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dimanche, 20 décembre 2015

FRANCE : UN FOSSILE POLITIQUE

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A quoi bon revenir, une fois de plus, sur l’état de la vie politique en France ? Si ça servait à quelque chose, il y a longtemps que la situation se serait améliorée. Or les commentaires judicieux, les analyses pertinentes et les diagnostics alarmants sont tombés comme à Gravelotte, aux dernières élections. Donc, disons-le, ça ne sert à rien. Eh bien tant pis : ce n’est pas une raison pour ne pas en parler. Le constat est terrible. Beaucoup d’analystes, français ou non, le disent : le système politique français est à bout de souffle. Ce vieillard cacochyme n’aura pas la force de sortir du bourbier pour se régénérer et repartir sur de nouvelles cannes. Là, c'est le fauteuil roulant. Electrique et autodirectionnel à radar si possible.

Le symptôme de cette maladie en phase terminale s’appelle, on l’a deviné, « Front National ». J’ai bien dit : symptôme. Le Front National n’est rien d’autre que la sorte d’éruption cutanée qui signale que la personne développe une scarlatine (ou une autre selon préférence) : si l’on ne soigne pas l’organisme, nulle chance d’endiguer l'invasion de points rouges provoquée par l’éruption. Pour « combattre le Front National », il faut soigner la France. Hélas, ce qui est à craindre, dans la circonstance, c’est le « désert médical ». 

Je reviens donc sur la prospérité électorale du Front National, cette incroyable prospérité qui fait lever un vent de panique sur les « partis de gouvernement » ; cette épouvantable prospérité qui fait croire au monde entier que la France est le terrain d’une atroce « montée de l’extrême-droite » (pas d'affolement quand même : 15,06% des inscrits au 2° tour, pour le "premier parti de France", ils n'ont pas intérêt à la ramener, le PS ne fait guère mieux, avec 16%). Tous les mages, Valls en tête, qui nous serinent l’antienne « Il faut combattre le Front National » ne sont que de cyniques salopards qui ne cherchent qu’à détourner l’attention de l’essentiel : il urge de soigner la France. 

Mais y a-t-il seulement un (bon) médecin dans la salle ? Etant entendu que le bon médecin est celui qui pose le bon diagnostic. Je ne sais pas si j’aurais fait un bon médecin, mais là, ça crève les yeux : le Front National est un « Golem », ce mannequin de terre sur lequel le magicien trace sa formule cabalistique en hébreu (je pense évidemment au maître livre de Gustav Meyrink). Le Front National ne serait pas sorti de l’inexistence s’il n’avait pas été fabriqué de toutes pièces par le système politique dont il est la créature : comme le Golem, il fait aujourd’hui mine d’échapper à la volonté de ses créateurs. 

Je le redis, le Front National est cette baudruche ridicule, dont le raisonnement et la doctrine politiques, qui tiennent à peu de choses près sur un confetti, s’apparentent fort au crachat à la gueule, mais une baudruche devenue un véritable épouvantail à la suite de tortueux calculs politiciens, mais aussi et surtout, de l’incompétence cumulée de décideurs incapables de saisir et de maîtriser les réalités du monde actuel, c’est-à-dire de résoudre les problèmes qui surgissent (faire en sorte, par exemple, que le travail ne foute pas le camp, s'il n'est pas déjà trop tard) ; d’ambitieux sans envergure qui ont vu s’ouvrir devant eux la perspective d’une carrière prometteuse ; de médiocres tâcherons avides de mordre dans le fromage national en y exerçant des pouvoirs de « petits chefs » (en attendant mieux) ; de fonctionnaires incapables d’envisager un horizon politique un peu noble, incapables de faire abstraction de la prochaine échéance électorale pour se forger le corps d’une doctrine d’action à long terme dépassant leur pauvre petite personne. 

Incapables de proposer même l’embryon d’une pensée politique un peu formée, tous ces charlots pourraient figurer dans la version modernisée du très glauque et grenouillant Son Excellence Eugène Rougon (Emile Zola, faut-il préciser). Sans cette désespérante médiocrité de gens qui prouvent tous les jours qu’ils se rabattent sur les mots faute de se montrer capables de changer les choses, le Front National en serait resté aux 4 ou 6% dont devait se contenter le vieux Le Pen, avant que Mitterrand lui ouvre, pour ses propres calculs, la porte de l’ascenseur. Bref, le Front National, en plus d'être nourri par les difficultés de plus en plus insolubles auxquelles se heurte toute une population de gens ordinaires, est l'enfant difforme de la médiocrité d'un personnel politique erratique, abâtardi et fonctionnant "en bande organisée".

