch et du Berlin de Goebbels). De gauche, Hollande ? De gauche, Valls ? Ne me faites pas rire.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : charlie hebdo, cabu, wolinski, bernard maris, charb, frères kouachi, 7 janvier, 11 janvier, 13 novembre, attentats paris, bataclan, plan vigipirate, plan sentinelle, france, français, politique, société, renseignements généraux, rg, dst, nicolas sarkozy, françois hollande, gauchistes, rgpp, dgsi, mohamed mehra, hyper cacher, 11 septembre, journal le monde, mireille delmas-marty, cambodge, pol pot douch s 21, nazisme, goebbels, écologistes, perquisitions administratives, assignation à résidence, sécurité liberté, tobie nathan, france culture
samedi, 28 novembre 2015
L'ISLAMISME EST UN ICHNEUMON
L’ichneumon est une espèce appartenant à l’ordre des hyménoptères. La famille des ichneumonidés regroupe un certain nombre d’insectes dotés des semblables et étonnantes caractéristiques : les femelles possèdent, au bout de l’abdomen, une tarière. Pour quoi faire, se demande-t-on ? Pour perpétuer l’espèce, répond l’entomologiste. Comment ça, reprend-on ?
Eh bien voilà : quand madame a été fécondée, elle produit des œufs, mais ne sait pas où les mettre pour qu’ils éclosent correctement. Elle a cherché, et puis elle a trouvé, nous apprend l’entomologiste : « Avec sa tarière, la femelle enfonce ses œufs dans le corps des hôtes (surtout des papillons de nuit) dans lesquels la larve se développe, les faisant mourir ». On ne saurait être plus aimable.
La cousine de madame ichneumon, qui se nomme la rhysse persuasive (Rhyssa persuasoria, L.), fait la même chose, mais en plus spectaculaire. La tarière semble démesurée. En plus, l’outil est protégé par un fourreau. Et la posture pourrait faire croire que la rhysse pratique le yoga, vu les contorsions auxquelles elle se livre pour réaliser l'opération : « Perçoit la présence de larves de sirex dans le bois et perce celui-ci avec sa tarière pour pondre un œuf dans la larve (…). La larve ronge les entrailles de l’hôte et le fait mourir ». On ne saurait être plus persuasif.
A propos d’une autre cousine, qui se fait appeler Netelia testacea, il est précisé que la piqûre de la femelle est très douloureuse, mais elle est dépourvue de tarière : « Parasite externe, œufs pondus sur des chenilles dont les liquides internes sont aspirés de l’extérieur ». Au total, une famille vraiment charmante et pleine de ressources et d’imagination.
Le lecteur aura sans doute compris où le titre de ce billet à gros sabots veut en venir. L’islamisme procède, avec la jeunesse radicalisée (on peut cliquer ci-contre pour lire le formidable article d’Olivier Roy, dans lequel il explique qu’il ne s’agit pas de musulmans qui se radicalisent, mais de jeunes révoltés, reniant le milieu familial, qui servent de pâture aux stratèges de Daech impatients de les transformer en armes de destruction massive : il s’agit au contraire d’ « islamisation de la radicalité », autrement dit du recrutement après repérage de la cible disponible, puis de l'instrumentaliser), de la même façon que les dames de la famille des ichneumonidés : il dépose ses œufs fanatiques dans le terreau fertile que constitue le cerveau en rupture, dans un processus semblable à la façon dont procèdent les gourous et les sectes. Pas besoin de lavage de cerveau : celui-ci est déjà propre et net, lessivé, quasiment vierge, au moment de la contamination. Et ça prospère.
La comparaison vaut ce qu’elle vaut. Elle s’adresse cependant à ceux qui ne comprennent pas comment des jeunes « Français » (?) ont pu en arriver à tuer des journalistes, des juifs, et aujourd'hui à tirer sur une foule indiscriminée. Le corps de la France a servi de nourriture aux larves écloses des œufs que l'ichneumon islamiste a déposés en son cœur : celles-ci se sont gavées de ses fluides vitaux sans qu’elle s’en rende compte. Je rappelle à ce propos que c'est Sarkozy qui a détruit les Renseignements Généraux, lesquels ont pu servir de police politique, mais qui avaient entre leurs mains un radar terriblement efficace pour ratisser le terrain au ras des pâquerettes. Je dis : encore une réforme décidée par les comptables, autant que par un homme politique irresponsable.
Malheureusement pour les larves islamistes, le corps de la France n'est pas une larve de sirex, un papillon de nuit ou une chenille. Le corps de la France est puissant et coriace. Le corps de la France est un morceau trop gros pour que les larves islamistes puissent espérer en venir à bout en le mangeant de l'intérieur ou en aspirant de l'extérieur les liquides internes.
Voilà ce que je dis, moi.
NB : De l'article d'Olivier Roy, je tire la conclusion qu'il ne sert strictement à rien de vouloir "déradicaliser" les jeunes djihadistes. Est-il raisonnable de vouloir déradicaliser la radicalité ? J'ajoute qu'il serait tout aussi vain de vouloir les "désislamiser" : en matière de religion, ils sont d'une ignorance absolument crasse, compacte et définitive.
