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vendredi, 31 juillet 2015

UN ZESTE DE VIALATTE

VIALATTE NATALIE.jpgMême si ça peut sembler incongru, je comparerais volontiers chaque plongée dans les chroniques de maître Vialatte à celles que je fais régulièrement dans les albums de Gaston Lagaffe, la créature de maître Franquin : il suffit de quelques pages pour que le lecteur se mette à jubiler. Un ton et une tournure d’esprit absolument uniques, joints à la virtuosité du trait. Deux auteurs qui savent à merveille vous tenir en état de surprise permanente, à l'exact antipode de ce que Vialatte nomme quelque part (chronique "Des hauts et des bas" par Sempé) « le crime de l'uniformité ». Regardez par exemple ce paragraphe qui clôt diverses considérations, dont un éloge de Le Fond et la forme (tome II), de Jean Dutourd. On trouve ça dans Pas de h pour Natalie (Fayard, 1995). 

         « Je ne saurais terminer sans des conseils utiles : faites ramoner dès maintenant vos cheminées et réclamez une fiche de contrôle ; soyez vertueux et sensible ; ouvrez toujours les boîtes d’asperges "par le fond" ; si votre chat n’aime pas le mou, donnez –lui du caviar ; ne mentez qu’avec précision ; si vous engraissez de la ceinture, renversez la tête en arrière, vous rétablirez l’équilibre. Relisez Le Fond et la forme, votre fond en aura plus de forme, votre forme en aura plus de fond. Ne battez pas votre femme avec une barre de fer ; vous seriez puni par les juges d’Angleterre, car c’est un geste de goujat ; usez plutôt d’une canne flexible et résistante, vous serez approuvé par la Bible et par les proverbes arabes.

         Et c’est ainsi qu’Allah est grand. » 

Alexandre Vialatte, La Montagne, 17 mai 1960. 

On me dira ce qu’on voudra, ce genre d’allègre espièglerie ne peut se trouver que sous la plume d’un grand de la littérature. 

Mais là je n’apprends rien à personne. 

Voilà ce que je dis, moi.

ENGLEBERT OMER.jpgNote : quoi qu'on puisse en penser, Vialatte orthographie le prénom Natalie conformément à l'étymologie latine. On lit d'ailleurs dans l'irremplaçable Fleur des saints, cette bible écrite par Omer Englebert (Albin Michel), à la date du 27 juillet (où l'on fête toutes les Natalie) : « Ils furent décapités [en 852], écrit Euloge, dans l'ordre suivant : Félix, Georges, Liliose, Aurèle et Natalie (ou Noële) [sic] ». Eh oui, Noëlle et Nat(h)alie, c'est du pareil au même. C'est un des sujets de la dernière chronique du volume, "Chronique de l'h de Natalie". C'est sûr, Vialatte est du genre conservateur.

jeudi, 18 décembre 2014

SAINT FIACRE HOLLANDE

Je recycle, en le remaniant tant soit peu, un billet paru il y a bien longtemps. Pensez, c’était au temps où la France était encore gouvernée par le nabot épileptique, frénétique et caractériel qui a précédé François Hollande. Le même nabot qui n’a qu’un rêve : succéder à son successeur. Autrement dit, faire de son successeur son prédécesseur.

 

Et son vaincu, en espérant le faire vite oublier en le renvoyant au passé. Il se voit déjà posant pour les caméras, en tenue de brousse, avec sa botte de cuir sur le crâne du buffle, en arborant sa carabine Auguste Francotte chambrée en 600 Nitro Express (balle de 58 g.). On me dira que comparer Hollande à un buffle, moi qui le vois autrement, ... Et que, pour un tel humain, les 10,2 g. du 357 magnum sont amplement suffisants.

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On voit bien qu'il a encore quelques plumes à perdre.

A cette époque, j’avais encore la faiblesse et la naïveté de me gausser du cheptel politique dont les journalistes se disputent le privilège de monter si volontiers en épingle la moindre rumination, le moindre meuglement, jusqu’à la moindre émanation méthanisée qui sort de leur anus. Depuis, j’ai compris qu’il était vain de moquer, de brocarder, de prendre la chose à la plaisanterie. Ces petites gens ne me font décidément plus rire, à force de faire semblant de savoir et de pouvoir.