Ma conviction est que le Front National est la version caricaturale exacerbée des partis qu’il dénonce : un calque, un clone, une créature de l’ « établissement » que le vieux Le Pen faisait semblant de combattre. Ma conviction est que le Front National prospère sur le fumier qu’est devenue la vie politique en France, depuis, disons, Giscard d’Estaing. Ma conviction est que tous les grands dirigeants qui lui ont succédé ont rapetissé la France. Ma conviction est que, sans l’insigne insignifiance des « hommes politiques » français poussés sur le fumier politique, le Front National serait resté une crotte de bique. J’arrête là les anaphores : j’aurais trop honte de tomber dans les « Moi Président … ». 

Ce n’est donc pas, j’en suis convaincu, la corruption qui mine la vie politique française. Je n’en dirais pas autant si la France s’appelait le Mexique, l’Espagne ou le Brésil. Luis Barcenas, le trésorier du PP espagnol, est au cœur d’un énorme scandale financier. Au Mexique, la collusion objective entre le monde politique, certaines forces de l’ordre et les gros bonnets et cartels du narcotrafic est telle qu’on se demande si l’on peut encore parler d’un « État ». Quant au Brésil, le scandale « Pétrobras » fait suffisamment de bruit dans nos médias pour qu’il soit utile d’insister. 

Et je ne parle pas de certains pays africains, de la Russie, de la Roumanie, etc. 

Voilà ce que je dis, moi.

lundi, 02 novembre 2015

LE PS DANS LA NASSE

Le Front National, c’est entendu, est un épouvantail, un grand diable exotique (exogène, allogène, hétérogène, bref : métèque). C’est une créature bizarre : il est né sous nos climats tempérés, la loi le considère comme « un parti comme les autres », puisqu’il n’est pas interdit. Pourtant, tout le monde bien-pensant le considère comme foncièrement inassimilable : « Nous ne sommes pas de cette pâte-là ! », s’insurge chacun quand on lui fait grief de « faire le jeu du Front National » (Michel Onfray est le dernier à avoir reçu cette foudre jupitérienne et médiatique : même pas mal). 

Le désespoir des « partis de gouvernement » (je pouffe) est palpable. Ceux-ci se gardent bien de présenter les choses de cette manière pour le moins désagréable : ils retournent ce désespoir en fureur contre le Front National et tous ces fameux complices, qu’ils s’empressent d’accuser d’en « faire le jeu ». Tout est de la faute du Front National, on vous dit.

Je l’ai dit ici il y a un certain temps : au pays des lilliputiens, les nains sont rois. Au pays des minables, les moins que rien règnent. Pour parler clair, le Front National, à toutes les élections, serait toujours aussi microscopique, et se traînerait toujours autour de 5 ou 6% (en gros : existerait à peine) si deux facteurs n’avaient constamment tout fait pour qu’il n’en fût rien. D’une part, le fait qu’il ait été cyniquement instrumentalisé par François Mitterrand (et successeurs) pour torpiller la droite (après avoir torpillé le Parti Communiste avec le « Programme Commun »), en instaurant de la proportionnelle, ce qui avait fait entrer quelques voyous à l’Assemblée.  

D’autre part, la médiocrité superlativement crasse de la classe politique française, ajoutée au verrouillage, depuis quarante ans, de toute la vie politique française par deux partis organisés militairement et féodalement pour tuer dans l’œuf toute tentative innovante de faire de la politique autrement : Pierre Larrouturou, Nicolas Dupont-Aignan et d’autres en savent quelque chose, pour avoir été impitoyablement relégués dans les marges, autrement dit les ténèbres extérieures, parce que. 

Ces deux partis font semblant de se livrer une guerre de tranchées : dans le bocal, tout le monde se connaît, se tutoie, s’invite à dîner. Ils ne sont pas là pour la France : ils sont là pour soigner la carrière. Et ils sont là sinon depuis toujours, du moins depuis qu’ils sont sortis des Ecoles. La réalité de tout le monde, ils ne connaissent que par ouï-dire ou sur dossier.