De plus, l'auteur précise : « Aucun n'a eu de pratiques "communautaires" : assurer des repas de fin de ramadan, prêcher dans les mosquées, dans la rue en faisant du porte-à-porte. Aucun n'a fait de sérieuses études religieuses. Aucun ne s'intéresse à la théologie, ni même à la nature du djihad ou à celle de l'Etat islamique » (Le Monde, 25 novembre). Savent-ils seulement lire ? Peut-être la solution serait-elle de désislamiser les espaces publics sur l'ensemble du territoire français.
Je l'ai dit il y a quelque temps (voir mon billet du 9 octobre) : l'islam en France deviendra tolérable quand les musulmans, en tant que tels, seront devenus aussi invisibles que le sont aujourd'hui les catholiques ou les protestants. Mais un pays d'origine catholique peut-il s'en remettre à des musulmans du soin de se débarrasser de leur trop grande visibilité ? La réponse est évidemment "non" : il faut, pour restaurer la paix, que les musulmans eux-mêmes décident de se rendre invisibles en tant que tels. Beaucoup le sont déjà, mais combien d'autres sont prêts à renoncer à s'afficher ? J'ai encore vu ce matin deux femmes couvertes de gris et de noir de la tête aux pieds. C'était rue du Mail. Je dis merde !
09:00 Publié dans RELIGIONS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : islam, islamistes, islamisme, musulmans, coran, ichneumon, rhysse persuasive, entomologie, journal le monde, olivier roy, radicalisation, déradicalisation, dounia bouzar, nicolas sarkozy, france, français, renseignements généraux, françois hollande
vendredi, 27 novembre 2015
TOMBEAU DE V.R.
Préambule : un "Tombeau" était, en poésie ou en musique, une œuvre dédiée à un grand homme disparu, une œuvre écrite en son honneur, une œuvre en forme d'éloge funèbre. V. R. aurait peut-être été un grand homme, si on lui en avait laissé le temps. On ne le saura pas. Je lui dédie ce tout petit billet.
***********
Le visiteur de ce blog ne trouvera plus ce billet tel qu'il se présentait depuis le 27 novembre. Ce qu'il trouvera est la correspondance imprévue à laquelle, quatre-vingts jours après, il a donné lieu. Voici le courriel que j'ai reçu le 11 février 2016.
Bonjour Monsieur,
Je ne vous connais pas et ce que vous écrivez sur V. R., mon grand frère, me déplaît et m'attriste, surtout quand je vois que c'est l'un des premiers liens sur lequel on tombe lorsque l'on tape son nom sur internet.Vous ne le connaissiez pas, vous ne connaissez pas Eva et visiblement vos sources sont fausses.
Evidemment vous ne vous en êtes pas rendu compte ou du moins je l’espère mais en voulant faire un éloge de V. vous écrivez en fait des phrases culpabilisantes pour E. " Pour moi, elle aura eu la chance, non : le privilège de rencontrer un homme, un vrai, qui, au moment du danger de mort, n'a pas songé un instant à son propre sort.J'ignore tout de ce qu'on peut ressentir, quand on sait que la personne la plus chère à vos yeux est morte en voulant vous protéger : c'est au-delà de la raison".
Mon frère n'a pas besoin que vous lui "rendiez hommage" et encore moins besoin que vous fassiez souffrir son amoureuse à l'idée qu'elle est encore en vie.
Bref, tout cela pour vous dire que je souhaite vivement que vous supprimiez cet article de votre blog.
J'espère que vous comprendrez.
Cordialement,
-- Léa R.
Et voici la réponse.
Madame,
Je ne m’attendais certes pas à recevoir un courriel comme le vôtre, qui me stupéfie et suscite mon incompréhension. Je me demande encore comment il est possible d’interpréter à mal le modeste billet que j’ai consacré à V. R. le 27 novembre. Vous me dites que mes sources sont fausses. Ma source est pourtant mentionnée dans le billet : Le Monde du 26 novembre.
Je me suis contenté de réagir à une information : Pascale Robert-Diard, journaliste expérimentée, consacrait un article – dont j’ai oublié le reste du contenu – aux attentats de Paris. J’ai seulement, dans mon blog, cité trois phrases de cet article. Je marquais ensuite mon admiration pour la beauté du geste instinctif noté par la journaliste, et ce n’est pas moi, mais elle, qui a écrit : « Elle lui doit la vie ». Je suis donc surpris que vous vous en preniez à moi : en quoi mes phrases sont-elles « culpabilisantes » ? Voilà ce que je ne comprends pas.
J’ai été, comme tout le monde je crois, bouleversé par les attentats de Paris. J’ai suivi dans Le Monde, jour après jour, les récits poignants faits par les journalistes dans une suite intitulée « Mémorial du 13 novembre ». Je continue à lire, le cœur serré, les articles que le journal consacre encore aux rescapés, gravement blessés ou non, des attentats.