 

Je m’inspirais d’une sorte de bible : La Fleur des Saints, d’Omer Englebert (éditions Albin Michel).

 

**************

 

Curieusement, l’histoire raconte que Fiacre Hollande (pas encore "saint", et pour cause) est né en Irlande, et qu’il est mort en Seine-et-Marne, en un lieu qui lui était probablement prédestiné et qu'on avait donc spécialement aménagé pour l'accueillir, puisqu’il s’agit de la commune bien connue de Saint-Fiacre-en-Brie, où l'on montre encore sa tombe. 

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Il y a été enterré autour de 670 de notre ère. Après une vie déréglée (il fut appelé « le tombeur de ces dames »), il décida pour se racheter de passer la fin de sa vie dans un lieu retiré et de se consacrer au recueillement, au jeûne, à la continence, à la mortification, à la pénitence. En un mot, à toutes sortes de macérations. Il n'est pas sûr qu'il ne se soit jamais flagellé.

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J'aime bien ce dessin de Dubouillon.

C'est ainsi que saint Fiacre Hollande, grâce à Saint Faron – lui-même fils d’une biche, d’où, évidemment, vient notre « faon Faron », dont la célébrité a atteint la Côte d’Azur puisqu’on a donné son nom à une montagne qui domine le port de Toulon – fut autorisé à devenir ermite en forêt de Brie. On ne sait comment grandit sa renommée.

 

Toujours est-il qu’il reçut des visiteurs, qu’il remerciait en priant pour eux, et en distribuant consolations et bons conseils (je n’invente rien). Il lui arrivait de les guérir. C'est même resté dans les annales des médecines parallèles : le pèlerin qui, s'asseyant sur la pierre où le saint s'était lui-même assis pendant toutes ses années d'ermitage, y posait ses hémorroïdes avec suffisamment de piété, se voyait immédiatement guéri de son mal, qu'on appela pour cette raison le « mal de saint Fiacre Hollande ». Les archives n'en disent pas plus.

 

Il nourrissait en cas de besoin les pèlerins des légumes de son jardin, souvent des haricots, qui faisaient ses seules délices, et qui portent encore son nom. Surtout, il savait parler aux gens : toujours suave, toujours caressant, presque tendre, il atteignait ses auditeurs au fond de leur cœur, imperméable aux propos de quelques vilains jaloux qui ne se privaient pas de brocarder ses défauts. Ils se moquaient de son élocution d’ancien bègue ou du format de son abdomen, deux tares indignes du rôle de guide charismatique auquel il prétendait. Lui se défendait en soutenant que, s'il n'était ni orateur, ni éloquent, c'était par un choix délibéré : « Je veux rester normal ».

 

Heureusement, Fiacre Hollande était au-dessus de cette bave crapaudale, et allait son chemin vaillamment. Si certains lui auraient vu les manches de lustrine et le « rond de cuir » dont Courteline et Maupassant ont fait le symbole de la bureaucratie fin-de-siècle, il se voyait quant à lui sur la plus haute marche du podium électoral.

 

Malheureusement, un journal d’opposition déterra une malheureuse affaire où un de ses ancêtres, Quintianus Hollandus, avec lequel il offre d'ailleurs une ressemblance de visage tout à fait spectaculaire (voir la gravure d’époque, ci-dessous), avait fait torturer celle qui devint plus tard sainte Zita Trierweiler. Cette affaire lui coûta le poste de consul. Mais il se vengea en faisant mieux : il se fit sacrer roi de France.

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La preuve, c’est qu’Anne d’Autruche, cette reine bien connue pour sa gloutonnerie, eut recours à ses miracles en 1637. Son vœu d'avoir enfin un enfant mâle fut exaucé : elle régurgita par le fondement un certain Louis, 14ème du nom, qui devait acquérir par la suite une certaine renommée. En remerciement, une médaille du saint ne quitta jamais le cou de Louis, l'heureux père de p'tit Louis.

 

C’est d’ailleurs de cette curieuse circonstance que s’autorisa Monsieur Sauvage qui, en 1640, investit dans une compagnie de taxis, qu’il baptisa « voitures de Saint-Fiacre », tout ça parce qu’elles étaient attachées à l’hôtel de Saint-Fiacre, rue Saint-Antoine. Omer Englebert ajoute, p. 282, que « les fiacres étaient tirés par un vieux cheval désabusé, que conduisait un cocher haut-perché, armé d’un fouet, surmonté d’un gibus ». Un « vieux cheval désabusé » ! Omer Englebert écrit parfois comme Alexandre Vialatte.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

Note : il va de soi que la plupart - ou presque - des données figurant dans cette note ont été puisées aux sources les meilleures et les plus sûres.