D’où les mêmes bobines depuis des dizaines d’années : comment voulez-vous que quelque chose change, si les hommes ne changent pas ? La « Promotion Voltaire » (Hollande, Royal, combien d’autres), c’était en 1980. Trente-cinq ans !!! Dites-moi qui est neuf, parmi les gens qui nous gouvernent ! Pour espérer faire changer les choses, il faut commencer par virer les hommes qui étaient chargés de s'en occuper, après leur avoir vigoureusement botté le cul (« Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit », ajoute Georges Brassens, dans "Grand-père", mais il s'agit d'un curé).

Ils n’ont pas d’idées, pas de programme. Ils naviguent à vue : les sondages leur servent de gouvernail. Ils n'ont pas de France. Leur seul horizon, c’est l’élection prochaine : la meilleure façon de n'avoir aucune perspective et de s'interdire de conduire des politiques de long terme (surtout que l'autre camp, pour bien montrer que « l'adversaire » a tout faux et fait tout de travers, s'empresse de défaire ce qui a été fait). Leur seule image de la réalité est élaborée par les sondages, les sous-fifres et un essaim de bureaucrates. Leur seul discours leur est soufflé par des experts en communication.

Leur seul programme, c’est le pouvoir pour le pouvoir. S’ils n’y sont pas, ils veulent le conquérir, s’ils y sont, ils font tout pour y rester (Jeanne d'Arc, à qui, pour la piéger, le juge demandait si elle était en état de grâce, eut cette réponse extraordinaire : « Si je n'y suis, Dieu veuille m'y mettre. Si j'y suis, Dieu veuille m'y garder »). Il résulte de ce fonctionnement mafieux la fossilisation politique de la France dans le statu quo et l’impuissance face à la réalité. 

Et l’on nous raconte à satiété que Finkielkraut, Onfray et quelques autres « font le jeu du Front National », qu’ils sont d’infâmes « réactionnaires ». Et on nous assène, contre toute vraisemblance, que « le Front National n’est pas un parti comme les autres ». Mais bien sûr que si, qu’il est comme les autres : une machine à conquérir le pouvoir, une fois soigneusement « dédiabolisé » par l'héritière. Pour y faire quoi ? Qui le sait ? Peut-être ne le savent-ils pas eux-mêmes. Mais Sarkozy, puis Hollande, savent-ils davantage ce qu’ils font ? 

Ce que je crains le plus, au sujet du Front National, c’est précisément qu’une fois au pouvoir il fasse la même chose que la mafia « UMPS », mais en pire : entre les incompétents, les abrutis, les méchants et les idéologues dont ses rangs sont composés, il y aurait du mouron à se faire. En dehors de ça, qui n’est tout de même pas rien, qu’est-ce que les « républicains » et les « socialistes » lui reprochent, au Front National ? 

Très simple : de vouloir mordre dans le gâteau, un point c’est tout. « Républicains » et « socialistes », les deux « familles » (dans l'acception sicilienne du terme) principales, jusqu’à aujourd’hui, se le partageaient entre ennemis très confraternels, et se repassaient le corbillon au gré des fluctuations et des conjonctures, avec leurs hauts et leurs bas. On se disputait en présence des micros et des caméras, mais sur le fond, on s’entendait comme d’excellents complices. Autrement dit larrons en foire. 

Alors cette histoire de « front républicain » contre le Front National ? Du côté de Sarkozy, on a tout à gagner, vu les circonstances présentes : on s’apprête à rafler la mise aux régionales. On aurait donc tort de se faire hara kiri dans les régions où l’on arriverait troisième. 

Au parti « socialiste », au contraire, on serre les fesses en attendant le désastre. On se dit que la vie n’est pas juste : d’un côté on risque d’être accusé de « faire le jeu du Front National » si l’on se maintient au deuxième tour ; de l’autre on se suicide politiquement pour six ans, si l’on fait le choix héroïque de se retirer au profit des « républicains ». Sans compter le manque à gagner (la part des indemnités que les élus reversent au parti) : les socialos n’ont pas oublié ce qu’ont coûté les dernières raclées à leur compte en banque. 

Alors : suicidé ou kollabo ? Le dilemme récemment évoqué par Le Monde (voir ici au 26 octobre) n’est pas mince. La réaction morale (fièrement martelée par Valls) mettra le parti « socialiste » complètement hors-jeu dans les régions perdues, et peut-être pour plus longtemps que promis par les échéances électorales à venir. Et laissera les mains libres à la « famille » rivale, qui se croira dès lors tout permis et pourra se goinfrer à son aise, en attendant sa future défaite. 