Profondément désolé que mon billet puisse avoir ajouté à une douleur, du fait d’une interprétation que je persiste à considérer comme erronée, j’accepte bien volontiers de retirer la partie du billet qui concerne la personne disparue, et de faire figurer en son lieu et place cette petite correspondance, à laquelle je pense pouvoir ainsi mettre fin.
Croyez bien que je partage la douleur des familles, des proches, des survivants.
F. C.
Note : J'apprends dans Le Monde du 27 novembre que V. R. n'est pas le seul. Gilles Leclerc était lui aussi présent au concert des Eagles of death metal au Bataclan, le 13 novembre. Sa famille et ses proches ont dû attendre le lundi à 17 heures pour apprendre qu'il ne reviendrait plus jamais. Sa chérie à lui s'appelait Marianne. Pascal Galinier, auteur de la notice qui lui est consacrée, écrit : « Nul n'est étonné d'apprendre comment il aurait sauvé Marianne en se jetant sur elle, au Bataclan ». Honneur à Gilles Leclerc !
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mercredi, 25 novembre 2015
CABU CHEZ LA VOYANTE
On reconnaît Cabu à sa coupe de cheveux. On reconnaît Wolinski à son gros cigare. Les deux autres, j'ai du mal à les identifier. Bernard Maris ? Tignous ? Charb ? Ils sont morts en janvier dans les locaux de Charlie Hebdo, assassinés par les frères Kouachi. J'avoue que ce dessin de Dutreix m'avait échappé en janvier. Mais aujourd'hui, il me saisit à la gorge : je le trouve d'une justesse, d'un tragique et d'une drôlerie absolus. Il y a avant, et puis il y a après, sur le thème de : si on leur avait dit ...
Quelle poilade, les copains !
Ce dessin, republié dans "Le Monde des livres" du 20 novembre fait aujourd'hui écho à ce que déclare Laurent Camax, époux de Claire, morte au Bataclan. Voici ce qu'écrit Fabrice Lhomme, rédacteur de la notice : « Laurent Camax évoqua avec sa femme le risque terroriste : "J'étais dans le déni total de ce fléau, raconte-t-il. Je me souviens avoir dit à Claire qu'on avait autant de chances de mourir à cause du terrorisme que de gagner au Loto sans y jouer. Aujourd'hui, elle se moquerait bien de moi ..." » (Le Monde, 23 novembre, pour son "Mémorial du 13 novembre"). Il y a avant, et puis il y a après.
Claire Camax est morte, assassinée, au Bataclan, le vendredi 13 novembre 2015. Le couple avait deux enfants, de trois et sept ans.
Et merde !
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cabu, charlie hebdo, 7 janvier paris, frères kouachi, wolinski, bernard maris, tignous, charb, bataclan, claire camax, vendredi 13 novembre paris, journal le monde, fabrice lhomme, france, société, presse, journaux, journalistes, islam, islamistes, islamisme, musulmans
lundi, 23 novembre 2015
UN MAUDIT VENDREDI 13 ...
Devant "Le Carillon".
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... POUR DIRE LA PLACE DE LA FRANCE DANS LE MONDE
AU SÉNÉGAL
EN ALLEMAGNE
EN ALLEMAGNE
MÊME EN ARABIE SAOUDITE !
EN CHINE
AU ROYAUME-UNI
AUX PHILIPPINES
AU LIBAN
A HONG KONG
EN BELGIQUE
EN COLOMBIE
AU JAPON
AUX ETATS-UNIS
AU CANADA
EN ITALIE
EN ALGERIE
AUX ETATS-UNIS
EN ESPAGNE
Moralité : en janvier, quand Cabu, Wolinski, Bernard Maris et les autres de Charlie Hebdo, ont été assassinés, j'avais été estomaqué d'apprendre que des gens, sur la place principale d'Oulan Bator, capitale de la Mongolie, eussent disposé des bougies pour crier "Je suis Charlie" !
Aujourd'hui, je (re)découvre que le monde aime la France. Aujourd'hui, les Anglais chantent la Marseillaise, et les Corses, pour une fois, ne la sifflent pas.
Aujourd'hui, je découvre que des citoyens d'origine arabe et/ou musulmane (on peut cliquer) se déclarent fiers d'être français, ou poussent un coup de gueule (idem 2'55") pour appeler les musulmans à faire le ménage, pour que des salopards cessent de salir leur "belle religion".
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Antoine Leiris, journaliste au Monde qui a perdu sa femme au Bataclan, écrit une lettre bouleversante : "Vous n'aurez pas ma haine".
“Vous n’aurez pas ma haine”
Vendredi soir vous avez volé la vie d’un être d’exception, l’amour de ma vie, la mère de mon fils mais vous n’aurez pas ma haine. Je ne sais pas qui vous êtes et je ne veux pas le savoir, vous êtes des âmes mortes. Si ce Dieu pour lequel vous tuez aveuglément nous a fait à son image, chaque balle dans le corps de ma femme aura été une blessure dans son coeur.