 

vendredi, 10 janvier 2014

ALORS ? DIEUDONNé ?

 

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C'EST VRAI, ÇA, IL N'Y A PAS QUE KALACHNIKOV DANS LA VIE, IL Y A AUSSI LE FAMAS

(Explication à la fin)

« Saint Dieudonné ou Deusdedit (6ème siècle). – A Rome où il était cordonnier de son état, il avait eu le futur pape, saint Grégoire le Grand, comme voisin. C’est par lui que nous savons que, chaque samedi, Dieudonné allait porter aux pauvres et aux malades ce qu’il avait économisé durant la semaine à leur intention. » (Omer Englebert, La Fleur des saints, Albin Michel).

Voilà, c'est fait. Monsieur Manuel Valls a obtenu satisfaction : le spectacle de Dieudonné à Nantes a été interdit in extremis et précipitamment par une justice qui donne toutes les apparences d'être à la botte. « Victoire de la République », entend-on tomber de la bouche prétentieuse du ministre franc-maçon. J'ai plutôt l'impression que le ministre a eu la peau d'un homme érigé en ennemi personnel, peut-être pour des raisons de calcul personnel qui ne m'intéressent pas.

Alors l’antisémitisme supposé de Dieudonné, maintenant ? Oui, je sais, il a fait monter Faurisson sur scène, je ne sais qui (Jean-Marie Le Pen ?) est le parrain d’un de ses enfants, et autres fatrasies que j’ignore ou que j’ai oubliées. Il existe, semble-t-il, des « indices concordants », voire, comme on dit dans les enquêtes, un « faisceau de présomptions ». Peut-être. A cela j’ai envie de répondre : « So what ? ». Oui : et alors ? Je ne suis pas policier et, même si je porte des jugements, je ne suis pas juge, puisque je n'en ai pas l'habit.

Excusez-moi si je ne suis pas comme l’ahurissant chroniqueur du Monde Gérard Courtois, qui reprend le refrain : « L’antisémitisme n’est pas une opinion, c’est un délit ». Façon superbe et commode d'effacer d'entrée le contradicteur du paysage, exactement comme les Soviétiques éliminaient des photos officielles les dignitaires tombés en disgrâce. Jolie façon de réécrire l'histoire en la niant. 

Une telle phrase illustre exactement ce qu'est un déni de réalité, car si l’antisémitisme est un délit, il n’en reste pas moins, qu’on le veuille ou non, une opinion. Autant dire, à ce moment, que le « grand excès de vitesse », tout en étant un délit, n'est pas un comportement. Ou que le viol, qui est un crime, n'est pas un acte sexuel.

Une opinion, un comportement peuvent parfaitement être délictueux, sans cesser d'être pour autant une opinion et un comportement. Une telle dénégation est purement et simplement idiote. Aucun interdit n'a jamais anéanti  son objet de facto. La preuve ? L'envie de meurtre chez le serial killer cesse-t-elle à cause de l'interdit légal censé le dissuader ?

Et le violeur sait exactement le risque qu'il prend en agressant sa proie. La loi freine le passage à l'acte et dissuade ceux qui contrôlent à peu près leurs pulsions (et qui n'ont le plus souvent pas besoin de la menace légale pour ne rien commettre d'illégal), mais ne saurait abolir le délit. Elle n'est d'ailleurs pas faite pour ça. Et on le comprend : comment faire pour empêcher les gens de penser ce qu’ils pensent ? Surtout, de quel droit certains s'arrogeraient-ils le droit de le leur interdire ?

La loi devrait être faite pour punir exclusivement des actes. Toutes celles qui ont été faites pour satisfaire la « sensibilité » de telle communauté, de telle minorité, de tel groupe, pour quelque motif que ce soit, sont des lois infâmes. En particulier, celles qui punissent de simples paroles : les motifs pénaux inventés pour rassasier les appétits de vengeance des clientèles minoritaires des partis politiques avides de bulletins de vote, comme « incitation à la haine raciale », « négationnisme » et autres joyeusetés, sont à considérer comme des infamies.