Et la France, dans tout ça ? Quand on a fait le tour de son paysage politique, on ne peut s’empêcher de frissonner face au champ de ruine.

Voilà ce que je dis, moi.

vendredi, 10 janvier 2014

ALORS ? DIEUDONNé ?

 

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C'EST VRAI, ÇA, IL N'Y A PAS QUE KALACHNIKOV DANS LA VIE, IL Y A AUSSI LE FAMAS

(Explication à la fin)

« Saint Dieudonné ou Deusdedit (6ème siècle). – A Rome où il était cordonnier de son état, il avait eu le futur pape, saint Grégoire le Grand, comme voisin. C’est par lui que nous savons que, chaque samedi, Dieudonné allait porter aux pauvres et aux malades ce qu’il avait économisé durant la semaine à leur intention. » (Omer Englebert, La Fleur des saints, Albin Michel).

Voilà, c'est fait. Monsieur Manuel Valls a obtenu satisfaction : le spectacle de Dieudonné à Nantes a été interdit in extremis et précipitamment par une justice qui donne toutes les apparences d'être à la botte. « Victoire de la République », entend-on tomber de la bouche prétentieuse du ministre franc-maçon. J'ai plutôt l'impression que le ministre a eu la peau d'un homme érigé en ennemi personnel, peut-être pour des raisons de calcul personnel qui ne m'intéressent pas.

Alors l’antisémitisme supposé de Dieudonné, maintenant ? Oui, je sais, il a fait monter Faurisson sur scène, je ne sais qui (Jean-Marie Le Pen ?) est le parrain d’un de ses enfants, et autres fatrasies que j’ignore ou que j’ai oubliées. Il existe, semble-t-il, des « indices concordants », voire, comme on dit dans les enquêtes, un « faisceau de présomptions ». Peut-être. A cela j’ai envie de répondre : « So what ? ». Oui : et alors ? Je ne suis pas policier et, même si je porte des jugements, je ne suis pas juge, puisque je n'en ai pas l'habit.

Excusez-moi si je ne suis pas comme l’ahurissant chroniqueur du Monde Gérard Courtois, qui reprend le refrain : « L’antisémitisme n’est pas une opinion, c’est un délit ». Façon superbe et commode d'effacer d'entrée le contradicteur du paysage, exactement comme les Soviétiques éliminaient des photos officielles les dignitaires tombés en disgrâce. Jolie façon de réécrire l'histoire en la niant. 

Une telle phrase illustre exactement ce qu'est un déni de réalité, car si l’antisémitisme est un délit, il n’en reste pas moins, qu’on le veuille ou non, une opinion. Autant dire, à ce moment, que le « grand excès de vitesse », tout en étant un délit, n'est pas un comportement. Ou que le viol, qui est un crime, n'est pas un acte sexuel.

Une opinion, un comportement peuvent parfaitement être délictueux, sans cesser d'être pour autant une opinion et un comportement. Une telle dénégation est purement et simplement idiote. Aucun interdit n'a jamais anéanti  son objet de facto. La preuve ? L'envie de meurtre chez le serial killer cesse-t-elle à cause de l'interdit légal censé le dissuader ?

Et le violeur sait exactement le risque qu'il prend en agressant sa proie. La loi freine le passage à l'acte et dissuade ceux qui contrôlent à peu près leurs pulsions (et qui n'ont le plus souvent pas besoin de la menace légale pour ne rien commettre d'illégal), mais ne saurait abolir le délit. Elle n'est d'ailleurs pas faite pour ça. Et on le comprend : comment faire pour empêcher les gens de penser ce qu’ils pensent ? Surtout, de quel droit certains s'arrogeraient-ils le droit de le leur interdire ?

La loi devrait être faite pour punir exclusivement des actes. Toutes celles qui ont été faites pour satisfaire la « sensibilité » de telle communauté, de telle minorité, de tel groupe, pour quelque motif que ce soit, sont des lois infâmes. En particulier, celles qui punissent de simples paroles : les motifs pénaux inventés pour rassasier les appétits de vengeance des clientèles minoritaires des partis politiques avides de bulletins de vote, comme « incitation à la haine raciale », « négationnisme » et autres joyeusetés, sont à considérer comme des infamies.