Alors non je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr. Vous l’avez bien cherché pourtant mais répondre à la haine par la colère ce serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes. Vous voulez que j’ai peur, que je regarde mes concitoyens avec un œil méfiant, que je sacrifie ma liberté pour la sécurité. Perdu. Même joueur joue encore.
Je l’ai vue ce matin. Enfin, après des nuits et des jours d’attente. Elle était aussi belle que lorsqu’elle est partie ce vendredi soir, aussi belle que lorsque j’en suis tombé éperdument amoureux il y a plus de 12 ans. Bien sûr je suis dévasté par le chagrin, je vous concède cette petite victoire, mais elle sera de courte durée. Je sais qu’elle nous accompagnera chaque jour et que nous nous retrouverons dans ce paradis des âmes libres auquel vous n’aurez jamais accès.
Nous sommes deux, mon fils et moi, mais nous sommes plus fort que toutes les armées du monde. Je n’ai d’ailleurs pas plus de temps à vous consacrer, je dois rejoindre Melvil qui se réveille de sa sieste. Il a 17 mois à peine, il va manger son goûter comme tous les jours, puis nous allons jouer comme tous les jours et toute sa vie ce petit garçon vous fera l’affront d’être heureux et libre. Car non, vous n’aurez pas sa haine non plus.
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Gratitude au monde : nous, citoyens français, soyons à la hauteur de cet amour. Cet amour nous oblige. Des salauds nous offrent une occasion de nous ressaisir : saisissons-la.
L'espoir renaît : allons, tout n'est peut-être pas perdu !
vendredi, 20 novembre 2015
I’M A POOR LONESOME COWBOY
LUCKY LUKE CONTRE JOSS JAMON (N°11)
Ce "Lucky Luke" est le seul (de Morris et Goscinny !) où l'on voit à la fin le héros marcher vers le soleil couchant en dirigeant Jolly Jumper vers la gauche de l'image : je n'en tire aucune conclusion.
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Oui, je suis vraiment, et plus que jamais, de ce pays.
Ici, un lien vers la liste complète des victimes des attentats de vendredi 13 novembre (merci à Mediapart).
Lisez les 123 noms (sur 129) les uns après les autres.
Dites ces mots : "Leur vie" et retenez vos larmes, si vous pouvez (Aragon + Brassens, 3'32").
09:00 Publié dans BANDE DESSINEE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bande dessinée, morris goscinny, morris lucky luke, humour, lucky luke contre joss jamon, france, politique, société, terrorisme, daech, attentats paris, bataclan, victimes attentats, mediapart, louis aragon, georges brassens, il n'y a pas d'amour heureux
mercredi, 18 novembre 2015
LE MONDE A TRAVERS LA VITRE
09:00 Publié dans PAS PHOTOGRAPHE MAIS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photographie, france
lundi, 16 novembre 2015
ILS SONT MORTS
GUILLAUME B. DECHERF, journaliste, 43 ans.
HALIMA SAADI, mère de deux enfants, 37 ans (et sa sœur HOUDA).
VALENTIN RIBET, avocat, 26 ans.
AURÉLIE DE PERETTI, infographiste, 33 ans.
PIERRE INNOCENTI, restaurateur, 40 ans.
THIERRY HARDOUIN, policier, 36 ans.
Six parmi tant d’autres morts !
Dans Libération du 16 novembre.
Romain DIDIER, Lamia MONDEGUER, Marie MOSSER, Alban DENUIT, Thomas DUPERRON, Elsa DELPLACE et sa mère Patricia NUNEZ, Quentin BOULENGER, Mathieu HOCHE, Milko JOZIC et son amie Elif DOGAN, Nick ALEXANDER, Thomas AYAD, Cédric MAUDUIT, Elodie BREUIL, Manu PEREZ, Lola SALINES, Nohémi GONZALEZ, Nicolas CLASSEAU, Mathieu GIROUD, ...
Tant d'autres, qui avaient un âge, qui avaient un nom, qui avaient un visage !
Ils avaient tous une vie, et une seule !
Ils n'étaient pas en guerre.
Et encore : Fabrice DUBOIS, Juan GARRIDO, Quentin MOURIER, Hélène MUYAL, David PERCHIRIN, Hugo SARRADE, Valeria SOLESIN, Anna LIEFFRIG, Véronique de BOURGIES, Asta DIAKITÉ, Victor MUÑOZ, Grégory FOSSE, ...
J'essaie de me consoler comme je peux. Ici, l'impeccable Ensemble Arpeggiata de Christina Pluhar, joue La Lyra d'Orfeo, de Luigi Rossi.
Dans le viseur : 1h 16' 29" de sérénité.
09:00 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : attentats paris, paris 13 novembre, daech, bataclan, restaurant la belle équipe, métro charonne, kamikaze stade de france, politique, société, france, attentats paris victimes, organisation état islamique, islam, musulmans, presse, journaux, journalistes, arpeggiata, christina pluhar, véronique gens
dimanche, 08 novembre 2015
POLITIQUES ET RÉALITÉS VIRTUELLES 2
J'avais commencé à dire dans quel état je vois la vie politique actuelle en France. En résumé : pas brillant !