Une telle liste, appelée à s'allonger perpétuellement (« homophobie, sexisme, islamophobie, machisme, ... », pourquoi cela s'arrêterait-il ?), est un nœud coulant passé au cou de la liberté. Le lynchage en est l'aboutissement logique, mais armé du sceau de la légitimité officielle. Ce sont autant de bombes à retardement où le législateur fou a mis la haine à mijoter, en espérant qu'elle n'explosera pas de son vivant. « Après moi le déluge » semble être le raisonnement de ce grand courageux. Nous verrons ce qu'il en est aux prochaines élections.

Appelons les choses par leur nom : l’antisémitisme, selon la loi française, est un « délit d’opinion », vous savez, ce scandale dénoncé en son temps par Voltaire en personne : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous puissiez le dire », phrase souvent citée, phrase ô combien fondatrice, mais de plus en plus mise à mal dans la pratique, dans le pays même où est née la belle idée de « tolérance ».

Imaginez un beau « débat démocratique », où l’on donnerait la parole à un seul orateur. Ah oui, ça aurait de la gueule.  Et écoutez-la, la clameur publique ! Unanime ou presque ! Je ne sais pas vous, mais moi, l’unanimité, ça me fout la trouille. Reniflez bien : l’unanimité laisse exhaler des relents d’Union Soviétique, de Politburo et de Commissaire du peuple, à l'époque bénie où les artistes étaient sommés, par Jdanov et sa clique, dans toutes leurs démarches créatrices, de se soumettre à la loi du Parti, qui ne respirait et ne chantait que l'air du « réalisme socialiste ». L'artiste qui refusait d'entrer dans le moule était forcément un ennemi du peuple.

Toutes proportions gardées, regardez, dans le Vie et destin de Vassili Grossman, le représentant du Parti qu’on a collé dans les basques des soldats qui se battent héroïquement à Stalingrad, et qui ne craint pas d’envoyer un de ces héros à la Loubianka se faire broyer par la machine KGB pour des motifs de non-conformité. On n’en est pas là, et Dieudonné n’est sûrement pas un héros. Mais la mentalité écœurante qui appelle à interdire ses spectacles n’est pas si éloignée que ça.

De même que la loi et les forces qui vont avec n’empêchent pas la drogue (voir hier) de se vendre et de s’acheter, de même la loi ne saurait empêcher un antisémite d’être antisémite. Le problème, me semble-t-il, est peut-être logé dans le fait qu’il y a des antisémites chez nous. Je regrette cette présence, mais je doute que quiconque soit en mesure (je me répète) d'interdire à qui que ce soit de penser ce qu’il pense.

Et d’abord, je demande que les bonnes âmes bien de chez nous et bien confites dans le sucre unanime du moralisme le plus conforme fassent un petit détour par les discours tenus au vu et au su de tous dans beaucoup de journaux du Proche-Orient, appelant aujourd’hui même à l’éradication de l’Etat d’Israël, voire à l'extermination des juifs. Nul ne peut nier cet antisémitisme.

Ensuite, le problème, si je regarde seulement ce qui se passe en France, je demande qu’on se demande s’il est bien normal et acceptable que certains (appelons-les « les associations ») veuillent contrôler ce qui se passe dans l’esprit des « gens », et s’érigent en gourdins mâtinés de guillotine pour assommer et décapiter toutes les têtes qui « pensent mal » au motif que « c’est pas bien » de penser ce qu’on pense. Si je ne suis pas d’accord avec Untel, de deux choses l’une : je discute ou je me barre. Je ne suis pas Commissaire du Peuple.

Ce qui me fait peur dans l’ambiance actuelle, du genre « les chiens sont lâchés », c’est ce que souligne Elias Canetti dans Masse et puissance : la meute, dernier stade avant la formation d’une « masse ». Dans les moments les plus forts de l’application du « plan Vigipirate », l’omniprésence d’uniformes de policiers et de militaires armés dans les lieux publics ne m’a jamais rassuré, bien au contraire. Rien de tel pour instaurer un vrai climat de peur.