Une telle liste, appelée à s'allonger perpétuellement (« homophobie, sexisme, islamophobie, machisme, ... », pourquoi cela s'arrêterait-il ?), est un nœud coulant passé au cou de la liberté. Le lynchage en est l'aboutissement logique, mais armé du sceau de la légitimité officielle. Ce sont autant de bombes à retardement où le législateur fou a mis la haine à mijoter, en espérant qu'elle n'explosera pas de son vivant. « Après moi le déluge » semble être le raisonnement de ce grand courageux. Nous verrons ce qu'il en est aux prochaines élections.

Appelons les choses par leur nom : l’antisémitisme, selon la loi française, est un « délit d’opinion », vous savez, ce scandale dénoncé en son temps par Voltaire en personne : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous puissiez le dire », phrase souvent citée, phrase ô combien fondatrice, mais de plus en plus mise à mal dans la pratique, dans le pays même où est née la belle idée de « tolérance ».

Imaginez un beau « débat démocratique », où l’on donnerait la parole à un seul orateur. Ah oui, ça aurait de la gueule.  Et écoutez-la, la clameur publique ! Unanime ou presque ! Je ne sais pas vous, mais moi, l’unanimité, ça me fout la trouille. Reniflez bien : l’unanimité laisse exhaler des relents d’Union Soviétique, de Politburo et de Commissaire du peuple, à l'époque bénie où les artistes étaient sommés, par Jdanov et sa clique, dans toutes leurs démarches créatrices, de se soumettre à la loi du Parti, qui ne respirait et ne chantait que l'air du « réalisme socialiste ». L'artiste qui refusait d'entrer dans le moule était forcément un ennemi du peuple.

Toutes proportions gardées, regardez, dans le Vie et destin de Vassili Grossman, le représentant du Parti qu’on a collé dans les basques des soldats qui se battent héroïquement à Stalingrad, et qui ne craint pas d’envoyer un de ces héros à la Loubianka se faire broyer par la machine KGB pour des motifs de non-conformité. On n’en est pas là, et Dieudonné n’est sûrement pas un héros. Mais la mentalité écœurante qui appelle à interdire ses spectacles n’est pas si éloignée que ça.

De même que la loi et les forces qui vont avec n’empêchent pas la drogue (voir hier) de se vendre et de s’acheter, de même la loi ne saurait empêcher un antisémite d’être antisémite. Le problème, me semble-t-il, est peut-être logé dans le fait qu’il y a des antisémites chez nous. Je regrette cette présence, mais je doute que quiconque soit en mesure (je me répète) d'interdire à qui que ce soit de penser ce qu’il pense.

Et d’abord, je demande que les bonnes âmes bien de chez nous et bien confites dans le sucre unanime du moralisme le plus conforme fassent un petit détour par les discours tenus au vu et au su de tous dans beaucoup de journaux du Proche-Orient, appelant aujourd’hui même à l’éradication de l’Etat d’Israël, voire à l'extermination des juifs. Nul ne peut nier cet antisémitisme.

Ensuite, le problème, si je regarde seulement ce qui se passe en France, je demande qu’on se demande s’il est bien normal et acceptable que certains (appelons-les « les associations ») veuillent contrôler ce qui se passe dans l’esprit des « gens », et s’érigent en gourdins mâtinés de guillotine pour assommer et décapiter toutes les têtes qui « pensent mal » au motif que « c’est pas bien » de penser ce qu’on pense. Si je ne suis pas d’accord avec Untel, de deux choses l’une : je discute ou je me barre. Je ne suis pas Commissaire du Peuple.

Ce qui me fait peur dans l’ambiance actuelle, du genre « les chiens sont lâchés », c’est ce que souligne Elias Canetti dans Masse et puissance : la meute, dernier stade avant la formation d’une « masse ». Dans les moments les plus forts de l’application du « plan Vigipirate », l’omniprésence d’uniformes de policiers et de militaires armés dans les lieux publics ne m’a jamais rassuré, bien au contraire. Rien de tel pour instaurer un vrai climat de peur.

Enfin, tant qu’ils gardent l’index posé bien droit sur le pontet de leur FAMAS, en prenant bien soin de ne pas effleurer la queue de détente. On ne sait jamais, un mauvais coup est si vite parti (le 5,56 NATO a une vitesse initiale de 1300 m/s, je ne sais pas si vous voyez ce que ça peut faire dans une gare bondée).

Voilà ce que je dis, moi.