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Des mécanismes supranationaux et transnationaux ont pris le pouvoir, évinçant du même coup la notion de parti politique. Il n’y a plus de partis politiques, il n’y a plus que des officines conçues à seule fin de conquérir le pouvoir. Il n’y a plus de gauche ou de droite, plus de vision de l'avenir, plus de volonté de construire. Il n'y a plus de dirigeants : il n'y a plus que des directeurs. Il y a des chefs de bureau, des comptables, en un mot : des administrateurs, des gestionnaires. Si possible issus de l'ENA, où l'on apprend à pondre en virtuose des palanquées de rapports « Constat / Causes / Solutions ».
Je veux dire qu’il ne peut plus y avoir d’affrontements entre « adversaires politiques » reposant sur l’opposition de « projets politiques » structurés. En un mot, la lutte des classes a laissé place à la lutte des clans : affrontements purement claniques, parfois mafieux, pour le pouvoir, mais formulés, pour le confort intellectuel de la galerie, dans des catégories obsolètes et sous les étiquettes défuntes des « idées politiques », remontant à la guerre froide, avant la chute du Mur et l’effondrement de l’empire « communiste ».
Les politiciens ne sont plus que des comédiens spécialisés dans des rôles servant d'étiquettes : c’est à qui fera le mieux semblant d’incarner les « idées » portées par son camp. Il ne s'agit plus que de "capter l'auditoire" et d'attirer les voix des électeurs. L'hypocrisie est maintenant inscrite au programme de la formation professionnelle du politicien (je me réfère à l'étymologie grecque du mot hypocrite), produisant un catéchisme plus connu sous l'appellation de « langue de bois ».
Pour ce qui est du contenu des « idées », ce sont des think tanks spécialisés qui reçoivent pour mission de les élaborer, de les produire, de les faire mijoter, de les emballer. Pour le parti « socialiste », c’est la fondation « Terra nova » qui en est chargée. C’est elle qui a, dans un passé récent, proposé au PS d’abandonner toute référence à la classe ouvrière, pour s’adresser en priorité aux « bobos », vivier de cette gauche morale terrifiante de bonne conscience qui, ayant abdiqué toute ambition de changer le monde et convertie à l’économie de marché, commodément contente de son sort, se montre cependant toujours prête à s’acheter une conscience en impulsant des réformes présentées comme autant de progrès, mais attention : seulement des réformes « sociétales ». Ne touchons pas à ce que Marx appelait l' "infrastructure".
Aucun de ces « politiciens » - on est en démocratie - ne peut accéder au pouvoir s’ils ne se concilie pas les bonnes grâces de sa « clientèle », pardon : de l’électorat. Pour savoir ce qui lui vaudra ses faveurs, pas d’autre moyen que de chercher à savoir ce qu’il pense. Ensuite, à lui de s'y prendre astucieusement pour lui servir la soupe. On devine comment : enquêtes de motivations, marketing, bref : sondages d’opinions. On enfonce le thermomètre dans le cul de l'opinion. On procède ni plus ni moins que pour vendre des savonnettes, des yaourts ou des boîtes de sardines.
Ensuite, une bonne agence de communication, comme pour n’importe quelle publicité, va vous concocter un « message » (traduction : un slogan publicitaire : la force tranquille, ensemble tout devient possible, le changement c'est maintenant) qui, on l’espère, entrera assez en résonance avec l’opinion majoritaire pour que la clientèle mette la main à la poche, c’est-à-dire le bon bulletin dans l’urne. Voilà à quoi ressemble la politique en France aujourd’hui.
Maintenant je peux enfin en arriver à ce qui m’a servi de point de départ : pourquoi croyez-vous que Sarkozy retrouve des accents martiaux sur le laxisme de madame Taubira, le laxisme des juges, l’insuffisance des places de prison, l’insécurité dans les « quartiers », au point de promettre qu'il mettra toutes ces réformes par terre ?
Très simple : toujours aussi gros consommateur de sondages, il ressert à la population française le thème que les enquêtes d’opinion ont mis en relief. Il se contente de mimer ce qu'il croit être les "attentes de la population", en espérant entrer en "consonance" avec elle (grille de lecture PNL, cette bible des démarcheurs qui ont quelque chose à vendre). Traduction : il fait de la « Com’ ». Le sentiment d’insécurité éprouvé par monsieur Toulmonde, lui, il s’en contrefiche, il a sa cohorte de gardes du corps, il n’est pas concerné. Sarkozy ne s’appelle pas Toulmonde.
Mais ça veut dire aussi que la réalité de la délinquance en France, il n’en a rien à foutre. Les preuves ? Sarkozy au pouvoir, c’est la destruction de la « Police de proximité », que Jospin avait mise en place avec intelligence, pour mener une efficace politique de prévention de la délinquance. Sarkozy au pouvoir, c’est la fusion catastrophique des RG et de la DST (Mohamed Mehra est un "dommage collatéral" de cette politique). Sarkozy au pouvoir, c’est la loi sur les « peines planchers », aux effets délétères sur la récidive. Sarkozy au pouvoir, c’est la comparaison de la magistrature dans sa globalité avec des rangées de boîtes de petits pois sur des rayons de supermarché. Il ne gouverne pas la réalité, il gouverne le reflet de l’opinion publique que lui livrent par cageots entiers les instituts de sondage. Son obsession, c'est d'être « en phase » avec ce qu'il croit être le peuple.