Enfin, tant qu’ils gardent l’index posé bien droit sur le pontet de leur FAMAS, en prenant bien soin de ne pas effleurer la queue de détente. On ne sait jamais, un mauvais coup est si vite parti (le 5,56 NATO a une vitesse initiale de 1300 m/s, je ne sais pas si vous voyez ce que ça peut faire dans une gare bondée).

Voilà ce que je dis, moi. 

 

 

mardi, 18 septembre 2012

MUSIQUE TECHNO : L'AGRESSION

A partir d'aujourd'hui, et pendant quelque temps, les amateurs et les curieux peuvent visiter l'album de photos ci-contre, où j'ai rassemblé quelques-unes des effigies des obscurs héros qui, jour après jour, font en sorte que la langue travaille sur elle-même, se ressource en explorant ses propres profondeurs, se renouvelle en s'efforçant de cultiver une certaine idée de la beauté. On les appelle du drôle de nom de POETES. J'espère qu'il est inutile d'indiquer qui est (peut-être, on n'est pas tout à fait sûr) placé à la porte d'entrée de l'album.

 

 

 

Pensée du jour : « Quand nous avons raconté des légendes, c'est que nous n'avions rien de mieux sous la main. Toutes les légendes ne sont d'ailleurs pas à mépriser. Une hyperbole n'est pas un mensonge ; et bien des légendes, en dépit de leurs embellissements et de leurs miracles, contiennent un fond de vérité ».

OMER ENGLEBERT

 

 

S’il est donc bien vrai qu’on est ce qu’on écoute, alors franchement, je ne voudrais pour rien au monde contempler l’intérieur d’un « raver » (prononcer « rêveur »). Quel est le mystique contemplatif qui a dit que la musique adoucit les moeurs ? Tout ça, c'est des fariboles. C'est fini.

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Je l’imagine fort bien carbonisé, tout cabossé par les décibels (et pas seulement). Remarquez, cela autorise peut-être à les considérer comme « en phase » avec leur époque. Car il faut bien dire que la carrosserie de l'époque actuelle ressemble à celle d’une voiture après un violent orage de grêle.

 

 

J'ai un reproche final à faire à la techno. Ce n'est pas une "culture", c'est un SYMPTÔME. Car le son musical (le vrai) obéit à quatre paramètres principaux : le timbre (quel instrument ?), la hauteur (aigu / grave), la puissance (de pppp à ffff), la durée, qu'un nommé "compositeur" fait varier au gré de son "inspiration". 

 

 

 

Sans entrer dans les détails, je reproche à la techno de réduire le son musical à sa plus simple expression : le tempo (le plus rapide possible) et l'intensité (le plus de décibels possible). La techno, c'est la pauvreté musicale, la misère sonore la plus abjecte, à laquelle le fabricant ajoute la puissance électrique pour en masquer le dénuement foncier.

 

 

 

Une fois les quatre paramètres décidés par le DJ ("jockey de disque", que je traduis en français, et sans contresens : qui fait du cheval sur le disque !), on envoie la sauce. Il est vital ensuite de ne rien changer, ou alors des virgules et des queues de cerises. Il importe d'instaurer une implacable uniformité de fond.

 

 

Changer de tonalité (modulation) ? D'abord qu'est-ce que c'est, la tonalité ? Introduire une mélodie ? Vous dites ? Mélodie ? Connais pas. Exploiter la dynamique (du pianissimo au fortissimo) des sons ? Tu m'insultes ? Passer d'une saltarelle à une valse (changer de rythme) ? Tu te fous de ma gueule, ou quoi ? Vous avez compris : même si le DJ est monégasque et passé maître dans l'art d'infliger des scritch et des scratch au malheureux microsillon, dès que vous lui parlez vraiment de musique, vous lui parlez chinois.

 

 

 

Le DJ est payé pour être habile, pas pour connaître la musique. Il manipule du tout prêt, il combine de l'existant, il recrache du prédigéré. Mais il est désespérément incapable d'inventer quoi que ce soit de nouveau. Disons, si vous voulez, que la musique techno associe curieusement ce qu'il y a de plus archaïque dans les musiques humaines (la REPETITION indéfinie : écoutez les musiques des traditions arapaho, aka, aborigènes, tchouktches ou nénètses) et la puissance de l'électricité. C'est à peu près tout.