Hollande ne vaut pas mieux : l’épisode affreusement minable organisé autour de la désormais célèbre Lucette Brochet, de Vandœuvre-lès-Nancy, en est une preuve suffisante. Ce qui caractérise ces dirigeants politiques, leur point commun, c’est que, pour eux, il suffit de gouverner l’image du réel. Leur monde à eux, leur réalité à eux s’arrête à l’horizon qu’ils aperçoivent du fond de leur bocal.
« Le pouvoir sur Rubanis … un simple tas de poussière. – Oui, mais maître des images. » C’est Valérian qui répond à Laureline à la fin de l’excellent Les Cercles du pouvoir (Dargaud, 1999), des maîtres Mézières et Christin. Rabelais raconte une histoire vaguement cousine au chapitre XXXVII de son Tiers livre : un rôtisseur veut faire payer un faquin qui « mangeoit son pain à la fumée du roust », juste pour lui prêter le parfum de la viande.
Pour les départager, on fait appel à Seigny Joan, un « fol, citadin de Paris ». La sentence tombe : « La Court vous dict que le faquin qui a son pain mangé à la fumée du roust civilement a payé le roustisseur au son de son argent ». Tout le monde applaudit cette sagesse salomonesque. Sauf qu'aujourd'hui, Seigny Joan a pris le pouvoir. Et que le peuple n'a plus que la « fumée du roust » et le « son de son argent ». Le parfum du bonheur. La musique de la prospérité. Tout va bien. Dormez, braves gens.
Rabelais, on ne le sait pas assez, annonçait là le règne aujourd’hui admis par tous comme plus réel que le réel, de la « réalité virtuelle ». L’homme « politique » (je me gausse) d’aujourd’hui s’efforce d’agir sur des virtualités en faisant croire qu’il agit sur les réalités. Il agit sur les signes, puisqu'il ne peut plus agir sur les choses. Les choses, quant à elles, restent imperturbables : elles continuent d’avancer.
Conclusion de tout ça : de même que les décideurs politiques ne saisissent qu’une réalité de plus en plus virtuelle, leur action s’exerce de façon virtuelle. Une action incantatoire qui se réduit au discours qui sort de leur bouche. Lénine publiait, en 1902, Que Faire ?. Aujourd’hui, en France, on connaît la réponse : plus personne, parmi les responsables, ne sait quoi faire.
Les décideurs politiques, à bien y réfléchir, sont de plus en plus désespérés : ils courent après l'opinion publique, ils courent après les sondages, ils courent après les médias, ils courent après une réalité qui leur échappe davantage de jour en jour. Ils se demandent avec angoisse comment arrêter de mentir. Ils se disent que, peut-être avec raison, le jour où les électeurs sauront la vérité, ils seront à leur tour poussés au désespoir, et alors là, que se passera-t-il ? Ils n'osent pas y penser.
En d'autres temps, ils se mettaient tacitement d'accord pour "ne pas désespérer Billancourt" et s'entendaient, grosso modo, sur un modus vivendi acceptable pour que personne ne reçoive trop de bouses de vaches sur la figure. Quand le peuple sortira de la caverne, ébloui par la lumière de la vérité, que fera-t-il ? Horresco ! Vade retro ! Tantum ergo ! Delenda Carthago !
Une seule solution : continuer dans le mensonge. Que tout le monde reste dans la caverne !
Le monde extérieur est peut-être hors de contrôle, après tout.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, société, france, nicolas sarkozy, christiane taubira, mariage pour tous, emmanuel macron, françois fillon, françois mitterrand, parti socialiste, les républicains, françois hollande, manuel valls, jean-christophe cambadélis, alain juppé, école nationale d'administration, ena, programmation neuro-linguistique, lionel jospin, mohamed mehra, dst, rg, renseignements généraux, lucette brochet vandoeuvre-lès-nancy, bande dessinée, christin mézières, valérian, les cercles du pouvoir, rabelais tiers livre, lénine que faire
samedi, 07 novembre 2015
POLITIQUES ET RÉALITÉS VIRTUELLES 1
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Je parlais dernièrement (le 2) de la classe politique désastreuse dont la France est affligée depuis trop longtemps, et ce que j’entends ne fait hélas que le confirmer. Ainsi Nicolas Sarkozy vient-il de jurer ses grands dieux que s’il revient au pouvoir (ce qu’à Dieu ne plaise, par pitié !), il mettra par terre tout ce qui a été fait, en matière de justice, de police et de politique pénitentiaire, par le gouvernement actuel, sous la houlette de ministres parmi lesquels, pour la droite, madame Taubira joue à merveille le rôle d’épouvantail et de punching ball.