 

 

 

Maintenant, si l'on veut comprendre ce que signifie le phénomène, on peut sans doute mettre la musique techno en relation avec les morceaux de métal que certains s’enfoncent dans la viande pour orner une ou plusieurs parties (en général, mais pas forcément) visibles de leur cuir. Elle est sans doute aussi conforme à l’habitude de certains de se faire injecter dans le derme diverses encres colorées et indélébiles, pour en orner la couche la plus épidermique de fort décoratives figures "artistiques".

 

 

Tel s’en remettra, pour son biceps, à la grâce d’un idéogramme chinois pour déclarer à sa belle « je ne suis heureux qu’avec toi, ma perle de rosée ». Telle autre aimera que s’envole, au-dessus du sillon de ses fesses ou de sa toison pubienne, un superbe papillon émeraude et grenat aux ailes majestueuses bordées de noir. Un « biker » doté de moyens fera appliquer sur son torse musculeux un rapace aux ailes largement éployées, armé d’un bec et de griffes redoutables (pour faire peur aux décibels, sans doute). TATTOO 4.jpg

 

CI-CONTRE, ON CUMULE 

(SPHINX "TÊTE DE MORT", SANS PARLER DU RESTE, MAIS TRISTES COLORIS, PAS COMME LES YAKUSAS)

 

Enfin, certains n’hésitent devant rien : pour eux, ce sera l’image de ce qui reste de la tête humaine  après que la chair en a été ôtée au moyen d’un suffisant séjour souterrain par diverses formes vermiculaires de la vie : « Quand de la chair, que trop avons nourrie, Elle est pieça devoree et pourrie » (FRANÇOIS VILLON. En cadeau : « Quelques vers de Maître François », ajouterait Tonton GEORGES).

 

 

L’avenir est donc à la scarificationSCARIFICATION 1.jpg – prochaine étape en perspective. Nous verrons bien si la scarification des dites chairs viendra, telle la cerise du désir de "vivre à fond" sur le gâteau de la "pleine réalisation de soi", tel le pyramidion coiffant sommitalement la pyramide, porter à son comble la parenté de notre civilisation vieillissante avec les coutumes les plus coutumières et les us les plus usuels de l’humanité humaine la plus archaïque, dans une sorte de mouvement mobile de ressourcement au sein des origines originaires. Une façon de boucler la boucle, quoi.

 

 

Au fond, quand on regarde les manifestations visuelles (tattoo, piercing, scarification, mais aussi tag, graff, etc …) et sonores (techno, rap, slam, …) de l’époque actuelle, n’y a-t-il pas une relative cohérence ? Il est certain qu’on veut se manifester au dehors : à quand la "piercing pride" ? La "tattoo pride" ? C'est certain, on tient à poser sa marque sur soi-même, et à la brandir comme un étendard. S'affirmer ? Sans doute. Faire croire que cela constitue un nouveau message, une nouvelle "bonne nouvelle" (évangile) à offrir à l’humanité ? Le mythe de Narcisse est plus ancien que ces vaguelettes à la surface de la mare aux canards boiteux. 

 

 

 

On voudrait bien faire croire qu’on invente les formes et les contenus de l’avenir. Mais en réalité, on est porteur d’un simple créneau sans autre horizon que lui-même, destiné à écouler les produits d’une filière marchande, et à être remplacé dès que le besoin mercantile s'en fera sentir. Le futur s’élabore dans des bureaux d’études, avec pour objectif d'en faire quelque chose de rentable.

 

 

Certes, il s’agit d’une génération bien précise et située dans le temps, les circonstances et les modalités. Mais si vous voulez le fond de ma pensée, il semble qu’il y ait un point commun à toutes ces affirmations de soi, sur soi et hors de soi. Avec pour seul contenu la touillette qu'on tourne dans la tasse du cercle vicieux de sa pauvre envie. Le thème qui est la signature de la dite génération ? Appelons-le :  

 

L’AGRESSION.

 

 

Agression, le tag. Agression, le graff. Agression, la posture du rappeur. Agression le décibel de la techno (c'est dans quel film de FEDERICO FELLINI, l'immense entrepôt qui fait figure d' "enfer musical" ?). Et si l'on va par là, agression publicitaire, agression télévisuelle ... Finalement, qu'est-ce qui n'est pas une agression, dans le monde cabossé que nous avons fait ?

 

 

Voilà ce que je dis, moi.