Pour être franc, j’ai tendance à éprouver une sévère antipathie envers cette personne, d’une part pour l’avoir entendue à plusieurs reprises s’exprimer lors de débats contradictoires, au cours desquels elle ne cessait d’aboyer et de couper la parole aux autres intervenants et où elle apparaissait comme une furie pleine de vindicte envers la France, une France qu’elle ne remercie même pas de lui avoir fait l’honneur de la faire figurer au gouvernement. Une personne détestable.
D’autre part, je n’oublie pas le coup de force auquel elle a prêté la main, je veux dire l’infamie que constitue encore aujourd’hui l’ouverture du mariage aux homosexuels. J’aurais aimé à cette occasion, où les médias s’extasiaient du fait que « des sondages » montraient « indubitablement » que 63% des Français y étaient favorables, j’aurais aimé que notre minuscule président ait le courage de faire un sondage grandeur nature en organisant un référendum. Il aurait vu, à n’en pas douter, ce que valent les sondages. Mais il avait la soupe à servir à la clientèle électorale qu’il avait draguée en lançant ses promesses.
Mais foin de Taubira et compagnie. Mon propos est ailleurs. Car la sortie sécuritaire de Sarkozy est un symptôme de la terrible maladie dont la vie politique française est atteinte. Si le nabot fauteur de trouble a enfourché ce cheval, ce n'est pas par conviction (en a-t-il, d'ailleurs ?) : c'est parce qu'il trouve dans les problèmes sécuritaires un « thème porteur », un « créneau » censé entrer en résonance avec l'opinion publique telle qu'elle s'exprime dans les sondages. On est en campagne électorale : la « communication » fait rage. Cela explique.
Selon moi, les programmes politiques et économiques de la gauche et de la droite se différencient par la place des virgules et le nombre d’accents circonflexes : sur le fond, les deux camps sont d’accord pour libéraliser (on dit : « libérer les énergies », « briser les carcans réglementaires » et autres joyeusetés langagières). Ils diffèrent par la hauteur à laquelle ils envisagent de placer la barre : en gros, c’est Macron contre Fillon, le « modéré » contre l’ultra.
Je veux dire que dans la guerre économique qui se livre dans le monde depuis quelques décennies, le tant célébré « Modèle Français » est définitivement mort et enterré, et que nous devons cette défaite absolue à la "construction européenne" dans son principe, puisque fondée sur la « concurrence libre et non faussée ». Autrement dit la disparition pure et simple de tout ce qui ressemble à un monopole d’Etat.
Or, ce si vilipendé monopole d’Etat, à quoi servait-il ? A offrir à tout le monde, en quelque point du territoire national qu’on se trouvât, un service identique pour le même prix. Autrement dit, le monopole d’Etat, ce monstre antédiluvien, garantissait la protection de quelque chose qui est devenu négligeable, dans ce monde de libéralisme à tout crin : le BIEN COMMUN.
Tout ce qui touche au bien commun me trouvera résolument "de gauche" quand il se trouvera menacé. Hélas, le bien commun a disparu du paysage politique. Je l'ai déjà dit : je reste "de gauche" pour tout ce qui touche les conditions concrètes de la vie en commun (conditions de vie, économie, ...), mais pour ce qui est des "valeurs", des mœurs et de la vie "sociétale", je suis "à droite toutes", et j'assume.
Ah, le "bien commun", cet archaïsme. Pour mieux dévaluer la chose, les responsables et les journalistes appelaient cela le « Service Public à la française », pour bien insister sur le particularisme étrange que celui-ci représentait dans la modernité du monde en marche. Pour bien signifier le « Retard » de la France par rapport aux champions de la marchandisation universelle.
Le Bien Commun ayant été détruit à coups de privatisations massives, et les entreprises publiques ayant été démantelées afin de mettre la France « en conformité avec les traités », les politiciens français se sont trouvés obligés de mentir pour faire passer la pilule, de « mettre en musique », de présenter les « éléments de langage » pour que cette révolution qui subvertissait tout ce qui faisait l’identité de la nation française apparaisse comme le cours normal des choses, comme l’évolution logique et fluide d’une histoire en progrès permanent et qui, par-dessus le marché, ne renierait rien du passé.
Cet énorme paquet de mensonges, inutile de dire que tous les partis de la droite y étaient prêts depuis longtemps, le libéralisme économique étant d’une certaine manière « dans ses gènes ». La droite était simplement retenue par l’existence du PCF (adossé à l’URSS) et par la combativité de sa base ouvrière, auxquels elle était forcée de faire des concessions : une histoire de rapport de forces. Pour la gauche, ça s’est passé beaucoup moins bien. Celui qui a fait prendre au parti « socialiste » le virage « à droite toute » s’appelait évidemment François Mitterrand. Cela se passait en 1983.
Et ce « Tournant de la Rigueur », plongea tous les responsables du parti « socialiste » dans une hypocrisie littéralement structurelle, congénitale et forcée : il fallait s’adapter au libéralisme ambiant, mais sans rien renier, dans les paroles et les discours, du « modèle français ». L’imposture est là. Le modèle français est défunt, et sa résurrection n’est pas au programme. Le résultat de cette mutation dans le langage fut, entre autres, la floraison d’agences de communication chez lesquelles les politiciens venaient faire leurs emplettes en matière de discours et d’ « éléments de langage ».
Le résultat politique de cette mutation fut que gauche et droite n’ont plus divergé, mais, pour se différencier un peu, ont été obligées de se rabattre sur des détails, la gauche étant volontiers plus « sociale », et même « sociétale » (présenter le mariage homo comme une mesure de progrès, donc forcément « de gauche »), la droite plus « libérale ». Les programmes de gauche et de droite ne sont peut-être pas copie-conforme, mais pas loin. Il ne faut plus parler de "couleurs politiques", mais de nuances.
Les avides de pouvoir ne peuvent plus se targuer de défendre des idées : il n’y a plus d’idées proprement politiques dans les partis de gouvernement. Qui propose (je veux dire : sérieusement) une société plus juste ? Une société plus heureuse ? Un monde moins inégalitaire ? Qui a un plan pour que puissent s'instaurer des rapports humains équilibrés ? Qui a un projet, en dehors de la féroce lutte pour la survie que les humains se livrent, tous contre tous ?
Qu'il s'annonce, s'il existe.
Voilà ce que je dis, moi.
mardi, 04 août 2015
UN ZESTE DE VIALATTE
« La parole date de la plus haute Antiquité. Qui ne se rappelle les tournois d’éloquence des Grecs et des Troyens devant les murs de Troie ? Les guerriers se sont lancé de magnifiques insultes. Les rois nègres, naguère, de colline à colline, s’entre-vitupéraient dans le style le plus grandiose. Les Peaux-Rouges. Les Apaches. Les automobilistes. Voire les marxistes-léninistes. Et même les époux en colère. Ils se traitaient, et se traitent même parfois encore, de chiens, de fils de chien, de fromage mou, de vipères lubriques, que sais-je ? D’affreux. De déviationnistes des droite. Les Arabes disent à leur ennemi : "Qu’Allah te change en vespasienne !". Les cochers de fiacres traitaient leurs clients de "veaux frisés", de "profil d’œuf", de "moules à confetti". Les paysans citaient de nombreuses maximes, les monarques avaient l’habitude de prononcer des paroles historiques, et les mourants des mots de la fin. »
Alexandre Vialatte, « Chronique de la parole et parfois de la pensée ». Dans La porte de Bath-Rabbim, textes choisis et préfacés par Ferny Besson, Julliard, 1986.
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lundi, 03 août 2015
UN ZESTE DE VIALATTE
« Qui ne disparaît ? Nous vivons par hasard.
J’avais dix-huit-mois quand ma mère vit mes deux pieds qui dépassaient d’une lessiveuse. On connaît la bonté des mères. Elle les saisit immédiatement, me sortit de l’eau, me fit sécher au four et me replaça debout sur la route de la vie. C’est à cette circonstance fortuite que je dois de pouvoir signer mes différents travaux. Sans elle on eût été forcé de les donner sous un pseudonyme, ou de les publier comme posthumes, ou sous le manteau de l’anonymat. »
Alexandre Vialatte, « La clef des songes », La Montagne, 23 août 1970.
Dans Profitons de l’ornithorynque, Julliard, 1991.
Note : je cite le tout début de la chronique en question.
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mercredi, 22 juillet 2015
UN PETIT CROISSANT
Il faut calmer la colère des agriculteurs, en particulier des éleveurs : plus ils travaillent (= plus ils produisent), plus ils s'appauvrissent. Que croyez-vous qu'il faut faire ? Faire en sorte que les conditions de production de viande redeviennent satisfaisantes ? Que les éleveurs puissent vivre de leur métier ? Que nenni ! Pas question ! Vous n'y pensez pas ! Il faut éteindre l'incendie de la colère avant que la grogne sociale ne gagne d'autres secteurs de la société et ne finisse par devenir un problème politique.
François Hollande, Manuel Valls et Stéphane Le Foll sont d'accord : il ne faut surtout pas agir sur la réalité, ni s'attaquer aux causes du problème. Il faut empêcher la colère de s'exprimer. Il faut donc une bonne lance à incendie. Avec quelle eau l'alimenter ? Du liquide ! Ou plutôt des liquidités ! Plein de liquidités ! Hollande va « débloquer des crédits » ! Ensuite, on recommencera à ne pas s'occuper de la situation.
Maintenant, qu'est-ce qu'elle fait, la réalité ? Ne vous en faites pas : elle continue, le moteur ronfle à plein régime ! La situation peut continuer à empirer : Hollande continuera à colmater les brèches dans la coque du navire. Ecopez, les gars ! C'est pas fini !
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Photo prise le 19 juin 2015 à 22 heures et 9 minutes.
09:00 Publié dans PAS PHOTOGRAPHE MAIS | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : photographie, france, société, politique, agriculture, agriculteurs, barrage caen, éleveurs, françois hollande, stéphane le foll, manuel valls